Analyse de pratique S6A

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Analyse de pratique S6A
Date: mardi 4 mars 2014
Benjamin Beaugé
ANALYSE DE PRATIQUE
Stage 6A
5B
• Lieu: Service de dialyse péritonéale Bayard, clinique du Tonkin
• Date: Lundi 24 février 2014, 10h
• Acteurs: Mr. B, infirmière, stagiaire infirmier, médecin
• Situation: Mr. B, 72 ans vivant avec sa femme et ayant 2 enfants qu'il voit
fréquemment à été diagnostiqué avec une nephroangiosclérose. Cette pathologie
lui a provoqué une insuffisance rénale qui a provoqué quelques mois avant sa
première hospitalisation une aggravation de son hypertension artérielle et un
essoufflement du à un léger œdème pulmonaire. Suite à une concertation
médicale, il lui sera posé le 13/01/14 un cathéter de dialyse péritonéale.
• Lors du rendez-vous de premier pansement, une semaine plus tard selon le
protocole (20/01/14), Mr. B est très renfermé. Il est accompagné de sa fille qui
pose beaucoup de questions telles que: Cela sera combien de jour par semaine?
Combien de temps cela prend? Etc... En entendant les réponses des infirmières,
Mr B et sa fille sont très surpris (négativement). Ils trouvent que c'est très
contraignant. En effet ils pensaient que la dialyse péritonéale permettait de n'être
dialysé qu'une fois par semaine. Le patient ajoute même que "l'autre dialyse
aurait sûrement été moins contraignante". Il dit que si c'est trop contraignant, il
demandera à passer en hémodialyse. L'équipe demande alors au médecin qui le
suit d'être présent le jour du premier essai de dialyse péritonéale pour lui
expliquer la situation.
• Le premier essai (méthode de double poche de dialyse péritonéale) a eu lieu le
27/01/14. Le patient accepte mieux l'idée de la dialyse péritonéale et semble plus
détendu. Le médecin passe le voir à 12h et lui dit qu'il pourra passer sur la
méthode du cycleur, une machine qui automatise les cycles de drainage et
d'injection et qui permet d'être dialysé la nuit en dormant. Cette méthode
convient bien aux patients qui drainent bien. Or, le patient à des difficultés à
drainer en position couchée, ce qui fait sonner le cycleur plusieurs fois pendant la
nuit. Le patient et sa femme en ont marre et arrêtent régulièrement la machine
au milieu de la nuit pour pouvoir dormir. Les analyses du patient deviennent
mauvaises et il est alors décidé avec lui de lui faire suivre la formation pour
effectuer la méthode de double poche, dite manuelle, de façon autonome chez
lui.
• Au cours des nombreux rdv de formation du patient, celui-ci montre qu'il connaît
le protocole, mais les gestes restent souvent brusques et rapides et il oublie
souvent de passer la solution hydro alcoolique avant le branchement.
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• Observation, étonnement: Comme le patient s'énerve et s'impatiente quand on lui
signale ses erreurs, et qu'il effectue toujours ses gestes à la hâte et de façon
souvent désordonnée, je me suis posé la question de savoir s'il n'y avait pas de
pathologie annexe (Alzheimer, Parkinson ou autre) qui aurait pu expliquer ses
gestes hésitants et ses difficultés. Comme le patient se braquait dès qu'on
essayait de voir avec lui ce qui n'allait pas, nous avons conclu que la réaction du
patient pouvait être purement liée à une notion culturelle, face à une équipe
uniquement féminine.
• Difficultés et points à approfondir: Comme nous nous sommes retrouvés en
difficultés vis à vis de la dialyse du patient et de ses chiffres de plus en plus
préoccupants et que le mini mental score que je lui ai fait passer n'a pas permis de
mettre en évidence une dégénérescence de ses fonctions cognitives, il nous fallait
approfondir les raisons pour lesquelles le patient se braquait afin de mieux voir ce
qui se jouait dans la relation.
Après avoir discuté un moment avec lui, il a fini par se détendre un peu et se
confier à moi. Au vu de son histoire de maladie, il m'explique qu'il a un grand
besoin d'autonomie et qu'il fuit le milieu médical autant que possible car la
maladie lui fait peur. C'est pour cette raison qu'il était déçu que la dialyse prenne
autant de temps et d'espace dans sa vie, et que tout comptes faits, l'hémodialyse
lui aurait permis de n'être dialysé que 3 fois par semaine et pas tous les jours.
Après cette première déception il me dit qu'une semaine plus tard, au premier
essai il était un peu apaisé car il avait réalisé que cette méthode l'éloignait du
milieu hospitalier et lui permettait, moyennant une certaine organisation, de
voyager dans son pays natal. En essayant de comprendre du coup pourquoi il
s'énervait durant la séquence d'éducation thérapeutique, il m'explique qu'il ne
s'énerve pas contre l'équipe soignante, mais contre lui-même. Il dit avoir travaillé
des années dans l'imprimerie à faire des mélanges d'encres très précis lui
demandant beaucoup de rigueur, et qu'à 72 ans il a maintenant du mal à retenir
certaines étapes de la manipulation et manque de rigueur, ce qui l'énerve au plus
haut point. Il perd ses moyens en se mettant beaucoup de pression car il a très
hâte d'être autonome chez lui.
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• Le concept d´Autonomie
• L’autonomie n’est pas synonyme d’indépendance, mais elle représente la
capacité à gérer des dépendances (ex prise de décision/ handicap physique).
• L’autonomie est un concept à mettre en lien avec la dépendance, mais ce n'est
pas du tout son opposé. L’autonomie vient de l’individu même, alors que la
dépendance est une relation sociale. Dans le cas d'un patient dialysé qui gère
son traitement à domicile par la méthode péritonéale par exemple, celui-ci sera
dépendant du livreur de poches, du médecin qui les prescrit et de l'infirmière
qu'il va voir une fois par mois. Mais il est autonome; il a cette capacité à gérer
ses dépendances.
• Une personne dépendante a besoin d'une tierce personne, par exemple un
membre de sa famille, soignant, auxiliaire de vie, pour assurer et satisfaire
certains de ses besoins fondamentaux.
La dépendance exige la mise en place d'aides (matériel ou personnes) adaptées
et personnalisées pour permettre à la personne de vivre décemment malgré sa
maladie, son handicap, sa perte d'autonomie.
• Selon le diabétologue Gérard Reach qui s'interroge dans son ouvrage
"Pourquoi se soigne-t-on?" sur les mécanismes de l’observance du patient, la
préoccupation de l'équipe soignante est de contribuer à l’autonomie du patient.
❖ Dans une conception psychologique de l’autonomie, l’individu autonome est capable
de choisir en fonction de ses valeurs et de ses préférences qui traduisent son
individualité.
• Car le patient est un individu et vient avec sa culture, ses représentations, son
caractère et il a une notion qui lui est tout à fait propre de son autonomie. Il
est donc indispensable d'en prendre compte lors de sa prise en charge afin de
l'adapter aux attentes du patient. Ce qui pour nous est l'autonomie ne l'est pas
forcément pour lui, on rappelle que l'autonomie est intrinsèque à l'individu.
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• L'éducation thérapeutique (ETP)
• Selon l’OMS:
❖ L’éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou
maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une
maladie chronique.
• L'éducation thérapeutique est un des rôles de l'équipe soignante qui va avoir un
rôle d’information, de conseil et d’apprentissage. Le but étant de faire en sorte
que le patient puisse gérer sa maladie et son traitement, et aider à faire en sorte
que le patient vive avec sa maladie, se l'approprie et la maîtrise au mieux. Il
doit être capable de reconnaître ses symptômes, ses crises, les conduites à tenir
le cas échéant, les recommandations nutritionnelles adaptées etc. Il doit aussi
être capable de prévenir les complications évitables.
• Comme vu précédemment, une éducation thérapeutique adaptée doit tenir
compte d'une multitude de facteurs que le patient amène, car ce sont les outils
qui vont nous servir afin d'accompagner le patient dans son autonomisation. Il
s'agit de l'aider à faire des choix éclairés afin d'atteindre le degré d'autonomie
que celui-ci souhaite.
• La séquence d'éducation thérapeutique doit s'adapter donc au patient, mais il
est utile de structurer celle-ci pour récupérer un maximum d'informations sur
celui-ci et adapter au mieux notre suivi. De façon classique, elle se découpe en
quatre partie:
❖ 1) Le diagnostic éducatif: ici vont s'identifier les besoins du patient et ses
attentes. Le soignant va essayer de faire le tour des facteurs dépendants
du patient et pouvant influer sur sa capacité d'apprentissage. Il va
évaluer les facteurs favorisants (tels que la famille présente), et les
facteurs qui pourraient mettre la séquence éducative en difficultés
(barrière de la langue, culture, etc). Il va aussi essayer d'évaluer ce que le
patient sait au préalable de sa pathologie et du traitement qu'on lui
propose. Le soignant va aussi se renseigner sur l'impact du traitement ou
de la pathologie elle-même sur la dynamique familiale ou professionnelle.
❖ 2) Le contrat d’éducation thérapeutique: Il va alors y avoir une négociation
entre le patient et l'équipe soignante sur les compétences à acquérir au
sein d’un programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) en
tenant compte des besoins du patient et des choix thérapeutiques. Le
contrat doit être réaliste et doit donc faire intervenir directement le
patient afin de fixer ensemble des objectifs qui pourront être évalués.
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❖ 3) La mise en œuvre du programme personnalisé d’éducation thérapeutique du
patient: L’application de l’ETP repose bien sûr sur les informations
collectées au cours du diagnostic éducatif et sur les objectifs spécifiques
fixés. Il est donc indispensable qu’elle soit personnalisée. De ce fait il
n’est pas possible de standardiser un programme d’ETP. Si les objectifs
fixés sont donc personnalisés, les moyens ou médias utilisés le seront
aussi. La mise en œuvre du programme personnalisé d’éducation
thérapeutique devra s’adapter aux canaux d’apprentissage privilégiés du
patient. De ce fait, le soignant pourra proposer différents moyens au
patient pour retenir, par exemple, une séquence de gestes afin de réaliser
ses soins. Dans ce but, il pourra proposer au patient d’écrire ou de
dessiner son soin, d’y ajouter des couleurs, de l’entendre, de le voir, ou de
le réaliser plusieurs fois.
❖ 4) L’évaluation des compétences acquises, du déroulement du programme:
L’étape de l’évaluation sert au soignant à voir ce qui a été compris, retenu
et maitrisé, et aussi à moyen et long terme ce qui reste, ce qui a été
oublié, ce qui reste difficile pour le patient. En effet, l’évaluation est un
processus dans lequel le patient va rester longtemps voire toujours, car
elle doit se faire en continu. Juste après la séquence d’ETP, l’évaluation
sert à vérifier que tout est bien compris et que le patient connait les
recommandations adaptées à sa pathologie ou sait réaliser les gestes de
soins que sa condition nécessite. Elle évalue alors la mémoire à court
terme. Il serait dangereux de s’arrêter la: une ou des évaluations à moyen
et long terme sont donc mises en place en accord avec le patient, afin de
voir une semaine, un mois ou même un an plus tard, si la séquence
d’ETP est toujours efficace, ou s’il est besoin d’une piqûre de rappel.
Cette évaluation à moyen et long terme prend souvent la forme d’une
consultation chez le médecin traitant ou le spécialiste qui suit le patient
ou encore d’un passage d’un infirmier à domicile.
• Pour conclure sur l’Education Thérapeutique du Patient, une citation de
Confucius:
❖ Montrer n'est pas former:
Tu me dis, j'oublie.
Tu m'enseignes, je me souviens.
Tu m'impliques, j'apprends.
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• En conclusion
• Les dernières révélations du patient nous ont permises d'adapter notre
discours et nos méthodes d'éducation thérapeutique. Il a été décidé de
prendre le risque de laisser le patient changer ses poches à domicile afin de lui
rendre son autonomie, mais de demander au médecin une prescription pour
un passage d'un infirmier à domicile deux fois par semaine la première
semaine puis une fois par semaine ensuite si tout se passe bien.
• Le patient est très content de cette solution et les infirmiers libéraux qui
passent chez lui nous ont dit qu'il gérait très bien ses manipulations, avec
rigueur et dans les règles d'hygiène. Cela a rassuré l'équipe soignante et l'a
conforté dans l'idée que le patient se mettait une grosse pression pour
regagner son autonomie et vivait difficilement la relation d'éducation
thérapeutique dans le sens ou il avait peur de passer pour quelqu’un de non
rigoureux, et peur aussi de pas être autorisé à réaliser ses soins à domicile.
• Il n'est parfois pas évident de bien orienter son discours quand on se trouve
devant un patient qui n'ose pas se confier. C’est alors du devoir du soignant
d’insister, et de ne pas s’arrêter à la surface. Il est en effet primordial de bien
identifier ce qui se joue dans la relation et les réels besoins du patient lors d'un
soin, un accueil ou une séquence d'éducation thérapeutique. L’ETP telle
qu’elle se pratiquait dans ce service a été pour moi un énorme enrichissement
tant elle faisait appel à tous les concepts vu en cours. Une constante mise en
application des notions de psychologie, de relation de soin, d’accueil,
d’encadrement, d’apprentissage, de communication verbale et non verbale.
• Après de multiples expériences de ce type, je me sens compétent pour gérer ce
genre de situations à l’avenir, si elles se présentent à moi. En plus de me
donner de l’assurance et de l’expérience dans ce domaine, elles ont confirmé
mon envie d’exercer dans un secteur où je pourrai utiliser ces compétences au
maximum.
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