LES REGLES DE LA CONCURRENCE LES ABUS DE POSITION
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LES REGLES DE LA CONCURRENCE LES ABUS DE POSITION
GUY CHARRIER CONSULTANT AVRIL 2010 LES REGLES DE LA CONCURRENCE LES ABUS DE POSITION DOMINANTE Conférence CUTS Dakar, Sénégal Les abus de positions dominantes constituent l’un des comportements répréhensibles au regard des règles de la concurrence. Pour rappel, les principes : interdiction des ententes horizontales et verticales anticoncurrentielles interdiction des abus de position dominante 1) L’entente horizontale: les entreprises concurrentes sur un même marché décident de réduire leur production et de pratiquer toutes un prix élevé décidé en commun en renonçant à leur rivalité. 2) L’entente verticale: un producteur disposant d’un certain pouvoir de marché restreint la concurrence entre ses distributeurs au-delà de ce qui est nécessaire pour obtenir une distribution efficace de ses produits et/ou empêche l’accès d’autres distributeurs que ceux qu’il a choisi à ses produits et/ou établit une relation d’exclusivité avec certains distributeurs pour empêcher des concurrents d’être distribués. 3) L’abus de position dominante : Une entreprise disposant d’un monopole ou d’une position dominante utilise son pouvoir de marché pour réduire le rapport qualité prix au détriment des consommateurs ( prix élevés, ventes liées, discrimination) et/ou empêche l’arrivée ou le maintien sur le marché de concurrents (prédation). LE CONTROLE DES ABUS DE DOMINATION Article 88 du traité UEMOA Sont interdits b)toutes pratiques d’une ou plusieurs entreprises, assimilables à un abus de position dominante sur le marché commun ou dans une partie significative de celui-ci ;…. Article 4 du règlement n° 02/2002 CM UEMOA … Article 102 TFUE (ex-article 82) Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à: a) imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitables; b) limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs, c) appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes, en leur infligeant de ce fait un désavantage dans la concurrence, d) subordonner la conclusion de contrats à l’acceptation, par les partenaires, de prestations supplémentaires qui, par leur nature ou selon les usages commerciaux, n’ont pas de lien avec l’objet de ces contrats. « Art. L. 420-2. - Est prohibée, dans les conditions prévues à l'article L. 420-1, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. « Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou pratiques discriminatoires visées à l'article L. 442-6. » 1- Le principe de l’interdiction des abus Selon la Cour de justice des Communautés européennes 1 , la position dominante concerne une : "position de puissance économique détenue par une entreprise, qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure 1 arrêts Continental Can, CJCE arrêt du 21 février 1973 et United Brands, CJCE 14 février 1978 appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs". Mais seuls les abus de positions dominantes sont condamnables et non pas les positions dominantes en tant que telles. Le contrôle des abus de position dominante suppose une démarche en plusieurs étapes : il convient en premier lieu de déterminer la position dominante, ce qui suppose de délimiter le marché pertinent, puis de constater la puissance économique de l’entreprise ou du groupe d’entreprises en cause sur ce marché ; en second lieu, l’abus doit être identifié, pour évaluer son impact sur la concurrence. 2- Le détermination d’une position dominante La délimitation des marchés L’évaluation de la puissance sur un marché La puissance sur un marché s’apprécie selon un faisceau de critères, sans qu'il soit possible de privilégier l'un ou l'autre de ces critères, ces critères pris isolément (y compris la part de marché de l’entité économique considérée ) n’étant pas suffisants pour caractériser une position dominante. On peut donc à cet égard distinguer des indices propres à la structure des marchés, et des critères liés à la structure de l'entreprise en cause. a) Les critères liés à la structure du marché pertinent Il s’agira principalement de se livrer aux analyses ci-après pour vérifier le caractère concurrentiel du marché. Déterminer le degré de concentration de l’offre : il s’agit de décompter le nombre d’entreprises opérant sur le marché en distinguant éventuellement la situation avant les pratiques ou l’opération et après renforcement : il sera difficile de détecter une position dominante dans un marché très atomisé et dans lequel l’entreprise en cause n’a qu’une part infime de ce marché, mais si cette entreprise est forte dans ce marché atomisé, l’indice est clair. Inversement, dans un marché oligopolistique, tout dépendra encore plus des parts respectives. À cette fin la méthode de l’indice Herfindahl peut être utilisée. Une méthode préliminaire: Herfindahl : l’utlisation de l’indice Indice Herfindahl = somme des parts de marché de chacun des acteurs, élevées au carré. Exemple n° 1 - Soit un marché de 10 acteurs détenant 10 % des parts de marché chacun : 10 X 10² = 1000 pts Exemple n° 2 - Soit un marché de 6 acteurs détenant pour quatre d’entre eux 20 % du marché et deux, 10 % du marché : 4 X 20² plus 2 X 10²= 1800 pts. Exemple n°3 – soit un marché de trois acteurs, détenant respectivement 30, 20 et 50 % des parts : 30² + 20² + 50² = 3800 points Analyse : Moins de 1000 points : pas de problème à signaler ; entre 1000 et 1800 : problème possible ; Au-dessus de 1800, problèmes sérieux liés à une position dominante. – – – – – – – – – – – – puis affiner en examinant l’éventuelle disparition d’un concurrent significatif ; vérifier les parts de marché des offreurs, leur évolution, puis le niveau des parts de marché cumulées pour les deux premiers concurrents constituant un duopole éventuel ; l’absence de pression concurrentielle exercée par les concurrents restants en vérifiant leurs parts de marché, leurs ventes, la zone de vente et le rayon d’action ; les barrières à l’entrée ; l’existence de comportements parallèles anticoncurrentiels ; l’évolution des prix ; l’existence de liens structurels : commerciaux, technologiques, financiers, autres (familiaux) ; les caractéristiques du marché susceptibles d’inciter à des comportements parallèles : la maturité du marché, l’absence d’innovation technique, l’homogénéité du produit, la transparence des prix, la similarité des coûts, la barrière à l’entrée, la faible élasticité de la demande par rapport au prix, le faible pouvoir économique des acheteurs ; les taux d’investissement ; les taux d’utilisation et le niveau de charge des usines de production, des centres de distribution ; la concurrence au niveau de la demande, ceci conduit à observer le poids des acheteurs, le comportement des acheteurs, les commandes avant les faits en cause et après (par exemple lorsque ses clients diversifient leur type d’achat) ; l’importance des marques (recherche et développement). b) Les critères liés à la structure de l’entreprise Il s’agira principalement de se livrer aux analyses ci-après. – Analyser la position financière de l’entreprise, ses comptes, son appartenance à un groupe, ses investissements … ; – – – – Analyser sa situation par rapport à la technologie, sa détention de brevets, de savoir-faire, son avance par rapport à ses concurrents ; Evaluer ses forces de production, nombre d’usines… ; Analyser ses moyens d’approvisionnement en amont (matières premières, produits semifinis…) et sa dépendance ou force vis-à-vis de ses fournisseurs ; Évaluer sa force dans l’appareil de distribution : possession d’un réseau propre ou participation ou intégration dans un réseau partagé. 3- Les manifestations des abus - - principaux abus : imposition de prix pratiques de prix discriminatoires conditions de transaction non équitables pratique de prix de prédation, c’est-à-dire de prix inférieurs au prix coûtant (coûts marginaux) destinés à l’éviction de concurrents refus de vente ou de prestations de services limitation de la production limitation des débouchés restrictions à l’importation restrictions à l’exportation blocage de technologies acquisition de licence exclusive de brevet ou de savoir-faire subordination de vente ou d’approvisionnement à des achats ou prestations complémentaires Le Conseil de la Concurrence a, dans sa décision 01-D-70, rendu un non lieu dans une affaire de mélasse et du rhum à la Réunion. Il a considéré qu’un groupe intégré verticalement, même en position dominante, était libre de décider d’affecter en priorité sa production d’amont à ses usines d’aval, dès lors qu’une telle décision n’avait pas un caractère artificiel puisque les distilleries en cause disposaient d’un débouche stable à l’exportation. Par ailleurs, il était fait grief aux membres du GIE Rhums Réunion d’avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché du Rhum et de l’alcool cru de canne en pratiquant des prix de vente artificiellement élevés en direction des liquoristes indépendants comme la société Jean Chatel. Si le Conseil a bien reconnu dans cette affaire la présence d’une position dominante collective, il a en revanche estimé que la relation de causalité nécessaire entre la position dominante et l’abus n’était en l’espèce pas établi. Enfin, un grief d’entente avait été notifié à l’encontre du GIE et de ses membres en raison d’une clause limitant l’accès de nouveaux membres alors que le GIE jouait un rôle essentiel dans la commercialisation du rhum dans le département. Cependant, le Conseil n’a pas retenu ce grief en rappelant sa jurisprudence selon laquelle il n’est pas exigé des groupements constitués par des entreprises qu’ils soient ouverts ou, en tout cas, accessibles dans des conditions transparentes et non discriminatoires, que si l’adhésion à ces groupements est indispensable pour accéder au marché, or ce n’était pas le cas en l’espèce. La Commission soupçonne Deutsche Telekom d'appliquer des tarifs anticoncurrentiels pour l'accès à son réseau local. À l'issue d'un examen approfondi, la Commission européenne a adressé à Deutsche Telekom AG (DT) une communication des griefs, dont la conclusion préliminaire est que l'opérateur historique allemand de télécommunications a abusé de sa position dominante en pratiquant des tarifs déloyaux en vue de la fourniture d'un accès local à son réseau de télécommunications fixes (boucle locale). La Commission est préoccupée par le fait que les tarifs d'accès de gros à la boucle locale proposés par DT aux nouveaux arrivants sont plus élevés que ceux qui sont offerts aux abonnés pour l'accès de détail. Cette pratique décourage de nouvelles entreprises de s'implanter sur le marché et, partant, de créer de nouveaux emplois; en ce qui concerne les consommateurs, elle a également pour effet de limiter le choix entre les fournisseurs de services de télécommunications et la concurrence sur les prix. L'action de la Commission, qui résulte de plaintes émanant de Mannesmann Arcor et d'opérateurs locaux et régionaux allemands, fait suite à l'envoi de communications des griefs à Wanadoo, une filiale de France Télécoms, concernant les prix d'éviction fixés par celle-ci pour ses services d'accès à l'internet à haut débit, ainsi qu'à l'opérateur historique néerlandais KPN concernant ses tarifs de terminaison d'appels mobiles. 4- Les cas particuliers 4-1_Les facilités essentielles Principe : Une entreprise détentrice d’une installation essentielle peut être contrainte de mettre son installation à la disposition de ses concurrents ou d’offrir son installation dans des conditions conformes avec le marché Conditions: Facilité essentielle : installation sans l’utilisation de laquelle les concurrents ne peuvent servir leur clientèle Impossibilité de reproduire de manière raisonnable l’installation Mise à disposition possible Abus : refus d’accès ou accès à des conditions discriminatoires, injustes Atteinte à la concurrence Faits exonératoires : raisons objectives 4-2 L’abus sur un marché différent de celui sur lequel l’entreprise en cause détient une position dominante Une entreprise en position dominante peut être amenée également à abuser de cette position sur un marché connexe, amont aval ou connexe. 4-3 La « dépendance économique » Une dépendance économique recouvre la situation de fait dans laquelle se trouve une entreprise A dans sa relation avec une entreprise B, cliente ou fournisseur, caractérisée par une position de puissance telle de B par rapport à A, que A ne peut s’y soustraire. La jurisprudence a dégagé quatre critères pour caractériser cette situation qui se trouve surtout (mais pas seulement) dans les rapports entre fournisseur et distributeur: - la notoriété de la marque, - la part de marché du fournisseur, - la part que représentent les produits du fournisseur dans le chiffre d’affaires du distributeur ; - l’absence de solution équivalente.