La protection des réfugiés en Turquie

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La protection des réfugiés en Turquie
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LA DETERMINATION DU STATUT DE REFUGIE
RMF32
toute la région afin d’accorder une audience équitable aux
demandeurs d’asile en dépit des processus dans divers pays.
Statistiques sur les demandeurs d’asile
Michael S Gallagher SJ ([email protected]) est
représentant à Genève du Service Jésuite aux Réfugiés
(http://www.jrs.net). Il a été jusqu’à récemment
officier régional de plaidoyer pour le Service Jésuite
aux Réfugiés dans la Région d’Afrique australe.
Selon les statistiques provisoires rassemblées par l’UNHCR, le nombre de
demandeurs d’asile dans les pays industrialisés a augmenté en 2008, pour la
deuxième année consécutive. Cette augmentation s’explique en partie par la
hausse des demandes d’asile faites par les citoyens d’Afghanistan, de Somalie et
d’autres pays victimes de déstabilisation ou de conflit. Quoiqu’en 2008, le nombre
de demandeurs d’asile irakiens ait diminué de 10%, les Irakiens forment toujours le
groupe national le plus important demandant asile dans les pays industrialisés.
1. http : //www.lrf.org.zm
2. http : //www.uct.ac.za/faculties/law/research/lawclinic
3. Voir http://www.fahamu.org/srlan/ et http://www.rsdwatch.org/index
_files/Page2171.htm
Le rapport, Asylum Levels and Trends in Industrialised Countries, 2008, [Niveaux et
tendances de l’asile dans les pays industrialisés, 2008], préparé par l’UNHCR, se
trouve sur le site web de l’UNHCR : http://www.unhcr.fr/cgi-bin/texis/vtx/statistics
La protection des réfugiés
en Turquie
Rachel Levitan
La provision de représentation juridique pour
les demandeurs d’asile en Turquie s’avère être
composant vital à l’amélioration des procédures
de Détermination du Statut de Réfugié (DSR).
Chaque année, des milliers de personnes de plus de 40 pays
viennent demander asile en Turquie. Toutefois, comme la
Turquie impose une ‘limite géographique’ à la Convention sur
les Réfugiés’ de 1951, les réfugiés des pays en dehors de l’Europe
ne sont pas éligibles à recevoir la protection internationale du
gouvernement de Turquie. Ils doivent alors se tourner vers
l’UNHCR pour leur protection. Les réfugiés doivent aussi faire
une demande ‘d’asile temporaire’ aux autorités turques pour être
autorisés à rester en Turquie tandis que l’UNHCR évalue leur
situation. Pendant cette période ils doivent vivre dans une des 30
‘villes satellites’ en Turquie et doivent obtenir la permission de la
police pour voyager hors de la ville. Lorsque leur cas est décidé,
soit le statut de réfugiés leur est accordé et ils sont réinstallés dans
un autre pays (comme les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie),
soit leur demande est rejetée et ils doivent quitter la Turquie.
Les procédures parallèles de l’UNHCR et du gouvernement
turc pour les demandes d’asile sont complexes, et de nombreux
candidats attendent des mois ou des années que leurs
demandes soient traitées. Pendant leur attente, les conditions
de vie difficiles et dangereuses poussent nombre d’entre
eux à risquer leur existence pour tenter d’entrer en Europe
illégalement. Ceux qui sont détenus alors qu’ils essaient de
quitter le pays sont particulièrement vulnérables au refoulement1
en raison des obstacles importants à l’aide juridique.
Alors qu’en théorie, les juristes doivent avoir accès aux centres
de détention des migrants où les réfugiés sont détenus (connus
sous le nom de ‘maisons d’accueil des étrangers’), un nombre
insuffisant d’entre eux sont formés au droit des réfugiés ou
font l’expérience d’activités de défense des réfugiés. En outre,
le système très restreint d’aide juridique de l’Etat ne couvre pas
l’aide juridique aux réfugiés. Ainsi, les quelques avocats qualifiés
sur les questions des réfugiés doivent imposer des tarifs que
la plupart des réfugiés ne peuvent pas payer, ou ils doivent
travailler gratuitement – ce qui limite inévitablement le temps et
les efforts qu’ils peuvent investir. Qui plus est, peu d’avocats turcs
parlent couramment les langues des réfugiés et les interprètes
sont rares. En conséquence, peu de réfugiés sous détention ont
accès à une forme quelconque d’aide juridique. Pour compliquer
les choses, les ONG se voient généralement refuser l’entrée des
centres de détention. Même l’UNHCR doit souvent attendre
des mois la permission d’entrer dans les centres de détention
afin d’interviewer les demandeurs d’asile. Ni l’UNHCR, ni
les ONG n’ont le droit d’accéder aux demandeurs d’asile
détenus dans les ‘zones de transit’ des aéroports de Turquie.
Malgré un engagement du gouvernement à aligner la
politique d’asile domestique sur les normes européennes,
les législateurs turcs n’ont jusqu’à présent pas fait preuve
d’un grand enthousiasme à mettre en œuvre un droit d’asile
global, cohérent avec les normes internationales. Tandis que
le projet d’établissement de sept ‘centres de réception’ pour
les demandeurs d’asile fait son chemin (projet financé par la
Commission Européenne et soutenu en partenariat par les
gouvernements des Pays-Bas et du Royaume-Uni), les progrès
ont été très lents. En même temps, les cas de refoulement se
poursuivent à un rythme alarmant et des révoltes éclatent
périodiquement dans les ‘maisons d’accueil des étrangers’ contre
la détention indéfinie et les mauvaises conditions de vie.
L’aide juridique
En 2004, l’Assemblée des Citoyens d’Helsinki basée en Turquie
(Helsinki Citizens’ Assembly – Turkey, HCA) – a établi son
Programme d’aide juridique aux réfugiés afin de fournir une
aide juridique gratuite aux réfugiés. Deux ans plus tard, le
programme s’est élargi et a été renommé ‘Refugee Advocacy
and Support Programme (RASP) – Programme de Soutien et
de Défense des Réfugiés. Le RASP fournit toujours de l’aide
juridique aux réfugiés (y compris ceux qui sont sous détention)
lors des procédures d’asile de l’UNHCR et du gouvernement.
Il offre aussi un service de conseil pour la santé mentale, il
assure l’éducation juridique publique et la formation des
ONG locales et des avocats, fait le suivi des pratiques du
gouvernement et prend part au plaidoyer légal2. En 2009, le
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LA DETERMINATION DU STATUT DE REFUGIE
RASP a lancé un programme en trois ans de formation et de suivi
sur le droit des réfugiés, ouvert aux avocats de tout le pays.
les transcriptions des entrevues) aux candidats réfugiés, ou
tout au moins, aux ONG portant assistance aux réfugiés.
Les services juridiques du HCA pour les procédures de
l’UNHCR comprennent : la préparation des réfugiés aux
interviews et leur représentation lors de celles-ci ; la conduite
de recherches sur les pays d’origine ; l’élaboration de
conclusions juridiques et de témoignages ; la communication
avec l’UNHCR sur les besoins de protection immédiate de
certains clients ; et la défense des clients vulnérables.
Le HCA et l’UNHCR en Turquie coopèrent pour protéger
les droits des réfugiés tout au long de la procédure ‘d’asile
temporaire’ en Turquie. Plus important encore, les deux
organisations travaillent étroitement pour prévenir les cas
de refoulement en demandant des mesures intérimaires
d’urgence à la cour Européenne des Droits de l’Homme, en
vertu de l’article 39 du Règlement de la Cour. Par des cas de
coopération de ce type, ils espèrent aligner les pratiques du
gouvernement avec les obligations internationales de la Turquie
afin de faire respecter les droits fondamentaux des réfugiés.
La représentation juridique aide à combler ces carences de
plusieurs manières. Après une réunion avec un conseiller
juridique, les réfugiés sont souvent à même de décrire leur
expérience de manière plus cohérente aux interviewers de
l’UNHCR. Durant l’entrevue avec l’UNHCR, les représentants
juridiques peuvent aider à identifier et à clarifier les malentendus
entre l’interviewer, l’interprète et le réfugié. Ils peuvent
aussi identifier, voire stopper les questions intimidatrices de
l’interviewer. En identifiant les problèmes de communication
durant l’entrevue de première instance, les représentants
juridiques peuvent réduire la nécessité des appels. Les
représentants juridiques peuvent aussi identifier les réfugiés
vulnérables très tôt et peuvent diriger les demandeurs
d’asile traumatisés vers des services d’évaluation médicale et
psychiatrique, ainsi que produire des rapports médicaux en
soutien des demandes du statut de réfugié. De manière plus
générale, la représentation juridique accroit l’efficacité de
l’UNHCR par le suivi régulier et informel de son système de DSR.4
Le HCA joue aussi un rôle dans les appels des demandes de
réfugiés rejetées. En général, l’UNHCR envoie aux réfugiés
rejetés une lettre standard où est cochée la raison pour laquelle
le statut de réfugié n’a pas été accordé. Typiquement, ces
lettres ne donnent pas au candidat assez d’informations pour
comprendre pourquoi sa demande a été rejetée ou pour préparer
un appel en conséquence. En reconnaissance de ce fait, en
septembre 2006, l’UNHCR en Turquie a accepté de partager avec
le HCA des exemplaires de ses ‘Formulaires d’Evaluation de
l’UNHCR’ internes et plus détaillés pour les clients de HCA.
La connaissance détaillée des raisons du rejet offre aux réfugiés
un outil crucial pour évaluer l’opportunité d’un appel, et le cas
échéant, identifier les questions à résoudre. Cependant, alors
que cette information les aide en partie à cerner leurs besoins,
elle n’est pas toujours suffisante, spécialement dans les cas
plus complexes ; et le HCA, avec ses partenaires du SLRAN,
encourage l’UNHCR à délivrer les dossiers complets (y compris
Rachel Levitan ([email protected]) travaille pour le Programme
de Soutien et de Défense des Réfugiés de l’Assemblée des Citoyens
d’Helsinki - Turquie (http://www.hyd.org.tr). Le HCA est un
membre fondateur actif du Réseau d’Aide Juridique aux Réfugiés
du Sud - Southern Refugee Legal Aid Network (SLRAN).
1. Le retour forcé d’une personne vers un pays où elle est en danger de persécution.
2. Voir le rapport 2008 du HCA sur les conditions de détention sur http://www.hyd.
org.tr/?pid=610. En 2009, le HCA publiera un rapport sur la situation des demandeurs
d’asile mineurs non-accompagnés, et sur les demandeurs d’asile LGBT (lesbiennes, gays,
bisexuels et transsexuels) en Turquie.
3. http://www.hyd.org.tr/?pid=554
4. Le résumé des bienfaits de l’aide juridique offerte par le HCA aux réfugiés, au
personnel de l’UNHCR et à l’ensemble de la procédure de détermination du statut se
trouve en-ligne sur http://www.hyd.org.tr/?pid=711
Behzad Yaghmagaian
Dans un rapport de septembre 2007 évaluant la conformité
de l’UNHCR en Turquie avec les Normes Procédurales de
DSR de l’UNHCR de 20053, le RASP a identifié les domaines
pour lesquels l’UNHCR était en totale conformité avec les
normes, y compris l’accès au conseil juridique et le droit à être
interviewé et à faire appel. Toutefois, il met aussi en lumière
des déficiences dont la plus importante était des durées
d’attente allant jusqu’à un an avant la première interview de
DSR, jusqu’à deux ans ou plus avant la décision de première
instance, et des délais similaires dans l’évaluation des appels
et la réouverture des requêtes. D’autres carences importantes
mises à jour comprennent des techniques de questionnement
intimidatrices de la part de certains interviewers, l’échec
dans l’identification cohérente des victimes de torture et le
manque d’interprètes formés disponibles régulièrement.
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Demandeurs
d’asile en
Turquie.

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