165 - Asloca
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Le journal de l’ASLOCA www.asloca.ch Pages 12-13 Postecode 1 Rue Jean-Jacques-Cart 8 1006 Lausanne DROIT AU LOGEMENT Journal de L’ASSOCIATION SUISSE DES LOCATAIRES fédération romande N° 165 / Juin 2004 Tirage: 85 500 JAB 1006 Lausanne Droit au lodement g ASLOCA État des lieux Des pratiques à contrecarrer Protection de l’environnement et taxe sur le CO2 Pages 4-5 COMMENT CONCILIER LES INTÉRÊTS DES LOCATAIRES ET PROPRIÉTAIRES? Droit d u bail e France n Une lé gisla plus so tion ciale, mais... Pa g e s 8-9 FIASCO DU PAQUET FISCAL ET MAINTENANT? Editorial L BRAVO! Valérie Garbani a été brillamment élue à l’exécutif de la ville de Neuchâtel. Nous lui adressons toutes nos félicitations. Rédaction de DAL 2 Droit au logement n° 165 Juin 2004 e 16 mai 2004, tous les cantons et 69% de la population ont rejeté le paquet fiscal. Dans son dernier journal, l’ASLOCA a appelé ses membres à glisser un non dans l’urne. Son volet «modification du système d’imposition de la propriété» était éhontément favorable aux propriétaires habitant leur propre logement et bénéficiant de revenus élevés. Les recettes fiscales de la Confédération et des cantons auraient été réduites d’au moins 1,6 milliards. Ces pertes auraient dû être compensées par des coupes budgétaires, ce au détriment de la majorité de la population, dont les locataires. Après le fiasco du paquet fiscal, le monde politique a réagi en insistant sur la nécessité de remettre sur le tapis la question de l’imposition de la famille et en renvoyant à plus tard l’épineux dossier de l’imposition de la propriété du logement. Nous sommes d’avis qu’il ne faut pas repousser aux calendes grecques une nouvelle réflexion sur ce thème car nous admettons que le système actuel est imparfait. Il est difficile d’accepter que celles et ceux qui ont amorti leur dette hypothécaire soient encore imposés sur la valeur locative d’autant que ce sont souvent les rentières et rentiers AVS aux revenus modestes qui se trouvent dans une telle situation. A l’inverse, il n’est pas tolérable de continuer de favoriser l’endettement hypothécaire car cela signifierait admettre une exonération totale de plus de la moitié des propriétaires vivant dans leur logement. Finalement, en rester au statu quo, signifierait encourager le lobby immobilier à multiplier, dans les cantons, les tentatives d’obtenir une réduction du taux d’imposition de la valeur locative. Sur la base des critiques émises concernant le volet «logement» du paquet fiscal, la voie la plus simple consisterait à supprimer l’imposition de la valeur locative tout en interdisant – à l’inverse de ce qui a été soumis en votation le 16 mai 2004 – toutes déductions des intérêts passifs et des frais d’entretien. Une telle proposition comporte cependant plusieurs défauts. Si les nouveaux propriétaires qui sont débiteurs de lourdes hypothèques auprès de leurs banquiers ne peuvent plus déduire les intérêts, ils seront dans une situation difficile. On peut en outre imaginer que, après quelques années, les milieux immobiliers reviennent à la charge, soit au Parlement, soit par le biais d’une initiative populaire, pour exiger ce qui a été refusé le 16 mai 2004: la suppression de l’imposition de la valeur locative et, à nouveau, la possibilité de déduire les intérêts passifs et les frais d’entretien. Pour aboutir rapidement à une révision susceptible d’être soutenue tant par les milieux de défense des locataires que par ceux immobiliers, il serait peut-être plus judicieux de se contenter de corriger ses imperfections plutôt que de supprimer l’imposition de la valeur locative. Pour les retraité-e-s qui ont payé leur dette hypothécaire, il serait envisageable de limiter le taux d’imposition de la valeur locative en fonction de leurs revenus. Pour les autres propriétaires de leur logement, on pourrait imaginer limiter la déduction autorisée des intérêts passifs et des frais d’entretien à hauteur de la valeur locative, afin que cette dernière soit effectivement imposée. Et ce, éventuellement, en prévoyant des exceptions pour les nouveaux propriétaires, souvent de jeunes ménages. Valérie Garbani TRAVAUX DE RÉNOVATION Devoirs, droits et conseils L’article 257 h du Code des Obligations fixe les règles en matière de travaux. Selon ce dernier: Suisse > Le locataire doit tolérer les travaux nécessaires à l’entretien des locaux. > Le locataire ne peut pas s’opposer à l’inspection, avant travaux, de l’appartement. > Le bailleur à l’obligation d’avertir les locataires de sa visite et du début des travaux. La loi ne prévoit aucun délai précis, mais il est admis que plus les travaux sont importants, plus l’annonce doit être faite à l’avance. En cas de travaux urgents, le délai peut être réduit. 3 Droit au logement n° 165 Juin 2004 > Le bailleur doit tenir compte des intérêts du locataire : exécution rapide et respect du planning. Pas de travaux tôt le matin, à midi et le soir. On évitera le changement des fenêtres ou de la chaudière en hiver. > Dans la mesure du possible, les travaux impliquant l’utilisa- tion de produits toxiques sont à éviter dans un appartement occupé. > Le bailleur est responsable des agissements des entreprises qu’il mandate, donc des ouvriers. > L’appartement est un espace privé. Sauf cas de force majeure (dégât d’eau, incendie, etc.), personne ne peut pénétrer dans l’appartement sans la présence ou l’accord express du locataire. Ce dernier n’a donc aucune obligation de laisser sa clé au concierge, contremaître ou autre. > De fait, le locataire qui s’oppose aux travaux, peut interdire l’entrée de son appartement à tout ouvrier qui se présenterait. Dans ce cas, il faut être certain que l’on a des motifs justes et objectifs à faire valoir. Cela n’est possible que pour les travaux dans son appartement. Pour les autres, dans et/ou à l’extérieur de l’immeuble, le seul moyen est de saisir le Tribunal compétent qui décidera de leur arrêt ou interdiction. Si vous êtes dans cette situation, prenez très rapidement contact avec l’ASLOCA de votre région. > De manière générale, le locataire peut plus facilement s’opposer à des modifications dans son appartement. Cependant, il est difficile d’échapper aux conséquences de travaux concernant tout l’immeuble. Par exemple, en cas de changement des conduites sanitaires, il sera ardu de conserver le même carrelage de la salle de bain et éventuellement les mêmes appareils. Par contre, une modification de la distribution des pièces ou un nouvel agencement de cuisine ne peuvent pas être imposés au locataire. > L’exécution de travaux donne en principe droit à une réduction de loyer en compen- sation des nuisances subies. Elle se calcule de cas en cas (art. 259 a CO). Pour cette raison il vaut toujours la peine de tenir un journal des travaux, où l’on notera leur évolution et surtout les événements/éléments particulièrement dérangeants. > Ce n’est qu’une fois que tout est terminé, que l’on pourra se déterminer sur les nuisances subies. Attention à ne pas accepter une offre forfaitaire avant la fin des travaux. > Bien que la loi ne le prévoie pas, il est fort apprécié, lors de gros travaux, que le bailleur organise une séance d’information commune pour tous les locataires. A cette occasion, il est important de poser toutes les questions qui vous préoccupent. En l’absence d’une telle séance, réunissez-vous avec des voisins et demandez qu’elle soit organisée. > Dans certains cantons, notamment Vaud et Genève, les gros travaux sont soumis à autorisation. Les locataires ne sont généralement pas avertis, mais soyez attentifs et, le cas échéant, prenez contact avec l’ASLOCA, un recours est peutêtre possible (alors payant). En résumé, le locataire dispose de cerains droits en cas de travaux et ne doit pas hésiter à les exercer. Le bailleur a tendance à dire que c’est son droit de rénover. Pas toujours... Le plus sage est sans doute de demander conseil auprès de l’ASLOCA de votre région. Sébastien Theisen Taxe sur le CO2 Suisse Comment concilier les intérêts des locataires et des propriétaires? Afin de réduire les émissions de CO2, la Suisse envisage d’introduire, en 2005, une taxe d’incitation sur les énergies fossiles. Quelles solutions permettraient d’unir sur un front commun locataires et propriétaires dans l’intérêt de la protection de l’environnement? Pistes explorées… 4 Droit au logement n° 165 Juin 2004 (photo: OFEFP/Docuphot) Dans le prolongement du Protocole de Kyoto, la Suisse a décidé de réduire de 10% ses émissions de CO2 d’ici 2010 dans trois domaines: les transports, l’activité économique et le bâtiment. 80% des émissions de gaz à effet de serre et de CO2 sont imputables à la consommation d’énergies fossiles (pétrole, mazout, charbon, gaz). Selon la loi fédérale sur le CO2, si les instruments découlant de la politique énergétique actuelle (notamment une utilisation rationnelle de l’énergie et le recours aux énergies renouvelables) apparaissent être insuffisants pour atteindre cet objectif, la Confédération pourra percevoir une taxe d’incitation sur les énergies fossiles. Celle-ci pourrait être introduite en 2005 car le but fixé sera, sans cela, difficile à atteindre. Le produit de la taxe serait réparti entre la population et les milieux économiques. Une exemption du paiement de cette taxe – en réalité un rem- boursement – est prévue pour celles et ceux qui s’engagent, par conventions, à limiter leurs émissions de CO2. Réduire les émissions d’énergies fossiles 60% de l’utilisation de l’énergie dans les bâtiments résulte du chauffage et de la production d’eau chaude. Si la taxe entre en vigueur, on peut Suisse craindre que les bailleurs tenteront de la facturer aux locataires dans le cadre des frais accessoires. Pour être exemptés du paiement de la taxe, les propriétaires devront installer, par exemple, des compteurs individuels de chauffage, des isolations thermiques, et assainir les anciens bâtiments. Au mois de décembre 2002, le conseiller national Hegetschweiler, directeur de la Fédération alémanique des propriétaires immobiliers (HEV) a déposé une initiative parlementaire. Il entend permettre aux propriétaires qui prennent des mesures en vue de limiter la consommation d’énergies fossiles d’être non seulement libérés du paiement de la taxe, mais également d’être dispensés de la rembourser à leurs locataires. Ce, pour autant que la preuve soit apportée que cette dernière a été investie dans des mesures d’économie d’énergie. Il est d’avis que la loi sur le CO2 n’est pas propre à favoriser les économies d’énergie fossiles dans les bâtiments car les propriétaires sont lésés et les locataires doublement favorisés. Si des travaux sont effectués pour réduire la consommation, leurs coûts ne peuvent, selon le droit du bail, être répercutés qu’à raison de 50 à 70% sur les loyers. En revanche, les locataires bénéficieront d’une réduction de leurs frais accessoires puisque les frais de chauffage seront moins élevés et qu’ils n’auront pas à payer la taxe sur le CO2 car les propriétaires, par leurs travaux d’assainissement, auront rempli les conditions pour en être exemptés. Différentes variantes à l’étude 5 Droit au logement n° 165 Juin 2004 La Commission de l’environnement, de l’aménagement du territoire et de l’énergie du Conseil national partage l’analyse du peu d’effet incitatif de la loi sur le CO2. En revanche, elle n’est pas convaincue par la solution proposée par M. Hegetschweiler. Son principal défaut: contrôler que la taxe a bel et bien été investie par les propriétaires dans des mesures d’économies d’énergie engendrera d’énormes coûts administratifs qui réduiront la part du produit de la taxe à redistribuer à la population. La Commission a ainsi décidé d’étudier deux autres variantes. La première, une modification du droit du bail pour augmenter le pourcentage (actuellement 50 à 70%) de report sur les loyers des travaux nécessaires aux économies d’énergies fossiles. Cette voie n’est cependant pas idéale. D’une part parce qu’un consensus entre locataires et propriétaires est improbable et, d’autre part, parce qu’appliquer un taux unique conduirait à une inégalité de traitement entre les locataires. Appliquer un taux différent pour chaque mesure d’économie d’énergie occasionnerait également un coût administratif élevé et rendrait le droit du bail complexe. La deuxième variante : créer un fonds qui serait alimenté, annuellement jusqu’en 2012, de 100 millions de francs prélevés sur la part de la taxe sur le CO2 revenant à la population. Ces recettes seraient utilisées pour encourager les assainissements améliorant l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels existants. L’avantage du fonds est qu’il n’engendre que de faibles frais administratifs tout en encourageant de manière directe et ciblée les économies d’énergies fossiles dans les bâtiments. La solution «fonds» est celle qui présente le moins d’inconvénients et qui est donc la plus susceptible de réunir locataires et propriétaires dans une politique commune de protection de l’environnement. Valérie Garbani L’ASLOCA romande cherche UN-E SECRÉTAIRE GÉNÉRAL-E en collaboration avec le comité, représente et anime la Fédération romande de l’Association suisse des locataires. Mandat indépendant. Travail à temps partiel. Entrée en fonction: 3 septembre 2004. Qualités requises: Expérience de la vie associative et bonne connaissance de la vie politique suisse Bonne connaissance du droit du bail et de la défense des locataires Bonnes connaissances de l’allemand. Les candidatures avec la documentation usuelle doivent être adressées jusqu’au 10 juillet 2004 à: Michel Bise, président de l’ASLOCA romande passage Max-Meuron 1, case postale, 2001 Neuchâtel tél. 032 727 37 47; fax: 032 725 44 29 Le cahier des charges et les conditions financières actuellement en vigueur peuvent être demandés à la même adresse. Chauffage des immeubles Suisse Gaspillage garanti ! Dans la plupart des baux, le locataire doit payer un acompte mensuel pour les frais de chauffage et d’eau chaude. A la fin de l’exercice, sur la base d’un décompte, soit il reçoit une ristourne, soit il s’acquitte d’un supplément. Ce système provoque un gaspillage d’énergie gigantesque. 6 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Si la Constitution fédérale préconise une consommation économe et rationnelle de l’énergie, le droit du bail n’est pas du tout incitatif. Il favorise le bailleur qui fait supporter les frais de chauffage et d’eau chaude au locataire. Les milieux immobiliers prétendent pourtant que ce système incite le locataire à ne pas gaspiller chauffage et eau chaude. Dans la pratique, rares sont les logements équipés de vannes thermostatiques ou d’un autre moyen de réglage efficace. Souvent, l’installation ne permet pas de gérer la température à l’intérieur d’une pièce. S’y ajoutent des déséquilibres: certains logements sont surchauffés par rapport à d’autres. La famille X se plaint-elle d’avoir trop froid? Le gérant ne peut qu’augmenter la température et la consommation dans tout l’immeuble. X est satisfaite mais bon nombre de ses voisins sont dès lors surchauffés. Leurs plaintes n’y changent rien: il ne leur reste plus qu’à ouvrir les fenêtres. Ce n’est guère que sur sa consommation d’eau chaude que le comportement du locatai- re a une influence significative. La plupart des locataires sont prêts à adapter leur mode de vie et attitude pour diminuer la consommation d’énergie sous réserve: qu’ils disposent d’une installation permettant des réglages efficaces, qu’ils soient correctement informés des moyens susceptibles de générer des économies, qu’ils soient traités comme des partenaires et non comme du bétail. On en est loin. Bailleur négligeant Avec le système actuel, le bailleur n’a pas d’intérêt direct à faire des économies. S’il entreprend des travaux d’isolation de l’immeuble ou de transformation de l’installation de chauffage, il ne pourra pas répercuter l’entier du coût engendré sur les loyers. Les mesures efficaces qu’il prend, investissements, frais d’entretien, exploitation plus rationnelle, ne profiteront qu’aux seuls locataires. C’est la porte ouverte aux négligences et aux gaspillages. Il est fréquent qu’un gérant conclut des contrats luxueux ou inutiles: télégestion, contrats d’entretien, appareils de traitement de l’eau, détartrage du boiler trop fréquent ou à un coût prohibitif, etc. Le locataire est à la merci de la conscience professionnelle et de la bonne volonté du bailleur, existante certes, mais loin d’être la règle. Le locataire n’a guère d’autres moyens que de payer. Décompte individuel Pour les immeubles récents équipés de compteurs individuels de la consommation d’énergie (DIFC), le droit fédéral prescrit un modèle basé sur le principe du consommateurpayeur. Les compteurs permettent de ne facturer au locataire que ce qu’il a consommé. Mais ce système, pour éviter injustices et aberrations, est très compliqué. Les frais d’administration mangent les économies d’énergie théoriques. Souvent, le décompte ne respecte pas les règles en vigueur et sa présentation est telle que le destinataire n’y comprend rien. En théorie, le système est juste et transparent. Dans la pratique, c’est à peu près l’inverse qui se produit. Réactions de lecteurs Dernier journal Mises au point Loyer tout compris Cette méthode, la plus simple, consiste à prévoir un loyer comprenant toutes les charges, y compris celles relatives au chauffage et à l’eau chaude. Le bailleur est alors fortement incité à prendre des mesures efficaces pour supprimer excès et gaspillage. Il n’est plus nécessaire d’établir un décompte annuel, ce qui simplifie le travail du gérant, évite au locataire consciencieux de perdre du temps pour comprendre le bien-fondé du décompte et finalement élimine tout risque de litige. Seul inconvénient du système: il n’incite pas le locataire à faire des efforts, d’où risques de négligence. Mais entre le décompte traditionnel et le loyer tout compris, la dernière option est la meilleure, car le bailleur est beaucoup mieux placé que le locataire pour exercer une action efficace. Taxe sur le CO2 C’est une épée de Damoclès qui guette tout gaspilleur. Elle devrait provoquer une prise de conscience des bailleurs, les incitant à prendre de réelles mesures d’économie. Ils sont en fait bien plus intéressés à trouver le bon moyen pour mettre cette taxe à la charge des locataires, le moment venu! De nouvelles voies 7 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Pour économiser efficacement l’énergie dans un immeuble, il faut que propriétaire et locataires y soient incités et y trouvent leur intérêt. Une solution consisterait à limiter la part des frais de chauffage et d’eau chaude pouvant être facturée séparément au locataire, par exemple la moitié. Malheureusement, par inertie et par intérêt, les bailleurs préfèrent le statu quo. Et comme ce sont eux qui rédigent les baux… Jacques-André Mayor Dossier sur les ramoneurs Le monopole des ramoneurs est donc justifié pour des raisons économiques et de sécurité. Celui qui est victime d’un abus d’un ramoneur peut et doit se plaindre à l’autorité communale, qui rappellera le fautif à l’ordre, voire confiera le monopole à un confrère correct. Jacques-André MAYOR « Le tirage gagnant » Un lecteur vaudois a réagi auprès de la rédaction pour critiquer le monopole exercé par les ramoneurs vaudois. Le ramoneur remplit une double activité: il nettoie les cheminées et autres canaux d’évacuation des gaz de combustion. Il doit aussi contrôler que l’installation réponde aux normes de sécurité et de protection de l’air contre la pollution. Il doit dénoncer, si nécessaire, les fautifs à l’autorité. Le canton de Vaud a institué depuis longtemps un monopole aux ramoneurs. Les municipalités donnent à tel ou tel ramoneur le mandat d’exercer son activité sur tout ou partie du territoire communal. Le canton prescrit le nombre de ramonages qui doivent être effectués par année, en fonction de l’importance et du type d’installation, et il fixe les tarifs maximaux que le ramoneur peut facturer. Comme il est en mesure de rationaliser son travail sans changer de quartier au cours d’une journée, le tarif ne comprend quasi pas de frais de déplacements. Si ce monopole était supprimé, un ramoneur devrait constamment se déplacer et, à l’instar des autres artisans, facturer des frais dépassant souvent cent francs pour un seul déplacement. Les prix de ramonage augmenteraient et il faudrait mettre en place une administration coûteuse chargée de vérifier que tel propriétaire a bien fait ramoner son installation. Article sur la sous-location «Mythes et réalité» Suite à la parution de ce texte, Monsieur Jacques Ansermet, responsable du Service juridique de la Chambre vaudoise immobilière, nous prie de préciser que l’art. 22 des Règles et usages locatifs vaudois (RULV) prévoit que: «Le locataire ne peut pas sous-louer l’entier de la chose pour une durée indéterminée. Il est possible de déroger à ce principe, moyennant l’accord écrit du bailleur principal». Les RULV constituent un contrat-cadre de bail à loyer, déclaré de force obligatoire à partir du 1er décembre 2001, c’est-à-dire qu’ils s’imposent à tout contrat de bail portant sur une chose située dans le canton de Vaud. On précisera tout de même que ces RULV ont été signés en date du 24 décembre 1998, soit avant l’Arrêt du Tribunal fédéral du 30 août 2000, mentionné dans notre précédent article. L’art. 262 CO étant de nature impérative, on peut se poser la question de la validité d’une clause d’un contrat-cadre dérogeant à l’interprétation du Tribunal fédéral d’une disposition impérative. François Zutter Droit du bail en France 12 lois, 15 décrets : depuis les années 90, la France s’est dotée d’une série de règlements définissant dans le détail sa politique du logement. Une politique plutôt favorable aux locataires représentant un peu plus d’un tiers de la population. «Dans l’ensemble, ceux-ci bénéficient d’une législation plus sociale et sont mieux protégés qu’en Suisse» constate Béatrice Métraux, juriste chargée du droit français et d’Afrique francophone à l’Institut suisse de droit comparé. «Qu’il s’agisse de la durée du bail, de la fixation des loyers ou encore des modalités d’expulsion, les propriétaires sont soumis à différents contrôles propres à offrir des garanties aux locataires.» Sans être une spécialiste de la question, Béatrice Métraux fonde son affirmation sur une analyse fouillée des droits et devoirs des deux parties. Liberté de prix A quelle sauce sont mangés les locataires français? Regard sur la question avec l’aide de l’Institut suisse de droit comparé. Parmi les 38% de locataires que compte la France (contre 69% en Suisse), 17% vivent dans des habitations à loyer modéré (HLM). Contrôlés et financés par la collectivité publique, ces logements sont soumis à un régime juridique particulier liant le bailleur à une convention avec l’Etat en contrepartie de l’aide obtenue. Les 21% restants louent leur habitation à des sociétés civiles immobilières (6%) ou à des particuliers. Dans le secteur social, les loyers sont en moyenne inférieurs de 30% à ceux du secteur libre, ce qui représente environ 135 euros de moins par mois. Le prix de logements neufs ou ayant été entièrement rénovés relevant du parc privé est fixé librement. Pour les autres objets locatifs du secteur libre, le principe des loyers comparatifs prévaut: le bailleur doit citer un certain nombre de loyers équivalents exigés pour des logements similaires, situés dans le voisinage. La durée de bail s’étend généralement à trois années. Le loyer peut être révisé une fois par an mais uniquement si une clause du contrat le prévoit. «Les augmentations éventuelles ne peuvent, quant à elles, être supérieures à l’indice du coût de la construction fixé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).» Les hausses éventuelles doivent être échelonnées dans le temps: inférieures à 10% de l’ancien loyer, sur trois ans; excédant ce taux, sur six ans. Risques d’expulsion limités Preuves de solvabilité et dépôt de garantie précèdent la prise de bail. Les cessations sont, pour leur part, soumises aux règles suivantes. Le locataire qui donne son congé doit le faire par lettre recommandée avec un préavis de trois mois, sauf circonstances professionnelles ou sociales particulières. De son côté, le bailleur ne peut se défaire d’un locataire avant l’expiration du bail. A cette échéance et sous réserve de (photo: Sonya Mermoud) Les dossiers de DAL Une législation plus sociale, mais... l’avoir informé six mois au préalable, il pourra agir dans les situations suivantes: il souhaite vendre son logis (la priorité doit alors être donnée à son locataire), y habiter ou le céder à quelqu’un de sa famille. Autre cas de figure: le bailleur fait valoir des motifs légitimes et sérieux liés aux non-paiement du loyer et/ou des charges du locataire ou à un défaut d’assurance. Si des menaces d’expulsion pèsent sur les locataires violant leurs obligations, des gardes-fous les limitent. «Cette finalité existe mais seulement au terme de toute une procédure judiciaire. Elle n’interviendra en outre que deux mois après réception d’un commandement de quitter les lieux et jamais, sans relogement effectif, entre le 1er novembre et le 15 mars» précise Béatrice Métraux. Les personnes âgées ou en situation de détresse financière peuvent prétendre à des protections. Différents organismes comme le Fonds de solidarité logement sont susceptibles de les aider. Chaque département dispose d’une Commission de suren- Des accès au logement facilités Destiné à faciliter l’accès à un logement locatif, le «loca-pass» consiste à aider certains locataires en : 8 Droit au logement n° 165 Juin 2004 > contribuant à la constitution du dépôt de garantie. Il s’agit d’une avance accordée au preneur de bail sous forme de prêt remboursable sans intérêt; > offrant une garantie en cas d’impayés pour une période de location de trois ans d’un montant maximum de 18 mois de loyers et de charges. En bénéficient notamment et sous certaines réserves les personnes de moins de 30 ans en recherche ou en situation de premier emploi, en formation, au chômage, aux études et certaines catégories de salariés. Brèves Selon une étude de l’INSEE parue en 2003, 7% de ménages à bas revenus ne bénéficient pas d’un confort sanitaire minimum: eau courante, WC intérieur et douche ou baignoire. Si la population dans l’Hexagone reste stable, le nombre de ménages s’accroît (228 000 de plus chaque an). Un facteur lié à l’explosion des familles recomposées et au vieillissement de la population. (photo: Bertrand Cottet) A Paris, les prix locatifs au m2 sont deux fois plus élevés qu’en proche banlieue ou en province. dettement. Sans proposer des prêts ou donner des fonds, cette dernière est toutefois autorisée à accorder des facilités financières. Le juge peut octroyer des délais de paiement jusqu’à deux ans pour apurer la dette. Revers de la médaille: certains propriétaires hésitent à louer leurs biens par crainte des impayés et de la longueur des procédures. Non sans conséquences au regard de la pénurie de logements tout particulièrement sensible dans les villes de plus de 100 000 habitants et dramatique à Paris. Pas vraiment rose 9 Droit au logement n° 165 Juin 2004 En dépit de l’important dispositif mis en place par l’Etat français pour assurer un toit à chacun, assorti de différentes aides au logement, la situation sur le terrain n’est de loin pas toute rose. Dans son rapport 2004 sur l’état du mal-logement, la Fondation de l’Abbé Pierre estime à 600 000 le nombre de logements manquants. Selon cette dernière, plus de 3 millions de personnes vivent dans des habitations inconfortables ou insalubres, occupent des hébergements provisoires qui s’éternisent ou font partie des sans-abri. Sont principalement touchés par cette crise des ménages pauvres résidant en milieu urbain mais aussi des salariés au revenu modeste, des jeunes contraints à la cohabitation familiale ainsi que des immigrés. Les habitations bon marché, en recul ne couvriraient plus que la moitié des besoins estimés. Listes d’attente et délais d’attributions s’allongent. La pénurie génère dans le secteur privé une flambée des loyers contraignant un nombre croissant de ménages à se tourner vers le logement HLM. La proportion d’appartements vacants dans l’ensemble du parc, estime pour sa part l’INSEE dans un rapport 03, n’a jamais été aussi faible depuis les années soixante: moins de 7% dont plus d’une moitié de logements, construits avant la seconde guerre mondiale, vétustes et inadaptés aux besoins. Contre les discriminations Selon la législation française, l’accès à un logement décent est un droit fondamental. Un droit qui doit être garanti à toute personne, indistinctement de son origine, de son sexe, de son âge, de son apparence physique, de son état de santé, de sa situation familiale, de son appartenance politique… Pour lutter contre toutes formes de discriminations, une nouvelle loi (no 2002-73 du 17 janvier 2002) est venue renforcer le dispositif existant. Celle-ci a introduit dans le droit régissant les rapports entre locataires et bailleurs des dispositions qui réaffirment l’interdiction des inégalités de traitement. Sonya Mermoud Sources: site du gouvernement français, Code des Loyers, Insee, Fondation Abbé Pierre, magazine «60 millions de consommateurs». Consignation du loyer Tribunaux Quels sont les risques de congé? Le locataire qui veut faire pression sur son bailleur pour qu’il exécute des travaux d’entretien dispose d’un moyen de pression légal: la consignation du loyer. Eclairages. Depuis la révision du droit de bail de 1990, le locataire qui veut faire pression sur son bailleur pour qu’il exécute des travaux d’entretien dispose d’un moyen de pression légal: la consignation du loyer. Cela signifie que le locataire paie son loyer auprès d’un Office, désigné par chaque canton, au lieu de le verser à son bailleur. Pour ce faire, le locataire doit respecter une procédure relativement stricte: il doit d’abord fixer à son bailleur, par écrit, un délai raisonnable pour la réparation du défaut et lui indiquer qu’en l’absence de remise en état dans le temps imparti, les loyers futurs seront consignés. Si le locataire respecte cette procédure, les loyers consignés sont réputés payés et le bailleur ne peut pas résilier le contrat pour défaut de paiement. Notons encore que la consignation est le début d’une procédure judiciaire, puisque le locataire doit saisir l’Autorité de conciliation d’une demande en exécution de travaux, voire en réduction de loyer, dans les 30 jours qui suivent l’échéance du premier loyer consigné. Selon notre expérience, la consignation du loyer, voire même la menace de consignation, est une mesure très efficace pour obtenir l’exécution de travaux. Une affaire de bonne foi 10 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Qu’en est-il maintenant si le Juge décide, au bout de la procédure, que les travaux demandés par le locataire n’étaient pas à la charge du bailleur? Peut-on considérer que les loyers consignés l’étaient à tort? Cette procédure permet-elle au bailleur de résilier le contrat ou de valider une résiliation, si celle-ci a déjà été donnée? Le Tribunal fédéral a répondu par la négative (ATF 4C.264/2003 du 3 dé-cembre 2003). En effet, lorsqu’un locataire a consigné son loyer en croyant de bonne foi que la chose louée présentait un défaut dont la réparation incombait au bailleur, il mérite que sa bonne foi soit reconnue et protégée. Un éventuel congé donné par le bailleur pour défaut de paiement sera considéré comme nul. Disproportionné Dans le même contexte, le Tribunal fédéral a récemment eu à juger un cas où une locataire avait consigné tardivement son loyer et s’était vu notifier une résiliation de bail pour défaut de paiement (ATF 4C.65/2003 du 23 septembre 2003). La locataire demandait la réparation d’un défaut, soit des dégâts causés par une inondation provenant d’un jacuzzi situé dans l’appartement du dessus. Elle réclamait également une réduction du loyer. Si le bailleur avait réagi rapidement pour réparer les défauts, la Régie, en revanche, se faisait «tirer l’oreille» pour accorder une réduction du loyer, se contentant de renvoyer la locataire à l’indemnité offerte par l’Assurance du bâtiment. Le Tribunal fédéral a estimé que le congé qui avait été donné pour défaut de paiement du loyer était contraire à la bonne foi et devait être annulé, en raison du fait que le montant réellement dû était nettement moins élevé que celui réclamé au moment de l’avis comminatoire, tenant compte de la réduction de loyer due à la locataire. Concrètement, la Régie avait réclamé le paiement de 2 mois de loyer, alors qu’en réalité la locataire, même dans l’hypothèse la plus défavorable pour elle, n’en devait qu’un quart. Résultat aléatoire C’est le lieu de rappeler que même les congés donnés pour défaut de paiement (art. 257 d CO) peuvent être annulés lorsqu’ils contreviennent aux règles de la bonne foi, selon l’art. 271 CO, qui s’applique généralement aux congés ordinaires donnés pour l’échéance du contrat. Selon le Tribunal fédéral et à titre d’exemples, un tel congé doit être annulé dans les cas suivants: > lors de la fixation du délai comminatoire, le bailleur réclame au locataire une somme largement supérieure à celle en souffrance, sans être certain du montant effectivement dû; > le montant impayé est insignifiant; > l’arriéré a été réglé très peu de temps après l’expiration du délai alors que le locataire s’était toujours, jusqu’ici, acquitté à temps du loyer; > le bailleur résilie le contrat longtemps après l’expiration du délai comminatoire. Cela étant, le résultat de telles contestations est aléatoire. On ne peut dès lors que recommander au locataire de régler l’intégralité de l’arriéré de loyer, lorsqu’il fait l’objet d’un avis comminatoire, avec menace de résiliation du bail. François Zutter BAILLEUR AU TAPIS Tribunaux Entrée d’un immeuble négligée, loyer baissé ! Un locataire peut obtenir une baisse de loyer parce que l’entrée de son immeuble est mal entretenue par le propriétaire. C’est ce qu’a décidé le Tribunal fédéral dans un arrêt du 28 octobre 2003. Histoire d’une moquette usagée… 11 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Mme A. a loué un appartement de cinq pièces à Pully en 1984. Dès la fin du mois de juin 1994, elle s’est plainte auprès de sa gérance de l’état dégradé de la moquette posée dans le hall et les escaliers de l’immeuble par des locataires, avec l’accord de la précédente propriétaire. Le tapis était taché, usé et déchiré par endroit, et plusieurs personnes s’étaient «encoublées». Malgré des courriers répétés de Mme A., ce n’est qu’à fin décembre 1999 que la moquette défectueuse a été remplacée par la gérance. Mme A. a alors demandé une réduction de son loyer depuis le mois de juin 1994 jusqu’à celui de décembre 1999. Déboutée par le Tribunal des baux et le Tribunal cantonal vaudois, elle a obtenu gain de cause devant le Tribunal fédéral (TF). Ce dernier, dans un arrêt du 28 octobre 2003 (4C.97/2003), lui a accordé une réduction de loyer de 2% par mois pendant cinq ans et demi. Un défaut d’importance moyenne Les juges fédéraux ont rappelé la notion de défaut: il y a défaut lorsque la chose louée ne présente pas une qualité que le bailleur avait promise ou sur laquelle le locataire pouvait légitimement compter. La chose louée comprend également les parties communes de l’immeuble. Comme la moquette litigieuse était posée lorsque Mme A. a conclu son bail en 1984, elle pouvait normalement s’attendre à ce que le bailleur l’entretienne. Notre Haute Cour précise que la loi distingue, d’une part, les petits travaux qui sont à la char- ge du locataire (comme par exemple remplacer un flexible de douche) et, d’autre part, les défauts de moyenne importance ou les défauts graves auxquels le bailleur est tenu de remédier. Pour qu’une réduction de loyer soit accordée, l’objet loué doit être affecté d’un défaut de moyenne importance au moins et remplir l’une des deux conditions suivantes : soit l’usage de la chose louée est restreint dans une mesure de l’ordre de 5% au moins, soit un défaut mineur se prolonge sur une longue période sans que le bailleur, informé, ne prenne les mesures nécessaires. En l’espèce, la situation a duré pendant cinq ans et demi avant que la gérance ne se décide à remplacer le tapis usagé. L’état déplorable de la moquette pendant une si longue période a restreint l’usage de la chose et doit être qualifié de défaut d’importance moyenne, justifiant ainsi une diminution de loyer. 2% de loyer de moins S’agissant de la quotité de la réduction, les juges fédéraux rappellent qu’elle doit être proportionnelle au défaut. Dans un arrêt du 29 mai 1997 (4C.527/1996), le TF a réduit un loyer de 15% en raison d’un environnement et d’accès dégoûtants: la cour intérieure, le hall d’entrée de l’immeuble et le parking souterrain étaient excessivement sales, des immondices jonchant la cour intérieure et les murs étant aussi souillés. Dans l’affaire touchant Mme A., l’usage de la chose n’a été que peu restreint, puisqu’il n’a affecté qu’un lieu de passage, et non l’endroit où vit la locataire. Ce cas est beaucoup moins grave que celui décrit dans l’arrêt du 29 mai 1997 – qui concernait trois lieux distincts atteignant un degré de saleté très élevé – de sorte que la réduction de loyer s’est limitée à 2% par mois. Le TF a alloué la diminution de loyer depuis le 1er juillet 1994, à savoir dès le moment où la gérance a été informée du défaut par Mme A., jusqu’au remplacement de la moquette usagée, soit jusqu’au 31 décembre 1999. Nicole Tille État des lieux de sortie Certains préposés aux gérances n’hésitent pas à user de stratagèmes pour amener les locataires quittant leur logement à signer des «conventions de sortie» équivalentes à des reconnaissances de dette. Ne tombez pas dans le piège. Résistez! 12 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Les permanences juridiques de Neuchâtel et de La Chauxde-Fonds enregistrent un nombre croissant de plaintes relatives à la mise en œuvre, par certaines gérances du canton, de stratégies agressives visant à extorquer une reconnaissance de responsabilité, voire une reconnaissance de dette pour des montants parfois faramineux, aux locataires quittant leur logement. Le scénario mis au point pour y parvenir est réglé comme du papier à musique, à tel point qu’on est en droit de se demander s’il n’est pas le résultat d’un cours ad hoc, concocté par des «psycho-spécialistes» à l’intention des milieux immobiliers. marque sur un mur d’un meuble laissé cinq ans à la même place, est relevée. Deuxième acte: le locataire, après cette culpabilisante mise en train, est invité à signer l’état des lieux de sortie, voire, de plus en plus souvent, une «convention de sortie». Il reconnaît ainsi prendre à sa charge un certain nombre de remises en état jusqu’à concurrence de montants précisément indiqués. Coûts artificiellement gonflés Par ce biais la gérance tente le plus souvent de faire endosser au locataire sortant la responsabilité de réparations qui ne lui incombent pas. Tel est notamment le cas si les prétendus dégâts ne sont en réalité que le résultat d’un usage normal de la chose louée, voire de défauts déjà existant à l’entrée dans le logement (mais «oubliés» dans le procès-verbal établi à cette occasion). De plus, fréquemment, les coûts des réparations envisagées sont artificiellement gonflés et ne tiennent absolument pas compte de l’amortissement de l’installation concernée, dans tous les cas à la charge du bailleur. Signée, une telle «convention de sortie» équivaut à une reconnaissance de dette. Autrement dit, le cas échéant, elle permettra au bailleur d’obtenir, par la voie des poursuites, le paiement des sommes qui y ont été inscri- Traque au moindre grain de poussière Premier acte: il consiste immanquablement dans une mise en scène dont le seul but est de déstabiliser le locataire sortant. Le préposé de la gérance (souvent une préposée…) traque avec zèle le moindre grain de poussière dans les recoins les plus inattendus du logement, tout en se permettant des appréciations méprisantes («C’est de l’huile de coude qui manque ici, Madame»), voire carrément insultantes («Quelle porcherie!»). Toute trace d’usure normale, telle, par exemple, la (photo: Interfoto) Neuchâtel DES PRATIQUES À CONTRECARRER tes (sans forcément effectuer les travaux de remise en état!). Et ce quand bien même son contenu ne serait pas conforme à la réalité. L’éventail 13 Droit au logement n° 165 Juin 2004 La signature de ce papier ne va bien sûr pas de soi. Quelques locataires, toutefois soulagés de constater que, parmi l’avalanche des reproches formulés à leur encontre dans la première phase de l’entretien, seule une partie d’entre eux a en définitive été retenue à leur charge, succombent sans autre forme de combat. D’autres, bien qu’assommés par le procès qu’ils viennent de subir et les propos arrogants dont ils ont fait l’objet, ne cèdent pas (encore). Aussi, lors du troisième et dernier acte, le préposé de la gérance mettra en œuvre toutes sortes de stratagèmes, afin de venir à bout des dernières résistances de son interlocuteur. A ce stade, les stratégies peuvent diverger en fonction des circonstances. Toutes néanmoins se fondent sur des arguments trompeurs auxquels, pourtant, plusieurs locataires succombent. En voici un bref aperçu. > La menace de faire intervenir un notaire (dont les coûts annoncés à titre d’honoraires sont exorbitants et sans commune mesure avec la réalité) aux frais du locataire récalcitrant. En réalité, la gérance pourrait utilement faire appel à un notaire seulement si le locataire refuse de manière totalement injustifiée de signer un procès-verbal de sortie correctement établi, afin de faire constater dans un document officiel l’état réel de l’appartement au moment de sa sortie. > L’affirmation selon laquelle le logement ne pourra pas être remis au locataire entrant tant et aussi longtemps que le sortant n’aura pas signé le document soumis par la gérance. En réalité, en refusant de permettre au locataire entrant de prendre possession des lieux à la date contractuellement prévue, la gérance s’expose à devoir payer (photo: Interfoto) Neuchâtel des stratagèmes un dédommagement à ce même locataire. > L’affirmation selon laquelle la signature du document en question est indispensable à la libération de la garantie de loyer en faveur (sic!) du locataire. En réalité, un tel document vise à en faciliter le déblocage en faveur… du bailleur, du moins jusqu’à concurrence du montant reconnu. > L’affirmation selon laquelle le montant inscrit dans la «convention de sortie» ne sera vraisemblablement jamais réclamé puisqu’il s’agit d’une estimation «maximale», «au cas où…» En réalité, un tel document a valeur de reconnaissance de dette et sa signature expose le locataire à une poursuite à laquelle il ne pourra que très difficilement s’opposer. > L’affirmation selon laquelle, à défaut de signature, l’assurance RC refusera toute prise en charge des dommages provoqués. Cette affirmation est manifestement fallacieuse. Signature: prudence de rigueur Qu’ils soient menaçants ou rassurants, ces arguments sont mensongers! Ne tombez donc pas dans le piège: ne signez sous aucun prétexte une «convention de sortie» mettant à votre charge la remise en état de telle ou telle installation pour un montant « estimatif » donné. Il en va différemment pour ce qui est du «procès-verbal de sortie» (état des lieux de sortie), même si, dans ce cas également, la prudence s’impose. Ce document est une «photographie» du logement au moment de la remise des clés. Comparé à celui établi au début du contrat, il permet au bailleur de vérifier si le locataire en a usé avec soin et de lui réclamer, le cas échéant, un dédommagement pour les dégâts provoqués par un usage qui dépasse l’usure normale de la chose louée (ex. brûlure de cigarette sur le tapis), une fois l’amortissement déduit. Dans la mesure où ce document correspond à la réalité, le locataire a tout intérêt à le signer. Si, en revanche, tel n’est pas le cas, le locataire doit demander à ce que son contenu soit corrigé. En cas de refus, il est impératif d’ajouter la mention «contesté» à côté des remarques que l’on estime fausses ou inexactes. En agissant de la sorte, le locataire est parfaitement dans son droit. Beatrice Sorgesa Miéville ENFIN! La Banque Cantonale Neuchâteloise a enfin annoncé, le 30 avril 2004, une baisse du taux hypothécaire de référence de 3 ½ à 3 ¼% dès le 1er juin 2004. Elle s’aligne ainsi sur les autres cantons romands qui ont baissé leur taux en 2003 déjà. Valérie Garbani BCV et taux hypothécaire Bruit ou moisissures: des locataires contraints de choisir Vaud Suite à une apparition de moisissures dans un logement humide et mal chauffé, une famille entame une procédure pour défaut de la chose louée. En guise de défense, la régie qui se dit la plus grande de la Côte (mais pas la meilleure), reproche à ses locataires de fermer les fenêtres la nuit, en hiver. Outre le bruit important de la route, il faut savoir que la température de ce logement descend souvent durant cette saison au-dessous de 17 degrés. C’est aussi pour maintenir une atmosphère supportable que cette famille doit dormir les fenêtres fermées. Pire, les locataires ferment la nuit la bouche d’aération. Elle fait paraît-il un bruit de tambour assourdissant. Les locataires veulent se protéger de ce tintamarre et ils commettent là une grave erreur : la gérance estime en effet que leur comportement est la cause de la trop grande humidité de leur appartement. Alors que, d’après nous, la cause de cette humidité est due à un problème d’isolation des murs extérieurs. Situation ubuesque qui ne fait rire personne. La gérance n’assume pas ses responsabilités et oblige le la sorte les locataires à entamer une procédure pour obtenir un entretien minimal d’un logement. La plus grande régie de la Côte n’en sort pas grandie. 14 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Vous l’avez lu dans la presse, la Commission d’enquête parlementaire du Grand Conseil (CEP) a rendu son rapport ces derniers jours sur la BCV. La CEP était notamment chargée d’étudier les relations de l’Etat et de la Banque. En parcourant ses conclusions, on peut lire qu’elle estime en particulier que la BCV a, de part la loi, un certain nombre de missions et que l’Etat doit faire en sorte qu’elle les remplisse. Une de ses missions est la pratique d’une politique modératrice des taux hypothécaires dans la mesure permise par les conditions du marché et par les exigences économiques de la banque. La commission estime que cette disposition légale relève du truisme et qu’elle devrait être modifiée. Il ne sert à rien d’avoir dans une loi des dispositions de ce type si, de son côté, l’Etat ne fait rien pour s’assurer que la banque pratique bel et bien une politique modératrice en matière de taux hypothécaire. La CEP semble dire qu’au contraire la loi ne devrait plus contenir de telles dispositions déclamatoires sans les associer avec d’autres mesures, précisant comment l’Etat s’assure que la banque fait bien ce qu’on lui demande. Il y a belle lurette que l’ASLOCA réclame ce changement mais, jusqu’à maintenant, elle a plutôt l’impression de s’égosiller dans le désert. Espérons que la Commission soit entendue aussi bien par le Conseil d’Etat que par le Grand Conseil et que cette recommandation soit suivie d’effets concrets. Cela fait longtemps que les locataires de ce canton les attendent. Anne Baehler Bech Charles Schmid Broye: hausses de loyer abusives Certains propriétaires ou gérances peu scrupuleux ont planché sur la manière d’appliquer de nouvelles hausses de loyer injustifiées. Ne pouvant le faire grâce ou à cause du taux hypothécaire et/ou d’un IPC trop bas, ils ont pris en compte le rendement à la surface des appartements, comme pour les locaux commerciaux. Comment se fait le calcul? Mystère! C’est tout nouveau. Cela prouve que le droit du bail n’est pas encore assez restrictif en matière de protection contre les abus. Tout est bon pour gruger les locataires et contourner la loi. Attention si vous recevez des hausses de ce type, il faut impérativement les contester dans les 30 jours auprès de la commission de conciliation de votre district ou demander conseil à l’ASLOCA qui se fera un plaisir de vous aider. Il est de notre devoir d’association de protection des locataires de mettre en garde la population contre ces pratiques intolérables. Albert Konrad Nos permanences à votre service FRIBOURG ASLOCA-Fribourg (canton) Adresse: Case 36, 1700 Fribourg ASLOCA-Fribourg Adresse: Case 36, 1700 Fribourg Tél. 0848 818 800 Permanence téléphonique: Lundi et jeudi de 8 h 30 à 11 h. Lundi, mardi et jeudi de 13 h 15 à 16 h 15. Consultations juridiques: Uniquement sur rendez-vous. Consultations sans rendez-vous: Fribourg: Hôpital des Bourgeois, mercredi de 19 h à 20 h. Bulle: Centre médico-social, place de la Gare 5, 3e étage, 1er et 3e lundis du mois dès 20 h. Romont, Café de l’Ange, 1er et 3e jeudis du mois de 19 h à 20 h. Consultations en langue allemande: Fribourg chaque 1er jeudi du mois de 19 h à 20 h. GENEVE ASLOCA-Genève 12 Rue du Lac – 1207 Genève (EauxVives). Arrêt TPG «Rue du Lac» Tél. 022 716 18 00 et 737 21 21 Fax 022 716 18 05 [email protected] Consultations sur rendez-vous ou permanence du lundi au vendredi, entre 17 et 18 heures. VALAIS ASLOCA-Jura Adresse: Case 46, 2800 Delémont 1 Consultations en Ajoie: Gilbert Rubin, 2900 Porrentruy, tél. 032 466 47 09. Consultations à Delémont: case postale 2, 2800 Delémont 1. Consultations sur rendez-vous 032 422 74 58 (répondeur automatique). Franches-Montagnes: p.a. M. Walker, rue des Tilleuls, 2875 Montfaucon, tél. 032 955 13 88 ou J. Mouche 032 484 90 09. ASLOCA-Valais Secrétariat: 27, av. des Mayennets CP 15, 1951 Sion - Tél. 027 322 92 49. Fixation des rendez-vous et contacts: lundi de 9 h à 11 h et de 14 h à 17 h et jeudi de 14 h à 11 h. Sion: sur rendez-vous lundi de 14 h à 17 h. Tél. 027 322 92 49. Martigny: consultations 14, rue de l’Hôtel-de-Ville, mardi de 18 h 30 à 20 h. Tél. 027 322 92 49. (Courrier et administration: à Sion) Monthey: consultations au Café du Valais, 63, av. de la Gare, mardi sur rendez-vous de 19 h à 21 h. Tél. 024 471 17 01 ou 024 471 37 48. Sierre: consultations au Café-bar Le Président, 1, route de Sion. Lundi de 18 h 30 à 20 h 30. Brig: Rest. Diana, Kapuzinerstr. 23, 2e et 4e mercredi du mois de 18 h à 20 h. Tél. 027 923 36 91. JURA BERNOIS ET BIENNE ASLOCA-Courtelary-Moutier Secrétariat case postale 8, 2740 Moutier. Tél. 032 493 42 27 Permanence téléphonique au 032 493 37 89, le mardi et le vendredi de 8 h 30 à 11 h 30, sur rendez-vous le vendredi de 14 h à 16 h 30. ASLOCA-Bienne c/o ASLOCA du canton de Berne Case postale, 3000 Berne 23. Consultations: Bâtiment du SIB, 33, route de Morat (3e étage), Bienne, tous les mardis et jeudis de 15 h à 18 h, sur rendez-vous 0848 844 844. NEUCHATEL ASLOCA-Neuchâteloise Adresse: 1, rue des Terreaux 2000 Neuchâtel Neuchâtel: 1, rue des Terreaux 2000 Neuchâtel Tél. 032 724 54 24 Fax 032 724 37 26 [email protected] Consultations sur rendez-vous. La Chaux-de-Fonds: 71, rue Jardinière Case postale 35 2301 La Chaux-de-Fonds Tél. 032 913 46 86 Fax 032 914 16 26 Consultations juridiques uniquement sur rendez-vous. L’ASLOCA-VAUD recherche des juges-assesseurs représentant les locataires au Tribunal des baux domiciliés dans les districts respectivement d’Aigle, d’Avenches, de Morges, de Nyon, de Rolle. Il s’agit d’une activité occasionnelle (environ 2 demi-jours/mois), indemnisée et demandant une bonne connaissance du droit du bail. des assesseurs représentant les locataires pour les Commissions de conciliation en matière de baux à loyer, présidées par les Préfets, domiciliés respectivement dans les districts d’Echallens, de Morges, de Rolle et d’Yverdon. Il s’agit d’une activité occasionnelle, indemnisée et demandant là aussi une connaissance du droit du bail. Le secrétariat cantonal (021 617 50 36) est à votre disposition pour tous renseignements supplémentaires. VAUD ASLOCA-Broye vaudoise Adresse: 10, route de Moudon 1522 Lucens Tél. 021 906 60 45. Fax 021 906 60 45. Consultations à Lucens sur rendezvous. Permanence tél. mardi, mercredi et jeudi de 14 h à 17 h. ASLOCA-Lausanne Adresse: 8, rue Jean-Jacques-Cart 1006 Lausanne Tél. 021 617 10 07. Fax 021 617 11 48. Consultations: lundi, mardi, jeudi et vendredi. Permanence sans rendez-vous: lundi de 16 h à 17 h 30 et vendredi de 10 h à 11 h 30. ASLOCA-MontreuxEst vaudois Adresse: Case 1024, 1820 Montreux, Aigle: consultations à l’Hôtel de Ville, jeudi matin de 8 h à 12 h sur rendez-vous: 021 962 78 66. Montreux: consultations uniquement sur rendez-vous au 021 962 78 66: lundi, mardi, mercredi matin et mardi soir, 18, av. Alpes. Fax 021 962 78 68. ASLOCA-Morges Adresse: Case 24, 1110 Morges 1 Tél. 021 802 23 40. Consultations: 3, rue de la Gare, mercredi après-midi et vendredi sur rendez-vous et tous les mardis de 18 h 30 à 20 h sans rendez-vous. ASLOCA-Nord vaudois Adresse: Case 92 1401 Yverdon-les-Bains Yverdon: permanence téléphonique 024 423 69 74, fax 423 69 03. Consultations: 8, rue des Pêcheurs (Centre social). Consultations sur rendez-vous lundi de 8 h à 12 h et de 14 h à 18 h ainsi que de 19 h 30 à 21 h. Orbe: tél. 024 441 35 19 de 19 h à 20 h. ASLOCA-Nyon Adresse: 13a, Les Plantaz 1260 Nyon. Rendez-vous par téléphone les lundis, mardis et jeudis de 8 h 15 à 10 h 15; mardis et jeudis de 15 h à 17 h au 022 361 32 42. Consultations: 13a, Les Plantaz (Gais-Logis). ASLOCA-Renens Adresse: 31b, rue de Lausanne 1020 Renens Tél. 021 635 29 52. Consultations: lundi de 18 h à 20 h sans rendez-vous, mardi et jeudi sur rendez-vous. ASLOCA-Rolle-Aubonne Adresse: Case 201, 1180 Rolle Rolle: Consultations lundi soir par rendez-vous 022 361 32 42 les lundis, mardis et jeudis de 8 h 15 à 10 h 15; mardis et jeudis de 15 h à 17 h. Aubonne: M. Philippe Decrausaz, tél. 021 808 54 17. ASLOCA-VeveyLa Tour-de-Peilz Adresse: Case 38, 1800 Vevey tél. 021 922 79 62. fax 021 922 53 62. Consultations: 40, rue du Simplon, lundi de 18 h à 20 h, jeudi de 17 h à 19 h ou sur rendez-vous. ASLOCA-Vaud (canton) Adresse: 8, rue Jean-Jacques-Cart 1006 Lausanne Tél. 021 617 50 36. Fax 021 617 11 48. SUISSE ASLOCA romande p.a. Valérie Garbani 2, rue du Concert Case 2273, 2001 Neuchâtel Tél. 032 724 63 23. Fax 032 721 46 18. Site Internet de l’ASLOCA www.asloca.ch Le Droit au logement paraît cinq fois par année Impressum ASLOCA JURA Editeur: ASLOCA 8, rue Jean-Jacques-Cart 1006 Lausanne 1 Diffusion: Membres des sections de l’ASLOCA romande et abonnés. Abonnement simple: Fr. 13.— par année. Rédactrice responsable: Sonya Mermoud Av. de Rosemont 3 1006 Lausanne E-mail: [email protected] Imprimerie Atar Roto Presse SA, Genève. Vente d’immeubles de la BCG Genève CANTON ET COMMUNES MANQUENT LE COCHE Le canton et les communes ont joué la carte de la frilosité, n’achetant que très peu d’immeubles à la BCG. Une situation regrettable, sachant que le maintien de locatifs en main publique permet d’éviter l’explosion des loyers et les problèmes financiers et sociaux qui en découlent pour les ménages. 16 Droit au logement n° 165 Juin 2004 Retour sur image… Au moment de l’éclatement de la bulle spéculative immobilière, la Banque cantonale de Genève (BCG), née de la fusion de la Banque Hypothécaire de Genève et de la Caisse d’épargne, s’est retrouvée au bord de la faillite. Les manœuvres de tout genre, comme la constitution de sociétés de portage, n’y firent rien. Plus de 5 milliards de francs de créances douteuses grevaient ses comptes. Les autorités politiques décidèrent d’éviter la débâcle qui se serait transformée en une crise majeure pour l’économie locale. Le Grand Conseil créa une fondation de droit public – la Fondation de valorisation des actifs de la BCG – afin d’y transférer les créances douteuses et libérer la BCG du fardeau issu d’acoquinements spéculatifs de la direction et du président de la banque, avec les sombres sbires du marché immobilier local. Les locataires, à nouveau victimes L’idée était bonne. Toutefois, en centrant les objectifs de la Fondation de valorisation des actifs, donc sur la vente au plus haut prix de centaines d’immeubles directement ou indirectement en sa possession, le risque était grand que les locataires – qui avaient payé un lourd tribu pendant la période de spéculation suite à des majorations abusives de loyer – fassent à nouveau les frais de la «valorisation» en raison de la résiliation des baux ou de nouvelles majorations après la vente des immeubles. Cela n’a pas manqué! Les revendications émises à l’époque en vue de protéger les locataires avaient été écartées. Elles restent donc aujourd’hui d’actualité dès lors que l’ASLOCA doit se battre contre des dizaines de congé. Ainsi, il faudrait favoriser la revente des immeubles à des coopératives d’habitation constituées par les locataires eux-mêmes, lesquels seraient dirigés vers des services de l’Etat pour obtenir les conseils juridiques et les éventuels crédits nécessaires au rachat de leur immeuble. Seul moyen: changer la loi. Frilosité regrettable Lors de l’adoption de la loi sur la Fondation, le Grand Conseil avait introduit un droit de préemption de l’Etat de Genève et des communes du lieu de situation des immeubles. Celuici leur permet de racheter tout immeuble qui s’avérerait intéressant. La Fondation va même au-delà dès lors qu’elle propose, avant toute vente à des tiers, les objets au canton et aux communes. Malheureusement, ceux-ci se sont montrés très frileux et n’ont que peu acheté d’immeubles. Leur maintien en main publique permet pourtant d’éviter l’explosion des loyers et les problèmes financiers et sociaux qui en découlent pour les ménages, et si couteux aux pouvoirs publics. On ne peut que regretter cette frilosité qui se retournera tôt ou tard contre les locataires. Plus de mille logements estudiantins manquants La vente de l’Hôtel Carlton, son occupation et le référendum contre la loi du Grand Conseil autorisant sa vente à un investisseur étranger s’inscrivent dans ce débat. La cristallisation du mécontentement populaire sur cet immeuble, qui s’est exprimée par l’aboutissement d’un référendum en deux semaines sans appui logistique d’une organisation de masse, s’explique facilement. Tout d’abord, l’Hôtel Carlton n’est autre que la jonction de deux allées de studios et non pas un hôtel à proprement parler. Deuxièmement, cet immeuble est resté longtemps vide. Troisièmement, nombre de jeunes en formation, comme les étudiants, n’ont pas de quoi se loger; il manque près de 1000 logements estudiantins. Quatrièmement, la Fondation est un acteur important dans le marché qui profite des prix de vente élevés résultant de la crise du logement actuel. Volonté populaire à considérer L’éventuelle acceptation du référendum par le peuple ne permettra pas automatiquement de voir l’immeuble être affecté à du logement social. Toutefois, le canton devra tenir compte de la volonté populaire. Et trouver le moyen d’en faire du logement, en s’appuyant sur le fait que, pendant l’occupation, il est clairement apparu qu’il s’agissait de studios idéalement conçus pour le logement estudiantin. Cette réaffectation légale permettra de réduire le prix car un hôtel se vend plus cher et ainsi favoriser l’achat par une coopérative ou une fondation. Affaire à suivre. Carlo Sommaruga