Quand le patient est un enfant

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Quand le patient est un enfant
les mots pour…
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S’adresser à un enfant malade. Expliquer l’ordonnance aux parents ne doit pas faire
oublier le principal intéressé. Un petit garçon ou une petite fille en souffrance a également
besoin d’informations, adaptées à ses possibilités et à la situation.
Quand le patient est un enfant
Pourquoi lui parler ?
Pour répondre à ses besoins
Les capacités cognitives limitées d’un
enfant le placent dans une relation de
dépendance vis-à-vis de l’adulte. Malade,
il a besoin de l’entourage et des professionnels de santé pour se rassurer et mieux
comprendre sa maladie et son traitement.
Pour le rendre acteur
Étape souvent négligée, donner la parole
à l’enfant lui permet de participer activement à son traitement. Au-delà des dires
de ses parents, on lui donne l’occasion
de préciser son point de vue hors du
poids émotionnel de la sphère familiale.
avril 2015 I 511 I www.porphyre.fr
Pour une relation de confiance
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Montrer qu’on s’intéresse à lui et établir
un lien de confiance est primordial pour
que l’enfant ose exprimer ses symptômes
ou ses difficultés vis-à-vis du traitement.
Parce que c’est la loi
L’article L. 1111-5 du code de la santé
publique stipule que « Toute personne a
le droit d’être informée sur son état de
santé », que cette information porte sur
les « traitements ou actions de prévention »
et qu’elle incombe « à tout professionnel
de santé dans le cadre de ses compétences ». Et que les mineurs « ont le droit
de recevoir eux-mêmes une information et
de participer à la prise de décision les
concernant, d’une manière adaptée à leur
degré de maturité ».
Entrer en contact
Se mettre à sa hauteur
Derrière un comptoir, l’enfant vous voit
comme un géant ; au pire, il ne vous voit
pas du tout. Rétablir un pied d’égalité en
se postant face à lui et se baisser pour lui
permettre de vous regarder dans les yeux.
Capter son attention
n Dire bonjour à l’enfant. C’est nécessaire
afin qu’il comprenne que ce qui va se
passer le concerne, y compris pour un
nourrisson, avec au moins un petit mot :
« Bonjour Basile, je vois que tu es allé chez
le médecin ce matin… »
n Entrer dans son monde. Observez-le et
trouvez une « accroche » : « En plus, tu as
un super bonnet de Spiderman ! »
Se présenter
> À savoir !
Un enfant qui a très mal ou qui est
affolé après un acte médical perd
ses capacités de compréhension.
Nombre d’entre eux atteints d’une
pathologie grave acquièrent un
degré de maturité précoce sur leur
maladie et peuvent, avant 7 ans,
assimiler et utiliser des informations
précises pour se soigner.
Ajuster la tournure
n De la douceur. Un enfant qui souffre
et/ou qui a subi des examens médicaux
peut être sur la défensive, notamment visà-vis des « blouses blanches ». Se poser,
parler calmement, en souriant, et entrer
en contact doucement car les enfants n’aiment pas la précipitation.
n Des mots simples. Les termes médicaux,
même vulgarisés, ne font pas partie du
vocabulaire de l’enfant jeune. Utilisez ses
mots : une injection est une piqûre, une
solution buvable un sirop, un aérosol un
« pschitt », une douleur un « bobo »…
Mais que me veut cette dame en blouse
blanche, je viens juste de voir le docteur ?
Si c’est évident pour les parents, ça ne
l’est pas forcément pour l’enfant. Se pré- S’adapter à l’âge
senter et rappeler son rôle systématique- Le dialogue doit s’adapter aux besoins
ment : « Je suis la dame/monsieur qui va relationnels, qui varient selon l’âge et le
donner les médicaments pour te soigner ». développement cognitif. On peut s’ap-
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Entre 0 et 2 ans
C’est le stade « sensori-moteur ». L’enfant
expérimente le monde à travers ses sens
et actions (toucher, porter à la bouche…)
et acquiert progressivement le langage.
Le dialogue est naturellement très limité.
Entre 2 et 7 ans
À ce stade « pré-opératoire », l’enfant se
représente des choses avec des mots ou
des images, mais utilise plus son intuition
qu’un raisonnement logique. Il comprend
la maladie comme un phénomène extérieur, ne fait pas le lien avec la cause et
vit les symptômes comme une punition.
Ainsi, diabétique, il ne peut comprendre
que son pancréas ne marche pas, mais il
peut penser qu’il a désobéi à ses parents
et chaque injection d’insuline est vécue
comme une punition.
À ce stade, son besoin prédominant est
la présence de l’adulte proche. Il ne
retient facilement qu’une information ou
consigne à la fois.
n Exposer la notion la plus importante :
« Ce médicament est celui qui va t’aider
à soigner ton ventre ». Il n’est pas utile de
lui détailler les horaires de prise ou la
durée du traitement, car il n’a pas encore
la notion exacte du temps.
n Lui proposer d’assister aux explications : « Je vais dire à tes parents comment
tu devras le prendre, tu peux écouter si tu
veux ». En cas de démonstration
(aérosol…), invitez les parents à prendre
l’enfant sur leurs genoux. Le recours à
une poupée a prouvé son efficacité en
diminuant l’angoisse du médicament (« Tu
vois, ton nounours aussi va se soigner… »)
et en renforçant son attention.
n Devancer des besoins non exprimés :
« Cette piqûre t’a fait mal aujourd’hui ? »
Aux parents : « Avez-vous pensé à une
prescription de crème anesthésiante pour
la suivante ? »
© Franck Lhermitte
Entre 7 et 11 ans
C’est le stade des « opérations concrètes ».
L’enfant est capable d’une pensée logique
à propos d’événements concrets et il
acquiert la notion du temps. Il peut faire
le lien entre la maladie et sa cause, comprendre les modalités du traitement. Cette
période est également marquée par la
peur de la maladie et de la mort.
À ce stade, l’enfant a besoin d’explications
et d’être rassuré.
n Rendre l’enfant actif : « Je vais avoir
besoin de ton aide pour t’expliquer ton traitement », « C’est toi qui le prends ou c’est
ta maman qui te le donne ? » On peut
s’adresser exclusivement à lui, même en
présence des parents. Posez des questions
ouvertes pour l’inciter à participer : « Saistu à quoi va servir ce médicament ? »
Essayez de l’intégrer à son quotidien : « Il
se prend au petit déjeuner, qu’est-ce que tu
aimes manger le matin ? » Et le laisser
manipuler le matériel pour se l’approprier.
n L’écouter : c’est souvent à ce moment
que l’enfant exprime une crainte, une
objection (« J’ai vomi, ma mamie aussi
elle vomissait quand elle était malade »).
n Le rassurer : « Tu vas prendre ce médicament et les vomissements vont s’arrêter.
Tu auras encore mal au ventre quelques
jours, mais après ce sera fini ». Expliquez
la finalité du traitement et l’évolution en
essayant de positiver.
n Ne pas ajouter d’angoisses inutiles : « Si
tu ne le prends pas, tu risques d’avoir ça » ;
ne pas mentir : « L’insuline va guérir ton
diabète » ; ne pas banaliser : « Ce n’est
qu’une petite piqûre ». Si l’enfant a peur
de la douleur, dire : « Même quand on est
grand, on a le droit d’avoir mal et de
pleurer » ; ne pas mettre en jeu l’affectif :
« Maman sera triste si tu ne veux pas ».
n Prolonger l’info. Pour répondre aux
besoins d’informations, conseillez :
> des fiches pratiques et des guides
proposés par l’association Sparadrap
(Prise de sang, J’ai mal à la tête…).À commander ou, pour les fiches, à consulter sur
www.sparadrap.org. Un dico en ligne
permet d’expliquer les termes médicaux ;
> les serious game ou « jeux thérapeutiques » permettent en jouant d’appréhender une maladie chronique (Gluciweb pour les diabétiques, Théo et les
psorianautes pour le psoriasis…)
Après 12 ans
C’est le stade des « opérations formelles ».
L’enfant acquiert une logique abstraite et
peut raisonner presque comme un adulte.
> Témoignage
Selon les situations
L’enfant ne parle pas (timidité…)
n Continuer à lui adresser la parole et à
lui montrer de l’intérêt : s’il ne parle pas,
il peut entendre.
n Utiliser la gestuelle : lui demander de
montrer où il a mal, de faire une grimace
quand on lui montre le médicament qu’il
n’aime pas, etc.
n S’appuyer sur des « échelles » : l’échelle
visuelle analogique ou celle des visages
(« Lequel de ces personnages a autant mal
que toi ? ») devrait être utilisée systématiquement pour évaluer la douleur ou autre
sensation (goût d’un médicament…).
L’enfant hurle
n Ne pas insister si l’approche douce et
le réconfort parental ne suffisent pas à le
calmer, l’enjeu est alors de faire passer le
message explicatif aux parents.
n Rester vigilant : si les hurlements coïncident systématiquement avec la vue d’un
traitement ou d’un matériel, il est possible
que l’enfant développe une « phobie du
soin », pour laquelle l’intervention d’un
psychologue est souhaitable.
Les parents sont envahissants
Certains parents répondent systématiquement à la place de l’enfant.
n Réinviter l’enfant dans le dialogue :
« Romain, maman me dit que les comprimés sont plus faciles à avaler, qu’en
penses-tu ? »
n Dépister une angoisse forte des parents
qui « bloque » le dialogue avec l’enfant,
notamment en cas de maladie grave.
Aiguiller avec tact vers le psychologue
hospitalier du service concerné : « Vous
a-t-on proposé de discuter avec un professionnel comme un psychologue ? » n
Anne-Gaëlle Harlaut
Avec la collaboration du Dr Catherine Devoldère, pédiatre
au CHU d’Amiens, présidente de l’association Sparadrap.
Dr Catherine Devoldère, pédiatre au CHU d’Amiens (80)
et présidente de l’association Sparadrap
« Très souvent, on part du principe que le patient chronique doit prendre son
traitement. Or, nous savons que cela est aussi délicat pour un enfant que pour
un adulte, d’autant qu’il ne comprend pas toujours l’intérêt de se soigner.
L’officinal a un rôle à jouer pour s’assurer de la bonne observance, mais il est
important de le faire en valorisant l’enfant, en lui laissant entendre que l’on sait
que c’est difficile. Au lieu de demander s’il prend bien son traitement, ouvrir
la porte au dialogue : « C’est dur pour toi de prendre ton traitement en ce
moment ? » On incite ainsi l’enfant à dire comment il le vit, puis on peut
enchaîner sur : « Je comprends mais qu’est-ce qui te semble difficile ? » Si
l’enfant parle du mauvais goût par exemple, on peut lui proposer de mélanger
avec de la compote. On le place alors comme l’acteur qui décide de modifier
quelque chose. Dans les cas plus complexes, il est important d’inciter les parents
à consulter à nouveau pour faire le point avec le médecin. »
avril 2015 I 511 I www.porphyre.fr
puyer sur les stades décrits par le psychologue Jean Piaget.
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