Traditional Foods: Are they Safe for

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Traditional Foods: Are they Safe for
La consommation d’aliments
traditionnels est-elle sans danger pour les
Premières Nations?
Assemblée des Premières Nations
Unité de la gestion de l’environnement
Mars 2007
La production de ce rapport a été rendue possible grâce à une contribution financière provenant de l'Agence de santé
publique du Canada par le biais du Centre de collaboration nationale en santé environnementale. Les vues exprimées ne
reflètent pas nécessairement celles de l'Agence ou du Centre.
Introduction
Le présent rapport traite la question critique de l’exposition des Premières Nations aux
contaminants environnementaux par la consommation d’aliments traditionnels. Il aborde
les risques et les avantages pour la santé des communautés des Premières Nations, ainsi
que d’autres questions préoccupantes liées aux aspects économiques et socioculturels des
systèmes alimentaires traditionnels. L’Unité de la gestion de l’environnement (UGE) de
l’Assemblée des Premières Nations (APN) a examiné les recherches pertinentes à ce sujet
et offre un aperçu de la situation actuelle dans le présent rapport.
Les Premières Nations sont de plus en plus préoccupées par la présence de contaminants
dans leurs aliments traditionnels et par les effets de la consommation de ces aliments sur
la santé. La crainte et l’incertitude qui règnent parmi les Premières Nations entraînent
l’abandon d’aliments traditionnels en faveur d’aliments achetés au magasin.
Malgré la tendance à la baisse de la consommation d’aliments traditionnels, ceux-ci
continuent d’offrir d’importants avantages nutritionnels à de nombreuses communautés
des Premières Nations. Les Premières Nations doivent relever le défi de peser, d’une part,
les avantages socioéconomiques, physiques et culturels des aliments traditionnels et,
d’autre part, le risque d’exposition aux contaminants.
Les systèmes alimentaires traditionnels
Pendant des siècles, les Premières Nations du Canada ont utilisé leur connaissance de leur
environnement et des systèmes alimentaires traditionnels pour assurer leur subsistance.
Les systèmes alimentaires traditionnels étaient essentiels à leur mode de vie basé sur la
subsistance, à leur santé et à leur bien-être. Les aliments traditionnels des Premières
Nations étaient principalement des espèces animales capturées et des espèces végétales
récoltées dans l’environnement naturel. Ils comprenaient du gibier, des poissons, des
oiseaux, des plantes et des baies. Les Premières Nations obtenaient ces aliments au
moyen d’activités traditionnelles comme la chasse, la pêche et la cueillette pendant les
diverses saisons. Ces activités de récolte traditionnelles contribuaient aussi à la forme
physique et à la santé, à la vitalité de l’identité et des valeurs culturelles, ainsi qu’à la
connaissance de la terre, de l’environnement et du mode de vie.
Aujourd’hui, beaucoup de communautés des Premières Nations continuent d’exercer de
telles activités de récolte traditionnelles pour assurer leur subsistance. Une étude a
documenté la fréquence de consommation des espèces utilisées comme aliments
traditionnels chez 122 adultes de trois Premières Nations du Yukon. Selon les résultats,
les adultes consommaient des aliments traditionnels 1,14 fois par jour en moyenne.
L’orignal, le caribou et le saumon occupent toujours une place très importante dans le
régime alimentaire contemporain de ces communautés (Wein, E.E., et M.R. Freeman,
1995, p. 161).
[Traduction non officielle] « Le terme “système alimentaire traditionnel” s’applique à
toutes les espèces naturelles locales consommées dans une culture particulière et à leurs
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modes d’utilisation acceptés dans cette culture. Le terme renvoie également à la
connaissance des significations socioculturelles données à ces aliments, à leur
acquisition, à leur transformation, à leur composition chimique, à la façon dont un groupe
d’âge ou un sexe les utilise dans une culture donnée, ainsi qu’à la nutrition et aux effets
de tous ces facteurs sur la santé des personnes qui les consomment. » (Kuhnlein, H.V., et
H. M. Chan, 2000, p. 596.)
Les variations des systèmes alimentaires et des régimes traditionnels des communautés
des Premières Nations du Canada sont le résultat de différences en ce qui concerne la
géographie, la disponibilité des espèces consommées, la proximité des espèces végétales
et des voies de migration des animaux ainsi que l’accès à celles-ci, et les pratiques
traditionnelles de chasse et de pêche. Il serait intéressant d’examiner davantage les
différences de l’utilisation des aliments traditionnels parmi les Premières Nations et de
déterminer si elles correspondent à des différences dans la qualité du régime et
l’absorption des éléments nutritifs (Receveur, O., et coll., 1997, p. 2182). Peu importe ces
différences, les aliments traditionnels offrent aux Premières Nations des avantages
sociaux, économiques, physiques et culturels.
Sur le plan économique, les aliments traditionnels sont plus abordables par comparaison
aux coûts élevés des aliments achetés au magasin, surtout dans les communautés
nordiques et éloignées. La récolte d’aliments offrait également un moyen de subsistance
économique grâce au commerce entre les communautés. Quant aux avantages physiques,
les aliments traditionnels sont de riches sources d’éléments nutritifs répondant aux
besoins alimentaires et maintenant la bonne santé des communautés des Premières
Nations. En quantité importante, on constante que le gibier est une bonne source
d’éléments nutritifs comme les protéines, le fer, le zinc, le cuivre, le magnésium et le
phosphore (Receveur, O., et coll., 1997, p. 2184). Le foie du caribou, de l’orignal et du
poisson est également une bonne source de vitamine A.
L’importance socioculturelle de l’utilisation des aliments traditionnels est un autre aspect
à considérer. Au cours des cérémonies, des fêtes, des potlatchs et des événements
culturels traditionnels, on confirme un lien profond avec son identité culturelle et sa
spiritualité par la consommation d’aliments traditionnels et par les événements qui
précèdent. Avant le repas, un plat de chaque met traditionnel est assemblé et brûlé
comme offrande au grand esprit et aux ancêtres qui sont passés au monde des esprits. La
valeur symbolique de la consommation des aliments traditionnels est devenue plus
importante comme marque d’identité culturelle (Pars, T., et G. Mulvad, 2002, p. 112).
Depuis longtemps, le savoir écologique traditionnel, y compris la connaissance des
espèces traditionnelles consommées, est transmis d’une génération à l’autre dans les
enseignements oraux, les histoires et les expériences liées à la terre. La consommation
d’aliments traditionnels est ancrée profondément dans les éléments sociaux et culturels du
mode de vie des Premières Nations. Beaucoup ont des croyances concernant le caractère
sain des aliments, la satisfaction spirituelle, l’utilisation des aliments dans l’éducation et
la place occupée dans le tissu social de la communauté (Kuhnlein, H.V., et H. M. Chan,
2000, p. 617).
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Santé des Premières Nations – Avantages de la consommation
d’aliments traditionnels
Le régime alimentaire traditionnel offre de nombreux avantages pour la santé et le bienêtre des Premières Nations. Du point de vue des Premières Nations, le concept de la santé
et du bien-être s’inscrit dans une approche holistique tenant compte des aspects sociaux,
physiques, affectifs et spirituels de la vie. Tous ces aspects sont reliés et influent
continuellement les uns sur les autres. Lorsqu’ils sont en harmonie et en équilibre, on
atteint la santé et le bien-être. En ce qui concerne les systèmes alimentaires traditionnels
des Premières Nations, il existe un équilibre délicat entre toutes les formes de vie de
l’environnement naturel. Toute variation de cet équilibre entraîne des changements dans
les systèmes alimentaires traditionnels, comme c’est le cas présentement, et des effets sur
la santé des membres et des communautés des Premières Nations.
Le régime traditionnel composé d’animaux et de plantes offre une source considérable
d’énergie, de protéines, de calcium, de fer, de zinc, de niacine et d’acides gras
polyinsaturés (oméga-3). En outre, il est faible en graisses saturées. Selon un sondage
alimentaire réalisé dans la communauté de Fort Severn (Ontario), chez les femmes qui
présentaient des carences de plusieurs éléments nutritifs essentiels, y compris le fer, la
vitamine B6 et la vitamine B12, les niveaux de ces éléments étaient considérablement
plus élevés les jours où elles consommaient des aliments traditionnels (AINC, 2004,
p. 76). Un régime traditionnel et un style de vie actif peuvent agir comme des facteurs de
protection contre les maladies chroniques comme le diabète, les maladies coronariennes,
le cancer et d’autres troubles de santé.
En plus de favoriser une saine nutrition, les activités de récolte comme la chasse, la
pêche, la cueillette des baies et la récolte des plantes augmentent l’activité physique et
contribuent à la santé. La consommation d’aliments traditionnels peut aussi contribuer
aux autres aspects du bien-être par l’intermédiaire des activités économiques et
socioculturelles. En plus d’être relativement peu coûteux, le régime traditionnel fournit
une base économique et un moyen de subsistance à de nombreuses communautés des
Premières Nations, et il favorise la sécurité alimentaire. Un tel régime est également relié
aux valeurs socioculturelles et aux liens communautaires par les fêtes, les potlatchs et les
cérémonies. Ces éléments favorisent la bonne santé mentale en développant l’identité
culturelle, l’estime de soi et la fierté.
Effets des contaminants environnementaux sur les sources d’aliments
traditionnels et leur consommation
La salubrité des aliments pose des problèmes particuliers aux communautés des
Premières Nations qui continuent de compter sur la terre pour leur subsistance et qui
consomment des aliments traditionnels régulièrement. Les systèmes alimentaires
traditionnels des Premières Nations subissent les effets de diverses sources de stress,
notamment la contamination du sol, de l’eau et de l’air par la pollution industrielle, les
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centrales hydroélectriques, la manipulation et l’entreposage inadéquats des combustibles,
la mauvaise qualité des réseaux d’égouts, l’industrie de l’aquaculture (élevage de
poissons), l’exploitation pétrolière en haute mer et les transports connexes, les
exploitations minières et forestières, les eaux d’écoulement agricoles, le déplacement des
polluants atmosphériques sur de longues distances, ainsi que les changements
climatiques. On a décelé des contaminants persistants dans tous les écosystèmes
nordiques – dans l’air, l’eau douce, l’eau salée, la neige, les sédiments, les oiseaux, les
poissons, les plantes et les mammifères terrestres et marins. Les voies de contamination
des milieux nordiques sont atmosphériques, marines, aquatiques et terrestres (Kuhnlein,
H.V., et H. M. Chan, 2000, p. 600).
Dans l’environnement des Premières Nations, les polluants très préoccupants
comprennent le mercure, le cadmium, l’arsenic et le plomb. On trouve également les
dioxines, les diphényles polychlorés (BPC) et le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT).
On trouve une bonne partie de ces contaminants dans le sol, les sédiments, l’air, l’eau, les
espèces aquatiques et les autres espèces animales et végétales. Des courants
atmosphériques transportent aussi les contaminants environnementaux sur de longues
distances jusqu’aux communautés des Premières Nations du Nord. Ces contaminants font
ensuite l’objet d’une bioaccumulation et d’une bioamplification dans la chaîne
alimentaire. Des recherches récentes effectuées par les Premières Nations Grassy
Narrows et Wabauskang sur des échantillons de sédiments et d’écrevisses ont révélé un
niveau élevé de mercure dans les sédiments et les écrevisses du bassin sud du lac Ball par
comparaison au bassin nord, et l’absence de variation de la teneur en mercure des
écrevisses et des sédiments au cours du dernier quart de siècle suggère que les sédiments
du bassin sud constituent toujours une source de mercure qui contamine la chaîne
alimentaire du lac Ball (Simpson, L., 2005, p. 4).
Étant donné les préoccupations croissantes au sein des Premières Nations concernant les
contaminants, de nombreuses communautés des Premières Nations ont cessé de
consommer des aliments traditionnels en raison de leurs effets inconnus sur la santé. On
craint également que la diminution de la consommation d’aliments traditionnels entraîne
une baisse de la participation des membres des Premières Nations aux activités de récolte
traditionnelles, y compris une réduction des possibilités offertes aux jeunes d’apprendre
ces pratiques et d’en faire l’expérience. Cela pourrait causer des pertes sur les plans de la
culture et du savoir écologique traditionnel.
« On croit aussi qu’une consommation moindre d’aliments traditionnels, accompagnée
d’une réduction des activités de récolte des ressources, favorise les problèmes de santé
chez nos gens, comme le diabète et l’obésité. Par conséquent, notre incapacité à assurer
l’approvisionnement en nourriture traditionnelle a de vastes conséquences sur les peuples
des Premières Nations, en mettant en péril nos lois ancestrales, nos langues, notre santé et
notre bien-être ainsi que notre propre identité en tant que groupes culturels distincts. »
(APN, 2005, p. 3.)
Les changements climatiques constituent un autre problème critique auquel sont
confrontées les Premières Nations au 21e siècle. Les effets des changements climatiques
toucheront beaucoup plus les Premières Nations que la population non autochtone du
Canada. Ces effets pourraient nuire à la qualité de l’eau potable et de l’air, à la sécurité, à
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l’accès aux sources d’aliments traditionnels, à l’infrastructure de logement et de transport,
à la santé des Premières Nations, aux possibilités économiques, aux activités
traditionnelles, au savoir écologique traditionnel ainsi qu’aux éléments sociaux et
culturels des modes de vie des Premières Nations.
Bien que l’ampleur des effets des changements climatiques sur les aliments traditionnels
demeure inconnue, on remarque des effets considérables sur les variations temporelles de
la distribution et de la disponibilité des espèces ainsi que sur la qualité des aliments. Les
changements climatiques pourraient entraîner la perte ou le déclin d’espèces animales et
végétales, la perte de remèdes et la compétition pour les sources de nourriture causée par
la présence de nouvelles espèces d’animaux ou d’insectes. Les changements climatiques
influeront également sur la présence des polluants environnementaux, sur le déplacement
des déchets industriels provenant des latitudes plus basses et sur l’accumulation et la
bioamplification des contaminants dans la chaîne alimentaire marine. Les températures
plus chaudes feront croître le nombre de bactéries aquatiques et la prévalence des
maladies d’origine hydrique.
La non-disponibilité des aliments traditionnels causée par les effets des changements
climatiques ou par les contaminants peut en outre entraîner des problèmes d’insécurité
alimentaire dans certaines communautés. L’insécurité alimentaire est indésirable en soi,
mais elle est aussi un précurseur de problèmes de nutrition, de santé et de développement.
L’insécurité alimentaire peut compromettre le fonctionnement psychosocial, la nutrition
et la santé des enfants d’âge scolaire (AINC, 2004, p. 73).
Les contaminants environnementaux peuvent s’accumuler dans les espèces consommées
et dans certains cas, plusieurs contaminants peuvent être présents. Lorsqu’un organisme
de la chaîne alimentaire assimile un contaminant, il peut faire l’objet d’une
bioaccumulation ou faciliter le transfert du contaminant à d’autres organismes. Des
facteurs comme l’inertie du produit chimique, sa solubilité dans les lipides ou dans l’eau
et la spéciation des métaux influencent tous la bioaccumulation. En outre, la longueur de
la chaîne alimentaire ou le nombre d’espèces que le contaminant touche avant sa
consommation par l’humain modifie sa concentration dans les aliments selon le principe
de la bioamplification, soit les augmentations successives de la concentration chimique
(Kuhnlein, H.V., et H. M. Chan, 2000, p. 600). Il est admis que les poissons d’eau douce
ainsi que les poissons et les mammifères marins sont les premières sources de
contamination par le mercure dans les systèmes alimentaires traditionnels. Les
mammifères terrestres comme le caribou et l’orignal sont associés à la contamination par
le cadmium.
[Traduction non officielle] « En raison de la liposolubilité et de l’accumulation dans les
chaînes alimentaires en eau douce et en eau salée, les principales sources de BPC et
d’autres organochlorés dans les systèmes alimentaires traditionnels des Autochtones du
Nord sont le poisson, les mammifères marins et, dans une moindre mesure, les oiseaux
piscivores. On a montré que les Autochtones qui mangent beaucoup de ces animaux
présentent des niveaux plus élevés d’organochlorés dans le sang et le lait maternel que les
non-Autochtones habitant des milieux plus urbanisés. » (Kuhnlein, H.V., et H. M. Chan,
2000, p. 607.)
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Certaines communautés ont reçu des avis sanitaires précisant des limites de
consommation pour certains aliments traditionnels. Par exemple, l’avis spécial relatif au
poisson qu’a reçu la Première Nation Akwesasne indiquait qu’une personne ne devait pas
manger plus d’un repas par mois de chair ou d’oeufs d’esturgeon jaune du fleuve SaintLaurent en raison des niveaux de BPC décelés. L’avis recommandait aussi aux femmes
en âge de procréer et aux enfants de moins de 15 ans de ne pas manger la chair ou les
oeufs de ce poisson (Fitzgerald, E.F., et coll., 1998).
Risques sanitaires de l’exposition aux aliments traditionnels contaminés
La consommation d’aliments traditionnels qui ont été exposés à des contaminants
environnementaux peut poser des risques graves pour la santé des membres des
Premières Nations, y compris les nouveau-nés et les fœtus. Il n’existe présentement
aucun rapport concluant sur les effets nocifs de la consommation d’aliments traditionnels
chez les Premières Nations. Toutefois, les données probantes suggèrent que l’exposition
humaine à des niveaux de contaminants comparables à ceux des aliments traditionnels
peut nuire à la santé. Il faudrait effectuer des recherches additionnelles sur les effets
sanitaires de l’exposition chronique à divers niveaux de contaminants environnementaux
par l’intermédiaire des sources d’aliments traditionnels.
[Traduction non officielle] « La dégradation de l’environnement touche la santé et le
bien-être des Autochtones de trois façons. Premièrement, les polluants et les
contaminants, surtout ceux attribuables au développement industriel, nuisent à la santé
humaine. Deuxièmement, la contamination industrielle et la perturbation de l’habitat des
espèces sauvages se combinent pour réduire la disponibilité et la pureté des aliments
traditionnels et des plantes médicinales. Enfin, l’érosion des modes de vie qui dépendent
de la pureté du sol, de l’eau, de la flore et de la faune constitue une attaque contre la santé
mentale et spirituelle des Autochtones. » (Commission royale sur les peuples
autochtones, Gathering Strength, 1996.)
Des facteurs comme l’âge, le sexe, la génétique, l’emplacement et le style de vie peuvent
influer sur le risque. L’enfant est plus vulnérable que l’adulte et court davantage de
risques s’il est exposé aux contaminants présents dans les aliments traditionnels ou le lait
maternel en raison de sa plus faible masse corporelle, de ses organes immatures, de sa
physiologie et de son métabolisme. « Le système digestif d’un enfant absorbe souvent les
aliments et les contaminants associés à ceux-ci plus efficacement que celui d’un adulte »
(Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement – PCSEE, 2005, p. 23).
L’exposition du nourrisson aux BPC présents dans le lait maternel risque également de
causer des effets nocifs tels des déficiences neuropsychologiques chez les enfants d’âge
scolaire qui sont associées à l’exposition prénatale et non pas postnatale (PCSEE, 2005,
p. 64). Les autres effets possibles sur la santé des enfants, qui nécessitent des recherches
additionnelles, comprennent les retards de développement et la perturbation
endocrinienne.
On a réalisé une étude pour déterminer le lien entre la consommation de poisson local
contaminé et les concentrations de BPC total et de 68 congénères des BPC dans le lait de
femmes Mohawk qui allaitaient et qui résidaient près de trois sites de déchets dangereux.
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Selon les résultats, l’exposition à vie cumulative estimée qui résultait de la consommation
du poisson local était liée de façon significative au BPC total du lait et à trois congénères
uniquement chez les Mohawks qui ont eu un enfant de 1986 à 1989. La réduction des
concentrations de BPC dans le lait maternel reflète une diminution correspondante de la
consommation de poisson local et pourrait découler des avis diffusés au cours de la
dernière décennie qui recommandaient aux femmes Mohawk enceintes ou qui allaitaient
d’éviter de consommer le poisson local (Fitzgerald, E.F., et coll., 1998, p. 164).
D’autres recherches concernant les membres de la Première Nation Grassy Narrows et
Wabaseemoong du Nord-Ouest de l’Ontario ont révélé des niveaux élevés de
contamination par le mercure attribuables à la proximité d’usines de pâte et de centrales
hydroélectriques. Cette communauté a été gravement frappée par l’empoisonnement au
méthylmercure, appelé aussi maladie de Minamata, résultant de la consommation de
poissons contaminés par les effluents des usines de pâte (APN, 2005, p. 7). Fait
alarmant : de nombreuses Premières Nations du Canada se trouvent près d’exploitations
industrielles qui touchent de façon importante leurs sources d’aliments traditionnels et
leur santé générale.
« Les contaminants causent de grandes inquiétudes aux Premières Nations dont les
territoires ancestraux sont situés dans le Nord, en raison des problèmes associés au
transport à grande distance et à l’accumulation. Les vents et les courants marins
mondiaux charrient des pesticides, des BPC et autres polluants organiques persistants des
régions industrialisées du Sud vers le Nord, où ils persistent beaucoup plus longtemps
qu’ils ne le feraient sous un climat plus chaud. Ces contaminants peuvent alors se
bioamplifier dans le réseau alimentaire, se concentrer dans les tissus adipeux de bon
nombre d’animaux arctiques, en particulier les mammifères marins, qui, à leur tour, sont
consommés par les Premières Nations qui dépendent de cette nourriture traditionnelle.
Nous découvrons que la nourriture qui nous a soutenus physiquement et spirituellement
depuis des générations nous empoisonne aujourd’hui. » (APN, 2005, p. 7.)
Les Premières Nations doivent relever le défi de peser, d’une part, les avantages
socioculturels, économiques et nutritionnels des aliments traditionnels et, d’autre part, les
risques sanitaires de l’exposition aux contaminants qu’ils contiennent.
Risques sanitaires de la consommation d’aliments achetés au magasin
Dès l’arrivée des Européens, les Premières Nations ont découvert des aliments
commerciaux comme la farine, le sucre raffiné, le gruau, le lard et le thé. Ces aliments
étaient nouveaux pour l’appareil digestif des Premières Nations, qui était accoutumé
exclusivement aux aliments traditionnels plus sains. Peu après, les activités de
subsistance des Premières Nations ont commencé à changer. En plus de chasser et de
pêcher pour subvenir à leur besoins, ils le faisaient pour commercer en vue d’obtenir ces
nouveaux aliments.
Certaines communautés des Premières Nations dépendent de plus en plus des aliments
achetés au magasin en raison des modifications de leurs activités et de leurs modèles
traditionnels de subsistance. Cette évolution résulte en outre des craintes et de
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l’incertitude à l’égard des contaminants dans les sources d’aliments traditionnels et des
risques qu’ils posent pour la santé. Une étude effectuée par Santé Canada intitulée
Examen des habitudes de consommation d’aliments traditionnels fondé sur des
recherches communautaires réalisées par certaines Premières nations au Canada visait à
évaluer les niveaux de consommation de gibier, de poisson sauvage et d’autres aliments
traditionnels dans 10 communautés des Premières Nations de différentes régions du
Canada. Il s’agissait d’estimer le niveau de risque posé par les contaminants
environnementaux dans les aliments traditionnels. L’analyse des résultats suggère une
dépendance décroissante à l’égard des aliments traditionnels parmi les membres des
Premières Nations habitant dans les réserves (Tikhonov, C., et K. Lydon-Hassen).
L’abandon des aliments traditionnels a entraîné la modification des régimes alimentaires
des Premières Nations. En général, la consommation accrue d’aliments achetés au
magasin s’accompagne d’une augmentation de l’apport en énergie, en glucides, en gras et
en graisses saturées et d’une réduction des éléments nutritifs et des minéraux essentiels
offerts par les aliments traditionnels. Ce changement aura des effets majeurs sur la santé
des Premières Nations. Il peut causer un risque accru d’obésité, de diabète de type 2,
d’hypertension, de maladie coronarienne, de cancer colorectal et d’autres maladies
chroniques. De nombreux Autochtones considèrent le diabète comme un exemple des
maladies de l’homme blanc, c’est-à-dire une maladie introduite dans leur communauté de
manière semblable à la variole et à la tuberculose autrefois. Il est largement accepté que
l’adoption des aliments modernes et le déclin de la chasse et de la pêche sont les causes
sous-jacentes de l’épidémie (T. Kue Young, 2000, p. 565).
En ce qui concerne les enfants des Premières Nations, on peut présumer qu’ils sont
génétiquement prédisposés à suivre un régime d’aliments traditionnels et qu’ils ne sont
pas biologiquement aptes à consommer une variété d’aliments transformés et
commerciaux. Du fait de l’utilisation accrue des aliments achetés au magasin, les enfants
des Premières Nations risquent d’être frappés par des troubles de santé comme l’obésité,
le diabète et l’hypertension. Il faut aussi tenir compte d’autres facteurs, notamment la
diminution de l’activité physique, la perte d’activités socioculturelles liées à la récolte des
aliments et le manque d’information sur les régimes alimentaires.
Il importe de mieux comprendre le processus de la modification des régimes alimentaires
en relation avec les facteurs écologiques, économiques et culturels qui contribuent à la
perte des systèmes traditionnels chez les Premières Nations, ainsi que les effets possibles,
comme la perte de connaissances spécifiques à la culture, l’augmentation de la sédentarité
et les troubles de santé chroniques liés au régime alimentaire (Receveur, O., et coll.,
1997, p. 2185).
Considérations
Voici quelques considérations pouvant permettre de mieux comprendre et de résoudre
certains problèmes examinés dans le présent rapport sur la salubrité et la contamination
des aliments traditionnels. Il faudrait :
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•
•
•
•
•
•
Adopter des mécanismes de contrôle industriels afin de réduire les émissions de
polluants persistants dans l’environnement.
Obtenir des ressources pour financer les initiatives de recherche visant à améliorer
la compréhension des risques et des effets pour la santé des Premières Nations.
Évaluer les niveaux de contaminants dans les sources d’aliments traditionnels.
Évaluer les niveaux de consommation d’aliments traditionnels dans les
communautés des Premières Nations.
Élaborer une approche et des modèles de l’évaluation des risques
environnementaux qui soient axés sur les Premières Nations, ainsi que des
stratégies de gestion qui tiennent compte des avantages et des risques de la
consommation d’aliments traditionnels.
Élaborer des stratégies d’adaptation aux effets des changements climatiques.
Élaborer des documents d’information communautaires sur les niveaux de
consommation d’aliments traditionnels qui sont dangereux ou non.
Les recherches sont incomplètes quant aux points de vue des Premières Nations
concernant les avantages et les risques de la consommation d’aliments traditionnels. Il
faudrait également faire des recherches additionnelles pour évaluer les niveaux de
contaminants présents dans les sources d’aliments traditionnels afin de mieux
comprendre les risques réels pour la santé des Premières Nations.
Conclusion
La consommation d’aliments traditionnels offre de multiples avantages mais pose
plusieurs risques liés aux contaminants pour les Premières Nations, et les évaluer les uns
par rapport aux autres est complexe. Certains des avantages examinés dans le présent
rapport comprennent la disponibilité d’éléments nutritifs essentiels, l’activité physique
liée à la récolte, le coût inférieur des aliments, la prévention des maladies chroniques
associées à la consommation d’aliment plus nutritifs, ainsi que plusieurs valeurs
socioculturelles contribuant à la santé mentale et au moral culturel. Les effets de la
consommation accrue d’aliments achetés au magasin sur l’évolution des régimes
alimentaires et les fréquences de consommation peuvent influer énormément sur la santé
des Premières Nations et pourraient entraîner une augmentation de l’incidence de
certaines maladies chroniques.
[Traduction non officielle] « Même s’ils savaient que leur environnement
est contaminé et qu’aucun niveau de contamination n’est sans danger, les
Aînés croyaient que manger des aliments traditionnels est important parce
que leur Créateur leur avait donné ce mode de vie. Ils aimeraient que la
contamination par le mercure soit éliminée. Ils aimeraient que la coupe à
blanc, l’épandage et les autres formes d’activité industrielle cessent sur
leur territoire. Ils aimeraient renforcer les pratiques axées sur les aliments
traditionnels et les économies traditionnelles en tant que mécanismes
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favorisant la santé des personnes et des communautés. » (Simpson, L., et J.
Dasilva, 2005, p. 4.)
Les Premières Nations devront considérer les effets nutritionnels, socioculturels,
économiques et sanitaires de la consommation et de l’abandon des aliments traditionnels.
En fin de compte, les aliments utilisés dans les systèmes alimentaires traditionnels des
Premières Nations demeurent les meilleurs dont elles disposent.
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