Antoine de La Garanderie et la gestion mentale

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Antoine de La Garanderie et la gestion mentale
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Principes pédagogiques et méthodologie générale
Date de création :
01/2006
Date d’actualisation : 10/2007
Antoine de La Garanderie et la gestion mentale
Antoine de la Garanderie (1920-2010) diplômé d'études supérieures de Philosophie, certifié en biologie
animale et végétale, docteur es-lettres, il a enseigné à l'Université et consacré sa vie à l'étude des
mécanismes d'apprentissage, en puisant dans ses maîtres à penser (Platon, Socrate, Aristote Alain et
plus proche de nous, le psychologue Alfred Binet), mais surtout dans son expérience d'enseignant la
matière de ses investigations.
Ce n'est pas un chercheur en chambre, qui a élaboré une théorie de plus. C'est un philosophe, passionné
par la question "qu'est-ce que la pensée, qu'est-ce que l'intelligence ? ", mais aussi un homme de terrain
et un pédagogue, qui a voulu aider ses élèves. Il considère que, si on leur en donne les moyens, tous les
enfants peuvent réussir. C'est à l'opposé d'une conception élitiste.
L'originalité de ses recherches réside dans l'analyse fine des stratégies mentales d'apprentissage des
élèves en situation de réussite, ce qui lui permet de dégager les lois du fonctionnement mental dans le
domaine cognitif.
Parlant de sa démarche, il la qualifie de "non pasteurienne" et se reconnaît beaucoup dans celle de
Claude Bernard. La première consiste à rechercher des éléments pathogènes, c'est-à-dire perturbateurs
et à proposer "des remèdes" ; la seconde n'étudie pas les causes des maladies, mais le fonctionnement
d'un organisme vivant qui fonctionne bien.
Beaucoup d'enfants découvrent seuls, consciemment ou non, leurs stratégies d'apprentissage et donc de
réussite ; d'autres tâtonnent, parfois de longues années, et se découragent. Faute de les identifier, ils ne
transposent pas dans le domaine scolaire leur savoir-faire dans d'autres secteurs, sport, bricolage,
musique , etc.… La pédagogie de la "gestion mentale" tend à réduire ces périodes de tâtonnements et à
redonner confiance.
Antoine de la Garanderie a non seulement cherché à décrire ce qui se passe dans "la boîte noire" de
l'apprenant, mais il va plus loin que la description, en proposant des stratégies permettant à chacun de
découvrir la démarche qui lui convient le mieux et comment savoir la mettre en oeuvre
systématiquement.
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La gestion mentale
Tout repose sur ce qu'il appelle "la gestion mentale". Comme l'artisan qui a appris les gestes à faire pour
réaliser un objet, il faut apprendre à gérer les différentes opérations mentales qu'on est amené à
accomplir si l'on veut apprendre et réussir : l'attention, la réflexion, la compréhension , la
mémorisation…, toutes ces choses que nous pensons plus ou moins spontanées, mais qui sont en fait
régies par des lois réelles. C'est ce qu'il a mis en évidence.
Il n'y a pas de "gestes mentaux" (la compréhension par exemple) sans un codage mental, ce qu'il
appelle "une évocation". "Evoquer", c'est faire quelque chose dans sa tête, pour s'approprier une
image, un message, pour comprendre. Si on reste en simple perception, de manière passive, il n'y a pas
de compréhension ni de mémorisation.
Nous avons tous évoqué pour préparer des examens. Le livre, fermé, on faisait revenir dans notre tête,
d'une façon qu'il serait intéressant de pouvoir préciser, le contenu des textes à mémoriser : écrire le plan,
retrouver les enchaînements, imaginer le type de questions qui seraient posées ? De la même façon,
pour résoudre un problème de maths, on se demandait : quelle est la question posée ? A quelles
connaissances me renvoie-t-elle ? est-ce que je peux dessiner quelque chose pour mieux comprendre ?,
etc.
Ce travail intérieur et mental, distinct de la perception, c'est l'évocation.
Chacun de nous a une manière privilégiée d'évoquer : certains préfèrent se parler, réentendre les
explications reçues, imaginer un dialogue ; d'autres préfèrent voir dans leur tête des images, le texte
écrit…
On dit que certains ont des procédures plutôt auditives, d'autres visuelles.
Ce n'est pas inné, c'est généralement acquis avec les premières expériences de la vie. Elles sont
renforcées par des apports kinesthésiques, c'est-à-dire les affects, l'ambiance, la participation ou non du
corps…
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Directives pédagogiques de base
Principe de départ : il n'y a pas de véritable compréhension - et donc apprentissage - sans évocation et
contrôle de cette évocation (soit un va-et-vient entre perception et évocation, pour vérifier si l'évocation
est juste).
L'évocation ne peut se faire en même temps que la perception.
- L'intervenant doit donc donner le projet et le temps à l'enfant d'évoquer.
Il lui facilite alors le geste d'attention. Je vais te montrer quelque chose, un mot par exemple ; je vais
l'effacer et tu me diras ensuite ce que tu as fait pour t'en souvenir. C'est en situation que l'enfant peut
découvrir ses procédures. On apprend en faisant.
Les enfants se prennent souvent au jeu et on est surpris de leur capacité à pouvoir s'observer, même si
au début on doit les aider par quelques questions.
S'ils ont réussi, la procédure qu'ils ont utilisée était pertinente. Sinon, on peut en suggérer une autre.
S'ils sont restés passifs, dans notre exemple, ils ne savent pas le mot.
- L'intervenant doit toujours demander, que le résultat soit juste ou non (exemple problème de
maths) : comment tu t'y es pris, pour obtenir tel résultat et non c'est faux, pourquoi tu n'as pas
appliqué telle règle, ce qui amène l'enfant à se justifier et non à expliciter sa démarche, qui était peutêtre intéressante à analyser.
- L'intervenant doit organiser l'interactivité. Les enfants qui ont réussi expliquent aux autres
comment ils ont fait ; ils se questionnent mutuellement.
- L'intervenant a sa propre manière de fonctionner. Il doit veiller à ne pas privilégier sa
démarche, mais passer son enseignement sous deux formes. S'il met lui-même en oeuvre des
procédures plutôt visuelles, il va donner beaucoup d'images à voir. C'est souvent le cas du prof de
maths, qui fait beaucoup de figures et de schémas au tableau. Il explique peu, pénalisant ceux qui ont
besoin d'écouter et de recevoir beaucoup d'explications. A l'inverse, le prof d'histoire ou de littérature,
qui parle beaucoup, mais ne donne pas assez à voir, met en difficulté les visuels.
En résumé, il s'agit non pas d'une méthode, encore moins de trucs ou de recettes, mais d'une
approche, basée sur un principe simple et le dialogue pédagogique, qui met au centre, non pas
l'intervenant et le savoir qu'il veut transmettre, mais l'enfant, avec ses préoccupations, ses
manières de fonctionner, les savoirs qu'il possède déjà et sur lesquels on va lui apprendre à
s'appuyer, à prendre ancrage pour aller plus loin. Il devient acteur. Il acquiert de l'autonomie.
L'ensemble de cette approche est évidemment plus complexe que ce que nous en avons dit. Antoine De
La Garanderie a notamment beaucoup travaillé sur les différents profils pédagogiques en fonction des
niveaux d'apprentissages et sur le dialogue pédagogique. Après une longue vie de recherche et
d'expérimentations, il a publié de nombreux ouvrages dans les quinze dernières années de son activité
professionnelle, qui mêlent théorie et pratique. Ci-dessous, quelques-uns d'entre eux, tous parus chez
Centurion dans les années 1985-95.
« Pédagogie des moyens d'apprendre », « Pour une pédagogie de l'intelligence », « Le dialogue
pédagogique avec l'élève », « Les profils pédagogiques ».
Une bonne introduction à son approche, par une journaliste, Geneviève Cattan : « Tous les enfants
peuvent réussir - A. de la Garanderie », G.Cattan, chez Marabout ( réédité en 2001).