Les camps américains de prisonniers allemands pour - Malgré-Nous

Transcription

Les camps américains de prisonniers allemands pour - Malgré-Nous
Les camps de prisonniers allemands des américains
avec des malgré-nous évadés
Camp de Thorée les pins dit La Flèche (« les fléchards »)
C’est certainement le plus dur de tous les camps où les Malgré-Nous furent internés avec les
Allemands. Les Américains n’acceptèrent aucune intervention de l’armée française. Ils ne
firent également aucune distinction entre les Malgré-Nous et les Allemands de souche. Pire :
ils méprisaient les Malgré-Nous, les traitant de déserteurs (et les gradés tout comme les
soldats américains de la troupe avaient horreur des déserteurs).
Selon Joseph François Gross de Rohrbach-Lès-Bitche, il y aurait eu 225 Malgré-Nous (pris
par les Américains) entre le 1 et 17 décembre 1944 dans sa région. Ils ont été emmenés à
La Flèche et mélangés aux allemands.
Le curé de Bining et le maire de Meisenthal ont réussi à empêcher le départ dans les deux
villages de tous les « évadés ».
Ils n’ont été libérés à la Flèche qu’à la fin de la guerre, en mai 1945.
A Rimling, 40 Malgré-Nous, qui sortirent le jour de la libération de leur village de leur
cachette, furent emmenés à La Flèche. (Il y aurait eu plus de 240 Malgré-Nous des environs
dans ce cas de figure).
Ceci prouve que lorsque les « édiles » s’imposaient et argumentaient, ils arrivaient
par leur force de persuasion, à ce que les américains laissent la situation en l’état et
n’arrêtent personne. Cela aussi prouve qu’à un certain échelon de la hiérarchie, les
gradés américains connaissaient le problème des Malgré-Nous.
Camp de Sainte Marthe à Marseille
Selon René Seelweiger de Montbronn, caché depuis mars 1944, le village fut libéré le 6
décembre 1944 à 10 heures. A 15 heures, un appariteur prévient oralement à travers toute
la localité, que tous les insoumis et évadés doivent se rendre à la mairie pour vérification
d’identité. Pour les évadés il en est même précisé qu’ils doivent apporter leur équipement
militaire et leurs armes pour qu’elles soient confisquées. Confiants, 20 jeunes se présentent
à la mairie où se trouvent le maire et le curé. Immédiatement ils sont enfermés toute la nuit
dans un garage, sans avoir le droit de sortir même pour faire leurs besoins, Les américains
refusent aussi de distribuer, aux captifs, la nourriture apportée au garage par leurs proches.
Le lendemain 7 décembre à 8 heures ils sont emmenés par camion à Sarrebourg.
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Le 8.décembre 1944, ils sont embarqués dans des wagons à bestiaux et se retrouvent au
matin du 9, vers 10 heures, à la gare Saint Charles de Marseille. De là ils sont emmenés
au camp de prisonniers allemands de Saint Marthe et accueillis par les prisonniers
allemands. Un des Malgré-Nous, ancien sous-officier de l’armée française, se rebelle auprès
d’un capitaine français, en lui expliquant leur situation. Perplexe, ce dernier l’emmène pour
interrogatoire et, une heure plus tard, tout le groupe peut quitter le camp, pour être transféré
au camp de transit de l’armée française de la Blancarde, avec le régime de semi liberté.
Dés le 12 décembre 1944, tous ceux qui peuvent produire un certificat d’hébergement en
France, à l’exception du département de la Moselle, où les combats se poursuivent encore,
sont autorisés à partir.
Tous les autres ont du attendre la fin de la guerre pour être libérés.
André Schutz de Strasbourg s’est rendu aux américains à Thuringe et il a été lui aussi
emmené au camp de Sainte Marthe.Il y est resté jusqu'à la fin de la guerre et prétend que
ce camp a contenu jusqu’à 850 malgré-nous !
Ici on a la confirmation que lorsque les Américains avaient affaire à des
édiles « peureux, froussards, incompétents, complaisants! », ils emmenaient tout le
monde. Il faut aussi évoquer le rôle des FFI qui souvent « prêtaient la main aux
Américains pour faire la chasse aux Malgré-Nous ».
Par contre il y a aussi des exemples contraires, comme à Saint Avold,où malgré
l’intervention du maire et du curé, les déserteurs cachés et déjà sortis de leur
cachette, fin novembre 1944,ont été malgré tout, arrêtés et emmenés, le 3 décembre, à
la suite d’une explosion provoquée par un engin allemand caché dans une caserne de
la ville :l’explosion de cette mine avait fait des blessés et des morts côté américain.
Ceux-ci furieux, ont été intransigeants et avaient besoin de « boucs émissaires : les
pauvres soldats mosellans déserteurs et sortis de leur cachette ont en fait les frais.
Camp de Cherbourg (fort de Roule)
Il s’agit d’un des plus grands camps de prisonniers allemands tenus par les Américains. Il
s’est construit rapidement, au fur et à mesure des besoins et au fil du temps. En septembre
1944, il n’y avait pas grand monde, puis tout s’est accéléré. Construit à la hâte, en pleine
saison des pluies, ce camp est resté célèbre par la « boue » omniprésente, qui avait envahi
tout le camp compte tenu de l’hiver 1944/45 particulièrement rigoureux. Certaines semaines,
les prisonniers étaient contraints d’évoluer avec de la boue jusqu’aux genoux.
Georges Logel, Malgré-Nous, incorporé dans une unité SS, s’évade mi-juin 1944 du front
de Normandie. Le 30 juillet 1944, il décide de se rendre aux Américains, ce qui lui vaut
d’être immédiatement interné à Cherbourg au fort de Roule.
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Charles Buch de Colmar, né le 17 février1926, est incorporé d’office dans les SS, dans la
division Das Reich, au sein de la 1° compagnie du 2° bataillon des pionniers de la division
blindée, le 11 février 1944. Ils furent environ 1000 à être embarqués, comme lui, dans la
Waffen SS à Mulhouse.
Le 08 juin 1944 il est à Tulle. Il y est encore le 9.06, jour des pendaisons des otages
français. Il confirme que c’est son camarade Elimar Schneider qui serait à l’origine du
sauvetage du dernier supplicié. Il confirme aussi que ces pendaisons étaient des représailles
à cause des 40 Allemands tués la veille, le 07 juin, morts affreusement mutilés par les FTP.
Il parvient à s’évader le 28.juillet 1944 en Normandie, est caché pendant quelques jours par
des habitants, pour être finalement dénoncé aux Américains et interné le 3 août 1944 à
Cherbourg au fort de Roule. Il est affecté à un groupe de 30 prisonniers effectuant des
travaux dans le port de Cherbourg où il réussit à convaincre un capitaine français, Alsacien
qui plus est, de s’occuper avec bienveillance du sort réservé aux incorporés alsaciensmosellans dans l’armée allemande.
Quelques jours après, une commission militaire française est réunie à compter du 21
septembre 1944 pour instruire les dossiers de ces Malgré-Nous.Dans l’immédiat et en
attendant la décision finale, une fois les faits attestés et avérés après vérification, les
Malgré-Nous alsaciens-mosellans obtiennent des autorités d’être séparés des
Allemands et exemptés de travaux.
Ils sont donc regroupés dans la fameuse « cage 14 ». (En fait c’était un enclos grillagé
comme il y en avait beaucoup dans le camp).
Les résultats de l’enquête menée étant favorables, Charles Bucha est transféré au quartier
Rochambeau à Cherbourg. Il y obtient, dés le 5 octobre 1944, une carte d’identité de
l’armée française l’incorporant dans le 1° bataillon d’instruction de la Manche.
De là, il est transféré au camp militaire de Saint Pierre Eglise (un ancien camp des forces
allemandes, à coté d’un collège de jeunes filles, à 15 km de Cherbourg).
Le 12.03.1945 il est démobilisé à Cherbourg et rentre chez lui.
Elimar Schneider de Strasbourg, né le 20 septembre 1926, a connu le même parcours que
Charles Buch. Incorporé la 08 février 1944 et versé dans la 2° division blindée de la Waffen
SS il confirme avoir obtenu la grâce d’un pendu à Tulle dans l’affaire des 99 otages pendus.Il
participe à la bataille de Normandie, puis de celle des Ardennes, toujours dans la Waffen SS.
Il est fait prisonnier par les Américains le 13 janvier 1945, passe par l’hôpital de Reims
pour être soigné le 24 janvier 1945, puis par Soissons pour se retrouver finalement à
Cherbourg au fort de Roule. Là, il rejoint d’autres Alsaciens dans la « cage 14 » et
confirme que l’oisiveté y était terrible : ne pas être obligé de travailler, cela signifie aussi que
le temps ne passait pas.
Ici il faut souligner un fait intéressant : Elimar Schneider n’était pas un évadé ou
déserteur de l’armée allemande repris par les américains mais un prisonnier régulier
des américains sur les lieux de combat. Pourtant les américains ne firent aucune
différence de traitement avec les autre Malgré-Nous.
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2 mois plus tard, fin mars approximativement, la croix rouge leur permet d’écrire à leur
famille. Or il semble bien que c’était un piège : les lettres ne sont jamais arrivées et il est
probable que le seul but de ces courriers était de vérifier que l’adresse qu’ils avaient
communiquée était la même que l’adresse déclarée à leur arrivée dans le camp. Juste après
l’envoi de ce courrier, on leur propose d’ailleurs de s’engager dans l’armée française. Ceux
qui refusaient ont rapidement été transférés dans un camp français, à Saint Pierre Eglise.
Elimar Schneider garde dans ce camp de douloureux souvenirs en tant que SS. Il parle de
200 malgré-nous, gardés par des FFI. Lorsque le camp de Saint Pierre Eglise fut fermé
(voir chapitre sur les archives de la Manche), certainement en avril 1945, le cas d’Elimar
Schneider n’est toujours pas réglé. Il fait partie des restants qui sont tranférés dans une
chapelle désaffectée et finalement il est renvoyé aux autorités locales alsaciennes qui le
démobilisent définitivement au centre du Wacken à Strasbourg, celui de Cherbourg n’étant
plus compétent à la fin de la guerre, pour les Alsaciens-Mosellans.
Il est à noter que Charles Buch et Elimar Schneider, Alsaciens à forte personnalité, ont été
incorporés de force dans les Waffen SS avec la classe de 1926, qui avec un millier
d’incorporés, partit de suite dans le sud-ouest prés de Bordeaux pour y effectuer leurs
classes. C’était un cadeau du Gauleiter Wagner à son grand ami Himmler et il était prévu
que ces hommes allaient partir pour le front Russe. Mais le débarquement allié en
Normandie, le 6 juin 1944, a provoqué un changement d’affectation.
Ils firent donc partie de cette division de SS Das Reich , qui se rendit tristement célèbre
avec les massacres de Tulle et d’Oradour sur Glane les 9 et 10 juin 1944.Après, dans la
bataille des Ardennes,Elimar Schneider eu sa photo sur une affiche de propagande militaire
allemande très connue. Après guerre, tous deux contestèrent les versions officielles et
« politiquement correctes » des 2 massacres de Tulle et d’Oradour.Ils écrivirent des
livres!furent interrogés par les réalisateurs de documentaires sur ces 2 massacres, cités
comme témoins dans divers procès des nazis.
Encore aujourd’hui il y a polémiques. Toujours est-il qu’ils ne furent jamais, ni inquiétés, ni
punis par les diverses justices françaises et ont obtenu tous les 2 les mêmes réparations et
droits que tous les Malgré-Nous.
Camp de Saint Pierre Eglise (à 15 km au Sud-est de Cherbourg)
A l’origine, ce camp n’était pas un camp de prisonniers, mais un camp de manœuvres
militaires utilisé par les Allemands pendant l’occupation. C’est là que furent affectés, au fur et
à mesure que leur bonne foi était reconnue, les Malgré-Nous du camp de Cherbourg (fort
de Roule).A partir de l’automne 1944, c’était le camp réservé aux Malgré-Nous, tenu par
l’armée française au début puis par les FFI à la fin.
Selon Charles Buch il y aurait eu en tout quelques 150 malgré-nous.Selon Elimar Schneider
environ 200.
En effet , le camp de Cherbourg s’agrandissait de jour en jour à partir du mois de septembre
1944, pour devenir un ensemble immense, difficile à gérer. Aussi. Dés que les autorités
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militaires françaises furent informées de la présence de Malgré-Nous (peut-être suite à
l’épisode initié par Charles Buch qui date de fin septembre), ils ont été séparés des
prisonniers allemands et regroupés dans la « cage 14 » (une cage étant un enclos
entouré d’un grillage et cet espace était séparé des autres prisonniers).
Comme les Américains refusaient le moindre transfert aux autorités françaises sans
enquête individuelle, les changements de camp ont pris plusieurs semaines. En plus, au sein
de cette « cage 14 » plusieurs clans ont fini par se constituer : les Alsaciens, les Mosellans,
les Luxembourgeois, bien que le camp soit commandé par un sous-officier allemand.
Il est certain qu’il y a eu plus de prisonniers malgré-nous restés à Cherbourg que
transférés à Saint Pierre Eglise.
A Saint Pierre Eglise, les occupants étaient à l’abri des combats et de la guerre mais le
temps ne passait pas et les jours s’égrenaient lentement dans l’ennui, faute d’activité. En fait
les autorités militaires refusaient de libérer complètement ces Malgré-Nous, tant que le
département de la Moselle et ceux d’Alsace n’étaient pas totalement libérés. Ce n’est donc
qu’à partir de début février 1945 que la plupart purent retourner dans leurs foyers.
Il est intéressant à noter le fonctionnement de ce camp :si les renseignements
obtenus sur les détenus convenaient aux autorités du camp, ils étaient mieux traités
et rapidement libérés , à partir du début février 1945.Si les renseignements n’arrivaient
pas (en principe il n’y en avaient jamais de mauvais) parce que dans certaines zones
de la Moselle les combats faisaient encore rage et que beaucoup de petits villages
étaient toujours occupés par les Allemands, les Malgré-nous étaient considérés
comme suspects et traités en tant que tel. Voir ci-après les écrits des archives du
département de la Manche.
Périple d’Eugène Tritz (mon père)
Né le 28 août 1915 à Grindorff il fit partie de cette classe de Mosellans dont le périple
militaire dura de 1936 à 1945 !
Il est régulièrement mobilisé dans l’armée française en 1936, au fameux 40° R.A.N.A, à
Chalons sur Marne. Démobilisé le 15 octobre 1938, il est rappelé sous les drapeaux dés le
24 mars 1939 (après l’envahissement de la Tchécoslovaquie par Hitler).Dés le 8 mai 1939,
son unité est affectée à la défense de la ligne Mareth, dans le Sud-Tunisien.En 1940 il est
nommé Maréchal des logis.
Après la défaite de 1940, il attend, à Tunis, jusqu’au 12 septembre 1940, une occasion d’être
rapatrié en métropole. Le 13 septembre, à 9h10, son bateau « le Cap Tourane » heurte une
mine au large de la Sardaigne. Il y a 17 morts et le reste des passagers passe la journée et
une nuit dans l’eau avec des bouées de sauvetage, avant d’être secouru par un autre bateau
de l’escorte.
Ensuite, ils sont dirigés sur Marseille, et emmenés à Avignon pour être démobilisés. Faute
de moyens de transport, les autorités militaires de Vichy tergiversent et l’affecte à un camp
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de travailleurs à Morières les Avignon où il surveille et organise l’occupation de soldats
« indigènes ».
Le 15 octobre 1940, il est enfin démobilisé par le centre du 7° régiment du Génie d’Avignon
et met 10 jours pour rentrer à Grindorff.
En 1943 il est rattrapé par les nazis.Sa classe 1915, avant-dernière à être incorporée en
Moselle, contrairement à l’Alsace où les Nazis incorporent jusqu’à la classe 1909, doit partir
le 18 avril 1943.S’étant marié, avec un enfant, et agriculteur de profession, il obtient un
sursis, pour faire les récoltes (cela était fréquent chez les paysans)
Néanmoins, le 25 octobre 1943 il est incorporé dans la Luftwaffe comme simple Funker
(opérateur radio), après avoir refusé de l’être avec son grade de l’armée française. (On
proposait à tous les Malgré-Nous qui avaient servi dans l’armée française, d’obtenir le même
grade dans l’armée allemande, à condition de suivre, pendant un mois, une instruction dans
une école de sous-officiers allemands).
Il est affecté sur le front italien. Il fait partie de ces divisions que la Wehrmacht appelait
dédaigneusement les « Hermann Goering Spende » (l’offrande de Hermann Goering).En
effet, dés 1942, et face aux énormes pertes en hommes sur le front russe, l’état-major
allemand demanda fermement à Hitler de disposer des importants effectifs inemployés de la
Luftwaffe, commandée par le tout puissant Feldmarschall Hermann Goering.Pour ménager
la susceptibilité de ce dernier, on mit à la disposition de la Wehrmacht, le 20 septembre
1942, 120 000 hommes de la Luftwaffe, mais qui gardaient leur fameux uniforme bleu foncé
ainsi que leurs mœurs et coutumes. Ces troupes, n’étant pas formées aux durs combats au
sol, étaient de piètres soldats et la Wehrmacht les méprisait.
Dans tous les livres, sur la bataille d’Italie en 1943-44, l’on relate rarement ces « Herman
Goering Divisions » !
Le 30 août 1944 il obtient une permission exceptionnelle, déposée le 29, de 12 jours. En
partant son lieutenant, en lui serrant la main lui dit : salut Tritz, je sais qu’on ne se reverra
plus. Quand tu seras chez toi, les Américains y seront aussi!
Le 11 septembre 1944, il ne rejoint pas son unité et devient donc un évadé au sens strict du
terme pour un incorporé de force et un déserteur pour l’armée allemande. Les Américains
sont de l’autre coté de la Moselle, à Contz-Les Bains, à 16 km de Halstoff!
Il se cache à Grindorff, dans sa famille, et attend les américains. Il attendra plus de 2 mois
jusqu’au 18 novembre 1944.Il sort de sa cachette et rejoint son épouse à Halstroff et
retourne la nuit même à Grindorff : vu la « fébrilité » des premiers américains, il n’avait pas
confiance.
Il est finalement « présenté » aux Américains, en tant qu’évadé, le 4 décembre 1944 à
Halstroff, soit 15 jours après la libération de Halstroff
Que veut dire le terme « présenté », inscrit sur sa fiche de démobilisation ? Il est étonnant à
être pris 15 jours après la libération d’un village. Il ne parlait jamais de cet épisode. Une fois
il m’a dit : « je me suis décidé à me rendre pour que votre mère n’ait pas d’ennuis! !
Des ennuis!.par qui!et pourquoi ?
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Toujours est-il qu’il est emmené à Cherbourg. Il a été emmené en même temps que son
voisin, Pita, qui était resté allemand, bien que marié à une française depuis des années. Ce
dernier avait profité d’une permission pour déserter lui aussi. Pita fut enfermé avec les
allemands, alors que mon père intégra de suite la cage 14 dés son arrivée (cette cage
fonctionnait depuis fin septembre 1944).
Les conditions de vie y étaient un peu meilleures, il y avait un peu de « marché noir » avec
les Américains et souvent mon père partageait un peu de nourriture avec Pita, qui crevait de
faim, dans une cage à coté. Il lui passait de la nourriture à travers le grillage, ce qui était
strictement interdit par le règlement Plus tard il disait à son fils Edmond : heureusement que
j’ai aidé ton père sinon il n’aurait pas survécu au début de son internement !
Son dossier a du être facile à vérifier, puisqu’il avait été sous-officier dans l’armée
française en 1940, car dés le 28.12.1944 il est remis par les Américains aux autorités
françaises, et obtient la carte d’identité militaire française, l’incorporant dans le 1° bataillon
d’instruction de la Manche (comme Charles Buch, mais dés le 05.10.1944 pour celui-ci).
Je peux donc affirmer que les récits de Charles Buch et d’Elimar Schneider sont
exacts pour ce qui concerne le camp de prisonniers allemands de Cherbourg fort de
Roule et du camp français de Saint Pierre Eglise.
De là, mon père est transféré à Saint Pierre Eglise d’où il est mis en congé pour une durée
indéterminée le 5 février 1945. A Paris, dans la foulée, il obtient sa carte d’interné et de
déporté politique, le même jour.
Il arrive facilement jusqu’à Metz en train. Comme dans le département de la Moselle toute
circulation était encore interdite par les Américains, il se rend chez un de ses oncles
maternels à Metz, qui le met en contact avec un autre résident natif de Halstroff, Paul Mertz,
dont le fils Victor, capitaine de l’armée française, vient d’arriver en permission.
Le parcours de ce capitaine Mertz est rocambolesque : engagé volontaire en 1940 à 19
ans, il est fait prisonnier comme 2 millions de soldats français en 1940.Après 15 jours il
s’évade. En 1942, à Strasbourg, il tue un officier allemand SS, lui prend son véhicule et
rejoint la résistance, dans la région de Limoges, où sous le nom de commandant Baptiste,
il est dans tous les « coups », sous l’autorité du colonel Rousselier, alias colonel River, un
des principaux adjoint du fameux colonel Guingouin.
Bien entendu, Victor Mertz avait une autorisation de circulation totale et c’est donc dans une
jeep française, avec un capitaine de l’armée française et son intendance, ainsi qu’une jeune
fille de Halstroff, Anna Mertz, qui avait passé la guerre dans la Meuse, que mon père est
revenu à Halstroff.
En fait, il a quitté son village le 4 décembre 1944, comme prisonnier allemand de
l’armée américaine, et il est revenu en tant que sous-officier français, dans la voiture
d’un officier français, en début février 1945 !
Les longues et fastueuses recherches que j’ai effectuées, confirment et confortent le récit
que mon père me faisait dans les années 1950.Je n’ai pas pu obtenir plus de
renseignements précis sur ce fameux terme : présenté aux américains, qui figure sur son
certificat de démobilisation définitif.
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Vraisemblablement il a subi des pressions familiales ou autres pour aller spontanément se
présenter devant les américains et éviter d’être suspecté d’être un espion allemand déguisé.
Il en parlait peu, très peu, trop peu!certainement.
Un seul témoin, vivant, m’a dit : que veux-tu..les gens parlaient trop! ! Tous m’ont affirmé
qu’il n’y a pas eu de dénonciations à Halstroff..
Je suis..presque d’accord avec lui.
Par contre, les édiles de Halstroff, n’ont pas été à la hauteur dans cette affaire. Ils ont
même été absents, inexistants, peut-être laxistes! !
A Montenach, petit village de 300 habitants, à 10 km de Halstroff, il y avait 11 malgré-nous
évadés et cachés dans le village.Un oncle de mon épouse,René Sauzy,agé de 14 ans,allait
2 fois par jour les nourrir.Lui seul savait où ils se cachaient et quand ils changeaient de
cachette. Aucun n’est parti, n’a été repris. Ils sont simplement restés cachés quelques
temps et lorsqu’ils sont sortis de leur cachette les américains ne pensaient plus à ce genre
de détail.
Aux sollicitations des Américains, les villageois ont simplement répondu d’une seule voix
qu’il n’y avait pas d’allemands dans le village, un point c’est tout. Et les troupes américaines
n’ont pas insisté. Bien sûr, s’il y avait eu un problème pendant leur séjour à Montenach ils
auraient cherché et trouvé.
Néanmoins il y a là un rare exemple d’unité locale : à Montenach en 1944, il n’y avait ni profrançais ni pro-allemands.Il n’y avait que des « Montenachois » !
Comment ces malgré-nous furent pris comme prisonniers allemands par les
américains
A. D’abord simplement par maladresse et naiveté.Ces déserteurs ou évadés de l’armée
allemande pensaient naïvement que les Américains les accueilleraient à bras ouverts
puisqu’ils leurs avaient rendu service en ne les combattant plus après leur évasion (ou leurs
alliés Russes sur le front de l’Est).
Or, ce qu’ils avaient oublié, c’est que les premières troupes, dans toutes les armées du
monde, celles qui vont au « casse pipe », celles qui sont souvent sacrifiées avec d’énormes
pertes, sont rarement des « gens normaux », mais beaucoup sont des « brutes ignares » ou
des repris de justice ou des aventuriers sans scrupules.
B. Ensuite, après le franchissement de la Moselle, les combats s’enlisèrent pour diverses
raisons. Les Américains ne comprenaient plus la résistance acharnée des Allemands,
voyaient des espions et des collaborateurs partout!La sécurité militaire venait avec des
civils (FFI), qui menaçaient les édiles, utilisait des subterfuges pour avoir la liste des
déserteurs dans les mairies, bref la collaboration à l’envers.
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C. Il y eu peut-être des dénonciations locales mais elles furent rares. D’ailleurs après la
première vague des troupes américaines arrivées en Moselle à l’automne 1944,vague qui
quitta d’ailleurs la Moselle dés le 16 décembre 1944 pour faire face à la contre-attaque
allemande dans les Ardennes, il n’y eut plus de prisonniers malgré-nous dans les villages
libérés. Il y avait d’autres urgences..
E. Il y eut aussi un manque complet d’autorité militaire française en Moselle par rapport à
l’Alsace qui avait les armées de De Lattre et Leclerc. Du coup, il y eut bien moins de
Malgré-Nous évadés de l’armée allemande capturés par les Américains en Alsace
qu’en Moselle.
Malheureusement, la Moselle a toujours été une terre d’ordre et de discipline : les
Américains exigeaient (et encore une fois pas partout) la remise de ces Malgré-Nous!alors
on faisait ce qu’il fallait. Tous les exemples le démontrent : là où les évadés sont restés
cachés quelque temps avec la complicité de tous, ils ne furent pas internés sauf exception.
Ce fut le cas dans de nombreuses communes ou les édiles (principalement les maires et les
curés défendirent avec vigueur la cause de ces Malgré-Nous)
.Au fond, ces Américains faisaient ce qu’ils voulaient en Moselle dans le cadre de l’AMGOT :
exemple de Michel Guirkinger de Fréching :
Caché à Fréching depuis la mi-août 1944, il sympathise avec les premiers américains le jour
même du franchissement de la Moselle le 9 novembre 1944.Le 10 novembre les Allemands
reviennent et repoussent les américains. Il se cache à nouveau Le lendemain, 11 novembre,
les Américains reviennent pour de bon après la bataille de Kerling-Les-Sierck.Il ressort pour
sympathiser mais il est emmené dans une jeep à Petite Hettange et placé en captivité avec
les prisonniers allemands. Le lendemain il est emmené à Audun le Roman, puis à
Stenay.Quelques jours après il se retrouve à Compiègne dans un camp où il y avait des
troupes françaises. Quelques jours après, il fait partie des quelques 150 Mosellans qui sont
acheminés à Beauvais dans un camp de l’armée française. Il se porte volontaire pour le
travail et trouve une place chez un fermier où il est correctement logé et nourri.
Début mars, l’armée française lui donne des papiers pour revenir en Moselle
A Cattenom, Jacques Paradeis et presque tous les évadés (sauf ceux qui sont cachés
jusque fin décembre 1944 ou début janvier 1945) partent à Cherbourg, pour se retrouver
aussi à Saint Pierre Eglise, par le circuit classique du fort de Roule.
On voit bien au travers de ces récits qu’il n’y avait pas d’organisation rationnelle de la
part des américains pour traiter les cas des Malgré-Nous!
Archives du département de la Manche
Il apparait que les autorités cherchèrent à vider les camps de prisonniers, notamment
Alsaciens et Mosellans, dés le mois de février et mars 1945, pour y accueillir les futurs
retours d’Allemagne des prisonniers français. En effet, le département de la Manche avait
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été tellement sinistré et on avait absolument besoin de ces camps pour y loger les
« revenants »
On peut y lire :
« Le Cotentin est encore encombré de prisonniers de toutes sortes y compris d’AlsaciensLorrains »
« Le 4 janvier 1945, la préfecture ordonne l’évacuation de 1500 Alsaciens Lorrains vers
les départements limitrophes, à condition qu’on trouve des camions. »
« Ce projet tombe à l’eau car on a évacué des Russes et d’autres nationalités dans ces
départements ».
« Ces anciens membres de la Wehrmacht, non volontaires pour l’armée française, au
nombre de 1 500, devaient être remis entre les mains de la maison du prisonnier, en
uniforme allemand, d’après un ordre du général commandant la 3° région, afin de les habiller
et de les diriger sur l’Alsace. Après avis de Coutances ces Alsaciens-Lorrains sont confiés
au service des réfugiés, section de Cherbourg. On envisage de les évacuer sur Rouen, puis
dans l’Orne où un camp leur est réservé. Le 5.02.1945 on signale que seulement 80 ont pu
être dirigés sur Le Mans, et environ 1 100 sont toujours retenus au fort de Roule. »
« Des instructions, parvenues à Cherbourg, attirent l’attention sur le fait que les AlsaciensLorrains doivent être traités comme les prisonniers français et qu’un contrôle militaire
strict doit être fait à Cherbourg. Après il suffira d’aider par tous les moyens ces AlsaciensLorrains à regagner leur province, seuls les suspects devant rester »
« Aucune décision précise et pratique n’a pu être prise en février. La subdivision, impatiente
de vider les camps de Saint Pierre Eglise et Vast, accepte de prendre 50 hommes tous
les 2 jours et de les rendre aux autorités civiles qui envoient ces Alsaciens–Lorrains
chez eux ou dans un membre de leur famille qui habite en dehors des zones de combat. »
« En mars la question des Alsaciens-Lorrains est toujours à l’ordre du jour : 750
Alsaciens-Lorrains se trouvent encore au fort de Roule et vont être remis incessamment
aux autorités compétentes ! Une mission venue spécialement de Paris s’occupe des
dispositions matérielles nécessaires pour une démobilisation rapide de ces
ressortissants français. »
Conclusion
Aucune étude complète n’a jamais été faite sur l’incroyable histoire de ces Malgré-Nous,
déserteurs de l’armée allemande, et évadés pour revenir dans leur région d’origine à travers
les territoires occupés par les Allemands, bravant tous les risques pour se cacher, parfois
pendant presque un an, prés de chez eux, parfois à l’insu de leur famille.
Finalement à l’automne 1944, ils sont traités en soldats ennemis par les Américains et
sont emmenés en captivité, dans des camps de prisonniers, où ils sont placés sous les
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ordres et sous la garde d’officiers et de sous-officiers allemands de souche. Il a fallu du
temps pour que les autorités françaises de l’époque réagissent !
Il faut cependant convenir que le dossier des Malgré-Nous, posé depuis 1919 à la fin de la
première guerre mondiale, devient encore plus complexe en 1942-45.
En effet, si les Alsaciens-Mosellans en 1914-18 durent combattre dans l’armée
allemande, c’était sous un statut légal à défaut d’être moral (les 2 départements
d’Alsace et celui de la Moselle) avaient été régulièrement cédés par la France à
l’Allemagne par le traité de Francfort en 1871.
Par contre, c’est en toute illégalité, que les Nazis incorporent d’office les AlsaciensMosellans dans leur armée à partir de 1942.La convention d’armistice du 24 juin 1940 entre
la France et l’Allemagne ne stipulait absolument aucune particularité pour l’Alsace et la
Moselle.
C’est donc en violation totale des règles de droit international que furent incorporés
les Malgré-Nous de 1942-45.
Il semble quand même que les victimes de ces arrestations fin 1944 et des séjours en camp
de prisonniers allemands fin 1944 et début 1945 soient avant tout des Mosellans. Le
nombre d’incorporés de force alsaciens dans l’armée allemande et repris en tant qu’évadés
par les américains, en dehors des prisonniers lors de la bataille de Normandie, a été
relativement faible. En effet il n’y a pas d’exemples d’internement lorsque les autorités
françaises étaient présentes, lors de la libération, ce qui fut le cas en Alsace.
En Moselle, l’affaire est totalement différente car pendant prés de 7 longs mois, seuls les
américains y combattaient et exerçaient leur loi : celle de l’AMGOT.
.Dans l’excellent ouvrage « malgré eux dans l’armée allemande », édité par le conseil
général de la Moselle, seules quelques lignes (à la page 126) sont consacrées à ces MalgréNous arrêtés et traités comme prisonniers allemands.
Or plusieurs milliers de ces Mosellans ont passé, de façon totalement injustifiée et
pour beaucoup dans des conditions épouvantables, entre 3 et 7 mois en captivité,
dans leur propre pays !
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Joseph TRITZ ,Septèmes les Vallons, le 07.06.2015
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