Pour une politique municipale de l`enfance

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Pour une politique municipale de l`enfance
« Les mêmes hautes facultés mentales qui ont tout d’abord conduit
l’homme à croire en des agents spirituels invisibles, puis l’ont conduit
au fétichisme, au polythéisme, et enfin au monothéisme, devaient le
conduire infailliblement, tant que ses capacités de raisonnement
demeureraient pauvrement développées, à divers étranges
superstitions et coutumes. Beaucoup d’entre elles sont terribles quand
on y pense – comme le sacrifice d’êtres humains pour un dieu
sanguinaire; le procès de personnes innocentes soumises aux
épreuves du poison ou du feu ; la sorcellerie, etc. -, et pourtant il est
bien de réfléchir occasionnellement à ces superstitions, car elles nous
montrent quelle dette infinie de gratitude nous devons aux progrès de
notre raison, à la science, et à notre connaissance accumulée ».
(1) Charles Darwin, La filiation de l’homme et la sélection liée
au sexe, (1871) Ed Syllepse, (1999), p. 181.
Des parents-relais, des parents-médiateurs,
Des parents conseillers municipaux
Pour une politique municipale de l’enfance et des familles
Ce billet présente l’idée de PARENTS RELAIS et de PARENTS MEDIATEURS, un préalable
à l'idée de CONSEILLERS MUNICIPAUX DE PARENTS élus démocratiquement
parallèlement aux équipes municipales. Dans notre esprit certains de ces premiers nouveaux
acteurs engendreront les suivants. Nous devrons évoquer leur statut qui se posera tôt ou
tard. Nous pensons à celui « d'élu social » que nous connaissons dans le cadre du droit du
travail.
Nous imaginons le fonctionnement de ces « parents-relais et médiateurs » et « conseillers
municipaux parents » de plein pied dans la démocratie participative non partisane. Nous
regrettons « La politisation des Mairies » avec Stéphane DION (1986), (2).
Nous évoquons succinctement « un projet des fonctions du Parents-relais » et surtout un
cadre théorique qui nous semble fiable et qui permet d’étayer la réflexion, d’envisager cette
innovation et sa faisabilité dans le cadre communal. Après la présentation des parents-relais
et des Conseillers Municipaux de Parents, nous nous poserons la question de leurs
motivations.
Cette nouvelle idée devra s’expérimenter sur le territoire du département de la Réunion, et
de ce fait elle s’incarnerait, ce qui nous amène à évoquer l’originalité de la place qu’occupe
Francisco VARELA (1946-2001) dans les sciences cognitives et qui influence notre équipe.
Celui-ci définit la cognition comme étant « vécue ou incarnée » par le terme enaction (en
français émergence suite à une incarnation sensori-motrice) : « La cognition, loin d'être la
représentation d'un monde préformé, est l'avènement conjoint d'un monde et d'un esprit à
partir de l'histoire de diverses actions qu'accomplit un être dans le monde» (Varela, in
« L’inscription corporelle de l’esprit », 1993, p. 35) (3). L’ensemble du projet se présente
comme une recherche – action qui devrait non seulement apporter un gain en connaissance
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pour permettre d’appréhender la réalité du processus de transformation social escompté,
mais qui pourrait également servir, non pas de guide, mais de référence pour d’autres
initiatives semblables sur le territoire métropolitain.
Retour à l’étude des motivations des Parents-Relais et Conseillers municipaux –
Parent : Hypothèses :
Comment comprendre un engagement bénévole d’un parent en faveur d’autres parents ?
Cet engagement démentirait-il l’idée individualiste du chacun pour soi (et Dieu pour tous !).
Les identifications de la valeur « Education » et la valeur « Santé » sont-elles suffisantes
pour sous-tendre cet engagement ? L’idée de représenter une frange de la population ne
déclencherait-elle pas un sentiment de fierté qui « narcisiserait » la personne candidate ? Ou
flatterait son égo tant décrié par les bouddhistes ? Quant nous savons « la chute » dans le
mythe de Narcisse, nous pouvons nous inquiéter ! Il y a peut-être une fierté compréhensible
à vouloir promouvoir le bien être des jeunes parents et par réaction en chaîne le bien-être
des enfants ?
Nous devrions évoquer la notion « d’obstacles épistémologiques » qui font entraves à une
pensée éclairée par les découvertes scientifiques et obstacles à leurs applications. La raison
du CEVOI (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien) qui porte ce projet se justifie dans
le dépassement de ces obstacles car l’association fait des recherches sur de recherches et
non pas des recherches de premières mains (ou de premiers cerveaux) ce qui peut vouloir
dire que nous n’avons pas (trop !) la tête dans le guidon, mais surtout nous nous présentons
comme « généralistes » artisans en anthropologie appliquée (selon Roger BASTIDE), (4)
des sphères de la santé et de l’éducation.
ETAYAGE THEORIQUE QUI SE VEUT FIABLE
Les travaux relatés dans cet exposé devraient se présenter comme « des pierres stables »
aidant à traverser une « rivière » et dynamiser parents-relais et conseillers municipaux
parents dont il sera question en fin d’exposé. Ces « pierres » devront être solidement
posées, car cette rivière peut se présenter par certains moments comme un torrent
fougueux ! Nous lançons un « défi » stimulant que nous souhaiterions faire partager, celui
de transmettre des informations « fiables » qui pourront dynamiser de nouveaux acteurs de
la parentalité pour une transformation qualitative de notre société autour des enfants. Pas
nécessairement de nouveaux professionnels, mais des parents qui pourraient sensibiliser
d’autres parents.
Un panorama transversal bio-anthropologique ambitieux est nécessaire quitte à le remettre
en question ultérieurement.
Dans une vision post-darwinienne du vivant, dans un premier temps, nous illustrons la
notion clé « d’épigénèse » par l’exemple fournis par Richard LEWONTIN (2003), qui tient
le haut de l’affiche des généticiens. Pour lui « L’organisme n’est pas spécifié par ses gènes,
mais il est le résultat unique d’un processus d’ontogénèse qui dépend de la succession des
environnements dans lesquels il se produit », (p. 29). Pour illustrer cette affirmation
généralisable à tout organisme vivant, il présente la célèbre expérience de Jens CLAUSEN,
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David KECK et Williams HEISEY de clonage d’une même plante, il s’agit d’Achillea
millefoliumn. Chaque plante est coupée en trois boutures qui seront plantées dans des
environnements différents tant en termes de terroir, d’altitude, que d’ensoleillement…Cette
même plante clonée donne des phénotypes (propriétés physiques) différents, ce qui
constitue une preuve épigénétique de l’influence de l’environnement sur l’expression du
génome. (p. 29-31) « La triple hélice, les gènes, l’organisme, l’environnement » (2003), (5).
L’épigénétique étudie comment l’environnement et l’histoire individuelle influent sur
l’expression des gènes dans la construction de l’organisme, elle s’intéresse aux mécanismes
d’activation de ces gènes par des facteurs extérieurs.
Alain PROCHIANTZ y associe le phénomène « d’individuation », « c’est-à-dire une série
de modifications épigénétiques des individus qui font que cet individu change au cours de sa
vie. Epigénétiques parce que non directement liées à des mutations du génome, mais à des
mécanismes modifiant la structure de la chromatine (l’ADN et son habillage protéique) et, par
là, l’expression des gènes et ce pour une longue période, voire de façon irréversible », (p.
24), Qu’est-ce que le vivant ? (2012), (6).
Il nous faudrait questionner l’auteur pour savoir ce qu’il entend par « irréversible » ?
Il poursuit : « La question qui se pose alors assez spontanément est celle de la valeur
adaptative, pour l’espèce, de ces modifications épigénétiques qui, par définition, se
produisent au niveau de l’individu, même si elles peuvent se maintenir pendant quelques
générations », (p. 25). C’est nous qui soulignons « valeur adaptative »
Et nous évoquerons empiriquement et cliniquement la face cachée de « l’adaptation »
épigénétique dans des situations de stress (cf. les travaux du professeur Henri LABORIT,
(1914-1995)). Dès maintenant, relevons ce que LABORIT dit de « l’adaptation » dans l’article
« Est-il possible de pratiquer la médecine aujourd’hui ? », (1979). C’est pour lui un mot
« dangereux » : « Qui peut affirmer en l’entendant énoncer il ne suggère pas en lui une
notion de valeur favorable ? Un organisme bien adapté à son milieu social ne peut qu’attirer
la sympathie, le respect et l’admiration. Or les phénomènes d’adaptation me paraissent
exceptionnels. En ce qui concerne la physiologie, par exemple, les ethnies des Andes vivant
autour de 4000 mètres d’altitude et chez lesquelles on a pu constater que les sujets avaient
une microcirculation myocardique considérablement plus développée que celle constatée
chez les sujets vivant au niveau de la mer, nous paraît être un exemple d’adaptation. En
d’autres termes, l’adaptation nous paraît pouvoir être définie par la possibilité de conserver
une autonomie motrice identique dans un milieu différent. Par contre, quand on passe
de la physiologie au comportement il semble que l’on confonde le plus souvent adaptation et
soumission », (p. 33-34), (1979), (7) dans les « Cahiers de bioéthique », n° 1, Presse de
l’université de Laval. Les caractères gras sont de notre fait.
Henri LABORIT à la suite de MacLEAN ((le cerveau-tri-unique voir plus bas) (8), développe
sa thèse très étayée selon laquelle un organisme confrontée à des situations de stress
répétées conduisant à l’inhibition idéique et comportementale présentera tôt ou tard un
tableau clinique préjudiciable pour sa santé. Thèse développée dans « L’inhibition de
l’action » (1979-1986), (9). Cette inhibition, nous l’envisagerons dès la naissance de
l’enfant. Elle constitue le fil rouge de notre exposé car il lie inhibition et soumission et
nous comprendrons mieux par la suite la place qu’occuperont les Parents-relais comme
« éléments régulateurs ». Mais avant encore quelques points de repères.
Pour LABORIT : « La seule raison d’être d’un être c’est d’être, c’est de maintenir sa
structure, c’est de se maintenir en vie sans ça il n’y aurait pas d’être ». Affirmation du
Professeur qui « balaye » d’une phrase le dualisme freudien « pulsion de vie – pulsion de
mort ». Encore avec « Le cerveau est fait pour agir, la pensée est secondaire, elle sert à
renforcer l’action…, », ( il affirme le primat de l’action sur la pensée ; Il faudrait admettre
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que l’organisme vivant doit s’alimenter et ensuite, assuré de sa survie, il réfléchit et construit
un monde plus vivable ! etc.
MacLEAN (1913-2007) est l'auteur de la théorie dite du cerveau « triunique » selon laquelle
l'évolution du cerveau dans le règne animal se retrouve dans la structure du système
nerveux central humain avec un étage reptilien, un étage limbique et enfin le néocortex. Il
établit la filiation entre les mammifères et l’homme par des études comparées des structures
cérébrales similaires, ce ne sont que les volumes qui diffèrent concernant le néocortex, (8).
Roger SPERRY (1913-1994) Il décrit notamment le rôle singulier de chaque hémisphère
cérébral dans la perception du langage et de l'espace et différents stimuli, dans la
reconnaissance des visages, les jugements de valeurs, le raisonnement ou l'affectivité. Il va
jusqu'à formuler l'hypothèse que chaque hémisphère disposerait de fonctions propres, voire
d'une conscience propre.
Si son œuvre est incontournable en psychobiologie, par l'implication qu'elle entraîne dans les
liens entre le physique et le psychique. C’est une vision moniste.
On peut citer parmi les notions de bases de ses travaux :
•
La plasticité physiologique extrême du cerveau
•
Le cerveau générateur d'émergence, l’imagination, les rêves et ensuite le langage en
sont des exemples.
•
La conscience, comme entité globale, opérationnelle et fonctionnelle qui modèle le
cerveau et non le contraire.
Après son étude sur les aphasies traumatiques, SPERRY pose la question : « Existe-t-il une
pensée sans langage ? » La réponse est OUI un « langage interne » iconique… antérieur
génétiquement au langage parlé et articulé, notion que nous retrouverons plus loin lors de
l’hypothèse sur la genèse du langage humain.
Après l’étude de la différentiation fonctionnelle des deux hémisphères, il est suivi par son
élève le psychologue (expérimentaliste) Mickael GAZZANIGA qui dans « Le libre arbitre et
la science du cerveau », (10), soutient que le cerveau anticipe inconsciemment la prise de
décision (Alain BERTHOZ ou Marc JEANNEROD pensent de même en France).
Avant d’aller plus avant dans la question du libre arbitre il nous faut mentionner Benjamin
LIBET (1916-2007) dont GAZZANIGA rend hommage. Nous avons plaisir à faire circuler le
seul ouvrage récemment relié de cet homme, « L’esprit au-delà des neurones » (2012), (12),
qui a fait avancer en toute humilité le savoir fondamental sur le cerveau et « au-delà ».
Jean-Paul BAQUIAST, (11), relève que « diverses observations semblent confirmer
l'hypothèse du caractère illusoire de la décision volontaire. On peut citer celle, aujourd'hui
très connue et commentée des neurobiologistes. On demande à un sujet de plier un doigt
volontairement, en indiquant précisément à quel moment il prend la décision d'accomplir ce
mouvement. Des appareillages adéquats enregistrent le temps mis entre l'annonce de la
décision et la réponse du motoneurone et du muscle concerné, soit environ 200
millisecondes, ce qui est normal. En revanche, environ une demi-seconde avant l'annonce
de cette décision, des enregistreurs placés sur le crâne du même sujet notent une activité
électrique neuronale dans l'aire du cerveau en charge de la prise et de l'exécution de la
décision. Ceci peut être interprété comme le fait que l'action précède la conscience, d'un
temps considérable. Il y a donc quelque facteur en amont de la décision consciente qui
provoque son déclenchement. Faut-il en déduire que nous sommes des automates, et que
l'impression de libre arbitre n'est qu'une illusion ? ».
Mickael GAZZANIGA avance que le libre arbitre consiste à exercer un « droit de véto » a
postériori entre plusieurs alternatives lors de la prise de décision. En reprenant la thèse de
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l’inhibition soutenue par LABORIT la prise de décision auto-organisée inconsciemment
pourrait-elle inhiber ou influencer ce « droit de véto » dans la prise de décision lorsque
l’inhibition de l’action verrouille la psyché ? Notre réponse est « oui ». C’est le « pain
quotidien » des psychothérapeutes ou des psychanalystes qui tentent de désinhiber
l’inhibition pour libérer le désir de vivre et retrouver joie de vivre et santé ! Dès lors nous
devons critiquer les théories qui étayent les pratiques des psychothérapeutes, on
remarquera qu’elles ne sont pas mentionnées ici car pour nous elles se présentent comme
des hypothèses auxquelles les « psys » des différentes écoles (au nombre de 4 au moins)
semblent adhérer avec « un incroyable besoin de croire », pour citer l’ouvrage de la
psychanalyste Julia CHRISTEVA, (13).
Dès lors l’accès langagier à l’inconscient paraît problématique car il se heurterait à
l’inconscient refoulé parce que douloureux, c’est ainsi que nous avons valorisé avec des
arguments neurobiologiques l’abord des rêves (et des délires) Frédéric PAULUS (2000 2013), comme ressource originelle sélectionnée par l’évolution avant l’apparition du langage
parlé et articulé, mais cette thèse est à ranger dans la rubrique des hypothèses à confirmer,
rapprochant ainsi les rêves du « langage intérieur » selon l’expression de Roger SABAN
(1920), auteur de l’ouvrage : « Aux sources du langage articulé » (14). Cet ouvrage permet
d’approcher les mystères de la linguistique et découvrir le cheminement de l'évolution qui a
fait de l'Homme un « Homo Loquens ». Cette approche génétique de l’émergence du
langage parlé et articulé d’Homo Sapiens nous permet de relever en marge des fonctions du
langage le risque d’être « berné » puisque Homo Loquens découvre en surcroît du pouvoir
d’évocation le mensonge et la roublardise en même temps que la communication et la
pensée symbolique.
Au-delà de Roger SABAN dont le livre remonte à (1993), nous avons fait appel au linguiste
Derrick BICKERTON (1926) et professeur à l'Université d’ Hawaii à Honolulu. Il a étudié
les créoles en Guyane et à Hawaii, et conclu que le processus de créolisation peut aider à
comprendre l'acquisition de la langue chez les enfants et l'évolution de la faculté
du langage chez les humains. L’ouvrage « La Langue d’Adam » (2009), (15), devrait
« parler » aux personnes créoles de la Réunion car l’originalité de ce linguiste réside dans le
fait qu’il « reconnait avoir eu la chance d’en venir à l’évolution du langage grâce à l’étude du
pidgin et du créole » (P. 42). Le langage ne se fossilisant pas, avec des arguments
paléoanthropologiques fiables et reconstituant la rude vie de nos ancêtres australopithèques,
l’auteur se livre à un récit imaginatif étayé scientifiquement et convainquant (et plein
d’humour!) sur la lente émergence du langage chez Homo Erectus, Habilis et enfin Sapiens.
Il nous faudra remonter de 1 million d’années à 200 000 ans avant J/C jusqu’à Cro-Magnon,
l’homme Moderne.
Maintenant nous pouvons en toute humilité évoquer notre suspicion à l’égard du langage.
Cette suspicion nous a été transmise par le professeur LABORIT qui disait que « le langage
était un formidable outil pour cacher la cause des dominances… ». Or nous savons que les
pratiques des psychothérapeutes ou des psychanalystes sont tributaires du langage. Sont-ils
assurés que cette voie d’abord du psychisme est fiable alors que les paléoanthropologues
évoquent notamment le « mensonge » et la « roublardise » d’Homo Loquens. Et que penser
de la guerre des psys qui fait rage depuis des décennies, comme d’une nouvelle « guerre de
religion », dont la trêve semble peu probable et encore moins son armistice, chacune des
écoles de psychanalyse ambitionnant une suprématie idéologique langagière sans possibilité
de réfutation. Nous ne nous associerons cependant pas aux critiques de « Médiapart »,
(16),
qui
semble
rentrer
en
croisade
médiatique
contre
les
psys :
http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-laroche/301113/la-psychanalyse-nuit-gravement-votresante.
Nous pensons que c’est par le détour des sciences de laboratoires (donc réfutables)
neurobiologiques et sciences cognitives que le corpus qui a fait l’intelligence psychanalytique
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pourra être déconstruit et reconsidéré afin de trier le bon grain de l’ivraie. Nous ne nous
joindrons donc pas au militantisme de Médiapart, sans pour autant nous y opposer. Quitte le
moment venu à défendre, si besoin était, la position privilégiée du psychanalyste qui
approche la singularité humaine dans une culture dominée par la pharmacologie de
synthèse.
Plus proche de nous, le neurologue et psychologue, Antonio DAMASIO, dans « L’autre moimême, Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions » (2010),
(17), soutient que la conscience liée à la réflexion a permis de tout temps d’inventer des
alternatives aux contraintes adaptatives pour favoriser le bien-être.
Et cela d’une manière égoïste ou solidaire (ou altruiste) ? : les deux à la fois semble-t-il !?
Ce que confirme la spécialiste de l’écologie comportementale Joan ROUGHGARDEN
dans « Le gène généreux », (18), qui prend le contrepied de la thèse du « gène égoïste »
de Richard DAWKINS (1976), (19), pour qui « dans la nature tout ne serait que conflit,
égoïsme, profit ». Elle propose une alternative tout autant étayée qu’elle appelle « sélection
sociale », mettant en avant « le travail d’équipe et la coopération entre partenaire » dans le
règne animal et par extension humain, sans pour autant avoir identifié le gène altruiste ! La
balle est au centre. Cette thèse s’accorde avec la notion d’épigénèse, c’est-à-dire ce qui est
codé en fonction des contraintes de l’environnement et ceci confirmerait « La fin du tout
génétique » voir Henri ATLAN, (20) et Alain PROCHIANTZ, (6) en France notamment, en
annonçant l’entrée dans « l’ère post-génomique ».
Nous retrouvons maintenant notre fil conducteur, l’inhibition et son hypothèse concernant un
risque encouru par le bébé depuis sa conception, jusqu’à ses deux premières années.
LA VULNERABILITE DU BEBE
Les cinq sens pourraient être évoqués pour appréhender la « porosité » sensitive du bébé
pour le meilleur et malheureusement pour le pire. A titre d’exemple, nous attirons l’attention à
propos d’interactions s’organisant autour de la vue du nouveau-né et son environnement
proche.
Le nerf optique en traversant le cerveau du bébé lui transmet les informations captées par
ses yeux. Sa vue lui permet de voir à distance et contribue grandement à son adaptation.
Alors que 90 % des fibres du nerf optique aboutissent sur l’aire occipitale dévolue à la vue,
les 10% des fibres restantes (soit environ 1,35 millions de fibres) convergent à la fois, vers : les colliculi supérieurs qui permettent d’avoir des mouvements du regard rapide et précis, - et
les amygdales qui sont considérées comme « le cœur et l’âme du système émotionnel
cérébral » et c’est peut-être selon le psychologue Christian MARENDAZ (21) par cette voie
que « le bébé apprend à regarder le regard d’autrui et à construire le socle de sa relation à
l’autre ». Sans les amygdales, lors d’accidents cérébraux qui suppriment leur fonction, la
lecture des expressions émotionnelles exprimées par le visage perçu est entravée. Si nous
devions élargir la fonction de cette partie du cerveau central appelée « système limbique »
où se trouvent les amygdales lorsque l’on voit, entend ou sent les perceptions sont
chargées émotionnellement, ce qui veut dire que le nouveau-né perçoit les influences de
l’environnement qualitativement, en termes « agréable » ou « désagréable » avant même de
comprendre le pourquoi de ces qualités émotionnelles opposées. Le neurobiologiste Joseph
LEDOUX (1949), (22) explique par exemple qu’un reflexe de peur peut être généré par cette
voie avant que le cerveau n’ait eu le temps d’analyser les raisons objectives de cette peur.
Les émotions appréhendées suivant la valeur et le contexte du stimulus lorsqu’elles sont
ressenties comme éprouvantes donc désagréables, chez une personne adulte ou un animal
mobile déclenchent la fuite ou la lutte, a contrario, en cas d’inhibition, comme c’est le cas
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chez le nouveau-né humain ne pouvant ni fuir ni lutter, les émotions se somatisent par des
accélérations cardiaques et pulmonaires, pour les plus visibles, mobilisant toute la
physiologie par des réactions métaboliques, endocriniennes et végétatives. Lorsque la
situation perdure il y a inhibition prolongée et le bébé peut tomber malade organiquement et
psychiquement, le corps et l’esprit appartenant à un même ensemble. On évoque alors les
physiopathologies décrites par Henri LABORIT, (9).
Avec la découverte des neurones miroirs nous abordons les fondements naturels de
l’empathie et de la réciprocité.
Des structures nerveuses présentes dès la naissance du bébé, le rendent capable d’intégrer
les perceptions issues de l’environnement provoquant des émotions et de ressentir d’une
façon plus circonstanciée son environnement proche. Parmi ces structures on trouve les
« neurones miroirs » toujours activés par la vue, Ils ont été initialement découverts dans le
cortex prémoteur du singe (une région impliquée dans la programmation des mouvements
volontaires) ces neurones ont été découverts par une équipe italienne de
neurophysiologistes, Giacomo RIZZOLATTI & son équipe, (23). Dans un premier temps on a
cru que des nouveau-nés de quelques jours pouvaient imiter les expressions faciales
d’adultes. Le grand philosophe Merleau-Ponty (1908-1961) en 1945 avait déjà remarqué
qu’un « bébé de quinze mois ouvre la bouche si je prends par jeu l’un de ses doigts entre
mes dents et que je fasse mine de le mordre ». Ceux sont les neurones miroirs qui
permettent de ressentir instantanément ce que l’autre qui est devant soi ressent. Ils
constituent une découverte essentielle pour comprendre l’autre comme « un autre soi
même », son alter ego, et quand il s’agit du bébé, nous pénétrons dans la sphère
considérée comme subjective sur laquelle les théories comportementalistes et même
certains développements des sciences cognitives se sont fourvoyés dans des considérations
intellectualistes excluant l’approche de l’être humain à la première personne, ce qui devient
possible de nos jours avec les neurones miroirs et l’exploration fonctionnelle du cerveau in
vivo.
Progressivement, après la découverte de ces neurones miroirs, la notion d’empathie fut
évoquée et grandement étudiée. Par « empathie » on désigne la capacité discriminatives
de ressentir ce que l’autre ressent afin de savoir ce qu’il éprouve, capacité que nous
partageons avec les primates et certains mammifères. Les capacités discriminatives du bébé
basées sur son équipement sensoriel et neuronal lui permettraient d’évaluer l’aspect
agréable ou désagréable des situations où il est impliqué. De très nombreuses recherches
convergent depuis ces dix dernières années vers cette nouvelle perception. Le bébé serait
comme un « psychologue » Roger LECUYER (1989), (24),
doté d’un sens aigu
discriminant : ce qui est agréable est synonyme de bon donc de bien pour lui, ce qui est
désagréable de mauvais, donc de mal. Ces capacités fonderaient également, selon les
éthologues, le sens moral du bébé (Frans de WAAL par exemple, (25)).
Evoquons maintenant ce qu’est « l’ontogénèse de l’empathie », selon Jean DECETY, (26),
en partant du nouveau-né centré sur son regard, en faisant l’impasse sur la période
prénatale durant laquelle l’empathie s’étaye progressivement. L’empathie doit être
différenciée de la « contagion émotionnelle », qui fait qu’un bébé se met à pleurer en
entendant ou en voyant pleurer un autre enfant. L’empathie permet la sympathie qui
implique un sentiment altruiste. Comprendre en se mettant à la place d’autrui le chagrin qu’il
éprouve n’implique pas qu’on le partage ou qu’on cherche à le soulager dans un
mouvement de sympathie lié à l’altruisme. L’empathie permet indirectement la simulation
mentale, l’enfant plus âgé va gronder ses poupées en imitant les reproches que lui ont
adressés ses parents alors qu’il s’identifie à eux. Toutes ces capacités innées vont être
mises à l’épreuve et être influencées par l’environnement de façon que le nouveau-né en
prenne progressivement possession. Nous pensons que ces dispositions innées si elles se
développent selon leurs déterminations naturelles favorisent une cascade de conséquences
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favorables à l’éveil de l’enfant, les antidotes de l’inhibition. Si elles sont reconnues par
l’environnement elles sont encouragées, confortées et rendre les enfants heureux de se les
approprier, car ils sont susceptibles de ressentir par réciprocité que l’environnement leur est
sensible. C’est ce qui est évoquée par la métaphore chère à Robert MISRAHI dans « la
construction du bonheur ». C’est ce que nous illustrons par : « la richesse sensorielle et
perceptive entraîne la richesse organique et psychique», ou encore « la réussite entraine la
réussite » lors d’une éducation fondée sur les sensations.
Améliorer l’accueil des bébés dès leur naissance compte tenu de la période critique postnatale avec l’accompagnement d’autres parents renforcerait le lien social, ferait du
développement de la santé et de l’éducation deux valeurs et deux enjeux populaires et
démocratiques avec une volonté politique préalable pour accompagner des changements
structurels à venir. « Les parents relais, parents - médiateurs » et les « conseillers
municipaux parents » ont leur place dans ces perspectives. Ils seront amenés à adhérer à
une Charte, connue dans le cadre d’un dispositif gouvernemental : le REAAP (Réseau
d’Ecoute, d’appui et d’Accompagnement des parents) animé d’une façon décentralisée par
les CAF (Caisse des Allocations Familiales). Nous rapportons l’esprit de cette charte et son
premier article à titre indicatif.
Article 1 de la Charte : « Valoriser prioritairement les rôles et les compétences des parents :
responsabilité et autorité, confiance en soi, transmission de l'histoire familiale, élaboration de
repères, protection et développement de l'enfant », Charte en ligne sur le web.
L’IMPULSION DE L’HOMEOSTASIE SOCIOCULTURELLE
Il s’agit de susciter les occasions de rencontres et d'échanges entre les parents, mettre à
leur disposition des services et des moyens leur permettant d'assumer pleinement, et en
premier, leur rôle éducatif. A cette fin, les parents – relais seront susceptibles de favoriser
l'animation et la mise en réseau de tous ceux qui contribuent à conforter les familles dans
leur rôle structurant vis-à-vis de leurs enfants. Il s’agit de promouvoir la santé et l’éducation
selon la logique de l’impulsion de
l’homéostasie socioculturelle en s’adressant
directement aux acteurs « en première ligne » : les futurs et jeunes parents. Ceux-ci
pourraient être invités à des forums, des groupes de parole, des séminaires, des rencontres
– débats… pour échanger sur les besoins des enfants et l’éducation de leur enfant.
Pour Antonio Damasio, l’homéostasie socioculturelle serait venue compléter l’homéostasie
biologique en créant et organisant la culture. Comme la culture n’est pas statique, elle se
modèle continuellement, dans le bien-être matériel, technologique, livresque, intellectuel, en
la création d’œuvres d’art, dans l’émergence des religions, des croyances… Toutes ces
créations peuvent se modifier en faisant appel à notre conscience selon le Professeur : « La
réflexion consciente peut même mettre en question et moduler l’homéostasie automatisée et
opter pour une fourchette homéostatique optimale à un niveau plus élevé que ce que
requiert la survie et plus favorable au bien-être ».
Toujours, selon Damasio : « Une fois armés de la réflexion consciente, les organismes dont
le schéma d’évolution était centré sur la régulation vitale et la tendance à l’équilibre
homéostatique ont inventé des formes de consolidation pour ceux qui souffrent, de
récompense pour ceux qui aident les souffrants, d’injonctions pour ceux qui font du mal, de
normes de comportement pour prévenir le mal et favoriser le bien, un mélange de punition et
de prévention, de peine et d’approbation. Comment faire comprendre cette sagesse, la
transmettre, l’imposer ou convaincre de sa pertinence ? » p. 355, (2010). En ce qui nous
concerne, il n’est pas envisageable d’imposer quoi que ce soit ! Nous faisons appel à
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l’intelligence des parents tout en suggérant d’organiser un accompagnement homéostatique
socioculturel des futurs et jeunes parents pour la naissance de leur premier enfant. Ils ne
devraient que s’émerveiller de découvrir, au-delà de toute intuition, ce que la nature a
sélectionné depuis l’origine de la vie. Prodigieux !
En dehors de Roger BASTIDE, le sociologue qui nous guide et nous inspire dans la
dynamique des transformations sociales à venir est Rudolph REZSOHAZY (Université de
Louvain la Neuve).
Nous ne manquerons pas de vous tenir informé du déroulement de ce processus innovant
qui prend comme point d’appui l’île de la Réunion et ses différentes communes.
Références bibliographiques citées chronologiquement :
(1) Charles DARWIN, La filiation de l’homme et sa sélection liée au sexe, (1874 – 1999), Ed
Syllepse. «… Il ressort de ce livre essentiel que l’anthropologie de Darwin, fruit du strict
continuisme évolutif qui l’attache à la zoologie, établit, au lieu d’une recommandation
d’élimination que beaucoup ont cru, de ce fait, y être incluse, l’indispensable socle naturaliste
d’une généalogie réelle de la morale, et fonde la civilisation sur le renversement progressif et
le dépérissement de l’ancienne loi sélective », 4ème de page.
(2) Stéphane DION, La politisation des Mairies, (1986), Ed Economica.
(3) Francisco VARELA Evan THOMPSON, Eléanor ROSH, L’inscription corporelle de l’esprit,
(1993).
(4) Roger BASTIDE, Anthropologie appliquée, (1971), Ed Payot.
(5) Richard LEWONTIN, La triple hélice, les gènes, l’organisme, l’environnement », (2003), Ed
Seuil.
(6) Alain PROCHIANTZ, Qu’est-ce que le vivant ?, (2012) Seuil.
(7) Henri LABORIT, « Est-il possible de pratiquer la médecine aujourd’hui ? », (1979) Cahier de
bioéthique, Presse université de Laval.
(8) Paul MacLEAN, Les trois cerveaux de l’homme, (1990), R. Laffont.
(9) Henri LABORIT, L’inhibition de l’action, (1979-1986), Masson – Presse université de
Montréal.
(10)
Mickael GAZZANIGA, Le libre arbitre et la science du cerveau, (2011) O. Jacob.
(11)
Jean-Paul BAQUIAST : Retour sur les bases neurologiques du libre arbitre,
http://www.automatesintelligents.com/echanges/2002/oct/conscience.html
(12)
Benjamin LIBET, L’esprit au-delà des neurones, exploration de la conscience et de la
liberté, (2012), Dervy, Préface d’Axel Kahn.
(13)
Julia KRISTEVA, Cet incroyable besoin de croire, (2007) Bayard.
(14)
Roger SABAN (1920), Aux sources du langage articulé, (1993) Masson.
(15)
Derrick BICKERTON, La Langue d’Adam, (2009) La recherche - Dunod.
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(16)
Médiapart :http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-laroche/301113/la-psychanalyse-nuitgravement-votre-sante.
(17)
Antonio DAMASIO, L’autre moi-même, Les nouvelles cartes du cerveau, de la
conscience et des émotions, (2010) O. Jacob.
(18)
Joan ROUGHGARDEN, Le gène généreux, Pour un darwinisme coopératif, (2009).
(19)
Richard DAWKINS, Le gène égoïste, (1976 - 1996), O. Jacob.
(20)
Henri ATLAN, La fin du « tout génétique » ?, Vers de nouveaux paradigmes en
biologie, (1999) INRA ; Editions.
(21)
Christian MARENDAZ, du regard à l’émotion : la vision, le cerveau, l’affectif, (2009)
Le Pommier.
(22)
Joseph LEDOUX, Neurobiologie de la personnalité, (2002) O. Jacob.
(23)
Giacomo RIZZOLATTI et Corrado SINIGAGLIA, Les neurones miroirs, (2008) O.
Jacob.
(24)
Roger LECUYER, bébés astronomes, bébés psychologue, L’intelligence de la
première année, (1989) Mardaga, Bruxelles.
(25)
Frans de WAAL, L’Âge de l’empathie, leçons de la nature pour une société solidaire,
(2009) Les liens qui libèrent.
(26)
Jean DECETY, L’empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivité
d’autrui ?, in L’Empathie, sous la dir Alain BERTHOZ et Gérard JORLAND, (2004), O.
Jacob.
(27)
Robert MISRAHI, La construction du bonheur, (2012) Le bord de l’eau,
(28)
Rudolph REZSOHAZY, Sociologie des valeurs, (2006) A. Colin.
--------------------------------Frédéric Paulus et Bruno Gavarri,
Saint-Denis de la Réunion,
[email protected]
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