Texte présenté le 6 mars 2014 au CESER de LA REUNION:

Transcription

Texte présenté le 6 mars 2014 au CESER de LA REUNION:
Texte présenté le 6 mars 2014
au CESER de LA REUNION:
« Innovation à La Réunion :
émergence et dynamisation de parents relais »
Il apporte des éléments théoriques qui étayent cette proposition de la
mise en place d’un réseau de parents relais, parents médiateurs
préalables à la mise en place de Conseils Municipaux de parents qui
seraient élus démocratiquement et placé sous l’autorité des Maires de
chacune des communes de la Réunion.
Article publié dans :
Pour une politique sociale de l'enfance, le 19/03/2014
Ce document présente un projet qui devrait être entrepris sur l'île de la Réunion et que ses promoteurs
souhaiteraient voir repris et amplifié sur le territoire de la France métropolitaine. Ce projet a été présenté au Conseil
Economique et Social de la Réunion (CESER-Réunion), qui l'a bien reçu avec faveur. Des démarches seront
entreprises auprès des collectivités publiques locales après les élections municipales.
Pour accéder au texte, faire http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2014/144/pauluspdf.pdf
Saint-Denis de la Réunion,
[email protected]
Tel : 06.92.29.65.69
« Les mêmes hautes facultés mentales qui ont tout d’abord conduit
l’homme à croire en des agents spirituels invisibles, puis l’ont conduit
au fétichisme, au polythéisme, et enfin au monothéisme, devaient le
conduire infailliblement, tant que ses capacités de raisonnement
demeureraient pauvrement développées, à divers étranges
superstitions et coutumes. Beaucoup d’entre elles sont terribles quand
on y pense – comme le sacrifice d’êtres humains pour un dieu
sanguinaire; le procès de personnes innocentes soumises aux
épreuves du poison ou du feu ; la sorcellerie, etc. -, et pourtant il est
bien de réfléchir occasionnellement à ces superstitions, car elles nous
montrent quelle dette infinie de gratitude nous devons aux progrès de
notre raison, à la science, et à notre connaissance accumulée ».
(1) Charles Darwin, La filiation de l’homme et la sélection liée au
sexe, (1871) Ed Syllepse, (1999), p. 181.
Des parents-relais, des parents-médiateurs,
Des parents conseillers municipaux,
Pour une politique municipale de l’enfance et des familles
Ce billet présente l’idée de PARENTS RELAIS et de PARENTS MEDIATEURS, un préalable à l'idée de
CONSEILLERS MUNICIPAUX DE PARENTS élus démocratiquement parallèlement aux équipes
municipales. Dans notre esprit certains de ces premiers nouveaux acteurs engendreront les suivants.
Nous devrons évoquer leur statut qui se posera tôt ou tard. Nous pensons à celui « d'élu social » que
nous connaissons dans le cadre du droit du travail.
Nous imaginons le fonctionnement de ces « parents-relais et médiateurs » et « conseillers municipaux
parents » de plein pied dans la démocratie participative non partisane. Nous regrettons « La
politisation des Mairies » avec Stéphane DION (1986), (2).
Nous évoquons succinctement « un projet des fonctions du Parents-relais » et surtout un cadre
théorique qui nous semble fiable et qui permet d’étayer la réflexion, d’envisager cette innovation et sa
faisabilité dans le cadre communal. Après la présentation des parents-relais et des Conseillers
Municipaux de Parents, nous nous poserons la question de leurs motivations.
Cette nouvelle idée devra s’expérimenter sur le territoire du département de la Réunion, et de ce fait
elle s’incarnerait, ce qui nous amène à évoquer l’originalité de la place qu’occupe Francisco VARELA
(1946-2001) dans les sciences cognitives et qui influence notre équipe.
Celui-ci définit la cognition comme étant « vécue ou incarnée » par le terme enaction (en français
émergence suite à une incarnation sensori-motrice) : « La cognition, loin d'être la représentation d'un
monde préformé, est l'avènement conjoint d'un monde et d'un esprit à partir de l'histoire de diverses
actions qu'accomplit un être dans le monde» (Varela, in «L’inscription corporelle de l’esprit », 1993, p.
35) (3). L’ensemble du projet se présente comme une recherche – action qui devrait non seulement
apporter un gain en connaissance pour permettre d’appréhender la réalité du processus de
transformation social escompté, mais qui pourrait également servir, non pas de guide, mais de
référence pour d’autres initiatives semblables sur le territoire métropolitain.
Retour à l’étude des motivations des Parents-Relais et Conseillers municipaux –
Parent : Hypothèses :
Comment comprendre un engagement bénévole d’un parent en faveur d’autres parents ? Cet
engagement démentirait-il l’idée individualiste du chacun pour soi (et Dieu pour tous !). Les
identifications de la valeur « Education » et la valeur « Santé » sont-elles suffisantes pour sous-tendre
cet engagement ? L’idée de représenter une frange de la population ne déclencherait-elle pas un
sentiment de fierté qui « narcisiserait » la personne candidate ? Ou flatterait son égo tant décrié par
les bouddhistes ? Quant nous savons « la chute » dans le mythe de Narcisse, nous pouvons nous
inquiéter ! Il y a peut-être une fierté compréhensible à vouloir promouvoir le bien être des jeunes
parents et par réaction en chaîne le bien-être des enfants ?
Nous devrions évoquer la notion « d’obstacles épistémologiques » qui font entraves à une pensée
éclairée par les découvertes scientifiques et obstacles à leurs applications. La raisondu CEVOI (Centre
d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien) qui porte ce projet se justifie dansle dépassement de ces
obstacles car l’association fait des recherches sur de recherches et non pas des recherches de
premières mains (ou de premiers cerveaux) ce qui peut vouloir dire que nous n’avons pas (trop !) la
tête dans le guidon, mais surtout nous nous présentons comme « généralistes » artisans en
anthropologie appliquée (selon Roger BASTIDE), (4) des sphères de la santé et de l’éducation.
ETAYAGE THEORIQUE QUI SE VEUT FIABLE
Les travaux relatés dans cet exposé devraient se présenter comme « des pierres stables » aidant à
traverser une « rivière » et dynamiser parents-relais et conseillers municipaux parents dont il sera
question en fin d’exposé. Ces « pierres » devront être solidement posées, car cette rivière peut se
présenter par certains moments comme un torrent fougueux ! Nous lançons un « défi » stimulant que
nous souhaiterions faire partager, celui de transmettre des informations « fiables » qui pourront
dynamiser de nouveaux acteurs de la parentalité pour une transformation qualitative de notre société
autour des enfants. Pas nécessairement de nouveaux professionnels, mais des parents qui pourraient
sensibiliser d’autres parents. Un panorama transversal bio-anthropologique ambitieux est nécessaire
quitte à le remettre en question ultérieurement.
Dans une vision post-darwinienne du vivant, dans un premier temps, nous illustrons la notion clé «
d’épigénèse » par l’exemple fournis par Richard LEWONTIN (2003), qui tient le haut de l’affiche des
généticiens. Pour lui « L’organisme n’est pas spécifié par ses gènes, mais il est le résultat unique d’un
processus d’ontogénèse qui dépend de la succession des environnements dans lesquels il se produit »,
(p. 29). Pour illustrer cette affirmation généralisable à tout organisme vivant, il présente la célèbre
expérience de Jens CLAUSEN, David KECK et Williams HEISEY de clonage d’une même plante, il s’agit
d’Achillea millefoliumn. Chaque plante est coupée en trois boutures qui seront plantées dans des
environnements différents tant en termes de terroir, d’altitude, que d’ensoleillement…Cette même
plante clonée donne des phénotypes (propriétés physiques) différents, ce qui constitue une preuve
épigénétique de l’influence de l’environnement sur l’expression du génome. (p. 29-31) « La triple
hélice, les gènes, l’organisme, l’environnement » (2003), (5).
L’épigénétique étudie comment l’environnement et l’histoire individuelle influent sur l’expression des
gènes dans la construction de l’organisme, elle s’intéresse aux mécanismesd’activation de ces gènes
par des facteurs extérieurs.
Alain PROCHIANTZ y associe le phénomène « d’individuation », « c’est-à-dire une série de
modifications épigénétiques des individus qui font que cet individu change au cours de sa vie.
Epigénétiques parce que non directement liées à des mutations du génome, mais à desmécanismes
modifiant la structure de la chromatine (l’ADN et son habillage protéique) et, par là, l’expression des
gènes et ce pour une longue période, voire de façon irréversible », (p.
24), Qu’est-ce que le vivant ? (2012), (6).
Il nous faudrait questionner l’auteur pour savoir ce qu’il entend par « irréversible » ?
Il poursuit : « La question qui se pose alors assez spontanément est celle de la valeur adaptative, pour
l’espèce, de ces modifications épigénétiques qui, par définition, se produisent au niveau de l’individu,
même si elles peuvent se maintenir pendant quelques générations », (p. 25). C’est nous qui soulignons
« valeur adaptative »
Et nous évoquerons empiriquement et cliniquement la face cachée de « l’adaptation » épigénétique
dans des situations de stress (cf. les travaux du professeur Henri LABORIT, (1914-1995).
Dès maintenant, relevons ce que LABORIT dit de « l’adaptation » dans l’article « Est-il possible de
pratiquer la médecine aujourd’hui ? », (1979). C’est pour lui un mot « dangereux » : « Qui peut
affirmer en l’entendant énoncer il ne suggère pas en lui une notion de valeur favorable ? Un organisme
bien adapté à son milieu social ne peut qu’attirer la sympathie, le respect et l’admiration. Or les
phénomènes d’adaptation me paraissent exceptionnels. En ce qui concerne la physiologie, par exemple,
les ethnies des Andes vivant autour de 4000 mètres d’altitude et chez lesquelles on a pu constater que
les sujets avaient une microcirculation myocardique considérablement plus développée que celle
constatée chez les sujets vivant au niveau de la mer, nous paraît être un exemple d’adaptation. En
d’autres termes, l’adaptation nous paraît pouvoir être définie par la possibilité de conserver une
autonomie motrice identique dans un milieu différent. Par contre, quand on passe de la physiologie
au comportement il semble que l’on confonde le plus souvent adaptation et soumission », (p. 33-34),
(1979) dans les « Cahiers de bioéthique », n° 1, Presse de l’université de Laval. Les caractères gras sont
de notre fait.
Henri LABORIT à la suite de MacLEAN ((le cerveau-tri-unique voir plus bas) développe sa thèse très
étayée selon laquelle un organisme confrontée à des situations de stress répétées conduisant à
l’inhibition idéique et comportementale présentera tôt ou tard un tableau clinique préjudiciable pour
sa santé. Thèse développée dans « L’inhibition de l’action » (1979-1986), Cette inhibition, nous
l’envisagerons dès la naissance de l’enfant. Elle constitue le fil rouge de notre exposé car il lie
inhibition et soumission et nous comprendrons mieux par la suite la place qu’occuperont les Parentsrelais comme « éléments régulateurs ». Mais avant encore quelques points de repères.
Pour LABORIT : « La seule raison d’être d’un être c’est d’être, c’est de maintenir sa structure, c’est de
se maintenir en vie sans ça il n’y aurait pas d’être ». Affirmation du Professeur qui « balaye » d’une
phrase le dualisme freudien « pulsion de vie – pulsion de mort ». Encore avec « Le cerveau est fait
pour agir, la pensée est secondaire, elle sert à renforcer l’action…, », il affirme le primat de l’action
sur la pensée ; Il faudrait admettre que l’organisme vivant doit s’alimenter et ensuite, assuré de sa
survie, il réfléchit et construit un monde plus vivable ! etc.
MacLEAN (1913-2007) est l'auteur de la théorie dite du cerveau « triunique » selon laquelle
l'évolution du cerveau dans le règne animal se retrouve dans la structure du système nerveux
central humain avec un étage reptilien, un étage limbique et enfin le néocortex. Il établit la filiation
entre les mammifères et l’homme par des études comparées des structures cérébrales similaires, ce
ne sont que les volumes qui diffèrent concernant le néocortex.
Roger SPERRY (1913-1994) Il décrit notamment le rôle singulier de chaque hémisphère cérébral dans la
perception du langage et de l'espace et différents stimuli, dans la reconnaissance des visages, les
jugements de valeurs, le raisonnement ou l'affectivité. Il va jusqu'à formuler l'hypothèse que chaque
hémisphère disposerait de fonctions propres, voire d'une conscience propre.
Si son œuvre est incontournable en psychobiologie, par l'implication qu'elle entraîne dans les liens
entre le physique et le psychique. C’est une vision moniste.
On peut citer parmi les notions de bases de ses travaux :

La plasticité physiologique extrême du cerveau

Le cerveau générateur d'émergence, le langage et les rêves en sont deux exemples.

La conscience, comme entité globale, opérationnelle et fonctionnelle qui modèle le cerveau et non
le contraire.
Après son étude sur les aphasies traumatiques, SPERRY pose la question : « Existe-t-il une pensée sans
langage ? » La réponse est OUI un « langage interne » iconique… antérieur génétiquement au langage
parlé et articulé, notion que nous retrouverons plus loin lors de l’hypothèse sur la genèse du langage
humain.
Après l’étude de la différentiation fonctionnelle des deux hémisphères, il est suivi par son élève le
psychologue (expérimentaliste) Mickael GAZZANIGA qui dans « Le libre arbitre et la science du
cerveau » soutient que le cerveau anticipe inconsciemment la prise de décision (Alain BERTHOZ ou
Marc JEANNEROD pensent de même en France).
Avant d’aller plus avant dans la question du libre arbitre il nous faut mentionner Benjamin LIBET (19162007) dont GAZZANIGA rend hommage. Nous avons plaisir à faire circuler le seul ouvrage récemment
relié de cet homme, « L’esprit au-delà des neurones » (2012) qui a fait avancer en toute humilité le
savoir fondamental sur le cerveau et « au-delà ».
Jean-Paul BAQUIAST, relève que « diverses observations semblent confirmer l'hypothèse du caractère
illusoire de la décision volontaire. On peut citer celle, aujourd'hui très connue et commentée des
neurobiologistes. On demande à un sujet de plier un doigt volontairement, en indiquant précisément
à quel moment il prend la décision d'accomplir ce mouvement. Des appareillages adéquats
enregistrent le temps mis entre l'annonce de la décision et la réponse du motoneurone et du muscle
concerné, soit environ 200 millisecondes, ce qui est normal. En revanche, environ une demi-seconde
avant l'annonce de cette décision, des enregistreurs placés sur le crâne du même sujet notent une
activité électrique neuronale dans l'aire du cerveau en charge de la prise et de l'exécution de la
décision. Ceci peut être interprété comme le fait que l'action précède la conscience, d'un temps
considérable. Il y a donc quelque facteur en amont de la décision consciente qui provoque son
déclenchement. Faut-il en déduire que nous sommes des automates, et que l'impression de libre
arbitre n'est qu'une illusion ?
Mickael GAZZANIGA avance que le libre arbitre consiste à exercer un « droit de véto » a postériori
entre plusieurs alternatives lors de la prise de décision. En reprenant la thèse de l’inhibition soutenue
par LABORIT la prise de décision auto-organisée inconsciemment pourrait-elle inhiber ou influencer ce
« droit de véto » dans la prise de décision lorsque l’inhibition de l’action verrouille la psyché ? Notre
réponse est « oui ». C’est le « pain quotidien » des psychothérapeutes ou des psychanalystes qui
tentent de désinhiber l’inhibition pour libérer le désir de vivre et retrouver joie de vivre et santé ! Dès
lors nous devons critiquer les théories qui étayent les pratiques des psychothérapeutes, on
remarquera qu’elles ne sont pas mentionnées ici car pour nous elles se présentent comme des
hypothèses auxquelles les « psys » des différentes écoles (au nombre de 4 au moins) semblent
adhérer avec « un incroyable besoin de croire », pour citer l’ouvrage de la psychanalyste Julia
CHRISTEVA.
Dès lors l’accès langagier à l’inconscient paraît problématique car il se heurterait à l’inconscient refoulé
parce que douloureux, c’est ainsi que nous avons valorisé avec des arguments neurobiologiques
l’abord des rêves (et des délires) Frédéric PAULUS (2000 - 2013), comme ressource originelle
sélectionnée par l’évolution avant l’apparition du langage parlé et articulé, mais cette thèse est à
ranger dans la rubrique des hypothèses à confirmer. Rapprochant ainsi les rêves du « langage
intérieur » selon l’expression de Roger SABAN (1920), auteur de l’ouvrage : « Aux sources du langage
articulé » (1993). Cet ouvrage permet d’approcher les mystères de la linguistique et découvrir le
cheminement de l'évolution qui a fait de l'Homme un « Homo Loquens ». Cette approche génétique de
l’émergence du langage parlé et articulé d’Homo Sapiens nous permet de relever en marge des
fonctions du langage le risque d’être « berné » puisque Homo Loquens découvre en surcroît du
pouvoir d’évocation le mensonge et la roublardise en même temps que la communication et la pensée
symbolique.
Au-delà de Roger SABAN dont le livre remonte à (1993), nous avons fait appel au linguiste Derrick
BICKERTON
(1926)
et
professeur à
l'Université d’ Hawaii à Honolulu.
Il
a
étudié
les créoles en Guyane et à Hawaii, et conclu que le processus de créolisation peut aider à comprendre
l'acquisition de la langue chez les enfants et l'évolution de la faculté du langage chez les humains.
L’ouvrage « La Langue d’Adam » (2009), devrait « parler » aux personnes créoles de la Réunion car
l’originalité de ce linguiste réside dans le fait qu’il « reconnait avoir eu la chance d’en venir à l’évolution
du langage grâce à l’étude du pidgin et du créole » (P. 42). Le langage ne se fossilisant pas, avec des
arguments paléoanthropologiques fiables et reconstituant la rude vie de nos ancêtres
australopithèques, l’auteur se livre à un récit imaginatif étayé scientifiquement et convainquant (et
plein d’humour!) sur la lente émergence du langage chez Homo Erectus, Habilis et enfin Sapiens. Il
nous faudra remonter de 1 million d’années à 200 000 ans avant J/C jusqu’à Cro-Magnon, l’homme
Moderne.
Maintenant nous pouvons en toute humilité évoquer notre suspicion à l’égard du langage. Cette
suspicion nous a été transmise par le professeur LABORIT qui disait que « le langage était un
formidable outil pour cacher la cause des dominances… ». Or nous savons que les pratiques des
psychothérapeutes ou des psychanalystes sont tributaires du langage. Sont-ils assurés que cette voie
d’abord du psychisme est fiable alors que les paléoanthropologues évoquent le « mensonge » et la
« roublardise » d’Homo Loquens. Et que penser de la guerre des psys qui fait rage depuis des
décennies, comme d’une nouvelle « guerre de religion », dont la trêve semble peu probable et encore
moins son armistice, chacune des écoles de psychanalyse ambitionnant une suprématie idéologique
langagière sans possibilité de réfutation. Nous ne nous associerons cependant pas aux critiques de
« Médiapart »
qui
semble
rentrer
en
croisade
médiatique
contre
les
psys :
http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-laroche/301113/la-psychanalyse-nuit-gravement-votre-sante.
Nous pensons que c’est par le détour des sciences de laboratoires (donc réfutables) neurobiologiques
et sciences cognitives que le corpus qui a fait l’intelligence psychanalytique pourra être déconstruit et
reconsidéré afin de trier le bon grain de l’ivraie. Nous ne nous joindrons donc pas au militantisme de
Médiapart, sans pour autant nous y opposer. Quitte le moment venu à défendre, si besoin était, la
position privilégiée du psychanalyste qui approche la singularité humaine dans une culture dominée
par la pharmacologie de synthèse.
Plus proche de nous, le neurologue et psychologue, Antonio DAMASIO, dans « L’autre moi-même, Les
nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions » (2010) soutient que la
conscience liée à la réflexion a permis de tout temps d’inventer des alternatives aux contraintes
adaptatives pour favoriser le bien-être.
Et cela d’une manière égoïste ou solidaire (ou altruiste) ? : les deux à la fois semble-t-il !? Ce que
confirme la spécialiste de l’écologie comportementale Joan ROUGHGARDEN dans « Le gène
généreux » qui prend le contrepied de la thèse du « gène égoïste » de Richard DAWKINS (1976), pour
qui « dans la nature tout ne serait que conflit, égoïsme, profit ». Elle propose une alternative tout
autant étayée qu’elle appelle « sélection sociale », mettant en avant « le travail d’équipe et la
coopération entre partenaire » dans le règne animal et par extension humain, sans pour autant avoir
identifié le gène altruiste ! La balle est au centre. Cette thèse s’accorde avec la notion d’épigénèse,
c’est-à-dire ce qui est codé en fonction des contraintes de l’environnement et ceci confirmerait « La
fin du tout génétique » voir Henri ATLAN et Alain PROCHIANTZ en France notamment, en annonçant
l’entrée dans « l’ère post-génomique ».
LA VULNERABILITE DU BEBE
Les cinq sens pourraient être évoqués pour appréhender la « porosité » sensitive du bébé pour le
meilleur et malheureusement pour le pire. A titre d’exemple, nous attirons l’attention à propos
d’interactions s’organisant autour de la vue du nouveau-né et son environnement proche.
Le nerf optique en traversant le cerveau du bébé lui transmet les informations captées par ses yeux. Sa
vue lui permet de voir à distance et contribue grandement à son adaptation. Alors que 90 % des fibres
du nerf optique aboutissent sur l’aire occipitale dévolue à la vue, les 10% des fibres restantes (soit
environ 1,35 millions de fibres) convergent à la fois, vers : - les colliculi supérieurs qui permettent
d’avoir des mouvements du regard rapide et précis, - et les amygdales qui sont considérées comme
« le cœur et l’âme du système émotionnel cérébral » et c’est peut-être selon le psychologue Christian
MARENDAZ ( par cette voie que « le bébé apprend à regarder le regard d’autrui et à construire le socle
de sa relation à l’autre ». Sans les amygdales, lors d’accidents cérébraux qui suppriment leur fonction,
la lecture des expressions émotionnelles exprimées par le visage perçu est entravée. Si nous devions
élargir la fonction de cette partie du cerveau central appelée « système limbique » où se trouvent les
amygdales lorsque l’on voit, entend ou sent les perceptions sont chargées émotionnellement, ce qui
veut dire que le nouveau-né perçoit les influences de l’environnement qualitativement, en termes
« agréable » ou « désagréable » avant même de comprendre le pourquoi de ces qualités
émotionnelles opposées. Le neurobiologiste Joseph LEDOUX (1949) explique par exemple qu’un
reflexe de peur peut être généré par cette voie avant que le cerveau n’ait eu le temps d’analyser les
raisons objectives de cette peur. Les émotions appréhendées suivant la valeur et le contexte du
stimulus lorsqu’elles sont ressenties comme éprouvantes donc désagréables, chez une personne
adulte ou un animal mobile déclenchent la fuite ou la lutte, a contrario, en cas d’inhibition, comme
c’est le cas chez le nouveau-né humain ne pouvant ni fuir ni lutter, les émotions se somatisent par des
accélérations cardiaques et pulmonaires, pour les plus visibles, mobilisant toute la physiologie par des
réactions métaboliques, endocriniennes et végétatives. Lorsque la situation perdure il y a inhibition
prolongée et le bébé peut tomber malade organiquement et psychiquement, le corps et l’esprit
appartenant à un même ensemble. On évoque alors les physiopathologies décrites par Henri LABORIT.
Avec la découverte des neurones miroirs nous abordons les fondements naturels de l’empathie et de
la réciprocité.
Des structures nerveuses présentes dès la naissance du bébé, le rendent capable d’intégrer les
perceptions issues de l’environnement provoquant des émotions et de ressentir d’une façon plus
circonstanciée son environnement proche. Parmi ces structures on trouve les « neurones miroirs »
toujours activés par la vue, Ils ont été initialement découverts dans le cortex prémoteur du singe (une
région impliquée dans la programmation des mouvements volontaires) ces neurones ont été
découverts par une équipe italienne de neurophysiologistes, Giacomo RIZZOLATTI & son équipe. Dans
un premier temps on a cru que des nouveau-nés de quelques jours pouvaient imiter les expressions
faciales d’adultes. Le grand philosophe Merleau-Ponty (1908-1961) en 1945 avait déjà remarqué
qu’un « bébé de quinze mois ouvre la bouche si je prends par jeu l’un de ses doigts entre mes dents et
que je fasse mine de le mordre ». Ceux sont les neurones miroirs qui permettent de ressentir
instantanément ce que l’autre qui est devant soi ressent. Ils constituent une découverte essentielle
pour comprendre l’autre comme « un autre soi même », son alter ego, et quand il s’agit du bébé, nous
pénétrons dans la sphère considérée comme subjective sur laquelle les théories comportementalistes
et même certains développements des sciences cognitives se sont fourvoyés dans des considérations
intellectualistes excluant l’approche de l’être humain à la première personne, ce qui devient possible
de nos jours avec les neurones miroirs et l’exploration fonctionnelle du cerveau in vivo.
Progressivement, après la découverte de ces neurones miroirs, la notion d’empathie fut évoquée et
grandement étudiée. Par « empathie » on désigne la capacité discriminatives de ressentir ce que
l’autre ressent afin de savoir ce qu’il éprouve, capacité que nous partageons avec les primates et
certains mammifères. Les capacités discriminatives du bébé basées sur son équipement sensoriel et
neuronal lui permettraient d’évaluer l’aspect agréable ou désagréable des situations où il est impliqué.
De très nombreuses recherches convergent depuis ces dix dernières années vers cette nouvelle
perception. Le bébé serait comme un « psychologue » Roger LECUYER (1989) doté d’un sens aigu
discriminant : ce qui est agréable est synonyme de bon donc de bien pour lui, ce qui est désagréable
de mauvais, donc de mal. Ces capacités fonderaient également, selon les éthologues, le sens moral du
bébé (Frans de WAAL par exemple)
Evoquons maintenant ce qu’est « l’ontogénèse de l’empathie », selon Jean DECETY, en partant du
nouveau-né centré sur son regard, en faisant l’impasse sur la période prénatale durant laquelle
l’empathie s’étaye progressivement. L’empathie doit être différenciée de la « contagion
émotionnelle », qui fait qu’un bébé se met à pleurer en entendant ou en voyant pleurer un autre
enfant. L’empathie permet la sympathie qui implique un sentiment altruiste. Comprendre en se
mettant à la place d’autrui le chagrin qu’il éprouve n’implique pas qu’on le partage ou qu’on cherche à
le soulager dans un mouvement de sympathie lié à l’altruisme. L’empathie permet indirectement la
simulation mentale, l’enfant plus âgé va gronder ses poupées en imitant les reproches que lui ont
adressés ses parents alors qu’il s’identifie à eux. Toutes ces capacités innées vont être mises à
l’épreuve et être influencées par l’environnement de façon que le nouveau-né en prenne
progressivement possession. Nous pensons que ces dispositions innées si elles se développent selon
leurs déterminations naturelles favorisent une cascade de conséquences favorables à l’éveil de
l’enfant, les antidotes de l’inhibition. Si elles sont reconnues par l’environnement elles sont
encouragées, confortées et rendre les enfants heureux de se les approprier, car ils sont susceptibles de
ressentir par réciprocité que l’environnement leur est sensible. C’est ce qui est évoquée par la
métaphore chère à Robert MISRAHI dans « la construction du bonheur ». C’est ce que nous illustrons
par : « la richesse sensorielle et perceptive entraîne la richesse organique et psychique», ou encore « la
réussite entraine la réussite » lors d’une éducation fondée sur les sensations.
Améliorer l’accueil des bébés dès leur naissance compte tenu de la période critique post-natale avec
l’accompagnement d’autres parents renforcerait le lien social, ferait du développement de la santé et
de l’éducation deux valeurs et deux enjeux populaires et démocratiques avec une volonté politique
préalable pour accompagner des changements structurels à venir. « Les parents relais » et les
« conseillers municipaux parents » ont leur place dans ces perspectives. Ils seront amenés à adhérer à
une Charte, connue dans le cadre d’un dispositif gouvernemental : le REAAP (Réseau d’Ecoute, d’appui
et d’Accompagnement des parents) animé d’une façon décentralisée par les CAF (Caisse des
Allocations Familiales). Nous rapportons l’esprit de cette charte et son premier article à titre indicatif.
Il s’agit de susciter les occasions de rencontres et d'échanges entre les parents, mettre à leur
disposition des services et des moyens leur permettant d'assumer pleinement, et en premier, leur rôle
éducatif. A cette fin, les parents –relais seront susceptibles de favoriser l'animation et la mise en
réseau de tous ceux qui contribuent à conforter les familles dans leur rôle structurant vis-à-vis de leurs
enfants.
Article 1 de la Charte : Valoriser prioritairement les rôles et les compétences des parents :
responsabilité et autorité, confiance en soi, transmission de l'histoire familiale, élaboration de repères,
protection et développement de l'enfant.
Le sociologue qui nous guide et nous inspire dans la dynamique des transformations sociales à venir
est Rudolph REZSOHAZY.
Nous ne manquerons pas de vous tenir informé du déroulement de ce processus innovant.
Références bibliographiques citées chronologiquement :
(1) Charles DARWIN, La filiation de l’homme et sa sélection liée au sexe, (1874 – 1999), Ed
Syllepse. «… Il ressort de ce livre essentiel que l’anthropologie de Darwin, fruit du strict
continuisme évolutif qui l’attache à la zoologie, établit, au lieu d’une recommandation
d’élimination que beaucoup ont cru, de ce fait, y être incluse, l’indispensable socle naturaliste
d’une généalogie réelle de la morale, et fonde la civilisation sur le renversement progressif et
le dépérissement de l’ancienne loi sélective », 4ème de page.
(2) Stéphane DION, La politisation des Mairies, (1986), Ed Economica.
(3) Francisco VARELA Evan THOMPSON, Eléanor ROSH, L’inscription corporelle de l’esprit,
(1993).
(4) Roger BASTIDE, Anthropologie appliquée, (1971), Ed Payot.
(5) Richard LEWONTIN, La triple hélice, les gènes, l’organisme, l’environnement », (2003), Ed
Seuil.
(6) Alain PROCHIANTZ, Qu’est-ce que le vivant ?, (2012) Seuil.
(7) Henri LABORIT, « Est-il possible de pratiquer la médecine aujourd’hui ? », (1979) Cahier de
bioéthique, Presse université de Laval.
(8) Paul MacLEAN, Les trois cerveaux de l’homme, (1990), R. Laffont.
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Pour une politique municipale de l’enfance et des familles 10
CEVOI
(16) Médiapart :http://blogs.mediapart.fr/blog/pierre-laroche/301113/la-psychanalyse-nuitgravementvotre-sante.
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(19) Richard DAWKINS, Le gène égoïste, (1976 - 1996), O. Jacob.
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(25) Frans de WAAL, L’Âge de l’empathie, leçons de la nature pour une société solidaire,
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(26) Jean DECETY, L’empathie est-elle une simulation mentale de la subjectivité
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(27) Robert MISRAHI, La construction du bonheur, (2012) Le bord de l’eau,
(28) Rudolph REZSOHAZY, Sociologie des valeurs, (2006) A. Colin.
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Article publié le 19/03/2014 dans :
Pour une politique sociale de l'enfance,
Ce document présente un projet qui devrait être entrepris sur l'île de la Réunion et que ses
promoteurs souhaiteraient voir repris et amplifié sur le territoire de la France métropolitaine. Ce
projet a été présenté au Conseil Economique et Social de la Réunion (CESER-Réunion), qui l'a bien
reçu avec faveur. Des démarches seront entreprises auprès des collectivités publiques locales
après les élections municipales.
Pour accéder au texte, faire http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2014/144/pauluspdf.pdf