« Panorama des politiques de jeunesse en France »

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« Panorama des politiques de jeunesse en France »
« Panorama des politiques
de jeunesse en France »
Patricia Loncle – septembre 2010
Plan de l’intervention





Introduction
Qu’est-ce que la jeunesse pour les politiques
publiques ?
Quelles interventions publiques?
Quelles mises en œuvre?
Conclusion : les enjeux actuels de l’intervention
publique en direction des jeunes
Introduction


Un intérêt accru des pouvoirs publics de tous les échelons de
décision en faveur de ce public
Par ordre chronologique de la mise sur agenda récente






Collectivités territoriales
Territoires de projet
Instances européennes
Etat
Une mise à l’agenda qui « dit » la nature politique du
problème public à traiter
Une multiplication des actions ciblant spécifiquement la
jeunesse
Ces actions conduisent-elles à la construction
de politiques éducatives locales de jeunesse?

Des éléments positifs




L’ouverture du jeu d’acteurs, de tous les niveaux de
décision
La culture croissante du partenariat, de l’approche
transversale
Les relations privilégiées des établissements scolaires
avec un certain nombre d’acteurs de terrain de différents
domaines d’intervention
Des éléments moins favorables


Le système d’éducation français reste très hiérarchisé et
centralisé
Problème de cohérence d’ensemble des actions menées à
la fois nationalement et localement
Quelles explications possibles de
l’intérêt accru des pouvoirs publics ?

Des éléments structurels

Problèmes liés à la situation économique et au
chômage des jeunes



Des jeunes plus exposés que les autres catégories de
population au risque de chômage ( ~ 25 % de chômage) et à la
pauvreté
Risque accentué en période de crise économique
Problèmes liés au vieillissement des sociétés
européennes


Impératifs de financement des politiques sociales
Société vieillissante qui éprouve des difficultés à comprendre
les jeunes, leurs pratiques et comportements

Des éléments relatifs aux contenus de l’action
publique

La jeunesse, son utilisation métonymique pour les
décideurs




Idée de faire passer la partie pour le tout
La jeunesse est dynamique = en m’intéressant à elle je
suis dynamique moi-même = cela légitime mon
intervention
La jeunesse apparaît donc particulièrement légitime
La jeunesse, intervention parée des traits
structurels de l’action publique en Europe
aujourd’hui

Individualisation des interventions
Sanitarisation des questions sociales
 Souci de réduction des coûts de l’action publique

I. Qu’est-ce que la jeunesse pour les
politiques publiques?

Trois figures principales d’intervention

Jeunesse ressource



Jeunesse à protéger



À mobiliser au bénéfice de la société dans son ensemble
Symbole de dynamisme et d’avenir
 fêtes de la jeunesse, construction européenne, citoyenneté…
Idée proposer des dispositifs spécifiques
 Apprentissage, promotion de la santé, réduction des risques
Idée de développer des droits renforcés
 monde du travail (heures supplémentaires, travail de nuit)
 Protection de l’enfance
Jeunesse menace pour l’ordre public

Une jeunesse vécue comme prompte à la rébellion, à la remise
en cause des valeurs établies
 Éducation surveillée, répression de la délinquance

Au-delà de la coexistence de ces trois figures

Des valences particulières

Dans le temps




En période de conflit armé, de besoin d’affirmation
démocratique…
 Jeunesse ressource dominante
En période d’affrontements sociaux, de tensions internes
 Jeunesse menace dominante
En période de crise économique et sociale
 Jeunesse à protéger dominante
Dans l’espace

Des perceptions différentes en fonction des pays, des
territoires
 Institutions européennes et pays scandinaves
 Jeunesse comme ressource
 Pays libéraux
 Jeunesse comme menace (au moins comme
potentiellement dépendante)
Une construction sociale de catégories
évolutives

Des âges différents en fonction


Des formulations de problèmes publics contrastées
en fonction


Des dispositifs, des niveaux d’intervention, des pays
Des valeurs, des ressources, de la connaissance, de
l’histoire, des problématiques qui touchent la jeunesse
Des mises à l’agenda variées en fonction

Des priorités politiques, de la sensibilité à telle ou telle
question, des influences jouées par telle ou telle catégorie
d’acteurs
II. Quelles interventions publiques?

Pourquoi les jeunes?
 Légitimité renforcée de cette catégorie
d’intervention publique



Des territoires autonomes ayant besoin d’affirmer leur
identité et leur légitimité
Ex : pays, communautés de communes, Europe, Régions
Jeunesse « captive » des institutions éducatives




Une intervention publique plus facile à déployer en
direction de publics « captifs »
Ex du champ de la prévention
Des jeunes pas forcément plus exposés que les autres
catégories de la population mais
Faciles à atteindre



Alcool
Suicide
Action facile à légitimer
A. Ensemble des échelons de décision aujourd’hui
concernés

Approche ancienne de la jeunesse dans les territoires

Communes et départements




Depuis la fin du 19ème siècle

Des actions associatives et publiques de plus ou moins grande
envergure en fonction des territoires
Objectifs

Lutte contre la pauvreté

Lutte contre les mauvaises mœurs

Hygiénisme
Délégation de pouvoir plus ou moins importante au secteur associatif
Evolution progressive vers plus d’institutionnalisation et de
professionnalisation

Réglementation croissante

Organisation des diplômes professionnels

Neutralisation des batailles idéologiques entre confessionnels et
laïcs

Aujourd’hui en charge de nombreux domaines d’intervention
 Communes




Départements




Socio-culturel
Loisirs de proximité
Equipements sportifs et culturels
Fonds d’aide aux jeunes
Aide sociale à l’enfance
Education spécialisée
Des projets de politiques de jeunesse nettement affirmés, une
expertise croissante



Documents cadres présentant les enjeux territoriaux et les
valeurs d’intervention
Elus possédant des délégations jeunesse ou clairement en
référence
Services jeunesse, mission jeunesse

Approche nouvelle de la jeunesse

Europe, Régions, Intercommunalités


Des espaces plus récemment mobilisés en direction des
jeunes
Se mobilisent avec des méthodes différentes



Des entrées thématiques nouvelles


Mainstreaming
Méthode de coordination ouverte
Agenda 21, développement durable
Réflexion sur les intercessions territoriales, la subsidiarité
des territoires



Europe >Etat > région
Agglomérations >communes
Deux exemples : Youth partnership et Agglomération
rennaise
Ex 1 : Site du youth partnership

http://youth-partnership.coe.int/youth-partnership/
Ex 2 : Politique jeunesse de
l’agglomération rennaise



Peu de compétences communautaires a priori
Entrée par la formulation de l’Agenda 21 de l’agglomération
Deux idées fédératives


La jeunesse participe au développement durable
Les communes, hors la ville centre, sont peu à même de proposer des
services hors « socioculturel »




Travail bâti sur le principe du mainstreaming


Transport
Accès à l’emploi
Culture
Initiatives en matière de transport en commun de nuit, en matière
d’environnement, de logement étudiant
Problèmes


Pour les élus des communes comment garder les jeunes dans leur territoire?
Comment les faire se sentir partie prenante de ce territoire?
Le retour de l’Etat?


Historiquement, un acteur faible de l’intervention en direction
des jeunes
Des préoccupations sectorielles

Autonomie des jeunes

( feu le ) Haut commissariat à la jeunesse







Commission jeunesse au Sénat
Santé des jeunes


Livre vert
Fonds d’expérimentation
Plan santé des jeunes du Ministère de la santé
Projet de loi HPST
(feu la ) Défenseure des enfants
Quid des réorganisations de l’administration jeunesse et sports?
Notamment des liens avec la cohésion sociale
B. Des domaines d’intervention en
évolution

Raisons de la grande sensibilité au changement




évolution générale des politiques publiques
contenu très idéologique de l’intervention
faiblesse des moyens qui obligent les acteurs de
terrain à une quête constante de financements et
donc à « épouser » les nouvelles valeurs
d’intervention
faible aspect réglementaire de ces politiques
Des politiques d’éducation au cœur du
système

Politiques centrales pour


Qualifier les jeunes, les socialiser
Néanmoins, un certain nombre de questions
Disqualification partielle du diplôme qui tout en restant
essentiel ne garantit plus une entrée aisée sur le marché du
travail
 Une pression à la qualification qui reste très forte en France
par rapport à d’autres pays européens
 Mais dont la légitimité ne semble plus totalement acquise
 Un accroissement des inégalités sociales face à
l’éducation?

Des politiques d’éducation au cœur du système
(suite)

Un système d’apprentissage très linéaire qui ne permet pas
beaucoup d’essais/erreurs



Une survalorisation des filières générales vis-à-vis des filières
professionnelles



Qui laisse peu de place pour les « hésitations » adolescentes
Et qui correspond peu aux trajectoires d’accès contemporaines à
l’âge adulte (trajectoires yoyo)
Alors qu’une ouverture des possibilités de formation serait
souhaitable pour de nombreux jeunes
Le système le plus centralisé d’Europe
Une réponse dans la promotion des politiques éducatives
locales? Mais avec quels leviers?
Les autres domaines d’intervention en
direction de la jeunesse

Le socioculturel largement organisé



Un domaine systématisé progressivement à partir des années 60
Héritage des traditions d’éducation populaire et des patronages
Une réponse souvent connexe à d’autres problèmes



Le travail salarié des femmes > couvrir le temps libre des enfants et
adolescents
Assurer la paix sociale dans les quartiers urbanisés >
«
blousons noirs »
Aujourd’hui, prise en charge quasi systématique, même dans les
petites communes

Une question sociale toujours centrale ?

A partir du début des années 80 : croissance des
préoccupations sociales à l’égard des jeunes



Des réponses multiples :



Chômage en très fort développement
Délinquance dans les banlieues
Missions locales, ZEP, politiques de la ville, opérations antiété chaud, conseils communaux de prévention de la
délinquance
Approche globale, transversale, territoriale et collective
A partir du milieu des années 90 : baisse d’influence de
cette dimension au niveau étatique



Retrait progressif de l’Etat
Individualisation du traitement des populations
Mouvement de sanitarisation du social
3 préoccupations croissantes

L’appel à la participation

Raisons :

les jeunes votent peu et se défient de la classe politique



En particulier les jeunes les plus en difficulté
se mobilisent dans le secteur associatif mais dans les
associations locales à fonctionnement horizontal
De ce fait, les autorités publiques multiplient les
Conseils locaux de jeunes

Limites






Initiatives formelles
Faible représentativité des jeunes concernés
Budgets exsangues
Thématiques de consultation étroites
Statut généralement consultatif
Faible prise en compte des recommandations des jeunes

La répression de la délinquance

Un phénomène ancien mais qui prend de l’ampleur depuis une
décennie

Organisé par l’Etat

Système de répression renforcé, surveillance plus organisée

Programmes d’action des préfets en région

Repris par les collectivités locales

Institutionnalisé par la loi de mars 2007 sur le traitement de la
délinquance

Cible prioritaire : les jeunes issus de l’immigration

Résultat d’une double évolution

L’individualisation des problèmes sociaux

Une société vieillissante, encline à se protéger

La santé
Un phénomène ré-émergent (préoccupations hygiénistes de
la fin du 19è)
 Rappel : 85% des jeunes en bonne santé
 Jeunes : les cibles principales des politiques de prévention,
notamment locales





Des jeunes sur exposés aux risques?
Des jeunes captifs des messages de prévention?
Expériences multiples : maisons de l’adolescence, réseaux
locaux de prévention et de promotion de la santé, PAEJ,
prévention des conduites de consommation à risque…
La jeunesse, part à la fois précieuse et dangereuse de la
population, soumise à une injonction de préserver son «
capital santé »
III. Quelles mises en œuvre?

Des politiques essentiellement contractuelles

Dans de nombreux domaines, les dispositifs reçoivent des
financements divers



Santé, social, emploi, prévention de la délinquance…
Ex : missions locales pour l’emploi des jeunes
Financement :







Communes
Agglomérations
Conseils généraux
Conseils régionaux
Etat
Europe
Conséquences

Une action publique complexe
Imposant une constante recherche de fonds

Posant largement la question du leadership des décideurs


Faiblesse des conceptions
D’une manière générale, un cadre d’intervention qui
reste flou sur les valeurs et les objectifs qui guident
l’action publique
 Ou bien cadre fixé au niveau micro
 Problème également pour penser




l’articulation des compétences des différents échelons
d’intervention
et plus globalement les intercessions territoriales
Conséquences


Des objectifs flous pour les opérateurs (ce qui n’est pas
toujours une mauvaise chose)
Des objectifs parfois discordants, voire contradictoires

Faiblesse des moyens
 Moyens financiers limités



pour les actions menées par les nouveaux échelons
quand elles s’appuient sur le mainstreaming et la MOC
pour le secteur associatif, en butte à une baisse drastique
des financements publics
pour les institutions de la jeunesse et des sports qui
subissent fortement la RGPP


Fermeture de l’INJEP et des CREPS
Moyens humains peu stabilisés

Des professionnels largement précaires


Nombreux accès à la profession sans diplôme reconnu,
contrats à durée déterminée, temps incomplets
Avec des référentiels professionnels non stabilisés


Dans le secteur de l’animation socioculturelle
Mais aussi dans les nouveaux métiers
 Animateurs de prévention
 Animateurs territoriaux


Inégalités de mise en œuvre
Exemple du Fonds d’aide aux jeunes
 Etude comparative en 2007 sur 6
départements français
 Disparités multiples




Budgétaires
Règlements intérieurs
Critères d’attribution
Intégration à la politique jeunesse des
départements
Conclusion : les enjeux actuels des politiques de
jeunesse


En dépit de la mise à l’agenda plus systématique de la
jeunesse
Deux écueils majeurs
 Les dangers de la « table rase »

Disparition possible du secteur de l’éducation populaire



Depuis toujours, le lieu de formulation des cadres cognitifs de
l’intervention en direction de la jeunesse
Le vivier d’opérateurs de terrain, de connaissance des jeunes en
difficulté ou à accompagner
Refonte sans visibilité de l’administration déconcentrée
jeunesse et sports


Disparition des lieux de formation, possiblement des lieux de
définition des enjeux politiques
Une spécificité susceptible de demeurer dans les directions
régionales de la cohésion sociale?

Les dangers de la mise en avant des figures
négatives de la jeunesse
 Jeunesse menace, jeunesse à protéger
Stigmatisation dommageable des jeunes qui se
sentent exclus de la société française
 Quelles garanties pour le dialogue à venir entre
les générations?

DKadultes
NOadultes
NOjeunes
DKjeunes
SWadultes
Finadultes
ESadultes
SPadultes
USadultes
60
SWjeunes
ESjeunes
USjeunes
GERjeunes
RUadultes
SPjeunes
GERadultes
FINjeunes
EUadultes
EUjeunes
Fadultes
RUjeunes
Iadultes
Ijeunes
UKadultes
UKjeunes
Fjeunes
POjeunes
POadultes
Jeunes français les plus pessimistes d’Europe
Sentiment d’appartenance et de confiance dans les autres
70
30
appartenance
confiance
25
50
20
40
15
30
10
20
10
5
0
0
Êtes vous prêts à payer pour les gens âgés?
France
11
Japon
15
Espagne
21
Pologne
24
Allemagne
25
Italie
25
Taïwan
27
Suède
27
Royaume-Uni
27
Etats-Unis
32
Finlande
34
Danemark
35
Estonie
36
Norvège
41
Inde
50
Russie
56
Chine
63
0
10
20
30
40
50
60
70
Dans ce contexte, quels rôles possibles des
politiques éducatives locales?

Permettraient de travailler




À une mise en cohérence des interventions autour de la
fonction centrale d’intégration que joue l’école
À un renforcement de l’accompagnement global des jeunes
dans leurs parcours éducatifs
Le maillage et les intercessions dans les interventions et de
pallier d’éventuelles contradictions entre objectifs de
politiques publiques
À une évolution des perceptions de la jeunesse par
l’interconnaissance des acteurs