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COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
N° 09LY00836
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre - formation à 3
M. DUCHON-DORIS, président
M. Jean Christophe DUCHON-DORIS, rapporteur
M. MONNIER, rapporteur public
FIDAL SOCIETE D’AVOCATS, avocat(s)
lecture du jeudi 21 juillet 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 16 avril 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. Björn
A, domicilié ..., par Me de Valonne ;
M. A demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0607680 du 10 février 2009 par lequel le Tribunal administratif
de Lyon a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt
sur le revenu et des intérêts de retard y afférents auxquelles il a été assujetti au titre de
l’année 2000, correspondant à la réintégration d’un complément de rémunération versé à
titre de bonus et de l’indemnité de licenciement qu’il a perçue ;
2°) de prononcer en sa faveur au titre de cette année une décharge de 110 387 euros en
principal et 13 246 euros au titre des intérêts de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1
du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- le bonus versé par la société Sunbeam SARL pouvait bénéficier de l’exonération d’impôt
prévue par les dispositions de l’article 81 A-III du code général des impôts dès lors qu’il
s’agit d’un supplément de rémunération directement lié à son temps de travail à l’étranger,
que le principe de ce bonus et ses modalités précises de calcul étaient prévus dans son
contrat de travail, que le montant du bonus déclaré excédait déjà le montant imposable et
qu’il tenait compte de la durée du séjour à l’étranger ;
- en application de la convention fiscale franco-belge, la partie du bonus correspondant à
l’activité exercée en Belgique, de source belge, n’est pas imposable en France mais doit
seulement être intégrée dans le calcul du taux effectif de l’impôt en France ;
- s’agissant de l’indemnité de licenciement, il démontre, par les pièces produites en appel,
que c’est à tort que le Tribunal administratif a considéré qu’il n’était pas effectivement
salarié de la société belge Coleman NV/SA et, en conséquence, la rémunération annuelle
de référence doit inclure le salaire versé par celle-ci du 1er janvier au 20 juillet 1999, pour
les besoins du calcul d’exonération de l’article 80 duodecies du code général des impôts ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le ministre du
budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat et tendant
au rejet de la requête ;
Le ministre fait valoir que :
- eu égard aux chefs de redressement contestés, la requête n’est recevable qu’à hauteur
de 89 784 euros en droits et 10 774 euros en pénalités ;
- le bonus versé à M. A, calculé sur le salaire de base indépendamment de la durée du
séjour à l’étranger et qui n’a pas été fixé préalablement au séjour à l’étranger, ne constitue
pas un supplément de rémunération lié à des déplacements à l’étranger au sens de
l’article 81 A-III du code général des impôts, mais est destiné à le récompenser pour
l’ensemble des fonctions qu’il a exercé en 1999 au sein de la société ;
- il ne remplit pas la condition de séjour prévue par le 1° du 2 de l’article 11 de la
convention franco-belge du 10 mars 1964 ;
- il n’est pas fondé à demander que soit pris en compte, dans la rémunération annuelle
brute de référence de l’article 80 duodecies du code général des impôts, les salaires
versés par une société belge l’année précédant son licenciement par une société
française, les deux entités étant juridiquement distinctes ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 1er février 2010, présenté pour M. A confirmant
ses précédentes écritures et faisant en outre valoir qu’il conteste l’irrecevabilité partielle
soulevée par l’administration ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré au greffe le 4 août 2010, présenté par
l’administration confirmant ses précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe le 10 novembre 2010, présenté pour M. A
confirmant ses précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe le 21 décembre 2010, présenté par
l’administration confirmant ses précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe le 24 mars 2011, présenté pour M. A,
confirmant ses précédentes écritures ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré au greffe le 22 avril 2011, présenté par le ministre
confirmant ses précédentes écritures ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 9 juin 2011, présenté pour M. A confirmant
ses précédentes écritures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention conclue entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles
impositions, signée le 10 mars 1964, et ses avenants des 15 février 1971 et 8 février 1999
;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 juin 2011 :
- le rapport de M. Duchon-Doris, président ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que, pour demander l’annulation du jugement du 10 février 2009 par lequel le
Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations
supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents auxquelles il a
été assujetti au titre de l’année 2000, M. A fait valoir que, contrairement à ce qu’ont retenu
les premiers juges, le complément de rémunération qui lui a été versé au titre de cette
année pouvait bénéficier de l’exonération prévue par l’article 81 A du code général des
impôts et l’indemnité de licenciement qu’il a perçue le 20 octobre 2000 n’était pas
imposable par application des dispositions de l’article 80 duodecies du même code ;
Sur le complément de rémunération versé à M. A :
En ce qui concerne l’application de l’article 81 A III du code général des impôts :
Considérant qu’aux termes de l’article 81 A du code général des impôts, dans sa rédaction
alors applicable : I. Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à
l’étranger par des personnes de nationalité française qui ont leur domicile fiscal en France
et qui sont envoyées à l’étranger par un employeur établi en France, ne sont pas soumis à
l’impôt lorsque le contribuable justifie que les rémunérations en cause ont été
effectivement soumises à un impôt sur le revenu dans l’Etat où s’exerce son activité et que
cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu’il aurait à supporter en France sur la
même base d’imposition. II. Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur
activité à l’étranger par des personnes de nationalité française autres que les travailleurs
frontaliers, qui ont leur domicile fiscal en France et qui, envoyées à l’étranger par un
employeur établi en France, justifient d’une activité à l’étranger d’une durée supérieure à
183 jours au cours d’une période de douze mois consécutifs, ne sont pas soumis à l’impôt.
Cette exonération n’est accordée que si les rémunérations considérées se rapportent aux
activités suivantes à l’étranger : a) Chantiers de construction ou de montage, installation
d’ensembles industriels, leur mise en route et leur exploitation, la prospection et
l’ingénierie y afférentes ; b) Prospection, recherche ou extraction de ressources naturelles.
III. Lorsque l’intéressé ne peut bénéficier de ces exonérations, ces rémunérations ne sont
soumises à l’impôt en France qu’à concurrence du montant du salaire qu’il aurait perçu si
son activité avait été exercée en France. Cette disposition s’applique également aux
contribuables visés au 2 de l’article 4 B. ; qu’il résulte de ces dispositions que l’exonération
partielle prévue au III de l’article 81 A concerne les personnes qui perçoivent des
majorations de salaires pour les missions qu’elles effectuent à l’étranger à la demande de
leur employeur et ne comportent l’énoncé d’aucune condition tenant à la nature ou à
l’objectif de la mission ainsi confiée ; que le fait que les majorations de salaires soient, le
cas échéant, déterminées non de manière spécifique à l’occasion de chacune des
missions à l’étranger, mais globalement pour la totalité des déplacements effectués au
cours d’une période déterminée, ne fait pas obstacle à ce qu’elles soient exonérées
d’impôt, dès lors que le bénéficiaire est en mesure de justifier que le montant du
supplément de salaire reçu au titre de cette année a été fixé, même de manière forfaitaire,
en rapport avec l’importance de ses séjours hors de France, eu égard notamment à leur
nombre, leur durée et leur destination ;
Considérant que M. A, directeur des ventes et du marketing de la société Sunbeam Emea
France à compter du 21 juillet 1999, qui a perçu en mars 2000 de la société Sunbeam
Europe un complément de rémunération qualifié de bonus d’un montant de 703 800
francs, soit 107 294 euros, soutient que cette somme peut bénéficier partiellement de
l’exonération fiscale prévue par les dispositions précitées de l’article 81 A III dès lors que,
recruté sur un poste de direction internationale à fort niveau de responsabilité, il aurait
passé, en 1999, 148 jours travaillés à l’étranger et que ledit bonus, prévu par son contrat
de travail, est bien partiellement perçu en considération de son activité à l’étranger ; qu’il
résulte toutefois de l’instruction que ce bonus, dont l’intéressé a bénéficié comme
l’ensemble des cadres supérieurs de la société, s’il était prévu par l’article 7 de son contrat
de travail, est versé en fonction des résultats obtenus, indépendamment de toute
considération liée au nombre, à la durée ou à la destination de séjours effectués hors de
France ; qu’il a été calculé sur le salaire de base perçu par M. A hors les indemnités
complémentaires de déplacement qui lui ont été versées ; que, par suite, ledit bonus doit
être regardé comme ayant constitué un supplément de rémunération non lié à des
déplacements effectués par M. A à l’étranger et n’entre pas ainsi dans le champ
d’application des dispositions du III de l’article 81 A du code général des impôts ;
En ce qui concerne l’application de la convention franco-belge :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la convention franco-belge du 10 mars 1964
susvisée : (...) 2. Une personne physique est réputée résident de l’Etat contractant où elle
dispose d’un foyer permanent d’habitation ; qu’aux termes de l’article 11 de la même
convention : Sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 13 de la présente
convention, les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont
imposables que dans l’Etat contractant sur le territoire duquel s’exerce l’activité
personnelle source de ces revenus. 2. Par dérogation au paragraphe 1 ci-dessus : a) Les
traitements, salaires et autres rémunérations ne peuvent être imposés que dans l’Etat
contractant dont le salarié est le résident, lorsque les trois conditions suivantes sont
réunies : 1° le bénéficiaire séjourne temporairement dans l’autre Etat contractant pendant
une ou plusieurs périodes n’excédant pas 183 jours au cours de l’année civile ; 2 ° sa
rémunération pour l’activité exercée est supportée par un employeur établi dans le premier
Etat ; 3° il n’exerce pas son activité à la charge d’un établissement stable, ou d’une
installation fixe de l’employeur situé dans l’autre Etat ;
Considérant que M. A ne conteste pas qu’il doit être regardé, au titre de l’année 2000,
comme résident de l’Etat français au sens des stipulations de l’article 1er de la convention
franco-belge ; que l’administration soutient, sans être contredite, que l’intéressé n’a
séjourné en 2000, année de perception du bonus dont s’agit, que durant une période de
35 jours à l’étranger ; qu’ainsi, l’intéressé ne remplissait pas la condition prévue par le 1°
du 2 précité de l’article 11 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 ; que, par suite,
et nonobstant la circonstance que ce bonus aurait été perçu en 2000 au titre, pour partie,
d’une période antérieure pendant laquelle M. A aurait eu la qualité de résident fiscal Belge,
ladite somme doit être imposée, par application des stipulations précitées de la convention
franco-belge, en France, Etat dont le salarié est résident ;
Sur l’indemnité de licenciement :
Considérant qu’aux termes de l’article 80 duodecies du code général des impôts, dans sa
rédaction alors applicable : 1. Sous réserve de l’exonération prévue au 22° de l’article 81,
constitue une rémunération imposable toute indemnité versée à l’occasion de la rupture du
contrat de travail, à l’exception des indemnités de licenciement ou de départ volontaire
versées dans le cadre d’un plan social au sens des articles L. 321-4 et L. 321-4-1 du code
du travail, des indemnités mentionnées à l’article L. 122-14-4 du même code ainsi que de
la fraction des indemnités de licenciement ou de mise à la retraite qui n’excède pas le
montant prévu par la convention collective de branche, par l’accord professionnel et
interprofessionnel ou, à défaut, par la loi. La fraction des indemnités de licenciement
exonérée en application du premier alinéa ne peut être inférieure ni à 50 % de leur
montant ni à deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié
au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail, dans la limite de
la moitié de la première tranche du tarif de l’impôt de solidarité sur la fortune fixé à l’article
885 U. (...) ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que M. A a exercé du 1er août 1996 au 20 juillet
1999 des fonctions de cadre dirigeant au sein du quartier général européen du groupe
Coleman International, la société belge Coleman NV/SA ; qu’à la suite du transfert de ce
quartier général, à compter du 30 avril 1999, auprès d’une autre société du groupe, la
société Sunbeam Europe, il a été embauché par cette dernière société à compter du 21
juillet 1999 ; que celle-ci a procédé à son licenciement en octobre 2000 et lui a versé une
indemnité transactionnelle de 374 804 euros ; que l’administration, pour apprécier les
limites d’exonération fixées par l’article 80 duodecies précité, n’a retenu que les
rémunérations versées par la société Sunbeam Europe et a imposé la fraction de
l’indemnité de licenciement excédant le double de la rémunération annuelle brute perçue
par le requérant de cet employeur au cours de l’année civile précédant le licenciement ;
qu’il résulte, toutefois, des dispositions précitées du 1 de l’article 80 duodecies du code
général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires, que si la rémunération
annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant son licenciement
s’entend de la rémunération annuelle déclarée par l’employeur qui procède au
licenciement, il y a lieu, dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, le salarié a été, au cours
de l’année du licenciement, employé successivement par deux sociétés d’un même
groupe et a perçu une indemnité qui tient compte de son ancienneté dans le groupe, de
faire masse de la totalité des rémunérations perçues par le bénéficiaire au sein desdites
sociétés ; que, par suite, M. A est fondé à faire valoir que l’administration aurait dû prendre
en compte la totalité des rémunérations qu’il a perçues au titre de l’année 1999, y compris
celles versées par son ancien employeur, la société Coleman NV/SA et, en conséquence,
constater que le montant de l’indemnité perçue n’excédant pas le double de ces
rémunérations, ladite indemnité devait être, en totalité, exonérée d’impôt ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l’annulation du
jugement attaqué en tant qu’il a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations
supplémentaires à l’impôt sur le revenu et des intérêts de retard y afférents procédant de
l’imposition de l’indemnité de licenciement ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de
justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des
dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l’Etat à
verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris
dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : M. A est déchargé des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu et
des intérêts de retard y afférents mises à sa charge au titre de l’année 2000 procédant de
l’imposition de l’indemnité de licenciement.
Article 2 : Le jugement n° 0607680 du 10 février 2009 du Tribunal administratif de Lyon est
annulé en ce qu’il a de contraire à l’article 1er ci-dessus.
Article 3 : L’Etat est condamné à verser à M. A une somme de 1 500 euros sur le
fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de M. A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Björn A et au ministre du budget, des comptes
publics et de la réforme de l’Etat.
Délibéré après l’audience du 23 juin à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président de chambre,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 juillet 2011.
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Abstrats : 19-04-02-01-04-07 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.
Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et
commerciaux. Détermination du bénéfice net. Rémunération des dirigeants.