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Historique
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FRANÇOIS CLAUDE MARIE
VICOMTE DE BRIQUEVILLE
CHEVALIER DE BRETTEVILLE
1761-1796
par M. Louis LE BLOND
Président Honoraire du Tribunal Civil de Falaise - Membre Correspondant
Chapitre II
François-Marie naquit en 1761 à St Valéry-en-Caux près de Fécamp que commandait, pour le roi, le père de sa mère.
De sa jeunesse, nous savons peu de chose. Il fut élevé au château de Bretteville. Nous le trouvons, en effet, à diverses
reprises, parrain d’enfants de la paroisse, notamment, le 22 juillet 1767, d’une fille de Jean-Batiste Liot qu’il prénomme
Agathe, plus tard d’Armand Liot, fils de Bon, et, la même année, d’Henriette Bourdet.
Sitôt qu’il fut en âge d’être pourvu, son père lui acheta une charge dans l’Armée. Nous le trouvons, en effet, officier au
régiment du Vexin et, plus tard, Major au régiment du Royal Roussillon.
En 1782, Claude-Marie réussit à le faire agréer comme prétendant à la main de Francoise-Renée de Carbonnel de
Canisy, fille de Claude de Carbonnel, comte de Canisy, chevalier de Saint-Louis, et de Henriette de Vassy. L’origine de
cette famille remontait au XIe siècle avec Guillaume de Canisy qui figure au nombre des chevaliers partis à la croisade
en 1096.
Le contrat de mariage fut signé par la famille Royale. Il comprenait les clauses suivantes :
« Le comte de Briqueville, pour traiter favorablement et se prêter au désir de M. le Vicomte de Briqueville, son fils, lui
quitte, cède et abandonne, en faveur du dît mariage, ses fief, terre et seigneurie de Pont-Roger en toutes circonstances
et dépendances et lui fait avancement de succession sans s’y rien réserver ni retenir.
« Il lui abandonne tout don mobil qui lui appartient ainsi que tout ce qu’il aurait à prétendre sur les biens, de Madame la
Comtesse de Briqueville, même le droit de viduité, le cas échéant.
« Egalement, tout ce qui est ou sera dû et exigible par le cessionnaire de la lande de Lessay, sans réserve ni retenue,
le tout à la charge du fils de prendre les biens en l’état, avec leurs charges, de façon qu’il n’en soit inquiété ou recherché
sous quelque prétexte que ce puisse être, ce qui a été ainsi convenu et accepté et dont ledit Vicomte, son fils, à rendu
grâces au comte, son père.
« Ledit Vicomte épousera Mademoiselle de Canisy avec tous ses droits de légitime qui lui appartiendront sur les
successions de ses père et mère.
« Il sera reconnu que ladite damoiselle sera saisie de linges, hardes, effets et bijoux, estimés à quinze mille livres qui
restera en don mobil audit Vicomte.
« En cas de prédécès du futur, ladite damoiselle remportera tous ses effets, hardes, bijoux, son carrosse, ses chevaux
et généralement tous ses meubles à elle appartenant, ou la somme de quinze mille livres, à son choix, ainsi qu’une somme
de quatre mille livres pour lui tenir compte d’une chambre garnie.
« Mademoiselle de Canisy donne au futur, en cas de prédécès sans enfant, un tiers en usufruit de tous ses biens
présents et à venir.
« Le futur gagera douaire sur tous ses biens. En cas de décès du futur avant ses père et mère, Mademoiselle de Canisy
aura en douaire préfix quatre mille livres chaque année ou aura droit de reprendre son douaire. »
Une pièce, saisie plus tard au château de Pont-Roger, nous donne le détail du trousseau de Mademoiselle de Canisy,
c’est celui d’une femme élégante de cette époque ;
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« Une toilette de femme en bois de noyer garnie de boites de fer blanc battu ; des houppes, peignes et flacons et
généralement de tout ce qui est nécessaire à la toilette d’une femme ; de la pâte d’amande à la vanille, de la poudre blanche,
de la poudre grise pour les cheveux de blond châtain ; de la pommade liquide à quatre livres la livre ; deux petits pots
de rouge de nuances différentes pour une femme qui a les cheveux de blond châtain ; une douzaine de paires de gants
de peau de chien et gants de couleur ; deux douzaines de paires de gants blancs ; deux mantelets de taffetas noir, l’une
avec petite blonde étroite, l’autre simple avec une blonde plus grande ; des fichus de gaze et des fichus ajustés ; deux
chapeaux ; deux baigneuses en gaze pour le matin ; deux ou trois bonnets de nuit ajustés ; des rubans de différentes
espèces pour les nœuds et d’étroits pour les chignons et mettre dans les mantelets ; des pièces de rubans unis et rayés
pour les corsets de nuit et bonnets de nuit ; deux colliers à la mode ; deux tabliers de gaze pour mettre sur des petites
robes de soie ; une coiffe de gaze pour la promenade ; six paires de gants d’homme et gants de couleur ; une toque et
un peigne ; des épingles de différents grandeurs pour coiffer ; des épingles pour attacher les bonnets ; deux jupes de taffetas
blanc, l’une pour mettre sous les désabillés du matin, l’autre pour mettre sous les anglaises ; les paniers et bouffants
nécessaires pour mettre sous les différents habillements ; deux ou trois anglaises ou lévites en toile de Jouy, étant de
deux saisons et plus commodes pour la campagne ; deux habits d’amazone en drap et une redingote pour mettre par
dessus et les manchettes et ajustements assortis ; deux ou trois petites robes anglaises de petit taffetas de Florence ;
une pelisse ouatée couleur de rose, bordure blanche ; un manchon blanc. »
Le mariage fut célébré le 2 décembre 1783 dans la chapelle du château de la Lucerne par Jacques Le Riverain, chapelain
des Canisy. Les témoins du mariage étaient son oncle Bon-Chrétien de Briqueville et Jacques Pelage son cousin, baron
de Graintheville, gouverneur de Barfleur ; ceux de la mariée étaient la comtesse de Forcalqier sa tante, et le baron de
Marse seigneur d’Anctoville.
Quoi qu’en ait écrit M. de la Sicotière, les contemporains s’accordent pour déclarer que la jeune mariée était charmante,
grande et fort gracieuse.
Il n’est pas douteux qu’elle était fort éprise de son mari, qui, peu après son mariage avait été obligé de rejoindre son régiment.
La modicité de ses ressources ne lui avait pas permis d’emmener avec lui sa jeune femme, qu’il avait laissée au château
de Bretteville.
C’était de là qu’elle lui écrivait des lettres où elle lui exprime le plus aimablement du monde ses sentiments affectueux.
« Aime moi bien lui écrivait-elle et pense que je suis tendrement attachée, je t’embrasse à pincettes ». Ailleurs : « Je t’aime
bien je t’embrasse de même, je vais me coucher et rêver à toi ». Dans un autre encore : « J’entends dire qu’une femme
qui n’aime pas son mari ne vaut pas grand’chose, mais comme j’aime le mien, je me crois un petit trésor et veux être le
tien à jamais. Je n’en aurai et n’en veux d’autre que ton cœur ».
De son côté, le jeune vicomte, quand il passe à Paris, s’empresse de lui envoyer quelques colifichets ou des chapeaux
de la bonne faiseuse soit pour elle, soit pour ses amies, car la jeune femme avait été accueillie avec joie dans la
« société ».
Les grands travaux de la digue de Cherbourg étaient alors en pleine activité. Dans la ville que commandait Dumouriex,
la population avait presque doublé et les fêtes succédaient aux fêtes.
Le duc de Beuvron qui commandait en second la province, s’était installé à l’abbaye et avait transformé le logis abbatial.
Et dans le grand salon octogone se réunissait toute la noblesse des environs : les Feuardent, les Gigault de Bellefonds,
les colleville, les du Moncel ; Mademoiselle de Montemart tenait le clavecin et Mademoiselle de Percy pinçait la harpe.
Plus près de Bretteville encore, le port du Becquet venait d’être créé pour transporter les blocs destinés à l’enrochement
de la digue.
Une partie du Régiment de la Reine était caserné là, que commandait le lieutenant-colonel de la Pelouse. Sa femme réunissait
chez elle, les officiers, ingénieurs et les châtelains du voisinage. Là se retrouvaient ceux de Bretteville, le marquis de Boisselin,
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gendre du duc d’Harcourt, Rouhier de Fontenelle, Deshayes commissaire général de la marine et nombre d’autres.
On avait même fait installer un petit théâtre dans l’une des pièces du pavillon, où, chaque jeudi, on donnait des
représentations. En 1786, on y joua une comédie « Georges ou l’homme d’état imaginaire », satire contre le Tiers Etat.
L’élégant Abbé de Percy disait de petits vers et on organisait aussi des ventes de charité.
Ce fut à l’une d’elles, en faveur des victimes d’un incendie, que se produisit un incident : Madame de Briqueville, aidée
de Melle de Percy, tenait à cette vente, un comptoir. Le jeune marquis de Boisgelin s’étant approché : « que pourrais-je
bien acheter ? demanda-t-il – Ce qu’il vous plaira – je voudrais un baiser, combien coûterait-il ? - Dix pistoles », répondit
étourdivement la Vicomtesse. Le marquis, beau joueur, versa les cent livres… et prit le baiser. Mais ce ne fut pas du tout
du goût de Monsieur de Briqueville, qui provoqua Boisgelin en un duel dont on parla toute une saison.
De son côté, Dumouriez réunissait autour de lui tout un essaim de jolies femmes, dont faisait partie Madame de Briqueville
et qu’on appelait les « Muses du gouverneur ». La jeune femme ne remportait pas de moindres succès dans toute les
fêtes que donnaient les châtelains d’alentour. On l’y avait surnommée « la divine vicomtesse ».
Elle raconte à son mari, dans ses lettres, les visites qu’elle faisait et les fêtes auxquelles elle assistait.
« Monsieur de Belisle m’a prêté la petite jument pour aller voir la Duchesse d’Harcourt. Je passai une heure avec elle.
Elle me demanda si je ne viendrais pas souvent la voir. Je lui dis que mes chevaux de carrosse étaient à charroyer les
foins, que je n’avais point de cheval de selle, bref que j’étais à pied. Le fait est que je n’aime plus sortir, cela m’ennuie ».
Au château de Bretteville, il y avait aussi de nombreuses réunions. On s’y occupait notamment de magnétisme, découverte
récente qui frappait fort les imaginations. « Mesdames de Caligny sont ici avec le chevalier de Saint-Cyr qui ne radote
que de magnétisme. Il a de la peine à s’en distraire pour faire une partie avec madame d’Aubigny ».
Près de Valognes, elle était conviée aux fêtes superbes que donnait dans son château, Madame de Bernaville et, où,
dernière élégance, on lançait des Montgolfières. « il y a un monde infini à la Bretonnière, écrit-elle, tous les agréables y
sont. Il doit y avoir un ballon ».
En l’année 1785, leur naquit un fils. Elle conte, en ses lettres, la joie qu’elle éprouve à travailler à la layette de l’enfant
qu’elle attendait et aussi son chagrin d’un refus qu’elle essuya en demandant comme marraine une de ses parentes :
« Tu me taxes toujours, mon cher ami d’être la cause de ce qui arrive de fâcheux. Je ne crois pas, cependant, être la
cause du refus de Madame de F… Il m’a prodigieusement affectée et étonnée. Je lui écris ce qui m’est venu par la tête
de plus honnête pour te faire plaisir. Si elle s’en tient à ce qu’elle t’a dit, vois le parti que tu veux prendre. Pour moi, je le
ferais nommer par des pauvres, car je ne pourrais me résoudre à prier ta mère, après un refus si marqué. Il semble que
ce qui pourrait m’être agréable tourne à ma peine. C’est un heureux pronostic pour le petit être que je porte. Pour peu
que tu l’aimes, il se passera du reste et je m’en consolerai ».
Il semble pourtant que tout finit par s’arranger et que Madame de F… (Forcalquier) ne persista pas dans son refus, s’il
faut en croire le registre de catholicité de Bretteville pour l’année 1785.
« Le 23 janvier a été baptisé un garçon, né le même jour, du légitime mariage de très haut et très puissant seigneur François
Marie, vicomte de Briqueville, seigneur et patron de Saint-Jean des Champs, Pontroger, la Poisonnière, la cour du bois
des Préaux, Beauchamp, Hottot et autres lieux, et de très haute et très puissante Dame Françoise Renée de Carbonnel
de Canisy, vicomtesse de Briqueville, lequel a été nommé Armand-François Bon-Claude par très haut et très puissant
seigneur Bon-Chrétien, marquis de Briqueville, chevalier, seigneur et patron du Roncey-Neuville-au-Plain et autres lieux,
chevalier de l’ordre Royal et Militaire de Saint-Louis, chef d’escadre des armées navales du Roi, représenté à cause de
son absence par Bon, Hyacinthe le Parquoys, valet de chambre du seigneur comte de Briqueville, père du sieur Vicomte
de Briqueville, en conséquence des pouvoirs à lui adressés par le seigneur marquis de Briqueville, passés devant les
notaires de Brest en date du 20 décembre 1784, lesquels pouvoirs dûment en forme, ont été déposés joints et annexés
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au présent registre et par Très haute et puissante dame, Madame Françoise Renée Carbonnel de Canisy, comtesse de
Forcalquier, marquise de Pont Croix, grande d’Espagne de 1ère classe, veuve de Très haut et Très puissant seigneur Mgr
Louis Bufils de Bronias, des comtes de Forcalquier, grans d’Espagne de 1ère classe, marquis des comtes, baron de
Cartelu, seigneur de Vitrolles, Mont Justin, Robiou et autres lieux, lieutenant général du gouvernement de Provence ;
représentée, à cause de son absence, par Marie Jeanne Marguerite Liot, femme de chambre de la vicomtesse de
Briqueville, en conséquence des pouvoirs à elle adressés par Madame la comtesse de Forcalquier, passés devant les
notaires du Royal Châtelet de Paris, le 6 février 1785, scellés le même jour, lesquels dûment en forme ont été déposés,
joints et annexés au présent registre, et ont signé : le comte de Briqueville, Leparquoys, Liot et Dupraël, curé de
Bretteville ».
De sorte que, si l’enfant eut d’illustres parrain et marraine, il fut, en fait, réalisant presque le vœu de sa mère renu sur
les fonds du baptême par un valet et une femme de chambre, des pauvres.
L’enfant grandit, entouré par la solitude maternelle et les lettres qu’elle écrit sont remplies de nouvelles sur la santé de
son fils : « Ne sois pas inquiet de ma santé, elles est bonne ainsi que celle d’Armand. Nous mangeons et dormons bien.
Je t’écris auprès de mon lit où il est couché et où il ronfle comme un petit cochon » (janvier 1787).
Plus tard : « Le petit se porte bien, il prononce quelques mots ». Et dans d’autres lettres encore : Armand se porte bien
ainsi que moi. Nous t’embrassons tous deux. Je le tiens sur mes genoux en t’écrivant, c’est deux chose qui me flattent ».
- Armand est toujours avec moi, il me préfère à tout le monde, même à la Lubée (sa nourrice). IL dîne avec moi, ne mange
que des légumes. Je sais que tu ne veux pas qu’il mande sitôt de viande, c’est aussi mon avis ».
Ces nouvelles allaient joindre Briqueville dans ses lointaines garnisons, où venait aussi le harceler les lettres de ses
créanciers, car ses embarras d’argent devenaient de plus en plus pressants.
Il semble bien d’ailleurs, qu’en réponse aux lettres aimables de sa femme, il lui en adressait remplies de récriminations
qui paraissaient avoir peu à peu ennuyé puis fatigué la jeune femme ; « tu devrais bien, mon cher ami, te déshabituer
de te plaindre continuellement, tu me fais de la peine », et ailleurs : « tu sais que je ne cherche pas à te déplaire et tu
peux être assuré, que je serais désolée de te donner raison de crier sur moi ; mais, si tu m’aimes bien, tu ne me
chagrinerais pas et tu ne me donnerais pas lieu de croire que tu te plais à me tourmenter ». Les lettres de M. de
Briqueville n’ayant pas été conservées, il est assez difficile de se rendre compte des griefs qu’il reprochait à sa femme
mais on sent grandir peu à peu le désaccord.
Dès 1784, François-Marie est au point de vue pécuniaire, réduit aux expédients. Il se trouve dans l’impossibilité de
rembourser les dettes qu’il a contractées et qu’avait cautionnées son oncle Bon-Chrétien. En 1786, il suppliera sa femme
de lui trouver cinquante louis pour payer une acquisition de chevaux légers. « j’ai peur, lui écrit-elle, que l’ordre de payer
les chevaux légers n’arrive bientôt. Ton père n’a pas assez d’argent et je n’en pourrai jamais trouver assez à emprunter.
C’est bien dommage que tu n’ais pas aidé à les fournir. Je serai inquiète jusqu’à temps que je puisse être sûre de ces
cinquante louis. Quel chagrin pour moi si on te punissait faute de payer. Je voudrais avoir quelque chose à vendre, je
t’enverrais l’argent, je tremble pour toi ».
Ce fut sans doute pour lui venir en aide qu’elle vendit sa jument de selle à Bon Liot moyennant cent livres.
De son côté Briqueville faisait de son mieux. Il parait d’ailleurs avoir trouvé près des officiers de son régiment une aide
secourable.
C’est ainsi que l’un deux, Grenier d’Ernemont, apprenant qu’une traite était lancée contre son camarade, en son absence,
s’empresse d’emprunter 555 livres et la paie pour empêcher qu’elle soit protestée.
C’est Monsieur de Nouzeau, qui, sans même en demander reçu lui avance 2.400 livres.
Documents prêtés par Madame GAIN
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