Breizh Avoan : du lait de vache au lait d`avoine

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Breizh Avoan : du lait de vache au lait d`avoine
Breizh Avoan : du lait de vache au lait d’avoine
28 septembre 2013
Évelyne Loison est agricultrice en Bretagne. Après avoir pendant plus de vingt ans élevé
des vaches pour leur lait, elle produit désormais du lait d’avoine, qu’elle transforme en crèmes et en desserts. Rencontre avec une
agricultrice de passion qui a su créer son activité en suivant le chemin qui lui semblait juste.
(article paru dans Alternatives Végétariennes 113)
Du lait animal au lait végétal…
Je suis devenue agricultrice en 1990 en compagnie de mon mari, par intérêt pour la culture de la terre. Étant situés sur une ferme
de qualité de terre très moyenne (son nom « kreiz ar lann » signifie en breton « au milieu des landes ») nous avons dû reproduire le
schéma précédent, l’élevage bovin en vue de la production de lait ; l’agriculture biologique nous semblait alors inaccessible. Nous
faisions de notre mieux pour être cohérents avec nos convictions, mais finalement nous reproduisions ce que faisaient nos
voisins. Débarquant de la ville, cela nous permettait aussi de nous faire plus facilement accepter.
Puis je me suis retrouvée à gérer seule l’exploitation, avec quatre enfants, des engagements financiers, et donc l’obligation de
continuer une activité qui ne me satisfaisait pas. Je ne me voyais pas continuer jusqu’à la retraite une activité que je subissais plus
que je ne la vivais. Je souhaitais arrêter l’élevage, tout en gardant la ferme qui me permet d’avoir un lien important pour moi avec la
terre.
En 2009 j’ai rencontré mon compagnon, non agriculteur, végétarien depuis plus de trente ans. Sa vision
des choses correspondait à quelque chose de profond en moi. Quand je lui ai exprimé mon désir d’arrêter l’élevage, il m’a
simplement suggéré de fabriquer du « lait » d’avoine. Cela a résonné comme quelque chose de juste. J’ai étudié ce produit pendant
deux ans avant de me lancer, en 2011.
Un pari : le lait d’avoine
Pourquoi le lait d’avoine ? Le lait végétal était pour mon compagnon un produit d’utilisation courante. L’avoine est généralement
appréciée pour son goût sucré et doux. Et il est évident qu’en Bretagne il est plus facile de cultiver de l’avoine que du soja ou du
riz… Un autre aspect intéressant est que l’alimentation végétale directe nécessite sept fois moins de surface agricole que
l’alimentation par le biais des animaux ; on va donc contribuer davantage à nourrir l’humain avec un hectare d’avoine ou de sarrasin
destiné à la consommation humaine qu’avec un hectare de cultures destinées à nourrir les animaux d’élevage. J’ai aussi pris
connaissance des qualités nutritionnelles de l’avoine. Autant de raisons qui m’ont poussée à vouloir faire connaître cette céréale et
la rendre plus accessible à tous ceux qui désirent consommer plus végétal. L’idée est donc venue de créer une gamme de produits
bio, boisson végétale, crème de cuisine et desserts fermentés nature et aux fruits, tout cela au rayon frais. Aujourd’hui, les produits
Breizh Avoan sont présents dans la plupart des magasins bio du département et sur les départements voisins.
Nouvelle façon de travailler
La ferme a changé d’aspect bien sûr, les champs n’ont plus les mêmes cultures, la
conversion à l’agriculture biologique a modifié les techniques. Le bâtiment est vide, le silo, la fumière, tout ceci est en attente d’une
nouvelle utilisation. En effet je n’ai pas de laboratoire de transformation sur la ferme. La fabrication des produits demande un
équipement lourd et il est nécessaire de développer d’abord une activité rentable avant de pouvoir investir. Je loue donc le local et
le matériel d’une école dotée d’un pôle technologique afin de pouvoir commencer cette activité et la rendre « réelle ». Les choses
ne sont pas simples. Je dois souvent, avec ma salariée, travailler de nuit après les élèves. Le matériel n’est pas vraiment approprié
et il est fastidieux de composer avec l’existant. Mais l’activité est démarrée et a le mérite de proposer des produits qui sont
appréciés des consommateurs.
J’organise chaque semaine des animations dans les magasins. Cela représente un très gros travail de communication, mais aussi
de très belles rencontres, la reconnaissance des gens qui goûtent et apprécient, le partage avec eux de mes convictions et de mon
engagement. C’est bien plus que de faire connaître des produits. Ces échanges très riches et très profonds me stimulent et
m’encouragent à continuer.
Des obstacles sur la route
La première difficulté a été le désengagement de ma banque, dans laquelle je suis pourtant administratrice depuis plus de 20 ans.
Elle m’a enjoint de rembourser tous mes prêts en cours une fois mes vaches vendues et a refusé un prêt pour m’équiper d’une
conditionneuse à yaourts d’occasion. J’ai tenu ferme pour ne pas tout rembourser mais il m’a fallu convaincre une autre banque
pour obtenir le prêt. Cette activité n’a pas de « référence », la banque n’a pas de repère pour savoir si mon activité sera rentable ou
pas. De mon côté, je sais que je démarre, que mes produits sont bons au goût et pour la santé, qu’ils sont appréciés et je crois
fermement que l’activité augmentera à son rythme.
Sans regrets !
Aujourd’hui je suis en accord avec ce que je pense, avec ce que je vis et je ne voudrais pas revenir en arrière. Il n’est pas facile de
changer d’activité mais j’ai rencontré depuis d’autres agriculteurs qui l’ont fait. Chacun doit trouver ce qui lui correspond.
Transformer en farine, en huile, vendre ses céréales… la porte est ouverte à toutes les initiatives, originales ou pas, du moment
qu’elles correspondent aux personnes qui les portent. Car la clé, je pense, est de savoir si on peut porter de tels projets. Il faut
souvent défricher le terrain et croire fermement à ce que l’on fait, accepter aussi de prendre des risques. Car souvent on se
retranche dans des activités « sûres », qui ont fait leurs preuves. Il y a des activités à inventer, des réalités à construire, chacun
selon ses aspirations.
Bien entourée pour mieux avancer
Il n’est pas facile non plus de concilier les cultures, la transformation, la
commercialisation, qui sont des activités différentes. Je m’arrange avec un agriculteur voisin et un de mes fils pour les cultures,
deux autres de mes fils m’aident quand ils le peuvent pour les livraisons et le conditionnement, et ma fille m’accompagne sur des
salons. Sans oublier mon compagnon qui est présent au quotidien pour m’aider dans l’évolution de cette activité ! Et d’autres
personnes encore qui me soutiennent et m’encouragent. Je suis donc bien entourée. Tout ceci est indispensable pour continuer à
aller de l’avant.
› Suite de l’article : En savoir plus sur l’avoine, ses qualités nutritionnelles, la préparation maison du lait d’avoine, les produits d’Évelyne.
Coordonnées : http://www.breizh-avoan.fr – 06 26 47 21 72
(entretien : Thomas Locquet)
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