Le faux dans les titres
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Le faux dans les titres
EXTRAIT DE LA JURISPRUDENCE Bruno Kistler Le faux dans les titres – récente jurisprudence du Tribunal fédéral Comme le professeur Niklaus Schmid le relève dans son ouvrage sur la responsabilité pénale du réviseur, une responsabilité plus sévère dans l’économie entraîne aussi, en cas de comportement erroné, des réactions sur le plan pénal. Aussi, les poursuites pénales contre les réviseurs se sont-elles multipliées ces derniers temps [1]. Il est aujourd’hui indispensable aux réviseurs d’étendre leurs connaissances au droit pénal, qui s’applique en cas d’atteintes graves aux intérêts légitimes de l’individu ou de la collectivité. Il n’est pas rare actuellement de voir une affaire portée devant les tribunaux aussi bien civils que pénaux, notamment en matière de faux dans les titres. Le faux dans les titres [2] dont nous traiterons ci-après est une infraction complexe [3]. Après une brève introduction, nous essaierons de l’éclairer par l’examen de trois récents arrêts du Tribunal fédéral. 1. Le faux dans les titres Commet un faux dans les titres, au sens de l’article 251 du Code pénal, notamment celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre. Cette disposition, qui prévoit une peine d’emprisonnement ou une peine de réclusion pour cinq ans au plus, a pour but de protéger la confiance que l’on accorde à un titre en tant que moyen de preuve. Le faux dans les titres est une infraction de mise en danger qui tend, conformément à l’intérêt général, à protéger les particuliers dans leurs relations d’affaires [4]. Le titre est protégé, explique le Tribunal fédéral, 828 en raison de la confiance qu’inspire, dans la vie juridique, le moyen de preuve qu’il constitue [5]. 2. Les éléments objectifs du faux dans les titres personne le destine subjectivement à servir de preuve. La valeur probante du document doit répondre à des critères objectifs. On ne saurait qualifier de titre n’importe quel écrit éventuellement susceptible d’être un jour utilisé par hasard comme preuve [11]. 2.1 Le titre Selon l’article 110, ch. 5, CP, «sont réputés titres tous écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous signes destinés à prouver un tel fait» [6]. Par «écrit», on entend une pluralité de signes matériels, visibles et permanents, servant à l’expression, la fixation et la transmission de la pensée humaine [7]. Pour constituer un titre, l’écrit doit être destiné et apte à prouver un fait ayant une portée juridique, à savoir un fait capable de modifier la solution apportée à un problème juridique [8]. Une déclaration écrite aura le caractère de titre lorsqu’en vertu de la loi ou des usages commerciaux, elle est propre à servir de preuve [9, 10]. Selon la doctrine et la jurisprudence unanimes, un écrit ne saurait revêtir une valeur probante du seul fait qu’une 2.2 Les actes punissables L’article 251 CP réprime, en tant que faux dans les titres, notamment les comportements suivants qui portent sur un titre: a. la création d’un titre faux Il y a création d’un titre faux lorsque l’auteur réel du titre ne correspond pas à celui dont le titre émane apparemment. Le titre faux trompe sur l’identité de celui dont il émane en réalité [12]. b. la falsification d’un titre Il y a falsification d’un titre lorsqu’une personne modifie le titre en sorte que son contenu ne corresponde plus à celui qu’a voulu l’auteur. c. la création d’un faux intellectuel La loi parle, en français, de «celui qui … aura constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique» (et, en allemand, de «wer … eine rechtlich erhebliche Tatsache unrichtig beurkundet oder beurkunden lässt»). Contrairement à la création du titre faux qui trompe sur l’identité de celui dont il émane en réalité, le faux intellectuel est un document véritable (echt) dont le contenu est inexact, et constitue un mensonge écrit, les faits mentionnés dans le titre ne correspondant pas à la réalité. Bruno Kistler, docteur en droit, avocat-conseil, membre de l’Ordre des avocats vaudois, ancien responsable du département juridique de PricewaterhouseCoopers, Genève Selon la plus récente jurisprudence du Tribunal fédéral, un mensonge écrit qualifié, au sens d’une fausse constatation, ne sera retenu que si le titre a une L’Expert-comptable suisse 9/99 DROIT Bruno Kistler, Le faux dans les titres – récente jurisprudence du Tribunal fédéral valeur probante accrue et que le destinataire lui accorde une confiance particulière. Tel sera le cas si des garanties objectives générales attestent la véracité de la déclaration à l’égard des tiers en raison du devoir de contrôle du rédacteur du titre [13] ou sur la base de dispositions légales, qui fixent dans les détails le contenu de l’écrit comme le font les dispositions sur le bilan des articles 758 ss CO [14]. En revanche, de simples données d’expérience relatives à la crédibilité d’allégations écrites ne sauraient suffire, quand bien même, dans la vie des affaires, la tendance serait de les supposer exactes [15]. d. l’usage d’un titre faux Il y a usage d’un faux en cas de présentation du faux à la personne qu’il doit tromper. Il s’agit là d’une infraction subsidiaire qui ne s’applique que si l’auteur du faux n’est pas poursuivi. Comme il est usuel que celui qui crée un faux en fasse aussi usage, la création du faux englobe son utilisation ultérieure. 2.3 Encore quelques mots sur le faux intellectuel (ou fausse constatation) a. Lors de la dernière révision de l’article 251 CP, les experts entendaient éliminer la «constatation fausse émanant d’un particulier», notion qui faisait l’objet de controverses, car «il est difficile d’opérer une véritable distinction entre le titre mensonger sanctionné pénalement et le mensonge écrit (schriftliche Lüge) qui n’est pas punissable». Toutefois, les milieux directement concernés par l’application du droit pénal ont insisté, quant à eux, sur le rôle important que joue la répression de la constatation fausse dans la lutte contre la criminalité économique. Après un examen approfondi de la question, le Conseil fédéral a renoncé à supprimer à l’article 251 CP la constatation fausse, expliquant que «les arguments de nature dogmatique, incontestablement pertinents, qui militent en faveur d’une élimination ne sont pas de taille à évincer les raisons plaidant pour le maintien L’Expert-comptable suisse 9/99 de cette condition de la punissabilité», ajoutant qu’«il est par ailleurs certain que les praticiens, qui aspirent à l’amélioration de leurs ressources pénales dans l’âpre combat qu’ils mènent contre la criminalité économique, ne comprendraient pas qu’on leur retire un instrument aussi important sur le plan de la constatation fausse» [16]. Le législateur a dès lors décidé le maintien de la répression du faux intellectuel. On ne peut qu’en prendre acte et s’efforcer d’interpréter et d’appliquer correctement cette disposition. b. Le faux intellectuel consiste à fabriquer un titre mensonger, qui se distingue de la simple allégation unilatérale par sa capacité de convaincre [17]. Comme nous l’avons vu, le titre est destiné et propre à prouver un fait ayant une portée juridique. Pour qu’il y ait faux intellectuel, il doit, selon la jurisprudence, posséder notamment une valeur probante accrue ou offrir une garantie objective de véracité. A ce sujet, le Juge fédéral Bernard Corboz observe qu’il n’existe pas deux notions de titre et apporte certaines précisions qu’il nous paraît bon d'exposer ici. Selon cet auteur, un titre doit être apte, d’une manière générale, à prouver qu’une personne déterminée a fait la déclaration qu’il contient. Dans le cas du faux intellectuel, on se trouve en présence non seulement d’une déclaration dont le contenu est faux, mais encore d’un document qui est apte à prouver la vérité des faits exposés [18]. On parle de valeur probante accrue parce que «le document ne doit pas seulement être apte à prouver l’existence, l’auteur et le contenu de la déclaration, il doit être également apte à prouver que le contenu de la déclaration est véridique» [19]. 3. Les éléments subjectifs du faux dans les titres a. Le faux dans les titres n’est punissable que s’il est commis intentionnellement, à savoir avec conscience et volonté. L’auteur doit vouloir ou accepter l’idée de tromper par le moyen du titre sans qu’il ait nécessairement la volonté d’utiliser lui-même le document [20]. Il agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se produirait [21]. b. Il faut en outre un dessein spécial qui se présente sous une forme alternative. L’auteur doit avoir le dessein, soit de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, soit celui de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite. Le faussaire ne doit pas rechercher forcément un avantage patrimonial direct. L’avantage illicite recherché, auquel la jurisprudence assimile toute amélioration dans la situation de l’auteur, peut résider dans la force probante du document falsifié [22]. Est illicite l’avantage obtenu en matière de preuve au moyen d’un document falsifié, même dans l’hypothèse où celui-ci doit permettre de faire triompher une prétention légitime [23]. Il a aussi été jugé que celui qui crée des titres faux dans le but d’échapper aux conséquences de ses fautes agit dans le dessein de se procurer un avantage illicite [24]. 4. Faux bilan et compte de pertes et profits d’une société anonyme (ATF 122 IV 25, JT 1998 IV 11) 4.1 Fausse comptabilité réprimée selon l’article 251 CP a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la comptabilité commerciale [25] et ses éléments (bilans, bilans provisoires, comptes d’exploitation, inventaires, livres, fichiers, pièces justificatives ou systèmes informatiques dans lesquels les données sont régulièrement enregistrées [26], ainsi que la déclaration d’intégralité [27], les relevés des comptes bancaires [28] et, selon la doctrine [29], les rapports de révision) sont des titres au sens des articles 110, ch. 5, et 251 CP, dont le caractère probatoire découle de la loi (art. 957 CO) [30]. Il y a faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux exigences légales pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci. 829 DROIT Bruno Kistler, Le faux dans les titres – récente jurisprudence du Tribunal fédéral Le Tribunal fédéral explique que la comptabilité a une fonction de garantie. «La tenue d’une comptabilité sert en premier lieu à l’information, à la sauvegarde des intérêts de ceux qui font partie de l’entreprise et de ses créanciers (…). De même les dispositions relatives à la comptabilité des sociétés par actions ont pour but de sauvegarder les intérêts de celles-ci tout en engageant la responsabilité du conseil d’administration et de la direction» [31]. Une comptabilité véridique est donc dans l’intérêt non seulement des investisseurs, pour lesquels agissent le conseil d’administration et la direction, mais aussi des créanciers et, en cas d’importance économique suffisante, du public qu’elle renseigne sur l’entreprise. Elle sert enfin d’outil de direction au conseil d’administration pour lequel elle constitue une base d’information. b. Les exigences que la loi pose pour les comptes figurent notamment aux articles 958 ss CO et, pour la société anonyme, aux articles 662a ss CO. Les comptes doivent être complets, clairs et faciles à consulter, afin que les intéressés puissent se rendre compte aussi exactement que possible de la situation économique de l’entreprise (art. 959 CO). Ils doivent être dressés conformément aux règles régissant l’établissement régulier des comptes, de manière à donner un aperçu aussi sûr que possible du patrimoine et des résultats de la société (art. 662a, 1er al., CO, pour la société anonyme). L’article 663, 3e al., CO dispose que les charges, qui comprennent les charges de matières et de marchandises, les frais de personnel, les charges financières et les charges d’amortissement, doivent être présentées séparément. Il est donc interdit de faire entrer dans la comptabilité en tant que charges d’exploitation les avantages et autres sommes alloués aux dirigeants, notamment pour subvenir à leurs frais, une comptabilisation correcte des salaires étant importante tant pour l’entreprise que pour les tiers. c. Se rend donc, du point de vue objectif, coupable de faux intellectuel celui qui comptabilise en tant que dé830 penses liées aux affaires des avantages et débours d’ordre privé ou qui fait figurer des salaires dans un compte inapproprié. 4.2 Fausse comptabilité dans le domaine du droit pénal fiscal Après avoir examiné, du point de vue objectif, les conditions du faux dans les titres au sens de l’article 251 CP, le Tribunal fédéral détermine quand celui qui veut éluder exclusivement le paiement de l’impôt ne doit être jugé que sur la base du droit pénal fiscal. Ne doit être jugé que sur la base du droit pénal fiscal celui qui, au moyen d’un faux dans les titres, veut éluder exclusivement les dispositions du droit fiscal et exclut dans son esprit tout emploi du faux – objectivement possible – ailleurs que dans le domaine fiscal. En revanche, l’infraction de faux intellectuel s’appliquera à côté des dispositions du droit pénal fiscal dès qu’il pourra être établi que l’auteur a créé un mensonger et destiné exclusivement aux autorités fiscales. 5. Procuration antidatée constitutive d’un faux dans les titres (ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45) a. L’administrateur unique d’une société anonyme a établi des procurations en mentionnant non la date de leur émission mais des dates antérieures. Il a voulu ainsi tromper le juge chargé d’une enquête. La personne inculpée devait échapper à l’accusation d’escroquerie puisque c’est au nom d’une entreprise solvable qu’elle aurait fait les achats qui étaient disproportionnés à ses moyens financiers. Les procurations ont été produites dans le cadre de l’enquête pénale pour prouver la date de leur émission dans l’intérêt de l’inculpé. On pouvait en tirer des déductions sur le degré de véracité d’un té- «Il y a création d’un titre faux lorsque l’auteur réel du titre ne correspond pas à celui dont le titre émane apparemment». titre faux ou en a usé non seulement à des fins fiscales mais également dans un autre but ou tout au moins qu’il a consenti à ce résultat pour le cas où il se produirait. Souvent, les deux infractions s’appliqueront cumulativement. Le bilan commercial d’une société anonyme a toujours la fonction de renseigner sur la situation financière de celle-ci non seulement les autorités fiscales, mais aussi et surtout les tiers. Selon le Tribunal fédéral, celui qui établit un bilan mensonger doit dès lors savoir qu’il n’est pas exclusivement destiné au fisc et accepte donc l’éventualité d’une utilisation non fiscale du document. Il n’en irait autrement que si deux bilans étaient établis, l’un véridique et l’autre moin, et ces pièces jouissaient de ce fait d’une crédibilité accrue. b. Dans l’arrêt étudié, le Tribunal fédéral a généralisé le cas particulier examiné et a déclaré que l’établissement après coup d’une procuration antidatée constituait un faux dans les titres, car, selon les dispositions légales sur la représentation, une confiance particulière doit être accordée par les destinataires à la procuration écrite et cette confiance garantit de manière objective la véracité du titre. La date de l’établissement d’une procuration a une portée juridique. Notre Haute Cour explique, comme il suit, que les procurations bénéficient d’une confiance particulière. Cette conL’Expert-comptable suisse 9/99 DROIT Bruno Kistler, Le faux dans les titres – récente jurisprudence du Tribunal fédéral fiance résulte de la nature de la procuration en tant que pouvoir donné d’agir pour autrui et de traiter avec les tiers au nom du représenté. Une procuration cation du représenté va au-delà des pouvoirs effectivement conférés, l’étendue des pouvoirs est déterminée par les termes de la communication «Le faux intellectuel consiste à fabriquer un titre mensonger, qui se distingue de la simple allégation unilatérale par sa capacité de convaincre.» écrite a le caractère d’un titre dans la mesure où elle prouve la qualité pour agir du représentant au nom du représenté. Lorsque le représenté porte à la connaissance d’un tiers une procuration qu’il n’a jamais conférée, le tiers de bonne foi est protégé dans sa croyance à l’existence des pouvoirs communiqués par le représenté. Si la communi- L’Expert-comptable suisse 9/99 faite au tiers de bonne foi (art. 33, 3e al., CO) [32]. Il résulte de ces règles qu’une procuration incorporée dans un titre entraîne régulièrement une confiance particulière. Le tiers n’a pas de motif de considérer la procuration comme une simple déclaration. Une vérification des pou- voirs de représentation ne se justifie pas et il n’y a pas de raison de supposer qu’il y sera procédé. On peut dès lors admettre que les règles de la représentation garantissent de manière objective la véracité de la déclaration figurant dans la procuration. Cela justifie la confiance accrue et le caractère de titre du point de vue du faux intellectuel. Cette confiance accrue porte sur la totalité du contenu de la procuration, y compris le début et la fin du document. La date de la signature est aussi censée exacte. 6. Procès-verbal d’une assemblée générale constitutif d’un faux dans les titres (ATF 123 IV 132, JT 1998 IV 142) a. Les propriétaires ou les représentants de la totalité des actions d’une so- 831 DROIT Bruno Kistler, Le faux dans les titres – récente jurisprudence du Tribunal fédéral ciété anonyme peuvent, s’il n’y a pas d’opposition, tenir une assemblée générale (assemblée universelle), sans observer les formes prévues pour sa convocation (art. 701 CO). Cette assemblée n’est valable que si toutes les actions y sont valablement représentées. seulement du déroulement de la séance mais aussi de la volonté qui s’y est exprimée ou aurait dû s’y exprimer. Il a donc la qualité de titre, au moins dans la mesure où il fonde une inscription au registre du commerce. Dans toutes les assemblées générales, un procès-verbal doit être tenu, qui mentionne notamment les décisions prises ainsi que les nominations. Le nom des membres du conseil d’administration doit être inscrit au registre du commerce (art. 641, ch. 9, et 720 CO). Cette inscription intervient sur la base d’un extrait du procès-verbal, légalisé par un officier public (art. 28, 2e al., de l’ordonnance sur le registre du commerce). La publicité s’applique aux demandes d’inscription et aux pièces justificatives (art. 930 CO). Notes b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral la plus récente, l’article 251 CP s’applique à celui qui mentionne au procès-verbal d’une assemblée générale universelle la déclaration du président que toutes les actions sont représentées lorsqu’il connaît la fausseté de cette affirmation et qu’il agit en outre dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires d’autrui ou de se procurer un avantage. Le procès-verbal d’une assemblée générale qui nomme de nouveaux administrateurs est destiné en premier lieu à justifier une inscription au registre du commerce. Le préposé peut se fonder sur la véracité du contenu des pièces produites et ne dispose d’un droit d’examen d’ailleurs limité qu’en cas de doute. L’auteur d’un procès-verbal se trouve donc avec le préposé dans un rapport particulier de confiance. La modification de la composition du conseil d’administration est inscrite au registre du commerce sur la base d’une nomination décidée par l’assemblée générale et ressortant du procès-verbal [33]. Le procès-verbal n’a pas dans ce cas l’unique but de prouver ce qui s’est dit lors de l’assemblée générale. Il est établi en premier lieu en vue de l’inscription au registre du commerce, pour prouver qu’une assemblée universelle valable s’est tenue et qu’une nomination régulière a eu lieu. Il fait foi non 832 1 Voir Niklaus Schmid, La responsabilité pénale du réviseur, adaptation française, Publication de la Chambre fiduciaire, Vol. 149, Winterthur 1997, p. 34 s. 2 Brève bibliographie sur le faux dans les titres: Corboz, Bernard, Le faux dans les titres, in RJB 131/1995, p. 534 ss (cité: RJB). Corboz, Bernard, Les principales infractions, Berne 1997, p. 300 ss (cité: Infractions). Ferrari, Pierre, La constatation fausse – le mensonge écrit, in RPS 112 (1994), p. 153 ss. Haefliger, Arthur, Le faux dans les titres, in FJS n° 138 (1965). Robert, Christian-Nils, Le «faux intellectuel» privé: un titre pénalement très contesté, in SJ 1983, p. 417ss. Schmid, Niklaus, La responsabilité pénale du réviseur, adaptation française, Publication de la Chambre fiduciaire, Vol. 149, Winterthur 1997, p. 49 ss et 58 ss. Pour une bibliographie complète, voir Corboz, Infractions, p. 302 à 305. 3 Selon le Juge fédéral Bernard Corboz (RJB, p. 534), les praticiens redoutent cette matière réputée complexe et confuse et éprouvent parfois le sentiment qu’il faut aller jusqu’au Tribunal fédéral avec les chances d’un billet de loterie. 4 Corboz, Infractions, p. 305. 5 ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45 ; ATF 125 IV 17 (22). 6 L’article 110, ch. 5, CP ajoute encore: «L’enregistrement sur des supports de données et sur des supports-images est assimilé à un écrit, s’il a la même destination». Nous n’examinerons cependant pas ici la protection pénale des «données mémorisées et invisibles» (FF 1991 II, p. 956 ss). 7 Le Juge fédéral Bernard Corboz (Infractions, p. 306) cite la définition donnée par Merle, Roger/Vitu, André (in Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, Paris 1982, p. 936), selon laquelle l’écrit est «tout signe ou ensemble de signes matériels, visibles et permanents, servant à l’expression, la fixation et la transmission de la pensée». 8 Corboz, Infractions, p. 310. 9 ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45. 10 Il est bon de mentionner que la copie, la photocopie, la télécopie ou le tirage par une imprimante peuvent constituer des titres. Voir Corboz, Infractions, p. 306 et 307, et la jurisprudence citée. 11 Voir le Message du Conseil fédéral, du 24 avril 1991, concernant la modification du code pénal suisse et du code pénal militaire (Infractions contre le patrimoine et faux dans les titres), in FF 1991 II, p. 961 s. 12 ATF 122 IV 25, JT 1998 IV 11 (12). 13 On pourrait avoir une certaine tendance à passer de la «mission de confiance» vers des classes professionnelles dignes de confiance. Ce passage est toutefois dangereux dans la mesure où il éveille le sentiment que l’honorabilité de l’auteur est déterminante. Il faut s’en tenir à l’idée de la mission de confiance (Corboz, RJB, p. 572 s.). 14 ATF 122 IV 25 (28), ATF 122 IV 332 (336), ATF 123 IV 132 (137), ATF 125 IV 17 (23) (Traduction libre). 15 ATF 117 IV 165, JT 1993 IV 120; ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 35. 16 Voir FF 1991 II, p. 1050 s. 17 Selon le Juge fédéral Bernard CORBOZ (RJB, p. 569), «pour dire s’il y a faux intellectuel, il faut se placer dans la peau d’un destinataire normalement vigilant, en faisant abstraction des circonstances concrètes extérieures à la pièce, et se demander si, en prenant connaissance de la pièce, il pouvait, en respectant les devoirs de la prudence, considérer que le fait faux était ainsi prouvé». 18 ATF 117 IV 35, JT 1993 IV 84. 19 CORBOZ, Infractions, p. 328. 20 CORBOZ, Infractions, p. 336. 21 Voir art, 12, 2e al., P-CP, in Projet du Conseil fédéral concernant la révision de la Partie générale et du Troisième livre du Code pénal. 22 ATF 118 IV 254, JT 1994 IV 174. 23 ATF 119 IV 234 (en français), SJ 1994, p. 102. 24 ATF 121 IV 90 (en français). 25 Dans un très récent arrêt, du 15 février 1999 (ATF 125 IV 17), le Tribunal fédéral a précisé qu’une comptabilité est commerciale si elle est tenue en vue d’atteindre les buts mentionnés à l’article 757 CO, si elle comprend en leur intégralité les pièces justificatives et les livres et si elle permet ainsi d’établir la situation financière avec un état des créances et des dettes, ainsi que les résultats des exercices annuels, et ce sans égard à l’obligation de l’entreprise de tenir une comptabilité. Ainsi, le délit de faux intellectuel a été retenu à la charge d’un avocat qui, au mépris de l’accord conclu avec son associé, ne faisait pas comptabiliser certaines recettes qui auraient dû figurer dans la comptabilité de l’étude (arrêt cité). 26 Voir Corboz, Infractions, p. 313. 27 ATF 105 IV 189, JT 1981 IV 24. 28 ATF 108 IV 25, JT 1982 IV 41. 29 Corboz, RJB, p. 553. 30 ATF 108 IV 25, JT 1983 IV 41. 31 Cf. JT 1998 IV 11 (12 et 13). 32 Gauch, Peter/Schluep, Walter R./Tercier, Pierre, Partie générale du droit des obligations, Zurich 1980, Tome I, p. 150, n° 773 ss. 33 L’arrêt du Tribunal fédéral concerne en réalité deux sociétés. Le président du conseil d’administration de l’une des sociétés l’était également de l’autre. Dans les deux sociétés, il a tenu, dans les mêmes conditions, une assemblée générale universelle pour modifier la composition du conseil d’administration. La situation juridique était la même. Les problèmes qui se posaient étaient par conséquent identiques. Aussi, pour ne pas trop nous répéter, nous avons choisi de ne parler que d’une société. L’Expert-comptable suisse 9/99