Le faux dans les titres

Transcription

Le faux dans les titres
EXTRAIT DE LA JURISPRUDENCE
Bruno Kistler
Le faux dans les titres – récente jurisprudence
du Tribunal fédéral
Comme le professeur Niklaus Schmid
le relève dans son ouvrage sur la responsabilité pénale du réviseur, une responsabilité plus sévère dans l’économie
entraîne aussi, en cas de comportement
erroné, des réactions sur le plan pénal.
Aussi, les poursuites pénales contre les
réviseurs se sont-elles multipliées ces
derniers temps [1].
Il est aujourd’hui indispensable aux
réviseurs d’étendre leurs connaissances
au droit pénal, qui s’applique en cas
d’atteintes graves aux intérêts légitimes
de l’individu ou de la collectivité. Il n’est
pas rare actuellement de voir une affaire
portée devant les tribunaux aussi bien civils que pénaux, notamment en matière
de faux dans les titres.
Le faux dans les titres [2] dont nous
traiterons ci-après est une infraction
complexe [3]. Après une brève introduction, nous essaierons de l’éclairer
par l’examen de trois récents arrêts du
Tribunal fédéral.
1. Le faux dans les titres
Commet un faux dans les titres, au sens
de l’article 251 du Code pénal, notamment celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou
aux droits d’autrui ou de se procurer ou
de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un
titre ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une
portée juridique ou aura, pour tromper
autrui, fait usage d’un tel titre.
Cette disposition, qui prévoit une
peine d’emprisonnement ou une peine
de réclusion pour cinq ans au plus, a
pour but de protéger la confiance que
l’on accorde à un titre en tant que
moyen de preuve. Le faux dans les titres est une infraction de mise en danger qui tend, conformément à l’intérêt
général, à protéger les particuliers dans
leurs relations d’affaires [4]. Le titre est
protégé, explique le Tribunal fédéral,
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en raison de la confiance qu’inspire,
dans la vie juridique, le moyen de
preuve qu’il constitue [5].
2. Les éléments objectifs
du faux dans les titres
personne le destine subjectivement à
servir de preuve. La valeur probante du
document doit répondre à des critères
objectifs. On ne saurait qualifier de titre
n’importe quel écrit éventuellement
susceptible d’être un jour utilisé par
hasard comme preuve [11].
2.1 Le titre
Selon l’article 110, ch. 5, CP, «sont réputés titres tous écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée
juridique et tous signes destinés à prouver un tel fait» [6].
Par «écrit», on entend une pluralité
de signes matériels, visibles et permanents, servant à l’expression, la fixation
et la transmission de la pensée humaine [7]. Pour constituer un titre,
l’écrit doit être destiné et apte à prouver un fait ayant une portée juridique,
à savoir un fait capable de modifier la
solution apportée à un problème juridique [8]. Une déclaration écrite aura
le caractère de titre lorsqu’en vertu de
la loi ou des usages commerciaux, elle
est propre à servir de preuve [9, 10].
Selon la doctrine et la jurisprudence
unanimes, un écrit ne saurait revêtir
une valeur probante du seul fait qu’une
2.2 Les actes punissables
L’article 251 CP réprime, en tant que
faux dans les titres, notamment les
comportements suivants qui portent
sur un titre:
a. la création d’un titre faux
Il y a création d’un titre faux lorsque
l’auteur réel du titre ne correspond pas
à celui dont le titre émane apparemment. Le titre faux trompe sur l’identité
de celui dont il émane en réalité [12].
b. la falsification d’un titre
Il y a falsification d’un titre lorsqu’une
personne modifie le titre en sorte que
son contenu ne corresponde plus à
celui qu’a voulu l’auteur.
c. la création d’un faux intellectuel
La loi parle, en français, de «celui qui …
aura constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une
portée juridique» (et, en allemand, de
«wer … eine rechtlich erhebliche Tatsache unrichtig beurkundet oder beurkunden lässt»).
Contrairement à la création du titre
faux qui trompe sur l’identité de celui
dont il émane en réalité, le faux intellectuel est un document véritable
(echt) dont le contenu est inexact, et
constitue un mensonge écrit, les faits
mentionnés dans le titre ne correspondant pas à la réalité.
Bruno Kistler, docteur en droit, avocat-conseil, membre de l’Ordre des avocats vaudois,
ancien responsable du département juridique
de PricewaterhouseCoopers, Genève
Selon la plus récente jurisprudence
du Tribunal fédéral, un mensonge écrit
qualifié, au sens d’une fausse constatation, ne sera retenu que si le titre a une
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DROIT
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valeur probante accrue et que le destinataire lui accorde une confiance particulière. Tel sera le cas si des garanties
objectives générales attestent la véracité de la déclaration à l’égard des tiers
en raison du devoir de contrôle du rédacteur du titre [13] ou sur la base de
dispositions légales, qui fixent dans les
détails le contenu de l’écrit comme le
font les dispositions sur le bilan des articles 758 ss CO [14].
En revanche, de simples données
d’expérience relatives à la crédibilité
d’allégations écrites ne sauraient suffire, quand bien même, dans la vie des
affaires, la tendance serait de les supposer exactes [15].
d. l’usage d’un titre faux
Il y a usage d’un faux en cas de présentation du faux à la personne qu’il doit
tromper.
Il s’agit là d’une infraction subsidiaire
qui ne s’applique que si l’auteur du faux
n’est pas poursuivi. Comme il est usuel
que celui qui crée un faux en fasse aussi
usage, la création du faux englobe son
utilisation ultérieure.
2.3 Encore quelques mots
sur le faux intellectuel
(ou fausse constatation)
a. Lors de la dernière révision de l’article 251 CP, les experts entendaient éliminer la «constatation fausse émanant
d’un particulier», notion qui faisait
l’objet de controverses, car «il est difficile d’opérer une véritable distinction
entre le titre mensonger sanctionné pénalement et le mensonge écrit (schriftliche Lüge) qui n’est pas punissable».
Toutefois, les milieux directement
concernés par l’application du droit
pénal ont insisté, quant à eux, sur le rôle
important que joue la répression de la
constatation fausse dans la lutte contre
la criminalité économique. Après un
examen approfondi de la question, le
Conseil fédéral a renoncé à supprimer
à l’article 251 CP la constatation fausse,
expliquant que «les arguments de nature dogmatique, incontestablement
pertinents, qui militent en faveur d’une
élimination ne sont pas de taille à évincer les raisons plaidant pour le maintien
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de cette condition de la punissabilité»,
ajoutant qu’«il est par ailleurs certain
que les praticiens, qui aspirent à l’amélioration de leurs ressources pénales
dans l’âpre combat qu’ils mènent contre la criminalité économique, ne comprendraient pas qu’on leur retire un
instrument aussi important sur le plan
de la constatation fausse» [16].
Le législateur a dès lors décidé le
maintien de la répression du faux intellectuel. On ne peut qu’en prendre
acte et s’efforcer d’interpréter et d’appliquer correctement cette disposition.
b. Le faux intellectuel consiste à fabriquer un titre mensonger, qui se distingue de la simple allégation unilatérale par sa capacité de convaincre [17]. Comme nous l’avons vu, le
titre est destiné et propre à prouver un
fait ayant une portée juridique. Pour
qu’il y ait faux intellectuel, il doit, selon
la jurisprudence, posséder notamment
une valeur probante accrue ou offrir
une garantie objective de véracité.
A ce sujet, le Juge fédéral Bernard
Corboz observe qu’il n’existe pas deux
notions de titre et apporte certaines
précisions qu’il nous paraît bon d'exposer ici. Selon cet auteur, un titre doit
être apte, d’une manière générale, à
prouver qu’une personne déterminée a
fait la déclaration qu’il contient. Dans
le cas du faux intellectuel, on se trouve
en présence non seulement d’une
déclaration dont le contenu est faux,
mais encore d’un document qui est
apte à prouver la vérité des faits exposés [18]. On parle de valeur probante
accrue parce que «le document ne doit
pas seulement être apte à prouver
l’existence, l’auteur et le contenu de la
déclaration, il doit être également apte
à prouver que le contenu de la déclaration est véridique» [19].
3. Les éléments subjectifs
du faux dans les titres
a. Le faux dans les titres n’est punissable que s’il est commis intentionnellement, à savoir avec conscience et volonté.
L’auteur doit vouloir ou accepter l’idée de tromper par le moyen du titre
sans qu’il ait nécessairement la volonté
d’utiliser lui-même le document [20]. Il
agit déjà intentionnellement lorsqu’il
tient pour possible la réalisation de l’infraction et l’accepte au cas où celle-ci se
produirait [21].
b. Il faut en outre un dessein spécial
qui se présente sous une forme alternative. L’auteur doit avoir le dessein, soit
de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, soit celui
de se procurer ou de procurer à un tiers
un avantage illicite.
Le faussaire ne doit pas rechercher
forcément un avantage patrimonial
direct. L’avantage illicite recherché,
auquel la jurisprudence assimile toute
amélioration dans la situation de l’auteur, peut résider dans la force probante du document falsifié [22]. Est illicite l’avantage obtenu en matière de
preuve au moyen d’un document falsifié, même dans l’hypothèse où celui-ci
doit permettre de faire triompher une
prétention légitime [23]. Il a aussi été
jugé que celui qui crée des titres faux
dans le but d’échapper aux conséquences de ses fautes agit dans le dessein de
se procurer un avantage illicite [24].
4. Faux bilan et compte
de pertes et profits
d’une société anonyme
(ATF 122 IV 25, JT 1998 IV 11)
4.1 Fausse comptabilité réprimée
selon l’article 251 CP
a. Selon la jurisprudence du Tribunal
fédéral, la comptabilité commerciale [25] et ses éléments (bilans, bilans
provisoires, comptes d’exploitation, inventaires, livres, fichiers, pièces justificatives ou systèmes informatiques dans
lesquels les données sont régulièrement enregistrées [26], ainsi que la
déclaration d’intégralité [27], les relevés des comptes bancaires [28] et, selon
la doctrine [29], les rapports de révision) sont des titres au sens des articles
110, ch. 5, et 251 CP, dont le caractère
probatoire découle de la loi (art. 957
CO) [30]. Il y a faux dans les titres lorsque la comptabilité ne satisfait pas aux
exigences légales pour assurer sa véracité et la confiance en celle-ci.
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Le Tribunal fédéral explique que la
comptabilité a une fonction de garantie. «La tenue d’une comptabilité sert
en premier lieu à l’information, à la
sauvegarde des intérêts de ceux qui
font partie de l’entreprise et de ses
créanciers (…). De même les dispositions relatives à la comptabilité des sociétés par actions ont pour but de sauvegarder les intérêts de celles-ci tout en
engageant la responsabilité du conseil
d’administration et de la direction» [31].
Une comptabilité véridique est donc
dans l’intérêt non seulement des investisseurs, pour lesquels agissent le conseil d’administration et la direction,
mais aussi des créanciers et, en cas
d’importance économique suffisante,
du public qu’elle renseigne sur l’entreprise. Elle sert enfin d’outil de direction au conseil d’administration pour
lequel elle constitue une base d’information.
b. Les exigences que la loi pose pour
les comptes figurent notamment aux
articles 958 ss CO et, pour la société
anonyme, aux articles 662a ss CO.
Les comptes doivent être complets,
clairs et faciles à consulter, afin que les
intéressés puissent se rendre compte
aussi exactement que possible de la situation économique de l’entreprise
(art. 959 CO). Ils doivent être dressés
conformément aux règles régissant
l’établissement régulier des comptes,
de manière à donner un aperçu aussi
sûr que possible du patrimoine et des
résultats de la société (art. 662a, 1er al.,
CO, pour la société anonyme).
L’article 663, 3e al., CO dispose que
les charges, qui comprennent les charges de matières et de marchandises, les
frais de personnel, les charges financières et les charges d’amortissement, doivent être présentées séparément. Il est
donc interdit de faire entrer dans la
comptabilité en tant que charges d’exploitation les avantages et autres sommes alloués aux dirigeants, notamment
pour subvenir à leurs frais, une comptabilisation correcte des salaires étant
importante tant pour l’entreprise que
pour les tiers.
c. Se rend donc, du point de vue objectif, coupable de faux intellectuel
celui qui comptabilise en tant que dé830
penses liées aux affaires des avantages
et débours d’ordre privé ou qui fait figurer des salaires dans un compte inapproprié.
4.2 Fausse comptabilité dans
le domaine du droit pénal fiscal
Après avoir examiné, du point de vue
objectif, les conditions du faux dans les
titres au sens de l’article 251 CP, le Tribunal fédéral détermine quand celui
qui veut éluder exclusivement le paiement de l’impôt ne doit être jugé que
sur la base du droit pénal fiscal.
Ne doit être jugé que sur la base du
droit pénal fiscal celui qui, au moyen
d’un faux dans les titres, veut éluder
exclusivement les dispositions du droit
fiscal et exclut dans son esprit tout emploi du faux – objectivement possible –
ailleurs que dans le domaine fiscal.
En revanche, l’infraction de faux intellectuel s’appliquera à côté des dispositions du droit pénal fiscal dès qu’il
pourra être établi que l’auteur a créé un
mensonger et destiné exclusivement
aux autorités fiscales.
5. Procuration antidatée
constitutive d’un faux
dans les titres
(ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45)
a. L’administrateur unique d’une société anonyme a établi des procurations en mentionnant non la date de
leur émission mais des dates antérieures.
Il a voulu ainsi tromper le juge chargé
d’une enquête. La personne inculpée
devait échapper à l’accusation d’escroquerie puisque c’est au nom d’une entreprise solvable qu’elle aurait fait les
achats qui étaient disproportionnés à
ses moyens financiers. Les procurations
ont été produites dans le cadre de l’enquête pénale pour prouver la date de
leur émission dans l’intérêt de l’inculpé. On pouvait en tirer des déductions sur le degré de véracité d’un té-
«Il y a création d’un titre faux lorsque
l’auteur réel du titre ne correspond pas à celui
dont le titre émane apparemment».
titre faux ou en a usé non seulement à
des fins fiscales mais également dans un
autre but ou tout au moins qu’il a consenti à ce résultat pour le cas où il se
produirait.
Souvent, les deux infractions s’appliqueront cumulativement. Le bilan
commercial d’une société anonyme a
toujours la fonction de renseigner sur la
situation financière de celle-ci non
seulement les autorités fiscales, mais
aussi et surtout les tiers. Selon le Tribunal fédéral, celui qui établit un bilan
mensonger doit dès lors savoir qu’il
n’est pas exclusivement destiné au fisc
et accepte donc l’éventualité d’une utilisation non fiscale du document. Il
n’en irait autrement que si deux bilans
étaient établis, l’un véridique et l’autre
moin, et ces pièces jouissaient de ce fait
d’une crédibilité accrue.
b. Dans l’arrêt étudié, le Tribunal
fédéral a généralisé le cas particulier
examiné et a déclaré que l’établissement après coup d’une procuration
antidatée constituait un faux dans les titres, car, selon les dispositions légales
sur la représentation, une confiance
particulière doit être accordée par les
destinataires à la procuration écrite et
cette confiance garantit de manière objective la véracité du titre. La date de
l’établissement d’une procuration a
une portée juridique.
Notre Haute Cour explique, comme
il suit, que les procurations bénéficient
d’une confiance particulière. Cette conL’Expert-comptable suisse 9/99
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fiance résulte de la nature de la procuration en tant que pouvoir donné d’agir
pour autrui et de traiter avec les tiers au
nom du représenté. Une procuration
cation du représenté va au-delà des
pouvoirs effectivement conférés, l’étendue des pouvoirs est déterminée
par les termes de la communication
«Le faux intellectuel consiste à fabriquer un titre
mensonger, qui se distingue de la simple allégation
unilatérale par sa capacité de convaincre.»
écrite a le caractère d’un titre dans la
mesure où elle prouve la qualité pour
agir du représentant au nom du représenté. Lorsque le représenté porte à la
connaissance d’un tiers une procuration qu’il n’a jamais conférée, le tiers de
bonne foi est protégé dans sa croyance
à l’existence des pouvoirs communiqués par le représenté. Si la communi-
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faite au tiers de bonne foi (art. 33, 3e al.,
CO) [32].
Il résulte de ces règles qu’une procuration incorporée dans un titre entraîne
régulièrement une confiance particulière. Le tiers n’a pas de motif de considérer la procuration comme une simple
déclaration. Une vérification des pou-
voirs de représentation ne se justifie
pas et il n’y a pas de raison de supposer
qu’il y sera procédé. On peut dès lors
admettre que les règles de la représentation garantissent de manière objective la véracité de la déclaration figurant dans la procuration. Cela justifie la
confiance accrue et le caractère de titre
du point de vue du faux intellectuel.
Cette confiance accrue porte sur la totalité du contenu de la procuration, y
compris le début et la fin du document.
La date de la signature est aussi censée
exacte.
6. Procès-verbal d’une
assemblée générale constitutif
d’un faux dans les titres
(ATF 123 IV 132, JT 1998 IV 142)
a. Les propriétaires ou les représentants de la totalité des actions d’une so-
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ciété anonyme peuvent, s’il n’y a pas
d’opposition, tenir une assemblée générale (assemblée universelle), sans
observer les formes prévues pour sa
convocation (art. 701 CO). Cette assemblée n’est valable que si toutes les
actions y sont valablement représentées.
seulement du déroulement de la séance
mais aussi de la volonté qui s’y est exprimée ou aurait dû s’y exprimer. Il a
donc la qualité de titre, au moins dans
la mesure où il fonde une inscription au
registre du commerce.
Dans toutes les assemblées générales,
un procès-verbal doit être tenu, qui
mentionne notamment les décisions
prises ainsi que les nominations. Le
nom des membres du conseil d’administration doit être inscrit au registre du
commerce (art. 641, ch. 9, et 720 CO).
Cette inscription intervient sur la base
d’un extrait du procès-verbal, légalisé
par un officier public (art. 28, 2e al., de
l’ordonnance sur le registre du commerce). La publicité s’applique aux demandes d’inscription et aux pièces justificatives (art. 930 CO).
Notes
b. Selon la jurisprudence du Tribunal
fédéral la plus récente, l’article 251 CP
s’applique à celui qui mentionne au
procès-verbal d’une assemblée générale universelle la déclaration du président que toutes les actions sont représentées lorsqu’il connaît la fausseté de
cette affirmation et qu’il agit en outre
dans le dessein de porter atteinte aux
intérêts pécuniaires d’autrui ou de se
procurer un avantage. Le procès-verbal
d’une assemblée générale qui nomme
de nouveaux administrateurs est destiné en premier lieu à justifier une inscription au registre du commerce. Le
préposé peut se fonder sur la véracité
du contenu des pièces produites et ne
dispose d’un droit d’examen d’ailleurs
limité qu’en cas de doute. L’auteur d’un
procès-verbal se trouve donc avec le
préposé dans un rapport particulier de
confiance.
La modification de la composition du
conseil d’administration est inscrite au
registre du commerce sur la base d’une
nomination décidée par l’assemblée
générale et ressortant du procès-verbal [33]. Le procès-verbal n’a pas dans
ce cas l’unique but de prouver ce qui
s’est dit lors de l’assemblée générale. Il
est établi en premier lieu en vue de l’inscription au registre du commerce, pour
prouver qu’une assemblée universelle
valable s’est tenue et qu’une nomination régulière a eu lieu. Il fait foi non
832
1 Voir Niklaus Schmid, La responsabilité pénale du réviseur, adaptation française, Publication de la Chambre fiduciaire, Vol. 149,
Winterthur 1997, p. 34 s.
2 Brève bibliographie sur le faux dans les titres:
Corboz, Bernard, Le faux dans les titres, in
RJB 131/1995, p. 534 ss (cité: RJB).
Corboz, Bernard, Les principales infractions,
Berne 1997, p. 300 ss (cité: Infractions).
Ferrari, Pierre, La constatation fausse – le
mensonge écrit, in RPS 112 (1994), p. 153 ss.
Haefliger, Arthur, Le faux dans les titres, in
FJS n° 138 (1965).
Robert, Christian-Nils, Le «faux intellectuel»
privé: un titre pénalement très contesté, in SJ
1983, p. 417ss.
Schmid, Niklaus, La responsabilité pénale du
réviseur, adaptation française, Publication de
la Chambre fiduciaire, Vol. 149, Winterthur
1997, p. 49 ss et 58 ss.
Pour une bibliographie complète, voir Corboz, Infractions, p. 302 à 305.
3 Selon le Juge fédéral Bernard Corboz (RJB,
p. 534), les praticiens redoutent cette matière
réputée complexe et confuse et éprouvent
parfois le sentiment qu’il faut aller jusqu’au
Tribunal fédéral avec les chances d’un billet
de loterie.
4 Corboz, Infractions, p. 305.
5 ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45 ; ATF 125 IV
17 (22).
6 L’article 110, ch. 5, CP ajoute encore: «L’enregistrement sur des supports de données et
sur des supports-images est assimilé à un écrit,
s’il a la même destination». Nous n’examinerons cependant pas ici la protection pénale
des «données mémorisées et invisibles» (FF
1991 II, p. 956 ss).
7 Le Juge fédéral Bernard Corboz (Infractions,
p. 306) cite la définition donnée par Merle,
Roger/Vitu, André (in Traité de droit criminel, Droit pénal spécial, Paris 1982, p. 936),
selon laquelle l’écrit est «tout signe ou ensemble de signes matériels, visibles et permanents, servant à l’expression, la fixation et la
transmission de la pensée».
8 Corboz, Infractions, p. 310.
9 ATF 122 IV 332, JT 1998 IV 45.
10 Il est bon de mentionner que la copie, la photocopie, la télécopie ou le tirage par une imprimante peuvent constituer des titres. Voir
Corboz, Infractions, p. 306 et 307, et la jurisprudence citée.
11 Voir le Message du Conseil fédéral, du 24 avril
1991, concernant la modification du code
pénal suisse et du code pénal militaire (Infractions contre le patrimoine et faux dans les
titres), in FF 1991 II, p. 961 s.
12 ATF 122 IV 25, JT 1998 IV 11 (12).
13 On pourrait avoir une certaine tendance à
passer de la «mission de confiance» vers des
classes professionnelles dignes de confiance.
Ce passage est toutefois dangereux dans la
mesure où il éveille le sentiment que l’honorabilité de l’auteur est déterminante. Il faut
s’en tenir à l’idée de la mission de confiance
(Corboz, RJB, p. 572 s.).
14 ATF 122 IV 25 (28), ATF 122 IV 332 (336),
ATF 123 IV 132 (137), ATF 125 IV 17 (23)
(Traduction libre).
15 ATF 117 IV 165, JT 1993 IV 120; ATF 122 IV
332, JT 1998 IV 35.
16 Voir FF 1991 II, p. 1050 s.
17 Selon le Juge fédéral Bernard CORBOZ
(RJB, p. 569), «pour dire s’il y a faux intellectuel, il faut se placer dans la peau d’un destinataire normalement vigilant, en faisant abstraction des circonstances concrètes extérieures à la pièce, et se demander si, en
prenant connaissance de la pièce, il pouvait,
en respectant les devoirs de la prudence, considérer que le fait faux était ainsi prouvé».
18 ATF 117 IV 35, JT 1993 IV 84.
19 CORBOZ, Infractions, p. 328.
20 CORBOZ, Infractions, p. 336.
21 Voir art, 12, 2e al., P-CP, in Projet du Conseil
fédéral concernant la révision de la Partie
générale et du Troisième livre du Code pénal.
22 ATF 118 IV 254, JT 1994 IV 174.
23 ATF 119 IV 234 (en français), SJ 1994, p. 102.
24 ATF 121 IV 90 (en français).
25 Dans un très récent arrêt, du 15 février 1999
(ATF 125 IV 17), le Tribunal fédéral a précisé
qu’une comptabilité est commerciale si elle
est tenue en vue d’atteindre les buts mentionnés à l’article 757 CO, si elle comprend en
leur intégralité les pièces justificatives et les livres et si elle permet ainsi d’établir la situation
financière avec un état des créances et des
dettes, ainsi que les résultats des exercices annuels, et ce sans égard à l’obligation de l’entreprise de tenir une comptabilité.
Ainsi, le délit de faux intellectuel a été retenu
à la charge d’un avocat qui, au mépris de l’accord conclu avec son associé, ne faisait pas
comptabiliser certaines recettes qui auraient
dû figurer dans la comptabilité de l’étude
(arrêt cité).
26 Voir Corboz, Infractions, p. 313.
27 ATF 105 IV 189, JT 1981 IV 24.
28 ATF 108 IV 25, JT 1982 IV 41.
29 Corboz, RJB, p. 553.
30 ATF 108 IV 25, JT 1983 IV 41.
31 Cf. JT 1998 IV 11 (12 et 13).
32 Gauch, Peter/Schluep, Walter R./Tercier,
Pierre, Partie générale du droit des obligations, Zurich 1980, Tome I, p. 150, n° 773 ss.
33 L’arrêt du Tribunal fédéral concerne en réalité deux sociétés. Le président du conseil
d’administration de l’une des sociétés l’était
également de l’autre. Dans les deux sociétés,
il a tenu, dans les mêmes conditions, une
assemblée générale universelle pour modifier
la composition du conseil d’administration.
La situation juridique était la même. Les problèmes qui se posaient étaient par conséquent
identiques. Aussi, pour ne pas trop nous répéter, nous avons choisi de ne parler que d’une
société.
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