LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION D`AFRIQUE DU SUD

Transcription

LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION D`AFRIQUE DU SUD
 I N S T I T U T P A N A F R I C A I N D ’ A C T I O N E T D E P R O S P E C T I V E – I P A P http://ipaporg.net Contribution au Forum de Bangui « Paix – Justice – Réconciliation » Fiche technique Coordination Scientifique : Prof. Hélène TIGROUDJA, Prof. Jean-­‐François AKANDJI-­‐KOMBE Equipe de rédaction : Marion CHAHUNEAU, Audrey EPRINCHARD, Camara HAMEDI, Marie LUGAZ, Arnaud YALIKI LA COMMISSION VÉRITÉ ET RÉCONCILIATION
D’AFRIQUE DU SUD
Origines et création de la Commission
En Afrique du Sud, la politique d’apartheid a été officialisée en 1948 par le Parti national (PN).
Des lois ont classé la population en quatre catégories : les Blancs, les Indiens, les Métis et les
Noirs1, chacune ensuite rattachée à une zone géographique distincte à partir de 1959. En 1961,
les partis politiques sud-africains, tels que l’African National Congress (ANC), ont été interdits2.
Les droits fondamentaux des non-Blancs ne sont plus garantis, et toute contestation est
sévèrement réprimée.
Au début des années 90, le Président De Klerk (PN) entame des négociations pour obtenir une
amnistie générale3, avant l’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir en 1994 (ANC) – premier
Président sud-africain noir élu de l’ère post-apartheid4. La Constitution intérimaire adoptée en
1993 contient une clause finale intitulée « Unité nationale et Réconciliation », qui
constitutionalise les principes de réconciliation, de réparation et d’amnistie5. La Commission
Vérité et Réconciliation (CVR / la Commission) est créée le 19 juillet 1995, par l’adoption de la
Loi relative à la promotion de l’Unité nationale et de la Réconciliation (Promotion of National
Unity and Reconciliation Act No. 346), et mise en place le 1er décembre 1995 dans la ville du
Cap.
1
Le Monde, L’Afrique du Sud : de l’apartheid à Mandela, 18 mars 2013 :
http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/03/18/l-afrique-du-sud-de-l-apartheid-a-mandela_1847880_3232.html
2
Organisation Internationale de la Francophonie, Les processus de transition, justice, vérité et réconciliation dans
l’espace francophone, octobre 2013 : http://www.francophonie.org/IMG/pdf/guide-oif-tjvrbat-web1003.pdf
3
TRIAL, Commission vérité et réconciliation d’Afrique du Sud, 13 janvier 2015 : http://www.trialch.org/fr/ressources/commissions-verite/afrique/afrique-du-sud.html
4
Human Rights Watch, Afrique du Sud : Le décès de Nelson Mandela est une perte immense, 5 décembre 2013 :
http://www.hrw.org/fr/news/2013/12/05/afrique-du-sud-le-deces-de-nelson-mandela-est-une-perte-immense
5
Constitution intérimaire de l’Afrique du Sud, 1993 :
http://www1.chr.up.ac.za/chr_old/indigenous/documents/South%20Africa/Legislation/Constitution%20of%20South
%20Africa%201993.pdf
6
Loi de 1995 relative à la promotion de l’Unité nationale et de la Réconciliation :
http://www.justice.gov.za/legislation/acts/1995-034.pdf
IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-­‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A Mandat de la Commission
La CVR a été créée pour « promouvoir l’unité nationale et la réconciliation dans un esprit de
compréhension qui transcende le conflit et les divisions du passé » (section 3 de la loi). Elle a été
chargée d’établir, de manière la plus aboutie possible, les causes, la nature et l’ampleur des
violations des droits de l’Homme commises entre le 1er mars 1960 et l’adoption de la
Constitution intérimaire en 1993 ; de faciliter l’octroi de l’amnistie aux individus qui
divulguaient les violations commises ; et de contribuer à rétablir la dignité humaine des victimes
en leur permettant de relater leur propre expérience des violences, et en recommandant des
mesures de réparation.
Pour ce faire, la Commission devait (section 4 de la loi) :
- faciliter, initier ou coordonner les enquêtes relatives aux violations des droits de
l’Homme, la collecte d’informations et la réception de preuves établissant l’identité des
victimes et les abus qu’elles ont subi ;
- faciliter et promouvoir l’octroi de l’amnistie aux personnes désireuses de faire la lumière
sur les actes commis pour des motifs politiques ;
- adresser ses recommandations au Président de la République (politiques et mesures de
réparation, mesures institutionnelles, administratives et législatives pour mettre en place
une société plus stable et prévenir les violations des droits de l’Homme).
Compétences de la Commission
La section 5 de la loi liste les compétences de la CVR :
- Nommer les membres des trois comités, établir des structures, des sous-comités, et
nommer les employés en charge des tâches administratives nécessaires à l’exercice de ses
fonctions ;
- Mener les enquêtes et tenir les audiences qu’elle considère comme indispensables ;
- Définir les modalités de soumission des rapports d’activité des comités et sous-comités,
et assurer la collaboration et le partage d’information entre les trois comités ;
- Enquêter sur toute matière qui découle de son mandat, de sa propre initiative ou à la
demande de toute personne intéressée, y compris sur les personnes disparues.
Composition de la Commission
Les membres
L’article 7 (1) de la loi prévoyait que la CVR serait composée de 11 à 17 membres, et que les
commissaires seraient nommés par le Président de la République, après consultation du Cabinet
(section 7 (2) (a) de la loi). 17 commissaires, représentatifs de la société sud-africaine, ont été
effectivement nommés sur cette base : 7 Noirs, 6 Blancs, 2 Métisses et 2 Indiens dont 9 hommes
et 8 femmes.
Les organes
La Commission comportait trois comités :
- un Comité sur la violation des droits de l’Homme (Chapitre 3 de la loi)
IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-­‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A -
-
o Composition : un Président, deux Vice-présidents, et dix autres membres
maximum désignés par les membres de la CVR. Ses membres doivent être
représentatifs des communautés sud-africaines et priorité doit être faite aux
personnes possédant des connaissances en matière de droits de l’Homme ou de
procédures d’investigations (sections 13 (1) et (2) de la loi).
o Compétences (section. 14 de la loi) : mener les enquêtes, recevoir et enregistrer
les allégations et plaintes relatives aux violations des droits de l’Homme.
un Comité sur l’amnistie (Chapitre 4 de la loi)
o Composition : un Président et un Vice-président nommés par le Président de la
République sur avis de la CVR, et trois membres de ce Comité doivent faire
partie de la CVR. Le Président du Comité doit être un juge qui s’est retiré du
service actif (section 17 (1), (2) et (3) (b) de la loi).
o Compétences (section 18 et suivantes) : recevoir les demandes d’amnistie,
informer le demandeur de la procédure à suivre pour obtenir l’amnistie, enquêter
sur la demande et mener des audiences si nécessaire, accorder ou refuser
d’octroyer l’amnistie au demandeur.
un Comité sur la réparation et la réhabilitation des victimes (Chapitre 5 de la loi)
o Composition : un Président et un Vice-président, membres de la CVR et nommés
par leurs pairs, et cinq autres membres maximum désignés par la Commission
(section 24 de la loi).
o Compétences (section 25 de la loi) : formuler des recommandations pour la
réparation des victimes, notamment par l’adoption de mesures provisoires
urgentes et soumettre des rapports provisoires à la Commission sur l’avancée de
ses travaux.
Rapport et recommandations finales de la Commission
Le Rapport final, formé de 5 volumes et près de 4.000 pages, a été remis au Président Nelson
Mandela en 2002. Il est important de souligner une limite importante : le Rapport demeure
inaccessible pour la plupart des Sud-africains, puisqu’il n’a été publié qu’en anglais7. Après 7
ans de travail, la CVR a formulé 250 recommandations, parmi lesquelles : création de musées et
mémoriaux, poursuites judiciaires, cours de droits de l’Homme dans les écoles et à l’attention
des acteurs de la chaîne pénale… (cinquième volume du Rapport final).
Sur 7.000 demandes d’amnistie déposées, 1.973 ont abouti8. En juillet 1998, M. Mandela a créé
un Fonds, destiné au paiement des réparations. Sur plus de 90.000 personnes ayant introduit une
plainte auprès de la CVR, seules 22.000 furent reconnues comme victimes susceptibles de
recevoir une réparation. En 2001, 17.100 requérants ont reçu une somme d’argent comprise entre
2.000 et 3.000 rands (soit environ 165 et 250 US Dollar)9.
Liens utiles
Site officiel de la Commission Vérité et Réconciliation <http://www.justice.gov.za/trc/>
7
TRIAL, Commission vérité et réconciliation d’Afrique du Sud, 13 janvier 2015 : http://www.trialch.org/fr/ressources/commissions-verite/afrique/afrique-du-sud.html
8
International Center for Transitional Justice, Transitional Justice and DDR : The case of South Africa, 1er juin
2009: https://www.ictj.org/sites/default/files/ICTJ-DDR-South-Africa-ResearchBrief-2009-English_0.pdf
9
Supra note 3.
IpaP w 45 Boulevard Lefebvre, 75015 Paris-­‐cedex 15, France w Boite Postale 3264, Bangui, R.C.A