Le patrimoine industriel et technique en Languedoc

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Le patrimoine industriel et technique en Languedoc
Le patrimoine industriel et technique en Languedoc-Roussillon :
de l'inventaire à la mise en valeur
L'Inventaire du patrimoine industriel : missions, méthodes et enjeux
Alors que l'Inventaire général du patrimoine culturel, créé en 1964, s'apprête à fêter ses 50 ans
d'existence, à l'instar des ouvrages de Nathalie Heinich, de Marina Gasnier et de Michel Melot, il
est aujourd'hui possible de porter un regard critique sur les pratiques et les résultats de cette
«aventure de l'esprit ». La décentralisation de la compétence d'Inventaire aux Régions, par la loi du
13 août 2004, est propice à la réflexion engagée sur le sens et le devenir de cette institution dédiée à
la connaissance du patrimoine.
Tel que la loi l'édicte, « l'Inventaire général du patrimoine culturel, recense, étudie et fait connaître
les éléments du patrimoine qui présentent un intérêt culturel, historique ou scientifique ». Les études
sont menées selon une méthodologie et des normes fixées afin d'établir une information fiable,
pérenne, comparable et susceptible d'être mise à jour. Autre atout de cette entreprise : la
participation à l'extension de la notion de patrimoine marque fortement l'histoire de l'Inventaire.
Ainsi, l'émergence du patrimoine industriel doit autant à l'action de la société civile qu'aux travaux
des chercheurs de l'Inventaire. La prise en compte de ce patrimoine par l'État est précoce puisqu'une
cellule lui est dédiée, au sein du Ministère de la Culture, dès 1983, suivi du lancement du repérage
du patrimoine industriel français en 1986 et dès 1988, en Languedoc-Roussillon.
Si la notion de patrimoine industriel renvoie à l'ensemble des traces matérielles laissées par une
activité de production industrielle sur un site, le sujet d'étude a évolué en 30 ans. Ainsi, les bornes
chronologiques initiales n'ont plus cours. De même, le patrimoine technique, lié aux machines et
aux dispositifs qui concourent à la production, longtemps délaissé, est désormais pris en compte,
tout comme les structures sociales générées par l'industrie. Parallèlement à l'évolution de la
doctrine, le contexte d'étude s'est considérablement détérioré. La mutation rapide du tissu
économique français, caractérisée par la désindustrialisation du territoire et l'évolution des moyens
de production, s'accompagne de la désaffection, voire de la destruction des lieux de production.
Dans ce contexte, si l'idéal reste « d'étudier en symbiose l'enveloppe et son contenu », en pratique,
la mise en œuvre de l'Inventaire du patrimoine industriel est plus ardue : « en pratique, il convient
de situer virtuellement dans l'espace les moyens de production dont on sait qu'il les a contenus (…)»
(Denis Woronoff). A l'aide des sources d'archives et de l'étude in situ, il s'agit donc d'analyser un
espace et des techniques de production, et plus largement, de comprendre comment un territoire a
été façonné par les structures du travail. L'Inventaire n'est pas seulement une entreprise de
description, ses travaux permettent de donner du sens au territoire étudié et participe à la
construction d'une mémoire régionale et nationale qui n'exclut pas le travail des hommes.
Répondant à des enjeux mémoriels et identitaires, l'Inventaire est amené à jouer un rôle dans la
chaîne patrimoniale, notamment en matière de préservation du patrimoine industriel. Ainsi,
l'exhaustivité des études menées1 permettraient de légitimer des choix raisonnés et cohérents de
sauvegarde. Cependant, sur les 2000 édifices protégés au titre des Monuments Historiques en
Languedoc-Roussillon, 30 seulement ont trait au patrimoine industriel (11 dans l'Hérault, 8 dans
l'Aude, 6 dans le Gard, 2 en Lozère, 3 dans les PO), ce qui représente 3% des édifices industriels
protégés en France. De plus, 17 de ces protections sont antérieures à 1988 et portent essentiellement
sur des moulins et des carrières.
1 Entre 1989 et 2011, 989 édifices industriels ont été étudiés par le service régional de l'Inventaire du LanguedocRoussillon, soit 10% des édifices industriels recensés sur le territoire national (546 édifices recensés dans le Gard,
332 dans l'Aude, 111 en Lozère).
La protection au titre des Monuments historiques n'est pas la seule solution pour la préservation du
patrimoine industriel. Comme le souligne Denis Woronoff, « le patrimoine industriel n'est pas
seulement fragile, il n'a de chance de survivre que s'il est adopté ». Ainsi, la reconversion des
anciens sites de production, c'est-à-dire leur réutilisation pour de nouveaux usages, est une des
conditions de survie de ces bâtiments. La vocation muséale est très souvent une alternative à la
démolition (filature des Calquières à Langogne, Puits Ricard à La Grand Combe, filature Maison
Rouge, prochainement musée des Vallées Cévenoles, à Saint-Jean-du-Gard). Néanmoins, de
nouveaux enjeux voient le jour ces dernières années car la simple réutilisation du bâti n'est pas
suffisante. Il s'agit maintenant de donner du sens à la reconversion, de signifier au public l'histoire
de ces lieux et de se mobiliser pour des formes de patrimonialisation intelligible, autres que
muséale. Ces ambitions ne pourront être réalisées qu'à l'aide de partenariats liant les services de
l'État, les collectivités, les Universités, les entreprises, les associations, les architectes et les
particuliers. Ainsi, le patrimoine industriel n'est pas l'apanage de l'Inventaire, il appartient à tous car
il témoigne avant tout de l'ingéniosité et de la peine des hommes.

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