CONCLUSION DU RAPPORT ANNUEL AIDA 2014 ECRE Mind the Gap: le
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CONCLUSION DU RAPPORT ANNUEL AIDA 2014 ECRE Mind the Gap: le
Traduction non-officielle CONCLUSION DU RAPPORT ANNUEL AIDA 2014 ECRE Mind the Gap: le regard des ONG sur les défis de l’accès à la protection dans le régime d'asile européen commun Ce deuxième rapport annuel issu du projet AIDA reflète certains développements clés au niveau de l’Union européenne (UE) dans le domaine de l'asile au cours de l'année écoulée et présente un aperçu des principales lacunes en terme de protection, des évolutions positives et des défis identifiés par les experts des ONG travaillant dans 15 États membres de l'UE. Malgré deux phases d'harmonisation législative en l’espace de près de 15 ans, la création d'une agence de l'UE en matière d'asile et l’accroissement de la coopération pratique au niveau de l'UE, des divergences importantes demeurent entre les États membres de l'UE en matière de taux de reconnaissance, de conditions d'accueil et de garanties procédurales. Les défis à venir pour l'UE et ses États membres afin d’assurer une égalité de traitement dans le domaine de l'asile restent considérables alors que la montée des partis politiques d'extrême droite dans un certain nombre d'États membres de l'UE lors des dernières élections européennes complique davantage le débat. À cet égard, il est essentiel pour le débat sur l'asile dans l'Union européenne aujourd'hui de mettre en perspective l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile arrivant dans l'UE. Comme démontré par l'analyse statistique des tendances clés en 2013 dans l'UE et certaines des régions voisines, l'UE continue d'accueillir seulement une fraction des réfugiés dans le monde. À cet égard, l'augmentation de 30% du nombre de demandeurs d'asile arrivant est plus que gérable pour une Union de 28 États. Cependant, la grande majorité des demandes d'asile continuent d'être déposées dans seulement quelques États membres de l'Union européenne. Cela implique que de nombreux demandeurs d'asile ne font pas leur demande d'asile dans le premier pays d'entrée dans l'UE, mais se déplacent vers un autre État membre. Les raisons de ce phénomène sont multiples et relèvent des voies de migration, de la présence de membres de la famille ou de la diaspora dans un autre État membre de l'UE, de la langue, des perspectives d'intégration, des conditions de vie et de la probabilité de se voir accorder une protection internationale. Cependant, ce phénomène montre à quel point les mouvements de réfugiés sont difficiles à piloter, même dans une UE où le système de Dublin est censé attribuer la responsabilité de l'examen d'une demande d'asile, entre autres, sur la base du pays de première entrée dans l'UE. Alors que la concentration de la demande d'asile dans seulement quelques pays semble illustrer l'échec du système de Dublin, il n’en reste pas moins que celui-ci continue à causer des difficultés à de nombreux demandeurs d'asile et conduit à des violations de leurs droits fondamentaux dans l'UE aujourd'hui. Comme indiqué dans ce rapport, la situation aux frontières extérieures de l'UE et en particulier le nombre croissant de demandeurs d'asile, réfugiés et migrants arrivant par la mer en Italie soulève un certain nombre de questions fondamentales sur la politique commune de l'UE en matière d'asile. Tout d'abord, l'accès en toute sécurité au territoire reste un défi majeur pour ceux qui fuient les persécutions et les conflits et qui essayent de trouver une protection dans l'UE. Il est absurde que les réfugiés soient contraints de payer des milliers d'euros à des passeurs sans scrupule et à des trafiquants d'êtres humains dans le but de faire le voyage vers l'Europe souvent dans des embarcations de fortune parce que des restrictions de visas, des sanctions contre les transporteurs et des contrôles aux frontières les empêchent de voyager légalement, tandis que les taux de reconnaissance pour un grand nombre d’entre eux, comme les Syriens et les Erythréens, sont très élevés. Pourtant, l'objectif principal de la plupart des initiatives récentes prises au niveau de l'UE, y compris la Task Force pour la Méditerranée, reste centré sur l'investissement dans une surveillance des frontières plus sophistiquée, y compris par Frontex, et sur l'externalisation des contrôles aux frontières grâce à une coopération sur la gestion des frontières avec les principaux pays de transit des 1 Traduction non-officielle demandeurs d'asile et des migrants. Créer davantage d'obstacles pour atteindre le territoire de l'UE ne semble bénéficier qu’à l'entreprise cynique du trafic d'êtres humains et pousse ceux qui ont besoin d'une protection internationale et d'autres migrants à prendre des risques toujours plus grands pour atteindre l'UE. Alors que l'opération Mare Nostrum est d'être louée pour le sauvetage de milliers de vies ces derniers mois en Méditerranée, celle-ci ne constitue pas une solution à long terme à un problème qui est susceptible de devenir encore plus pressant dans l'avenir à la lumière de la liste croissante des conflits dans le monde. Deuxièmement, des cas de refoulement aux frontières extérieures de l'UE continuent d'être relevés par des ONG, comme aux frontières gréco-turques, aux frontières entre la Bulgarie et la Turquie et dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. Un régime d’asile européen commun basé sur des normes élevées de protection ne sert à rien si ceux qui se présentent à la porte de l'UE sont tout simplement refoulés sans un examen sérieux de leurs besoins de protection. Le refus d'accès au territoire aux frontières extérieures de l'UE est tout simplement inacceptable et porte atteinte à la crédibilité du RAEC dans son ensemble. S'il est vrai que la responsabilité finale du contrôle des frontières et de l'entrée sur le territoire, y compris le respect des droits fondamentaux, incombe aux États membres, les institutions et agences de l'UE ne peuvent pas fermer les yeux sur ces graves accusations. Ceci est particulièrement le cas lorsque ces rapports portent sur les zones où Frontex ou d'autres agences de l'UE sont opérationnelles. L'adoption d'une stratégie en matière de droits fondamentaux, y compris la nomination d'un officier pour les droits fondamentaux et la création d'un forum consultatif sont des mesures allant dans la bonne direction, mais il reste encore beaucoup à faire pour établir une surveillance adéquate du respect des droits humains dans les principaux points d'entrée. Troisièmement, l'augmentation des arrivées de demandeurs d'asile, de réfugiés et de migrants en Italie place à nouveau en haute position le sujet de la solidarité dans la politique d'asile de l'UE. La pression sur le système d'asile italien monte et il reste à voir combien de temps le système d’accueil sera en mesure de faire face à cette augmentation. Dans le même temps, d'autres États membres de l'UE soutiennent qu'ils reçoivent un nombre encore plus élevé, en termes absolus ou relatifs, et que l'Italie devrait intensifier sa propre capacité à faire face à la situation. Il est fait référence à des outils existants tels que BEA et le soutien financier et technique de l'UE que l’Italie reçoit afin de bloquer tout débat sérieux au niveau de l'UE sur la nécessité de mesures supplémentaires de solidarité. Cette situation illustre une fois de plus la nature délicate de la discussion sur la solidarité dans le domaine de l'asile. D'une part, chaque État membre a la responsabilité de mettre en ordre ses affaires et de prendre les mesures nécessaires pour rendre son système d'asile aussi robuste que possible. D'autre part, alors que le RAEC se précise, une politique commune en matière d'asile nécessite une vision commune sur la façon de traiter conjointement des situations telles que celle de l'Italie de nos jours puisqu’elles ont aussi des répercussions sur d'autres États membres. Au-delà de la situation aux frontières de l'UE, ce panorama des pratiques dans les États membres de l'UE dans le chapitre III du présent rapport confirme en outre que la mise en place d'un régime d’asile européen commun sur la base de normes de protection élevées où les droits fondamentaux des demandeurs d'asile sont respectés indépendamment du lieu où ils font leur demande dans l'UE, a tout juste commencé. Bon nombre des observations formulées et des préoccupations soulevées dans le premier rapport annuel AIDA restent valables, en particulier en ce qui concerne l'accès aux conditions matérielles d'accueil, les motifs et les conditions de détention et l’accès des demandeurs d'asile à une assistance juridique gratuite de qualité au cours de la procédure d'asile. En outre, de nombreux États membres couverts dans la base de données AIDA manquent de mécanismes efficaces afin d'identifier rapidement et efficacement les demandeurs d'asile ayant besoin de garanties procédurales particulières ou qui ont des besoins d'accueil spéciaux. De plus, les listes nationales de pays d'origine sûrs dans les États membres de l'UE couverts par la base de données continuent de diverger et montrent qu'il n'y a pas de compréhension commune sur les pays qui peuvent être considérés comme sûrs. L'utilisation du concept de pays d'origine sûr a par ailleurs des conséquences procédurales très variées dans les différents États membres. L'adoption d'orientations stratégiques pour la planification opérationnelle et législative dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice par le Conseil européen de juin 2014 était l'occasion d'établir une vision commune sur les prochaines étapes nécessaires pour développer davantage la politique commune de l'UE en matière d'asile et de concrétiser un RAEC basé sur des normes élevées de protection. Cette opportunité a malheureusement été manquée, le message principal des lignes directrices donnant la priorité absolue à la transposition et la mise en œuvre de la législation 2 Traduction non-officielle européenne sur l'asile et la consolidation du RAEC. Le manque d'ambition dans le domaine de l'asile n'est pas seulement décevant, il laisse aussi sans réponse un grand nombre de questions clés sur le fonctionnement du RAEC. Néanmoins, celles-ci devront être traitées tôt ou tard pour que le RAEC puisse se matérialiser. Le manque de direction donnée par le Conseil européen a désormais placé de facto une responsabilité importante sur la nouvelle Commission européenne afin de donner de nouvelles orientations et de préparer de nouvelles mesures dans l'achèvement et l'approfondissement de la politique commune de l'UE en matière d'asile. En guise de conclusion, un certain nombre de recommandations clés sont rappelées ici qui sont liées aux développements récents au niveau de l'UE et à quelques-unes des principales conclusions de ce deuxième rapport annuel AIDA. Celles-ci doivent être traitées par les institutions de l'UE et les États membres de l'UE dans les années à venir. L'utilisation de moyens légaux pour accéder à la protection dans l'UE, y compris les procédures d'entrée protégée et l'utilisation de visas humanitaires doit être davantage soutenue et promue comme un moyen de réduire la nécessité pour ceux à la recherche d'une protection internationale de recourir à des moyens dangereux et irréguliers pour accéder à l'Union européenne, et qui les exposent souvent à des abus des droits fondamentaux. Ces voies d’accès légales ne devraient jamais être conçues comme un substitut au traitement des demandes d'asile déposées sur le territoire des États membres de l'UE, mais comme un outil complémentaire du régime de protection. Des mesures doivent être prises pour mettre fin aux refoulements aux frontières extérieures de l'UE et pour assurer l'accès au territoire et à la procédure d'asile. Une gestion du contrôle des frontières respectueuse de l’obligation de protection et une surveillance efficace des opérations de contrôle aux frontières à la fois au niveau national et dans le cadre des opérations de Frontex doivent être mises en œuvre pour veiller à ce que le principe de nonrefoulement et le droit d'asile inscrits dans la Charte des droits fondamentaux de l'UE soient pleinement respectés et garantis aux frontières extérieures de l'UE. L'accès à une assistance juridique gratuite de qualité doit être garantie à tous les stades de la procédure d'asile comme une garantie essentielle pour s'assurer que les demandeurs d'asile puissent faire valoir leurs droits dans la pratique en vertu de l’acquis communautaire en matière d’asile. Les ressources nécessaires doivent être mises à disposition pour assurer une capacité suffisante des ONG et des prestataires de l'aide juridique afin de conseiller et représenter les demandeurs d'asile, et des efforts devraient être entrepris pour corriger les effets dissuasifs d’une faible rémunération financière par rapport aux autres domaines du droit. Les États membres de l'UE doivent garantir l'accès à un recours effectif avec un effet automatiquement suspensif qui garantit un examen complet et ex nunc aussi bien des éléments de fait et de droit et prévoit des délais raisonnables pour former un recours permettant aux demandeurs d'asile d'exercer effectivement ce droit. Ceci est assuré lorsque les recours contre les décisions négatives en première instance sont automatiquement suspensifs à l'égard de toutes décisions d'éloignement qui peuvent accompagner cette décision, sans imposer aux demandeurs d'asile de déposer une demande distincte pour cette suspension. Alors que des délais plus courts d'introduction des recours peuvent être acceptables dans certains cas, ils ne devraient jamais être racourcis au point de rendre extrêmement difficile, voire pratiquement impossible, l'exercice effectif du recours. Les systèmes d'asile nationaux doivent être conçus de manière à assurer l'identification rapide et précoce des demandeurs d'asile ayant besoin de garanties procédurales particulières ainsi que les besoins spéciaux en matière d'accueil des demandeurs d'asile vulnérables dans toutes les structures d'accueil. Les mécanismes nationaux pour l'évaluation des besoins particuliers d'une personne lors de la procédure ou au sein des structures d’accueil doivent être mis en œuvre tout en respectant le droit de l'individu, en vertu des principes généraux du droit de l'UE, d’être entendu à l'égard de toute mesure individuelle qui pourrait lui nuire et de recevoir une décision motivée. Les États membres de l'UE doivent consolider dans leur législation nationale la présomption générale qui existe dans le droit international des droits de l'Homme contre la détention des 3 Traduction non-officielle demandeurs d'asile. En règle générale, les demandeurs d'asile ne devraient pas être placés en détention, sauf dans les cas les plus exceptionnels et seulement comme une mesure de dernier recours lorsque les alternatives à la détention ne peuvent pas être utilisées de manière efficace. Lorsque les demandeurs d'asile sont détenus, une décision indiquant les raisons de leur détention doit leur être remise et ils doivent avoir un accès effectif à toutes les garanties procédurales prévues en droit communautaire et international pour les protéger contre la détention arbitraire, y compris un contrôle judiciaire automatique et une assistance juridique gratuite. Les personnes en détention doivent être informées de la possibilité de demander une protection internationale et si elles expriment le souhait de le faire, elles doivent bénéficier de l’assistance nécessaire pour déposer cette demande. Quand la détention est utilisée, les États membres ont le devoir de veiller à ce que les conditions de détention soient telles que le droit d'un demandeur d'asile à la dignité humaine conformément à l'article 1 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE est respecté et protégé dans la pratique. Si ce n'est pas le cas, celui-ci doit être libéré. L'accès aux soins de santé doit être assuré en tout temps. En raison de leur particulière vulnérabilité, la détention des enfants demandeurs d'asile, qu'ils soient seuls ou en famille, devrait être interdite par la loi. Dans le cadre de leurs obligations en vertu du droit de l'UE et la jurisprudence de la CEDH et de la CJUE, les États membres doivent garantir un accès aux conditions matérielles d'accueil qui garantissent un niveau de vie suffisant pour les demandeurs, qui assurent leur subsistance et protègent leur santé physique et mentale. Des capacités d’accueil suffisantes doivent être créées dans les États membres de l'UE permettant ainsi des réponses rapides aux évolutions du nombre de demandeurs d'asile, tout en tenant compte de leurs besoins spéciaux d'accueil. Les États membres de l'UE doivent s'abstenir d'imposer des restrictions à la liberté de circulation des demandeurs d'asile sur leur territoire ou d'établir des exigences administratives ou bureaucratiques rendant impossible cette libre circulation dans la pratique. Les transferts multiples de demandeurs d'asile entre les différents centres d’accueil dans un État doivent être évités autant que possible, en particulier lorsqu’ils interfèrent avec l'éducation des enfants et leur intégration dans les communautés locales, sauf si cela est dans le meilleur intérêt des personnes ou des familles concernées. 4