Contre_les_be770tes_montage_avec_coupes

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Contre_les_be770tes_montage_avec_coupes
Contre les bêtes – Jacques Rebotier
Montage – les veilleurs [compagnie théâtrale]
Partie 1
Paraissez ! Disparaissez ! Paraissez ! Paraissez ! Disparaissez ! Paraissez !
Disparaissez !
Disparaissez !
Ma chère enfant,
Tu me demandes comment faire disparaître de la surface de la terre tous ces
animaux qui nous encombrent. C’est très simple.
Mais tu dois savoir d’abord ceci : les bêtes sont en trop.
Les bêtes sont trop.
Sais-tu combien de tigres aujourd’hui pour huit, dix, douze milliards d’umains ?
De cachalots, d’éléphants, tamanoirs, baleines, libellules, ours bruns, lions,
anacondas, lucanes, gorilles, pipistrelles ? Quelques milliers, centaines. C’est
trop. Un pour cinquante millions zumains, au bas mot, cinquante millions de
tous pour un, ça fait du zéro virgule zéro zéro zéro zéro zéro zéro zéro deux
pour cent. Trop.
Disparaissez !
Allez,
pressons !
Extinction
des
feux,
les
menacés.
Disparaissons !
En an 2000 et ses poussières, une espèce disparaissait par heure, minute.
Tout à fait insuffisant.
On dit disparition, extinction, mais bon… n’allez pas croire que vous
disparaissez comme ça, les hespèces !
De qui que vous disparaissez ? De nous ! De qui vous vous éteignez ? De
nous, de nous ! De moi ! Tirez-vous de me, les teigneux !
Sorcellerie… D’un coup ! Et c’est que-qui qui tient la baguette ? Mais c’est
Grand Magicien Omme !
En avant !
Regardez : l’omme a comme un grand chapeau, d’où il tire, et shoote, et
reshoote les autres animaux.
Allumez-vous ! Éteindez-vous ! Allumez-vous ! Éteindez-vous !
Sache, ma chère enfant, que je me suis d’abord exercé sur les moins zumains
des zumains, et parfois les moins-qu’umains, juste histoire de se faire un peu
les dents, la main… On n’a rien sans rien.
[…]
Éteindez-vous ! Allumez-vous ! Éteindez-vous !
Jeu.
Il existait, en 2000 et ses dernières poussières, un million d’hespèces
menacées et une hespèce menaçante. Sauriez-vous la retrouver ?
Et pour commencer, on va te la changer, ta zone.
Exemple : amérindiens.
Mon maître : Buffalo Bill. Facile. Encore plus cool que de dégommer les
Indiens, et un peu moins risqué, il y a : dégommer leur bouffe. Les bisons.
Winchester’s King ! En trente ans, soixante millions de bisons ont été bien
sacrés par leur masse, c’est pas un beau carton ?
Restait : moins de mille. Du zéro virgule zéro zéro zéro zéro deux pour cent.
Bien le bisou, les bisons ! Baisés, les Sioux. Écrasés, rasés, érasés, les
Cheyennes, les Cherokees, les Shawnees, les Creeks, les Pieds-Noirs, les
Comanches, les Nez-Percés.
Amérasés !
Gommés.
Bisons, nous avons su vous garder de vos pires ennemis, les Indiens. On dit :
merci bien.
[…]
Le rire, le propre de l’omme ? Pas du tout : les hyènes, et les chacaux, rient
aussi. […] Le propre de l’omme, c’est le sang, la violence, et les larmes du
sang. Qui est plus violent que toi ? Nada. Qui d’autre à savoir se venger ?
Nadie. Exceptons éléphants peut-être, qui savent trente ans plus loin balancer
leur trompe à la tronche de qui a dû un jour les blesser trente ans plus près.
La parole ? Sans rire… Elle est propre ta parole ?
Le cul ? T’as jamais vu les ouistitis, bonobos ?
La guerre, est le propre de l’omme. Quoique encore… fourmis, bagarre de
chats, polémoterritoires… Non, je veux dire : la guerre totale !
Rions propre : car il n’y a pas d’autre que l’omme pour massivement
s’entredétruire, et puis s’autodétruire.
Le propre de toi ? Être le seul qui détruise son nid, et avec entrain, et tout le
reste avec : la bestialité est le propre de l’omme.
Tu me troubles, répondis-je à cette bête cruelle, mais tu l’auras cherché.
Éradiqué !
D’ailleurs j’ai pour mission de protéger toute la création de ta rage, et de tes
maladies.
Regardez ces brebis.
Elles sont pas heureuses ici ? Petite prairie, cimetière… Gentil !
Brebis, je suis votre acteur, je suis votre pasteur.
Je protégerai les vaches et les moutons du germe du loup, du bacille du furet,
de la terreur terroriste, des Tazuniens, du renard-et-la-belette, des Germains !
Pour vous, nous édifions un rempart de barbelés, au service du tout santé,
tout sécurité, et contre dent amère du loup. Hou !
On vous parque dans des parcs, mais c’est pour vous préserver. Les champs
étaient trop grands… Les camps, même d’extermination, vous sauveront de
l’extermination.
Oui, vous pouvez nous remercier de vous sauver de votre liberté.
[…]
Civilisés, mes frères, l’istoire de notre civilisation est l’istoire de la lente et
profitable transformation du sauvage en domestique, du nuisible en utile, du
libre en comestible, de l’inutile en mangeable, tannable, tondable, attelable,
égorgeable, écorchable, dégorgeable, désossable, dépeçable, écartelable,
taillable en quarts, équarissable, saignable, pas de quartier !, tranchable,
étripable, tronchable, boyautable, boudinable, andouillettable, tripaillable,
lardable,
viandoxable,
pantagruélable,
médaillable,
charcucutaillable,
chaircuitable,
labélisable,
énucléable,
traçabilisable,
écervelable,
pâté-d’têtable,
désoneillable,
médaillonable,
primable,
opprimable,
omnicompressable, cordable, écornable, tressable, tibiable, manche-decoutelable, flûtable, trompettable, filable, mettable en tous gréments ou
tablatures, abat-jourable, tambourable, fond-de-kayakable, total-vêturable,
fourrable – et fourrable ! -, fourrageable, fromagérable, formidoforniquable,
sodomisable en diable, absolu corvéable-esclavable !
Umains : pareil.
Éléments d’aliments. De la chair à soumission.
[…]
Fuck les faucons !
Fuck the phoques, les furets, les fouines, les fausses-souris, les finoféroces,
les fapillons !
[…]
On aurait pu aussi vous intituler ça De l’obsolescence naturelle des espèces.
Rappel : le toujours plus court délai d’usure des pièces d’une automobile, d’un
lecteur CD, quatre-cinq ans, deux ans, six mois, taux d’usure dûment calculé
au plus rentable, et cherté de la pièce de rechange à l’appui (et bien entendu
devenue irréparable), ça s’appelle dans les bureaux d’études des entreprises :
l’obsolescence artificielle. Merci.
Les bêtes, elles, sont obsolètes : avec grand naturel.
Les bêtes nous embêtent.
Ne serait-il pas d’ailleurs intéressant de toutes les naturaliser ? (Naturaliser =
rendre artificiel.)
Naturellement !
De toute façon, quand les bêtes ne sont pas nuisibles, elles nuisent quand
même, elles nous refilent leurs maladies. Zoonoses. Alors que nous, jamais !
Profondément virogènes, les animaux.
La grippe du poulet a tué dans le monde une gigantesque… vingtaine de
personnes, qui ont été scandaleusement privées de mourir d’autre chose !
Prix : cent millions de poulets, abattus-rabattus. La vache folle a eu la pauvre
peau de millions, non de centaines de mille, euh, de milliers, euh non, de,
finalement : cent quarante-trois personnes. Et de bons millions de vaches, en
nette surproduction d’ailleurs, que ça tombait pas trop mal. L’abattage des
troupeaux a coûté-rapporté cent milliards d’euros. Car nous faisons beaucoup
pour les animaux !
[…]
L’omme est une hespèce ? Utile ! La seule utilissime. L’espèce ultime. Utile à
qui ?
A Dieu !
Dieu a besoin de l’omme, l’omme a besoin de Dieu. Dieu est le maître de
l’univers et a établi l’omme contremaître du monde, qui est son esclave.
L’omme est le roi des ? Animaux ! L’omme règne sur le règne animal, le règne
végétal, le règne des araignées, le règne minéral, révisez vos rêves bon
sang ! Sang sur sang.
Que notre rêve arrive !
[…]
Allons, allons… Insectes infects, infectés mammifères, une seule solution :
votre extermination.
Final : Tremblez, moutons !
Ciao-ciao, les nuisibles !
[…]
Partie 2
[…]
Et les tortues, qui prennent ces millions de sacs plastique qui traînassent dans
la mer pour des méduses, et les mangent ! Et s’étouffent !
Albatros, pareil. On trouve sur l’atoll perdu de Kure, paradis retrouvé des
oiseaux menacés, des milliers de cadavres de petits d’albatros, avec, dans
leur carcasse stupide, des mini-ampoules électriques, des balles de golf, des
briquets en plastique, des tubes de mascara, des bouts de peigne, ou de
brosses à dents, des capotes, tous objets flottants où logeaient calamars ou
oeufs de poissons volants et que leurs parents indignes leur apportaient à
manger. Quel manque de jugement ! Quel non-sens des responsabilités ! Ah,
les putrides !
[…]
Et je ne vous parle même pas des grenouilles, salamandres, crapauds !
Quand j’étais petiot, les soirs de lune, il était impossible de se balader sur le
chemin sans marcher sur des rainettes, tellement il y en avait. Qu’elles
crèvent ! 2002, on apprend : la branche tout entière des batraciens :
condamnée. Il était temps. Un peu partout dans le monde, en Amérique, en
Asie, on trouve dans les forêts, les marais, des champs immenses de
grenouilles accroupies sur les feuilles, leurs yeux ronds posés sur vous. Vous
tapez dans les mains, elles bougent pas.
Elles vivent pas.
Quelle idée aussi, respirer par la peau !
Incapables de comprendre le changement de l’atmosphère, incapables de
s’adapter à l’inadaptation, elles sont.
Inutiles.
Faudrait pas trop s’étonner qu’elles disparaissent.
Tortues marines, vous n’avez pas l’échine assez souple. Les sacs en toc,
vous n’avez qu’à apprendre à aimer… Et quand on n’aime pas, on peut se
forcer !
Tordues !
[…]
Le langage le dit bien. Les bêtes sont bêtes. Et en plus ce sont des bêtes !
Animalité, bestialité. Alors qu’un humain est « humain » ! Il sait faire preuve
d’« humanité ». Il fait ses « humanités ». Il peut être « humaniste ». Un cochon
d’Inde, jamais. Ça veut quand même bien dire quelque chose, les mots, non ?
D’ailleurs, il y a des « droits de l’omme », il n’y a pas de « droits des
animaux », que je sache, si ?, ah bon. Première nouvelle.
[…]
Petites bêtes, il va falloir vous y faire à votre extinction (durable) et à mon
expansion (insoutenable). Nous sommes à même de vous assurer à vous et à
votre hespèce une fin de vie dans la dignité et au moindre coût, grâce à notre
Fonds spécial d’accompagnement éthique où siège un représentant de
chacune des espèces survivantes. Votre choix est esclavage ou disparition,
bon monsieur, vous choisissez ? Allons, laissons que programmons ensemble
votre déprogrammation, durable…
Les seuls animaux qui ont tout compris ?
Les autruches !
Les autruches sont les seuls animaux sensés qui se fourrent la cruche dans la
terre pour pas voir ça, et qu’est-ce qu’on a de mieux à faire ? D’ailleurs je
propose qu’on en profite pour leur faucher le cou, pendant qu’elles ont le dos
tourné, on verrait bien si ça repousserait !
Et puis les autruches n’ont qu’à bouffer les méduses… Ah, il y en a plus ?
[…]`
Règle.
Plus un hanimal est grand, baleine, lion, rhinocéros, ours, anaconda, éléphant,
et plus il est sûr d’y passer.
Pour avoir incertitude d’en réchapper, essayer de se faire petit, moustique,
souriceau, amibe, paramécie, luciole, libellule, virus… (compléter)
Il y a encore au moins deux ou trois mille tigres et presque autant de baleines,
qui nous font l’affront d’être plus grosses que nous. Et pourtant nous, umains,
nous mangeons ! Et pourtant nous engraissons ! Nous grandissons en umain
et en taille et en maillage du monde !
Allô, allô… chkrkch, ici Joëlle Luciole, … chhhkrrrkkr, Objet : maladie du
monde/143-D13-35, MP/RW2, référence schhhkrrrkkr 432/nous avons été
attaqués par un virus appelé « vir », à savoir omme/et en partic…
Enfant, 2000 de poussières, je me souviens, j’allais supermarchant, avec mon
père. Frisson…
Une visite en caddie (®) du Supermarché de registred ©ar®efour-Au©han,
Temple 1, allée F.
J’y ai trouvé, à main droite : des aliments pour chiens et chats, shebah,
croquettes, du mouron pour les moineaux, des couffins et des niches, des
mimi-maisonnettes à suspendre dans les arbres afin d’attirer les congénères,
des vitamines, des shampooings et des jouets pour toutes catégories
d’animaux familiers, bâtonnets odoriférants, nonosses à ronger, souris qui
couinent, baballes, bref tout ce qui peut contribuer à la joie et à la bonne santé
de ces animaux que nous aimons tant ; et, tout de suite à main gauche
(environ un mètre quatre-vingts), tout ce qui nous permet de les détruire :
pesticides, pièges à souris et à taupes, mort-aux-rats, fumigènes anti-insectes,
hameçons, appeaux pour attirer mortellement les oiseaux.
Main droite : les bienheureux, le paradis. Main gauche : les damnés,
damnation, enfer.
Douze minutes plus loin, j’eus l’occasion de faire, pour la grande joie de mes
enfants, quelques emplettes de peluches petites et grandes, ours, éléphants,
baleines, singes, hippopotames, girafes, rhinocéros, pandas, tous animaux en
bonne voix d’extinction.
Certains s’étonneront peut-être que l’omme propose à l’admiration et à l’amour
de ses enfants les animaux mêmes qu’il s’applique à massacrer. L’amour est
plein de ces mystères… Pourtant, examinant les étiquettes, on constatera
avec bonheur que ces animaux destinés à des enfants de plus de sept ans
sont fabriqués par des enfants de moins de huit ans.
Tout est ordre, schizophrénie, harmonie.
Les voies et les raisons de l’omme sont pénétrantes, impénétrables, et
impénétrées.
Non, au fond, j’aime pas trop les autres hespèces…
[…]
Que les espèces étrangères paraissent, que ces espèces d’étrangers
comparaissent.
Que ces tronches étranges disparaissent !
Meuuu… meuuu…
Au trou !
Mourez, moutons !
Montons les moutons !
On va vous bouffer, bouffons !
Cuisons leurs cuisses, faisons sauter les cuissots !
Morflez, mouflons ! Mouflons, vous gonflez !
Rasons-leur l’herbe-laine sur le dos !
Vous avez trop joué sur les mots, mes agneaux !
Démontons les rats-gondins qui font des gosses dans les coins !
Faisons des trous-carabines en rats musqués qui font des trous dans les
berges des ravins !
Gazons les taupes, qui font-font fondrières dans nos bons gazons !
Dégazons les marmottes qui font leur lit d’air dans nos sols !
Dégageons !
(Sans oublier de : glaçons de terreur les trolls !)
[…]
Allô, allô… chkrkch, ici Paramécie, Marcel Paramécie/Objet maladie
monde/143-D13-35, MP/RW2, réf. Schhhkrrrkkr 432/avons aussi été attaqués
par virus vir, à savoir omme/et en particulier sa variété omme-z-omme/mâle/ce
virus s’introduit dans votre risque doux et détruit tous les dossiers de vos
systèmes tous, y compris ma ta grammaire/aucun antidote-d-omme n’est
connu ce jour/n’ouvrez sur mon prétexte aucun votre votre syntaxe à cet
inconnu/merci/Marcel.
[…]
(Autres ommes, d’ailleurs, méfiez-vous : il y en a de plus en plus d’entre vous
qui donnent à penser qu’ils sont eux-mêmes devenus inutiles…)
Partie 3
L’omme se multiplie, les ommes se divisent, l’omme se multiplie, les ommes
se divisent, continuer.
Mais il serait injuste de nous imputer l’entière responsabilité de la septième
vague de disparition des hespèces. De plus ne sont jamais comptabilisées les
nombreuses hespèces qui sont, grâce à nous, en voie d’apparition : le surimi,
[…] le corned-beef, les pokemon, le canigou, et ronron, les tagamotchis, les
robots sapiens Psykharpax, Aïbo, Furbi, le panneau de particules (mélaminé,
gloméré), la puce bancaire, le canard WC […].
[…]
Non, l’omme vit très bien tout seul.
L’omme vit très bien tout seul.
L’omme vit très bien tout…
[…]
D’ailleurs l’omme ne peut pas être tout à fait seul, puisque l’omme est mon
premier, et que mon tout lui appartient.
J’ai rencontré une fourmi rouge qui faisait chemin avec un gros morceau de
quelque chose, elle le traînait par là, vers la colline, c’était un petit drapeau
noir qu’elle avait dans les mains, avec l’espoir sans doute de le planter au
sommet, pour s’en faire propriété !
Quelle impudence ! Vouloir posséder une montagne ! Ensuite quoi, encore ?
Seul omme a le droit pour lui de découvrir en premier. Vous imaginez ce que
serait le monde, si les fourmis, les éléphants, les hérissons, les grenouilles, les
pipallons, les hydres, les pythons, les rats musqués, les rainettes, les basilics,
les boas, se promenaient comme nous tout partout, les montagnes, les
prairies, les mottes de terre, les nuages, la lune, en disant tout à trac : « Ceci
est mon sol ! Ceci est mon or, ceci est mon champ, tout ceci est à moi ! »
Et pourquoi pas aussi les moutons ?
[…]
Tu doutes de rien, toi… T’as déjà goûté une semelle ?
Kkrrrk…
[…]
Traquons les usurpants !
Oublie jamais ça, gamelle : le propre de l’omme c’est la propriété de la
propriété. En propre.
Partie 4
Document : une erreur de Dieu.
Croissez et multipliez, dit-Il, mais… mais… non, attendez, Stop ! Stooop !
Trop tard.
Alors maintenant, je vous le dis : divisez et démultipliez !
S’il vous plaît, décroissons…
[…]
An 2004, une espèce disparaissait par heure, minute, seconde. Insatisfaisant,
nettement.
Allô, allô… chkrkch, ici l’ensemble des espècesssshkrrr… schh, couic.
[…]
Les espèces hautres disparaissent, s’éteignent. L’omme, lui, s’illumine.
L’omme ne cesse de s’éclairer, en continu.
L’omme illumine le monde, l’omme est illustre. Lumen, lux.
Et, fiat reverbum ! J’ai créé le réverbère. Amen.
Pourtant j’aimais bien la nuit…
J’aimais bien les lucioles. Nuit noire, petites étoiles traçantes, les vols nuptiaux
des lucioles… J’ai éclairé tout ça. Passer leurs nuits à forniquer dans
l’obscurité immense des back-rooms ! Tiens : mirador, lumière, partout, full !
On les paye quand même pas pour se payer toute la nuit des partouzes
géantes, non !? J’ai su arrêter ça.
Maintenant elles se cherchent, mais elles ont arrêté de se trouver, les lucioles.
Les lucioles sont en voie d’extinction, parce que j’ai éclairé ! Et voilà le travail.
Elles ont qu’à s’adapter. Elles sont pas très flexibles, je trouve, les lucioles,
c’est tous des assistés. Les lucioles servent à rien, les lucioles foutent rien, les
lucioles sont des planquées, elles pensent rien qu’à baiser, elles pensent qu’à
bouffer. Vers luisants, pareil.
Ils comptent un peu trop sur l’univers-providence, je dis. Les lucioles et les
vers luisants, c’est pas des gagnants.
[…]
Et dans vingt ans je m’en irai
J’entends le loup et le renard chanter
J’entends le loup, le renard et la belette
J’entends le loup et le renard…
Ah ben non, tiens, le loup, y est plus, pour chanter…
Et le renard il y en a plus non plus !
Quant à la belette, elle a jamais chanté. Et c’est même pas sûr qu’elle ait
existé…
Il y a plus personne pour chanter !
Des chansons qu’on apprend, avec que des bêtes toutes niquées !
[…]
Maintenant j’aime bien parler à tous ceux qui sont ici là sous les planches.
Je suis monté sur vos épaules de géant pour mieux voir, guénération après
guénération.
J’ai lancé dans le ciel des phrases sauvages, elles me sont revenues en
orage. J’ai créé des temples en faisant tourner l’œil du soleil autour des ifs et
des cyprès, et le soneil m’a brûlé. Je me suis mis à bien dégager de son crâne
les oreilles du soneil et il en a profité : il a tout cramé ! J’ai vu que la terre est
un cimetière, emplie de corps empilés pourrissants, et j’ai voulu la rendre plus
cimetière encore, d’enfer !
Où sont passés mes environs ? O Géhenne ! O, MC, GM Milieu du ciel, zoo
de zone ! O Soneil !
Dieu m’a dit : « Croyez, vous verrez… » « Croissez et multipliez-vous vous ! »
J’ai dit à Dieu : « Tu vas voir ce que je vais leur mettre ! »Facile. Divisez-vous,
et régnons !
Je crois en Dieu qui m’a dit de tous les buter. Il est pas bête, Dieu.
(Ou s’il l’a pas dit, c’est qu’il l’a pensé.)
Dieu est bon, car il nous a donné la justice et l’ordre, et l’ordre d’éteindre tous
les autres animaux.
Dieu est bien bon de nous avoir justement donné l’ordre de nous craser les
uns sur les autres, et de craser en passant dans le sang ces espèces d’en
trop. Toutes les autres espèces, avant même d’avoir eu le temps de les
découvrir afin de les nommer. Je te nomme pas, allez hop, maintenant, éteinstoi ! Je t’allume par ton nom, non, bon maintenant, hop, on disparaît ! Croyez
et disparaissez ! Croissez et divisez ! Hop ! Hop ! Et hop ! A la gloire de
l’univers mort-né ! A l’unicité des moyens employés ! Eclatons les scarabées !
Escargassons les araignées ! Eclaboussons de leur sang les batraciens, les
muridés. Extromettons les cétacés ! Hôôp là…
Je crois en Dieu parce qu’Il est bonnement bon de nous avoir donné la
capacité et l’idée de nous craser les uns et les autres, et de craser les bêtes
bêtes. Les bêtes bêtes sont des nains qui n’ont qu’à se jucher sur nos épaules
de méchants pour mieux voir moins loin.
[…]
Et dans vingt ans je m’en irai…
Mais où trouver meilleure poubelle que la terre ?
[…]
Plus personne ?
- Et alors ? L’omme vit très bien tout seul.
L’omme vit très bien.
[…]

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