Les perspectives limitées du tourisme en milieu insulaire Le cas de

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Les perspectives limitées du tourisme en milieu insulaire Le cas de
ESPACE, POPULATIONS, SOCIETES, 2004-2
Yvan URUNUELA
pp. 387-396
Dongbei University of Finance and Economics (DUFE)
School of International Business (SIB)
Dalian
Liaoning Province
République Populaire de Chine
[email protected]
Les perspectives limitées du
tourisme en milieu insulaire
Le cas de la Caraïbe et des
Antilles françaises
INTRODUCTION
L’intérêt porté au développement économique des petites îles1 a acquis, depuis les
années 70, une double reconnaissance universitaire2 et institutionnelle3. Il apparaît
que les conditions naturelles limitent les
perspectives de développement économique
en milieu insulaire. Si l’insularité en ellemême n’est pas nécessairement un facteur
limitatif de l’activité humaine et économique4, elle entraîne cependant certains
handicaps majeurs : étroitesse du territoire,
éloignement, parfois isolement, fragilité de
l’écosystème, vulnérabilité aux catastrophes
naturelles. Ces handicaps se transforment en
contraintes économiques qui pénalisent la
croissance des petites îles : déséconomies
d’échelles, faible diversification de l’appareil productif, marché local restreint, coûts à
l’échange élevés.
Toutefois, la production de services ne rencontre pas les mêmes difficultés que la production de biens matériels, puisque sa rentabilité ne dépend pas tant de la taille de l’unité de production que des réseaux auxquels
1
formel, sur les petits territoires insulaires : la Banque
Mondiale, le Commonwealth, l’Organisation des
Nations-Unies, l’Union Européenne, etc.
4 Historiquement, les îles, à la croisée des routes commerciales maritimes, ont pu tisser des liens économiques multiples et lointains au cours des siècles. La
mer a été alors plutôt perçue comme un vecteur
d’échange que comme une barrière. Parmi les premières civilisations, nombreuses sont maritimes :
Phéniciens, Crétois, Grecs, etc.
En 1999, la Banque Mondiale dénombrait 42 pays
indépendants et en développement avec une population
inférieure à 1,5 million d’habitants. Parmi eux, 32
étaient des petites îles réparties principalement dans
trois zones : la Caraïbe, le Pacifique et le long des côtes
africaines.
2 Parmi les économistes, nous soulignons plus particulièrement les travaux de Bertram, Briguglio, Crusol, de
Miras, Doumenge, Poirine, Vellas (voir liste bibliographique).
3 La plupart des grandes organisations internationales
ont créé en leur sein un groupe de travail, plus ou moins
388
elle se rattache. En conséquence, une spécialisation dans la production de services
marchands permet, dans une certaine mesure, de contourner les contraintes mentionnées précédemment. Il est alors possible
d’envisager un développement sur une base
non agricole ou industrielle. C’est dans cette
voie que se sont engagées la plupart des îles
de la Caraïbe. Parmi les activités de services
marchands se trouvent la finance offshore et
le tourisme ; l’une et l’autre étant d’ailleurs
parfaitement complémentaires.
À partir de ce constat, l’objet de cet article
est de s’intéresser au service marchand le
plus communément développé dans les
micro-territoires insulaires : le tourisme. Il
s’agit de porter un regard critique et de s’interroger sur la capacité de l’activité touristique à promouvoir une croissance économique durable. Notre cas d’étude porte sur
les Antilles françaises – notamment la
Guadeloupe – en prenant soin de situer ces
départements français d’Amérique (DFA)
dans leur contexte géographique, celui de la
Caraïbe insulaire.
Dans une première section, nous présentons
brièvement les traits marquants du tourisme
dans le bassin Caraïbe. Nous montrons
qu’indépendamment du statut politique, le
tourisme y est une activité économique
incontournable. Dans une deuxième section,
nous soulignons les limites de l’activité touristique dans ces micro-territoires en insistant sur la fragilité de l’écosystème, la
dépendance à l’égard de cette activité économique et la forte concurrence régionale.
Puis, dans une troisième section, nous brossons rapidement un tableau du tourisme aux
Antilles françaises, notamment en Guadeloupe, en insistant sur sa dépendance à
l’égard de la clientèle métropolitaine. Enfin,
dans la dernière section, nous mettons en
évidence les inquiétudes d’ordre environnemental et l’impact économique finalement
limité de l’activité touristique aux Antilles
françaises.
1. TOURISME ET PERFORMANCES ÉCONOMIQUES DANS LA
CARAÏBE INSULAIRE
La Caraïbe insulaire est de longue date associée à des images de plages, de soleil, de
cocotiers et de vie paisible. Toutefois, c’est
à la fin des années 60 que l’activité économique liée au tourisme s’est affirmée dans
cette partie du monde, profitant de la démocratisation des transports aériens et de l’affirmation d’un tourisme de masse. Quel que
soit le statut politique des petites îles de la
Caraïbe, le tourisme est devenu une activité
économique incontournable.
Pour environ 38 millions d’habitants, la
Caraïbe a accueilli en 19995 près de 21 millions de touristes de séjour et près de 12 mil-
lions de croisiéristes6. La Caraïbe capte
environ 2,5% du tourisme mondial ; cette
part est relativement stable depuis 30 ans7. Il
apparaît ainsi que les petites îles interviennent pour une part infime des flux touristiques mondiaux. Lors de la décennie 90, le
nombre de touristes internationaux a augmenté de 5,1% par an en moyenne dans la
Caraïbe. Au niveau planétaire, le taux d’accroissement annuel moyen est légèrement
inférieur, se situant à 4,5%8.
Les États insulaires indépendants de la
Caraïbe se sont spécialisés dans la finance
offshore et le tourisme haut de gamme. Dans
5
té et s’y rendant soit lors de vacances mais aussi pour
affaires ou d’autres motivations (visite à la famille,
sport, cure de santé). Si le séjour dure moins de 24
heures, on parle d’excursionnistes : c’est le cas des
passagers de croisière.
7 [Cazenave, 1998, pp.13-17].
8 Caribbean Tourism Organization (CTO) (2000),
Caribbean tourism statistical report, 1999-2000 edition.
Caribbean Tourism Organization (CTO) (2000),
Caribbean tourism statistical report, 1999-2000 edition, p.13. Il s’agit de la Caraïbe au sens large, puisque
sont également comptabilisés les entrées de touristes au
Venezuela, à Belize, au Suriname et dans certains
centres touristiques de la côte Atlantique du Mexique
(notamment Cancun).
6 La définition du touriste adoptée par l’Organisation
mondiale du Tourisme considère comme tel, toute personne demeurant au moins 24 heures dans le pays visi-
389
ces micro-États (Antigua et Barbuda,
Bahamas, Barbade, etc.), l’activité économique repose sur la spécialisation dans l’exportation de services marchands haut de
gamme et personnalisés : la finance offshore (liée à une fiscalité avantageuse), les
pavillons de complaisance, le tourisme de
luxe. Ces territoires sont parfois qualifiés de
paradis fiscaux, et il est parfois délicat de
dénouer le lien entre les activités légales et
celles condamnées par les lois internationales.
Hormis les territoires dépendants (et donc
tributaires d’un centre métropolitain), il
s’agit de bien comprendre que les îles de la
Caraïbe qui ont un niveau de vie comparable
à celui des pays développés, sont celles qui
se sont orientées vers des activités de services marchands (finance offshore, tourisme). Dans ce groupe se trouvent des îles
comme Antigua et Barbuda, les Bahamas, la
Barbade. À l’opposé, les îles obtenant des
résultats comparables aux pays en développement n’ont pas pu – ou pas su – se désengager des activités agricoles exportatrices9
comme Cuba, la Dominique et Haïti10.
Le tableau 1 illustre cette opposition. Notons
toutefois que Cuba et la Dominique s’ouvrent significativement au tourisme international et régional depuis quelques années.
Tableau 1 : Données socioéconomiques et poids de l’activité touristique
Antigua et Barbuda
Bahamas
Barbade
Cuba
Dominique
Haïti
IDH
(Valeur 1995)
PIB par habitant
USD 1998
Nombre de touristes
reçus par habitant
Dépenses des touristes
par rapport au PIB
0,895
0,893
0,909
0,729
0,879
0,340
9289
14 587
8811
2351
3519
478
3,43
5,61
0,17
0,11
0,85
0,02
46%
38%
33%
8%
16%
2%
Sources : INSEE (2002), TER Guadeloupe 2002, page 22 et INSEE Antiane Éco (1999), n°40, page 33.
Dans les territoires dépendants (en particulier les Antilles françaises), les principaux
agrégats macroéconomiques démontrent un
déséquilibre patent de l’économie locale. En
effet, la part de l’administration publique et
des collectivités locales est hypertrophiée par
rapport aux autres secteurs économiques. Le
secteur administratif et la demande publique
apparaissent comme les véritables moteurs
de l’économie locale. Cette réalité écono-
mique résulte du rattachement politique à un
centre métropolitain.
Toutefois, conscientes des limites d’un système économique fortement tributaire des services non-marchands, ces îles cherchent à
diversifier leurs activités économiques. Elles
le font principalement à travers la promotion
de l’activité touristique. En conséquence, le
poids de l’activité touristique y est donc relativement moins important que dans d’autres
9
Haïti et l’île Dominique – située entre la Martinique et
la Guadeloupe, et distante de moins de 100 kilomètres
de cette dernière – gardent un secteur agricole important. Il s’agit également des deux îles de la Caraïbe les
plus pauvres : le PIB/habitant s’élève à 238 US$ à la
Dominique et à 413 US$ à Haïti. À titre de comparaison il est de 8651 US$ à la Guadeloupe. Un constat
s’impose : les économies insulaires orientées vers l’exportation de produits primaires agricoles sont parmi les
plus pauvres, en termes de PIB/habitant, loin derrière
celles où le secteur tertiaire domine. Ce constat caractérise la difficile reconversion de l’économie de plantation vers une activité rentable d’exportation de produits
primaires.
Théoriquement, ce système peut s’accompagner d’une
industrialisation qui contribue au développement du
secteur agricole en exerçant des effets d’entraînement en
amont et en aval. Le principe de cette stratégie est la
« descente » des filières agroalimentaires par le développement des premiers stades de la transformation, pour
aller en principe jusqu’au produit final. Cependant, pour
des raisons liées à l’étroitesse du territoire et à l’éloignement des zones continentales, les petites îles sont
rarement en mesure de développer un complexe agroalimentaire qui couvrirait entièrement le traitement du
produit, de sa production à sa commercialisation.
10
Dans la Caraïbe le secteur primaire ne représente
plus qu’une faible part du PIB et de l’emploi : seules
390
îles de la Caraïbe. Par exemple, les dépenses
touristiques ne représentent « que » 10% du
PIB en Guadeloupe, 9% en Martinique, et
6% à Porto-Rico, alors qu’elles atteignent
33% à la Barbade, 38% aux Bahamas, 46% à
Antigua et Barbuda, et 49% à Sainte-Lucie.
Indépendamment du statut politique, le tourisme représente donc une activité économique vitale dans la Caraïbe et une source de
devises indispensables pour de nombreux
petits pays insulaires. Grassl [1998] estime
que cette activité fournit dans la Caraïbe 2,5
millions d’emplois, produit une richesse estimée à 25 milliards US$ et représente ainsi
25% du PIB régional. Le tourisme peut alors
apparaître comme une panacée par rapport
aux stratégies axées sur l’exportation de produits primaires ou manufacturés, contraintes
par l’insularité. De manière générale, le tourisme est perçu comme une activité économique permettant :
• une mise en valeur des ressources propres
au territoire (plages, baies, forêts, etc.) ;
• une production de valeur ajoutée génératrice de devises ;
• une création d’emplois (puisqu’il s’agit
d’une activité intensive en travail) ;
• des effets d’entraînement positifs sur
d’autres secteurs de l’économie locale
(par exemple l’agriculture, l’artisanat, le
BTP) ;
• une incitation à la construction d’infrastructures (aéroport, routes, hôpitaux, etc.)
pouvant être utilisées également par la
population locale ;
• des transferts de technologie et de savoirfaire.
Dans ces conditions, les politiques de développement du tourisme international représentent un élément essentiel dans la mise en
place des stratégies de développement économique de la Caraïbe.
2. LA FRAGILITÉ DU SECTEUR TOURISTIQUE DANS LA CARAÏBE :
VULNÉRABILITÉ DE L’ÉCOSYTÈME, DÉPENDANCE, CONCURRENCE
Pour les raisons mentionnées ci-dessus, la
dépendance de la Caraïbe envers le tourisme
va très probablement aller en s’accentuant,
alors même que d’autres secteurs de l’économie (l’agriculture et l’industrie) se heurtent à des contraintes géophysiques et environnementales liées à l’insularité. La
Caraïbe peut espérer tirer avantage d’une
demande touristique qui semble quasi-illimitée au niveau mondial, et d’une « image
de marque » en la matière qui paraît solidement établie.
Toutefois, la capacité à promouvoir une
croissance durable fondée sur le tourisme
fait face à une triple limite :
• la promotion d’un tourisme de masse se
heurte à la fragilité de l’écosystème insulaire ;
• la Caraïbe insulaire est très dépendante de
l’activité touristique et donc de ses fluctuations ;
• le tourisme dans la Caraïbe est soumis à
une forte concurrence régionale.
D’une part, la promotion d’un tourisme de
masse se heurte à la fragilité de l’écosystème insulaire. Dans les bassins insulaires, le
flux touristique peut atteindre une certaine
disproportion qui alimente la réflexion sur la
notion de capacité de charge de ces petits
territoires : le rapport d’un touriste pour un
insulaire est dépassé dans plusieurs petites
îles de l’arc antillais (tableau 2), dont la
Guadeloupe et la Martinique.
Tableau 2 : Nombre de touristes par rapport à la
population résidente
Territoire
Bahamas
Antigua et Barbade
Sainte Lucie
Guadeloupe
Martinique
Porto-Rico
Jamaïque
Rép. Dominicaine
Cuba
Haïti
Nombre de touristes
par rapport à la
population résidente
5,61
3,43
1,64
1,54
1,32
0,89
0,47
0,27
0,11
0,02
Source : à partir d’Insee Antilles-Guyane [1999].
391
Ces îles doivent donc faire face à l’inadéquation potentielle entre les politiques de
développement axées sur le tourisme et les
capacités de charge des micro-territoires, en
termes de fragilité des écosystèmes terrestres et marins, des effets de saturation des
ressources naturelles.
D’autre part, la Caraïbe insulaire est très
dépendante de l’activité touristique et donc
de ses fluctuations. Le tourisme, notamment
dans la Caraïbe, est dépendant de la
conjoncture économique des deux grands
pourvoyeurs de touristes internationaux :
l’Amérique du Nord et l’Europe. Comme
toutes les destinations touristiques à travers
le monde – certes à des degrés divers – la
Caraïbe a souffert de la conjoncture économique morose et des événements politiques
qui ont suivi les attentats de septembre
2001. Toutefois la baisse des arrivées de tou-
ristes dans la Caraïbe demeure limitée par
rapport à d’autres sous-régions du continent.
Selon l’Organisation Mondiale du Tourisme,
entre 2000 et 2001, la fréquentation touristique a chuté de 3,5% dans la Caraïbe pour
un recul d’environ 8% en Amérique du Nord
et 7% en Amérique du Sud.
Pour autant, il serait erroné d’en déduire que
la Caraïbe a moins souffert de ces événements que d’autres zones. En réalité, les
micro-territoires de la Caraïbe ont été fortement affectés, en termes économiques,
beaucoup plus que d’autres sous-régions des
Amériques, pour la simple raison qu’aucune
autre région ne dépend autant du tourisme.
Le tableau 3 montre qu’en moyenne les
recettes touristiques en Amérique latine et
dans la Caraïbe représentent moins de 2% de
leur PIB. Pour les micro-territoires insulaires, ce taux oscille entre 10% et 35%.
Tableau 3 : Recettes touristiques en tant que % du PIB
Pays
1990
1995
1998
Total – Amérique latine et Caraïbe
Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECS)
CARICOM (Communauté anglophone)
Antilles néerlandaises
Antilles françaises
1,6
40,4
18,3
29,3
6,8
1,62
34,94
18,32
28,72
10,74
1,75
32,41
16,52
35,71
10,83
Source : Site internet de l’Organisation Mondiale du Tourisme.
Enfin, le tourisme dans la Caraïbe est soumis à une forte concurrence régionale.
L’activité touristique y fait ressortir une
répartition inégalitaire du flux touristique :
les grandes Antilles – Bahamas, Cuba,
Jamaïque, République dominicaine, PortoRico – captent près de 80% des touristes
internationaux séjournant dans la Caraïbe
insulaire (tableau 4).
Tableau 4 – Nombre de touristes et de croisiéristes
Territoire
Nombre de touristes
(en milliers, 1997)
Nombre de croisiéristes
(en milliers, 1997)
1617
240
248
660
513
3378
65
1 192 000
2 211 000
1 170 000
1744
285
310
470
387
1236
230
712
271
2
Bahamas
Antigua et Barbade
Sainte Lucie
Guadeloupe
Martinique
Porto-Rico
Dominique
Jamaïque
Rép. Dominicaine
Cuba
Source : Insee Antilles-Guyane [1999].
392
Il faut également noter que le tourisme de
croisière concerne un nombre restreint
d’îles : les Bahamas et Porto-Rico reçoivent
près de la moitié des croisiéristes des îles de
la Caraïbe (tableau 4). À titre de comparaison, la Guadeloupe a accueilli 470 000 croisiéristes en 1999 pour près de 1,8 million
aux Bahamas.
3. L’ACTIVITÉ TOURISTIQUE AUX ANTILLES FRANÇAISES
Le tourisme aux Antilles françaises est une
activité qui a réellement débuté dans les
années 70. Elle a pu se développer à la suite
de l’expansion du parc hôtelier dopée par les
mesures de défiscalisation et de la baisse des
tarifs aériens (suppression du monopole d’Air
France en 1986). Le nombre de passagers a
triplé en vingt ans passant d’environ 500 000
passagers en 1971 à près d’1,5 million en
Guadeloupe (respectivement 390 000 et 1,5
million en Martinique)11. Par rapport à 1985,
le trafic global des passagers a augmenté
d’environ 50% tandis que celui entre les
Antilles françaises et la Métropole a progressé de 200%. Les liaisons avec la Métropole
concentrent les flux les plus importants. Par
leur importance, ils contribuent à jeter « un
véritable pont » entre ces deux territoires
[Nicolas, 2001]. De plus, comme le souligne
Nicolas (2001), depuis les années 90 on assiste à une diversification des points de départs
et d’arrivées des vols en France continentale.
Aux lignes traditionnelles Paris-Antilles françaises se sont ajoutées des lignes directes
avec des villes de province.
Un premier constat s’impose : le poids restreint des Antilles françaises dans le tourisme de la Caraïbe. Bien que son parc hôtelier
ait augmenté de 50% dans la décennie 90, la
Guadeloupe ne reçoit que 5% des touristes12
de la Caraïbe. En termes de capacité d’accueil, avec près de 20 chambres pour 1000
habitants, la Guadeloupe se place au sixième
rang de la Caraïbe (au premier rang se trouvent les Bahamas avec plus de 50 chambres
pour 1000 habitants).
De plus, le tourisme vers les Antilles françaises ne s’apparente pas à un tourisme de
masse. En effet, le profil des touristes
marque la prépondérance d’une clientèle
d’un niveau de formation assez élevé (deux
tiers ont suivi des études supérieures)13,
appartenant pour moitié aux catégories
socioprofessionnelles des cadres supérieurs
ou des techniciens, plutôt jeunes (la moitié
ont entre 25 et 44 ans et les plus de 60 ans
ne représentent qu’un dixième), et percevant
en moyenne 27 000 francs mensuels par
ménage14 [Cazenave, 1998].
Le tourisme familial ou amical est une composante incontournable du tourisme à destination des Antilles françaises. En Guadeloupe, il représente environ un touriste sur
cinq. Il est évidemment lié à la communauté
antillaise de Métropole, qui effectue plus ou
moins régulièrement des retours temporaires
au pays. Ce tourisme familial se différencie
par son mode de logement (essentiellement
en famille), des séjours plus longs, des
dépenses sur place moins importantes, et des
venues hors saison touristique [Urunuela,
2002].
Il apparaît surtout que l’origine des touristes
est faiblement diversifiée : plus des trois
quarts viennent de Métropole. Le tourisme
guadeloupéen se distingue par une répartition
spatiale des estivants – et des capacités d’accueil – entre la Guadeloupe « continentale »
et les îles du Nord. En 2000, la Guadeloupe a
reçu 623 000 touristes, dont un tiers à SaintMartin et Saint-Barthélemy. La Guadeloupe
« continentale » reçoit près de 90% des tou-
11
14
Chiffres selon Atchoarena dans Domenach et Picouet
(1992), page 140.
12
Selon la définition internationale, un touriste est un
non-résidant qui passe plus de 24 heures hors de son
domicile.
13
En Guadeloupe seul un sixième des touristes fait partie des catégories employés et ouvriers.
Les groupes de six personnes ou plus forment 8% des
touristes ; près de la moitié viennent à deux. En 1996,
la moitié des touristes vont à l’hôtel (40% des
Métropolitains), près d’un quart en location ou VVF et
gîtes (pour ces derniers près d’un Métropolitain « régional » sur dix), plus de 20% dans la famille ou les amis.
Un cinquième de la fréquentation hôtelière est liée au
tourisme d’affaires [Cazenave, 1998].
393
ristes métropolitains. Hors îles du Nord, la
clientèle nord-américaine s’est effacée. Les
Américains des États-Unis ne représentent
que 1% du tourisme guadeloupéen « continental » et les Canadiens 1,5% :
« La baisse de la part des NordAméricains (…) signifie une désaffection
des Antilles françaises. Les raisons tiennent à la concurrence d’autres destinations jugées plus attractives. Elles relèvent aussi d’une perte d’image d’un produit trop uniquement balnéaire et pas
assez compétitif par ses prix face à la
concurrence ». [Cazenave, 1998, p. 25].
Au contraire, le flux des autres Européens se
renforce et constitue un espoir de développement : il représente 7% de l’ensemble des
touristes en Guadeloupe (Suisses, Italiens,
Allemands, Belges). Enfin, notons que le
tourisme intra-caribéen est marginal (moins
de 1% de l’ensemble des touristes en
Guadeloupe)15. En Guadeloupe, près d’un
touriste sur 10 provient des autres DFA. Il
s’agit alors d’un tourisme de proximité par-
ticulièrement marqué par les voyages d’affaires et par les visites aux parents et aux
amis.
Enfin, le positionnement du « produit »
touristique offert par les Antilles françaises
est insuffisant. La Guadeloupe et la Martinique cherchent à la fois à capter le tourisme de luxe, le tourisme de croisière et l’écotourisme, sans chercher à établir une spécificité du « produit » touristique vendu par les
Antilles françaises. Il en résulte un positionnement insuffisant des Antilles françaises
sur le marché touristique de la Caraïbe. En
effet, les créneaux mentionnés ci-dessus
sont déjà pourvus et certaines îles sont déjà
solidement positionnées (notamment dans le
tourisme de luxe). Elles possèdent donc – en
termes d’infrastructures mais surtout d’expériences et de compétences – une avance
indéniable. En fait, le seul avantage dont
semblent jouir les Antilles françaises, c’est
d’être en mesure de capter les touristes
métropolitains et certains Européens
(notamment les francophones).
4. IMPACTS ÉCOLOGIQUES ET ÉCONOMIQUES DU TOURISME
AUX ANTILLES FRANÇAISES
Si elle joue un rôle important dans l’économie des DFA, l’activité touristique demeure
cependant fragile. Plusieurs raisons peuvent
l’expliquer, certaines étant liées aux spécificités des Antilles françaises, d’autres au tourisme dans la Caraïbe16.
Premièrement la promotion d’un tourisme
de masse se heurte à la fragilité de l’écosystème insulaire. En effet, la concentration
d’activités économiques, notamment industrielles mais également touristiques, menace
l’équilibre environnemental lorsqu’elle perturbe – par la surconsommation d’eau,
l’augmentation de rejets et de déchets
solides ou liquides, etc. – un écosystème fragile. En Guadeloupe, la multiplicité des travaux d’aménagement en zone littorale (port
de Saint-François, zone industrielle de Jarry,
marina et rocade de Pointe-à-Pitre) est en
grande partie responsable de la disparition
des milieux marins littoraux. Ainsi, 80% des
écosystèmes – récifs, herbiers, mangrove –
sont dégradés, et la mangrove, dont la superficie a régressé de 2000 ha, serait en voie de
disparition17.
Autrement dit, les activités touristiques font
également peser une menace sur l’équilibre
écologique insulaire : une sur-consommation en eau présente le risque de destruction
de la nappe d’eau douce superposée à la
nappe phréatique salée ; la construction
d’hôtels, de logements touristiques et
d’équipements incite à exploiter des bancs
de sable et à détruire, de manière parfois
irréversible, les plages et les zones côtières ;
l’accroissement de la demande en terrains
15
16
De nombreuses îles de la Caraïbe n’ont pas atteint un
niveau de développement suffisant pour générer un tourisme vers les îles voisines et pour faire face au prix
élevé des vols régionaux.
Ces dernières ont déjà été évoquées dans le deuxième
paragraphe.
17
Source : http://www.agora21.org/mies/chan-clim7.html
394
constructibles et la construction d’infrastructures (routes, aéroport, etc.) se font au
détriment parfois de terres agricoles et de
zones naturelles ; enfin, la multiplication
des activités de mer provoque des dégâts sur
l’écosystème marin.
Deuxièmement, le poids de l’activité touristique demeure secondaire dans l’économie
des DFA. Le tourisme s’est affirmé comme
un moteur incontournable de la croissance
des économies des Antilles françaises. Le
chiffre d’affaires de l’activité touristique en
Guadeloupe serait de 3 milliards de francs,
les emplois induits estimés à 20 000, et les
dépenses des touristes s’élèvent en 1996 à
2,3 milliards de francs assurant ainsi 11% du
revenu de la population locale [Doumenge,
2000]. Les emplois journaliers liés au tourisme en Guadeloupe sont d’environ 5000
en moyenne, très majoritairement dans les
hôtels-restaurants18. En 1995, le chiffre
d’affaires de l’hôtellerie aux Antilles françaises est de 1,5 milliard de francs. En
Guadeloupe, elle représente plus de 20% du
chiffre d’affaires des services marchands.
Toutefois, il faut relativiser ces performances en les replaçant dans le contexte
macroéconomique des DFA. Le chiffre d’affaires de l’activité touristique en Guadeloupe serait de 3 milliards de francs alors
que le montant net des transferts de l’État et
des transferts sociaux s’élevait à 6,5 milliards de francs en 1995. Á ce chiffre, il faut
ajouter les aides européennes, les mesures
de défiscalisation, les revenus liés à « l’octroi de mer », les surcoûts de production des
entreprises publiques liés à l’insularité
(notamment EDF), etc.
Troisièmement, les effets d’entraînement
sont limités pour l’économie locale. D’une
part, l’activité touristique est le plus souvent
aux mains de grands groupes nord-américains et européens pour lesquels les opportunités de l’économie locale sont parfois
limitées, notamment en matière de ré-investissements dans l’île des profits réalisés.
D’autre part, lorsque les activités touristiques sont peu liées à l’économie locale, les
importations qu’elles engendrent viennent
contrebalancer les bénéfices qu’elles génè-
rent : importations de denrées alimentaires,
de matériaux de construction, de biens
d’équipement et de consommation. De plus,
la création d’emplois concerne essentiellement des emplois peu qualifiés ou non qualifiés. Ramousse (1999) porte ainsi un
regard critique sur plusieurs décennies de
développement du tourisme dans la
Caraïbe :
« C’est le modèle de développement
touristique ayant été privilégié qui est
implicitement en cause, un développement fondé en grande partie sur des
investissements étrangers n’ayant en fin
de compte qu’un minimum de retombées
socio-économiques dans le pays concerné. Ce choix a également contribué à
fausser dès l’origine le rapport avec la
clientèle, à cause d’un mauvais enracinement des activités touristiques et
d’une implication insuffisante de la
population autochtone » [Ramousse,
1999, p. 22].
Quatrièmement, l’activité touristique connaît une crise structurelle, notamment en
Martinique, qui va au-delà d’un ralentissement conjoncturel. Entre 1998 et 2002, en
Martinique, le nombre total de visiteurs
(touristes et croisiéristes) a chuté d’environ
30%19. Cette évolution20 se caractérise par
une baisse très sensible, entre 2000 et 2001,
de la fréquentation des villages de vacances
(-38%), mais aussi de la petite hôtellerie
(-26%) et de la grande hôtellerie (-22%).
Ainsi le taux d’occupation des chambres se
situe en dessous de la barre des 40% pour la
première fois depuis 10 ans. Cette baisse des
fréquentations a provoqué une « guerre des
prix ». Le prix des chambres louées a chuté
de 60% et le nombre de salariés de l’ensemble de l’hôtellerie a diminué de 27%
(avec une baisse de 46% dans la grande
hôtellerie).
En Guadeloupe, après le passage du cyclone
Hugo, l’hôtellerie a connu une période difficile. Entre 1988 et 1996, la clientèle hôtelière n’a guère progressé (une croissance
annuelle moyenne de 1%). Certes la reconstruction engagée après Hugo, ainsi que la
mise en place des programmes hôteliers
18
19
ANTIANE ÉCO, n°57, septembre 2003, pp. 18-19.
20
ANTIANE ÉCO, n°53, juillet 2002, pp. 20-21.
H.Henry, L’hébergement touristique se met au vert,
Antiane Éco, n°46, octobre 2000.
395
défiscalisés, a engendré une extension sensible du nombre de chambres. Cependant, le
taux d’occupation des chambres demeure
faible, moins de 50% en Guadeloupe en
199621.
Aux Antilles françaises, en dépit de certains
atouts (notamment la qualité des infrastructures), certaines analyses viennent tempérer
les capacités du tourisme à jouer un rôle
déterminant susceptible de modifier la
logique économique qui prévaut :
« [À la fin des années 90, la
Guadeloupe] voit ses professionnels
gagnés par la morosité : aux difficultés
traditionnelles (mouvements revendicatifs récurrents) va très vite s’ajouter un
nouvel écueil, la fin de la possibilité de
défiscalisation des investissements privés (…) le coût du personnel reste le
principal handicap du tourisme ultramarin avec souvent en prime la difficulté de trouver sur place le ravitaillement
nécessaire à la restauration des visiteurs de passage. Le problème du personnel est sérieux, les jeunes Guadeloupéens considérant que se mettre au
service d’une clientèle est une manière
de retomber dans l’esclavage. Dans les
îles du Nord on a donc principalement
recours à de jeunes Métropolitains qui
font la saison balnéaire d’hiver avant de
revenir en France pour la saison d’été»
[Doumenge, 2000, p.102].
CONCLUSION
Les résultats économiques positifs de l’activité touristique en milieu insulaire sont indéniables, en dépit d’effets d’entraînement
finalement restreints sur les autres secteurs.
Cependant, les limites notées ci-dessus
poussent à s’interroger sur la viabilité, tant
environnementale que sociale, de ce mode
de croissance. Les déclarations et les documents officiels22 énoncent la nécessité de
mieux contrôler l’activité touristique pour
qu’elle soit davantage respectueuse de l’environnement insulaire et des cultures
locales. Toutefois, et en dépit d’une évidente prise de conscience collective, il s’agit
davantage de déclarations d’intention que de
véritables stratégies globales de développement à l’échelle de l’économie locale. Les
succès enregistrés, certes encourageants, ne
doivent pas se limiter à des actions ponctuelles ou isolées, mais tendre à intégrer
l’ensemble de la filière touristique dans une
approche de tourisme soutenable.
De notre point de vue, aux Antilles françaises, trop d’importance a été accordée au
tourisme dans sa capacité à promouvoir la
croissance économique. En effet, les départements français d’Amérique se situent dans
une zone très concurrentielle dans laquelle
ils ne semblent pas disposer d’avantages
comparatifs. De plus, l’activité touristique
est également marquée par une forte dépendance à l’égard de la Métropole. D’une part,
les touristes dans leur très grande majorité
viennent de l’Hexagone, ce qui signifie que
les Antilles françaises n’ont pas su s’ouvrir
au tourisme nord-américain. D’autre part, le
développement des infrastructures hôtelières
et aéroportuaires est la conséquence directe
des subventions et défiscalisations accordées
par la Métropole et l’Europe. L’essor de l’activité touristique s’inscrit donc dans le cadre
de la relation centre-périphérie, dans ce sens,
loin de promouvoir un développement plus
autonome, elle la renforce.
21 ANTIANE
sur le développement soutenable des petits États insulaires en développement (1994) ; la charte du tourisme
durable (1995) ; l’agenda européen des îles (1997) ; la
déclaration de Berlin sur la diversité biologique et le
tourisme durable (1997).
ÉCO, n°37, mai 1998, « L’hôtellerie première activité touristique », H.Henry.
22
La déclaration de Rio sur l’environnement et le développement (1992) ; la conférence des Nations-Unies
396
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