Droits d`auteurs et Internet.

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Droits d`auteurs et Internet.
DROITS D’AUTEUR ET INTERNET
Par Mme Selma Khaled
Enseignante à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis.
INTRODUCTION
« Les entreprises qui survivront demain sont celles qui encouragent la
créativité d’aujourd’hui.1 », c’est en effet dans le but d’inciter à la créativité
humaine que le monde célèbre chaque année le 26 du mois d’avril, la journée
mondiale de la Propriété Intellectuelle depuis 2001 sous l’égide de
L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
La créativité humaine est incontestablement l’un des piliers du
développement culturel, économique et social de chaque pays, c’est la raison
pour laquelle, elle avait depuis très longtemps suscité l’intérêt de plusieurs
législateurs, en effet depuis 1709-1710, le « Statut d’Anne » en Angleterre
(Statut of Anne) fut considéré comme la première loi sur les droits d’auteur2.
Cette loi avait pour objectif l’encouragement du savoir.
Le droit d’auteur branche indissociable de la propriété intellectuelle, a de
tout temps subi l’influence des évolutions technologiques et ne cesse de les
subir. De l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et la multiplication des
copies, à la révolution du 20ème siècle et l’avènement des nouvelles
technologies de la communication et de l’information ; avec la numérisation des
œuvres et leur dématérialisation les droits d’auteur passent par une période de
mutation considérable.
1
Zeldman M., Ingénieur Américain en sciences techniques.
2
Le statut d’Anne ou la loi sur les droits d’auteur, avait attribué les droits des copies de livres imprimés aux
auteurs de ces livres. V° Bertrand André R., Le droit d’auteur et les droits voisins, éd. Dalloz, Paris 1999, p. 29 ;
et Colombert C., Propriété littéraire et artistique et droits voisins, éd. Dalloz , Paris, 1990, p.2.
1
La dimension économique culturelle et sociale de la propriété
intellectuelle, a entraîné la mise en œuvre d’un arsenal législatif tant au niveau
national3 qu’International4. Influencés par la loi anglaise, les américains ont
reconnus aux auteurs le droit exclusif d’exploiter leurs écrits, pour une période
limitée dans le temps et ce dans un souci de promouvoir le progrès de la science
et des auteurs.5
En droit tunisien, les droits des auteurs ont fait l’objet d’une protection
depuis 1889.6 Les législations comparées ont à leur tour adopté des lois régissant
la propriété littéraire, tel est le cas par exemple pour le Danemark et la Norvège
(Ordonnance de 1741), l’Espagne (loi de 1762) etc…, ce n’est que vers la 2ème
moitié du XIXème siècle que les pays Européens se sont dotés de législation en
matière de droit d’auteur : 1886 la Suisse et la Belgique, 1847 l’Espagne, 1865
l’Italie etc…..
L’Invasion de la France par des ouvrages contrefaits imprimés en
Belgique vers 1850, a été à l’origine de la création d’une association littéraire et
artistique internationale présidée par Victor Hugo. Cette association avait
organisé en 1883 une réunion ; d’écrivains, artistes et éditeurs, de différents pays
à Berne ; qui a aboutit à la rédaction de l’avant-projet de la Convention de
Berne.
Le 9 septembre 1886, la première Convention Internationale sur le droit
d’auteur, vit le jour. Cette Convention fut complétée à Paris le 4/5/1896, révisée
à Berlin le 13/11/1908, complétée à Berne le 20 Mars 1914, révisée à Rome le
2/6/1928, à Bruxelles le 26/6/1948 à Stockholm le 14/7/1967 et à Paris le
24/7/1971 et modifiée le 28/9/1979. La Convention a pour objectif de protéger
3
Loi n° 1994-36 du 24-2-1994 relative à la propriété littéraire et artistique ; loi n° 2001-21 du 6/2/2001 relative
à la protection des dessins et models industriels ; Loi n° 2001-20 du 6/2/2001 relative à la protection des
schémas de configuration et des circuits intégrés; Loi n° 2001-36 du 17 avril 2001 relative à la protection s des
marques de fabriques de commerce et de services ;
4
Convention de Berne de 1886 ; Traité de Rome sur les droits voisins 1961
;
5
Art. 1 et 2 de la loi des 19-24 juillet 1793.
6
Loi du 15-6-1889, J.O.T. 1889, p. 185, cette loi fut remplacée par la loi n° 66-12 du 14-2-1966, JORT du 15-21966.
2
les œuvres littéraires et artistiques précisément : toutes les productions du
domaine littéraire scientifique et artistique quel qu’en soit le mode ou la forme
d’expression.
Face au développement des technologies de l’information et de
la
communication, il était impératif de protéger d’avantage les œuvres littéraires et
artistiques contre toute reproduction illicite, ainsi la protection internationale du
droit d’auteur se consolida encore plus par la création de l’Organisation
Mondiale de la Propriété Intellectuelle, instituée par la Convention de
Stockholm le 14/7/1967 (modifiée le 28/9/1979). D’après l’article 3 de la
Convention, le but de l’OMPI est : de promouvoir la protection de la propriété
intellectuelle à travers le monde par la Coopération des Etats, en collaboration
s’il y a lieu avec toute autre organisation. L’objet de cette convention était
d’aider les ressortissants des Etats parties à obtenir la protection Internationale
de leurs droits, d’exercer un contrôle sur l’utilisation de leurs œuvres originales
et de percevoir une rémunération à cet égard qu’il s’agisse de : de romans, de
nouvelles, de pièces de théâtre ; de chansons, d’opéras de comédies musicales,
de sonates ; ou de dessins de peintures de sculptures ou d’œuvres
d’Architecture.
Ayant déjà subi l’influence des technologies de communication telle que
la radiodiffusion, la télévision, le cinéma, la transmission des programmes
télévisés par satellite etc…, le droit d’auteur a pu facilement s’y adapter.
Toutefois, le rapport des droits d’auteur avec Internet, n’a pas eu le même
impact, qu’ont eu les autres moyens de communication, sur les droits en
question en raison de sa particularité7.
Etant définit comme « un ensemble de réseaux informatiques privés et
publics qui sont interconnectés entre eux grâce à un protocole de
7
Son caractère immatériel et International.
3
communication commun 8», plus concrètement Internet est un instrument de
communication et de transmission des informations, via un réseau informatique
dans un espace virtuel et sans frontières, cette technique de communication a
permis depuis des années de mettre à la disposition du public plusieurs œuvres
d’esprit protégeables par la législation sur les droits d’auteur : la loi du 24
février 1994 en droit tunisien relative à la propriété littéraire et artistique.
La particularité du rapport Internet droits d’auteur réside dans la
dimension
Internationale
de
ce
moyen
de
communication,
dans
la
dématérialisation que la mise en ligne des œuvres engendre et enfin dans la
rapidité de la diffusion et de la transmission de l’information.
Le passage de l’analogique au numérique a entraîné une dématérialisation
des œuvres qui classiquement étaient représentées grâce à un support matériel,
ce qui a suscité les critiques de certains juristes ; partagés en deux courants
doctrinaux : certains estiment que le droit d’auteur perd de sa consistance en
raison de l’impossibilité de localiser l’œuvre dans l’environnement numérique9 ;
d’autres estiment qu’il faut que le contexte juridique s’adapte aux nouvelles
technologies et que le droit d’auteur s’applique parfaitement sur le net du
moment qu’il existe une législation protégeant toute activité créative de
l’esprit.10
L’étude des droits d’auteur face à Internet revêt un intérêt certain11, dans
la mesure où elle permet d’une part, de mettre en relief les multiples atteintes
portées par l’utilisation du réseau Internet aux droits patrimoniaux et moraux
conférés à l’auteur d’une œuvre de l’esprit, elle permet d’autre part d’analyser
8
Le droit d’auteur, Rapport du groupe de Travail de l’Académie des Sciences Morales et Politiques, présidé par
Gabriel de Broglie, éd. PUF, Paris, 2001.
9
Ibidem, p. 3.
10
Jezequel C., Lemenicier A., Blin L., « La protection de la propriété intellectuelle face aux nouvelles
technologies de l’information et de la communication » in http://memeoireonline.free.fr; Thoumyre L., « La
protection des œuvres numériques sur Internet », www.juriscom.net;
11
V° Mezghani N.,« L’avenir du droit d’auteur dans l’environnement numérique (Internet) », in Mélanges en
l’honneur de Habib AYADI, éd.C.P.U., 2000, p. 649 et svts.
4
les possibilités offertes par les nouvelles technologies conjuguées avec les textes
en vigueur, pour une protection plus efficace des droits d’auteur.
La question qui se pose est alors celle de connaître l’étendu de l’impact
d’Internet sur les droits d’auteur.
Il convient d’analyser dans une première partie : la remise en cause des
droits d’auteur par Internet, et dans une deuxième partie : la promotion des
droits d’auteur grâce à Internet.
5
PREMIERE PARTIE : INTERNET REMET EN CAUSE LES DROITS
D’AUTEUR :
L’ubiquité d’Internet, sa dimension Internationale et la dématérialisation
qu’il engendre, marque son originalité par rapport à tout autre moyen de
communication ou de diffusion des œuvres de l’esprit.
La mise en ligne de certaines œuvres quelques soient leur forme
d’expression (des tableaux de peinture, des livres, des films, des chansons….) a
entraîné une remise en cause de certaines notions classiques du droit d’auteur
(A) et a par ailleurs remis en cause les droits reconnus aux auteurs sur leurs
œuvres (B).
A- La remise en cause de certaines notions :
Les notions fondamentales en droit d’auteur sont remises en cause par la
numérisation des œuvres, ainsi on atteste à un éclatement de la notion du public
(a) et à un élargissement de celle d’œuvre (b).
a- La notion de public :
La notion de public est souvent présente dans plusieurs domaines, ainsi on
parle de jardin public, de lieu public, de service public ou encore de charges
publiques, d’opinion publique et d’autorité publique etc.…12
En matière de droit d’auteur, la notion a une autre connotation13, elle est
intimement liée à l’exercice des droits que la loi confère à tout auteur d’une
œuvre originale, elle acquiert alors une importance particulière et joue par
conséquent un rôle déterminant en la matière.
Bien qu’employée à plusieurs reprises par le législateur dans la loi du 24
février 1994 ( on parle
d’accessibilité de l’œuvre au
public, d’exécution
12
Colin C., « Droit de la propriété intellectuelle et notion du public », V° www.edhec.com.
Latrive F., « Propriété Intellectuelle : l’irruption du public », Discours prononcé lors du colloque « la
propriété intellectuelle en question à Nantes », mis en ligne sur http:// www.freescape.eu.org.
13
6
publique, de communication au public, de lieu public…..), elle n’a fait l’objet
d’aucune définition légale.
Le dictionnaire Le petit Larousse défini l’expression « public » comme
étant tout ce qui « concerne la collectivité dans son ensemble ou qui en émane ,
est considéré comme public « tout le monde indistinctement, l’ensemble de la
clientèle et l’ensemble des personnes réunies dans une salle »14.
Par opposition au privé, il est signe d’ouverture et de divulgation. La
notion de public peut être rapprochée de celle de clientèle, toutefois si celle-ci
peut intégrer la notion du public, en matière de droit d’auteur elle ne peut se
confondre avec elle15.
Le contenu de la notion du public varie suivant les situations : dans un
concert musical, dans une pièce théâtrale, ou dans une projection
cinématographique le public est réuni dans le même lieu.
Cependant, la dématérialisation des œuvres et leur numérisation a entraîné
un changement dans la conception « classique » de la notion du « public ».
En matière d’Internet, le public est celui qui se trouve derrière son écran, celui
qui manipule son ordinateur sans pour autant être (nécessairement) et
physiquement présent devant l’auteur lors de la représentation de l’œuvre, la
dématérialisation du support a engendré une dématérialisation du « public » ;
Ainsi, la notion classique de « public » qui exigeait la présence physique de
personnes et leur réunion devant l’auteur n’est plus valable pour toutes les
circonstances, ce changement
n’est d’ailleurs par propre à Internet, il est
apparut suite la naissance de la technique de la radiodiffusion des œuvres
musicales. Internet, a donc consolidé et renforcé cette nouvelle conception du
public en contribuant à l’élargissement du concept.
14
Dictionnaire Le petit Larousse Illustré, 2000.
La notion de clientèle a une connotation économique, c’est celle qui va payer le prix d’une marchandise ou
d’un service, elle peut faire partie du public lorsque par exemple le spectateur achète un ticket pour regarder un
film cinématographique, en revanche le public peut ne pas contenir forcément une clientèle, exposition de
tableaux sans vente.
15
7
Le public dans le cadre d’Internet, est représenté par les internautes, c’est
à dire les utilisateurs qui manipulent leurs ordinateurs et qui auront l’occasion
de consulter les œuvres en ligne en cas d’une éventuelle connexion au site de
l’auteur ou
au site dans lequel l’œuvre est publiée ;
chacun devant son
ordinateur, ils ne sont pas nécessairement réunis au même endroit, ni forcément
présents au moment de la mise en ligne de l’œuvre, le public est ainsi dispersé et
potentiel.
On peut alors dire que la simple mise en ligne d’une œuvre crée un public
virtuel.
Le public telle que le soutien Mme Colin dans son étude, « n’a pas
besoin d’être réuni pour exister, ni physiquement présent il devient éclaté et
potentiel16.»
La notion classique du public en matière de droit d’auteur est
complètement bouleversée les critères ne sont plus les mêmes ; il convient alors
de prendre en considération l’influence d’Internet sur la conception et la
définition de la notion du public, car en admettant un élargissement de la notion
en admettrait par ricochet une protection plus efficace des droits d’auteur. En
effet, tout ce qui est relatif au public est du monopole de l’auteur, par contre ce
qui est du domaine privé échappe à l’auteur.
Face alors aux multiplications des tentatives d’usage illégitime et illégal
des œuvres protégées, qui portent inévitablement atteinte aux droits d’auteur, il
fallait étendre la notion du public.
Dans ce contexte un auteur considère que « la notion de public est
digérée par celle de privé en droit d’auteur17. »
La remise en cause ne concerne pas uniquement la notion de public elle
englobe aussi celle d’ « œuvre ».
16
17
Colin C., art pércit.
Colin C. , art. précit.
8
b-La notion d’œuvre :
D’après l’article premier de la loi de 1994 le droit d’auteur couvre toute
œuvre originale littéraire scientifique ou artistique etc…Ainsi afin de déterminer
le champ de la protection, le législateur cite à titre indicatif une liste d’œuvres de
l’esprit protégeables par le droit d’auteur. En consultant cette liste il apparaît que
les œuvres protégeables sont celles ayant historiquement bénéficié de la
protection par les législations sur les droits d’auteur, à l’exception du logiciel.
Sont susceptibles de protection toutes les œuvres littéraires ou artistiques
du moment qu’elles revêtent un caractère original, c'est-à-dire, contiennent une
empreinte de l’auteur permettant de les distinguer d’autres œuvres semblables,
il en est ainsi de toute œuvre écrite ou imprimée, des compositions musicales,
des
œuvres
créées
pour
la
scène,
des
œuvres
photographiques,
cinématographiques etc.…18
Toutefois, l’évolution des moyens technologiques et le recours à Internet
comme moyen de communication des informations, a entraîné une remise en
cause de la notion d’originalité de l’oeuvre d’une part et a d’autre part généré de
nouvelles formes d’œuvres qui a entraîné une remise en cause de la notion
classique d’œuvre de l’esprit et qui a contribué à introduire dans la liste des
œuvres protégeables citées par la loi, des œuvres nouvelles, du moment qu’elles
répondent aux conditions légales de protection, tel est le cas par exemple : du
site web et des éléments composants ce site.
- Concernant la remise en cause de la notion d’originalité, condition
nécessaire pour la protection de l’oeuvre par le droit d’auteur, elle a été suscitée
18
Edelman B., Propriété littéraire et artistique- Droit d’auteur- Nature du droit d’auteur- J.Cl. Propriété littéraire
et artistique, Fasc 1112, n° 99 : Définissant le caractère original de l’oeuvre la Cour d’Appel de Grenoble a en
date du 19 septembre 1989 considéré que « l’oeuvre originale est celle qui porte la marque de l’apport
intellectuel de l’auteur, c'est-à-dire celle dans la quelle on reconnaît un effort intellectuel personnalisé et un
caractère objectif de nouveauté….. »
9
relativement aux logiciels (et particulièrement lorsque ce dernier est mis en
ligne).
La jurisprudence française a eu à plusieurs reprises l’occasion de se
prononcer sur la protection des programmes d’ordinateurs par le droit d’auteur19
et a considéré dans ce contexte que le logiciel original n’est pas celui dans lequel
on retrouvera la marque de la personnalité de son auteur, mais celui qui relèvera
d’un minimum d’activité inventive20.En effet, la définition subjective de
l’originalité a été considérée comme inadaptée au caractère technique et
dématérialisé des logiciels surtout lorsqu’ils sont mis en ligne21.
- Concernant l’élargissement de la notion d’œuvre :
Les techniques informatiques ont fait naître de nouvelles formes
d’œuvres , il s’agit d’œuvres multimédia : associant un texte, des images fixes
ou animées, des sons, l’œuvre multimédia peut inclure le cinéma par exemple,
elle n’est donc pas réellement une œuvre nouvelle.
Ce qui est nouveau c’est l’utilisation de ces techniques dans le carde
d’Internet et le lien existant entre le multimédia et le numérique.22
La page web23 représente l’une des œuvres multimédia fruit de la combinaison
entre Internet et les techniques numériques. La création d’un Site Web suppose
un effort intellectuel et économique considérable, la protection de cette création
revêt en effet un intérêt certains pour les acteurs du monde virtuel.
Un site web est composé d’un ensemble de pages web, qui peuvent être
définies comme : « l’assortiment dans un écran de plusieurs objets : texte,
19
Cass. assemblée plénière 7 mars 1986, C.A. Paris 2-11-1982, Cass. 16-4-1991, citées par Lucas A., Propriété
Littéraire et Artistique- Objet du droit d’auteur , Oeuvres protégées -Logiciels- J-Cl Propriété Littéraire et
Artistique Fasc. 1160, p.8. ; Colin C., art. précit.
20
Lucas A., Ibidem, p. 10.
21
V° Bellefonds L.X., « Internet et le statut de l’information. Quelles règles du jeu ?», Gaz. Pal ., numéro
spécial, 1996, 2ème semestre, in Actes du colloque Internet organisé par ADIJ, des 15 et 16 avril 1996, P ;1071.
22
Lucas A., « Droit d’auteur & Multimédia », In Mélanges en l’Honneur de André Françon, éd. Dalloz, p. 325.
23
V° Khaddouja Ben Hamda Souid, Droits d’auteur et Internet, Mémoire DEA, Faculté des sciences juridiques
politiques et sociales de Tunis, 1999-2000, p. 34.
10
graphiques et liens hypertextes (des titres soulignés sur lesquels il suffit de
cliquer pour ouvrir une autre page web).»24
Les éléments constitutifs d’un site Internet, bénéficient de la même
protection que toute autre œuvre de l’esprit, du moment qu’ils revêtent un
caractère original. Il en est de même pour le site en lui-même en tant qu’œuvre
multimédia25.
D’une manière générale, toute œuvre créée par une technique
informatique
et mise en ligne est susceptible d’être protégée par le droit
d’auteur, il en est ainsi, des bases de données,26 lorsqu’elles sont accessibles via
le réseau Internet, ainsi que les logiciels mis en ligne.
La multiplication de nouvelles catégories d’œuvres susceptibles de
protection par le droit d’auteur a ainsi généré une remise en cause de la notion,
voire un éclatement de celles-ci, la notion d’auteur même se trouve atteinte, qui
a la qualité d’auteur dans le cadre d’une œuvre multimédia ou d’un site web plus
particulièrement ?
Le bouleversement est total en droits d’auteur, il s’étend aussi aux droits
moraux et patrimoniaux reconnus à l’auteur.
B- La remise en cause des droits conférés à l’auteur :
La numérisation des œuvres a considérablement influé la protection
conférée aux auteurs en portant atteinte à leurs droits. En effet, aussi bien le
droit patrimonial (a), que le droit moral s’en trouve touché (b).
24
V° Bellefonds X.L.,art. précit., p. 1072.
Le Tribunal de Com. 9/2/1998 (Cybiou/Qualstream) a attribué aux contenus de pages web le caractère
d’œuvre originale, œuvre protégeable par le droit d’auteur, v° (www.juriscom.net); V° Gautier P-Y., Propriété
littéraire et artistique, œuvres protégées- œuvre multimédia, J-Cl Propriété littéraire et artistique, Fasc. 1165 ; V°
aussi Strowel A. et Derclaye E., Droit d’auteur et numérique : logiciels, bases de données, multimédia- Droit
Belge, Européen et Comparé, éd Bruylant, Bruxelles, 2001.
25
26
En droit français, l’art. L.112-3 du code de la P.I. définit la base de données comme un : « un recueil d’œuvres,
de données ou d’autres éléments indépendants disposés de manière systématique ou méthodique et
individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ».V° dans ce sens Bertrand
R. André, op.cit., p. 521 et svts sur les bases de données et le droit d’auteur ; Gaubiac Y., Propriété littéraire et
artistique – Œuvres protégées – œuvres créées avec un ordinateur, J-Cl Propriété littéraire et artistique, Fasc
1164 .
11
a- Le droit patrimonial :
Ce droit consiste à accorder à l’auteur un droit exclusif
pour
l’exploitation de son œuvre. L’article 9 de la loi de 1994 reconnaît à l’auteur un
droit patrimonial, qui comprend essentiellement le droit de représentation, le
droit de reproduction.
La représentation de l’œuvre au public peut se faire de deux manières :
directement, il s’agit d’une représentation directe de l’œuvre devant un public
par exemple : la présentation d’une pièce théâtrale ou d’une œuvre musicale. Ou
indirectement, par l’utilisation d’un
support tels que les disques,
les
projections, émissions de radio ou encore via Internet, puisque le législateur
admet à l’article 2 de la loi, que la représentation de l’œuvre soit faite par tout
moyen transmetteur de signes, de sons ou d’images. La diffusion rapide de
l’information et des œuvres à travers les différents sites que permet ce moyen
de communication, assure une représentation indirecte de l’œuvre à un public
virtuel27.
Cependant, face à Internet la conception du droit de représentation a
changée. L’œuvre n’est plus en effet, présentée directement au public ou par un
support matériel, celle-ci est désormais présentée sous forme dématérialisée. Il
est en effet incontestable que la numérisation des œuvres permet sa
communication par télédiffusion28. La mise à la disposition d’œuvres de l’esprit
via Internet constitue alors un acte de représentation qui ne peut être effectué
que par l’auteur ou avec son autorisation, étant donnée qu’il s’agit d’une
communication de l’œuvre. Ainsi, la mise en ligne d’une œuvre sans
l’autorisation de son auteur est considérée comme une violation de son droit de
représentation.
27
28
Art 2 loi 24-2-1994 définit le droit de représentation.
Jezequel C., Lemenicier A., Blin L., art. précit.
12
La reproduction de l’œuvre implique sa fixation matérielle par tout
procédé, donc même par un procédé numérique tel que sa diffusion par Internet.
La numérisation
pose un problème quant à sa qualification, peut-on
la
considérer comme un acte de reproduction ?
Certains auteurs pensent qu’il s’agit d’une reproduction puisque le
chargement de celle-ci sur la mémoire d’un ordinateur et son stockage constitue
un acte matériel de reproduction. Cette idée se confirme par les dispositions de
l’article 1 er du traité de l’OMPI du 20-12- 1996 sur les droits d’auteurs qui
prévoit que : le droit de reproduction cité à l’article 9 de la convention de Berne
s’applique à l’environnement numérique en particulier l’utilisation des œuvres
sous forme numérique.
Ainsi, la numérisation des œuvres29 et leur mise en ligne sont considérés
comme des actes de reproduction au sens du droit d’auteur. Toutefois, la
difficulté pratique réside dans le fait que le stockage des informations sur une
mémoire d’un ordinateur est à la fois parfait définitif et reproductible à l’infini.
L’atteinte au droit de reproduction ne se limite pas à la mise en ligne sans
l’autorisation de l’auteur, mais s’étend aussi à la multiplication des copies et à la
facilité de reproduction d’œuvres protégées, d’où certains auteurs parlent de
clonage des oeuvres30
Il est à noter que l’influence du numérique sur les deux droits : celui de la
reproduction et de la représentation tend à supprimer les frontières existantes : la
technique permet de dématérialiser le support (le droit de représentation) et de
multiplier à l’infini le nombre de représentations et de reproductions.
Les frontières entre le droit de représentation et le droit de reproduction
s’estompent, avec la mise en ligne d’œuvres protégées, c’est la raison pour
29
La numérisation est définie comme étant la transformation de données analogiques en données binaires, voir
Jezequel C., Lemenicier A., Blin L., art. précit.
30
Le droit d’auteur et Internet, Rapport du groupe de travil de l’Académie des sciences morales et politiques,
précit., p. 19.
13
laquelle on parle de « communication » de l’œuvre plutôt que de sa
représentation. Toutefois, les reproductions strictement réservées à « l’usage
privé du copiste », ne représentent pas une violation du droit d’auteur, ce sont en
effet des exceptions, tolérées. C’est dans ce contexte que le législateur français
est intervenu afin de limiter avec précision les exceptions aux droits d’auteur
dans l’environnement numérique avec la promulgation de la loi du 1er Août
2006 relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de
l’Information.
Cette loi prévoit par ailleurs une répression sévère des atteintes au droit
moral de l’auteur.
b-Le droit moral :
C’est un droit perpétuel est inaliénable qui confère à l’auteur un droit de
divulgation, un droit de paternité et un droit à l’intégrité de l’oeuvre.
Ainsi, tout auteur d’œuvre protégée peut en interdire toute altération ou
modification, il peut par ailleurs exiger que son nom soit indiqué sur toutes les
reproductions.
La protection ainsi conférée par la loi n’est pas toujours évidente, les
violations se multiplient surtout lorsqu’il s’agit d’une œuvre mise en ligne,
l’évolution des techniques informatiques permet un usage illicite des œuvres
numérisées qui échappe au contrôle de l’auteur
En effet, le droit de divulgation est atteint, quand la mise en ligne est une
nouvelle publication, faite sans l’autorisation de l’auteur sur le réseau Internet,
ce dernier est seul maître de la décision de diffuser ou de ne pas diffuser son
œuvre. Ce droit est doublement atteint, lorsque l’œuvre publiée sur un support
papier, est scannée et mise en ligne, c'est-à-dire numérisée, sans l’autorisation
de son auteur.
14
En outre, Internet risque de fragiliser le droit de paternité de l’auteur,
l’œuvre peut être en effet, reproduite à l’infini, sans que sa mise à la disposition
du public ne soit accompagnée du nom de l’auteur.
Quant au droit au respect de l’œuvre, il n’est pas à l’abri des menaces de
l’Internet, par sa numérisation et sa mise en ligne, l’œuvre est reproduite,
modifiée et manipulée et transformée qu’il s’agisse d’un texte, d’une image, ou
même d’une chanson, ce qui a pour conséquence de créer une confusion entre
l’originale et la copie. L’œuvre est ainsi dénaturée, détournée sinon
complètement « défigurée ». Grâce à la technique du copier coller, Internet a
facilité le mixage des œuvres. Le retrait de l’oeuvre de la circulation risque de
ne pas pouvoir être effectif, car celle-ci ayant déjà été copiée et reproduite, elle
échappe à son auteur.
Les atteintes ainsi portées aux droits d’auteur par le réseau Internet sont
très importantes et d’un impact considérable sur l’évolution de la créativité elles
risquent
de dissuader
les auteurs
de recourir aux technologies de
communication tel qu’Internet afin de diffuser leurs œuvres. La multiplication
de contrefaçons et d’actes de piraterie a fait naître une nouvelle forme de
criminalité c’est ce qu’on a convenu d’appeler cybercriminalité31.
Pour une protection plus efficace des auteurs et de leurs droits et afin de
marier la créativité avec
numériques ont grâce
les nouvelles technologies ; les techniques
à un effort législatif national et International
considérable ; créées des mesures de protections des droits d’auteur d’œuvres
numérisées.
31
V° pour plus de détails : Chawki M., « Essai sur la notion de cybercriminalité », www.ihei.org; Féral-Schul
C., Cyber droit- Le droit à l’épreuve d’Internet, 3ème 2d. Dalloz, Paris, 1999, p.41 ; Thoumyre L., « la protection
des œuvres numériques sur Internet », www.juriscom.net; Wekestein I., Droits voisins du droit d’auteur et
numérique, éd. Litec, Paris, 2002, p. 93 et svts.
15
II- INTERNET AU SERVICE DE LA PROMOTION DES DROITS
D’AUTEUR
Etant un moyen de communication servant à faire circuler les
informations via un réseau, Internet contribue grâce à des particularités qui lui
sont propres de faire diffuser l’information, les moyens techniques utilisés
permettent par ailleurs aux auteurs d’assurer une sécurité pour leurs œuvres
(A) ; d’autre part, l’impact d’Internet sur les droits d’auteur et les atteintes
portées, ont suscité l’intérêt de plusieurs acteurs : législateurs , organisations
internationales
et même professionnels qui viennent au secours des droits
d’auteur afin de les promouvoir par l’amélioration du dispositif législatif
existant (B).
A- La diffusion et la sécurité des œuvres sur Internet :
Internet permet incontestablement de diffuser les œuvres de l’esprit que
les auteurs ont choisis de mettre en ligne, toutefois malgré les risques
d’utilisation illicite et de contrefaçon, cette diffusion n’est pas incontrôlée.
* Aucun moyen de communication n’a permis d’assurer une si grande
diffusion des informations et des données. En effet, la rapidité et l’universalité
du réseau permettent de faire une publicité de l’oeuvre, de la porter à la
connaissance du public au delà des frontières nationales.
La rapidité et la facilité de diffusion apparaissent, à travers la simplicité
dans l’utilisation d’informations ou d’œuvres mises en ligne, il suffit de cliquer
pour
pouvoir accéder en quelques secondes aux données que l’internaute
recherche. L’utilisation d’Internet, fait alors gagner beaucoup de temps et
permet par conséquent à l’auteur de faire connaître son œuvre le jour même où il
a achevée sa création, aux internautes se trouvant aux quatre coins du monde.
Le caractère International que revêt Internet est aussi marqué par la
circulation de l’œuvre sans limitation de frontières, elle est accessible à tous
16
n’importe où dans le monde et au même moment, Internet s’affranchit ainsi des
distances et du temps. Ceci permet d’attribuer à l’oeuvre un caractère universel,
ce qui n’était pas aussi évident pour les autres moyens de représentation et de
reproduction.
Etant diffusée rapidement et internationalement, l’oeuvre en ligne jouie
d’une publicité internationale, ce qui permet de la promouvoir.
* La protection des droits d’auteur a entraîné la mise à la disposition des
titulaires des droits, des moyens leur permettant de sécuriser leurs œuvres afin
d’éviter tout acte de piraterie ou de contrefaçon.
Ainsi, les nouvelles technologies servent de moyen de promotion des
droits d’auteur et contribuent à son développement. A cet effet, des techniques
informatiques, ont été instaurées par les informaticiens afin de pallier les
difficultés de protection que fait naître la pratique. Ces techniques de protection
permettent ainsi
à des niveaux différents de garantir l’authentification, et
l’intégrité de l’œuvre, dans ce contexte que la loi a réglementé la signature
électronique, la cryptographie ou cryptage, elle a par ailleurs mis à la charge des
fournisseurs de service une obligation de sécurité et de confidentialité qui
devrait permettre de protéger les œuvres diffusées via Internet.
- La signature électronique : « elle consiste à apposer de la propre main
du contractant, un nom ou un signe spécial intégré à l’écrit auquel il se
rapporte. Lorsque la signature est électronique, elle consiste en l’utilisation
d’un procédé d’identification fiable garantissant le lien entre la dite signature et
le document électronique auquel elle se rattache.32 »
32
Article 453 du code des obligations et des contrats modifié par la loi n°2000-57 du 13 Juin 2000 alinéa 2
nouveau.
Afin de concrétiser et de garantir cette fiabilité du procédé utilisé et dans le but de s’assurer de la réalité de la
signature électronique des transactions faites via Internet, le législateur tunisien a déterminé à travers l’Arrêté du
Ministre des technologies et de la communication daté du 19/7/2001 les données techniques relatives aux
17
La signature, permet grâce aux multiples exigences légales imposées et
prévues pour l’obtention d’un certificat électronique, d’identifier le signataire.
En effet, l’article 4 de l’Arrêté du 19/7/200133 prévoit que les certificats sont
utilisés pour la réalisation des opérations suivantes : « - l’identification de son
titulaire – l’attestation de la réalisation d’une transaction ainsi que la fixation
de sa date et de son horaire – la réalisation des opérations de commerce
électronique. »
Ainsi, l’auteur peut apposer une signature électronique sur l’oeuvre qu’il
met à la disposition du public via Internet ce qui permettra de garantir son
authenticité ainsi que son intégrité.
Ce dispositif de protection a été aussi adopté en droit comparé tel que le
droit français, par la loi du 13 mars 200034 et en droit américain par le E- sign
Act du 30 juin 2000 qui a légalisé la signature électronique à l’échelle fédérale
des Etats-Unis35.
Le cryptage36, représente aussi un moyen de protection des œuvres mises
en ligne, il s’est considérablement développé, permettant de rendre une
communication parfaitement indéchiffrable.
Il a fait l’objet d’une définition légale en droit tunisien, l’article 2 de la
loi du 9 Août 2000 relative aux échanges et au commerce électronique, prévoit
qu’il consiste en « l’utilisation de codes ou de signaux non usuels permettant la
conversion des informations à transmettre en des signaux incompréhensibles
aux tiers ou l’utilisation de codes et de signaux indispensables à la lecture de
l’information. »
certificats électroniques et leur fiabilité auxquels doivent se conformer les fournisseurs de services de certificat
électronique ayant obtenu l’autorisation d’exercer cette activité, de l’Agence Tunisienne de Certification
conformément aux dispositions de l’article 11 de la loi relative aux échanges et au commerce électronique du
9/8/2000.
33
Arrêté du ministre des technologies de la communication du 19/7/2001, fixant les caractéristiques techniques
du dispositifs de création de la signature électronique, JORT du 27/7/2001, n°60.
34
Cette loi est une transposition de la directive de la communauté européenne du 13-12-1999.
35
V° Féral-scuhl C., op.cit, p . 204.
36
Pour plus de détails voir Breese P. , op.cit., p . 320 et svts.
18
Le
système d’IBM nommé « cryptolopes » propose un système de
cryptage et de signature électronique pour assurer la protection des droits
d’auteur lors de la distribution des contenus.37
D’autres mesures techniques de sécurité ont été prévues à cet effet permettant
d’identifier l’œuvre, l’identifiant est placé à l’intérieur du fichier numériquement
représentatif de l’œuvre au moyen de deux techniques possibles : l’étiquetage et
l’aquamarquage (watermarking).
La première, consiste à placer dans la partie initiale du fichier une
information donnant la valeur de l’identifiant selon une convention de codage.
Cet identifiant sera alors utilisé comme un lien vers une base de données
alimentée par les titulaires des droits. (Organisations Internationales des
titulaires de droits).
La deuxième consiste à opposer une marque codée par exemple sur une
image en la rendant invisible38.
Dans l’objectif de consolider et de renforcer ces mesures de protection,
l’article 12 du traité de l’OMPI sur les droits d’auteur interdit de toucher
l’identifiant. L’identification permet ainsi d’immatriculer l’œuvre et de garantir
la conservation et l’utilisation légales des données fournies39.
Outre l’intérêt porté par les techniques informatiques et numériques et la
protection qu’elles confèrent aux droits d’auteur, Internet a permis d’attirer
encore plus l’attention des acteurs nationaux et Internationaux quant à la
37
Les cryptolopes consistent en des conteneurs englobant des informations, des logiciels ou des produits au
sein d’une enveloppe chiffrée, l’enveloppe est envoyée avec la description du contenu de l’objet commandé, un
système de signatures électroniques permettant d’identifier l’expéditeur et le destinataire, ainsi qu’ un
formulaire d’achat. Après avoir accepté les conditions d’usage, le client recevra un récépissé ; le centre de
gestion des droits lui enverra également une clé destinée à ouvrir le conteneur. L’acheteur pourra reproduire et
distribuer les cryptolopes à des tiers, mais ces derniers ne seront autorisés à accéder au contenu qu’après avoir
effectuer une requête auprès du centre de gestion des droits, V° Thoumyre L., art.précit.
38
V° Le droit d’auteur et l’Internet, Rapport du groupe de travail de l’Académie des Sciences morales et
politiques, précit, spécialement : les protections techniques anti-piratage.
La technique de l’aquamarquage est utilisée surtout pour les photographies.
39
V° Le droit d’auteur et l’Internet, Rapport du groupe de travail de l’Académie des Sciences morales et
politiques, précit, spécialement : les mesures techniques de protection, l’identification des œuvres.
19
nécessité de réprimer les infractions aux droit d’auteur et d’harmoniser les
différentes législations pour un meilleur avenir de la propriété littéraire.
B- L’intérêt National et International accordé aux droits d’auteur :
- A l’échelle nationale :
La loi du 24 février 1994 représente un cadre juridique favorable à la
protection des auteurs ainsi que de leurs œuvres. L’avènement d’Internet a accru
cette protection dans la mesure où le législateur tunisien a mis en œuvre des
mesures techniques visant à renforcer la protection des données informatisées
destinées à circuler à travers le réseau Internet.
Outre la modification du code des obligations et des contrats et
l’admission de la signature électronique et du document électronique comme
moyen de preuve de toute opération accomplie sur le net, il a crée par la loi du 3
février 2004 relative à la sécurité informatique l’Agence Nationale de la Sécurité
Informatique, qui compte parmi ces fonctions d’assurer la veille technologique
dans le domaine de la sécurité informatique et d’établir des normes spécifiques
à la sécurité informatique, ainsi que d’ oeuvrer à encourager le développement
de solutions nationales dans le domaine de la sécurité informatique et à les
promouvoir, conformément aux priorités et aux programmes qui seront fixés par
l'agence40.
L’instauration de cette Agence et le rôle considérable qu’elle joue dans le
domaine de la protection des données et informations numérisées, permettra
incontestablement de protéger les œuvres en ligne et d’en faire contrôler tout
usage illicite.
40
Article 3 de la loi n° 2004-5 du 3/2/2004 relative à la sécurité informatique, JORT N° 10 du 3/2/2004, p. 242
et 243.
20
Par ailleurs, devant la propagation de la fraude informatique et de la
cybercriminalité et dans l’objectif d’adapter la législation tunisienne au contexte
International, le Code pénal a été modifié, prévoyant des sanctions pénales
visant à réprimer toute fraude quelque soit le moyen utilisé.
Ainsi prévoit-il à l’article 199 troisièmement un emprisonnement d’un an
et d’une amende de deux
mille dinars, toute personne qui modifierait le
contenu de documents informatiques ou électroniques, lorsqu’il a causé en
agissant de la sorte un dommage à autrui. La personne qui détiendrait ou
utiliserait intentionnellement ces documents sera punie par la même sanction.
Cette modification du code pénal en 199941, témoigne de la volonté du
législateur de réprimer la fraude informatique et les multiples violations qui
touchent les droits en question y compris les droits d’auteur, cette disposition
constitue en effet un moyen de dissuasion de tout usage illicite des œuvres
numérisées.
Quand bien même n’ayant pas trait directement aux droits d’auteur, ces
dispositions légales démontrent que les modifications et les apports législatifs en
matière de sécurité informatique et de répression pénale des fraudes commises
en ligne
et dont la promulgation a été exigée par l’invasion d’Internet,
permettent de promouvoir les droits des auteurs d’œuvres numérisés et de les
protéger à l’échelle nationale.
Cette promotion à l’échelle nationale se trouve consolidée par la multiplication
des efforts Internationaux
en vue de leur assurer une protection face aux
multiples atteintes dues à leur mise en ligne.
- A l’échelle Internationale :
*La meilleur illustration de la promotion des droits d’auteur qu’à permis
Internet, apparaît à travers les deux traités adoptés par l’OMPI en date du 20
41
Art 199 ter C P. ajouté par la loi n° 99-89 du 2-8-1999.
21
décembre 1996: l’un relatif aux droits d’auteurs et l’autre aux droits des artistes
interprètes ou exécutants et les producteurs des phonogrammes, appelés traités
Internet.
Le traité relatif aux droits d’auteur tend à renforcer la protection des
auteurs sur leurs œuvres quant à leur distribution et leur communication au
public ainsi qu’à l’accès aux œuvres en ligne (article 12 du traité).
Ce traité reconnaît par ailleurs aux auteurs des logiciels et des bases de
données une protection de leurs œuvres, il leur reconnaît à travers l’article 8 un
droit exclusif d’autoriser la communication au public de leurs œuvres avec ou
sans fil. Ils, obligent enfin les Etats contractants à prévoir des mesures
sanctionnatrices
contre la neutralisation et le contournement des mesures
techniques de protection, ainsi prévoit-il l’interdiction d’effacer le tatouage ou
le marquage électronique des œuvres.
C’est dans ce contexte que le législateur français a adopté la directive
européenne 2001/29 du 22/5/ 2001 relative à l’harmonisation de certains aspects
du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information ; par la loi
du 1 août 2006 relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société de
l’Information42 modifiant ainsi les dispositions du code de la propriété
intellectuelle; Cette loi a instauré une protection des œuvres numérisées et a
exigé un dépôt légal de ces œuvres . Par ailleurs elle a précisé les exceptions aux
droits d’auteur et renforcé la répression de toute violation de ces droits.
Le rôle de l’OPMI s’étend aussi aux manifestations mondiales qu’elle
organise pour la promotion de la propriété intellectuelle et son adaptation aux
évolutions technologiques, c’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a été organisé le
troisième congrès mondial de lutte contre la contrefaçon les 30 et 31 janvier
2007 qui a permis à de hauts fonctionnaires, des chefs d’entreprises et des
42
V° Dusollier S., Droit d’auteur et protection des œuvres dans l’univers numérique, Collection Création
Information Communication, éd. Larcier, Bruxelles, 2005, p.34 et svts ; V° aussi Dossier Le nouveau droit
d’auteur au lendemain de la loi du 1er août 2006, Recueil DALLOZ, cahier Droit des affaires du 14/9/2006, N°
31/7260.
22
groupes de consommateurs de traiter la question des conséquences
profondément dévastatrices de la contrefaçon et du piratage et leurs retombées
économiques et sociales.
* Les accords de l’OMPI avec l’Organisation mondiale du commerce,
relatifs aux aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce (ADPIC), fixent parmi leurs objectifs la protection et le respect des
droits de la propriété intellectuelle qui devrait contribuer à la promotion de
l’innovation et de la technologie, la protection s’étend aussi aux droits voisins.
* D’autre part , la création et le renforcement du rôle des associations et
des organisations mondiales dans le domaine de la propriété intellectuelle
permet de mettre l’accent sur la promotion de la matière des droits d’auteur
grâce à Internet ; ainsi la création d’une association internationale de protection
des logiciels contre le piratage et la contrefaçon la Business Software Alliance
en témoigne, en effet, celle-ci joue un rôle important dans le cadre de la
protection des logiciels et de leurs auteurs et des entreprises créatrices. Les
logiciels sont l’une des technologies les plus stratégiques de la société de
l’information. Ils permettent de faire fonctionner l’ensemble de la chaîne, des
ordinateurs jusqu’à Internet. Malheureusement, les copies que les ordinateurs
permettent de réaliser assez facilement en quelques secondes, la contrefaçon de
logiciel est largement répandue, la fraude est omniprésente, à la maison, à la
faculté, dans les entreprises et au sein des administrations. Les pirates de
logiciels volent non seulement les entreprises créatrices de logiciels, mais avec
la diminution des budgets réservés à la recherche et au développement de
nouveaux logiciels, ce sont aussi tous les utilisateurs qui en subissent les
conséquences.
Pour lutter contre toutes ces fraudes quelque soient leurs formes, les
efforts des différentes parties se sont regroupés tant au niveau national
23
qu’International, les textes récents visent à réprimer et à sanctionner sévèrement
la fraude Internet qu’il s’agisse d’une contrefaçon ou d’un piratage le traité anti
cyber- criminalité en est la preuve.
* L’adoption du conseil de l’Europe d’une convention
anti-
cybercriminalité, en date du 23 novembre 2001 à Budapest, illustre par ailleurs
l’intérêt qu’a suscité Internet quant à la nécessité de protéger les droits d’auteur,
en effet cette convention prévoit des mesures protectrices de la propriété
intellectuelle et droits connexes et sanctionne toute atteinte à ces droits. Ainsi,
l’article 10 considère que les violations aux droits d’auteur tels que prévus par
la convention de Berne constitue, par l’Accord sur les aspects commerciaux des
droits de propriété intellectuelle et du traité de l’OMPI sur la propriété
intellectuelle, à l’exception de tout droit moral conféré par ces conventions,
comme infraction pénale lorsque de tels actes sont commis délibérément, à une
échelle commerciale et au moyen d’un système informatique. La même règle est
prévue pour les droits connexes aux droits d’auteur par application de la
convention de Rome.
*Enfin, en date du 17 avril 2007 le directeur général du moteur de
recherche Google a annoncé la présentation d’un outil de protection des droits
d’auteur qui devrait permettre aux propriétaires de vidéos de savoir
instantanément si des diffusions illégales sur le site ont lieu43.
La mobilisation de tous ces efforts et la promulgation d’une législation de
plus en plus protectrice des droits d’auteur, témoignent l’impact positif
d’Internet et son rôle considérable dans la promotion de la propriété
intellectuelle malgré les risques qu’il présente.
43
www.lefigaro.fr du 18/4/2007.
24
CONCLUSION
- Les droits d’auteur ont été sensiblement remis en cause par l’avènement
d’Internet et des nouvelles technologies de communication, toutefois cet
impact n’est pas aussi néfaste, ni négatif, que l’on pense, en effet, ce moyen
de communication et de transmission des données, contribue nécessairement
à l’évolution de la matière et au renforcement de la protection des droits en
question.
- Quant à la législation tunisienne en vigueur, elle contient des règles assez
protectrices des droits d’auteur, des règles qui restent cependant obsolètes
dans certaines circonstances, d’où la nécessité de l’adapter aux évolutions
technologiques et aux mesures internationales techniques et juridiques visant
la protection des droits d’auteur et des droits connexes, ainsi que la
répression des atteintes à leurs droits. Espérant alors que le projet de
modification de la loi 24 février 1994 puisse combler les insuffisances
actuelles.
- Pour assurer un équilibre entre le droit de l’auteur sur son œuvre et le droit au
libre accès à la culture appartenant à tout citoyen, il faudra concevoir les
droits d’auteur et leur protection comme un critère de développement
socioculturel.
Pour finir à l’instar de ce que disait le professeur Josserand concernant
l’influence que subissent les règles de droit par les développements
économiques, je dirai que le numérique bouscule le juridique lui impose sa loi et
le façonne à son image, c’est pour cette raison que le droit de la propriété
intellectuelle doit répondre aux exigences des nouvelles technologies et s’ y
adapter avec respect de l’auteur des droits des utilisateurs, droit qui ne doit pas
être abusivement exercé, tenant compte des exceptions faites aux droits d’auteur
visant à promouvoir la liberté d’expression, telle que celle de la copie privée.
25