Le droit de l`enfant dans la recherche clinique

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Le droit de l`enfant dans la recherche clinique
Le droit de l’enfant dans la recherche clinique
Stéphanie Gorde
Hémato-oncolgie pédiatrique, Hôpital Américain, CHU Reims
La recherche biomédicale est une recherche organisée et pratiquée sur l’être humain en
vue du développement des connaissances biologiques ou médicales.
La recherche est encadrée par une législation très précise : loi Huriet-Sérusclat
modifiée, décret de la commission européenne, déclaration d’Helsinki, guides de bonnes
pratiques cliniques, permettant de garantir le respect de la personne, la pertinence et la
qualité des recherches.
Pourtant, la recherche en pédiatrie reste très spécifique et est basée sur un triangle
relationnel enfant/ parents/ soignants. Dans ce contexte très particulier de l’enfant,
comment la loi est-elle appliquée ? Quels sont les droits de l’enfant en recherche
clinique ?
Ces droits sont avant tout basés sur les règles émises par les textes de loi que nous
rappellerons ci-dessous. Pourtant ces lois restent parfois difficiles à appliquer.
Comment respecter l’autonomie et les choix de l’enfant malade parfois très jeune alors
qu’il reste aux yeux de la loi au quotidien représenté par ses tuteurs ?
Comment impliquer l’enfant dans les décisions sans aller au-delà de ses capacités de
compréhension ou sans trop le responsabiliser ?
Nous essaierons de répondre à ces questions afin d’apporter une éventuelle aide aux
soignants et aux parents confrontés à ces situations.
Enfin nous aborderons le délicat sujet de la recherche clinique pédiatrique en fin de vie.
Stéphanie Gorde, mai 2010 ©
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L’enfant, c’est-à-dire tout sujet de moins de 18 ans, est reconnu par la loi comme étant
un être vulnérable et devant être particulièrement protégé. Les principes de la protection
de l’enfant ont été établis dans le cadre de la Convention des Nations-Unies pour les
droits de l’enfant ratifiée par la France le 8 août 1990, et ayant de ce fait une valeur
légale dans notre pays dont voici deux extraits :
Article 3.2
« Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires
à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou
des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les
mesures législatives et administratives appropriées. »
Article 24.1
« Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé
possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation. Ils s’efforcent de
garantir qu’aucun enfant ne soit privé du droit d’avoir accès à ces services. »
Quant au terme « recherche », il désigne un ensemble d'activités permettant d'acquérir
un savoir ou à l'enrichir. En accolant le terme « biomédicale » au terme « recherche »
on indique qu'il s'agit d'une recherche menée sur l'être humain dans le domaine de la
santé. On parle aussi de recherche clinique. Le progrès concernant les soins médicaux
et la prévention des maladies dépend de la bonne compréhension des processus
physiologiques mais aussi de l'analyse des résultats d'études épidémiologiques ou
d'essais thérapeutiques impliquant des sujets humains.
La collecte, l'analyse et l'interprétation des informations obtenues grâce à la recherche
impliquant des sujets humains contribuent à l'amélioration de la santé humaine.
La recherche clinique est souvent synonyme dans l'esprit du grand public d'essais de
médicaments ou de nouveaux dispositifs médicaux. Certes cet aspect de la recherche
clinique est une partie essentielle nécessaire aux développements des traitements et
produits de santé mais elle comporte aussi d'autres aspects tout aussi essentiels :
− la comparaison de plusieurs stratégies médicales permettant de déterminer la plus
efficace ou la mieux tolérée
− l'étude biologique, biochimique, génétique de tissus humains permettant de
comprendre les mécanismes moléculaires ou cellulaires impliqués dans les pathologies
humaines
− l'observation épidémiologique de cohorte cherchant à découvrir des facteurs de risque
environnementaux, génétiques...
Dans le cadre des essais thérapeutiques, on peut distinguer deux grands groupes
d'études: les études dites « non-interventionnelles » ou les études dites
« interventionnelles ou cliniques » :
− Les études « non-interventionnelles » consistent à suivre des groupes homogènes de
patients traités selon des protocoles thérapeutiques bien établis. Ces études permettent
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de comparer des résultats en terme de survie, rechute ou toxicité. Ce sont des recherches
pour lesquelles la stratégie médicale destinée à une personne qui se prête à la recherche
n'est pas fixée à l'avance par un protocole et relève de la pratique courante.
− Les études « interventionnelles ou cliniques » sont aussi appelées essais
thérapeutiques. Elles peuvent être divisées en quatre phases généralement se succédant :
•
Etudes de phase I : elles sont très rares en pédiatrie. Leur but principal est de
définir la dose recommandée pour un nouveau médicament. Elles permettent
surtout d'évaluer la tolérance d'un nouveau traitement.
•
Etudes de phase II : elles portent sur un nombre limité de patients et permettent
d'évaluer l'efficacité d'un nouveau traitement ou d'une nouvelle association de
médicaments.
•
Etudes de phase III : elles portent sur un nombre important de malades et
permettent de comparer l'efficacité de différents traitements, généralement en
comparant une nouvelle stratégie thérapeutique à un traitement considéré comme
le traitement de référence.
•
Etudes de phase IV : celles-ci concernent généralement des médicaments ayant
déjà obtenus une autorisation de mise sur le marché. Elles permettent de déceler
d'éventuels effets indésirables rares.
La recherche clinique en pédiatrie sur le plan pratique comporte de nombreuses
difficultés. La physiologie de l'organisme de l'enfant est très particulière. De plus, les
maladies pédiatriques sont très différentes des maladies de l'adulte et concernent un
nombre de cas restreints rendant difficiles le recrutement et le suivi des enfants malades.
Ces difficultés concernent aussi le développement des médicaments pédiatriques. En
effet, l’absence de médicaments spécifiquement conçus et mis au point pour répondre
aux besoins thérapeutiques de la population pédiatrique est un problème de dimension
internationale. Actuellement plus de 50% des médicaments prescrits aux enfants n’ont
pas été étudiés et autorisés à cet effet. Il semblait donc nécessaire d’encourager les
laboratoires pharmaceutiques à développer leur étude pédiatrique. Afin de stimuler la
production des médicaments à visée pédiatrique, l’Union Européenne a donc émis une
directive en 2006 (Règlement n° 1901/2006 du Parlement européen et du conseil du 12
Décembre 2006). Par ce règlement, l’Union Européenne envisage d’améliorer la santé
et la qualité de vie des enfants en garantissant des médicaments pleinement adaptés à
leurs besoins spécifiques. Les objectifs de cette directive sont avant tout d’intensifier le
développement des médicaments à usage pédiatrique, en offrant toutes les garanties
éthiques et sans soumettre les enfants à des essais cliniques inutiles. L’institution d’un
comité pédiatrique au sein de l’Agence Européenne des Médicaments (EMEA)
constitue un des éléments clé de ce règlement.
De plus, les enfants continuent d’être exposés à des maladies sans pouvoir profiter des
mêmes avancées technologiques que les adultes qu’ils s’agissent de maladies purement
pédiatriques ou bien de maladies pouvant toucher tous les âges de la vie.
C’est le cas des cancers de l'enfant qui restent des maladies rares. Les progrès
thérapeutiques dans ces pathologies rares nécessitent donc le plus souvent le
regroupement des données des centres spécialisés prenant en charge ces enfants. Pour
permettre les avancées médicales dans le domaine du cancer de l'enfant, il est donc
nécessaire de collecter, analyser, interpréter des résultats et informations obtenus dans le
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cadre des protocoles de recherche ou essais thérapeutiques. Malgré les progrès récents
(plus de 75% des cancers de l'enfant sont guéris), le cancer reste la première cause de
décès par maladie de l'enfant de plus de un an.
Face à ce constat encore très sombre, développer la recherche clinique en cancérologie
pédiatrique reste une priorité. Dans ce cadre bien précis il s'agit généralement d'études
interventionnelles et la participation d’un mineur a ce type de recherche biomédicale est
extrêmement réglementée par le code de santé publique.
« Article L1121-7 du code de la santé publique »
« Les mineurs ne peuvent être sollicités pour se prêter à des recherches biomédicales
que si des recherches d’une efficacité comparable ne peuvent être effectuées sur des
personnes majeures et dans les conditions suivantes :
- soit l’importance du bénéfice escompté pour ces personnes est de nature à justifier le
risque prévisible encouru ;
- soit ces recherches se justifient au regard du bénéfice escompté pour d’autres
mineurs. Dans ce cas, les risques prévisibles et les contraintes que comporte la
recherche doivent présenter un caractère minimal. »
Les règles concernant les études interventionnelles sont extrêmement strictes et visent à
préserver la sécurité des patients. Pour assurer un maximum de sécurité, un cadre légal
été mis en place. La mise en œuvre des recherches biomédicales est encadrée en France
depuis 1988 par la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 (dite loi "Huriet - Sérusclat")
modifiée par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique
et son décret d'application n° 2006-477 du 26 avril 2006 ainsi que par les arrêtés et
décisions s'y rapportant. La loi et son décret sont entrés en vigueur à compter du 27 août
2006.
« Article L1122-1-1 (inséré par Loi nº 2004-806 du 9 août 2004 art. 89 III Journal
Officiel du 11 août 2004) »
«Aucune recherche biomédicale ne peut être pratiquée sur une personne sans son
consentement libre et éclairé, recueilli après que lui a été délivrée l'information prévue
à l'article L. 1122-1.
Le consentement est donné par écrit ou, en cas d'impossibilité, attesté par un tiers. Ce
dernier doit être totalement indépendant de l'investigateur et du promoteur. »
Le respect de cette loi dans le cadre de la médecine adulte est dorénavant bien encadré :
dispositif d'annonce, information, formulaire, consentement... Le patient adulte en tant
que personne morale autonome est au centre du dispositif, est donc directement
concerné et peut jouir de son autonomie.
Mais qu'en est-il chez l'enfant? Comment l'information et les décisions sont-elles prises
dans le cadre de la recherche clinique en pédiatrie ? L'interface soignant-enfant-parent
permet-elle une information claire dans le respect de la personne qu'est l'enfant?
Dans l'état actuel de la loi, le code de santé publique encadre le processus d'information
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et de consentement pour la participation d'un mineur dans un protocole de recherche
biomédicale.
« Article L1122-2 (Loi nº 2004-806 du 9 août 2004 art. 89 I, IV Journal Officiel du 11
août 2004) »
« Les mineurs non émancipés reçoivent, lorsque leur participation à une recherche
biomédicale est envisagée, l'information prévue à l'article L. 1122-1 adaptée à leur
capacité de compréhension, tant de la part de l'investigateur que des personnes,
organes ou autorités chargés de les assister, de les représenter ou d'autoriser la
recherche, eux-mêmes informés par l'investigateur.
Ils sont consultés dans la mesure où leur état le permet. Leur adhésion personnelle en
vue de leur participation à la recherche biomédicale est recherchée. En toute
hypothèse, il ne peut être passé outre à leur refus ou à la révocation de leur
acceptation.
Lorsqu'une recherche biomédicale est effectuée sur un mineur non émancipé,
l'autorisation est donnée par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. »
La loi indique donc que, pour toute recherche biomédicale, l'investigateur
(généralement le médecin prenant en charge l'enfant) doit obtenir le consentement libre
et éclairé du sujet pressenti et/ou de son représentant légal. Il paraît essentiel de rappeler
que le consentement éclairé est la décision de participer à une recherche prise par un
individu capable qui a reçu l'information nécessaire, qui l'a bien comprise et qui, après
l'avoir examinée, est arrivé à une décision sans avoir subi une pression ou une influence.
Le principe selon lequel l'enfant peut refuser de participer ou de continuer à participer à
la recherche sera respecté.
Mais au quotidien, quels sont les problèmes soulevés par la loi dans le cadre de la
recherche pédiatrique?
Partons de la définition du consentement éclairé :
¾
« recevoir l'information nécessaire ». Dans le cadre de l'annonce diagnostique,
l'entretien d'annonce est généralement réalisé entre parents et soignants. L'enfant est
souvent écarté de ce discours initial où l'intensité émotionnelle du diagnostic est forte.
Les parents apprennent alors que leur enfant a une maladie pouvant être mortelle et leur
réaction est parfois violente. Il semble légitime de préserver l'enfant, déjà fragilisé, de
cette violence émotionnelle. Ce premier entretien (ou les premiers entretiens) permettent
d'expliquer la maladie mais sont aussi le moment où les traitements et leurs effets
secondaires sont expliqués et les protocoles de recherche proposés. Certes l'ensemble de
ces informations pourraient être réexpliquées aux enfants après l'entretien parental mais,
le plus souvent, la maladie est citée sans entrer dans les détails de sa gravité, les
traitements sont expliqués dans leur ensemble, les effets secondaires abordés de façon
plus superficielle (par exemple, expliquer la perte des cheveux sans aborder le risque
d'insuffisance cardiaque liée aux anthracyclines est une attitude naturelle face à un
enfant). Cette attitude peut être critiquable mais n’est-il pas naturel pour tout adulte,
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médecin ou non, de vouloir protéger l’enfant de l’extrême dureté que peut être la
vérité ?
¾
« comprendre l'information ». C'est une part essentielle du consentement éclairé. Les
informations médicales données dans le cadre des protocoles de recherche sont denses
et souvent très spécialisés : but de la recherche, principe du protocole, notion de
bénéfice individuel ou collectif, risques éventuels, notion de volontariat ou d'alternative
thérapeutique... L'ensemble de ces informations est, de plus, donné au moment du
diagnostic de la maladie en raison d'une fréquente relative urgence thérapeutique. Tout
ceci au milieu d'une charge émotionnelle intense. Tout ce contexte est déjà, vis-à-vis des
parents, source d'incompréhension ou de compréhension partielle des informations. Il
est déjà parfois difficile pour le soignant de s'adapter à ses interlocuteurs adultes, qu’en
est il face à l'enfant? Avant l'âge de 6 ans, le développement cognitif de l'enfant est basé
sur l'égocentrisme : tout ce qui leur arrive ne s'applique qu'à eux-mêmes, ils sont
incapables de généraliser. Leur compréhension face à la maladie est donc centrée sur
leurs symptômes, le traitement qu'on leur donne sans critique ou comparaison. Le
personnel médical a toute autorité et affirmer obtenir un consentement éclairé de
l'enfant est illusoire. Il reste toutefois essentiel d'expliquer les soins à l'enfant pour lui
permettre dès le plus jeune âge d'être acteur dans les soins et ne pas lui faire « subir » le
traitement.
Entre 6 et 12 ans, leur capacité de compréhension se développe. Ils sont capables de se
référer à des exemples. C'est également dans cette tranche d'âge que leur notion « d'être
mortel » se met en place majorant l'angoisse de ces enfants face à la maladie. On doit
être capable de leur expliquer les grandes modalités de la recherche clinique tout en les
préservant de certaines vérités parfois trop dures à entendre (taux de guérison, risque de
rechute, effets secondaires au long terme...). Dans ce contexte, l'exhaustivité de
l'information est probablement illusoire. Dans cette tranche d’âge, les enfants sont
souvent en mesure de comprendre le but, les risques et les bénéfices d’un protocole de
recherche mais la conception d’autonomie est généralement trop abstraite. Ils sont, de
plus, à cet âge très sensibles au choix de leurs parents.
A partir de 12 ans, les enfants ont en général une capacité de compréhension suffisante
pour donner un consentement éclairé. Les notions abstraites (autonomie, volontariat)
sont généralement comprises. L'ensemble des caractéristiques de la recherche devrait
pouvoir leur être expliquées. Tout comme chez l'adulte, le médecin devra être vigilant à
la compréhension des termes utilisés d'autant plus que l'adolescent pourrait ne pas oser
avouer ne pas comprendre le discours de ce médecin qu'il connait à peine. Dans la
notion de consentement, l’adolescent peut entendre l’idée d’accord et non celle de
choix. Le médecin devra être particulièrement vigilant à cette nuance.
Toutefois, l'utilisation de l'âge de l'enfant comme unique facteur de compréhension de
l'information serait une erreur car cela ne fait pas intervenir la maturité individuelle de
l'enfant.
Le médecin prenant en charge l'enfant ne doit pas oublier qu'il doit avant tout rechercher
le bien de l'enfant dans le respect de ses facultés de compréhension.
¾
« sans avoir subi une pression ou une influence ». En pédiatrie cette notion est-elle
vraiment envisageable ? Dans le concret du quotidien être « parent » est en soit une
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influence sur l'enfant. Comme nous l'avons dit précédemment, avant 4 à 6 ans, la nature
de l'information est certainement trop complexe pour être donnée à l'enfant et dans ce
cas obtenir un consentement éclairé n'a pas de sens. En revanche à partir de 6 ans, l'avis
de l'enfant sur la participation à la recherche prend tout son sens. Or entre 6 et 12 ans,
les enfants sont très sensibles à l'approbation de leurs parents. L'enfant malade se sent
déjà parfois responsable de sa maladie et de ses conséquences (hospitalisation, arrêt de
travail des parents, inquiétude parentale, chagrin...) et leur objectif principal est alors de
ne pas décevoir leurs parents. Ils sont alors probablement dépendants de leur choix.
Aller contre l'avis de leurs parents est rarement envisageable. Les parents et les
médecins doivent donc être très attentifs à garder un discours le plus objectif possible
lors de la présentation du protocole afin de ne pas influencer l'enfant et pouvoir ainsi
connaître son avis. Pour le médecin il sera aussi tout à fait « indispensable, surtout en
cas de maladie grave, de soutenir les parents et de les aider à se repérer devant la
maladie car c’est principalement à partir de leur réactions que l’enfant s’informe » (Le
consentement éclairé en périnatalité et en pédiatrie ; S. Séguret ; Editions Erès).
L'adolescent, malgré une indépendance plus marquée, reste toutefois très sensible aux
opinions de ses parents surtout lorsqu'il est fragilisé par la maladie. A l’inverse, certains
adolescents expriment leur mal-être et leur inquiétude par un rejet systématique des
propositions du corps médical ou de leurs parents. Dans ces situations, il est donc
essentiel de garder une objectivité maximale avec l'adolescent et de rester à l'écoute des
ses besoins et désirs.
Par l'ensemble de ces difficultés énumérées, on constate qu'obtenir un réel consentement
éclairé de l'enfant est parfois difficile. En tout état de cause, il est essentiel de rechercher
l'assentiment de l'enfant pour participer à la recherche dans la mesure ou celui-ci est
capable de le donner. Il faut toutefois prendre garde à ne pas responsabiliser un enfant
au-delà de ses capacités. Le rôle d'un parent est aussi de rechercher le bien de son enfant
et d'en prendre la responsabilité. Faire porter le choix des décisions sur un enfant est
parfois trop lourd. Prenons l'exemple réel d'un essai thérapeutique où un traitement
d'entretien d'un an est proposé contre un arrêt du traitement qui est actuellement le
traitement de référence (après 6 mois de traitement intensif). Cet essai a été proposé aux
parents d'un enfant de 8 ans. Les parents n'arrivant pas à décider pour la participation de
leur enfant à l'essai ont préféré laisser leur enfant choisir. Celui-ci, après 6 mois
d'hospitalisation, a préféré ne pas entrer dans l'essai pour ne pas prendre le risque d'être
hospitalisé de nouveau. Certes cette préférence devrait être prise en compte dans la
décision des parents, mais laisser seul l'enfant choisir lui laisse porter une lourde
responsabilité. Que pourrait-il penser en cas de rechute? Ne risquerait-il pas de se sentir
responsable, voir coupable, de ne pas avoir fait le « bon choix » (même s'il n'y en a
pas)? Chercher l'avis de l'enfant, l'interroger pour le comprendre, être à l'écoute, sont
des attitudes essentielles dans les décisions en recherche clinique en pédiatrie. Mais
probablement que le choix final doit être pris par les parents pour en assumer la
responsabilité.
Toutefois, comme le dit Jean Badoual (cité dans Le consentement éclairé en
périnatalité et en pédiatrie ; S. Séguret ; Editions Erès) « Il faut accepter que
l’information soit rarement parfaite ce qui ne se produit, dans la relation avec le patient
ou ses représentants, que dans des circonstances exceptionnelles ». Dans ce sens, la
confiance et la qualité de la relation entre le médecin, les parents et l’enfant sont des
valeurs essentielles à l’information et donc au consentement. On peut considérer
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également qu’une compétence « pédagogique », pas uniquement technique ou médicale,
devrait être exigée. Le soutien d’autres professionnels de santé pourrait aussi se révéler
utile (psychologues par exemple).
Les difficultés à établir un document écrit
Dans le cadre du recueil du consentement, l’information orale délivrée doit être
complétée par un document écrit. La lettre d’information a pour objectif d’informer les
participants potentiels à la recherche (et leur représentants légaux) de façon à leur
permettre d’exercer au mieux leur liberté de décision. Ces documents écrits sont établis
à partir des recommandations publiées par la Haute Autorité de Santé en Mars 2005.
La lettre d’information précise qu’une information appropriée sur la recherche doit être
donnée à l’enfant, s’il est en situation de comprendre, par les parents et par
l’investigateur, en étroite collaboration, et que son refus éventuel serait respecté. Joint à
cette lettre d’information se trouve le formulaire de consentement devant être co-signé
par chaque parent. Quand l’enfant a été informé et a été invité à donner son accord, il
signe le même formulaire que ses représentants légaux ; si l’investigateur a considéré
que l’enfant n’était pas en âge ou en état de donner son accord, le Comité de protection
des personnes a établi qu’il souhaitait que cette situation soit prévue dans le formulaire
et que la raison soit renseignée.
Etablir une lettre d’information et un formulaire de consentement est également une
difficulté chez l’enfant. Il est en effet nécessaire de prévoir une lettre d’information
spécifique adaptée à l’enfant, et éventuellement plusieurs types de documents pour tenir
compte des âges différents ; son contenu et sa présentation (langage, éventuellement
dessins) devront être appropriés.
La Commission de Pédiatrie de la Conférence Nationale des Comités de Protection des
Personnes (CNCP : Conférence Nationale des Comités de Protection des Personnes) a
élaboré des documents d’information destinés aux parents et aux enfants sollicités pour
participer à une recherche biomédicale. Ils sont complémentaires de l’information orale
et écrite sur le protocole de recherche délivrée par l’investigateur.
Le but est d’expliquer ce qu’est un Comité de Protection des Personnes et la garantie
que représente l’avis favorable qu’il a donné préalablement à la mise en oeuvre de la
recherche. Ces informations, apportées par la CNCP, en toute indépendance du
promoteur et de l’investigateur, sont de nature à donner confiance dans le processus de
recherche aux personnes sollicitées.
Ces documents sont au nombre de 4 :
• Une lettre destinée aux parents
• Une lettre destinée aux adolescents
• Une plaquette imagée et ludique destinée aux enfants de 6 à 10 ans
• Une plaquette illustrée destinée aux pré-adolescents (10 à 14 ans)
L’ensemble de ces documents est disponible sur le site du Cercle d’éthique en
recherche Pédiatrique.
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Recherche clinique, droit de l’enfant et fin de vie
La prise en charge palliative est définie comme une situation où, dans la mesure des
connaissances médicales du moment, il n’existe pas de traitement efficace connu
pouvant permettre une guérison de l’enfant. Au milieu de ces situations d’extrême
souffrance morale pour l’enfant, ses parents, sa famille mais aussi le personnel soignant,
l’équipe médicale peut être amenée à proposer d’inclure l’enfant dans un essai
thérapeutique. Ces essais cliniques sont généralement des essais de Phase I, essais très
rares en pédiatrie.
L’objectif principal d’un essai de phase I est de déterminer la tolérance de l’organisme à
une nouvelle molécule, de mieux en connaître la toxicité et ses effets secondaires pour
permettre d’établir les futures doses recommandées d’administration.
Pour les familles, de tels essais ont toutefois un autre objectif (généralement partagé par
les soignants…) : celui de garder l’espoir d’une réponse au traitement.
Dans ces conditions il est aisé de comprendre combien un essai de phase I peut être à la
fois une source d’espoir mais aussi d’angoisse pour les parents.
Proposer un essai thérapeutique à un enfant en fin de vie soulève une problématique
éthique : la recherche clinique devant toujours se dérouler dans un esprit de soin à la
personne, comment dans ce cas faire concilier la recherche à l’accompagnement vers le
probable décès ? Et dans ces conditions comment respecter les règles de la participation
à un essai clinique à savoir l’obtention d’un consentement libre et éclairé ?
Une proposition de recherche peut être considéré comme éthique si les parents et
l’enfant peuvent prendre leur décision d’y participer en toute objectivité sans subir
aucune influence extérieure. En ce qui concerne les parents, une étude récente a déjà
montré que, pour eux, le choix n’était pas libre de toute influence. En effet, 62% des
parents interrogés déclaraient qu’il ne pouvait pas s’agir d’une décision libre puisqu’il
n’y avait pas d’alternative thérapeutique au traitement proposé. (Deatrick A, Parent’s
views of their children’s participation in phase I oncology clinical trials, J Pediatr
Oncol Nurs, 2002). Pour pallier à ce sentiment, il faut une attention particulière : celle
de prendre encore plus le temps d’informer les parents en limitant la violence du
discours (caractère létal de la maladie, perte de l’enfant…) mais aussi en restant honnête
sans trahir sur ce qu’on peut attendre de l’inclusion de l’enfant (bénéfice individuel
pouvant être envisagé avec ses limites, bénéfice collectif attendu…).
Et l’enfant, comment l’intégrer dans ces difficiles discussions ? En fin de vie, l’enfant
est encore plus fragilisé dans son autonomie. Il cherche souvent à protéger ceux qu’il
aime et ses soignants. Son objectif est de rester « vivant ». Participer à un essai de phase
I est pour lui un moyen d’essayer de guérir, de ne pas baisser les bras. Pour les plus
jeunes, la singularité d’un essai de phase I n’est probablement pas perçu : le traitement
est accepté comme un moyen de se soigner sans en comprendre les subtilités. Pour les
plus grands, ces traitements sont souvent considérés comme ceux de la « dernière
chance » et toute leur énergie de vie est mise dans l’espoir de succès. Pour eux aussi, le
médecin doit prendre encore plus le temps de leur expliquer les contraintes et les
bénéfices d’un tel traitement. L’adolescent ou le grand enfant doit comprendre qu’il lui
reste le choix de refuser et que ce choix ne changera en rien l’engagement de l’équipe
soignante à ses cotés. L’ensemble de ces discussions doit se faire dans un climat de
confiance réciproque maximale : entre les parents et les soignants (pour que les parents
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puissent exprimer leur doutes, leur peine), entre les parents et l’enfant (être à l’écoute de
son enfant, pour qu’il puisse exprimer ses désirs et ses peurs sans crainte d’être jugé ou
de décevoir), entre l’enfant et les soignants (pour l’accompagner dans ses choix et le
guider, qu’il ne craigne pas de décevoir son médecin…).
Pour aider les parents et leurs enfants, il faut donc toujours rester centré sur l’enfant et
toujours garder à l’esprit que c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui occupe le centre de
toute réflexion. L’enfant, quelque soit son âge, doit être toujours considéré comme
personne à part entière. A aucun moment du traitement il ne faut oublier que la logique
du traitement individuel doit rester prioritaire à la logique du bénéfice collectif. Cette
notion de bénéfice collectif est toutefois souvent exprimée par les parents et les grands
enfants à cette phase du traitement : ils ont le sentiment de pouvoir contribuer à
l‘amélioration des traitements pour les futurs malades comme d’autres l’avaient fait
avant eux. Ce sentiment peut même aider les parents dans leur deuil (comme peut l’être
le don d’organe…).
L’important reste que la décision d’inclure un enfant dans un essai de phase I doit être
prise après un dialogue ouvert, dans un souci de respect de l’éthique, de respect de
l’enfant. Ceci pour permettre aux parents et aux soignants de vivre le deuil de l’enfant
perdu en étant certain d’avoir agi au mieux pour lui dans son unique intérêt, en
respectant son autonomie et ses droits.
En conclusion, la recherche clinique en pédiatrie comporte des nuances et des spécificités qui
lui sont propres. La charge émotionnelle liée à la maladie chez l'enfant est grande et rend
parfois mal comprise la démarche de recherche clinique, la remise de documents écrits et le
recueil du consentement signé des titulaires de l'autorité parentale. Pourtant, c'est bien grâce à
cette démarche rigoureuse d'amélioration successive des protocoles thérapeutiques - qui
intègrent au fur et à mesure les dernières connaissances relatives au diagnostic, au pronostic et
aux traitements - que les progrès thérapeutiques ont été obtenus et que l'on peut espérer
encore améliorer ces résultats par les études développées aujourd'hui. La recherche clinique
n'exclut évidemment pas la réflexion individuelle et l'adaptation du traitement pour chaque
patient en fonction de son efficacité et de sa tolérance et des souhaits du patient. Dans cette
démarche de recherche, comme dans toute la démarche de soins dans laquelle elle s'intègre,
c'est bien l'indispensable alliance thérapeutique qu'il faut chercher à établir et maintenir entre
les enfants, les parents et les soignants.
Stéphanie Gorde, mai 2010 ©
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