COUR DU TRAVAIL DE LIEGE

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COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Rép.
N° D'ORDRE
+ Droit judiciaire – Extension de la demande – Fait ou acte invoqué dans la demande –
Demande portant sur une indemnité compensatoire de préavis – Extension à des
sursalaires et pécules – Rupture du contrat mentionnée dans la citation – Pécules de
sortie visés par la rupture – Code jud., art. 807
+ Droit du travail – Contrat de travail – Rupture – Indemnité compensatoire de préavis –
Rémunération en cours – Contrat à prestations aléatoires – Evaluation de la
rémunération sur la moyenne des prestations pendant toute la durée du contrat – Loi du
3/7/1978, art.39, 81 et 131
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Section de NAMUR
Audience publique du 23 mai 2011
13ème Chambre
R.G. n° 2010/AN/173
Réf. Trib. trav. Namur, 2e ch., R.G. n°09/866/A
EN CAUSE DE :
Madame Christiane
appelante, intimée sur incident, comparaissant personnellement assisté
par Me Nathalie Robert qui remplace Me Sophie Pierret, avocats.
CONTRE :
LA PROVINCE DE NAMUR
intimée, appelante sur incident, comparaissant par Me Jacqueline Martin
qui remplace Me Marc Preumont, avocats.
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MOTIVATION
L’arrêt est fondé sur les motifs suivants :
1. Quant à la recevabilité des appels.
Il ne résulte d’aucune pièce ni élément du dossier que le
jugement dont appel aurait été signifié.
L’appel, régulier en la forme, est recevable.
L’appel incident introduit par conclusions est également
recevable.
2. Les faits.
- Le 1er juin 2001, Madame O., ci-après l’appelante, est désignée par la
Députation permanente de la Province de Namur en qualité de
« personnel complémentaire pour l’accueil ». Il est indiqué qu’il sera « fait
appel à vos services au fur et à mesure des demandes ». Cet
engagement est réalisé, selon la résolution du Conseil provincial du 10
octobre 1989, dans le cadre d’un contrat de travail. Le montant de la
rétribution est fixé par ce règlement.
- Le 26 juillet 2001, elle est également retenue en tant que « moniteur
spécialisé dans le cadre de l’assistance technique » et il est à nouveau
mentionnée que « nous ne manquerons pas de faire appel à vos services
au fur et à mesure des demandes ».
- Jusqu’en décembre 2003, l’appelante sera désignée par la Députation
permanente.
- Entre le 2 janvier 2004 et le 27 avril 2008, il sera fait appel à l’appelante
selon des « ordres de mission » reprenant les conditions de chaque
prestation. Il s’agit de documents signés par le responsable du secteur
concerné et le directeur mais pas par l’appelante. Ces ordres de mission
constituent des contrats à l’appel et sont limités dans le temps.
- Depuis le 28 avril, elle n’est plus contactée. Elle écrit le 17 juin 2008 et
demande qu’un contrat à durée indéterminée lui soit reconnu et estime sur
la base de ses prestations qu’elle a presté un mi-temps.
- A dater du 24 octobre 2008, l’appelante et la Province vont signer des
contrats de travail pour un travail nettement défini portant sur des
prestations données à des dates déterminées. La dernière prestation a
lieu le 30 décembre 2008.
- Le 16 mars 2009, le Conseil de l’appelante interpelle la Province et
invoque un contrat à durée indéterminée.
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3. La demande.
Par citation du 23 avril 2009, l’actuelle appelante rappelle
qu’elle n’a plus été sollicitée depuis le 30 décembre 2008 pour effectuer
des prestations et que les parties sont censées avoir conclu un contrat de
travail à durée indéterminée et non des contrats successifs. Elle constate
que l’attitude la Province s’assimile à une rupture de contrat et entend
obtenir sa condamnation à payer une indemnité compensatoire de préavis
de six mois non chiffrée.
Par conclusions déposées au greffe le 15 juillet 2009,
l’appelante chiffre l’indemnité de six mois à 7.837,98 € et étend sa
demande aux pécules de vacances (simples et doubles pécules) et à la
rémunération (sursalaires) des samedis et dimanches prestés.
4. Le jugement.
Le tribunal retient que l’appelante est supposée avoir été
engagée dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée dès lors qu’elle
a accompli des prestations sans qu’un écrit soit conclu. Il accorde le droit
à une indemnité compensatoire de préavis de six mois sur la base de la
rémunération en cours au jour de la rupture (décembre 2008). L’indemnité
est évaluée à 7.851,34 € brut et est majorée des intérêts sur le brut.
En ce qui concerne les demandes nouvelles, il constate que la
citation ne porte pas sur cette question et que le fait n’est pas invoqué non
plus puisqu’il n’est fait état seulement que de la succession de contrats.
Ces demandes nouvelles sont irrecevables.
La Province est condamnée aux dépens.
5. Les appels.
L’appelante relève appel au motif que le moyen d’irrecevabilité
de l’extension de la demande devait être soulevé in limine litis alors que
l’intimée ne l’a fait qu’en termes de conclusions de synthèse et qu’en
outre, l’extension devait être déclarée recevable puisque fondée sur un
contrat de travail à durée indéterminée, fait ou acté dont se prévaut
l’appelante dans sa citation.
La Province forme un appel incident en vue de voir réduire le
montant de l’indemnité compensatoire de préavis allouée par le premier
juge.
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6. Fondement.
6.1. L’extension de la demande.
Les textes
En vertu de l’article 807 du Code judiciaire, « La demande dont
le juge est saisi peut être étendue ou modifiée, si les conclusions
nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte
invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est
différente ».
L’article 742 du même Code prévoit que « Les parties déposent
au greffe leurs conclusions ainsi qu’un inventaire des pièces
communiquées ».
Leur interprétation.
Une demande nouvelle peut être introduite en cours de
procédure si elle est fondée sur un fait invoqué dans la citation et ce
même si la demande est introduite pour la première fois en degré d’appel1.
Il importe peu que la qualification juridique donnée soit
différente ou non2.
Il n’est même pas requis que la nouvelle demande soit
exclusivement fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation. Si
elle est fondée en outre sur un autre fait ou acte, celui-ci ne doit pas
nécessairement avoir un lien avec celui invoqué en termes de citation3.
Par ailleurs, il suffit que le fait ou l’acte soit simplement mentionné dans la
citation4.
La demande nouvelle doit être formée par conclusions, ce qui
implique un écrit soumis au juge5.
Au contraire de la réduction de la demande qui ne constitue pas
1
Cass., 29 novembre 2002, Bull., p.2301.
Cf. Cass., 28 avril 1994, J.L.M.B., 1995, p.5 ; également Cass., 8 septembre 1986, Bull., 1987,
p.28. La mission donnée au juge de déterminer la norme juridique applicable aux faits qui lui sont
soumis renforce la primauté des faits sur la qualification : Cass., 18 novembre 2004, J.T., 2005,
p.160, obs. J.F. VAN DROOGHENBROECK, « La théorie de la cause en voie de dénouement » et
Cass., 14 avril 2005, J.L.M.B., 2005, p. 856, obs. G. DE LEVAL, « Un arrêt fondamental et
attendu ».
3
Cass., 29 janvier 2010, J.L.M.B., 2010, p.1598.
4
Cass., 8 mars 2010, J.T.T., 2010, p.267.
5
Voir Cass., 17 avril 1973, Pas., 1973, I, p.793 : « Constitue des conclusions, en matière
répressive, l’écrit, quel qu’en soit l’intitulé, signé par une partie ou l’avocat qui la représente ou
qui l’assiste, soumis au juge au cours des débats à l’audience, dont il est régulièrement constaté
que le juge en a eu connaissance et dans lequel sont invoqués des moyens à l’appui d’une
demande, d’une défense, ou d’une exception ».
2
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une extension ou une modification de la demande visée par l’article 807
du Code judiciaire6, la partie qui entend étendre sa demande doit agir par
la voie de conclusions écrites déposées préalablement au dossier ou
visées par le juge à l’audience7.
Leur application en l’espèce.
La demande nouvelle est double : elle porte, d’une part, sur des
sursalaires fondés sur des prestations exécutées le week-end et payées
sans supplément de 150 ou 200% et la rémunération de jours fériés et,
d’autre part, non seulement sur les pécules réclamés pour la période
d’occupation mais également sur les pécules de sortie.
L’appelante considère que sa demande doit être déclarée
recevable au motif, d’une part, que l’intimée n’a pas soulevé le moyen in
limine litis et, d’autre part, qu’elle se fonde sur un fait ou un acte,
l’existence d’un contrat de travail à durée indéterminée, invoqué en
citation.
Le premier moyen doit être écarté dès lors qu’aucune
disposition n’oblige la partie qui se prévaut du non-respect des
dispositions de l’article 807 susvisé à soulever la question in limine litis. Il
ne s’agit pas d’une exception de nullité d’un acte de procédure dont une
formalité n’aurait pas été accomplie ou l’aurait été irrégulièrement,
exception à laquelle s’appliquerait l’article 864 du Code judiciaire.
Quant au second, la demande fondée sur le droit à des
sursalaires pour des prestations de week-end ne trouve aucun écho, ni
allusion dans la citation. Cette partie de la demande n’est donc pas
recevable.
En ce qui concerne les pécules, la simple allusion à l’existence
d’un contrat à durée indéterminée ne peut constituer le fait ou l’acte sur
lequel la demande nouvelle peut se rattacher.
Par contre, la rupture du contrat engendre la débition des
pécules de sortie. La rupture est évoquée dans la citation. La demande
portant sur les pécules de sortie est donc recevable par la voie
d’extension. L’appel est donc très partiellement fondé.
6.2. L’indemnité compensatoire de préavis.
La Province ne remet pas en cause le principe de la débition
d’une indemnité compensatoire de préavis. Elle n’a pas formé d’appel
6
Cass., 12 juin 2008, C.2007.0121.N : « La réduction par une partie de sa demande originaire à
une simple condamnation à titre provisionnel pour une partie du montant initial, ne constitue pas
une extension ou une modification de la demande au sens de l’article 807 du Code judiciaire et
peut, dès lors, être formulée oralement ou par défaut ».
7
Cour trav. Liège, sect. Namur, 13e ch., 29 juin 2010, R.G. n°2010/AN/32.
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incident.
Les parties s’opposent sur le montant de l’indemnité, tant en
nombre de mois (l’appelante réclame pour la première fois en appel 10 et
non plus 6 mois) que sur la hauteur de la rémunération à prendre en
considération. Cependant, dans ses dernières conclusions, l’appelante
limite ses prétentions à une indemnité de six mois qu’elle chiffre à
7.841,34 € (et non 7.851,34 €).
6.2.1. La hauteur de la rémunération.
6.2.1.1. Position des parties
Les positions des deux parties sont diamétralement opposées
Pour l’appelante, il faut retenir la rémunération de décembre
2008 (1.213,83 €), celle du dernier mois d’activité et qui correspond à un
contrat à mi-temps.
Pour la Province, il faut tenir compte de la rémunération
annuelle. Or, en 2008, l’appelante a reçu une rémunération globale de
3.342,33 € nets ou 4.472,35 € bruts, correspondant à 372,69 € par mois.
6.2.1.2. En droit.
Les textes.
L’article 39 §1er, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats
de travail énonce que
« Si le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, la partie qui
résilie le contrat sans motif grave ou sans respecter le délai de préavis […]
est tenu de payer à l’autre partie une indemnité égale à la rémunération
en cours correspondant soit à la durée du délai de préavis, soit à la partie
de ce délai restant à courir. [...].
L’indemnité de congé comprend non seulement la rémunération en cours,
mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat ».
L’article 81, §2 de la même loi précise en ce qui concerne plus
spécifiquement les employés dont le contrat est assorti d’une clause
d’essai que « la partie qui résilie le contrat sans motif grave ou sans
respecter le délai de préavis […] est tenue de payer à l’autre partie une
indemnité égale à la rémunération en cours y compris les avantages
acquis en vertu du contrat correspondant soit à la durée du délai de
préavis, soit à la partie de ce délai restant à courir ».
Selon l’article 131, al.1er de la même loi, « Pour l’application des
articles 65, 67, 69, 82, 84, 85, 86 et 104, les commissions et avantages
variables sont calculés sur le montant de la rémunération des douze mois
antérieurs ».
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Leur interprétation.
La loi fait référence à la « rémunération en cours » pour évaluer
l’indemnité compensatoire ou complémentaire de préavis.
Que faut-il entendre par « rémunération en cours » ?
En l’absence de précisions données par le législateur, la
jurisprudence a été amenée à préciser cette notion par touches
successives.
D’une part, la rémunération en cours est celle à laquelle peut
prétendre le salarié congédié au moment de la notification du congé8.
C’est à cette date que le préavis (ou l’indemnité compensatoire) doit être
évalué. Ainsi, si le contrat est suspendu avant que le congé soit donné et
que la dernière rémunération perçue aurait dû être majorée entre-temps, il
faut tenir compte de ces majorations survenues avant que le congé soit
donné pour autant qu’il soit possible de fixer avec certitude le montant de
cette rémunération9. Ce montant est déterminable même si l’exécution du
contrat n’a pas encore pris cours10.
D’autre part, il faut tenir compte de la rémunération à laquelle
peut prétendre l’employé en vertu de la convention au moment du congé11
et non celle réellement payée et perçue au moment du congé12.
Il est possible dès lors d’accorder une indemnité compensatoire
de préavis calculée sur une base autre que la rémunération réellement
perçue au moment du congé tant lorsque le contrat est rompu avant
exécution que lorsque le contrat est rompu alors qu’il fait l’objet d’une
suspension13. Il s’agit de compenser la perte de rémunération à laquelle
l’employé peut prétendre pendant la durée du préavis que l’indemnité va
remplacer14 : la rémunération est donc celle à laquelle l’employé peut
prétendre en vertu de la convention au moment du congé.
Il convient d’inclure dans la notion de rémunération les
8
Cass., 6 novembre 1989, Bull., 1990, p.280 et J.T.T., 1990, p.6 ; Cass., 26 avril 1993, Bull., 1993,
p.392 ; Cass., 24 janvier 1994, Bull., 1994, p.89.
9
Cass., 17 mai 1982, Bull., 1982, p.1094 et Chron.D.S., 1982, p.264, note P. CRAHAY, « La
rémunération servant de base de calcul de l’indemnité de congé dans l’hypothèse du licenciement
d’un employé dont l’incapacité de travail a duré plus de six mois » ; Cass., 9 mars 1992, Bull.,
1992, p.611.
10
Cass., 16 novembre 1992, Bull., 1992, p.1258, J.T.T., 1993, p.230 et Chron.D.S., 1993, p.111.
11
Cass., 3 février 2003, Chron.D.S., 2003, p.262.
12
Cass., 24 janvier 1983, Bull., 1983, p.605.
13
Et ce même si n’est pas discriminatoire le fait que le travailleur en interruption de carrière ayant
réduit ses prestations à un temps partiel pourrait voir la hauteur de l’indemnité calculée sur la base
de ce temps partiel : C.A., n°119/2001, 10 octobre 2001, J.T.T., 2002, p.131. Voir Cour trav.
Bruxelles, 16 novembre 2004, Chron.D.S., 2005, p.234, note « L’incidence de la réduction
temporaire du temps de travail sur le calcul de l’indemnité compensatoire de préavis ».
14
Cour trav. Liège, 2 mai 1996, Chron.D.S., 1997, p.543 et J.T.T., 1997, p.123. Voir P. CRAHAY,
o.c.
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avantages acquis15 ainsi que le texte de l’article 39 le mentionne
expressément mais aussi les pourboires dès lors que le travailleur peut y
prétendre notamment sur la base des dispositions des conventions
collectives applicables au secteur16.
En ce qui concerne la rémunération variable, la référence
légale ne peut être l’article 131 de la loi puisque cette disposition ne fait
pas référence à l’article 3917.
Par conséquent, il ne faut pas nécessairement se référer à la
rémunération variable des douze mois qui précèdent la rupture.
Cependant, la rémunération variable doit être incluse dans la
rémunération en cours.
Comment l’évaluer si la base légale ne peut être l’article 131 de
la loi ?
Longtemps la jurisprudence s’était fondée implicitement ou
explicitement sur l’article 131 en prenant en compte la rémunération
variable à laquelle pouvait prétendre l’employé au cours des douze mois
précédant le congé18.
Lorsque le congé est donné alors que le contrat est suspendu,
il était parfois tenu compte non pas des douze mois précédant le congé
mais des douze mois précédant le début de la suspension19.
L’arrêt rendu le 24 octobre 2005 par la Cour de cassation
permet de retenir la rémunération variable selon une formule adaptée aux
circonstances de l’espèce.
Il doit généralement être tenu compte de la rémunération
variable à laquelle l’employé a droit pour les douze derniers mois
précédant soit le congé s’il a presté effectivement pendant cette période,
soit le début de la suspension de son contrat si au moment du congé, le
15
Ainsi en va-t-il de la prime de fin d’année même si le travailleur n’y a pas droit ou peut perdre le
droit pour l’année au cours de laquelle contrat est rompu : Cass., 3 avril 1978, J.T.T., 1978, p.173
et Bull., 1978, p.845 ; Cass., 16 juin 1980, J.T.T., 1981, p.48 et Bull., 1980, p.1268 et Cass., 9 mai
1984, Bull., 1984, p.450 et J.T.T., 1995, p.8. Par contre, si le droit à un avantage est perdu avant le
congé, cet avantage ne doit pas être inclus dans la notion de rémunération : Cass., 14 novembre
1994, Bull., 1994, p.939, J.L.M.B., 1995, p.1124 et J.T.T., 1995, p.349, obs. Cl. WANTIEZ et B.
NYSSEN, « Assiette de l’indemnité de congé – Traitement en cours – Gratification » ; Cass., 18
septembre 2000, Chron.D.S., 2001, p.132.
16
Cour trav. Liège, 4e ch., 27 novembre 1991, R.G. n°17.865/90. Contra : Trib. trav. Bruxelles, 17
juin 1999, Chron.D.S., 2000, p.94.
17
Cass., 24 octobre 2005, J.T.T., 2006, p.183, obs. D. VOTQUENNE, « De opname van het
variabel loon in de berekeningsbasis van de opzeggingsvergoeding » (traduction libre : L’inclusion
de la rémunération variable dans la base de calcul de l’indemnité de rupture »). Voir aussi Cass.,
13 juin 1983, Bull., 1983, p.1153.
18
Voir observations Cl. WANTIEZ et B. NYSSEN, sous Cass., 14 novembre 1994, J.T.T., 1995,
p.349.
19
Trib. trav. Charleroi, 16 mars 1998, Chron.D.S., 1999, p.37.
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contrat est suspendu.
Les parties, comme le juge, n’étant tenues par aucune
disposition légale peuvent déterminer librement20 le mode de calcul pour
la faire correspondre au plus près à la situation rencontrée21.
Il peut arriver qu’il soit préférable de prendre les rémunérations
variables s’étalant sur une longue période (cinq ans22) ou sur une période
d’une année ou de quelques mois parce que cette période reflète mieux
les revenus tirés de l’activité exercée. En l’absence de mode de calcul
imposé par la loi, le juge peut en effet apprécier la rémunération variable
la plus adéquate en statuant ex æquo et bono23.
6.2.1.3. En l’espèce.
L’occupation de l’appelante par La Province a été
occasionnelle. Il s’agissait manifestement de contrats à l’appel auxquels
ont succédé des contrats pour un travail nettement définis portant sur une
période déterminée.
Il a été jugé, sans que cela soit remis en cause en degré
d’appel, que les contrats étaient successifs et que la rupture par la
Province rend celle-ci débitrice d’une indemnité compensatoire de préavis.
Les contrats, pas plus que les conditions de l’engagement,
n’obligeaient la Province à occuper l’appelante pour un certain nombre
d’heures par mois, ni même chaque mois de l’année.
En retenant le dernier mois d’occupation réelle, le premier juge
se fonde sur une occupation à mi-temps qui ne correspond pas à l’activité
réelle au moment de la rupture. La rupture a lieu, parce que l’appelante a
soulevé un acte équipollent à rupture, en mars 2009 alors que l’appelante
n’a plus été occupée depuis fin décembre 2008 et n’a plus eu droit à une
quelconque rémunération depuis lors.
Pour chiffrer l’indemnité compensatoire à laquelle l’appelante
peut prétendre, il paraît plus équitable de retenir la moyenne de
l’occupation aléatoire de l’appelant au cours de toute la période durant
laquelle elle a été occupée.
Selon les éléments du dossier, l’appelante entrée au service de
la Province le 1er juin 2001 a été occupée :
du 1er juin au 31 décembre 2001 à raison de 310 heures/7mois
20
Cf. D. VOTQUENNE, o.c., obs. sous Cass., 24 octobre 2005, J.T.T., 2006, p.183.
Cour trav. Liège, sect. Namur, 13e ch., 26 juin 2007, Rev. rég. dr., 2007, p.83 ; Cour trav. Liège,
15e ch., 28 juin 2007, J.T.T., 2008, p.2 ; Cour trav. Bruxelles, 21 novembre 2007, J.T.T., 2008,
p.145 ; Cour trav. Bruxelles, 30 juillet 209, J.T.T., 2010, p.79 et Cour trav. Bruxelles, 29 octobre
2010, J.T.T., 2011, p.57.
22
Cass., 6 avril 1967, Pas., I., 1967, p.920.
23
Cass., 16 avril 1967, o.c.
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ou 531,4/an ;
du 1er janvier au 31 décembre 2002 à raison de 451,5
heures/an ;
du 1er janvier au 31 décembre 2003 à raison de 461 heures/an ;
du 1er janvier au 31 décembre 2004 à raison de 1.088,9
heures/an (884 selon les ordres de mission) ;
du 1er janvier au 31 décembre 2005 à raison de 846,1
heures/an (1091 selon les ordres de mission) ;
du 1er janvier au 31 décembre 2006 à raison de 834 heures/an
(596 selon les ordres de mission) ;
du 1er janvier au 31 décembre 2007 à raison de 615,1
heures/an (413 selon les ordres de mission) ;
du 1er janvier au 31 décembre au 2008 à raison de 426,5
heures/an (258 selon les ordres de mission et les trois contrats) ;
soit une moyenne annuelle maximale de 687,43 heures par an
ou 13h22 par semaine.
Cette moyenne ne correspond même pas à un tiers temps.
Dès lors, la rémunération de 8,66 € de l’heure en décembre doit
être multipliée par 13,22 puis par 52 (nombre de semaines sur l’année) et
divisée par 12 (nombre de mois) pour aboutir à la rémunération mensuelle
de base soit 496,10 € à multiplier par 12,92, ce qui donne une
rémunération annuelle de 6.409,61 € (ou 534,13 € par mois) en cours au
jour du congé.
L’appel incident est largement fondé.
6.2.2. Le montant de l’indemnité compensatoire de préavis.
L’indemnité compensatoire de 6 mois s’élève à 6 x 534,13 € =
3.204,78 € au lieu de 7.841,34 €.
Les intérêts légaux sont dus depuis la date d’exigibilité (en
l’espèce le 30 décembre 2008 selon le jugement non contesté sur cette
question) et sur le montant brut.
6.3. Les pécules de sortie.
Les pécules de sortie sont dus sur les prestations effectives de
l’année 2008.
Il conviendrait que la Province chiffre le montant dû à ce titre.
Une réouverture des débats est ordonnée à cette fin. Les intérêts légaux
ne sont pas dus sur les pécules qui ne constituent pas de la rémunération
au sens de la loi sur la protection de la rémunération des travailleurs.
Dès lors, les intérêts sont dus à dater de la première mise en
demeure, à savoir le jour du dépôt des conclusions (le 15 juillet 2009) et
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les intérêts sont dus sur le montant net et non brut puisque l’article 10 de
la loi du 12 avril 1965 ne s’applique pas.
INDICATIONS DE PROCÉDURE
Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement
contradictoirement rendu le 2 avril 2010 par la 2ème chambre du tribunal du travail
de Namur (R.G. n°09/866/A),
Vu l’appel formé par requête déposée au greffe de la Cour du travail
le 23 septembre 2010 et régulièrement notifiée à la partie adverse le jour même,
Vu l’ordonnance rendue le 19 octobre 2010 sur la base de l’article
747 du Code judiciaire aménageant les délais pour conclure et fixant la date de
plaidoiries au 26 avril 2011,
Vu les conclusions principales et de synthèse déposées par
l’appelante au greffe respectivement les 14 décembre 2010 et 14 février 2011,
Vu les conclusions principales et de synthèse déposées par l’intimée
au greffe respectivement les 12 novembre 2010, 14 janvier et 14 mars 2011,
Vu les dossiers déposés par les parties à l’audience du 26 avril 2011
à laquelle elles ont été entendues en l’exposé de leurs moyens.
DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
après en avoir délibéré,
statuant publiquement et contradictoirement,
vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l’emploi des
langues en matière judiciaire et notamment son article 24 dont le respect a
été assuré,
reçoit les appels principal et incident,
les déclare partiellement fondés,
dit pour droit que la demande nouvelle n’est recevable qu’en ce
qu’elle porte sur les pécules de sortie lesquels sont dus majorés des
intérêts prenant cours le 15 juillet 2009 et calculés sur le montant net,
dit les autres chefs de demande formant la demande nouvelle
irrecevables,
N° D'ORDRE
R.G. 2010/AN/173
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confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, en
ce compris quant aux dépens, hormis en ce qu’il évalue l’indemnité
compensatoire de préavis à 7.851,34 €,
condamne la Province de Namur à verser une indemnité
compensatoire de préavis de 6 mois évaluée à la somme de 3.204,78 €, à
majorer des intérêts sur le brut à dater du 30 décembre 2008,
pour le surplus, ordonne la réouverture des débats afin que les
pécules de sortie soient calculés,
fixe à cet effet date au mardi 27 septembre 2011 à 14 heures
30 pour cinq minutes au local ordinaire des audiences de la Cour du
travail de Liège, section de Namur, rez-de-chaussée, Place du Palais de
Justice, 5 à 5000 NAMUR,
invite les parties à s’échanger et à remettre au greffe de la Cour
leurs dossiers et observations écrites sur ces questions selon les
modalités suivantes (Code judiciaire, art. 775 nouveau) :
- les conclusions sur réouverture de l’intimée pour le 20 juin
2011
- les conclusions sur réouverture de l’appelante pour le 11
août 2011,
- les conclusions en réplique et de synthèse sur réouverture
de l’intimée pour le 29 août 2011,
réserve à statuer sur le surplus, dépens d’appel y compris, les
dépens d’instance ayant été confirmés ci-dessus.
Ainsi arrêté par
M. Michel DUMONT, Président,
M. Thierry TOUSSAINT, Conseiller social au titre d’employeur,
Mme Ghislaine HENNEUSE, Conseiller social au titre d’employé,
qui ont assisté aux débats de la cause,
assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier,
qui signent ci-dessous
Le Greffier
Les Conseillers sociaux
Le Président
N° D'ORDRE
R.G. 2010/AN/173
13/13
et prononcé en langue française, à l’audience publique de la
TREIZIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL DE LIEGE, section de
Namur, au palais de justice de NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le
VINGT-TROIS MAI DEUX MILLE ONZE par le Président et le Greffier.
Le Greffier
M. Frédéric ALEXIS
Le Président
M. Michel DUMONT