Développement économique et renouvellement urbain

Transcription

Développement économique et renouvellement urbain
DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE
ET RENOUVELLEMENT URBAIN
JEUDI DE LA VILLE
DU 13 MAI 2004
Jeudi de la Ville organisé par l’IREV
Institut Régional de la Ville – 23 avenue Roger Salengro – BP 318 – 59336 Tourcoing Cédex
Tél 03 20 25 10 29 – Fax : 03 20 25 46 95 – E.Mail : [email protected] – Site Internet : www.irev.fr
-1–
SOMMAIRE
Avant-Propos
page 2
Développement Economique et Politique de la Ville :
l'imposible rencontre ?
Claudine Bansept, chargée de mission au CNV
page 3
Quand les capitaux publics et privés s'associent :
la société d'investissement régionale
Dominique Mirada, directeur de Batixia
page 5
Quelles stratégies et quels acteurs dans le développement
économique des quartiers ?
David Vallat, universitaire, responsable du technopole
de Vaulx en Velin
Le développement commercial au service de la mixité sociale
Daniel Boys, premier adjoint au Maire de Bethune
Comment construire une stratégie pour une ville
et ses quartiers ?
Hervé Dheilly, Directeur de la politique de la ville et de l'insertion
de la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole
Le rôle d'un opérateur de l'aménagement économique et de
la commercialisation
Jean Badarou, directeur de la SEM Ville Renouvelée
L'engagement des promoteurs : conditions et modalités
Jean-Charles Lefévre, Président Régional de la FNPC
L'activité commerciale dans les quartiers en
renouvellement urbain
Carole Bogaert, Directrice générale adjointe à l'aménagement
du territoire et des projets de la ville de Lens
L'implantation d'une enseigne : pourquoi et
à quelles conditions ?
Renauld Bourlet, Directeur de l'expansion de Match
Du projet commercial à l'implantation des commerces
en site de renouvellement urbain
Guy Lalin, Directeur Général des services techniques
de Valenciennes Métropole
Le point de vue d'un acteur national
Pierre Boulier, Directeur Général de l'EPARECA
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Jeudi de la Ville du 13 mai 2004
Développement économique et Renouvellement urbain
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AVANT PROPOS
Devant l’importance des projets de renouvellement urbain, l’IREV a
souhaité revenir sur un aspect déterminant : le développement
économique.
Ce Jeudi de la Ville, organisé le 13 mai 2004 a, tout d’abord, permis
de souligner une récurrence : la difficulté d’aborder l’économique
dans le renouvellement urbain.
Ainsi, face à ce problème, pourtant déterminant du succès des
projets de rénovation urbaine des quartiers en difficulté, cette
journée a été l‘occasion de :
-
comprendre les logiques d’action et les contraintes des
différents acteurs, représentants des collectivités engagés dans
l’action économique et le (re)développement des territoires,
acteurs du monde économique, opérateurs ;
-
identifier les conditions d’élaboration et de conduite des projets
où s’inscrive le développement économique, et notamment les
conditions de dépassement de « l’incompréhension entre
acteurs publics et acteurs économiques dans le cadre du
renouvellement urbain » (rapport du CNV).
La présence de professionnels du monde économique mais aussi de
la politique de la Ville et du Renouvellement urbain a ainsi permis
de mettre en débat les termes de l’action économique dans les
quartiers et, notamment, la nécessité de mettre en place de
nouveaux outils.
Vous trouverez dans cette synthèse l’essentiel des enseignements
de cette journée.
Jeudi de la Ville du 13 mai 2004
Développement économique et Renouvellement urbain
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DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET POLITIQUE DE LA VILLE
RENCONTRE ?
Claudine Bansept
Chargée de mission au Conseil National des Villes
: L’IMPOSSIBLE
Une mauvaise articulation entre les stratégies économiques et urbaines
Pourquoi les acteurs privés et publics ne se rapprochent-ils pas pour articuler leurs stratégies
de développement économique et de renouvellement urbain, alors que les unes ne semblent
pouvoir se réaliser sans les autres ? L’existence d’un projet urbain est, en effet, un préalable
indispensable au retour de l’économie dans les quartiers. La réciproque est également vraie :
l’implication du secteur privé est une condition de réussite des projets.
Le Conseil national des villes (CNV) a analysé la césure entre politique de la ville et
développement économique. Comme le rapporte Claudine Bansept, chargée de mission au
CNV, la politique de la ville demeure un champ clos d’acteurs publics, qui ne parvient pas à
associer la participation et la réflexion des entreprises.
Les élus sont convaincus de l’interdépendance entre l’économique et le développement
territorial. Ils savent qu’il faut agir à la fois sur l’exclusion économique et sur l’exclusion
sociale et souhaitent d’ailleurs pour cela territorialiser davantage leurs politiques. Or, les
grandes entreprises aspirent plutôt à se détacher des territoires pour se développer à
l’extérieur, surtout quand ceux-ci ne présentent pas tous les atouts recherchés.
Dans les quartiers en renouvellement urbain, les difficultés urbaines et sociales concentrent
l’attention, alors de la réflexion sur le développement économique est négligée. On parle de
démolition-reconstruction, de mixité sociale, de présence des services, mais quand les
acteurs abordent le thème du développement économique, ils s’aventurent rarement au-delà
de la question de l’emploi ou de l’insertion par l’économique.
Les pouvoirs publics, en particulier, se mobilisent peu sur ce thème, à l’exception de la
redynamisation du commerce et du dispositif zone franche urbaine, qui représente une
avancée certaine, mais reste insuffisant pour soutenir la création d’entreprises et le
développement économique.
Si les entreprises appellent le renouvellement urbain de leurs vœux (75 % disent que c’est
un enjeu pour elles), peu s’y impliquent en réalité. 70 % refusent même de s’implanter dans
une zone de renouvellement urbain et 87 % n’ont pas de relations avec les acteurs de la
politique de la ville.
Enfin, le rapport du CNV indique que les investissements publics et privés ne sont pas
coordonnés, les premiers étant affectés à la politique de la ville mais sans lien avec les
attentes des acteurs économiques et privés et les seconds consacrés à des logiques
économiques peu articulées avec les logiques politiques des territoires. Or, sans
investissement conjoint le renouvellement urbain trouve rapidement ses limites.
Les explications de l’échec
Comment expliquer l’échec de la coopération entre acteurs économiques et acteurs publics ?
Le CNV avance plusieurs causes.
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Les entreprises exigent d’abord des projets urbains globaux, qui répondent à l’essentiel de
leurs attentes (immobilier, accessibilité, marché local, marché du travail, etc.) et qui soient
établis sur la durée et solidement organisés. Sans la garantie de ces conditions réunies, les
entreprises ne s’engagent pas.
Elles ont aussi parfois l’impression que les engagements politiques sont confus et fragiles car
soumis à la conjoncture, alors qu’elles exigent des orientations claires, lisibles et pérennes.
Les acteurs privés n’entendent pas jouer les entreprises citoyennes qui rendraient service
aux quartiers en difficulté. Ils préfèrent être dans un rapport gagnant/gagnant avec l’Etat.
Ils souffrent aussi de l’absence d’un aménageur capable de fédérer les acteurs et de créer de
la relation et ils aimeraient être davantage associés à la phase de conception des projets.
Quand les entreprises s’intéressent au renouvellement urbain, elles ont peine à trouver un
interlocuteur unique, forcées de composer avec les diverses collectivités locales concernées
par le projet (communes, agglomération, départements, région).
Enfin, s’implanter en zone de renouvellement urbain, dans des communes bien souvent en
déséquilibre financier, c’est accepter de supporter une fiscalité plus lourde qu’ailleurs. En
contrepartie de cette taxation inéquitable et des risques courus, les entreprises demandent
une rentabilité supplémentaire, mais les élus ne semblent pas encore prêts à l’entendre.
Convaincus de la nécessité de rapprocher les sphères économique et urbaine, les élus
déplorent que l’unité ne soit toujours pas établie sur le plan institutionnel, citant la
séparation de la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) et
de la DIV (Délégation interministérielle à la ville). Ils réclament une vision plus unitaire sur
ces problématiques.
Leurs équipes des institutions souffrent aussi d’un manque de culture et de compétence
économiques. Elles ne disposent pas toujours non plus d’outils financiers et d’organisation
disponibles et adaptés aux réalités économiques.
Beaucoup de ceux qui se penchent sur le développement des quartiers rencontrent, de
surcroît, la difficulté à formuler des perspectives. Il est plus aisé de parler de moyens à
mettre en œuvre que de bâtir un projet cohérent et partagé par tous.
Les entreprises et les élus se trouvent, qui plus est, confrontés à deux problèmes
supplémentaires : l’insécurité urbaine et l’absence de dialogue. Dans notre culture du
consensus, le manque de discussion et de négociation empêche d’identifier les points de vue,
les zones de blocage et de trouver les termes d’un accord commun.
Que faut-il changer ?
Pour parvenir à une meilleure articulation entre le développement économique et le
renouvellement urbain, le CNV suggère quelques changements.
Il propose en premier lieu de concevoir la politique de développement économique à l’échelle
régionale ou de l’agglomération. Les collectivités locales se réapprorieraient ainsi la définition
des projets économiques et de restructuration urbaine des quartiers, tandis qu’elles ont
plutôt tendance actuellement à assurer « l’accompagnement de projets structurants décidés
ailleurs ».
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La main-d’oeuvre devrait, selon le rapport, être associée à la réflexion et la définition des
grands projets français et européens afin d’en partager les enjeux et de voir les entreprises
s’implanter dans ses quartiers.
Le CNV envisage aussi la création d’un cadre législatif fort qui formaliserait l’engagement du
secteur public et du secteur privé. Il propose qu’une loi d’orientation et de programmation
soit élaborée par les régions et les agglomérations pour définir le cadre général orchestrant
le partenariat. Ce texte pourrait comprendre les principes suivants :
-
mobiliser les grands projets économiques nationaux en association avec des villes en
renouvellement urbain ;
intégrer le développement économique des villes en renouvellement urbain dans la
politique économique des régions et des agglomérations ;
établir des liens forts entre renouvellement urbain et développement économique
régional ;
changer le regard sur les quartiers, pour passer d’une vision « quartier à problème » à
une vision « quartier à potentialité » ;
impliquer les services publics ;
impliquer les entrepreneurs privés et leur association dans la phase amont des projets
de renouvellement ;
prendre en compte les recettes induites par le renouvellement urbain ;
apprécier rigoureusement les critères de rentabilité et de risque.
prendre en compte les contextes locaux avec la création d’outils organisationnels et
financiers en fonction des problèmes rencontrés en local, en assumant la diversité.
QUAND LES CAPITAUX PUBLICS ET PRIVES S’ASSOCIENT
: LA SOCIETE
D’INVESTISSEMENT REGIONALE
Dominique Mirada
Directeur de Batixia
Dans ses propositions, le rapport du CNV suggère de créer des sociétés d'investissement
régionales ou interrégionales, associant capitaux privés et publics, pour financer le
renouvellement urbain.
Le Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais s'est saisi de la proposition : il a fondé Batixia, une
société d'investissement régionale, qu'il finance à 34 %. 41 % du capital sont en outre
apportés par un acteur privé et la Caisse des dépôts et des consignations complète la mise.
La société Batixia se comporte comme un capital-risqueur investissant sur les territoires de
la politique de la ville (GPV, contrats de ville, zones urbaines sensibles, ZRU, ZFU, friches
industrielles et tous les territoires sur lesquels le Conseil régional contractualise). Son
objectif : leur redonner, par l’implantation d'un immobilier d'affaires, l'attractivité nécessaire
au retour de l'investissement privé.
L’intervention conjointe du secteur privé et du secteur public semblait être la meilleure
option car lorsque la puissance publique est la seule à agir sur un territoire, il est rare de voir
le privé prendre le relais. Inversement, la voie du tout privé conduit à la relégation accélérée
des territoires en difficulté.
Cette troisième voie permet au contraire, comme l’explique Dominique Mirada, directeur de
Batixia, de dépasser la principale difficulté liée à ce type d'opération : la gestion du couple
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risque-rentabilité. En réunissant les acteurs-clés de la chaîne immobilière, en créant le
dialogue nécessaire à l’élaboration de projets urbains de qualité, Batixia rassure les
investisseurs privés. Les montages financiers leur apportent en plus un rendement plus élevé
qui couvre le risque pris. Batixia peut aussi mobiliser les ressources du FEDER, chaque fois
qu’une contribution publique s’avère nécessaire. Les acteurs privés peuvent alors pratiquer
une politique de bas loyers, élément attractif pour les entreprises.
QUELLES STRATEGIES ET QUELS ACTEURS DANS LE DEVELOPPEMENT
ECONOMIQUE DES QUARTIERS ?
David Vallat
Universitaire, responsable du technopole de Vaulx en Velin
Quelle place pour l’économie dans le territoire ?
Pour David Vallat, responsable du technopole de Vaulx-en-Velin, l’économie est l’une des
dimensions du territoire qui lui confèrent une existence, au même titre que la dimension lieu
de vie et celle de lieu d’échange.
L’économie étant, elle aussi, un construit social, elle prend diverses formes dans un même
territoire, comme l’indique Fernand Braudel en parlant d’économie plurielle. L’économie
rassemble la micro-économie qui concerne les ménages, les très petites entreprises et
l’économie domestique ; l’économie de marché qui est celle des PME et le capitalisme avec
ses échanges internationaux et ses grandes entreprises.
Pour développer tel ou tel autre type d’économie sur un territoire, il convient donc
d’actionner des leviers différents, de s’adresser à des acteurs distincts et d’employer des
outils spécifiques.
De l’économie sociale à l’économie de marché
D’après David Vallat, la forme d’économie la mieux adaptée dans l’immédiat aux territoires
en politique de la ville, c’est l’économie sociale et solidaire. Elle croise en effet l’économique
avec d’autres dimensions, elle est adaptée au développement endogène des petites activités
et a prouvé sa capacité à créer des emplois, dont le nombre est souvent sous-estimé par
ailleurs.
Comment impulser ensuite dans ces territoires l’économie de marché, voire le capitalisme,
au sens que lui donne Fernand Braudel ? La structuration de l’accueil des entreprises, l’aide à
l’accompagnement des initiatives privées, le décloisonnement du territoire et l’organisation
des réseaux d’acteurs locaux sont autant d’actions qui aident les porteurs de projet à être
rapidement opérationnels et rendent un territoire attractif.
Un chef d’orchestre de toutes ces actions de développement économique est indispensable. Il
doit être un visionnaire du long terme et le moteur d’un développement économique
concerté. C’est le rôle de l’acteur politique, selon David Vallat.
La réussite de la zone franche de Vaulx-en-Velin
Comment la zone franche de Vaulx-en-Velin est-elle parvenue à enregistrer un taux d’accueil
d’entreprises de + 119 % entre 1996 et 2003 et un taux de création d’emplois de + 178 % ?
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Pour faire venir les entreprises sur le site, les pouvoirs publics ont choisi d’agir sur quatre
dimensions : lutter contre le chômage, changer l’image de la ville, développer l’économie et
favoriser la mixité sociale. Ces orientations expliquent, par exemple, que la ville ait préféré
accueillir une enseigne Casino plutôt qu’un hard discounter.
Puis, pour fidéliser les entreprises et préserver leur bonne santé, la ville a décidé
d’accompagner de près et durablement les créateurs d’entreprises avant, pendant et après la
création d’entreprise. Un réseau de partenaires s’est mobilisé pour sélectionner les projets
(ville, Chambre de commerce, consultants professionnels de l’entreprise, services de l’Etat).
LE DEVELOPPEMENT COMMERCIAL AU SERVICE DE LA MIXITE SOCIALE
Daniel Boys,
premier adjoint au Maire de Bethune
Le quartier du Mont Liébaut à Béthune, ancienne ZUP des années 1960 actuellement en
politique de la ville, est séparé du centre-ville, physiquement par la voie ferrée et
socialement par son caractère populaire.
Dans le but de créer des échanges entre les deux quartiers et d’améliorer, du même coup, la
mixité sociale, la ville a décidé d’aménager un territoire qui les sépare, le quartier de la gare
et de le consacrer au commerce, aux services (agences de location de voiture, de voyage,
hôtels, etc.) et aux loisirs (patinoire, cinéma, discothèque, etc.). Les populations du centreville et celle du quartier du Mont Liébaut devraient ainsi partager les mêmes espaces. Des
aménagements viseront aussi à attirer les étudiants (résidence étudiante) dans le quartier de
la gare ainsi que de l’activité économique.
L’idée n’est pas nouvelle à Béthune, rappelle Daniel Boys, premier adjoint au maire. Déjà
dans les années 1980, la transformation d’une rotule de la SNCF, située le long de la voie
ferrée, en centre commercial et en site d’équipements publics avait entrepris d’articuler les
deux quartiers. Les effets de cette première opération ont été positifs, mais l’accès au centre
commercial est progressivement devenu plus difficile et un nouveau réaménagement de
l’espace est devenu nécessaire.
COMMENT CONSTRUIRE UNE STRATEGIE POUR UNE VILLE ET SES
QUARTIERS ?
Hervé Dheilly,
Directeur de la politique de la ville et de l'insertion
de la communauté d'agglomération d'Amiens Métropole
Une intercommunalité de projet à Amiens
Dans l’agglomération d’Amiens, qui compte vingt-sept communes, les projets de
développement des quartiers, qu’ils soient en renouvellement urbain ou plus développés,
sont tous conçus et menés dans une démarche partenariale. Il s’agit d’une
« intercommunalité de projet », selon Hervé Dheilly, directeur de la politique de la ville et de
l’insertion de la Communauté d’agglomération d’Amiens Métropole.
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En effet, élus de la puissante ville centre, comme élus des communes plus petites s’y
impliquent au même titre. Quatre maires de petites communes sont d’ailleurs nommés viceprésidents des quatre secteurs communautaires de l’agglomération, qu’ils pilotent
politiquement. Hervé Dheilly défend en effet l’idée que désenclaver les quartiers exige de
savoir comment leurs échanges s’exercent avec l’extérieur.
Il ajoute que le partenariat politique intègre également les élus de la Chambre de commerce
et d’industrie.
Sur le plan technique, l’instruction des dossiers, la promotion et la commercialisation sont
réalisées conjointement par les services politique de la ville et développement économique
d’Amiens Métropole et en partenariat avec les services de la CCI.
Le quartier Amiens-nord donne l’exemple
Si le projet du quartier Amiens-nord est une réussite, c’est notamment grâce à une volonté
politique forte, estime Hervé Dheilly. Il cite également l’implication du comité
d’agglomération et des élus de la politique de la ville, du renouvellement urbain et du
développement économique.
La démocratie locale, avec la participation de vingt-six comités de quartier ; la mise en
réseau des acteurs par la création d’un guichet unique de création d’entreprise et le pilotage
d’un dispositif de suivi politique et technique par le sous-préfet à la Ville, le vice-président
d’Amiens Métropole et le vice-président du Conseil général de la Somme, sont également
pour beaucoup dans la réussite du projet.
Grâce à cette organisation et aux investissements publics, le projet de territoire d’Amiensnord conjugue l’équipement, le logement et le développement économique. On trouve sur le
site deux hôtels d’entreprises, un village PMI, une pépinière d’entreprises, un collège, un
habitat renouvelé comprenant du petit collectif et des maisons individuelles.
Maintenant que l’image du quartier a radicalement changé, la ville espère voir arriver les
promoteurs et les investisseurs privés.
LE ROLE D’UN OPERATEUR DE L’AMENAGEMENT ECONOMIQUE ET DE LA
COMMERCIALISATION
Jean Badarou,
Directeur de la SEM Ville Renouvelée
Créée en 1980 sur les territoires du versant nord-est de la métropole lilloise, la société
d’économie mixte (SEM) Ville renouvelée était initialement chargée de réintroduire de
l’emploi dans les zones textile sinistrées.
Elle a rapidement étendu son action à la problématique urbaine, orientation renforcée avec
l’introduction du concept de ville renouvelée dans le schéma directeur de la métropole lilloise
au milieu des années 1990. Elle a alors commencé à gérer la crise économique, mais aussi la
crise urbaine, celle du commerce, l’équipement…
Concrètement, explique Jean Baradou directeur de la structure, la SEM achète les immeubles
dans lesquels elle réalise les travaux de rénovation et d’adaptation nécessaires, puis les loue
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aux entreprises. Pour attirer celles-ci dans le quartier, notamment les entreprises naissantes,
la SEM s’efforce de répondre très précisément à leurs besoins, en leur proposant des
bâtiments d’activité fonctionnels, un bail commercial souple et un loyer maîtrisé. Ces
entreprises trouvent ainsi une solution en sortie de ruche d’entreprise, elles qui n’ont pas les
moyens d’investir dans l’immobilier, tout en bénéficiant des avantages de la zone franche
urbaine.
L’ENGAGEMENT DES PROMOTEURS : CONDITIONS ET MODALITES
Jean-Charles Lefévre,
Président Régional de la FNPC
A quelles conditions un promoteur privé accepte-t-il de s’engager dans un projet de
renouvellement urbain et de développement économique ?
Pour Jean-Charles Lefèvre, président Régional de la FNPC, les promoteurs sont d’abord
soumis à une obligation de résultat et recherchent avant tout un projet économiquement
fiable et rentable.
Ils se fient pour cela à la stratégie, qui est en général affichée comme une ambition
politique. Celle-ci doit être parfaitement claire, simple et réaliste, reposant sur la
connaissance des réalités sociales et économiques du territoire. Ils veillent aussi à ce que les
procédures d’accompagnement soient adéquates : les commissions de travail doivent être ni
trop ni trop peu nombreuses et il faut un chef de projet compétent et moteur. Les finances
publiques doivent aussi être à la hauteur du projet.
Les promoteurs s’attachent par ailleurs à ce que les institutions en jeu acceptent le
management du chef de projet et ne se livrent pas de compétition entre elles. Ils demandent
aussi à être associés comme des partenaires à part entière.
Sur le projet lui-même, ils accordent une attention toute particulière aux conditions
d’attractivité : une bonne accessibilité, des réflexions sur l’urbanisme cohérentes avec
l’ambition politique et le marché et d’un solide partenariat public-privé.
Une fois toutes ces conditions réunies, les promoteurs privés peuvent intervenir de diverses
manières. Ils peuvent être contactés par une SEM d’aménagement à laquelle la collectivité a
fait appel au préalable et qui leur propose un foncier à des prix cohérents au regard du
marché. Cette démarche est courante dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie, mais souffre
d’une lenteur dans les décisions.
D’autres fois, certains promoteurs, connus pour leur expérience et leur implication dans
l’aménagement urbain, sont directement contactés par les élus. Ils participent dans ce cas à
la définition du projet, des conditions financières et des modalités d’intervention.
L’importance du partenariat public-privé
Actuellement, pour la première fois en France, dix promoteurs s’associent et décident de
s’inscrire dans la politique de renouvellement urbain et de revitalisation des quartiers de
Lille, Roubaix et Tourcoing. Il a fallu la volonté, l’ambition et la stratégie d’un leader politique
(la Communauté urbaine de Lille), le soutien de deux villes, un homme responsable de la
politique d’aménagement (Alain Cacheux), l’appui technique de l’agence d’urbanisme et
l’écoute réciproque du privé et du public pour mener à bien cette initiative.
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Le partenariat privé-public est particulièrement abouti, puisque le cahier des charges a été
défini en commun et que les deux secteurs ont signé une charte. Le public s’engageait à
mettre les moyens pour réaménager le quartier et requalifier les espaces publics ; le privé a
travaillé dans la plus grande transparence en communiquant ses bilans, appels d’offres et
devis aux élus.
Après un an et demi de fonctionnement, ce système porte ses fruits, puisque 70 % des
maisons construites dans le quartier difficile de Lille sont destinés à l’accession.
L’ACTIVITE COMMERCIALE DANS LES QUARTIERS EN RENOUVELLEMENT
URBAIN
Carole Bogaert,
Directrice Générale adjointe à l'aménagement du territoire
et des projets de la ville de Lens
Choisir l’implantation commerciale : une question d’échelle
Comment déterminer l’implantation des commerces dans les projets de renouvellement
urbain ? Selon Carole Bogaert, directrice générale adjointe de l'aménagement du territoire et
des projets de la ville de Lens, il convient d’étudier l’attractivité du territoire à différentes
échelles. Il faut d’abord s’intéresser au caractère socio-économique et aux besoins
spécifiques du quartier lui-même, puis analyser la dynamique et l’offre commerciale des
quartiers voisins, du centre-ville, mais aussi des communes adjacentes et des pôles périurbains quand il en existe.
Créer les conditions de l'attractivité
Certains quartiers sont devenus des « repoussoirs », selon elle et la renaissance de leur
attractivité suppose des interventions relevant de l’action publique. Si les moyens publics
existent, il faut encore convaincre les financeurs de patienter plusieurs années avant que se
manifeste un impact significatif sur la transformation du quartier et avant qu’ils obtiennent
un retour sur investissement.
L’insécurité urbaine (braquages, cambriolages) doit par ailleurs être maîtrisée si l’on veut
attirer les investisseurs et les entreprises dans un quartier.
L’accueil de populations diversifiées contribue à créer de nouveaux besoins de
consommation. C’est dans ce sens d’ailleurs que le quartier de la Grande Résidence à Lens a
décidé de transformer l’une de ses tours pour y accueillir une école d'infirmières.
Redynamiser un quartier suppose de lui fixer une vocation. Pour le quartier de la Grande
Résidence, les perspectives ne peuvent être dissociées ni de la rocade minière située juste à
proximité ni des communes adjacentes.
Pour réaliser son ambitieux projet de centre commercial, la ville de Lens ressent, enfin, le
besoin impérieux de trouver des partenaires, en complément de la Chambre de commerce et
d'industrie qui l’aide déjà à mettre en oeuvre des solutions temporaires.
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L’IMPLANTATION
CONDITIONS ?
D’UNE
ENSEIGNE
:
POURQUOI
ET
A
QUELLES
Renauld Bourlet,
Directeur de l'expansion de Match
Pour l'acteur privé Match, l'implantation d'une enseigne est prioritairement guidée par un
principe économique : la taille de la zone de chalandise, qui doit atteindre 18 000 à 20 000
habitants en moyenne. A moins qu’il ne se situe dans une métropole importante comme Lille,
l’investisseur doit donc adopter une vision plus large que celle du quartier intra-muros et
étudier la capacité de ce dernier à attirer la population des communes voisines.
L'enseigne a également besoin de surface disponible. Pour offrir les dix ou onze mille
références de produits dont le consommateur a besoin pour vivre quotidiennement, les
supermarchés Match s’étendent sur une surface de vente d’au moins 1 000 mètres carrés.
L’enseigne attache également une extrême importance au devenir du quartier et souhaite
avoir une lisibilité de son évolution sur dix ans. C’est indispensable pour rassurer
l'actionnaire et lui garantir le retour sur investissement. Selon Renauld Bourlet, directeur de
l’expansion de Match, cela serait facilité si les acteurs privés étaient associés bien en amont
aux réflexions des élus locaux.
Que le quartier soit en difficulté ou favorisé, Match propose une offre de produits identique et
de qualité, mais à des tarifs modulés, refusant de paupériser l’offre et rompant de fait avec
la logique du hard-discount. L'enseigne entend ainsi contribuer à conserver les
consommateurs du quartier dans le quartier.
DU PROJET COMMERCIAL A L’IMPLANTATION DES COMMERCES EN SITE DE
RENOUVELLEMENT URBAIN
Guy Lalin,
Directeur Général des services techniques
de Valenciennes Métropole
Sur quels principes une collectivité construit-elle son schéma commercial ? Le schéma de
développement commercial du Valenciennois repose, pour commencer, sur les centres-villes.
Pour Guy Lallain, directeur général des services techniques de Valenciennes Métropole, le
commerce est d'abord intimement lié à la centralité. Là où il y a un centre-ville ou un centrebourg, même en déshérence, il existe une potentialité de développement commercial. Il faut
alors renforcer cette centralité.
Le schéma commercial de la métropole repose, en outre, sur la périphérie où est programmé
le développement du très grand commerce.
La collectivité compte ainsi combler à la fois son lourd déficit d’offre de proximité,
notamment en commerces haut de gamme, mais aussi freiner la concurrence des grands
centres commerciaux de la métropole lilloise, d’Hénin-Beaumont et de la Belgique.
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Ces deux axes sont déjà bien engagés et Valenciennes Métropole commence à étudier une
troisième piste. Il s’agit de développer une gamme intermédiaire de commerces dans trois
communes qui témoignent d’une activité commerciale dynamique et qui ont démontré leur
capacité à développer une nouvelle offre de commerces et de services.
Attirer les clients, les commerçants et les investisseurs
Mais pour développer un schéma d’implantation commercial harmonieux dans les quartiers
en difficulté, plusieurs conditions semblent, une fois encore, nécessaires. Guy Lallain les
rappelle. Il lui semble d’abord que pour séduire la clientèle, il faut renforcer l’attractivité des
centres en y concentrant un maximum d’équipements publics et de services.
Il faut garder à l’esprit que la clientèle est évidemment sensible à la qualité urbaine et
paysagère ainsi qu’à la fonctionnalité des espaces publics. Guy Lallain suggère aussi de
privilégier le resserrement urbain plutôt que de laisser le commerce se développer de
manière éparpillée.
Les commerçants, eux, sollicitent des vitrines, des passages et des aires de stationnement.
L’expérience montre qu’ils s’intéressent davantage à un site quand il dispose d’un marché.
Pour que les investisseurs s’intéressent à une opération commerciale, il faut leur présenter
un projet global d’aménagement et de renouvellement urbain, qui intègre tous les aspects du
développement. Celui-ci gagnera encore en pertinence s’il bénéficie de la réalisation d’études
économiques et commerciales menées sur le quartier. Ces acteurs exigent aussi la fiabilité
de l’implantation et l’assurance du soutien de la part de la collectivité. Ils ont, enfin, besoin
de moyens d’accompagnement.
LE POINT DE VUE D’UN ACTEUR NATIONAL
Pierre Boulier,
Directeur Général de l'EPARECA
Quand les conditions d’attractivité ne sont pas remplies ou quand le devenir du quartier en
renouvellement urbain n’apparaît pas encore avec évidence, les investisseurs privés et
parfois même publics se font rares. L’EPARECA a été créé pour pallier cette absence, par la
loi du Pacte de relance pour la ville en 1996.
Il est situé à Lille et a pour mission de maintenir une offre commerciale et de qualité dans les
quartiers en difficulté (zones de la politique de la ville, en contrat de ville, en zone franche et
éligibles à l’ANRU). Il rachète des centres commerciaux neufs ou des centres anciens qu’il
fait rénover. Il gère actuellement quinze centres en exploitation, il en rénove et construit
quinze autres et étudie une cinquantaine de nouvelles propositions.
Pierre Boulier, directeur général de cet établissement public, indique que les opérations
durent en général de trois à quatre ans, confrontées à la présence de plusieurs propriétaires
(souvent les commerçants eux-mêmes) qu’il faut convaincre de réaliser le projet ou auxquels
il faut racheter les parts.
L’opérateur veille tout particulièrement à la taille du centre qu’il construit ou rénove. Trop
nombreuses, les boutiques ne parviennent pas toutes à trouver preneur. Le gestionnaire est
alors tenté de louer les cellules à des commerçants de moins bonne qualité, moins attrayants
Jeudi de la Ville du 13 mai 2004
Développement économique et Renouvellement urbain
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et qui risquent même, si le service est médiocre, de dégrader rapidement l’image du centre
commercial.
Pour éviter cet écueil, la programmation commerciale doit préciser le type de la « locomotive
alimentaire », sa surface de vente, le nombre et de la qualité des boutiques implantées tout
autour. Le niveau du loyer doit aussi être établi en fonction du chiffre d’affaires des
commerçants et des tarifs qu’ils supportaient auparavant.
L’EPARECA tient compte aussi de l’accessibilité des lieux au point que si elle lui paraît
insatisfaite, il préfère reconstruire le centre plutôt que le rénover.
Pierre Boulier indique que la rénovation et la construction de centres commerciaux dans les
quartiers en renouvellement urbain ne sont possibles qu’à condition que les collectivités
locales s’impliquent et définissent le projet de restructuration urbaine. L’EPARECA ne peut,
pour sa part, agir que sur la partie commerciale de l’opération.
En prouvant que les centres commerciaux sont rentables pour les commerçants, de telles
opérations commencent à séduire les investisseurs privés, qui pourraient à terme racheter
les sites. Ils n’auront plus à ce stade à supporter des risques élevés ni la faible rentabilité de
départ.
Les principales difficultés semblent, à Pierre Boulier, se situer à l’étape de
commercialisation des sites, mais aussi dans la perception des loyers. Il évoque aussi
lourdeur des charges et la gestion des contentieux. Il ne manque pas, enfin, d’ajouter
problème de l’insécurité urbaine. Il suffit qu’un groupe de jeunes stationne pour que
sentiment d’insécurité gagne la clientèle et nuise au commerce.
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Par chance, les promoteurs s’intéressent aujourd’hui davantage aux quartiers en difficulté et
aux opérations de dimension plus petite. C’est l’occasion pour l’EPARECA de réduire la taille
de ses interventions. Simultanément, les enseignes de petite surface, de type Casino,
essaient de développer des pris plus bas, ce qu’elles ne faisaient pas jusqu’alors.
Jeudi de la Ville du 13 mai 2004
Développement économique et Renouvellement urbain
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Institut Régional de la Ville
Centre de Ressources Politique de la Ville
Région Nord Pas-de-Calais
23 avenue Roger Salengro BP 318
59336 TOURCOING Cédex
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Rubrique « Programme d’actions »
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trois fiches d’expériences
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Rubrique « Dossiers thématiques »
Un
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urbain
et
développement
économique » est en cours de
préparation
Consultez le rapport du CNV : « Les
enjeux du développement économique
dans le renouvellement urbain » sur le site
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Rédaction : Séverine GRUMIAUX [email protected]