Droit des contrats en exercice libéral

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Droit des contrats en exercice libéral
Droit des contrats en exercice libéral
Gérard MÉMETEAU
Professeur à la faculté de droit et de sciences sociales, université de Poitiers
SOMMAIRE
1. – Forfait jour hospitalier – Facturation indue – Faute grave – Rupture immédiate
du contrat
CA Paris, pôle 6, 9 avril 2015, JurisData 2015-007971
2. – Contrat d’exercice – Rupture – Motif inexact – Obstruction
CA Saint-Denis de la Réunion, 23 janvier 2015, JurisData 003993
3. – Contrat d’exercice – Rupture – Interprétation des volontés – Préavis
Cass. civ. 1re, 16 avril 2015, JurisData 008402
4. – Contrat d’exercice – Rupture – Préjudice – Chose jugée – Perte de chance
(de réinstallation)
CA Limoges, 22 avril 2015, JurisData 2015-009747
5. – Contrat d’exercice – Résiliation – Regroupement d’établissement
Cass. civ. 1re, 17 juin 2015, JurisData 014507
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I. – Contrats entre professionnels et cliniques privées
1. – Forfait jour hospitalier – Facturation indue – Faute grave – Rupture
immédiate du contrat
CA Paris, pôle 6, 9 avril 2015, JurisData 2015-007971
Les régimes d’assurance maladie prennent en charge des dépenses afférentes
aux soins médicaux dispensés dans certains établissements (art. L. 174-1 et s.
CSS). En particulier est servi un « forfait journalier » supporté par les hospitalisés,
non pris en charge – sauf exception – par les régimes obligatoires de protection
sociale, et s’impute sur la participation laissée éventuellement à la charge des
assurés par leurs régimes respectifs d’assurance maladie (art. L. 174-4 CSS).
Si, en droit de la « redevance », la clinique ne peut demander à ses médecins
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RUBRIQUES
I. – CONTRATS ENTRE PROFESSIONNELS ET CLINIQUES PRIVÉES
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paiement de frais couverts par ce forfait (Cass. civ. 1re, 5 nov. 1996, D. 1997,
somm. 316, obs. J. Penneau ; RDSS, 1997, 339), le médecin, lui, ne peut non
plus en demander paiement à ses patients hospitalisés. Il est « une contribution
des malades aux prestations hôtelières assurées par l’hôpital »1. Ce n’est pas un
complément d’honoraires. Cette facturation indue et répétée par un « praticien
confirmé » constitue une faute grave sanctionnée par la rupture immédiate du
contrat. – G.M.
2. – Contrat d’exercice – Rupture – Motif inexact – Obstruction
CA Saint-Denis de la Réunion, 23 janvier 2015, JurisData 003993
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JurisData propose l’abstract suivant, qui ne répond pas à une possible question :
le médecin bénéficiait-il, dans sa spécialité, d’une clause dite d’exclusivité ? Ceci
étant : « La responsabilité contractuelle du médecin, qui exerçait au sein d’un
centre médical suivant contrat d’exercice libéral, doit être engagée. En l’espèce, le médecin avait dénoncé ledit contrat au motif que le centre n’avait pas
remédié au problème du traitement de l’eau. Or, il apparaît que les installations
du centre ne posaient aucun problème sanitaire au moment de la rupture, les
procès-verbaux établis par le comité d’eau démontrant que le centre médical
avait pris conscience des améliorations à apporter aux installations, et avait
engagé un programme de rénovation avant la lettre de rupture. Aucune faute
n’était donc imputable au centre médical.
Dès lors, la réticence du médecin à signer un nouveau contrat et l’obstruction mise en œuvre pour qu’un remplaçant ne soit pas désigné traduisent la
volonté du médecin de continuer à exercer de façon exclusive, sans se soucier
des risques qu’une telle situation peut entraîner pour les patients. » À cette obstruction s’ajoutait un manquement à l’obligation du praticien de
respecter l’organisation des services de la clinique (sans pour autant devenir
salarié de celle-ci). – G.M.
3. – Contrat d’exercice – Rupture – Interprétation des volontés – Préavis
Cass. civ. 1re, 16 avril 2015, JurisData 008402
RUBRIQUES
Le contrat est de fin novembre 2000 ; il est résilié en décembre 2003. Le médecin
informe la clinique, le 7 avril 2010 de son intention de cesser son activité, puis,
le 27 février 2012 « de son départ effectif le 6 avril suivant ». La clinique est en
liquidation judiciaire. Il s’agit de savoir à quelle date le médecin a vraiment
rompu le contrat. La succession des événements impose de s’interroger. C’est
bien le 2 décembre 2003 que l’intéressé a résilié le contrat, en suggérant la
discussion sur une éventuelle nouvelle convention, qui ne fut jamais signée. On
1. Dupont (M.), Bergoignan-Esper (C.), Paire (Ch.), Droit hospitalier, Dalloz 2011, n° 590 ; Saison [J.],
Droit hospitalier, Gualino, 3e éd., p. 228.
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2. V. Michel Xiste (B.), Les relations juridiques entre les praticiens de santé, les cliniques privées et les
patients, LEH Édition, 2001, p. 184 et s. ; Léandri (A.), Le contrat d’exercice libéral du médecin, thèse,
Aix, 1er déc. 2006, p. 95 et s.
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Il était fait grief à l’arrêt (Agen, 16 septembre 2013) de n’avoir pas caractérisé
des actes non équivoques de renonciation du médecin à la résiliation du contrat
initiée le 7 avril 2010 (moyen, septième branche). La Cour de cassation adopte
cette critique, la simple poursuite de l’activité au-delà du délai d’usage ne caractérisant pas sans équivoque une volonté de renoncer à la résiliation du contrat
annoncée le 7 avril 2010, et casse l’arrêt choqué de pourvoi. Le 7 avril 2010 est
annoncée l’intention de rompre, la lettre du 27 février 2012 n’annonçant que
la date de départ, le 6 avril 2012. Le contrat verbal remonte à décembre 2003
(prenant suite de celui écrit rompu). Certes, le praticien avait continué à exercer
après le 7 avril 2010, ce qui pouvait jeter le doute sur ses intentions définitives.
Mais cette équivoque ne suffisait pas à bouleverser les suites de la résiliation, dont
le droit de l’intéressé à invoquer le respect de son préavis, qui avait donc couru
du 7 avril 2010 au 6 avril 2012, pendant deux ans, le contrat litigieux ayant
duré onze ans et quatre mois. La cour d’appel avait recherché les références, qui
ne peuvent être que contractuelles, ou bien d’usage et à ce titre intégrées dans
les contrats (art. 1135 C. civ.), et, sauf apports contraires évidents, descendant
de l’Ordre des médecins ou des recommandations du CLAHP (souvent, les juges
s’oublient à faire état, à tort, de « contrats types » ; c’est autre chose). Le CLAHP
(recommandations révisées, 24 février 1994), le préavis « pourrait être » (sic) de
dix-huit mois ; pour l’Ordre national des médecins, également dix-huit mois
(c’est un modèle de contrat et non un inexistant contrat type). Le délai était
expiré, nonobstant la critique, inopérante, d’imposition d’un délai plus long
pour abuser la clinique (non retenue par la Cour de cassation), par malice. La
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écrit, dans le pourvoi, qu’il y a alors « contrat de fait, régi par les usagers de la
profession », les parties en convenant. Et, en effet, un contrat verbal – qui n’est
pas « de fait » puisqu’il est un contrat, peut régir les relations des intéressés,
prendre la suite d’un premier contrat écrit (et régulièrement communiqué à
l’Ordre, obligation pesant sur le médecin, art. L. 4113-9 CSP) (CA Poitiers,
28 avril 1982, JCP, 1983, 20068, nos obs.), bien que cette facilité puisse souffrir
la critique2. Quoi qu’il en soit, le praticien poursuit son activité dans la clinique.
C’est le 7 avril 2010 que le médecin dénonce ce nouveau contrat en cours, en
proposant à nouveau une négociation, la clinique répondant en prenant acte
de cette décision (nous soulignons) et invitant à « évoquer le principe de votre
démission », puis confirme le 27 février 2012 l’effectivité de son départ, le principe de la rupture étant donc acquis. Mais, pour la cour d’appel, il y a, dans
l’attitude de l’intéressé, trop d’imprécisions, d’incertitude apparente, pour que
la clinique ait pu connaître précisément la date du départ de son partenaire, ce
qui le plaçait en difficulté pour organiser le remplacement alors que le médecin
ne lui présentait pas de successeur. Il n’avait pas respecté le délai de préavis
d’usage, et, de ce fait, avait causé à la clinique un important préjudice.
DROIT DES CONTRATS EN EXERCICE LIBÉRAL
cour d’appel aurait dû rechercher un acte non équivoque de renonciations à la
résiliation du contrat, qui eût fait courir le délai de préavis et permît une autre
recherche du respect des usagers. – G.M.
4. – Contrat d’exercice – Rupture – Préjudice – Chose jugée – Perte de
chance (de réinstallation)
CA Limoges, 22 avril 2015, JurisData 2015-009747
L’arrêt statue sur renvoi de cassation (Cass. civ. 1re, 5 février 2014, cassant CA
Riom, 15 février 2012 sur appel de TGI, Cusset, 21 février 2011).
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Une clinique est conventionnée en médecine, chirurgie et obstétrique. Elle conclut
avec l’ARH (aujourd’hui ARS) un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (art.
L. 6114-1 et s. CSP), mais, courant janvier 1999, l’agence a approuvé un SROS
(ancien art. L. 6221-1 et s.) prévoyant le maintien d’une seule maternité dans les
principaux centres urbains, et un arrêté du 15 mars 2006 confirme la suppression
de la maternité. Un seul des praticiens du service d’obstétrique accepte la proposition de poursuivre son activité au centre hospitalier (public) local. Ses confrères
obtiennent en référé une expertise aux fins d’évaluer leur préjudice puisque leurs
contrats d’exercice libéraux sont rompus par le fait du prince (ordonnance du
10 mai 2006, puis ordonnance du 13 juin 2007 accordant des provisions à quatre
praticiens). C’est le 27 juillet 2005 que la clinique notifie au médecin la confirmation de l’arrêt de son activité obstétricale pour avril 2006 alors que le contrat avait
pris effet le 12 janvier 1982. Par jugement du 7 janvier 2008, le tribunal considère
la clinique comme auteur d’une rupture « partielle » des contrats d’exercice, dit les
médecins recevables et fondés en leurs demandes indemnitaires, juge irrecevable
pour prescription la demande reconventionnelle de la clinique en nullité des
contrats (à durée déterminée) de deux des praticiens et irrecevable une demande
en paiement de loyers et « redevances » ; ordonne un complément d’expertise.
De ces deux chefs, la clinique relève appel. Par arrêt du 18 mars 2009, la cour
d’appel confirme le jugement, sauf en ce qui concerne ladite demande en paiement (redevance, loyers, remboursement de prestations). Par second jugement
du 21 février 2011, le TGI condamne la clinique à payer des indemnités à cinq
médecins du chef de la rupture des contrats relatifs à l’activité obstétrique. Le
sixième médecin est débouté motif pris de ce que son contrat à durée indéterminée pouvait être librement résilié sauf respect d’un délai de préavis, et sauf
rupture abusive. Le jugement fait droit aux demandes en remboursement présentées par la clinique. Sur appel, la cour de Riom, le 15 février 2012, confirme le
jugement du chef de la rupture du contrat du sixième médecin (Dr M.), diminue
le montant des indemnités de rupture. L’arrêt rapporté complète en ces termes
le résumé de celui du 15 février 2012 (page 6) : « Enfin, il a débouté le docteur
Rosa de sa demande d’indemnités au titre de la rupture partielle de son contrat
d’exercice médical au motif que ce contrat stipulait expressément qu’il serait
rendu "nul", sans indemnité de part et d’autre, dans le cas où une modification législative ou réglementaire viendrait porter atteinte à l’exercice actuel de la
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médecine libérale ainsi qu’aux règles applicables à l’hospitalisation privée, l’exercice des droits respectivement accordés aux parties en présence étant devenu
impossible (ce type de clause avait été naguère suggéré par la doctrine et parfois
adopté).
Pour confirmer le jugement en ce qu’il avait débouté le docteur M. de ses
demandes d’indemnités de rupture et pour débouter Mme Rosa Z. de sa
demande aux mêmes fins, l’arrêt a retenu, comme le soutenait la clinique, que
le jugement du 7 janvier 2008, bien que définitif en ses dispositions relatives aux
conséquences de la rupture, n’avait l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard du
fait générateur, mais non sur la question de l’existence d’un préjudice, ni sur
celle du lien de causalité entre le fait générateur et le préjudice, lesquelles étaient
restées hors du champ de la décision.
La Cour de cassation s’attache à l’autorité de chose jugée couvrant le jugement
du 7 janvier 2008 non frappé d’appel, qui déclarait recevables et fondés les
demandes d’indemnisation des préjudices résultant de l’arrêt de l’activité d’obstétrique. Un seul des intéressés saisit la Cour de renvoi (Dr M.) pour voir infirmer
le jugement du 21 février 2011 l’ayant débouté de ses demandes d’indemnisation du préjudice causé par la rupture de son contrat d’exercice : perte de
revenus, préjudice moral et « perte de chance de valoriser sa patientèle » (décidément, le mot est du dernier galant !).
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Sur le pourvoi de l’ensemble des médecins, la Cour de cassation a par un arrêt du
5 février 2014 cassé l’arrêt rendu le 15 février 2012 par la cour d’appel de Riom,
mais seulement en ce qu’il avait rejeté les demandes de Mr. M. et de Mme Z. »
Le jugement du 7 janvier 2008 déclarait bien la clinique à l’origine de la rupture
« partielle » du contrat des six médecins obstétriciens. On ne sait si la clinique
avait plaidé le fait du prince…
Préjudice de perte d’honoraires : l’expert propose de retenir deux années de
revenu moyen ; son avis ne lie pas le juge civil3. La cour étudie l’évolution des
revenus de l’intéressé par suite de la fermeture de la maternité et sans compensation par l’activité subsistante de gynécologie. À l’âge de soixante-huit ans, il
ne pouvait être fautif de n’avoir pas cherché « le concours d’un autre établissement », ce qui eût pu lui faire perdre sa clientèle « en délocalisant son activité ».
Perte de chance de valorisation de la « patientèle obstétrique » : ce que l’on peut
nommer ainsi « valorisation » est la faculté de négocier avec un successeur une
présentation à la clinique, sans parler de cession de contrat, du moins tant que
3. Sur les développements de l’expertise et de son autorité, v. récemment : Lasserre (V.), Le nouvel
ordre juridique, le droit de la gouvernance, Lexis-Nexis 2015, préface F. Terré, spec. p. 113.
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Pour la cour d’appel, en cet arrêt de renvoi, le jugement de 2008 est passé en
force de chose jugée sur ce point et le droit à indemnisation du docteur M., ce
qui exclut l’invocation de clauses contractuelles exonératoires, et l’objet du litige
se cantonne à l’évaluation du préjudice du médecin.
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l’ordonnance prévue par la loi du 16 février 2015 n’aura pas modifié le droit
de la « cession » du contrat intuitu personae. La cour fait état d’un « droit de
présentation de sa patientèle » (sic. page 10 de l’arrêt). Présentation à qui ? À un
confrère de la même spécialité ? Sans doute s’il exerce déjà dans le même établissement. Et encore ! Ce serait une présentation de ce médecin à la clientèle et
non l’inverse, ou une cession de ladite clientèle. Sinon, présentation d’un successeur à la clinique afin que celle-ci conclue avec lui un contrat d’exercice libéral
(ou salarié). En tout respect, la cour ne saisit pas exactement ces mécanismes
de succession dans une clinique. Elle comprend toutefois l’intuitu personae (du
contrat d’exercice ou des contrats médicaux ?) rendant « aléatoire » cette « valorisation du droit de présentation », en répétant pourtant « de la clientèle ». En
toute déférence, non : ce n’est pas la clientèle que l’on présente, ou alors on la
cède, mais il s’agit d’un autre mécanisme. Et, du moins à notre avis, une telle
cession ne pourrait profiter qu’à un confrère déjà en poste contractuel dans
l’établissement : la cession a un confrère « extérieur » supposerait en outre une
présentation à la clinique ce qui, selon nous, entraînerait le double paiement
de l’avantage unique de pouvoir travailler dans la clinique sur cette part de
clientèle4. Préjudice moral : les circonstances de la rupture n’ont été ni brutales
ni vexatoires. – G.M.
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5. – Contrat d’exercice – Résiliation – Regroupement d’établissements
Cass. civ. 1re, 17 juin 2015, JurisData 014507
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Le 28 août 1992, une polyclinique conclut un contrat d’exercice avec un gynécologue-obstétricien. Est stipulée une exclusivité avec sa face active et sa face
passive, et est prévue la « résiliation d’agrément des organismes de tutelle ».
L’établissement et les hôpitaux publics regroupent sur un site unique la maternité, l’ARH (actuelle ARS) n’autorisant la poursuite de la gynécologie-obstétrique que jusqu’au 31 décembre 2007, conformément au SROS. Le médecin
refusa la modification subséquente de son contrat et invoqua une rupture aux
torts de la clinique (et sans préavis). La clinique demande reconventionnellement la résolution du contrat aux torts du médecin, qui aurait manqué à sa
clause d’exclusivité. Par arrêt du 11 mars 2014, la cour d’appel de Caen rejeta
cette demande de l’établissement. La Cour de cassation casse cette décision en
ce qu’elle a prononcé la résiliation aux torts exclusifs de la clinique, alors que le
contrat avait prévu la rupture d’agrément de l’ARH et que le fait de s’engager
dans un regroupement intervenant dans ces conditions n’était pas fautif.
Ainsi :
« Vu l’article 1134 du Code civil ;
Attendu que, pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts
4. V. cep. Léandri (A.), Le contrat d’exercice libéral du médecin, thèse Aix, 1er décembre 2006, p. 280
et s.
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exclusifs de la clinique, l’arrêt retient que la perte de l’agrément n’est que la
conséquence des choix antérieurs de celle-ci de ne pas poursuivre son activité
d’obstétrique et qu’elle doit assumer les conséquences du manquement caractérisé à son engagement d’assurer à M. X la co-exclusivité des lits de maternité ;
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Autrement dit, la clinique n’avait pu s’engager à assurer au médecin la pérennité de son contrat, dès lors que les interventions de l’autorité de tutelle étaient
prévues et acceptées, et qu’en l’absence même de cette clause, elle pouvait
invoquer le fait du prince, si du moins les conditions de cette excuse contractuelle étaient réunies, assimilant la décision administrative à la force majeure5, et
l’on eût pu, à cet égard, discuter de l’imprévisibilité d’un événement prévu, et
l’on discutait de l’absence de recours de la clinique à l’encontre de cette décision. Mais, le projet de restructuration avait été évoqué « en interne » devant
la CME en 2001, avait pour contrepartie le développement de l’activité chirurgicale, et un CPDM avait été signé le 6 avril 2007. Un risque avait été accepté
par le médecin, qui, d’ailleurs, ne pouvait vraisemblablement pas ignorer ces
dispositions légales, du moins globalement. – G.M.
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Qu’en statuant ainsi, alors que le contrat d’exercice avait réservé l’hypothèse
d’une résiliation d’agrément des organismes de tutelle et que le fait pour un
établissement de santé de s’engager, conformément aux orientations et objectifs fixés par les schémas régionaux d’organisation sanitaire, dans un regroupement de ses activités conduisant au transfert de sa maternité au sein d’un centre
hospitalier public ne saurait lui être imputé à faute, la cour d’appel a violé le
texte susvisé. »
5. V. Aune (A.-C.), « Le fait du prince en droit privé », RLDC, mars 2008, p. 71.
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