Pratique de l`allaitement maternel triple par des brebis : résultats

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Pratique de l`allaitement maternel triple par des brebis : résultats
Pratique de l’allaitement maternel triple par des brebis : résultats préliminaires
Practise of three lamb maternal sucklings by ewes: preliminary results
FRANCOIS D. (1), BOURDILLON Y. (2), FASSIER T. (2), BOUVIER F. (2), BIBE B. (1), BOUIX J. (1)
(1) INRA-UR 631 SAGA station d’amélioration génétique des animaux, 31326 Castanet Tolosan
(2) INRA-UE 332 domaine de la Sapinière, unité ovine, 18390 Osmoy
INTRODUCTION
En production ovine allaitante le recours aux races
prolifiques est limité par la capacité d’allaitement des
brebis. Le troisième agneau d’une portée de trois est soit
complémenté par biberon, soit adopté ou le plus souvent
retiré à la mère et élevé en système d’allaitement artificiel
à l’aide d’une louve préparatrice de lait reconstitué.
La conduite des brebis de race Romane-INRA401
(Ricordeau et al., 1992) en allaitement maternel de leurs
trois agneaux depuis la naissance jusqu’au sevrage réalisé
à soixante dix jours d’âge a été expérimentée à la Sapinière
(Cher).
1. MATERIEL ET METHODES
Au cours de l’agnelage annuel de huit cents brebis, une
alternative à l’allaitement artificiel des troisièmes agneaux
de portée a été introduite. Dans une première expérience
deux lots (t1 & t2) ont été constitués successivement au
cours de l’agnelage et ce exclusivement avec des brebis
allaitant leurs trois agneaux. Les deux lots ont été conduits
jusqu’au sevrage des agneaux, sans autre différence de
composition que la taille physique des lots. Dans une
seconde expérience une variante a été introduite dans le
but de réduire la mortalité des agneaux. : un lot a été
constitué avec des brebis allaitant leurs trois agneaux et
des brebis allaitant leurs deux agneaux (tm ) à coté d’un lot
de brebis allaitant exclusivement des triples (t3).
2. RESULTATS
2.1. TAUX DE MORTALITE DES AGNEAUX
Les résultats obtenus sur soixante portées allaitées triples
dans la première expérience et soixante trois portées
allaitées triples dans la seconde ont permis de montrer que
la mortalité des agneaux avait oscillé entre 11,8 et 21 %
selon les lots (tableau 1) la moyenne générale étant de 17,9
%. Par rapport au taux de mortalité moyen des deux
années de test, la mortalité moyenne des nés triples et
allaités triples est inférieure à celle des agneaux allaités
artificiellement (19,5 %) mais nettement supérieure à celle
des agneaux allaités maternellement simples et doubles (9
%).
Tableau 1 : taux de mortalité selon les lots de brebis
Lot (t = triple,
Nb portées Nb agneaux Mortalité 0 - 45
tm = mélangé)
jours (%)
1ère année : t1
35
105
21
1ère année : t2
25
75
12
2ème année : t3
46
138
21
2ème année : tm
17
51
11,8
Lorsque les mères allaitant trois agneaux sont mélangées
avec celles allaitant deux agneaux, il semble que le taux de
mortalité soit inférieur mais ceci reste à confirmer sur des
effectifs plus conséquents. Une différence notable de
mortalité a aussi été observée entre les lots t1 et t2 qui ne
différaient que par l’effectif animal.
2.2. CROISSANCE DES AGNEAUX
Les croissances mesurées entre la naissance et l’âge de
soixante quatre jours (une semaine avant le sevrage)
montrent (tableau 2) que les agneaux nés et allaités triples
par leur mère ont connu une croissance moins élevée que
les agneaux nés triples et allaités doubles. L’écart observé
188
selon l’année et le sexe varie peu : entre 30 et 40 g quelle
que soit la modalité (séparé ou mélangé avec les allaités
doubles).
Tableau 2 : croissances des agneaux : GMQ 0 - 64 jours (g / j)
Sexe / année
n
Triples
allaités
triples
n
Triples
allaités
doubles
Mâles 1ère année
Mâles 2ème année
Femelles 1ère année
Femelles 2ème année
72
61
94
77
256 (± 68)
240 (± 56)
225 (± 59)
222 (± 43)
43
61
38
55
286 (± 67)
276 (± 59)
265 (± 50)
258 (± 56)
Pour des agneaux nés triples et en allaitement artificiel,
l’écart est plus variable de 20 à 60 g selon l’année et le
sexe. Les écarts-types sont du même ordre entre triples et
doubles ne laissant pas entrevoir une plus grande
morbidité.
3. DISCUSSION
Cette expérience a permis de démontrer qu’il est possible
de faire allaiter une portée de trois agneaux par la mère
sans trop pénaliser le taux de mortalité des agneaux d’une
part et leurs croissances d’autre part.
En terme de croissance, la réduction d’environ 35 g / jour
par rapport à des agneaux allaités doubles se traduit par un
écart d’environ 2,5 kg de poids vif à l’âge de soixante
quatre jours et de plus de 4 kg à la fin de l’engraissement
vers cent quinze jours soit environ sept jours
d’engraissement en plus pour atteindre le même poids
d’abattage avec toutefois une viabilité inférieure (82 %
contre 91 %). Il existe donc ici un surcoût d’élevage
correspondant à ces sept jours, essentiellement surcoût
alimentaire très nettement inférieur aux surcoûts de
l’allaitement artificiel.
CONCLUSION
La pratique de l’allaitement artificiel induit des surcoûts en
terme d’une part de temps de travail (il faut habituer
chaque agneau à téter à la tétine de la louve), d’autre part
en coût d’achat de l’aliment lacté (huit fois plus élevé que
l’aliment concentré), et enfin d’une mortalité plus élevée
des agneaux.
L’alternative de l’allaitement triple se heurte à des idées
très répandues chez les éleveurs selon lesquels en cas de
portée allaitée double chaque agneau s’approprie une
hémimamelle et donc en cas de portée allaitée triple l’un
des trois agneaux ne pourra téter. Cette expérience prouve
que ce n’est pas le cas. Une analyse plus fine des
comportements de tétées des agneaux avec des
observations en continu permettrait de l’objectiver.
L’idée de faire allaiter par la brebis les trois agneaux de sa
portée triple commence à séduire des éleveurs désireux de
maximiser la marge brute par brebis via le levier de la
prolificité, facteurs fortement corrélés (Benoît et al.,
1999), le verrou de deux agneaux allaités par brebis
pourrait céder.
Benoît M., Laignel G., Liénard G., 1999. R.R R, 6, 19-22.
Ricordeau G., Tchamitchian L., Brunel J.C., N’guyen T.C.,
François D., 1992. INRA Prod. Anim., hors série, 255-262.
Renc. Rech. Ruminants, 2009, 16

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