DESS Finance d`entreprise

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DESS Finance d`entreprise
LITOLFF Laurent
VALLEE Rodolphe
DESS Finance d’entreprise
Conservatoire National des Arts et Métiers
Mémoire
Sous la direction de Isabelle Lhoste et Denis Dubois
Les modes de rémunération des dirigeants d’entreprise
Octobre 2004
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Plan du mémoire
Introduction : l’enjeu des modes de rémunération des dirigeants d’entreprise
I – Les pratiques observées en matière de rémunération des dirigeants
1/ Le cadre conceptuel (théorie de l’agence)
2/ Le mode de rémunération par actions
-
le plan d’actionnariat : interactivité cours de l’action / performance de l’entreprise
-
les stock-options : impacts social, économique, financiers et abus
3/ Observation du lien entre rémunération et performance des organisations
II – Les méthodes d’indexation de la rémunération du dirigeant aux performances de
l’entreprise
1/ Les indicateurs comptables de performance : usages et limites (Résultat net, Ebit,
Ebitda…)
2/ Les indicateurs économiques de performance : une vue efficiente (VAN, EVA,
MVA…) ?
3/ Les indicateurs boursiers de performance : PER, capitalisation boursière, VE…
III – Eléments de l’analyse extra-financière : des critères de performance pour le dirigeant
d’entreprise
1/ Corporate governance
2/ Le développement durable : influence sur la rémunération du dirigeant ?
A – Problématique du développement durable
B – La responsabilité sociétale des entreprises
C– La performance sociétale
D – Le développement durable : une création de valeur dans la durée ?
Conclusion : une rémunération multi-critères pour le dirigeant d’entreprise ?
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Introduction
l’enjeu des modes de rémunération des dirigeants d’entreprise
Les réçents scandales, qui ont secoué la finance internationale, ont fortement ébranlé la
confiance des actionnaires. Les affaires Enron, Ahold, Parmalat ou encore Vivendi ont
contribué à diaboliser le portrait de l’Entreprise et à entamer la crédibilité des dirigeants.
Trouver des gages de stabilité et rassurer les actionnaires constituent les remèdes pour
restaurer la confiance perdue des investisseurs.
L’un des moyens les plus évidents est de revoir les modalités de la rémunération des grands
patrons pour une meilleure prise en compte des performances entreprises qu’ils pilotent; et
son corollaire immédiat est de faire preuve d’une réelle transparence d’information à ce sujet.
S’intéresser au bien fondé des formules de rémunération des dirigeants d’entreprises, c’est
s’interroger sur un concept situé au carrefour des domaines liés à l’incitation, à l’éthique et à
l’efficacité.
Part fixe, part variable, actions gratuites, stock-options, bonus, etc…le mode rémunération des
dirigeants demeure encore trop souvent opaque pour l’actionnaire pour qui il est difficile de
savoir dans quelles mesures cette rémunération est liée aux résultats de l’entreprise.
En France, la part variable dans les salaires des dirigeants est la plus élevée en Europe (51%
de la rémunération totale des patrons du CAC 40), sans avoir, semble t’il, l’effet escompté. Ce
qui fait dire d’ailleurs à Jean Peyrelevade sur le sujet : « la corrélation entre la qualité de
gestion et la rémunération paraît peu établie ».
S’ils restent les mieux payés du monde, les dirigeants américains se voient, avec la loi
Sarbanes-Oxley, encouragés à œuvrer sur les performances de long terme de l’entreprise.
En France la loi NRE s’efforce de mettre en place une meilleure gouvernance des entreprises.
Quel est le mode de rémunération optimal du dirigeant pour l’entreprise ?
Nous tenterons de traiter cette problématique en nous appuyant, en premier lieu, sur l’analyse
des pratiques des firmes. Nous observerons notamment combien ces pratiques peuvent être
différentes en fonction des pays, des secteurs d’activités et des organisations.
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Nous explorerons, dans un 2ème temps, les méthodes d’indexation de la rémunération des
dirigeants aux performances de l’entreprise, ce qui posera notamment le problème du
choix des critères de performance financière.
Enfin, nous nous interrogerons sur la prise en compte de la corporate governance et du
développement durable dans le mode de rémunération du dirigeant.
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I – Les pratiques observées en matière de rémunération des dirigeants
Préalablement à l’étude des modes de rémunération, sans doute est il préférable de rappeler
qui décide de la rémunération des dirigeants d’entreprises.
Le régime est différent selon qu’il s’agisse d’une S.A. ou d’une S.A.S..
Pour une S.A., le Conseil d’administration est seul compétent pour déterminer la
rémunération du président, du directeur général et des directeurs généraux délégués (articles
L.225-47 al.1 et L.225-53 al.3 du Code du commerce).
Cette rémunération a un caractère exceptionnel, qui échappe à la procédure d’autorisation des
conventions réglementées.
La loi NRE du 15 mai 2001 a introduit une obligation supplémentaire relative aux
rémunérations versées à chaque mandataire social (administrateurs, directeur général,
directeurs généraux délégués, membres du directoire ou membres du conseil de surveillance).
La loi prévoit que « la rémunération totale et les avantages de toute nature versés durant
l’exercice social à chaque mandataire social » doivent figurer dans le rapport de gestion
présenté à l’assemblée générale. Sont notamment visés les salaires, les jetons de présence, les
compléments de retraite, et les sommes proportionnelles au chiffre d’affaire.
Cette information doit être individuel et nominative, accessible aux tiers et communiquée au
comité d’entreprise (ce rapport doit être déposé au greffe du Tribunal de commerce).
Pour une S.A.S., la rémunération du président et des dirigeants est déterminée dans les
conditions fixées par les statuts ; sa fixation est donc soumise à la procédure de contrôle des
conventions réglementées (le Commissaire aux Comptes présente à l’assemblée générale un
rapport sur la convention soumise à contrôle). L’obligation d’établir un rapport annuel sur le
montant des rémunérations des dirigeants n’est pas applicable à la S.A.S..
Si la loi NRE tente de pallier à un manque de transparence sur les salaires des dirigeants,
l’obligation de publication a pu paraître excessive à nombre de chefs d’entreprises qui y ont
vu une atteinte à leur vie privée.
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Ainsi, la loi de Sécurité Financières du 1er août 2003 complète le dispositif issu de la loi NRE
en modifiant toutefois l’obligation de publication : le rapport annuel des rémunérations
n’étant plus obligatoire que dans les sociétés cotées ou non cotées mais contrôlées par une
société cotée. Les rémunérations et avantages reçus par le mandataire social de la société
contrôlante doivent ainsi apparaître dans le rapport à l’assemblée générale annuelle des
sociétés contrôlées.
La problématique de la rémunération des dirigeants trouve son origine dans la théorie de
l’agence dont nous décrirons le cadre conceptuel.
Nous détaillerons ensuite la rémunération sous forme de distribution d’actions et de
stocks options, pratique très largement répandue, mais dont l’efficacité a pu être critiquée.
Nous observerons enfin le lien entre la rémunération et la performance des organisations.
1/ Le cadre conceptuel (théorie de l’agence)
Les premiers travaux qui ont soulevé le problème de déconnexion entre les intérêts des
dirigeants et ceux des actionnaires s’inscrivent dans le cadre de la théorie de l’agence.
La théorie de l’agence considère qu’il existe un problème d’aléa moral : les actionnaires ne
sont pas en mesure d’observer les actions du dirigeants dont dépend pourtant leur richesse, et
il faut trouver des mécanismes incitatifs qui alignent les intérêts des dirigeants sur leurs
intérêts.
La théorie de l’agence formalise le modèle principal-agents, considérant l’entreprise comme
un ensemble complexe et hétérogène caractérisé par un nœud de contrats.
La réalité observée, à l’heure actuelle, dans nombre d’entreprises est que les dirigeants ne sont
soumis qu’à un très faible contrôle des actionnaires. Ce qui pose 2 types d’interrogations : la
rémunération des dirigeants est elle suffisamment incitative pour maximiser la richesse des
actionnaires ? Les dirigeants, qui fixent eux-mêmes leur rémunération, ne se rémunèrent-ils
pas plus que largement ?
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Depuis les années 1970, la rémunération des CEOs américains a considérablement cru, mais
la performance des entreprises a également connu une très forte croissance. La question posée
ici concerne la corrélation entre la rémunération et la performance des firmes.
Les dirigeants français ont vu leur rémunération fortement augmenter ces dernières années.
On peut expliquer ce phénomène par un effet de rattrapage par rapport aux patrons
américains.
2/ Le mode de rémunération par actions
Les plans d’actionnariat et d’option sur actions ont vu, depuis plusieurs années maintenant,
leur importance grandir dans le panier de la rémunération des dirigeants. Cette pratique, qui
s’est développée dans un contexte de croissance économique soutenue et de performance des
marchés boursiers, souffre aujourd’hui de nombreuses contestations qui dépassent largement
les actionnaires pour impliquer d’autres parties prenantes comme les salariés et leurs
syndicats, et même les milieux politiques (Gerhard Schroeder a critiqué ouvertement cette
année les généreuses augmentations de salaires des dirigeants, s’adressant ainsi indirectement
au patron de la Deutsche Bank, le suisse Josef Ackermann qui s’est vu attribué quelque 11 M€
en 2003). Néanmoins, si ces formules de rémunération sont sujets à polémique, il est
intéressant de s’interroger sur leur bien fondé, leurs finalités et leurs conséquences
économiques, politiques, sociales et culturelles.
A - Incidences des plans d’actionnariat et d’options pour les actionnaires
Ces formules de rémunération visent une amélioration des performances des firmes et
favorisent la politique de recrutement, de motivation et de fidélisation des dirigeants.
1 / Lien actionnariat et performance à long terme des entre prises : efficacité et limites
Dans le cadre de la théorie de l’agence, qui analyse les relations contractuelles entre dirigeants
et actionnaires, les formules d’actionnariat semblent favoriser la convergence de leurs intérêts
et peuvent paraître particulièrement efficaces puisqu’elles incitent les managers à maximiser
la valeur des actions de la firme qu’ils gèrent. L’optique du long terme (actions, options)
semble s’imposer à l’optique du court terme (salaires, primes).
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Cet axiome se vérifie couramment par l’observation d’une réaction favorable du marché
boursier à la mise en place d’un plan d’actions ou d’options dans une entreprise car les
investisseurs anticipent que cette politique leur sera favorable car incitant les managers à
prendre des décisions financières favorables aux actionnaires.
Toutefois cette politique a pu trouver dans la pratique quelques limites quant au
rapprochement des intérêts des dirigeants et des actionnaires. En effet, certaines firmes
pratiquent de manière systématique une actualisation du plan d’actionnariat ou d’options en
fonction du cours actuel de l’action. D’autres autorisent leurs dirigeants à recharger leurs
options une fois exercées (reload option). Ces travers limitent alors le caractère incitatif et
l’efficacité d’un telle politique.
Enfin, ces formules de rémunération, si elles doivent depuis peu être publiées dans le compte
de résultat ou en annexe des états financiers des entreprises cotées, entraînent une dilution des
droits des actionnaires sur la richesse créée et de leurs droits de vote.
2 / Politique de recrutement et de fidélisation
Par leur progression limitée, les salaires et les primes ne constituent pas des instruments
optimaux pour recruter et motiver des managers.
Alors que les formules d’actionnariat, qui sont assortis d’avantages fiscaux, permettent de
réaliser des gains substantiels, incitant, en théorie, à contribuer à la création de valeur
actionnariale. De plus, il est souvent nécessaire pour le manager de rester en fonction dans la
firme pour réaliser les gains espérés, le mécanisme de détention des actions ou de levée des
options (souvent un minimum de 5 ans) imposant alors au dirigeant des « menottes dorées »
(golden handcuffs).
Les plans d’actionnariat et d’options constituent un outil précieux de la politique de
recrutement, de motivation et de fidélisation des dirigeants en ne permettant leur
enrichissement que si la valeur actionnariale s’accroît. La question qui s’impose alors est
celle de l’efficacité de la valeur actionnariale comme critère de performance à long
terme de l’entreprise. Nous y reviendrons largement lors de nos prochains
développements.
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B - Incidences des plans d’actionnariat et d’options pour les autres parties prenantes
Distinguons les incidences sur le dirigeant des incidences sur les stake-holders.
1 / – Incidences sur le dirigeant
Etre intéressé à la création de valeur sous la forme d’actions ou d’options revient pour le
dirigeant, qui a déjà investi son capital humain dans la firme, à dépendre à 100% des
performances de l’entreprise. Il concentre ainsi tous ses investissements dans la firme, ce qui
peut engendrer alors 2 types de comportements : une prudence extrême (pour sécuriser sa
position) ou un comportement très risqué (pour maximiser la valeur de ses titres). On retrouve
alors le fondement de la théorie de l’agence et son principe de divergence (ou au moins de
non alignement) des intérêts entre les managers et les actionnaires et donc l’accroissement de
la performance à long terme.
Une prudence extrême pourra guidée l’action du dirigeant soucieux de conserver ses gains
potentiels si le cours des actions est supérieur à leur prix d’achat ou au prix d’exercice des
stock-options. Un comportement très risqué pourra guider l’action du dirigeant dans le cas
inverse. Ainsi l’aversion ou l’appétence au risque du manager pourra le dissuader de prendre
des décisions favorables aux actionnaires.
Enfin, impacter la rémunération du dirigeant à l’évolution de la valeur boursière de
l’entreprise, dont la performance est largement soumise à la volatilité intrinsèque des
marchés, ne permet pas de prendre en compte la véritable performance individuelle du
manager (leadership, communication…). Cette dernière dimension est très importante à
considérer car elle conditionne l’équité des formules d’actionnariat comme dispositif de
partage de la richesse et constitue un facteur essentiel d’implication du manager.
2/ - Incidences sur les stake-holders
Comme nous l’avons vu précédemment, le principe de rationalité conduira le manager à
maximiser non pas la valeur de l’entreprise, mais la part qui lui revient de façon à accroître la
valeur de son capital managérial.
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Ce comportement peut détériorer l’efficacité de la coalition organisationnelle de l’entreprise
par le mécanisme suivant : le manager, intéressé à la performance financière, va accroître les
risques qui peuvent venir affectés les transferts de richesse (baisse de la valeur globale) et
donc entrés en conflit avec les autres apporteurs de ressources comme les prêteurs ou les
salariés.
La politique d’actionnariat du dirigeant peut donc se révéler contre productive car favorisant
l’accroissement de la valeur managériale au détriment de la valeur globale.
La pratique de l’actionnariat des salariés a pu réduire l’iniquité perçue entre la rémunération
élevée des dirigeants, les fortes plus-values des actionnaires et la faible augmentation des
salaires et des avantages sociaux des employés observée au cours des dernières années.
C – Le phénomène des stock-options en France
« La surabondance des stock-options s’installe en France », ainsi pourrait-on résumer
l’analyse des rémunérations des patrons du CAC 40 en 2003.
Depuis leur apparition en France avec la loi de décembre 1970, les stock-options ont connu un
essor unanime dans notre pays. Même Michelin, dernier récalcitrant parmi les groupes
français du CAC 40, a intégré pour la première fois en 2001 des stock-options dans sa
politique de rémunération des cadres dirigeants. La France se présente comme le champion
européen du « superbonus indexé sur le cours de l’action ».
Les dirigeants des grandes entreprises françaises se sont vu attribuer l’an passé près de 8,7
millions options sur actions (contre 6,3 millions en 2002). C’est une augmentation des
attributions de l’ordre de 39%, et qui concerne le plus grand nombre (seuls 9 dirigeants du
CAC 40 n’ont reçu aucune option, contre 13 en 2002).
Si cette importante hausse du volume d’options est à rapprocher de la baisse sensible du prix
d’exercice des actions (après la correction boursière des années 2001 et 2002), elle laisse
toutefois présager pour leurs détenteurs un confortable pécule d’ici quelques années,
notamment pour les dirigeants de Vivendi Universal, LVMH, Aventis ou encore Axa, dont les
gains potentiels atteignent plusieurs millions d’euros.
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Cependant, cette tendance se confirme non sans nouvelles conditions de levée qui incluent de
plus en plus des critères de performance.
Chez Lafarge, 30% des options sont exerçables à condition que le cours de l’action dépasse le
prix d’attribution de l’option de 20% pendant 60 jours consécutifs pendant les 4 années
d’indisponibilité ou de 30% les 2 années suivantes.
Schneider Electric conditionne l’exercice de la moitié des options à un niveau de marge et de
résultat opérationnel sur capitaux engagés.
Le dirigeant de Vivendi Universal, quant à lui, voit l’exercice de 30% de ses options
attribuées conditionné à plusieurs critères (résultat net ajusté* >300 M€, niveau minimum de
flux de trésorerie opérationnel proportionnel*, mise en œuvre de la cession de tout ou partie
de VUE).
* concepts propres à VU
D’autres conditions de levée complexes existent encore et n’ont d’autre ambition que
l’intéressement à long terme des bénéficiaires aux résultats de l’entreprise.
3/ Observation du lien entre rémunération et performance des organisations
Si le sujet fait aujourd’hui grandement débat, c’est que l’on a pu observer que des salaires très
élevés étaient octroyés à des hauts dirigeants par des entreprises qui ne dégageaient pas de
profit ; cette pratique a mis à mal les règles de justice sociale (Michael Ovitz a quitté la
présidence de Disney avec une prime de départ de 38,9 M€ plus 3 millions d’options d’achat
après seulement 14 mois d’activités) et a éveillé l’intérêt des médias et par la suite des
chercheurs.
Les études se rapportant au sujet font état que la performance des organisations n’expliquerait
qu’environ 10% du salaire octroyé au dirigeant. Ce qui inclue que d’autres facteurs
expliquent cette rémunération.
Quels sont ils ? Les dernières enquêtes réalisées suggèrent que le secteur d’activités, la taille
des entreprises ou encore la stratégie d’affaires pourraient influencer le lien entre la
performance organisationnelle et la rémunération des dirigeants.
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A – Déterminisme sectoriel et comparaison par pays
S’il est notoire que c’est aux Etats-Unis que les hauts dirigeants sont les plus rémunérés en
comparaison du Canada, du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou de la France, il est cependant
plus intéressant de constater que les secteurs d’activités n’offrent pas les mêmes
rémunérations selon les pays.
Aux EU, le secteur des assurances offre les rémunérations totales les plus élevées, alors que
c’est le secteur des utilities qui offre les rémunérations les plus faibles. Au Canada, le secteur
bancaire rémunère mieux les grands patrons, et la rémunération proposée dans les assurances
est plus faible que dans tous les autres secteurs d’activités. Enfin au RU, les dirigeants
obtiennent le plus dans les services non financiers.
L’étude réalisée par William M. Mercer Incorporated sur les firmes US (tableau ci-dessous)
confirme que la correspondance entre la croissance du salaire (Rémunération) et la
performance des entreprises (Revenu net) n’est pas très homogène d’un secteur à l’autre.
On trouve plus d’homogénéité dans l’industrie que dans l’énergie.
Comparaison entre la croissance annuelle de la rémunération des dirigeants et le revenu net des
entreprises par secteur d’activité en 1998 (pourcentage par secteur)
Industrie
Rémunération
Revenu net
Matériaux de base
-7,2%
-16,4%
Cyclique
9,4%
17,0%
Energie
-11,3%
-73,0%
Financier
1,6%
5,5%
Industriel
7,7%
8,4%
Non-cyclique
19,4%
5,0%
Technologie
-2,2%
-5,6%
Utilities
12,5%
8,3%
Sources : William M. Mercer Incorporated, 1999
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B – Taille des entreprises et rémunération
Plusieurs études ont démontré que la rémunération des dirigeants est davantage liée à la taille
qu’à la profitabilité des entreprises.
Cette relation peut être expliquée sous 3 angles :
-
les grandes firmes sont des organisations plus complexes à piloter, leur gestion
requiert une plus grande expertise de la part des dirigeants. Des salaires plus élevés
sont donc nécessaires pour attirer les meilleurs éléments.
-
les grandes firmes, qui ont accès à des ressources financières plus importantes que les
PME, disposent de moyens supplémentaires pour rémunérer leurs dirigeants
-
enfin, les entreprises les plus grandes supposent une hiérarchie interne plus élaborée,
favorisant ainsi la pratique de rémunération élevée
Une étude du Conference Board en 1998 précise que ce n’est pas tant le salaire de base du
dirigeant qui diffère selon la taille de l’entreprise, mais plus le pourcentage de bonis qui varie
en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise.
B – Stratégie des entreprises et rémunération
La mise en œuvre d’une stratégie pour l’entreprise requiert des talents spécifiques et des
comportements uniques afin d’assurer son succès. Dès lors, l’entreprise doit adopter des
pratiques de rémunération cohérentes avec la stratégie à mener.
Des auteurs comme Rajagopolan et Prescott (1990) ainsi que Rose et Shepard (1997) ont
observé que les firmes fortement diversifiées ont tendance à offrir des salaires élevés, alors
que les firmes peu diversifiées ont plutôt tendance à mener des politiques salariales moins
concurrentielles et décentralisées.
Il en ressort une relation positive entre la rémunération des hauts dirigeants et le degré de
diversification de la firme dans laquelle ils oeuvrent.
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Salaire moyen des dirigeants
Coefficient multiplicateur du salaire moyen
de l’ensemble des travailleurs
Aux Etats-Unis
120
Au Canada
36
Au Royaume-Uni
33
En Allemagne
31
Au Japon
16
Source : West Hawk Group, 1998
II – LES METHODES D’INDEXATION DE LA REMUNERATION DU DIRIGEANT
AUX PERFORMANCES DE L’ENTREPRISE
Les critères généralement retenus pour une indexation de la rémunération sur la performance
de l’entreprise sont essentiellement des ratios comptables. Parmi ces ratios, les plus utilisés
sont des ratios tels que le Résultat Net ou l’EBITDA.
Si cette logique obéit en partie à une volonté de communication sur la base d’éléments
simples (Résultat Net) et compréhensibles par le plus grand nombre, elle n’est pas sans
provoquer des risques quand à une mesure objective de la performance de l’entreprise.
Devant le risque lié au manque de fiabilité et de pertinence que l’on peut accorder à certains
ratios, d’autres critères plus économiques ont fait leur apparition.
Ainsi, il y a une quinzaine d’années, la littérature anglo-saxonne a popularisé et développé la
mesure de la création de valeur (sous l’impulsion du Cabinet Stern, Stewart & Co) sous le
terme d’EVA pour Economic Value Added.
Si ces méthodes ne sont pas sans présenter quelques inconvénients, elles permettent une
nouvelle réflexion sur le thème du Value Based Management (Management par la Valeur) en
intégrant la notion de valeur résiduelle, mais en intégrant aussi d’autres concepts tels que celui
du coût du capital.
Le propos de ce chapitre va consister à analyser ces différentes méthodes de mesure de la
performance financière en tenant comptes de leur avantages et inconvénients mais aussi des
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nouvelles approches qui pourraient être plus souvent intégrées dans le cadre de la Corporate
Governance. Le but est d’évaluer de façon plus objective la contribution réelle des dirigeants
dans la performance de l’entreprise concernée.
2.1 – Les indicateurs comptables de performance : usages et limites (Résultat net,
Ebitda, ROI)
Le Résultat Net
Ce ratio est le plus utilisé pour des raisons de simplicité. Cette apparente simplicité en fait un
élément de communication de la part des entreprises mais est aussi considéré comme un
critère de performance par l’ensemble des intervenants : salariés, syndicats, presse spécialisée
et même généraliste, mais aussi de la part des financiers (analystes financiers, économistes…)
Il est donc l’enjeu de toutes les attentions, tant par les dirigeants qui en font un instrument de
communication que par les syndicats qui n’hésitent pas à mettre en avant l’importance du
Résultat réalisé pour remettre en cause des choix de la Direction (licenciements,
délocalisation…).
Le Résultat Net est pourtant un indicateur dont la pertinence peut-être considérée comme
faible dans la mesure ou il peut facilement varier en fonction des objectifs de la direction. Il
est ainsi fréquent de constater que les entreprises communiquent sur des résultats dopés.
Les méthodes les plus courantes en la matière sont les suivantes :
- Sous-évaluer ou parfois surévaluer les amortissements ou provisions.
- Immobiliser des Charges.
- Allonger la durée d’amortissement des survaleurs (des durées de 40 ans sont parfois
observées), affecter une partie des survaleurs à des marques ou au fonds de commerce afin de
na pas avoir à les amortir.
- Maximiser les survaleurs. La société qui réalise l’acquisition fait constituer par la cible
d’importantes provisions pour restructuration afin d’en diminuer la valeur comptable.
- Faire remonter du résultat exceptionnel en résultat courrant.
- Intégration de filiales en bonne santé.
- Prise en compte des impôts différés.
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- Dégager des profits de dilution lors de l’entrée de minoritaires dans le capital d’une filiale, il
est alors possible de profiter de la situation pour réévaluer la participation dans les comptes de
la mère.
De nombreux facteurs peuvent ainsi influencer le résultat net et la vision que l’on va avoir de
la performance de l’entreprise, image de l’entreprise qui peut être très éloignée de la réalité,
du moins à court terme.
Le choix de l’indexation de la rémunération d’un dirigeant sur un seul critère et sur celui-ci en
particulier risquerait de conduire à des décisions contraires à l’intérêt même des
« stakeholders » à long terme. En effet, la durée d’exercice d’un dirigeant à son poste étant de
plus en plus courte, celui-ci est naturellement porté à prendre des décisions permettant de
maximiser à court terme le résultat, ou pire encore, à l’accroître par des artifices comptables
sans réalité économique.
Si cette évolution peut être reprochée aux Dirigeants, elle trouve aussi son origine dans
l’influence des marchés financiers. Si on peut considérer cette influence comme globalement
saine, elle conduit parfois à des dérives liées à la pression des analystes. Les entreprises ont
ainsi longtemps publié des résultats annuels puis semestriels, ils sont aujourd’hui trimestriels
pour les grandes entreprises. Cette pratique et cette pression constante des marchés est en
contradiction totale avec la réalité des cycles d’investissement et de croissance d’une
entreprise, condamnant ainsi celles-ci à une obligation de performance sous peine de
sanctions.
L’EBITDA
L’EBE ou EBITDA correspond à la différence entre les produits et les charges du compte de
résultat, liés à l’exploitation. C’est donc un des principaux voir le principal indicateur pour
mesurer la performance de l’entreprise et notamment celle de l’exploitation. Il ne prend en
compte que les éléments qui concernent l’exploitation et exclut donc les charges financières et
les amortissements et la fiscalité.
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Nous avons d’ailleurs pu observer lors de la bulle Internet que les Dirigeants de sociétés,
notamment ceux de VIVENDI UNIVERSAL ou de FRANCE TELECOM insistaient
fortement sur la notion d’EBITDA. La raison principale, en dehors de l’effet de mode de cette
terminologie anglo-saxonne, était liée au fait que cette notion permettait de présenter un
aspect plus flatteur de la situation financière de leurs groupes respectifs, dans une période ou
l’endettement desdites sociétés devenait colossal.
Il était donc utile pour les Dirigeants de présenter non seulement des ratios qui éludaient une
situation financière préoccupante en ne prenant pas en compte la charge d’intérêts, mais aussi
d’insister sur un critère qui pour nombre de ces Dirigeants influençait directement leur
rémunération.
On voit là le risque qu’il peut y avoir à insister sur un critère précis voir unique, sans prendre
en compte certains paramètres primordiaux. Ceci a pu aboutir à des paradoxes dont les deux
sociétés précitées ont étés victimes, à savoir une situation financière en apparence saine avec
des marges d’exploitation en constante progression, mais parallèlement un endettement élevé
absorbant l’essentiel voir la totalité de l’EBE en charges d’intérêt et d’amortissement,
aboutissant aux conséquences que l’on sait.
Le ROI (Return On Investment)
Ce ratio est lui aussi souvent utilisé par la presse spécialisée qui présente régulièrement les
taux de rentabilités des sociétés et des secteurs représentatifs. La progression de la cette
rentabilité est censée refléter la pertinence de la gestion. Son interprétation est pourtant
délicate et une indexation de la rémunération d’un dirigeant sur ce ratio serait peu réaliste,
nous allons voir pour quelles raisons.
Le ROI représente le taux de rentabilité des capitaux investis. Il s’agit avant tout d’un ratio
comptable puisqu’il est basé sur le rapport entre le REX après impôts et la valeur comptable
après amortissement des actifs. Il ne prend donc en compte que la valeur nette comptable des
actifs ce qui peut conduire à minorer la valeur réelle des actifs à renouveler lorsque l’on se
situe en fin de période d’amortissement.
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Ainsi, si nous prenons pour exemple la construction d’une usine dont on amorti les
installations sur 8 ans, on peut arriver à un ROI qui ne présente pas une image fidèle de la
réalité. Cet exemple calculé sur une durée de 8 ans ne reflète pas forcément la réalité, la durée
de vie d’une usine étant supérieure à 8 ans, un amortissement sur 10 ou 12 ans peut s’avérer
plus réaliste, cependant l’objectif est d’analyser les biais que peut entraîner un tel critère
comptable.
Années
1
2
3
4
5
6
7
8
Cash-flow
900
1100
1250
1420
1480
1600
1550
1520
10000
8750
7500
6250
5000
3750
2500
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
1250
Comptable en fin 8750
7500
6250
5000
3750
2500
1250
0
Valeur
Comptable en
début d'année
Amortissements
Valeur
de période
Bénéfice
-350
-150
0
170
230
350
300
270
ROI
-3,5%
-1,7%
0,0%
2,7%
4,6%
9,3%
12,0%
21,6%
On remarquera dans ce schéma l’incidence que peut jouer l’amortissement dans l’appréciation
du ROI.
En année 1, nous avons un ROI négatif avec des actifs représentés à leur valeur comptable
initiale et donc maximum.
Au fur et à mesure de la montée en puissance des résultats, le ROI devient positif aidé par
l’amortissement progressif de l’actif.
Durant les dernières années, on peut observer que le ROI continue de s’améliorer malgré la
baisse des résultats grâce à la constante diminution de la valeur comptable des actifs, pour
arriver à des actifs totalement amortis.
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La valeur de fin de période qui présente un ROI de 21,6% n’est pas représentative de la
réalité, c’est aussi le cas du ROI de début de période qui présente un ROI de - 3,5%.
La réalité est plutôt entre les deux avec un résultat médian autour de 3 à 4% sur la base d’une
valeur d’actif moyenne de la moitié de l’investissement initial soit 5000.
Une mesure comptable de la rentabilité aura tendance à sous-estimer la rentabilité d’un
nouveau projet et de surestimer la rentabilité d’un projet plus ancien. Une indexation de la
rémunération sur ce ratio pourrait avoir comme conséquence de récompenser une
performance apparente et fictive lorsque les actifs sont en fin de période et pratiquement
totalement amortis.
Le ROCE (Return on Capital Employed / Rendement des capitaux engagés)
Le ROCE est très régulièrement utilisé par les analystes financiers lors des analyses de
société. En dehors de son utilité immédiate en terme de mesure du rendement des capitaux
investis dans l’entreprise, il permet aussi de calculer l’EVA, il s’agit donc d’une étape
essentielle de la mesure de création de valeur.
Les capitaux employés peuvent être approchés de deux façons :
- soit en partant des Immobilisations nettes auxquelles on ajoute le fonds de roulement.
- Soit en partant des capitaux propres auxquels on ajoute les primes d’émission en valeur
brute cumulées + provisions et quasi fonds propres + dettes financières nettes des créances de
trésorerie.
Le ROCE est calculé en divisant un critère de rentabilité (NOPAT / EBIT / REMIC) par le
montant des capitaux engagés. Certains parlent de NOPAT (Résultat d’exploitation – Impôt
théorique, i.e REX * (1 – Tx IS)), d’autres d’EBIT (Earnings before Interests & taxes) ou
encore de REMIC (Résultat d’Exploitation Minoré de l’Impôt Corrigé). Ce résultat est alors
divisé par les capitaux engagés pour obtenir le ROCE.
Cette approche a le mérite d’évaluer l’ensemble des capitaux utilisés pour réaliser le résultat.
Dans le cadre de son utilisation comme outil de référence pour la mesure de la performance
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de l’équipe dirigeante, il peut lui aussi être soumis à certains biais et ne pas rendre compte
totalement de la réalité économique.
En effet, le NOPAT est un ratio après amortissements, il est donc largement impacté par les
choix de l’équipe dirigeante en matière de politique d’amortissement et de provisions.
La rentabilité obtenue est donc susceptible de varier dans des proportions pouvant ^tre
importantes selon la stratégie définie par la direction. Il deviendra donc difficile de comparer
objectivement des sociétés du même secteur du fait des choix effectués en matière
d’amortissement, de provisions...
2.2 – Les indicateurs économiques de performance : une vue efficiente ? (VAN, EVA,
MVA, …)
Les critères comptables reflètent par nature une performance ou une rentabilité passée, un
historique. La connaissance de l’historique d’une entreprise est certes fondamentale mais ne
permet pas d’anticiper le maintien ou non de cette performance dans l’avenir.
Ainsi, d’autres méthodes sont utilisées afin de donner une vision à la fois plus réaliste mais
aussi plus lisible de l’avenir et du potentiel de la structure.
Les méthodes permettant de mesurer la création de valeur se sont largement développées
depuis une quinzaine d’années, et plus particulièrement aux Etats-Unis. Cette nouvelle
approche correspondait à une volonté de mettre en place des instruments de mesure de la
richesse réelle créée par l’entreprise, et ce à côté des ratios comptables habituels.
Ces méthodes ont pour objectif de proposer une mesure de la création de richesse pour les
actionnaires mais aussi de mettre en place un processus efficace pour la gestion de
l’entreprise. Les principaux indicateurs utilisés sont :
. la DCF prônée par LEK (A.Rappaport)
. le CFROI développé par Holt
. l’EVA et la MVA par Stern Stewart & Co.
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L’EVA
Une activité créée de la valeur lorsqu’elle permet de couvrir le coût du capital. Le calcul de
l’EVA répond à la question suivante : reste-t-il du bénéfice après déduction du coût du
capital ?
Le concept est ancien mais le terme de l’EVA a été utilisé par la société de conseil SternStewart qui a beaucoup fait pour le populariser, mettre en oeuvre et développer cette notion de
revenu résiduel.
EVA = C.I * ( r C.I – CMPC)
Le Capital Investi étant : Immo nettes + BFR +D
Le rendement du capital étant calculé à partir de l’EBIT ou NOPAT (RE hors Impôts et Ch. Fi
– Impôt Théorique). Il s’agit du ROCE soit NOPAT/CI.
EVA = (NOPAT/CI) – CMPC
EVA = ROCE – CMPC
Il y a création de valeur lorsque le rendement des Capitaux engagés (ROCE= NOPAT / CI)
est supérieur au coût du capital.
Avantages de l’EVA
Le profit économique et les autres mesures du revenu résiduel sont clairement meilleurs que
les résultats comptables pour mesurer la performance.
L’EVA permet de souligner les éléments de l’activité qui ne fonctionnent pas de manière
optimale.
L’EVA rend le coût du capital visible pour les décideurs opérationnels. Il est ainsi possible
d’augmenter l’EVA en augmentant le résultat ou en réduisant le capital employé. Le BFR
peut ainsi être diminué ou évité d’être augmenté.
L’EVA prend en compte le Résultat après impôts, donc la dotation aux amortissements
traduisant l’usure du capital productif qui représente bien un coût même si ce coût ne génère
pas de flux immédiat.
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Les Limites de l’EVA
Le calcul de l’EVA présente certaines limites :
-
Tout d’abord, le calcul de l’EVA s’effectuant à partir de l’excédent net d’exploitation,
il ne prend pas en compte les éléments financiers (charge financière liée à
l’endettement), ni les éléments exceptionnels tels que l’amortissement des survaleurs.
Les grandes opérations coûteuses en endettement et à goodwill important peuvent
ainsi être moins pénalisées.
-
Le calcul du coût du capital, indispensable au calcul de la création de valeur, intègre
une prime de risque qui rémunère déjà l’engagement des actionnaires. Si il y a création
de valeur lorsque le rendement des capitaux investis est supérieur au coût du capital,
on peut considérer que lorsque ce rendement est positif il s’agit d’un superprofit
puisqu’il y a excédent de bénéfice sur le coût du capital qui rémunère déjà
l’actionnaire.
-
La perception de la création de valeur comme le résultat de la compétence du
management peut être très limitative en terme d’approche et présente le risque que ce
ratio devienne déterminant pour le management dans la prise de décision, et ce
notamment en cas de rémunération liée à ce mode de calcul.
-
En effet dans le cadre d’un investissement dans un projet rentable, l’EVA ne sera pas
immédiatement affectée alors que la valeur réelle de l’entreprise augmente. Dès que
les fonds inhérents au projet sont levés et les coûts supportés, l’EVA devient souvent
négative. Elle ne redevient positive que lorsque le projet génère réellement sont plein
rendement sur les capitaux investis (NOPAT). L’actualisation des EVA attendues
(MVA) permet une meilleure estimation. La prise en compte de l’EVA comme outil
de décision conduit à privilégier le Court terme au détriment du futur et de la
croissance.
-
Une meilleure performance apparente risque d’être recherchée par des investissements
générant rapidement du profit ou présentant une meilleure performance apparente en
diminuant le capital investi.
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-
Ce ratio pouvant être utilisé à court terme comme indicateur de prise de décision, le
concept présente alors sa vulnérabilité et peut ainsi se révéler porteur de limites aussi
rédhibitoires que celles évoquées précédemment telles que le Résultat Net…
-
Une approche court-termiste liée au suivi à la lettre de ce ratio risque de conduire lors
des choix stratégiques, des choix de politique de rémunération et jusque dans la
conception même de l’entreprise, à un résultat contraire à celui escompté en terme de
valeur d’entreprise. Par exemple, JVC a travaillé 20 ans sur le magnétoscope avant de
lancer son produit. Une entreprise étant constituée de la valeur de ses projets et des
résultats qu’elle peut attendre à un horizon le plus lointain et le plus certain possible,
une succession de décisions visant à valoriser l’entreprise à court terme est une
négation de la vision stratégique que se doit d’avoir tout dirigeant. A l’extrême, elle
peut conduire à remettre en cause la pérennité de l’entreprise. Créer de la valeur
consiste à prendre des décisions stratégiques susceptibles de déboucher sur des
avantages compétitifs réels et durables.
-
Les choix stratégiques inspirés de la notion de création de valeur sont bien souvent
axés sur la notion de réduction des coûts. Si ces choix peuvent s’avérer positifs, ils
peuvent conduire à une réduction de dépenses pourtant nécessaires telles que la R&D,
dépenses qui constituent la valeur et l’avenir de l’entreprise.
L’EVA n’apparaît donc pas comme un indicateur pertinent de la création de valeur
contrairement à la MVA.
Un argument en faveur de l’EVA peut cependant être avancé puisque une corrélation positive
existe entre l’EVA et le cours de bourse, l’EVA expliquerait 55% de l’évolution des cours des
actions selon une étude de Merril Lynch.
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La MVA
D’un point de vue financier, la MVA est la valeur présente des EVA futures. L’EVA
représente le profit économique généré par l’Entreprise sur une période t-1 à t, la MVA étant
obtenue en actualisant la chronique des EVA espérées dans le futur au coût du capital.
C’est le profit économique anticipé et actualisé sur l’ensemble des périodes à venir. La MVA
est égale au Goodwill de l’entreprise. La variation de la MVA constitue donc une mesure
théorique exacte de la création de valeur alors que l’EVA est une mesure erronée.
-
Les entreprises créatrices de valeur sont celles qui ont su développer une approche sur
le long terme en favorisant le développement d’avantages compétitifs : des entreprises
telles COCA-COLA ou GILETTE ont pendant de longues années servi de modèles et
fait l’objet pour cette raison du suivi attentif d’un investisseur reconnu tel que Warren
BUFFET.
-
Un des objectifs de la création de valeur est de faire en sorte que les managers se
comportent comme des actionnaires. Sur ce point, il est logique qu’une part
importante de leur rémunération soit liée à la création de valeur. Il est concevable, au
plus haut niveau de l’entreprise, d’établir un lien entre la croissance de la valeur
actionnariale et celle de la rémunération. En descendant dans la pyramide, les critères
d’appréciation liés à des éléments sur lesquels les salariés ont une maîtrise remplacent
progressivement les critères quantitatifs. Il pourra s’agir d’indicateurs non financiers
identifiés dans le tableau de bord de l’entreprise.
La VAN (Valeur Actuelle Nette) ou VNP (Valeur Nette Présente)
La VAN est plus généralement utilisée dans le cas d’un investissement pour en mesurer la
rentabilité.
Le calcul de la VAN s’effectue en déduisant la mise de fonds initiale de la séquence de flux
de trésorerie attendue, sommée algébriquement et actualisée au CMPC (Coût Moyen Pondéré
du Capital).
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VAN = - Flux 0 + F1
+ F2 + F3 + ... + Fn
(1+r) (1+r)2 (1+r)3
(1+r)n
Un investissement pourra être retenu à partir du moment ou sa VAN est au minimum positive,
l’investissement à retenir sera celui offrant la VAN la plus élevée. Le Taux de rendement
interne du projet (TRI) sera celui qui annule la VAN.
La VAN offre un intérêt non négligeable dans le cadre de la mise en place de mesures de
rémunérations liées à la création de valeur. D’une part, son mode de calcul est plus simple que
d’autres critères tels que la MVA, d’autre part son approche est certainement plus juste.
La VAN se calcule à partir du Free Cash flow, qui correspond à la différence entre l’EBIT
(l‘EBE – Dot. am – IS théorique) et la variation des Immo. Nettes, du BFR et des Dettes) soit
la formulation suivante :
Flux = ((EBE – Dot. Am)*(1-IS théorique)) – Var. (Immo Nettes + BFR + Dettes)
(1+CMPC)t
Si la MVA est égale au GOODWILL, la variation de la MVA induite par un investissement
est égale à sa VAN.
Dans l’optique d’une indexation de la rémunération du Management sur la performance
financière, l’évolution qui devra être surveillée ne sera pas l’EVA en tant que telle mais la
variation de la MVA d’une année sur l’autre. C’est la croissance régulière de la MVA qui sera
réellement synonyme de création de valeur, et la variation de la MVA n’est autre que la VAN.
Ceci peut amener à penser que le calcul de la MVA ne se justifie pas par rapport à un
classique calcul de VAN qu’il est plus simple d’effectuer. En effet la mise en œuvre du calcul
de la MVA est délicate puisqu’elle nécessite de connaître non seulement la chronique des flux
mais également celle des capitaux investis. Or, connaître le montant des capitaux investis avec
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plusieurs années d’avance est difficile sauf à être dans le cas d’une entreprise à croissance 0
ou très faible ou régulière.
Par ailleurs, le calcul de la MVA nécessitant de partir de l’EVA, le risque de se focaliser sur
cet indicateur ne peut être écarté.
Lorsqu’une entreprise réfléchit à la justification d’un investissement ou d’une acquisition très
rentable au regard de la VAN, l’EVA n’est pas affectée tant que l’investissement n’a pas été
réalisé alors qu’intrinsèquement la rentabilité future du projet devrait permettre d’en
augmenter la valeur.
De même, lorsque l’investissement ou l’acquisition est effectivement réalisé, la VAN n’est
pas modifiée alors que l’EVA devient fortement négative du fait de l’investissement réalisé et
des revenus (EBIT encore faibles.
Ce n’est que lorsque l’EBIT devient réellement élevé que l’EVA devient positive. Alors que
la VAN permet de connaître d’entrée la création de valeur d’un projet sur toute la période,
l’EVA va conserver une vision de court terme sauf en actualisant toutes la chronique des EVA
futures. On obtient ainsi une création de valeur qui est juste sur l’ensemble de la période mais
erronée à court terme.
Le principe de l’EVA en tant qu’indicateur de création de valeur étant erroné et nécessitant le
calcul complet de la séquence des EVA futures pour obtenir la MVA, il semble plus pratique
de calculer la VAN pour connaître immédiatement la création de valeur sur l’ensemble de la
période.
Les biais pouvant affecter l’EVA et donc la MVA sont plus nombreux que ceux concernant la
VAN.
L’indexation de la rémunération des Managers sur la VAN offre l’avantage de ne pas donner
de résultats intermédiaires (EVA) et présente donc moins de tentations d’orienter la stratégie
vers des décisions et une vision de court terme. Cette approche semble donc plus proche de ce
que l’on peut attendre d’une équipe de Direction dans l’approche.
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2.3 – Les Indicateurs Boursiers de Performance : PER, Capitalisation Boursière, VE…
En dehors des indicateurs de performance mentionnés précédemment, les plus utilisés par les
analystes sont le PER (Price Earning Ratio), le BPA, la VE ou VE/EBITDA. La capitalisation
boursière reste aussi un élément souvent utilisé comme critère de performance et indexation
de la rémunération globale du dirigeant.
Avec des marchés financiers réellement efficients, ces indicateurs devraient être le reflet de la
réalité économique de l’entreprise et donc permettre une indexation de la rémunération des
dirigeants qui soit le reflet de leur performance en terme de développement de l’entreprise. En
effet si les ratios comptables ont pour inconvénient de ne donner qu’une idée du passé et de la
situation actuelle, les marchés financiers ont pour vocation de valoriser les anticipations que
l’on peut avoir du développement de l’entreprise. Les marchés financiers tendent donc à
valoriser la qualité des anticipations du Management en place ou au contraire à la sanctionner,
mais restent dépendant d’une vision essentiellement comptable de la structure financière en
question.
En effet, nous avons vu précédemment, de nombreux biais peuvent affecter les chiffres
présentés et modifier la perception que nous avons de la réalité économique de l’entreprise, ce
qui a pour conséquences de réduire la transparence de la structure financière.
La latitude offerte par la réglementation comptable présente de trop nombreuses possibilités
de faire varier les résultats en fonction de la stratégie et des objectifs du management ou des
actionnaires, il est donc impératif de retraiter les chiffres selon des critères raisonnables.
Ces retraitements ont pour objectif de rapprocher la réalité économique de l’entreprise tant
pour effectuer des comparaisons entre sociétés d’un même secteur que pour juger de
l’évolution réelle de la gestion de cette même entreprise sur longue période en excluant les
éléments biaisant la réalité.
Ceci est d’ailleurs valable pour une approche purement comptable, pour une approche liée
aux ratios de performance boursière qui sont eux-mêmes tirés d’éléments comptables, et c’est
aussi valable pour une approche par la création de valeur. En effet, les ratios de création de
valeur tels que l’EVA ou la MVA intègrent eux-aussi des flux comptables.
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Le PER (Price Earning Ratio)
La principale variable utilisée dans le calcul du PER est le résultat net. Ce ratio doit donc a
priori être considéré avec prudence, il n’en demeure pas moins le plus regardé tant par la
presse spécialisée que par les analystes financiers.
Le PER se calcule en divisant le cours de l’action par le bénéfice par action (BPA) ou encore
en divisant la Capitalisation Boursière par le Bénéfice Net :
PER = Cours du Titre
BPA
PER = Capitalisation Boursière
Bénéfice Net
Ce ratio mesure donc le prix que les investisseurs sont prêts à payer pour 1 de résultat.
En théorie, un PER élevé représente pour le marché une anticipation de croissance forte du
bénéfice qui relativise son niveau à court terme.
Plus la lisibilité du marché sur le titre est forte, plus la prime qu’acceptera de payer le marché
sera élevée. Un niveau élevé peut aussi signifier un BPA en baisse sans que le cours du titre
n’ait été réellement sanctionné, dans ce cas le marché juge cette baisse passagère.
Si le PER en tant que ratio peut permettre de juger du niveau de prix d’un titre, avec les
réserves évoquées plus haut, il ne peut être utilisé comme ration d’indexation d’une
rémunération pour un Dirigeant.
Cependant, un PER faible peut présenter un certain nombre de risques tant pour l’entreprise
que pour le dirigeant. En effet, le niveau du PER est un élément marquant de la confiance des
marchés financiers dans une entreprise et par le même dans son équipe de Direction.
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. Un PER faible (cette notion est relative et à comparer aux autres sociétés de son secteur)
peut donc être le signe d’une confiance faible dans les perspectives de croissance future de
l’entreprise et dans la capacité de son management à en assurer le développement.
. Un PER faible (en comparaison des autres sociétés de son secteur) peut aussi présenter un
risque important tant pour son dirigeant que pour son actionnariat lorsque le flottant est élevé.
La société étant mois chère, elle est donc plus susceptible d’être l’objet d’une OPA qu’une
société du même secteur mais bien valorisée par la confiance des marchés. Dans ce cas, un
niveau de PER trop bas peut être un critère défavorable dans la détermination de la
rémunération d’un dirigeant, sachant qu’il fait prendre un risque aux actionnaires de ladite
société.
Le concept de PER dans son approche est porteur de trop d’imperfections. Un ratio utilisant
l’EBE par exemple avec Valeur/EBE serait déjà plus intéressant pour comparer les sociétés
d’un secteur et serait moins critiquable en terme d’approche.
L’une des composantes servant au calcul du PER, la capitalisation boursière, est parfois
utilisée pour lier la rémunération du dirigent à son évolution.
La Capitalisation Boursière
La capitalisation boursière est représentée par le nombre de titres que multiplie le cours du
titre en bourse. C’est donc la valeur de l’entreprise selon l’appréciation que peut en avoir le
marché à l’instant « t ».
Cette valorisation boursière est fonction d’un certain nombre de paramètres différents
conjuguant d’une part l’historique disponible en terme comptable et managérial et d’autre part
le degré de visibilité et de certitude quant à l’avenir de ladite société.
-
La connaissance de l’historique comptable et financier de la société.
-
La visibilité que l’on peut avoir dans les perspectives de croissance de l’entreprise et
de son secteur. (Probabilité de réalisation des objectifs de croissance, …)
-
La confiance que l’on peut accorder au management et dans sa capacité à assurer la
continuité du développement de l’entreprise :
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. en fonction de ses réalisations passées.
. de son degré de fiabilité et de transparence dans l’explication de ses choix et
de ses objectifs.
. de la qualité de la communication et de l’information donnée (transparence
pour le meilleur et pour le pire).
La capitalisation boursière est donc une variable importante dans l’évaluation de la
performance d’un Dirigeant mais elle ne doit pas être l’unique composante. Pour que ce
critère puisse être retenu, il faudrait que l’efficience des marchés soit totale à tout moment.
Hors cette efficience n’est pas réellement avérée et l’observation des cours permet d’apprécier
les variations impressionnantes que peut subir un titre sur une période sans que pour autant de
réels changements aient marqué la vie de la société.
Si le critère de la Capitalisation Boursière peut se concevoir pour comparer des sociétés et des
performances managériales dans un même secteur, il est plus difficile d’étendre cette
conception à une comparaison sans distinction de secteur. Les cycles et les évolutions n’étant
pas les mêmes entre les secteurs, il serait injuste de privilégier ou au contraire de pénaliser tel
ou tel dirigeant sans faire la part de ce qui lui est imputable et de ce qui est imputable à des
évolutions exogènes inévitables.
. La volatilité des cours et donc de la capitalisation boursière est trop peu corrélée à la réalité
de la performance de l’entreprise à court et moyen terme pour justifier la mise en place d’une
incitation liée à cette évolution. Cela serait trop avantageux dans certains cas sans que la
qualité du management soit réellement la raison de cette performance (années 1999-2000), et
à contrario trop pénalisant lorsque malgré la performance du management et la qualité de la
gestion la capitalisation boursière stagne voire baisse (par exemple des sociétés telles que
Lafarge ou Essilor durant les années 2001 à 2003).
. L’aspect aléatoire et volatile d’une approche par la capitalisation boursière peut entraîner de
la part des Dirigeants des comportements destinés à en maximiser à court terme le niveau.
Cela conduit à des comportements contraires à l’objectif qui doit être celui de tout
management, c'est-à-dire une approche orientée vers une vision de long terme de nature à
assurer la pérennité de la performance.
Un autre critère fréquemment utilisé est la VE ou Valeur d’Entreprise.
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La VE (Valeur d’entreprise)
La VE est des ratios les plus utilisés par les analystes financiers. Une des théories financières
de Modigliani & Miller est qu’en prenant comme base de travail des marchés financiers
parfaits, une absence de croissance et un horizon infini, la valeur d’une firme endettée est
égale à la valeur d’une firme non endettée augmentée de la valeur actualisée des économies
d’impôts réalisées sur la dette.
Cette approche intéressante intègre dans son concept l’endettement comme levier ainsi qu’un
aspect fiscal lié à la déductibilité des intérêts d’emprunt. Cependant, il peut paraître risqué
d’asseoir une partie de la réussite d’un investissement par levier, à des économies liées à la
déductibilité des charges et donc à un avantage fiscal qui peut ne pas être pérenne.
De plus, si cette approche est intéressante dans certains cas, elle entretient l’illusion de la
valeur de l’entreprise quel que soit le niveau d’endettement (FRANCE TELECOM,
VIVENDI UNIVERSAL, ENRON…) et peut s’avérer largement trompeuse et de nature à
justifier l’injustifiable.
Le TSR (Total Shareholder Return)
Ce critère a été mis en place par le BCG (Boston Consulting Group) et présente un méthode
de calcule s’approchant de celle du TRI rapportée aux actions. La différence qui est d’ailleurs
essentielle est que le TSR est basé sur un historique de performance depuis la date
d’investissement alors que le TRI est une anticipation de la rentabilité sur la base de flux de
trésorerie futurs.
Le TSR peut se définir comme étant le taux de rentabilité interne qui égalise le prix d’achat
d’une action dans le passé à la somme actualisée des dividendes reçus par la suite et au prix
du marché aujourd’hui.
TSR =
d1
(1+t)1
+ d2 + d3 + … + dn
(1+t)2 (1+t)3
(1+t)n
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Si ce critère ne peut être utilisé comme seul mode d’indexation de la rémunération, il offre la
possibilité de mesurer la performance réelle de l’investissement pour l’actionnaire sur une
période donnée.
Le TSR reste cependant un ratio qui ne prend en compte qu’une vision partielle de la
performance de l’entreprise.
-
selon le moment auquel il est calculé dans le cycle de l’entreprise, on pourra avoir un
rendement très différent. Si l’on prend l’exemple de valeurs cycliques telles que
RENAULT ou PEUGEOT, le seul fait de décaler la période sur +/- 12 à 18 mois,
même si la période globale de référence s’étend sur 5 ans, peut aboutir à des TSR
variant de quasi 0% à plus de 100%. La performance sur le long terme n’est pas pour
autant remise en cause mais peut être soumise à de fortes variations qui ne sont pas
réellement imputables au Dirigeant.
-
La performance boursière d’une action n’est pas toujours le reflet exacte de la
performance réelle de l’entreprise et des changements réellement mis en œuvre en
interne.
-
Le rendement obtenu par le calcul du TSR n’est que le rendement d’une performance
passée.
-
Il est difficile de dissocier la performance réalisée par la valeur intrinsèque de
l’entreprise et de sa direction, de la performance due à une conjoncture générale plus
ou moins favorable. Par exemple, le TSR calculé sur des valeurs technologiques sur
une période de 1997 à 2000 aurait été très élevé, bénéficiant d’une envolée boursière
sans distinction réelle de la qualité des entreprises sous-jacentes et de leurs dirigeants.
Dans l’ensemble, les indicateurs boursiers peuvent difficilement être pris en compte dans le
cadre de l’indexation d’une rémunération, soit parce que la base de calcul initiale provient
d’éléments comptables sur lesquels le Management a une influence décisive, soit parce qu’ils
sont soumis à des évolutions de marché conjoncturelles ou cycliques sans lien direct avec la
performance intrinsèque de la direction.
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Dans ce cas, pour approfondir ce phénomène, il conviendrait de déterminer quelle est la part
de chance (évolution du marché, de la conjoncture) dans la performance de l’entreprise et la
responsabilité du management dans la performance de l’entreprise par rapport aux facteurs
généraux d’évolutions et de performance du marché. Des études ont d’ailleurs étés effectués
sur le sujet.
Retenir des critères boursiers risquerait de pénaliser ou au contraire de favoriser des dirigeants
pour une performance strictement boursière dont ils ne sont pas responsables.
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III – Eléments de l’analyse extra-financière : des critères de performance pour le dirigeant
d’entreprise
L’économie dans son ensemble est aujourd’hui confrontée à un certain nombre d’enjeux
fondamentaux, comme par exemple le changement climatique. Les entreprises, pour leur part,
doivent faire face à de nouveaux défis qui induisent de nouveaux risques et de nouvelles
opportunités. La capacité des entreprises à anticiper et à répondre aux changements qui
s’opèrent devient fondamentale et requiert, pour être évaluée, la mise en œuvre de nouveaux
outils d’analyse.
Nous intitulerons sous le terme d’analyse extra-financière l’analyse qui porte sur des aspects
complémentaires à ceux de l’analyse financière traditionnelle, principalement en matière de
gouvernance, de responsabilité sociale et environnementale.
La gouvernance d’entreprise a pris récemment une grande importance dans les préoccupations
des hommes politiques, des investisseurs institutionnels, des entreprises, et du monde
économique dans son ensemble. Quels impacts réels peut on prévoir des nouvelles
dispositions sur la performance dans la gestion entreprises par les dirigeants ?
Aujourd’hui, le développement durable est de mieux en mieux pris en compte par les
entreprises, parce qu’il est moins considéré comme une nouvelle forme de management de
l’image et plus comme un moyen de mieux gérer l’activité de l’entreprise. Le développement
durable est il facteur de création de valeur économique ? peut il être évalué en termes de
critères de performance ?
1/ La Corporate governance
A – Origine et définition de la corporate governance
Berle et Means (1932) ont été les premiers auteurs à s’intéresser au problème de la
gouvernance qui est né du démembrement de la fonction de propriété : en une fonction de
contrôle exercée par les actionnaires ; et en une fonction décisionnelle exercée par les
dirigeants.
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La crise de 1929 a révélé un certain nombre de défaillances des systèmes de contrôle chargés
de discipliner les principaux dirigeants, et donnera suite au renforcement de la réglementation
boursière aux Etats-Unis et à la création de la Securities and Exchange Commision, chargée
de protégée les investisseurs financiers.
La gouvernance s’inscrit dans une perspective de contrôle des dirigeants et de définition
disciplinaire des « règles du jeu managérial».
La gouvernance d’entreprise concerne les relations entre les dirigeants des entreprises et
l’ensemble des parties concernées par les décisions et actions menées par ces dirigeants au
nom des entités dont ils sont les mandataires. Au sens strict, les parties concernées sont les
actionnaires. Mais au sens large, la gouvernance d’entreprise concerne d’autres « détenteurs
d’enjeux », en premier salariés, prêteurs, clients et fournisseurs, et, d’une manière plus
indirecte, les différentes personnes et collectifs concernés par les activités de l’entreprise (Etat
et collectivités locales, associations de défense de l’environnement…).
B – Les récents développement sur la corporate governance
Les rapports VIENOT (1995 et 1999) et BOUTON (2002) sont à l’origine des nouvelles
recommandations en matière de gouvernement d’entreprise.
Outre les recommandations sur le choix, le rôle et le fonctionnement du conseil
d’administration, les nouveaux travaux préconisent la mise en place d’un certain nombre de
comités (comité des comptes, comité de sélection ou des nominations…).
Nous nous intéresserons au comité des rémunérations qui recommande particulièrement de
publier dans le rapport de gestion la rémunération totale et les avantages de toute nature
versés, durant l’exercice, à chaque mandataire social (Président, Directeur général ou
Directeurs généraux délégués) par la société ou l’une des sociétés du groupe. Ainsi, une
information complète est donnée aux actionnaires sur le coût global de la direction générale
ainsi que sur la politique de rémunération appliquée.
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Concernant la part variable, le comité des rémunérations doit procéder à la définition de ses
règles de fixation, en veillant à la cohérence de ces règles avec l’évaluation faite annuellement
des performances des mandataires sociaux et avec la stratégie à moyen terme de l’entreprise ;
il doit ensuite contrôler l’application annuelle de ces règles.
Les stocks options, qui permettent d’accroître considérablement la rémunération sans trop
affecter le résultat de l’entreprise et sans trop attirer l’attention, doivent désormais figurer
dans le rapport annuel des sociétés cotées, et constituent même un chapitre qui doit décrire la
politique d’attribution des options à l’ensemble des bénéficiaires et exposer de manière
séparée.
La loi NRE, les rapports VIENOT et BOUTON en France, et la loi Sarbannes-Oxley aux
Etats-Unis ont pour ambition de normaliser les relations entre le principal et l’agent ou les
agents (théorie de l’agence), afin de pérenniser l’entreprise.
Ces nouvelles recommandations, qui visent à améliorer …………..
2/ Le développement durable : influence sur la rémunération du dirigeant ?
Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises s’engagent dans une démarche sociétale.
Cette démarche, si elle s’inscrit dans une stratégie de pérennité de la firme, rencontre des
difficultés quant à sa mesure de performance.
Quel pourrait l’intérêt de prendre en considération les principes du développement durable
dans la détermination de la rémunération des dirigeants d’entreprises ?
Pour tenter de répondre à cette question, il faut d’abord s’interroger sur l’origine et la
pertinence de la prise en compte des critères du développement durable dans le pilotage et la
performance de l’entreprise. Revenons d’abord à l’origine du concept avant de définir les
notions de responsabilité sociétale et de performance sociétale.
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A – Problématique du développement durable
Le développement durable n’est pas un concept nouveau : « le développement durable répond
aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures
à répondre aux leurs » Rapport Bruntland (1er ministre norvégien) – 1987.
C’est au milieu des années 1960 que le nombre de doléances sociétales à l’encontre des
entreprises (émanant des syndicats, des consommateurs…) a fortement progressé.
Ce qui a amené, dans les années 1970, des experts à s’inquiéter du fait que la croissance
économique avait un impact négatif sur l’environnement, et qu’elle pouvait à terme
hypothéquer les conditions de vie sur la planète. On a progressivement exigé de la part des
firmes une internalisation croissante des coûts sociaux et environnementaux.
Le développement durable a alors été défini comme une alternative destinée à préserver
l’avenir.
Pour les entreprises, le développement durable (sustainability en anglais) supposent qu’elles
se développent en s’appuyant sur 3 piliers : social, environnemental et économique.
B – La responsabilité sociétale des entreprises
La vision classique de la firme confie aux dirigeants le rôle de maximiser la valeur de
l’entreprise, en d’autres termes la richesse des actionnaires. Or les bases d’un tel système
économique ne suffisent parfois plus à maximiser le bien-être collectif dès lors que des
externalités négatives apparaissent (Arrow – 1973). Ces externalités correspondent aux
situations où les dirigeants ne supportent pas l’ensemble des coûts consécutifs à leurs actions
(pollution de l’eau ou de l’air par exemple).
On peut considérer que les problèmes engendrés par les activités de production industrielle
sont le domaine de prédilection de l’Etat ; ou plutôt que l’entreprise ne peut rester à l’écart de
ces questions de société, si tant est qu’elle souhaite pérenniser sa légitimité et son objet (Davis
– 1973).
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Le concept de responsabilité sociétale a évolué avec le temps et les auteurs.
Bowen, en 1953, définissait la responsabilité sociétale des dirigeants comme une série
d’obligations entraînant une série de politiques, de décisions et de lignes de conduite
compatibles avec les objectifs et valeurs de la société.
Plus tard, en 1971, le CED (Committee for Economic Development) fait référence à 3 cercles
concentriques :
-
le 1er comprend les responsabilités de base pour l’accomplissement des fonctions
essentielles de l’entreprise, relatives à la production, à l’emploi et à la croissance
économique,
-
le 2ème englobe le 1er cercle avec une sensibilité aux évolutions de la société et de ses
attentes (protection de l’environnement, relations sociales, information des
consommateurs),
-
le 3ème tient compte de l’exercice de responsabilités émergentes, servant à améliorer
l’environnement (par exemple des créations ciblées d’emplois au profit de populations
particulièrement défavorisées).
Enfin, Sethi (1975) et Epstein (1987) étendent la notion de responsabilité sociétale à celle de
performance sociétale, et font référence à la théorie des parties prenantes, stipulant que leur
satisfaction est une condition sine qua non de la réussite organisationnelle.
C– La performance sociétale
Caroll, en 1979, est l’un des 1ers auteurs à avoir conceptualiser la notion de performance
sociétale en la définissant selon 3 dimensions :
-
la responsabilité sociétale : rentabilité économique – respect des obligations légales –
comportement éthique
-
la sensibilité sociétale : prise en compte des doléances sociétales (refus, contestation,
adaptation, proaction ou anticipation)
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-
les domaines dans lesquels la responsabilité de l’entreprise s’exerce (questions
environnementale, sociales, actionnariales, ou encore de qualité et de sécurité des
produits
Wood, en 1991, considère qu’il n’existe pas de théorie permettant d’appréhender la
performance sociétale, et préfère relier cette notion à l’émanation d’une configuration
organisationnelle représentée par un assemblage de principes, de processus internes et de
conséquences observables.
Les travaux de Clarkson, en 1995, aboutissent au constat que les entreprises gèrent bien leurs
relations
avec
leurs
principales
parties
prenantes
(salariés,
actionnaires,
clients,
fournisseurs…), mais n’intègrent pas dans leur démarche des questions sociales plus
générales.
A ce stade, on comprend que la qualité de la gestion partenariale peut être appréciée en
fonction des indicateurs renseignant sur le niveau de satisfaction des principales parties
prenantes. Mais comment relier la notion de satisfaction à celle de performance ?
Enfin, Reynaud définit la performance globale des firmes comme la réunion de 3 niveaux de
performance :
-
la performance économique : intégration des fonds éthiques et accès au marché des
capitaux,
-
la performance environnementale : diminution de la pollution, sécurité des
installations, sécurité des produits, épuisement des ressources,
-
la performance sociale : égalité de traitement, bonnes conditions de travail, respect
des droits de l’homme.
Si la performance économique est le souci constant des dirigeants d’entreprises, la
performance environnementale permettra de diminuer les coûts directs (gaspillage), les
risques d’accidents et juridiques, d’améliorer l’image dans l’optique de conquérir des parts de
marché, en favorisera l’opportunité de création de nouveaux produits.
La performance sociale permettra de diminuer la probabilité d’occurrence d’événements
spectaculaires (grèves, boycotts), d’augmenter la motivation des employés et de faciliter le
recrutement des cadres.
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A ce jour, aucune étude n’atteste d’une convergence entre ces différents types de
performance, ce qui rend difficile la maximisation de la performance globale de l’entreprise
selon ces critères.
D – Le développement durable : une création de valeur dans la durée ?
En France, la loi NRE (15/05/01) impose depuis 2003 à toutes les entreprises cotées un
reporting environnemental et social. Si certains acteurs économiques vivent encore
aujourd’hui le développement durable comme un contrainte, d’autres sont convaincus que de
telles stratégies peuvent nourrir la performance économique des entreprises.
Pour Lafarge, « la performance ne peut être durable que si elle associe rentabilité
économique, écoute et amélioration de notre société, et qualité de notre environnement ». Ce
qui s’est traduit, chez le cimentier, par l’intégration du développement durable dans ses
programmes de performance : chaque branche est invitée à améliorer la productivité des
ressources naturelles, à employer des matériaux recyclés et des combustibles de substitution,
et à réduire ses émissions.
Dans un autre secteur, Danone a fait le choix d’intégrer dans l’évaluation des performances de
ses managers l’application de la politique de responsabilité sociale et environnementale de
l’entreprise.
Toutefois, les différents travaux qui ont pu être menés sur le sujet ne permettent pas de
conclure de manière définitive à l’existence d’un lien entre performance sociétale et
performance financière, d’autant que les stratégies de développement durable sont par nature
des stratégies de long terme et que le recul est encore limité aujourd’hui.
Aucun lien négatif n’a cependant été mis en évidence. Il y a plutôt une forte présomption de
superformance sur le moyen terme et de moindre volatilité car il y a plus de visibilité.
Le développement durable peut avoir un impact risque et un impact opportunité sur
l’entreprise. Un impact risque car une société qui contrôle mieux ses risques aura moins de
provisions et maîtrisera mieux ses coûts. Un impact opportunité car une société réputée pour
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bien traiter ses salariés, es fournisseurs et ses clients gardera plus facilement ses clients en cas
de crise ou de boycott.
La première mission du dirigeant est d’assurer la pérennité de son entreprise en développant
une activité rentable et en maximisant la réduction des risques.
Et le principe du développement durable est précisément de limiter et de maîtriser les risques
à long terme.
Il est facile de comprendre qu’une entreprise qui entretient de bonnes relations avec ses
salariés et qui s’intègre bien dans son environnement, élimine d’emblée un grand nombre de
risques qui peuvent peser sur sa valorisation.
Le développement durable vient introduire une nouvelle référence multi-critères de
performance de l’entreprise dite de triple bottom line, c’est à dire après examen de la
performance sociale, environnementale et financière.
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Conclusion
L’observation des pratiques en matière de rémunération des dirigeants d’entreprises montre
une forte indexation à des critères financiers : EBITDA, résultat net, ROI/ROCE…
Les limites de la prise en compte de ces seuls critères pour évaluer la performance de
l’entreprise, et donc du dirigeant, ont pu être démontrés.
Les critères de performance utilisés sont essentiellement basés sur des éléments comptables,
sujet à manipulation, qui ne s’inscrivent que dans une vision court terme.
Si la prise en compte des critères financiers est indispensable à la mesure de performance
financière de l’entreprise, d’autres critères doivent être considérés pour assurer la pérennité de
l’entreprise.
La mise en place d’une politique de développement durable conduit à une meilleure gestion
des ressources, des risques et à un management plus responsable. Elle favorise l’attractivité
d’une entreprise en termes de recrutement et de réputation.
La réussite économique de l’entreprise dépend de 2 axes : la création de valeur pour
l’actionnaire et pour les parties prenantes. Une entreprise, qui vend des produits détruisant de
la valeur pour une ou plusieurs parties prenantes tout en créant de la valeur pour l’actionnaire,
présente des risques cachés. De même, une entreprise dont l’activité entraîne une perte de
valeur pour l’actionnaire mais une satisfaction pour les parties prenantes n’est pas viable. Il
faut donc créer de la valeur simultanément pour ces 2 publics.
D’où la nécessité de prendre en compte dans l’évaluation de la performance du dirigeant, et
donc dans la détermination de sa rémunération, des critères d’ordre financier et sociétal.
Le changement du rôle de l’entreprise, la prise en compte des externalités et la contrainte de
préservation des ressources naturelles créent de nouveaux facteurs de pérennité de l’entreprise
moderne. L’étude d’un modèle multicritères économique, social et environnemental pour
l‘évaluation de la performance globale de l’entreprise, et donc pour la détermination de la
rémunération du dirigeant, constitue un nouvel enjeu qui favorisera la « réconciliation » avec
les parties prenantes.
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Bibliographie
Banque et Finance N°1 de mai/juin 2004
Banque et Finance N°2 de juillet/août 2004
« L’intégration des dimensions sociétales dans le pilotage de la performance de l’entreprise :
problématiques et conjectures » – Colloque sur la responsabilité globale de l’entreprise –
octobre 2003 – Christophe Germain et Stéphane Trébucq
Problèmes économiques N° 2854 du 23/06/2004 : « Peut on parler d’une entreprise
européenne ? »
« Le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées » publication de l’AFEP et du MEDEF –
octobre 2003
Principes de gestion financière – R. Brealey et S. Myers – 7ème édition
Les décisions financières de l’entreprise - Méthodes et application – Portait, Charlety, Dubois
et Noubel
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