La Finma s`immisce au coeur de la gestion de fortune

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La Finma s`immisce au coeur de la gestion de fortune
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Lundi Finance
Le Temps
Lundi 12 septernbre 201!
Un expert pour comprendre Droit et fiscalit6
La Finma s'immisce au coeur de la gestion de fortune
> L'autorite de surveillance des marches financiers entend intervenir plus dans les relations entre les banques et leurs clients pour proteger
ces derniers. A l'instar du droit europ@n, un nouveau plan reglernentaire se d&eloppe en Suisse et pas forcement au profit des clients
Jean-Yves De Both*
En droit, les devoirs des ge
rants et conseillers en investisse
ment l'egard de leurs clients
sont de nature privee. Ces rela
tions sont regies par le code des
obligations, en particulier le droit
du mandat, et les dispositions
contractuelles agreees par les
parties.
Du droit du mandat decoulent
notamment de nombreux devoirs
fondamentaux des gerants: de
voir d'information et de raise en
garde, devoir de diligence ou
devoir de/oyaute (obligation
d'agir dans l'interet des clients).
Au cours des derni res decennies,
ces devoirs ont ere precises par la
jurisprudence civile, laquelle il
convient d'ajouter Ies directives
concemant Ie mandat de gestion
de fortune mises par I SB.
Pour la Finma, ces r ?g/es civiles
ne semblent plus suffisantes afin
d'assurer une protection ade
quate des clients.
II y a quelques annees, on avait
d j observe une intervention
marquee de ]a Finma dans la
gestion de fortune, et ce dans le
domaine des r@rocessions. Suite
ii l'anet du 22 mars 2006 dans
leque! le Tribunal federal avait
juge que les retrocessions des
g4rants devaient tre remises au
client, la Finma avait voulu em
boiter le pas sur un plan rOgle
mentaire. S tait ensuivie la circu
laire ,regles cadres pour la
gestion de fortune} du 18 d4
cembre 2008 r4glementant les
aspects de r mun rafion dans les
contrats de gestion de fortune.
Ce n'etait qu'un debut. Au mois
d'octobre 2010, la Finma a an
noncfi qu'elle souhaitai{ anaelio
rer la protection de la clientele.
En se basant sur ses investiga
tions liees aux affaires Madoff et
Lelmlan, elIe aboutissait la
conclusion que le profil de ds
ques des produits ne correspon
dait pas toujours a celui des
clients, La Finma a ainsi soumis
an d4bat un certain nombre de
mesures: par exemple, des pres
criptions en termes de contrale
d'adequation de toute prestation
de conseiI ou de gestion (suitabi
lit3,) ou l'obligation de documen
ter les motifs qui ont incite
choisir ou reconn'nander chaque
produit , un client (risques,
perspective de gains, coQts...).
Ces reflexions ne semblent pas
encore termin es et des modifica
tions legislatives seront necessai
res. Cela tant, la Finma semble
bien d dd4e , faire montre de
force a tout prix.
D4butjuillet 2011 a 4t lanc
le projet de modification de la loi
sur les placements collecfifs de
capitaux (LPCC). Si ce projet vient
formellement du conseil fed@al,
c'est bien la Finma qui en est
l'auteur.
<<11 n'est pas certain
que des restrictions
d'investissement
amdliorent la
placements collectifs de capitaux
non-UCITS. C'est egalement un
pas irr&ersible en direction de la
creation d'un devel playing field
r6glementaixe pour la conduite
de toute activite de gestion de
fortune.
C'est par contre avec plus
d'@ormement que l'on volt la
Filmla proposer des change
ments sur les placements collec
tifs de capitaux que les banques
et g@ants peuvent s lecfionner
pour les portefeuil/es de leurs
clients gtres,
Tout tourne autour de la no
tion d'dnvestisseur qualifit au
sens de la LPCC. A l'heure ac
tuelle, les clients germs d'une
banque sont consid6res comme
des investisseurs qualifies. Aussi,
une banque peut placer des fonds
de placement non aurorises la
protection des clients>) distributionau publicdansles
................................................................ portefeuilles de ses clients g&&,
ll n'y a rien & redire sur la
soumission de tousles g@ants de
placements collectifs de capitaux
une surveillance prudentielle.
Ceci r{pond un standard inter
national et permettra aux ge
rants suisses de rester en charge
de la gestion des placements
collectifs europeens regis par la
nouvelle directive AIFM sur les
pour autant que cela reste con
forme g la strategie d'investisse
ment du client concern&
Dans le projet de modification
de la LPCC, il est propos6 d'abro
ger cette inclusion des clients
geres. Si c'etait le cas, les banques
seraient autorisees placer des
fonds de placement non autori
s{s 5 la distribution au public
uniquement dans les porte
feuilles des clients dits {HNWI}}
(au-dessus de deux millions de
francs d'actifs financiers). Et
encore, la Fhuna souhaite res
treindre cette possibilit aux
clients < HNWI, avec des comp6
tences techniques particuli res.
Une telle restriction de choix
pour les banques dans l'activit
de gestion de fortune se justifie-t
elle? Les banques n'ont pas be
soh de protection; il s'agit pr ci
sement de leur metier d'identifier
et de s ?]ectionner des invesdsse
ments int ressants, sans se limi
ter des fonds structures pour la
distribution au public. Les clients
g@ s ont justement cette inter
mediation d'un @ablissement
financier, ce qui leur enl ve un
besoin de protection accru.
Par ses devoirs contractuels, il
appartient au gerant de fortune
de selectionner les placements
appropri s et raisonnables par
rapport la situation financi re
et aux objectifs d'investissement
de chacun de ses clients. C'est sur
cette base que la banque fera des
choix de produits differents
pour ses clients, sans que des
prescriptions reglementaires en
termes de choix n'apparaissent
des investisseurs, il serait inop
portun de minimiser ou negliger
l'acquis et les principes de doit
civil dans les relations entre les
banques et leurs clients. 11 n'est
pas certain que des restrictions
d'investissement ou la multiplica
tion de documentation (qui sera
- par nature - standardisee)
am61iorent la protection des
clients; au contraire, une standar
disation de la gestion de fortune
leur serait g terme pr@ diciable.
En r&lite, il semble que le
nmud d'affaires probl6matiques
(par exemple certaines recom
mandations de produits structu
res Lehman des clients non
g{r s) tounae plut6t autour du
devoir de loyaut6, avec des situa
tions de conflits d'int r ts ou de
mauvais incitadfs financiers.
lntervenir sur ces points serait
peut-etre moins visible, mais on
peut penser que ce sont des fac
teurs plus decisifs pour assurer
une protection des investisseurs.
necessaires,
S'il parait clair que la Finma a
choisi d'intervenir au plus proche
*Avocat, Schellenberg Wittmer,
Gen6ve, Zurich, www.swlegaLch