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Race Religion 5,95 $ also available in English Directeur invité Myer Siemiatycki, Ryerson University Sexe Avec l’appui de la Direction générale de l’intégration de Citoyenneté et Immigration Canada, du Programme du multiculturalisme, Patrimoine canadien, et du Secrétariat national pour les sans-abri. Spring / printemps 2005 dite‘ Invali Françoise Armand Robert Armstrong Jason Azmier Morton Beiser Chedly Belkhodja Laurence Boucheron Paul A. Bramadat Diane Dagenais Colleen Dempsey Douglas Durst Rick Enns Michael Farrell Michel Fournier J. S. Frideres Grace-Edward Galabuzi Sylvie Gravel Feng Hou Razia Jaffer Jack Jedwab Fran Klodawsky Audrey Kobayashi Jean Lock Kunz Solange Lefebvre Clarence Lochhead Patrick MacKenzie Joseph Mensah Ann Marie Murnaghan Linda Ogilvie Jacqueline Oxman-Martinez Louis Patry Valerie Preston Mythili Rajiva Brian Ray Myrta Reyes Joanna Anneke Rummens Kareem D. Sadiq Grant Schellenberg Barbara Schleifer Myer Siemiatycki Evangelia Tastsoglou Hieu Van Ngo Marika Willms Tracy Wityk Avec une série de textes portant sur l’immigration et le sans-abrisme e A^ g Re‘g ion Lang ue o ffici elle Langu e pat rimon iale on ati r ig te‘ Imm ici n h Et e iqu m o on ioe‘c c o s tut Sta Orientatio n sexuell e L’immigration ‘ et les intersections de la diversite disponible jusqu’au 1er juin 2005 on display until June 1st, 2005 UNE CONFÉRENCE NATIONALE SUR L’HISTOIRE DU CANADA : ENSEIGNEMENT, APPRENTISSAGE ET COMMUNICATION Nouvelles frontières de notre histoire : Les 100 ans de l’Alberta et de la Saskatchewan au sein de la confédération Le passé, le présent et l’avenir Hôtel et Centre de conférences Westin Edmonton (Alberta) 28-30 octobre 2005 Pour de plus amples renseignements : www.acs-aec.ca Spring / printemps 2005 3 Introduction Myer Siemiatycki 5 Entretien avec l’honorable Joe Volpe 8 Entretien avec l’honorable Raymond Chan 11 Entretien avec l’honorable Joe Fontana ORIENTATION SEXUELLE ET IMMIGRATION 14 Établir le lien entre l’immigration, la sexualité et la citoyenneté : comparaison entre le Canada et les États-Unis Brian Ray et Audrey Kobayashi 18 Droit canadien de l’immigration et partenaires de même sexe Marika Willms ÂGE ET IMMIGRATION – ENFANCE ET JEUNESSE 22 La nouvelle étude sur les enfants et les jeunes Canadiens : recherche visant à pallier un manque dans le Plan d’action national pour les enfants Morton Beiser, Robert Armstrong, Linda Ogilvie, Jacqueline Oxman-Martinez, Joanna Anneke Rummens 27 Franchir le fossé des générations : explorer les différences entre les parents immigrants et leurs enfants nés au Canada Mythili Rajiva 32 Regard sur les enfants et les jeunes immigrants Hieu Van Ngo et Barbara Schleifer ÂGE ET IMMIGRATION – VIEILLISSEMENT 38 Encore plus de têtes grises : les immigrants âgés au Canada Douglas Durst 81 L’hétérogénéité ethnoculturelle des Noirs dans nos « ethniCités » Joseph Mensah RELIGION ET IMMIGRATION 88 Au-delà du cheval de Troie : religion, immigration et discours public canadien Paul A. Bramadat 92 La religion, le pluralisme et l’arbitrage confessionnel : conséquences pour les Canadiennes de confession musulmane Razia Jaffer 97 La religion dans la sphère publique Solange Lefebvre SEXE ET IMMIGRATION 101 Les intersections du sexe et de la migration dans le contexte canadien Evangelia Tastsoglou, Brian Ray et Valerie Preston 104 Barrières d’accès à l’indemnisation pour les travailleurs immigrants victimes de lésions professionnelles Sylvie Gravel, Laurence Boucheron, Michel Fournier et Louis Patry LANGUES OFFICIELLES ET IMMIGRATION 110 Langues en contexte d’immigration : éveiller au langage et à la diversité linguistique en milieu scolaire Françoise Armand et Diane Dagenais 114 Intégrer les nouveaux arrivants au marché du travail canadien Clarence Lochhead et Patrick MacKenzie 43 Les aînés et l’immigration : services et questions Tracy Wityk et Myrta Reyes 46 La prise en compte de l’évolution de vie dans l’intégration des immigrants Jean Lock Kunz 50 Immigrants âgés au Canada : sources de revenus et autosuffisance Colleen Dempsey STATUT SOCIOÉCONOMIQUE ET IMMIGRATION 55 Bien-être économique des nouveaux immigrants au Canada Grant Schellenberg et Feng Hou 59 Facteurs influant sur la situation économique et sociale des immigrants : le Canada en ce nouveau millénaire Grace-Edward Galabuzi ETHNICITÉ ET IMMIGRATION 65 Ethnogenèse : l’origine ethnique des immigrants et le développement des clivages sociaux qui y sont associés J. S. Frideres 69 Race, ethnicité et immigration en milieu de travail : expériences des personnes appartenant à une minorité visible et initiatives en matière de diversité en milieu de travail Kareem D. Sadiq 76 Immigration et racialisation au Canada : géographies de l’exclusion ? Valerie Preston et Ann Marie Murnaghan LANGUES PATRIMONIALES ET IMMIGRATION 119 Les intersections de la dualité : la relation entre l’identité ethnoculturelle et la langue minoritaire Jack Jedwab RÉGIONALISATION ET IMMIGRATION 124 Le défi de la régionalisation en matière d’immigration : l’immigration francophone au Nouveau-Brunswick Chedly Belkhodja 128 Tableau de l’immigration propre à l’Ouest canadien Jason Azmier EN VEDETTE : POLITIQUES EN MATIÈRE DE SANS-ABRISME 132 Lutte contre l’instabilité des nouveaux arrivants en matière de logement Michael Farrell 137 Panel sur le sans-abrisme : analyse des données secondaires concernant les réponses données par les participants dont le pays d’origine n’est pas le Canada Fran Klodawsky, Tim Aubry, Behnam Behnia, Carl Nicholson et Marta Young 142 Ménages immigrants et sans-abrisme Rick Enns 147 73e Congrès de l’ACFAS Thèmes canadiens est publié par Canadian Issues is published by Ce numéro de Thèmes canadiens est commandité par le projet Metropolis. PRÉSIDENT INTÉRIMAIRE / INTERIM PRESIDENT Hector Mackenzie, Affaires étrangères Canada SECRÉTAIRE DE LANGUE FRANÇAISE / FRENCH LANGUAGE SECRETARY CITC est une publication trimestrielle CITC is a quarterly publication of the Nicole Neatby, St-Mary’s University de l’Association d’études canadiennes Association for Canadian Studies (ACS). SECRÉTAIRE DE LANGUE ANGLAISE / ENGLISH LANGUAGE SECRETARY (AEC). Il est distribué gratuitement aux It is distributed free of charge to indivi- Minelle Mahtani, University of Toronto membres de l’Association. CITC est une dual and institutional members of the REPRÉSENTANTE DE L’ATLANTIQUE / ATLANTIC PROVINCE REPRESENTATIVE publication bilingue. Tous les textes Association. CITC is a bilingual publica- émanant de l’Association sont publiés en tion. All material prepared by the ACS is REPRÉSENTANT DU QUÉBEC ET TRÉSORIER / QUEBEC REPRESENTATIVE AND TREASURER français et en anglais. Tous les autres published in both French and English. Christopher Manfredi, Université McGill textes sont publiés dans la langue All other articles are published in the REPRÉSENTANT DE L’ONTARIO / ONTARIO REPRESENTATIVE d’origine. Les collaborateurs et collabo- language in which they are written. Chad Gaffield, Université d’Ottawa ratrices de CITC sont entièrement Opinions expressed in articles are those REPRÉSENTANT DES PRAIRIES ET DES TERRITOIRES DU NORD-OUEST / PRAIRIE PROVINCES AND NORTHWEST TERRITORIES REPRESENTATIVE responsables des idées et opinions of the authors and do not necessarily exprimées articles. reflect the opinion of the ACS. The L’Association d’études canadiennes est un Association for Canadian Studies is a organisme pan-canadien à but non voluntary non-profit organization. It lucratif dont l’objectif est de promouvoir seeks to expand and disseminate know- l’enseignement, la recherche et les publi- ledge about Canada through teaching, cations sur le Canada. L’AEC est une research and publications. The ACS société savante, membre de la Fédération is a scholarly society and a member canadienne des sciences humaines of the Humanities and Social Science et sociales. Elle est également membre Federation of Canada. The ACS is also a fondateur du Conseil international founding member of the International d’études canadiennes. Council for Canadian Studies. CITC bénéficie pour ce projet de l’appui CITC financier du Gouvernement du Canada support of the Government of Canada par le biais du Programme d’études through canadiennes du ministère du Patrimoine Programme of the Department of canadien et du Fonds du Canada pour Canadian Heritage and the Canada les magazines. Magazine Fund for this project. Penny Bryden, Mount Allison University Gerald Gall, University of Alberta REPRÉSENTANT DE LA COLOMBIE-BRITANIQUE ET DU YUKON / BRITISH COLUMBIA AND THE YUKON REPRESENTATIVE Peter Seixas, University of British Columbia REPRÉSENTANTE DES ÉTUDIANTS / STUDENTS REPRESENTATIVE Carla Peck DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AEC / EXECUTIVE DIRECTOR OF THE ACS Jack Jedwab DIRECTEUR D’ÉVÉNEMENTS SPÉCIAUX / DIRECTOR OF SPECIAL EVENTS James Ondrick RÉDACTRICE EN CHEF / EDITOR Allison Anderson ASSISTANTES À LA RÉDACTION / EDITORIAL ASSISTANTS Catherine Lachance, Marie-Pascale Desjardins GRAPHISME / DESIGN Llama Communications • (819) 776-6888 • [email protected] PUBLICITÉ / ADVERTISING [email protected] • (514) 925-3094 DISTRIBUTION Disticor Direct 695 Westney Road South, Unit 14 Ajax Ontario L1S 6M9 ADRESSE CIVIQUE CITC/AEC / CITC/ACS STREET ADDRESS 1822A, rue Sherbrooke Ouest, Montréal (Québec) H3H 1E4 Tel / Tél. : (514) 925-3094 – Fax / Téléc. : (514) 925-3095 E-mail / Courriel : [email protected] TIRAGE DE 10 000 EXEMPLAIRES / RUN OF 10,000 COPIES THÈMES CANADIENS (CITC) / CANADIAN ISSUES – ISSN 0318-8442 CONVENTION POSTE PUBLICATION, 41006541 dans leurs acknowledges the the financial Canadian Studies LETTRES / LETTERS Des commentaires sur ce numéro ? Écrivez-nous : Thèmes canadiens - Lettres, AEC 1822A, rue Sherbrooke Ouest Montréal (Québec) H3H 1E4 Ou par courriel : [email protected] Vos lettres peuvent être modifiées pour des raisons éditoriales. Comments on this edition of Canadian Issues? We want to hear from you. Write to: Canadian Issues - Letters, ACS 1822A Sherbrooke Street West Montréal, Québec H3H 1E4 Or e-mail us: [email protected] Your letters may be edited for length and clarity. INTRODUCTION Spring / printemps 2005 MYER SIEMIATYCKI peut exercer une influence de taille sur l’expérience d’établissement et d’intégration des immigrants au Canada. De plus, les immigrants du Canada n’ont pas tous suivi le même parcours jusqu’à la citoyenneté. Il y a plusieurs niveaux d’attachement à la citoyenneté pour les immigrants du Canada. Leur tendance à s’établir dans régions urbaines précises donne à penser que les nouveaux arrivants sont très attachés à nos grandes villes, en particulier à Toronto, Vancouver et Montréal. Les immigrants du Canada témoignent – par leur lieu d’établissement – d’une forme de citoyenneté urbaine, ancrée dans le paysage local qu’ils jugent le plus propice à la réalisation de leurs aspirations et au maintien de leurs attaches. Au-delà de l’échelle locale, certains immigrants ressentent aussi de grandes affinités avec une région ou une province. Les immigrants francophones, par exemple, sont majoritairement attirés par le Québec. Le soutien financier accordé par la province aux écoles des minorités religieuses a aussi encouragé l’établissement d’immigrants non chrétiens au Québec. À l’échelle nationale, la citoyenneté revêt différentes significations pour différents Canadiens. Certains mettent l’accent sur l’engagement actif du citoyen dans les partis politiques et les associations, alors que d’autres adoptent une approche plus passive, une approche de consommateurs qui réclament certains biens liés à la citoyenneté. Enfin, à l’échelle mondiale, le transnationalisme intervient de plus en plus dans l’identité et le comportement des immigrants du Canada. Les multiples citoyennetés se sont transformées en une panoplie de possessions, d’identités, de droits et de responsabilités. Comme le révèlent les articles de cette collection, la reconnaissance des multiples intersections de la diversité nuance et approfondit notre compréhension de l’immigration et de la citoyenneté. Certains articles ont comme point de départ les dimensions importantes de la diversité des immigrants (p. ex. lieu du cycle de vie, orientation sexuelle, race, religion ou région d’établissement au Canada). D’autres sont axés sur des sphères particulières du vécu des immigrants (p. ex. l’intégration au marché du travail, l’accès au logement, les prestations de santé et de sécurité au travail) aux fins de l’évaluation des incidences des divers marqueurs d’identité des nouveaux arrivants. Cela a pour résultat de nous rappeler à quel point le sens du terme « citoyen-immigrant » peut varier au Canada. Une poignée d’articles explorent les dynamiques de l’immigration que sont l’âge et le cycle de vie. Jean Lock Kunz argue qu’afin de pouvoir comprendre les besoins d’intégration, il faut les examiner selon l’optique d’un plan de vie. Elle démontre qu’il est possible d’améliorer l’adaptation au Canada du nouvel arrivant, en s’assurant que les programmes et les politiques soient plus attentifs aux différents stades de l’intégration des immigrants. Dans leur rapport sur l’étude pancanadienne effectuée auprès d’enfants immigrants ou réfugiés de près de 20 pays différents, Morton Beiser et coll. prouvent que l’état de santé des jeunes immigrants est sous-étudié. Parmi les facteurs déterminants de la santé mentale des jeunes nouveaux arrivants, il faudrait compter l’âge Directeur de programme Maîtrise en études de l’immigration et de l’établissement Ryerson University L es articles de ce recueil nous rappellent les nombreuses significations et les nuances inhérentes aux termes « immigrant » et « citoyenneté ». Tour à tour, ils témoignent d’un riche programme de recherches et de politiques ayant pour objectif de comprendre et de façonner la migration internationale vers le Canada. De toute évidence, ces deux termes sont fondés sur un dénominateur commun. Les immigrants sont des résidents permanents du Canada nés à l’étranger, et la citoyenneté est le fait de devenir officiellement membre de la société canadienne. Ces significations ont donné naissance à des descriptions qui définissent « la condition canadienne ». Nous nous percevons comme « une nation d’immigrants », unie par une même citoyenneté, qui confère à chacun d’entre nous les mêmes droits et responsabilités. Notre propre compréhension de qui nous sommes, en tant que nation de « citoyens immigrants » (et de leurs descendants), pourrait bien découler d’un désir de cerner les points communs qui relient cette remarquable diversité qu’est l’entité sociopolitique canadienne. Sous-tendant ceci, le besoin s’est fait ressentir d’identifier ce qui unit les Canadiens plutôt que ce qui les divise. Cet effort a notamment lieu à deux résultats forts positifs : d’abord, une nouvelle définition communautaire du Canada, en tant que pays ouvert aux immigrants de toutes origines et, ensuite, à une voie d’accès efficace, pour les immigrants, vers les droits liés à la citoyenneté canadienne. Toutefois, notre mise en relief, somme toute générale, d’un « citoyen-immigrant » universel peut aussi engendrer une perception uniformisée de l’expérience des immigrants au Canada. Et rien ne peut être plus éloigné de la réalité. Il y a autant de différences entre les immigrants du Canada (souvent, au sein même d’une même communauté de nouveaux arrivants !) qu’il y en a entre les immigrants et les Canadiens de naissance. Cela tient aux nombreuses circonstances et caractéristiques qui sont regroupées sous le seul terme « immigrant ». Examinons les multiples intersections de la diversité qui distinguent chacun des 5,4 millions d’immigrants qui se trouvent aujourd’hui au Canada. Sont-ils entrés au Canada comme travailleurs indépendants, membres de la famille ou réfugiés ? D’où viennent-ils ? Où se sont-ils établis ? Quel âge avaient-ils à leur arrivée ? Depuis combien de temps sont-ils ici ? Quelle est leur langue maternelle ? À quel point sont-ils à l’aise en français ou en anglais ? Quelle est leur religion ? Quel est le niveau de leur scolarisation ? Ont-ils étudié au Canada, à l’étranger, ou au Canada et à l’étranger ? Sont-ils de sexe masculin ou féminin ? À quelle ethnie et à quelle race appartiennent-ils ? Quelle est leur orientation sexuelle ? Ontils des déficiences ? À quelle classe sociale appartenaient-ils avant leur arrivée au Canada ? À quelle classe appartiennentils maintenant ? La réponse à l’une ou l’autre de ces questions 3 Récemment, les preuves de la détérioration de la situation économique des immigrants au Canada ont suscité d’énormes préoccupations. Quatre articles sur cette situation révèlent des préoccupations communes. Grant Schellenberg et Feng Hou présentent les données sur la situation économique difficile des immigrants actuels et passent en revue une gamme d’explications à cet égard. J. S. Frideres discute des rôles que la discrimination et l’inaction du gouvernement jouent dans cette situation. Grace-Edward Galabuzzi situe les problèmes dans le contexte plus vaste de la mondialisation, de l’évolution du marché du travail et de la racialisation de la pauvreté au Canada. Kareem Sadiq avance l’idée que les pratiques quotidiennes au travail créent des obstacles à l’acceptation et à l’avancement des minorités visibles. Un petit nombre d’articles portent sur les liens entre les immigrants, le logement et le sans-abrisme. Michael Farrell fournit des données instructives sur les conditions de logement des immigrants au Canada. Il explore ensuite la façon dont la diversité et la marginalisation des nouveaux arrivants exposent les immigrants au sans abrisme. Rick Enns illustre comment l’indigence croissante des immigrants et la discrimination dont sont victimes les immigrants des minorités visibles font en sorte que les besoins fondamentaux de logement ne sont pas satisfaits. Il est à noter que Fran Klodawsky et coll. démontrent que les chemins qui mènent au sans-abrisme ne sont absolument pas les mêmes pour les immigrants et les non-immigrants. Dans ce contexte, Klodawsky et ses collègues arguent que des solutions différentes sont nécessaires pour assurer un logement aux immigrants et pour assurer un logement aux non-immigrants. Par ailleurs, tous les articles indiquent qu’une partie de la solution au sans-abrisme réside dans le renouvellement de l’engagement pris par le gouvernement en matière de logements sociaux. En entrevue, l’honorable Joe Fontana, ministre du Travail et du Logement, explique le contenu des initiatives renouvelées en matière de recherches et de politiques pour s’attaquer au sans-abrisme chez les nouveaux arrivants. Peu de recherche universitaire a été consacrée aux immigrants récents de la classe ouvrière. Les professionnels et les entrepreneurs nés à l’étranger ont eu droit, pour leur part, à beaucoup plus d’attention. S. Gravel et coll. présentent un contrepoids très apprécié avec leur article sur les travailleurs immigrants victimes d’accidents du travail. Les auteurs démontrent, de façon convaincante, que les travailleurs immigrants qui se blessent au travail s’en tirent beaucoup plus mal que les travailleurs non immigrants dans la même situation. Ils demandent à tous les intervenants dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail d’être plus attentifs aux besoins et aux points faibles particuliers des travailleurs immigrants. L’ensemble des articles publiés démontre que les chercheurs et les responsables de l’élaboration de politiques dans le domaine de l’immigration obtiennent de bien meilleurs résultats lorsqu’ils tiennent compte des intersections de l’identité et des différentes façons – souvent inégales – dont les immigrants vivent leur citoyenneté canadienne. au moment de l’immigration, la situation de réfugié, la situation de minorité visible et le revenu familial. À l’autre extrémité de la courbe des âges, Douglas Durst nous prévient que les généralisations au sujet des immigrants et du vieillissement peuvent nous guider vers une mauvaise piste. Ainsi, précise-t-il, l’hypothèse selon laquelle les immigrants sont jeunes est erronée, et les besoins des personnes âgées varient notamment en fonction de la durée de résidence au Canada. Au moyen d’une étude de cas sur l’approche adoptée par un organisme qui s’occupe d’immigrants âgés, Tracy Wityk et Myrta Reyes illustrent l’importance de concevoir des services qui répondent aux besoins des immigrants âgés, si l’on veut assurer l’efficacité des services en question. Deux articles portent sur le traitement accordé aux couples homosexuels dans le droit de l’immigration. Marika Willms examine les changements apportés à la Loi canadienne sur l’immigration. Ces changements ont d’abord permis l’admission des gais et des lesbiennes au Canada et, ensuite, ont permis l’ajout des couples homosexuels à la catégorie du regroupement familial. Brian Ray démontre qu’au Canada, les couples binationaux de gais et de lesbiennes ont davantage de droits qu’aux États-Unis, en ce qui a trait au parrainage dans la catégorie des époux. Willms et Ray affirment tous deux que les politiques canadiennes d’immigration ont tenu compte de considérations axées sur l’inclusion sociale et la réalité des cellules familiales. La contestation des hypothèses sur la question de la race au Canada fait l’objet de deux articles. Joseph Mensah montre de façon convaincante que la communauté noire du Canada est extraordinairement diversifiée et qu’elle ne correspond pas à l’image homogène prévalente. Mythili Rajiva nous prévient qu’il est imprudent de considérer automatiquement les minorités visibles comme des immigrants. Dans son étude du fossé intergénérationnel qui sépare les parents immigrants de leurs enfants nés au Canada, Rajiva met l’accent sur le statut distinct des minorités visibles nées au Canada. Deux articles portent sur l’accroissement de la diversité religieuse au Canada. Paul Bramadat examine les interactions de l’immigration, de l’etchnicité et de la pratique religieuse. Il montre comment notre compréhension des systèmes de croyances religieuses n’a pas suivi le rythme de l’évolution, sans précédent au Canada, des tendances manifestes en matière de pratique religieuse. Solange Lefebvre identifie les défis auxquels sont confrontés les démocraties libérales, en ce qui concerne la place accordée à la religion dans le domaine public. L’établissement des limites de l’État et de la religion, illustre-t-elle, dans certains secteurs comme le gouvernement, les tribunaux, les écoles et les établissements de soins de santé, peut occasionner des problèmes et des paradoxes. Deux documents de cette collection examinent la situation du point de vue des régions du Canada ayant accueilli peu d’immigrants. Jason Azmier et Chedley Belkhodja arrivent à des conclusions semblables en ce qui concerne, respectivement, l’Ouest canadien et le Nouveau-Brunswick francophone. Ces deux régions profiteraient de l’établissement d’un plus grand nombre d’immigrants, et une partie de la solution réside dans une acceptation accrue de la diversité des immigrants sur le plan local. Azmier examine les empêchements à l’établissement d’immigrants dans différentes villes de l’Ouest, et Belkhodja montre que les communautés francophones de l’Ouest canadien ne perçoivent pas les immigrants de la même façon que celles des provinces de l’Atlantique. Note Si les articles publiés ici touchent une gamme des intersections entre immigration et identité, tous les aspects n’ont malheureusement été abordés. (In)capacité & immigration et ethnicité & immigration sont des secteurs de grande importance. Toutefois, les auteurs qui ont accepté de produire des articles sur ces sujets n’ont pas été en mesure de le faire. Néanmoins, on peut consulter des analyses documentaires sur ces sujets à cette adresse internet : http://canada.metropolis.net/ events/Diversity/litreview_Index_F.htm 4 ENTRETIEN AVEC L’HONORABLE JOE VOLPE Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration Au cours des dernières années, les critiques du système canadien d’immigration ont remis en question les deux raisons les plus souvent invoquées pour justifier la politique d’immigration au Canada : premièrement, que l’immigration offre une solution au vieillissement de la population et, deuxièmement, que le fait d’avoir une population plus nombreuse procure des avantages économiques accrus. Les critiques formulées à cet égard sont-elles valides ? La croissance démographique et les avantages économiques sont-ils toujours les principales raisons invoquées pour justifier l’immigration ? Quelles sont les autres raisons justifiant l’engagement soutenu du Canada à l’égard de l’immigration à grande échelle à long terme ? Il est vrai que l’immigration ne changera pas la structure d’âge de la population canadienne, mais elle est essentielle au maintien de la croissance de la main d’œuvre puisque les Canadiens vieillissent. La croissance et la prospérité économiques du Canada reposent sur une main-d’œuvre qualifiée. L’immigration contribue à combler les pénuries de main-d’œuvre et permet aux entreprises canadiennes de prospérer. Les provinces plus petites se tournent vers l’immigration pour obtenir la main-d’œuvre dont elles ont besoin, comme le démontrent l’intérêt à l’égard du Programme des candidats des provinces et les nouvelles stratégies provinciales d’immigration, qui sont annoncées à l’échelle du pays. L’opinion publique continue d’appuyer l’immigration au Canada ainsi que les niveaux actuels. Il est peut-être inexact de parler d’immigration à grande échelle au Canada. Au cours de la dernière décennie, l’immigration au Canada a représenté en moyenne 0,6 à 0,7 % de la population, ce qui constitue une baisse par rapport au 0,9 % que l’on a connu au début des années 1990. Bon nombre de pays cherchent à accroître leurs niveaux d’immigration, notamment la composante des travailleurs qualifiés. L’Australie, par exemple, a annoncé qu’elle avait atteint le niveau d’immigration le plus élevé en plus de dix ans et qu’elle avait attiré les travailleurs les plus qualifiés de son histoire. Le Canada n’est donc pas le seul à viser cet objectif. Quels sont les facteurs dont le Canada tient compte pour déterminer le nombre de nouveaux arrivants qu’il accepte chaque année ? Tient-on compte des questions qui pourraient découler de la diversité au sein de la cohorte de nouveaux arrivants ainsi que des ressources dont on pourrait avoir besoin pour résoudre ces questions, comme l’amélioration des connaissances linguistiques ou les campagnes de sensibilisation publique pour s’assurer que la société « d’accueil » est prête à accepter les nouveaux arrivants ? Le Plan d’immigration annuel fait partie du rapport que doit déposer chaque année le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration au Parlement, en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Ce Plan fait état, par catégorie d’immigrant, du nombre de nouvelles résidences permanentes que compte accepter le Canada au cours de l’année qui vient. Une gamme de considérations intervient dans la détermination des niveaux d’immigration : les besoins locaux et municipaux en main-d’œuvre, la réunification familiale, les principes humanitaires qui sous-tendent la protection des réfugiés. Les intérêts de nos partenaires provinciaux et territoriaux, ainsi que le besoin d’améliorer les conditions des immigrants par le biais d’investissements et d’initiatives de collaboration en matière de formation linguistique et de reconnaissance des titres de compétences acquis à l’étranger, par exemple, sont autant de priorités que nous prenons en compte lorsque nous fixons les niveaux d’immigration. Le Plan d’immigration annuel est approuvé chaque année par le Cabinet et est géré à l’intérieur des balises établies et en fonction des ressources disponibles. Il existe aujourd’hui un intérêt accru dans ce secteur et l’un des défis auxquels nous faisons face est d’assurer que les provinces, les communautés, les villes, les employeurs et les autres intervenants soient habiletés à jouer un plus grand rôle dans la planification à long terme de l’immigration. Veiller à ce que ces nombreuses voix soient entendues peut vouloir signifier que nous devons créer 5 CIC travaille également en collaboration avec d’autres ministères et organismes fédéraux dans le cadre de l’initiative intitulée « Un Canada pour tous : Plan d’action canadien contre le racisme ». Il s’agit d’une initiative de collaboration visant à éliminer le racisme au Canada. Ce plan d’action a été élaboré dans le but de soutenir la mise en œuvre concertée des politiques, des programmes et des actions au sein des ministères fédéraux et d’établir des plans pour l’avenir. Plus précisément, CIC travaille en collaboration avec les autres ministères fédéraux à l’élaboration de politiques qui faciliteront l’intégration économique et sociale des immigrants. Il collabore également avec des organisations non gouver-nementales et des partenaires provinciaux en vue d’aider à promouvoir des collectivités plus inclusives et plus accueillantes. Le Rapport ministériel sur le rendement de CIC compare les réalisations du Ministère en fonction des attentes et des engagements en matière de rendement établis dans le Rapport sur les plans et priorités. En 2003-2004, CIC s’est associé à d’autres ministères et intervenants dans le cadre de diverses initiatives visant à améliorer les services d’établissement et d’intégration, notamment le projet « Se rendre au Canada – Portail sur l’immigration » du gouvernement du Canada, l’Initiative des cours de langue de niveau avancé et l’initiative visant à promouvoir l’immigration au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Pour de plus amples renseignements sur le Rapport sur les plans et priorités 2005-2006 de CIC ainsi que sur le Rapport ministériel sur le rendement de CIC pour l’exercice 2003-2004, consultez le site Web du Secrétariat du Conseil du Trésor, à l’adresse www.tbs-sct.gc.ca. de nouvelles occasions de collaboration autour des défis inhérents à l’intégration sociale et économique. Cela dit, le Canada jouit d’une solide réputation en ce qui a trait à l’intégration. Le fait de percevoir l’intégration comme étant un processus bidirectionnel permet aux nouveaux arrivants de s’établir, de s’adapter et de s’intégrer à la société canadienne tout en reconnaissant l’importance d’avoir des communautés qui soient accueillantes, respectueuses de la diversité et ouvertes au changement. Afin d’appuyer cette approche, nous avons recours à un modèle composé de quatre éléments clés : 1) l’orientation à l’étranger par le Canada ; 2) l’accueil aux points d’entrée au Canada ; 3) une gamme de services et de programmes d’établissement, dont la formation linguistique, un programme d’accueil qui jumelle les nouveaux arrivants et des hôtes canadiens en vue de soutenir l’établissement et l’intégration, et le soutien à l’établissement pour les réfugiés appuyés par le gouvernement ; et 4) en bout de piste, la possibilité de faire une demande de citoyenneté canadienne. Reconnaissant que la politique de multiculturalisme a affecté tous les éléments du gouvernement du Canada, la Loi sur le multiculturalisme canadien oblige le gouvernement du Canada à déposer au Parlement un rapport annuel sur la façon dont les 52 ministères et organismes gouvernementaux mettent en application cette loi. Pourquoi n’existe-t-il pas de rapport similaire sur les mesures que prennent ces mêmes ministères et organismes en vue de faciliter l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants au Canada ? Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) tire son mandat de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) ainsi que de la Loi sur la citoyenneté. En ce qui concerne la collaboration entre les partenaires, « l’interprétation et la mise en œuvre de la LIPR devraient avoir pour effet de faciliter la coopération entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les États étrangers, les organismes internationaux et les organismes non gouvernementaux » [alinéa 3(3)c) de la LIPR]. Il n’existe aucune exigence législative concernant le dépôt d’un rapport annuel sur la collaboration interministérielle, comme c’est le cas dans la Loi sur le multiculturalisme canadien. Néanmoins, comme l’indique le Rapport sur les plans et priorités 2005-2006 de CIC, le Ministère continuera de collaborer étroitement avec ses partenaires fédéraux et provinciaux, les municipalités, les secteurs privé et bénévole et avec les autres intervenants afin de veiller à ce que le Canada continue d’attirer et d’accueillir des personnes en provenance de tous les coins du globe. CIC travaille avec divers groupes de travail et comités à l’élaboration de ses politiques et programmes, notamment le Groupe de travail fédéral-provincialterritorial sur l’établissement et l’intégration, le Conseil mixte des politiques et du programme en matière d’établissement et d’intégration ainsi qu’un groupe interministériel composé de 14 ministères et organismes fédéraux travaillant à l’élaboration et à la mise en œuvre d’une approche fédérale coordonnée. Le dernier budget contient des sections répondant explicitement aux préoccupations des aînés, des Autochtones, des personnes handicapées et des jeunes. Par contre, il traite des nouveaux arrivants dans une catégorie « investissements ». Le fait d’inclure les immigrants dans une autre catégorie laisse croire que le gouvernement du Canada prend les besoins de cet important groupe de Canadiens moins au sérieux que ceux d’autres sous-ensembles de la population canadienne. Qu’avez-vous à répondre à ce sujet ? CITC Un gouvernement doit être jugé sur ses actes et non pas sur ses belles paroles. Le budget de 2005 engage de considérables nouvelles sommes pour des initiatives visant à résoudre les questions liées à l’établissement et à l’intégration ainsi que pour apporter les améliorations nécessaires à la prestation de services aux éventuels nouveaux arrivants au Canada. Cette aide financière de 398 millions de dollars versée au programme prouve bien que le gouvernement répond aux besoins des nouveaux Canadiens et de ceux qui souhaitent faire du Canada leur chez soi. Les fonds prévus dans ce budget permettront notamment de résoudre des questions telles que la reconnaissance des titres de compétences étrangers, l’amélioration du portail sur l’immigration du projet « Se rendre au Canada », la formation linguistique et l’amélioration des résultats sur le plan professionnel. 6 Le budget de 2005 démontre clairement l’engagement du gouvernement à investir dans les personnes, d’un point de vue économique, social et culturel. L’un des principaux objectifs consiste à maximiser la participation de ces importants contributeurs à notre économie et à nos collectivités. Le budget n’est qu’un moyen parmi tant d’autres d’atteindre cet objectif. J’ai demandé à mon ministère de s’occuper de la question des travailleurs sans papiers. Nous devons également trouver un moyen d’améliorer les délais de traitement, afin de rendre les services plus efficaces et plus rapides. Nous nous engageons à éliminer l’arriéré actuel, à réformer le programme des travailleurs temporaires et à mieux intégrer les étudiants étrangers. Dans la foulée des annonces faites dans le budget de 2005, nous continuerons de travailler sur la reconnaissance des titres de compétences étrangers des travailleurs qualifiés et sur l’accès aux cours de langue, afin d’aider les immigrants à atteindre leur plein potentiel en tant que nouveaux Canadiens. Ce ne sont là que certaines des initiatives que nous entreprenons, en collaboration avec nos partenaires et les intervenants, en vue d’améliorer les perspectives d’avenir des nouveaux arrivants. Il s’agit certes d’un projet ambitieux, mais qui démontre bien la valeur qu’accorde le gouvernement aux contributions des immigrants qui choisissent le Canada comme destination de choix. La réunion des familles a toujours été un sujet épineux sur le plan politique, mais l’est encore davantage depuis quelque temps. La principale préoccupation semble porter sur le fait que les parents et les grands-parents ne font pratiquement rien pour atténuer le vieillissement de la population ou pour contribuer activement à l’économie. Les recherches tendent-elles à prouver ou à réfuter cette opinion largement partagée ? Le fait de faire des aînés immigrants l’une des principales préoccupations du secrétariat des aînés, nouvellement créé, permettrait-il de mieux comprendre les expériences des aînés nouvellement arrivés et ainsi d’élaborer de meilleures politiques à cet égard ? Peu de recherches se penchent sur la situation des immigrants appartenant à la catégorie du regroupement familial. Je serais favorable à ce que le secrétariat mène des recherches sur les questions relatives à l’intégration des parents et des grands-parents et fasse part des résultats de ces recherches à CIC. Toutefois, la responsabilité liée à l’élaboration de toute politique en matière d’immigration devrait évidemment continuer d’incomber à CIC. Un siècle du Canada, 1905-2005/A Century of Canada, 1905-2005 Colloque annuel de l’Association d’études canadiennes, Edmonton (Alberta) les 29 et 30 octobre 2005. Organisé en collaboration avec la University of Alberta et le Canadian Century Research Infrastructure APPEL AUX COMMUNICATIONS En 1905, lorsque l’Alberta et la Saskatchewan sont entrées dans la confédération, le Canada était un pays peu populé, majoritairement rural, à la périphérie de la scène internationale. Aujourd’hui, le Canada est un pays on ne peut plus urbanisé, fermement situé au devant de la scène internationale. Comment ceci est-il arrivé ? Quels ont été les changements sociaux, économiques, démographiques, culturels et politiques qui ont donné lieu aux transformations profondes qu’a vécu le Canada au cours du 20e -siècle ? Dans quelle mesure ces changements variaient-ils d’une région à l’autre, d’un groupe à l’autre ? Enfin, de quelle façon ces changements se comparent-ils et se rapportent-ils à l’évolution d’autres pays à travers le monde ? Dans le cadre de ce colloque, on examinera ces questions afin de mieux comprendre le Canada du 20e siècle, tout en favorisant la réflection sur les enjeux qui se présenteront aua cours des prochaines décennies. Nous acceptons les propositions de communications des universitaires, chercheurs, responsables de l’élaboration des politiques et d’autres personnes intéressées au sujet, dans l’ensemble des disciplines des sciences sociales et humaines. La date limite pour les propositions est le 15 juin 2005. Veuillez nous transmettre le nom des présentateurs et un bref résumé de la communication ou de la session même. Le tout peut être envoyé à James Ondrick à [email protected] ou télécopié à (514) 925-3095. 7 ENTRETIEN AVEC L’HONORABLE RAYMOND CHAN Ministre d’État (Multiculturalisme) La diversité multiculturelle au Canada est alimentée par le taux de naissance des minorités nées au Canada et par une immigration continue à grande échelle. Pouvez-vous prévoir quelle sera la composition religieuse, linguistique et la composition des minorités visibles au sein de la population en 2017 ? Le multiculturalisme est une valeur canadienne fondamentale. Le Canada a, dans une large mesure, tiré profit de sa diversité démographique. La grande majorité des Canadiens appuient le multiculturalisme qui a enrichi la vie sociale, culturelle, économique et politique de leur pays. Le Canada continue d’être de plus en plus diversifié et le gouvernement doit s’assurer que les politiques et les programmes répondent aux besoins d’un pays diversifié. Le Programme du multiculturalisme a récemment établi un partenariat avec Statistique Canada dans le but d’élaborer des projections démographiques de la population du Canada en 2017, année qui marquera les 150 ans de la confédération. Les résultats sont publiés dans Projections de la population des groupes de minorités visibles, Canada, provinces et régions – 2001-2017, une publication de Statistique Canada. L’étude est fondée sur cinq scénarios qui présentent une échelle de taux de croissance au sein de la population. Elle prévoit que d’ici 2017, les minorités visibles représenteront de 19 à 23 % de la population totale au Canada. En chiffres réels, cela signifie qu’il y aura entre 7,0 et 9,3 millions de personnes issues de groupes de minorités visibles qui résideront au Canada. Dans certaines villes, comme Toronto et Vancouver, si les tendances actuelles se maintiennent, les minorités visibles deviendront probablement la majorité. Le Canada change également au chapitre des religions. En 2001, le pourcentage de personnes de confession non chrétienne s’élevait à 6,3 %. Selon les projections de Statistique Canada, qui sont fondées sur les tendances actuelles, le pourcentage de personnes de confession non chrétienne en 2017 se situera entre 9,2 et 11,2 % de la population totale. Tout cela pour dire que la diversité démographique est une réalité canadienne et que nous devons maximiser sa valeur pour le bénéfice de l’ensemble de la population canadienne. Dans la plupart des discours entendus dans les autres pays qui reçoivent des immigrants, le pluralisme religieux en général, et l’accroissement rapide des populations musulmanes en particulier, sont devenus l’un des aspects les plus discutés de la politique en matière d’immigration à plus grande échelle. De quelle façon le Programme du multiculturalisme aborde-t-il la diversité religieuse ? CITC L’un des principes sous-jacents du Programme du multiculturalisme est de s’assurer que les Canadiens et Canadiennes de toutes les origines et de toutes les religions se sentent les bienvenus et qu’ils ont une chance égale de participer à la société. Nous reconnaissons que certains groupes sont victimes de discrimination, notamment les Musulmans, dont le nombre a augmenté de 129 % entre les recensements de 1991 et de 2001, comparativement à une croissance de 5 % chez les catholiques, le groupe religieux le plus important au Canada. Nous travaillons en collaboration avec un certain nombre de partenaires gouvernementaux et non gouvernementaux en vue de promouvoir le respect pour tous les Canadiens et Canadiennes, sans égard à leur appartenance religieuse, et de mieux comprendre l’intolérance religieuse au Canada. En effet, en 2005, nos partenaires de Metropolis publieront un numéro spécial de la Revue de l’intégration et de la migration internationale qui portera sur la religion et la migration, et je suis impatient de la lire. De plus, le gouvernement du Canada a mené des sondages d’opinion publique afin de mieux comprendre les attitudes des Canadiens à l’égard de divers groupes minoritaires, notamment les Musulmans. Les résultats de l’étude Projections de la population des groupes de minorités visibles, Canada, provinces et régions – 2001-2017 projettent que, d’après les tendances actuelles, la population non chrétienne du Canada passera de 6,3 % à un taux qui se situera entre 9,2 et 11,2 % en 2017. 8 racisme et la discrimination et soulignent l’importance de nos efforts constants pour faciliter l’inclusion au moyen d’initiatives comme Un Canada pour tous : Plan d’action canadien contre le racisme qui propose des mesures contre le racisme dans un certain nombre de domaines et de secteurs clés de la société. En ce qui concerne la collectivité musulmane, le gouvernement du Canada s’inquiète des actes d’intolérance religieuse et d’autres formes de discrimination à leur endroit, tout comme nous le sommes à l’égard des actes d’intolérance et d’autres formes de discrimination à l’endroit de tous les autres groupes minoritaires religieux ou ethnoculturels. L’Enquête sur la diversité ethnique, qui a été menée en 2002, a démontré que 30 % des Musulmans ont déclaré avoir été victimes de discrimination ou d’un traitement injuste en raison de leurs caractéristiques ethnoculturelles, ce qui est inacceptable. Le gouvernement continuera de lutter contre la discrimination à l’endroit de tous les groupes identifiables, qu’ils soient ethnoculturels, visibles ou religieux. Beaucoup de travail a été accompli, aujourd’hui et par le passé, à l’égard de la discrimination raciale au Canada. Dans le dernier budget, un financement a été annoncé pour Un Canada pour tous : Plan d’action contre le racisme et pour des initiatives commémoratives et éducatives visant à souligner les contributions des groupes ethnoculturels à la société canadienne. Pouvez-vous nous dire quels sont les principaux éléments du Plan d’action et quelles expériences des collectivités constitueront le centre d’intérêt des campagnes commémoratives et éducatives ? L’appartenance ethnique est un marqueur d’identité de plus en plus complexe et, jusqu’à la création de l’Enquête sur la diversité ethnique (EDE), le recensement était le seul sondage à grande échelle mené au Canada avec une taille d’échantillon suffisante pour permettre l’analyse de chaque ethnie. De quelle façon les données recueillies par l’EDE ont-elles été utilisées afin d’améliorer notre compréhension de l’appartenance ethnique ? Merci beaucoup pour la question. Cela me donne l’occasion de parler de deux annonces importantes du Budget 2005 qui visent à lutter contre le racisme et à favoriser la cohésion de notre société. La première est l’annonce d’un financement de 56 millions de dollars sur cinq ans pour le plan d’action Un Canada pour tous : Plan d’action contre le racisme, et la seconde est l’annonce d’un financement de 25 millions de dollars sur trois ans pour des initiatives commémoratives et éducatives destinées aux collectivités touchées par les mesures prises en temps de guerre et les restrictions imposées en matière d’immigration. J’aborderai d’abord le Plan d’action : Je suis fier de dire qu’il s’agit du tout premier plan canadien visant à combattre le racisme à l’échelle du gouvernement. Ce plan met en évidence une série de nouvelles mesures et de mesures permanentes que le gouvernement du Canada s’est engagé à entreprendre afin de concrétiser cette vision d’un Canada uni, un Canada dont la vision commune consiste en une société inclusive et cohésive. Le Plan d’action repose sur le travail réalisé par le Programme du multiculturalisme à l’égard de la lutte contre la discrimination raciale. Il permet d’aborder des lacunes qui ont été repérées dans des secteurs prioritaires essentiels. Ses objectifs sont les suivants : • lutter contre le racisme et renforcer la cohésion sociale à l’aide de mesures antiracistes et antidiscriminatoires ; • améliorer la mise en œuvre du cadre des droits de la personne prescrit par la loi canadienne afin de prôner l’égalité véritable ; et • à l’aide d’initiatives nationales, démontrer un sens du leadership et de la coopération dans la lutte internationale contre le racisme. Nous savons que nous disposons d’un cadre juridique solide qui permet de confronter le problème du racisme. Toutefois, ce n’est pas suffisant. C’est pourquoi le Plan d’action met l’accent sur la création de partenariats entre les gouvernements et la société civile. L’engagement du gouvernement fédéral est clair : les ministères et les organismes gouvernementaux doivent travailler conjointement à la mise en œuvre de politiques, de programmes L’Enquête sur la diversité ethnique a été élaborée par Statistique Canada en partenariat avec le ministère du Patrimoine canadien. L’enquête en soi a été menée du mois d’avril au mois d’août 2002. Statistique Canada a publié officiellement les résultats en septembre 2003. L’enquête a fourni au gouvernement du Canada des renseignements qui lui ont permis de mieux comprendre les antécédents ethniques et culturels des personnes qui vivent au Canada et la façon dont ces antécédents influent à leur vie actuelle au Canada. Les résultats de l’enquête ont déjà été analysés afin d’examiner le sentiment d’appartenance qu’éprouvent les divers groupes ethnoculturels à l’égard de leur propre groupe ethnique et à l’égard du Canada. Une conclusion que nous avons retenue est qu’en général, les groupes ethnoculturels qui éprouvent un sentiment d’appartenance relativement profond à l’égard de leur groupe ethnique tendent à éprouver un profond sentiment d’appartenance à l’égard du pays. Par exemple, 67 % des Sud Asiatiques qui résident au Canada ont déclaré éprouver un profond sentiment d’appartenance à l’égard de leur groupe ethnique ou culturel, alors que 88 % d’entre eux ont déclaré éprouver un profond sentiment d’appartenance pour le Canada. Je crois qu’une telle recherche démontre que la préservation d’un patrimoine ethnique ne tend pas à diminuer le sentiment d’attachement d’une personne pour le Canada. L’Enquête sur la diversité ethnique nous a également permis de beaucoup mieux comprendre la discrimination au Canada. Par exemple, nous savons que 36 % des personnes issues de groupes de minorités visibles ont déclaré avoir fait l’objet de discrimination ou de traitement injuste au cours des cinq dernières années en raison de leurs caractéristiques ethnoculturelles. Selon l’enquête, 50 % des Noirs au Canada ont été victimes de discrimination. Ces statistiques ont renforcé la nécessité pour le gouvernement du Canada de poursuivre sa lutte contre le 9 et d’activité pour apporter des changements dans notre société. De plus, le Plan d’action invite tous les Canadiens et Canadiennes à travailler ensemble en mettant l’accent sur les priorités suivantes : • aider les victimes et les groupes vulnérables au racisme et aux autres formes de discrimination ; • élaborer des approches axées sur l’avenir pour favoriser la diversité et lutter contre le racisme; • accroître le rôle de la société civile ; • accroître la coopération régionale et internationale ; • sensibiliser les enfants et les jeunes à la lutte contre le racisme et à la diversité ; et • contrer les actes motivés par la haine et les préjugés. En adoptant ce Plan d’action, les Canadiens et Canadiennes participent à la réalisation de la vision partagée d’une société réellement inclusive : un Canada pour tous. Le gouvernement du Canada s’engage à bâtir une société où tous sont traités avec respect et dignité, et où personne n’est mis à l’écart. La seconde annonce du budget concerne le développement et la mise en œuvre d’un programme qui financera les initiatives commémoratives et éducatives. Ces initiatives ont pour objectif de souligner la contribution à la société canadienne des groupes ethnoculturels touchés par les mesures prises en temps de guerre et les restrictions imposées en matière d’immigration. Ce programme nous permettra de renforcer l’avenir. Nous voulons que les Canadiens et Canadiennes tirent des leçons des incidents historiques dont nous ne sommes pas fiers et qu’ils comprennent la manière dont différentes collectivités ont contribué à notre pays. En tant que gouvernement, notre objectif consiste à favoriser la cohésion, à renforcer une identité partagée et à collaborer pour faire en sorte que les Canadiens et Canadiennes, tout en apprenant du passé, aillent de l’avant afin de bâtir un meilleur avenir pour les personnes de toutes les origines et pour les générations à venir. valeur partagée au Canada, un élément essentiel de notre citoyenneté. Le Programme du multiculturalisme s’emploie à soutenir et à faire la promotion du multiculturalisme en favorisant les possibilités de soutien de l’inclusion économique, sociale, politique et culturelle dans le but d’aider les gens de toutes les origines qui s’efforcent de participer et de contribuer pleinement à la société canadienne. Les responsables du Programme du multiculturalisme travaillent en collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada ainsi qu’avec d’autres ministères, organismes et sociétés d’État afin de mettre en œuvre des politiques et des programmes qui sont le reflet de la société pluraliste qu’est le Canada. Les responsables du Programme travaillent également en collaboration avec divers organismes bénévoles et communautaires afin de mettre en valeur et de renforcer la capacité des collectivités ethnoculturelles et ethnoraciales et d’améliorer la compréhension interculturelle. Cela constitue un complément au travail effectué par CIC ainsi qu’une composante essentielle du processus d’intégration qui se poursuit au-delà du simple fait de devenir officiellement un citoyen canadien. Plus précisément, le Programme du multiculturalisme met l’accent sur les quatre priorités intimement liées suivantes : • favoriser la citoyenneté partagée ; • promouvoir la compréhension interculturelle ; • encourager toutes les institutions – aussi bien dans le secteur public que privé – à refléter la diversité de notre pays dans leurs services, leurs politiques et leurs pratiques en matière de recrutement et de promotion ; • lutter contre le racisme et la discrimination. Le rapport annuel sur l’application de la Loi sur le multiculturalisme canadien, que je dépose au Parlement en tant que ministre d’État (Multiculturalisme), offre l’occasion aux ministères, aux organismes et aux sociétés d’État de mettre l’accent sur les politiques, les programmes, les services et les initiatives qui ont favorisé le multiculturalisme au Canada. Le Programme du multiculturalisme continuera à travailler en collaboration avec tous les intervenants du gouvernement et du secteur privé afin de soutenir les efforts qui visent le renforcement des valeurs canadiennes fondamentales, de concilier les différences et de faciliter la participation de tous les Canadiens et Canadiennes sur le plan économique, social, culturel et politique de la société canadienne. Le mandat du Programme du multiculturalisme de Patrimoine canadien et de Citoyenneté et Immigration (CIC) suscite la confusion chez les Canadiens et Canadiennes. Plusieurs croient que le mandat de CIC consiste à faciliter l’intégration des nouveaux arrivants dans la société canadienne au cours de leurs trois premières années et que par la suite Patrimoine canadien et d’autres ministères et organismes gouvernementaux prennent en charge leur inclusion complète dans la société canadienne sur le plan social, économique, politique et culturel. Cela constitue vraisemblablement la double approche en matière d’intégration au Canada qui fait l’objet de tant d’éloges, une approche dans laquelle les nouveaux arrivants ainsi que la société et les institutions canadiennes devraient évoluer, ce qui signifie que ces deux dossiers doivent être abordés conjointement. Pouvez-vous décrire la relation qui existe entre ces deux mandats ? CITC Au cours des 33 années d’application de la politique de multiculturalisme, le multiculturalisme est devenu une 10 ENTRETIEN AVEC L’HONORABLE JOE FONTANA Ministre du Travail et du Logement Les nouveaux arrivants représentent la portion de la population de sans-abri qui connaît la plus rapide croissance au Canada. Pouvez-vous décrire ce que fait l’Initiative nationale pour les sans-abri afin de mieux comprendre ce phénomène et pour trouver des solution? Nous sommes bien conscients du fait que les nouveaux arrivants, surtout ceux et celles qui sont arrivés au cours des derniers dix ans, risquent de devenir sans-abri. Nos recherches montrent qu’un immigrant sur trois au Canada a de la difficulté à se trouver un logement. Nous suivons et étudions ces nouveaux arrivants et leurs besoins à travers le Programme national de recherche (PNR) de l’Initiative nationale pour les sans-abri (INS). Environ 7 millions de dollars ont été mis de côté sur une période de trois ans afin d’explorer les éléments de ce phénomène et d’y trouver une réponse efficace. Quatre projets en particulier ont été financés par le PNR dans le but de mieux comprendre les problèmes de logement auxquels les immigrants et réfugiés d’aujourd’hui font face. Nous avons également créé des partenariats avec des organismes comme le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, l’Association d’études ethniques au Canada, et le projet Metropolis, afin d’accroître la compréhension des problèmes qui touchent les nouveaux arrivants et sans-abri et d’encourager le partage des connaissances. Récemment, nous avons terminé les consultations sur le plan national concernant le développement d’un nouveau cadre de référence canadien sur le logement. Plusieurs groupes et individus ont assisté aux consultations et ont fourni des suggestions valables. Nous croyons que le logement est un déterminant très important pour une meilleure santé et des résultats équitables. Les projets, les partenariats et les résultats des consultations nous aideront à développer des solutions efficaces locales et nationales qui garantiraient un continuum solide de logement pour tous les Canadiens et Canadiennes, y compris les nouveaux arrivants. Pour la première fois, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) a annoncé que l’immigration a été identifié comme domaine de recherche clé. Pouvez-vous décrire ce qui résulte de ce nouveau sujet de recherche ? Premièrement, permettez-moi de vous parler d’un rapport de recherche de la SCHL identifiant les options de logement disponibles pour les gens réclamant le statut de réfugié dans la région de Niagara, ainsi que leurs besoins d’informations concernant les logements et comment ces besoins pourraient être satisfaits. La recherche indique que les individus qui revendiquent le statut de réfugié arrivent généralement au Canada avec un minimum de planification, de ressources financières, de contacts canadiens et de compétences. Ces gens font typiquement face à plus de difficultés que les autres immigrants. Pendant qu’ils cherchent des logements abordables, leurs premiers logements sont dans les refuges. On a d’ailleurs identifié un manque d’espace dans les abris pour réfugiés ainsi qu’un manque de logements abordables. Les sources d’information les plus importantes sur les logements pour les réfugiés sont leurs conseillers d’établissement, les abris de réfugiés, les auberges, les centres multiculturels et les conseillers d’établissement scolaire. La recherche propose des recommandations pour améliorer la situation de logement des réfugiés et pour appuyer le système de soutien aux réfugiés. La SCHL a présenté les résultats de ses recherches à la municipalité régionale de Niagara et tente de voir comment ces résultats pourraient améliorer la pertinence de l’information sur le logement qu’elle offre présentement. Ceci englobe (consultez www.cmhc-schl.gc.ca) Le Guide du logement au Canada pour le nouvel arrivant , qui fournit des conseils de base aux immigrants concernant le système de logement canadien, et Votre guide pour la location d’un logement , qui contient un aperçu exhaustif des droits et des responsabilités des locataires et des propriétaires, ainsi que des pratiques de location des provinces et territoires. Ces deux guides sont aussi utiles pour les fournisseurs de services aux immigrants, pour les conseillers et pour le personnel d’enseignement linguistique. 11 CITC Canada afin de retrouver un appui mutuel, leur culture et Deuxièmement, la SCHL évalue les conditions de leur langue. En fait, de nombreux projets de logements logement des immigrants en utilisant les données du sociaux à but non lucratif et de coopératives appartiennent recensement du Canada (voyez Le point de recherche de la et sont gérés par des groupes ethniques, culturels et SCHL, série socioéconomique 04-042, 2001, série sur religieux desservant les nouveaux arrivants. le logement selon les données du recensement de 2001 : Les projets de logements sociaux plus anciens démonNuméro 7 – Ménages Immigrants ). Bien que les ménages trent un plus grand nombre de populations marginalisées en d’immigrants s’étant installés au Canada récemment aient raison de leur grosseur et ils visent exclusivement les groupes à rapporté, en moyenne, des taux de propriété plus bas et faible revenu. Cependant, on a remarqué un changement vers une plus grande incidence de besoin de logement de base des revenus mixtes au sein des logements à but non lucratif et que les non-immigrants, les conditions de logement des des coopératives dans les années 1970, et une tendance à immigrants et des non-immigrants deviennent de plus en construire des projets de plus petite envergure lorsque les plus similaires le plus longtemps les ménages d’immisubventions fédérales pour les nouveaux projets ont été réingrants résident au Canada. La SCHL considère qu’un troduites au milieu des années 1980. ménage est en manque de logement de Les provinces sont les premières base s’il ne demeure pas dans un logeLe Canada possède responsables de la mise en place du prément acceptable ou ne peut y accéder, une main-d’œuvre sent programme fédéral-provincial de c’est-à-dire un logement qui ne nécessite logements abordables à frais partagés pas des réparations majeures, qui n’est variée de 16 millions et, à plus petite échelle, des logements à pas surpeuplé et qui ne coûte pas plus de de travailleurs revenus mixtes. Les provinces et les 30 % des revenus bruts du ménage. municipalités décident aussi des politiques Finalement, la SCHL appuie disposant relatives au zonage et à l’utilisation du Metropolis, un forum international de des habiletés terrain, ce qui détermine l’emplacement recherche comparative et de développedu développement des logements sociaux ment de la politique publique touchant la nécessaires pour abordables, afin d’assurer une diversité migration de populations, la diversité faire progresser dans les voisinages. culturelle et les défis de l’intégration d’immigrants. Au Canada, Metropolis une économie compte sur des centres de recherche qui se De plus en plus de recherches révèproductive, trouvent dans cinq universités canalent qu’une expérience de travail au diennes. Les études de Metropolis (voyez Canada est essentielle pour aider les compétitive et www.canada. metropolis.net) sur les logenouveaux arrivants à s’établir au basée sur les ments et sur le sans-abrisme ont surtout Canada. Que fait le Programme du connaissances. porté sur les villes où la plupart des immitravail pour assurer que les nouveaux grants s’établissent, c’est-à-dire Toronto, arrivants puissent acquérir cette En reconnaissant Montréal et Vancouver. première expérience cruciale ? l’importance En tant que ministre du Logement et du Travail responsable de l’application de Le choix résidentiel des nouveaux des ressources la Loi sur l’équité en matière d’emploi et du arrivants est grandement influencé par humaines, nous Code canadien du travail, il est mon l’accessibilité à des logements aborddevoir d’instaurer des milieux de travail ables et des services importants à devons aider les équitables et sécuritaires à travers le leurs yeux (tels l’accès aux transports milieux de travail Canada. Au 21e siècle, nous avons besoin en commun, aux meilleures écoles, aux que l’évolution de la main- d’œuvre du lieux de prière, etc.). L’emplacement à obtenir la partiCanada se reflète dans nos milieux de trades logements sociaux et leur proporcipation de tous vail. Le Canada possède une main-d’œuvre tion sont donc des facteurs très variée de 16 millions de travailleurs importants, à savoir où ces nouveaux les Canadiens. Le disposant des habiletés nécessaires pour arrivants vivront, du moins au cours de Canada ne peut faire progresser une économie productive, leurs premières années au pays, le se permettre de compétitive et basée sur les connaistemps qu’ils s’y familiarisent. Quelles sances. En reconnaissant l’importance des mesures le gouvernement du Canada gaspiller ou de ressources humaines, nous devons aider prend-t-il pour s’assurer qu’il y ait du sous-utiliser les milieux de travail à obtenir la particilogement social dans une variété de pation de tous les Canadiens. Le Canada quartiers et non seulement dans des sa population ne peut se permettre de gaspiller ou de quartiers peu recommandés ? qualifiée. sous-utiliser sa population qualifiée, En effet, la localisation des projets de surtout en ce qui concerne les nouveaux logements sociaux démontre une concenarrivants qui peuvent nécessiter de l’aide pour débuter une tration d’immigrants récemment arrivés et de minorités visicarrière et pour s’intégrer dans la communauté. Nous bles dans certains projets de logements sociaux abordables. devons nous assurer que les compétences et les qualificaCette concentration n’est pas nécessairement une situation tions soient les principaux critères pour l’embauche, la négative, car les immigrants nouvellement arrivés peuvent rétention et la promotion dans nos milieux de travail. choisir de vivre près les uns des autres lorsqu’ils arrivent au 12 qualifications étrangères. Ensemble, nous tentons d’assurer une main-d’œuvre qui est adéquate et hautement qualifiée pour le Canada du 21e siècle. La Loi sur l’équité en matière d’emploi est un pilier dans le modèle canadien de l’inclusion et de la participation des citoyens. La Loi s’applique aux employeurs du secteur privé régis par le fédéral (incluant les corporations de la Couronne) qui disposent de 100 employés ou plus, ainsi qu’au service public fédéral et aux employeurs. Le Programme de contrats fédéraux, auquel la Loi fait référence, est une initiative séparée d’équité en matière d’emploi qui concerne les employeurs régis par le gouvernement provincial qui comptent 100 employés ou plus et qui reçoivent des contrats fédéraux d’une valeur de 200 000 $ ou plus. La Loi oblige les employeurs à appliquer un plan d’équité d’emploi ciblant la suppression des barrières à l’emploi, et à accommoder les quatre groupes désignés, c’est-à-dire les femmes, les peuples autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles. L’équité d’emploi ouvre la voie aux nouveaux Canadiens, leur permettant d’atteindre leur plein potentiel, qui est une condition essentielle à la dignité et au respect, à la fois en milieu de travail, dans la communauté et à la maison. Nous devons éliminer les obstacles à l’emploi et à l’avancement de carrière auxquels font face les Canadiens. Le Code canadien du travail joue aussi un rôle important dans la création des milieux de travail modernes, flexibles et productifs dans les secteurs de responsabilité du gouvernement fédéral. Ceci est atteint par l’entremise d’un climat de relations industrielles stables, par le respect des normes de sécurité et de santé de travail ainsi que des normes du travail. Le Code et la Loi sur l’équité en matière d’emploi font en sorte que le Canada réussisse à créer un marché du travail inclusif et une société où l’équité et l’égalité des chances sont à la mesure de notre progrès. Mon portfolio, Logement et Travail, est une composante du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences Canada. Les autres secteurs du ministère se concentrent sur le développement des compétences, sur les questions du marché du travail, l’intégration des immigrants et sur la reconnaissance des Au cours des derniers mois, vous avez parlé de la nécessité de mettre en place un plan national compréhensif qui inclurait une gamme de logements. Pouvez-vous décrire la manière dont celle-ci ferait en sorte que les nouveaux arrivants soient capables d’accéder aux logements appropriés et abordables qui sont nécessaires pour leur intégration dans la société canadienne ? Dans le discours du Trône de 2004, ce gouvernement a reconnu que l’habitation est la fondation sur laquelle s’appuient les communautés saines et la dignité humaine. Bien que la majorité des Canadiens soient bien logés, je sais que 1,7 million de ménages sont en manque de logement de base. Pour plusieurs, un logement et des services appropriés sont nécessaires pour faciliter des solutions de logement sécuritaires, abordables et adéquates. Plusieurs nouveaux arrivants sont particulièrement vulnérables – le tiers de ceux-ci étant en manque de logement de base. Ma vision est la suivante : tous les ordres de gouvernement et des secteurs privés ainsi que des secteurs à but non lucratif et de bénévolat travailleraient de concert pour s’assurer que les logements du Canada répondent aux besoins de tous les individus et de toutes les familles. Un des messages que j’ai entendu lors de mon voyage à travers le pays en janvier et février est que les Canadiens croient que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l’adoption d’objectifs nationaux – où les logements sont perçus comme la voie vers l’intégration sociale. C’est pourquoi j’élabore actuellement un cadre de référence canadien sur le logement basé sur le partenariat, dans le but de considérer tous les aspects de la question du logement et du sans-abrisme auxquels font face les individus et les familles, et dans le but d’assurer qu’un appui continu soit mis en place à travers le pays. Religion and Ethnicity in Canada Canadian Edition • © 2005 • ISBN: 0-321-24841-4 Paul Bramadat, University of Winnipeg David Seljak, St. Jerome’s University at the University of Waterloo Religion and Ethnicity in Canada brosse le portrait des six principales religions du Canada : le judaïsme, l’hindouisme, le sikhisme, le boudhisme, l’islam, et les religions chinoises. Ce livre aborde également la question de la place qu’occupe la religion dans la société canadienne eu égard à l’élaboration des politiques publiques, à l’immigration, à l’économie, et aux lois et normes régissant l’éducation. 13 ÉTABLIR LE LIEN ENTRE L’IMMIGRATION, LA SEXUALITÉ ET LA CITOYENNETÉ Comparaison entre le Canada et les États-Unis RÉSUMÉ Ce document énumère d’abord les principales différences stratégiques concernant l’immigration pour les gais et les lesbiennes au Canada et aux États-Unis. L’accent est ensuite mis sur les conséquences de prises de position aussi divergentes en ce qui a trait à la sexualité et à l’immigration pour ces deux pays voisins, qui ont tous deux une longue tradition en matière d’établissement des immigrants et des réfugiés. P BRIAN RAY Département de géographie Université d’Ottawa CITC AUDREY KOBAYASHI Département de géographie Queen’s University our de nombreux gais et lesbiennes américains, l’élection de George W. Bush pour un deuxième mandat en novembre 2004 a mis en évidence les différences qui existent entre eux et les membres de leur famille et leurs amis hétérosexuels, sur le plan des droits inhérents à la citoyenneté. Pendant la campagne électorale, les gais et lesbiennes ont été témoins de la tentative du Congrès des États-Unis de faire adopter une modification constitutionnelle pour interdire les mariages gais, et de l’adoption d’une gamme de mesures par les administrations des États en vue de ne pas reconnaître dans la sphère publique, et dans certains cas dans la sphère privée, les relations entre partenaires de même sexe. Les différences concernant les droits liés à la citoyenneté entre les gais et les hétérosexuels américains touchent de nombreux aspects de la vie quotidienne – des visites dans les hôpitaux aux prestations de retraite –, mais sont tout particulièrement apparentes pour les homosexuels américains qui forment un couple de même sexe n’ayant pas la même nationalité. Pour ces personnes, le fait que le gouvernement fédéral ne reconnaisse pas la légitimité de ces relations ainsi que leur incapacité à « légitimer » de telles relations grâce au mariage signifient que les homosexuels américains ne peuvent pas parrainer leur conjoint aux fins de résidence permanente aux États-Unis. De nombreuses administrations locales et d’État ont adopté des lois qui interdisent de nombreuses formes de discrimination contre les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transsexuels. Cependant, ces lois ne peuvent pas régler les problèmes d’immigration auxquels sont confrontés les couples de même sexe n’ayant pas la même nationalité, parce que la politique d’immigration relève du gouvernement fédéral. La réunion des familles est un élément clé de la politique d’immigration américaine contemporaine, mais le parrainage d’un conjoint de même sexe né à l’étranger n’est pas un droit dont peuvent se prévaloir les gais et les lesbiennes puisque cette disposition fait référence à la situation matrimoniale. Après des décennies de politiques d’immigration et de protection des réfugiés passablement similaires au Canada et aux États-Unis, la reconnaissance aux fins d’immigration, par le Canada, des relations homosexuelles entre personnes n’ayant pas la même nationalité fait ressortir un des nombreux clivages entre le Canada et les États-Unis en matière de politique sociale. Elle met également en évidence une compréhension différente des droits rattachés à la citoyenneté et à la capacité de l’ensemble des citoyens dans chacun des pays, non seulement les hétérosexuels, d’exercer leurs droits en tant que citoyens, notamment en ce qui a trait au parrainage d’étrangers aux fins d’immigration. Compte tenu des différences considérables qui prévalent maintenant entre les deux pays en ce qui concerne les dispositions visant la réunion des familles et la plus large reconnaissance des relations homosexuelles, il est raisonnable de se demander si de nombreux Américains ne chercheront pas à unifier leur famille. Ce court document énumère d’abord les principales différences stratégiques concernant l’immigration pour les gais et les lesbiennes au Canada et aux États-Unis. L’accent est ensuite mis sur les conséquences de prises de position aussi divergentes en ce qui a trait à la sexualité et à l’immigration pour ces deux pays voisins, qui ont tous deux une longue tradition en matière d’établissement des immigrants et des réfugiés. Les différences caractérisant les dispositions des politiques d’immigration canadiennes et américaines révèlent d’importantes distinctions pour ce qui est de la compréhension des droits liés à la famille et à la citoyenneté sociale, en plus de mettre en évidence la façon dont un 14 temporaire en statut de résident permanent en entreprenant un processus d’accréditation élaboré et onéreux. Une autre option consiste à présenter une demande d’asile fondée sur l’orientation sexuelle en faisant valoir que Politique d’immigration et parrainage l’intéressé a été victime de persécution ou craint, avec d’un conjoint de même sexe raison, d’être persécuté dans son pays d’origine du fait de Le point de vue du Canada en ce qui concerne les son orientation sexuelle. Cette option est à la portée des conjoints de même sexe et l’immigration ne peut être plus gais et des lesbiennes depuis 1994, mais seul un petit différent que celui des États-Unis en ce moment1. En avril nombre de demandes du genre ont été acceptées et ces 2000, le gouvernement fédéral canadien a adopté le projet motifs ne peuvent être admis que pour les demandeurs de loi C-23 (Loi sur la modernisation de certains régimes originaires d’un pays où les droits de la personne ne sont d’avantages et d’obligations) accordant aux couples pas respectés. Cette option est devenue de moins en moins homosexuels les mêmes avantages sociaux et fiscaux que envisageable en raison de l’échéance – les demandeurs ceux dont jouissent les hétérosexuels en union de fait. Ce doivent présenter leur demande d’asile projet de loi a eu des répercussions sur dans l’année qui suit leur arrivée aux 68 lois fédérales, y compris la législation Aucun État États-Unis. Essentiellement, cela signifie et les dispositions réglementaires sur n’a adopté une que l’étranger doit rapidement savoir, l’immigration pour ce qui est du après son arrivée aux États-Unis, que le parrainage des conjoints de fait aux fins législation qui gouvernement reconnaîtra sa demande d’immigration. La capacité des gais et reconnaît explicited’asile fondée sur son orientation des lesbiennes du Canada de parrainer sexuelle, ce que les gens ne savent leur conjoint de même sexe a également ment les mariages pas vraiment. La dernière option, et de été reconnue aux termes des disposientre personnes loin la plus risquée et la plus difficile tions sur la catégorie du regroupement à long terme, est de se noyer dans familial de la Loi sur l’immigration et la de même sexe, la population des « sans-papiers » et des protection des réfugiés (projet de loi et seuls des « illégaux », qui est maintenant estimée C-11) adoptée par le Parlement en 2002. tribunaux du à 10 millions2. L’égalité des relations homosexuelles a par la suite reçu un autre appui Aux États-Unis, diverses politiques Massachusetts juridique en juin 2003, alors que la antidiscriminatoires et questions sur le ont interprété Cour d’appel de l’Ontario a confirmé mariage et le partenariat domestique l’ordonnance d’un tribunal inférieur et a sont considérées comme des questions la constitution reconnu les mariages entre personnes de de droit des États. Bien que 25 États de manière à même sexe. Depuis, six autres provinces et le district de Columbia offrent une canadiennes et un territoire ont légalisé certaine protection contre la discrimireconnaître et les mariages entre personnes de même nation fondée sur l’orientation sexuelle à légitimer les sexe après que les tribunaux ont statué ou l’identité de genre, la plupart limitent que le fait de restreindre la définition cette protection aux employés du mariages entre du mariage, invoquant qu’il est réservé secteur public. Seulement 14 États personnes de aux relations entre un homme et et Washington (DC) accordent aux une femme, est inconstitutionnel. Le homosexuels, du secteur public et du même sexe. gouvernement fédéral a également secteur privé, la protection contre la déposé un projet de loi intitulé Loi sur le mariage civil qui, discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Quatre s’il est adopté, accordera aux conjoints de même sexe du États offrent des garanties partielles ou totales liées aux Canada le droit de se marier civilement. droits maritaux des homosexuels. Aucun État n’a adopté Par ailleurs, aux États-Unis, les citoyens américains une législation qui reconnaît explicitement les mariages entretenant une relation avec un conjoint de même sexe entre personnes de même sexe, et seuls des tribunaux du ne peuvent pas avoir recours aux dispositions sur la Massachusetts ont interprété la constitution de manière à réunion des familles de l’actuelle loi sur l’immigration reconnaître et à légitimer les mariages entre personnes de pour parrainer leur conjoint de même sexe né à l’étranger. même sexe. Au Vermont, suite à une décision judiciaire Telle qu’elle est interprétée, la loi stipule que tout étranger accordant aux couples homosexuels les avantages et la qui épouse ou prévoit épouser un citoyen des États-Unis protection découlant du mariage en vertu du droit du ou un résident permanent de plein droit du sexe opposé est Vermont, un système parallèle d’union civile est entré en admissible à la résidence légale selon le principe de base vigueur le 1er juillet 2000. Cinq autres États et Washington du mariage. Les citoyens américains ne peuvent, en aucun (DC) ne disposent d’aucune législation sur la question du cas, présenter une requête pour que leur conjoint de mariage et de l’union civile, et tous les autres ont légiféré même sexe puisse immigrer aux États-Unis en évoquant, la définition du mariage comme l’union entre un homme comme motif, leur relation. Par conséquent, les couples et une femme, dans le même esprit que le Defense of n’ayant pas la même nationalité ne peuvent légalement Marriage Act (DOMA) adopté par le Congrès en 1996. rester ensemble aux États-Unis que si le conjoint étranger Si un citoyen américain et son conjoint né à obtient un visa de travail ou d’études, qui est toujours l’étranger se marient au Massachusetts ou s’unissent d’une durée limitée, ou s’il tente de convertir son statut civilement au Vermont, leur problème d’immigration n’en État peut utiliser impunément la sexualité pour faire une distinction entre des citoyens « égaux ». 15 interprétés comme une attaque ouverte aux droits des gais. En effet, ces référendums cherchaient manifestement à bannir le mariage entre personnes de même sexe dans onze États5, grâce à une modification à leur constitution respective, et tentaient, pour la plupart, d’inscrire dans la constitution des États des lois semblables au DOMA qui sont déjà en place et qui limitent déjà le droit au mariage des couples hétérosexuels. Dans huit des onze États en question, les mesures visaient également à interdire toute forme de reconnaissance des relations entre personnes de même sexe et, à ce titre, constituent une attaque audacieuse à la citoyenneté sociale. Au-delà des caractéristiques du mariage, ces mesures tentaient Droits sociaux rattachés à la d’empêcher les couples homosexuels de citoyenneté et migration bénéficier des privilèges dont jouissent vers le nord Puisque les les couples hétérosexuels, y compris les L’incapacité des couples de Américains ne prestations de maladie et d’assurance, personnes de même sexe n’ayant l’héritage de propriété et les visites dans pas la même nationalité d’avoir souhaitent pas les hôpitaux. Dans certains États, ces recours à l’actuelle loi sur l’immiélargir la définition mesures signifiaient également que les gration aux fins de parrainage est employeurs du secteur privé et associatif ne un problème de longue date, quoi que du mariage dans pourraient pas accorder des avantages aux peu reconnu, pour les homosexuels la constitution des employés entretenant une relation homodes États-Unis. Pendant la campagne sexuelle. Les référendums ont été décisifs électorale en vue des élections de États, il est peu dans tous les États, y compris l’Oregon novembre 2004, des débats politiques probable que le (57 %), un État habituellement considéré ont eu lieu dans un certain nombre comme socialement libéral. Puisque les d’États. Ces débats touchaient directegouvernement Américains ne souhaitent pas élargir la ment les droits rattachés à la citoyenfédéral prenne définition du mariage dans la constitution neté sociale et le bien-être matériel des États, il est peu probable que le gouverde tous les homosexuels américains, des mesures nement fédéral prenne des mesures pour et non seulement ceux qui ont des pour éliminer éliminer les inégalités entre les couples problèmes avec le système d’immiles inégalités hétérosexuels et les couples homosexuels gration. Par conséquent, un flot dans les domaines de compétence fédérale. d’articles et de reportages sont parus entre les couples Les résultats des référendums ont dans les médias canadiens et amérihétérosexuels envoyé un important message au sujet de cains, soulevant la possibilité que l’interprétation que font les Américains de nombreux Américains, mal à l’aise et les couples du mariage et des privilèges qui y sont avec le plan d’action des Républicains, homosexuels dans rattachés – selon eux, il s’agit d’une choisiraient de quitter les États-Unis prérogative strictement réservée aux pour s’établir au Canada ou dans les domaines de hétérosexuels. Les éléments dont il n’a un autre pays. Par exemple, le compétence pas été question dans la plupart des 7 novembre, le New York Times a discussions concernent les répercussions rapporté que : [traduction] « Les fédérale. de ces décisions sur la vie quotidienne analystes affirmaient que les élections des gais et des lesbiennes. Comme une étaient un référendum ne portant lesbienne de l’Oregon l’a noté après la pas plus sur l’Irak, le déficit, les soins diffusion des résultats du vote : [traduction] « Personnaliser de santé et l’emploi que sur Dieu, les armes et le mariage la politique est la chose la plus bizarre. […] Il s’agit ici de entre personnes de même sexe. Nombreux sont les la possibilité que la moitié de l’État de l’Oregon pense que partisans de Kerry […] qui se sentaient aliénés par ce je ne mérite pas d’être traitée de la même manière que la nouvel ordre dans le cadre duquel l’intervention divine majorité des habitants de l’État. Et cela, je ne peux tout a éclipsé les arguments rationnels. [...] L’envie de fuir simplement pas le concevoir […]6 » vers le Canada se faisait sentir ; on en discutait dans la cour d’école, au bureau et au téléphone avec les amis4. » Si de Compte tenu de la mesure dans laquelle les droits liés à la citoyenneté sociale et économique ont été mêlés au nombreux Américains étaient exaspérés par diverses débat sur les définitions du mariage aux États-Unis, il est dimensions de la politique étrangère et nationale de peu surprenant que de nombreux gais et lesbiennes leur gouvernement qui ont été abordées pendant la envisagent sérieusement de déménager au Canada. En ce campagne, les gais et les lesbiennes ont vécu les élections qui concerne la décision de quitter les États-Unis ou d’y comme un débat sur leurs propres droits en matière rester afin de lutter pour l’égalité des gais et des lesbiennes, de citoyenneté. un lecteur a écrit ce qui suit dans la revue américaine The Qui plus est, les référendums tenus en même temps Advocate, une revue américaine à grand tirage qui traite que les élections présidentielles ont largement été CITC sera pas pour autant réglé. La loi et la politique sur l’immigration relèvent du fédéral et le DOMA interdit la reconnaissance, par le fédéral, des mariages entre personnes de même sexe, même si de tels mariages sont légalement reconnus par un État. Ce n’est qu’en invalidant le DOMA ou en modifiant les dispositions sur le parrainage de la loi actuelle sur l’immigration3 qu’il serait possible pour les couples homosexuels, qui se sont mariés dans un État qui reconnaît les relations entre personnes de même sexe, d’invoquer leur mariage aux fins d’immigration. 16 des affaires touchant les gais et les lesbiennes : [traduction] « Alors […] pourquoi ne pas déménager au Canada ? […] Pourquoi ne pas aller vivre dans un pays qui vous aide et qui honore ce que vous êtes ? Je ne trouve aucune raison de ne pas le faire7. » Il y a, évidemment, un nombre limité de gais et de lesbiennes qui ont cette option. Pour les Américains qui entretiennent une relation homosexuelle avec un citoyen canadien, l’émigration est rendue possible grâce à la capacité de leur conjoint canadien de les parrainer en vertu des dispositions sur le regroupement familial de la loi sur l’immigration. De plus, les personnes instruites, qualifiées, âgées de moins de 40 ans et qui parlent le français ou l’anglais ont de très bonnes chances d’obtenir la résidence permanente au titre de la catégorie de l’immigration économique de la loi canadienne sur l’immigration. Ce sont les personnes très instruites venant de régions urbaines des États-Unis qui sont les plus susceptibles de présenter une demande de résidence permanente et d’être admises au Canada. Par ailleurs, leur admission au Canada à titre d’immigrant ne sera pas fondée sur leurs droits circonscrits rattachés à la citoyenneté sociale aux ÉtatsUnis ni sur leur identité sexuelle, mais plutôt sur le capital humain qui leur permet d’obtenir suffisamment de points pour être admissibles au titre de la catégorie de l’immigration économique. Le parrainage et la catégorie de l’immigration économique ne viennent pas en aide aux gais et aux lesbiennes des États-Unis qui n’entretiennent pas une relation avec une personne d’une autre nationalité ou qui ne possèdent pas les compétences et la formation requises pour acquérir le statut de résident permanent. L’interprétation judiciaire des droits accordés en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés a mené à l’élaboration d’une politique d’immigration qui tient compte des couples homosexuels. Cette politique est à l’opposé de celle qui est présentement en vigueur aux États-Unis, et offre un nombre limité d’options aux gais et lesbiennes qui souhaitent, ou doivent, quitter les ÉtatsUnis. L’émigration des Américains vers le Canada révèle cependant un problème important concernant les limites du sentiment d’appartenance et l’homophobie. Compte tenu de l’existence de lois antidiscriminatoires dans plusieurs États et municipalités, ainsi que de la décision prise en 2003 par la Cour suprême dans l’affaire Lawrence c. Texas qui a annulé les dernières lois sur la sodomie et élargi le droit à la vie privée, il est facile de croire que l’homophobie est une chose du passé aux États-Unis. Il est également un peu plus facile d’alléguer que les gais et les lesbiennes ne sont plus victimes de discrimination et, par conséquent, que les efforts pour protéger les droits, y compris le droit au mariage, ne sont qu’une attaque au caractère normatif du mariage hétérosexuel ou une tentative de créer des « droits spéciaux » pour une minorité. Comme George Chauncey a déclaré : [traduction] « Effacer la marginalisation politique des gais dans le passé rend plus facile d’accuser faussement ces derniers de constituer un groupe de pression puissant et dangereux dont le combat pour la pleine égalité des droits, loin de réaliser le rêve américain, représente plutôt une menace pour celui-ci8. » La question des couples n’ayant pas la même nationalité et du parrainage aux fins d’immigration révèle cependant toutes les limites de l’égalité, ainsi que l’enthousiasme des États à l’égard de la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Associée aux récents référendums sur le mariage et les droits des personnes entretenant une relation homosexuelle, une politique d’immigration liée à l’état matrimonial hétérosexuel met à nu les réelles limites sociales et économiques de la citoyenneté pour les homosexuels américains. Abstraction faite des droits officiels rattachés à la citoyenneté, il y a le droit à l’inclusion sociale et culturelle, et le besoin ou le désir de jouir de droits ou de protections accordés par la loi peut bien encourager de nombreux Américains, homosexuels ou hétérosexuels, qui le peuvent, à migrer vers le nord pour commencer une nouvelle vie. Notes 17 1 Voir l’article intitulé « Droit canadien de l’immigration et partenaires de même sexe » dans le présent numéro pour obtenir une description détaillée de l’évolution de la politique fédérale d’immigration en ce qui concerne la reconnaissance des relations homosexuelles. 2 PASSEL, J., R. CAPPS et M. FIX. Undocumented Immigrants: Facts and Figures, Washington (DC), Urban Institute, 2004. 3 Le Permanent Partners Immigration Act (H.R. : 690) a été déposé lors du 108e Congrès et visait à modifier le Immigration and Nationality Act pour accorder aux conjoints de même sexe de citoyens américains tous les droits en matière d’immigration dont jouissent les époux légaux. Le projet de loi n’a cependant pas reçu un appui suffisant à la Chambre des représentants pour qu’un vote soit tenu. 4 « Anemona Hartocollis. Becoming The Land of the Flee? », New York Times (Late Edition - East Coast), 7 novembre 2004, p. CY.1. 5 Arkansas, Georgia, Kentucky, Michigan, Mississippi, Montana, Dakota du Nord, Ohio, Oklahoma, Utah et Oregon. 6 « Constitutional Bans on Same-Sex Marriage Gain Widespread Support in 10 States », New York Times (Late Edition - East Coast), 3 novembre 2004, p. 9. 7 « Moving to Canada – Letters », The Advocate, 8 novembre 2004. 8 CHAUNCEY, George. Why Marriage? The history shaping today’s debate over gay equality, New York, Basic Books, 2004, p. 12. DROIT CANADIEN DE L’IMMIGRATION ET PARTENAIRES DE MÊME SEXE RÉSUMÉ L’équité sociale est au cœur des préoccupations de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que des responsables de l’élaboration des politiques. Ceci est reflété dans l’évolution au fil des ans de la définition des membres d’une famille dans le cadre de la classe familiale. Ce document brosse un portrait de l’évolution des politiques dans ce domaine depuis les années 1990. L ’un des principaux objectifs de l’immigration canadienne a toujours été de réunir les familles au Canada. Au cours des années, bien que le droit et la politique du Canada en matière d’immigration aient subi une transformation considérable, cet engagement a été respecté. En vertu des législations ancienne et actuelle, les citoyens et les résidents permanents du Canada ont par le passé et peuvent toujours parrainer des membres de leur famille à des fins d’immigration au Canada. Toutefois, la notion de membre de la famille et, par conséquent, de personne pouvant être parrainée au titre de la catégorie du regroupement familial a changé, au même rythme que les réalités sociales. La société canadienne est reconnue pour sa diversité, c’est-à-dire pour ses multiples identités, liens et investissements culturels. Pour que la politique soit efficace, il faut non seulement reconnaître la diversité de la population canadienne, mais aussi tenir compte de la pluralité et du recoupement des identités. Il faut comprendre que les familles canadiennes et les familles immigrantes ne correspondent pas toujours à un modèle particulier. Les décideurs dans le domaine de l’immigration doivent forcément avoir recours à une approche progressive et tenir compte des changements dans la société au moment de prendre des décisions. C’est l’approche qui a été adoptée pour la modernisation de la politique canadienne en matière d’immigration en ce qui concerne la catégorie du regroupement familial. Cette approche tient compte de considérations comme l’orientation sexuelle et la réalité sociale actuelle (les couples homosexuels sont inclus dans les relations familiales). Avant 1976, les homosexuels faisaient partie des personnes non admissibles au Canada, ce qui reflète l’opinion publique courante de cette époque. Dans la nouvelle Loi sur l’immigration de 1977, cette disposition a été révoquée, permettant ainsi aux lesbiennes et aux gais d’immigrer au Canada. Bien qu’ils soient maintenant autorisés à immigrer au Canada, ils ne pouvaient demander l’admission qu’à titre d’immigrants indépendants. Seuls les Canadiens hétérosexuels pouvaient parrainer un conjoint dans la catégorie du regroupement familial puisque, en vertu de la législation, un conjoint était, par rapport à une autre personne, « la personne de sexe opposé qui lui est jointe par les liens du mariage ». Aucune disposition n’était prévue pour les partenaires de même sexe, tant dans la définition de répondant que dans la définition de mariage. L’entrée en vigueur en 1985 de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (disposition relative aux droits à l’égalité) a eu une incidence de taille sur la réforme législative à cet égard. L’article 15 a également joué un rôle fondamental, depuis le début des années 1990, dans l’élaboration de la législation provinciale et fédérale en vue d’étendre les droits des couples hétérosexuels aux couples homosexuels1. Conscient que les couples homosexuels représentaient une réalité de plus en plus importante au sein de la société canadienne, ainsi que des défis liés à la Charte et du fait que sa propre législation pourrait donner lieu à des difficultés, l’ancien ministère de l’Emploi et de l’Immigration avait commencé à traiter les demandes d’immigration présentées par les conjoints de fait et les conjoints de même sexe. Au début, on pouvait avoir recours à la disposition réglementaire 2.1, qui autorisait le ministre à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, une dispense d’application d’un règlement ou à faciliter l’admission au Canada de toute autre manière. Par la suite, en juin 1994, des mesures concrètes ont été prises quant au processus de traitement des demandes présentées par les partenaires de même sexe. Des directives faisant état de la nouvelle politique officielle ont été CITC MARIKA WILLMS Marika Willms est étudiante en education coopérative à la Simon Fraser University. Elle fait un stage Coop d’une durée de huit mois à Citoyenneté et Immigration Canada. Évolution de la politique en matière d’immigration 18 publié en 1998 son propre rapport en réponse à celui du transmises aux bureaux à l’étranger afin que les agents des GCRL. De solides assises pour le 21e siècle faisait ressortir visas facilitent le traitement de ces dossiers. À ce momentlà, bien que les unions de fait ou les unions homosexuelles l’importance d’accorder un traitement équitable aux ne constituaient pas en soi un obstacle à l’immigration, la conjoints de fait et aux conjoints de même sexe et le fait Loi ne comprenait aucune disposition visant à inclure les que « le refus d’accorder la résidence permanente n’a conjoints de fait ou de même sexe dans la catégorie du pas pour seul effet d’empêcher un couple en union de regroupement familial. Par conséquent, les agents fait ou un couple homosexuel d’obtenir des avantages. devaient traiter ces cas comme s’il s’agissait d’immigrants Cela pourrait effectivement avoir pour résultat d’interdire indépendants (catégorie « immigration économique »). à des Canadiens de vivre avec leur partenaire de vie et de Pour ce faire, ils devaient avoir recours à des dispositions les empêcher de s’intégrer à la vie sociale et économique législatives et réglementaires générales leur conférant le et à participer à l’autonomie de celle-ci4 ». En 1999, la pouvoir discrétionnaire nécessaires pour approuver des ministre Lucienne Robillard est allée encore plus loin demandes dont les points obtenus dans le cadre de la grille dans cette démarche en annonçant publiquement que de sélection n’étaient pas représentatifs des modifications à la législation en de la capacité de ces personnes à réussir matière d’immigration étaient à l’étude leur établissement. En outre, si le et qu’elles viseraient à inclure les demandeur ne répondait pas aux exiconjoints homosexuels. La Loi sur la gences de la catégorie des travailleurs En 1999, la Cour suprême a entendu modernisation de qualifiés, les agents pouvaient le dispenser l’affaire M c. H, le premier tribunal de certains critères de sélection pour des de grande instance à admettre une certains régimes raisons d’ordre humanitaire, pourvu contestation de l’article 15 de la Charte d’avantages et qu’il s’agisse d’une relation authentique concernant la définition de « conjoint » et que le demandeur n’était pas par (personne de sexe opposé). Cette affaire d’obligations a ailleurs interdit de territoire. et d’autres contestations judiciaires à également donné Bien que la politique fût relativement l’échelle fédérale et provinciale ont efficace et que de nombreux couples en poussé le Gouvernement du Canada à lieu à une nouvelle profitèrent, elle ne constituait pas une négocier et à adopter en l’an 2000 la Loi définition du terme solution durable. Non seulement le sur la modernisation de certains régimes processus d’évaluation des considérations d’avantages et d’obligations, qui visait à « conjoint de fait », humanitaires était-il long et complexe, faire en sorte que les conjoints de fait définition reprise mais la politique faisait également l’objet (tant de même sexe que de sexe opposé) de critiques de la part du public, des soient traités de façon équitable en par la suite par médias et de groupes de défense. Selon vertu de la loi fédérale. Bien qu’elle Citoyenneté et eux, la politique était trop subjective, ne soit pas particulièrement détaillée Immigration manquait d’uniformité et présentait des (mises à part les 68 lois touchées, la lacunes sur le plan de la transparence. Loi elle-même ne comprend qu’un seul Canada dans sa En 1997, le Groupe consultatif paragraphe), la Loi sur la modernisation législation. sur la révision de la législation (GCRL) de certains régimes d’avantages et a présenté à Citoyenneté et Immigration d’obligations indique clairement que le Canada (CIC) un rapport intitulé Augouvernement ne peut pas limiter les delà des chiffres : l’immigration de demain avantages ou les obligations en faisant au Canada. Parmi les points relevés, le GCRL avait fait des distinctions injustes à l’encontre des conjoints de fait. valoir l’importance d’apporter des modifications à la La Loi sur la modernisation de certains régimes catégorie du regroupement familial. Il proposait une d’avantages et d’obligations a également donné lieu à une nouvelle définition pour la notion de « conjoint », soit nouvelle définition du terme « conjoint de fait », défini« une personne jointe par les liens d’un mariage contracté tion reprise par la suite par CIC dans sa législation. légalement dans l’État où il a eu lieu ; ou une personne « Époux » est utilisé dans le cas de couples mariés jointe par des rapports intimes et au moins un an de vie uniquement et le nouveau terme « conjoint de fait » renvoie commune »2. Selon le GCRL, cette définition tenait aux unions de fait (partenaires de même sexe ou de sexe opposé). La législation établit toutefois une distinction compte de certaines réalités non prévues dans la claire entre couples mariés et couples non mariés. La législation actuelle, notamment le nombre croissant définition de mariage, soit « l’union légitime d’un homme d’unions de fait (partenaires de sexe opposé et de même et d’une femme à l’exclusion de toute autre personne », est sexe) comportant des éléments semblables aux unions demeurée telle quelle. matrimoniales, sauf en ce qui a trait à la reconnaisLa Loi sur l’immigration ne figurait pas au nombre sance juridique des unions. De plus, le rapport faisait des lois touchées puisque, comme la législation canaressortir un autre élément, soit le nombre croissant de dienne en matière d’immigration n’avait à peu près pas été Canadiens pour qui le fait de nier cette nouvelle donne modifiée au cours des 25 dernières années, le Ministère était contraire aux valeurs de loyauté, de cohérence et de prévoyait déjà une révision importante de cette législation traitement équitable3. et comptait prendre en considération la notion d’égalité Compte tenu des recommandations et de l’environprévue dans la Loi sur la modernisation. Étant donné nement social de la fin des années 1990, le Ministère a 19 ou un résident permanent, à titre d’époux, de conjoint de fait, d’enfant ou de père ou mère ou à titre d’autre membre de la famille prévu par règlement. qu’ils traitaient de la question des conjoints de fait et des conjoints de même sexe depuis 1994, les responsables de CIC étaient conscients du fait que la nouvelle loi devrait comprendre des dispositions précises en ce qui concerne l’admission de conjoints de fait et de conjoints de même sexe. Dans un document de discussion produit par le Ministère, une série de modifications a été proposée aux fins de la modernisation de la Loi sur l’immigration5. Ce document a été diffusé aux intervenants clés afin qu’ils puissent fournir une rétroaction. On recommandait (la plupart des recommandations ont par la suite été adoptées), entre autres, de moderniser la catégorie de la famille afin qu’elle soit conforme avec la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations récemment adoptée. Cela signifiait modifier la définition de « catégorie de la famille » et de « personne à charge » afin d’inclure la définition désormais courante de conjoint de fait, c’est-à-dire une personne qui vit avec le répondant en union conjugale depuis au moins un an. Étaient inclus tant les couples hétérosexuels que les couples homosexuels. Pour ce qui est des observations écrites reçues du public concernant cette proposition, très peu de personnes ont contesté la reconnaissance des unions de fait et des unions homosexuelles dans la législation en matière d’immigration. Pour assurer l’uniformité avec d’autres législations, le Ministère a choisi d’adopter la définition de conjoint de fait prévue dans la Loi sur la modernisation de certains régimes d’avantages et d’obligations. Le conjoint de fait est une personne qui vit avec le répondant à une union conjugale depuis au moins un an. Mais cette définition, notamment en ce qui a trait à la cohabitation, était problématique pour de nombreux groupes, dont l’Association du Barreau canadien, le Lesbians and Gays Immigrant Taskforce (LEGIT) et l’Égalité pour les gais et les lesbiennes (EGALE). Ces organismes, ainsi que d’autres, affirmaient que, pour bien des couples, notamment les couples homosexuels, la cohabitation n’était pas possible pour diverses raisons. D’abord, l’exigence concernant la période de cohabitation (un an) pour un répondant au Canada et son partenaire à l’étranger pouvait être difficile à satisfaire étant donné les restrictions relatives à l’admission. Ou encore, la cohabitation pouvait ne pas être possible pour certains couples craignant d’être persécutés pour des raisons liées à la culture ou à la religion. Mis à part ces considérations, la définition était également vulnérable sur le plan juridique étant donné que la cohabitation ne constituait pas une exigence pour les couples mariés (ce qui n’était pas le cas, à ce moment-là, pour les couples homosexuels). À la suite de consultations publiques et de commentaires reçus du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, le Ministère a pris la décision de modifier les dispositions réglementaires proposées et d’ajouter un autre membre à la catégorie du regroupement familial, soit le partenaire conjugal. En vertu de l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (RIPR) (2002), un partenaire conjugal est défini comme suit : « à l’égard du répondant, l’étranger résidant à l’extérieur du Canada qui entretient une relation conjugale avec lui depuis au moins un an ». Les lignes directrices pour l’évaluation de ces relations sont fondées sur les caractéristiques d’une relation conjugale précisées dans la décision M c. H. Ces caractéristiques comprennent l’habitation, les comportements sexuels et personnels, les services, les activités sociales, le soutien économique, les enfants ainsi que la perception sociale du couple. Il est donc possible de parrainer un partenaire, soit de sexe opposé ou de même sexe, qui se trouve dans une situation exceptionnelle indépendamment de sa volonté et qui, par conséquent, ne satisfait pas aux exigences établies pour les époux ou les conjoints de fait. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) et son règlement d’application sont entrés en vigueur en juin 2002. Les conjoints de fait ont été officiellement supprimés de la catégorie des personnes pouvant obtenir la résidence permanente pour des raisons liées à la politique officielle et font maintenant partie de la catégorie du regroupement familial. Compte tenu de cet ajout à la catégorie, la législation canadienne en matière d’immigration reconnaît maintenant trois genres de Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (2001) Le projet de loi C-11 (Loi concernant l’immigration au Canada et l’asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger) a été déposé à la Chambre des communes en février 2001. Bien que le projet de loi proposait un certain nombre de changements, le principe de la réunification des familles n’était pas modifié. Selon le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagnait le Règlement proposé, les nouvelles dispositions relatives à la catégorie du regroupement familial visaient à faire en sorte que : • le processus et les critères selon lesquels les membres de la catégorie du regroupement familial sont sélectionnés soient clairs et transparents, et cela comprend également les exigences et les obligations prévues pour les répondants ; • les réalités sociales actuelles soient prises en considération dans la définition de la catégorie du regroupement familial ; • la législation cadre avec les autres législations ou principes du Canada. Pour atteindre les objectifs de réunification de la famille précisés dans le REIR, la nouvelle législation étend la portée de la catégorie du regroupement familial et prévoit une nouvelle définition afin d’inclure les conjoints de fait : CITC 12.(1) La sélection des étrangers de la catégorie « regroupement familial » se fait en fonction de la relation qu’ils ont avec un citoyen canadien 20 Lorsqu’une décision sera rendue concernant le projet de loi C-38, le Ministère examinera de nouveau sa politique temporaire sur les mariages homosexuels. Cela dit, un règlement par le gouvernement sur cette question ne déterminera pas en soi comment la question sera traitée dans le contexte de l’immigration. relations : époux, conjoint de fait et partenaire conjugal. Dans l’ensemble, les médias et le public ont réagi de façon favorable aux nouvelles dispositions législatives et réglementaires. Il s’agit d’une réorientation importante de la politique du Canada en matière d’immigration. Projet de loi C-38 : Loi sur le mariage civil Compte tenu du caractère transitoire des réalités sociales, une loi adoptée il y a seulement trois ans peut sembler désuète pour certains. Le mariage homosexuel est une réalité sociale très actuelle dont ne tient pas compte explicitement la LIPR. En décembre 2004, la Cour suprême du Canada a rendu une décision concernant les mariages homosexuels, soit que le gouvernement fédéral pouvait modifier la définition de mariage afin d’inclure les couples homosexuels (le juge n’a pas précisé si un tel changement était exigé aux termes de la Charte). Par la suite, en février 2005, M. Irwin Cotler, ministre de la Justice et procureur général du Canada, a déposé la Loi sur le mariage civil (projet de loi C-38). Le projet de loi C-38 (qui, au moment d’aller sous presse, était à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes) vise à étendre la capacité juridique pour les mariages civils aux couples homosexuels afin que le mariage, dans le droit fédéral, corresponde toujours à « l’union légitime de deux personnes, à l’exclusion de toute autre personne ». Au moment de la rédaction de la LIPR et du Règlement, on ne s’attendait pas à ce que le mariage devienne si rapidement une possibilité pour les gais et les lesbiennes. Aujourd’hui, les assemblées législatives de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, du Québec, du Yukon, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse et de la Saskatchewan ont édicté des lois autorisant l’union civile de partenaires de même sexe. Afin de tenir compte de ces changements, CIC a adopté une politique temporaire concernant les mariages homosexuels. Vers le milieu de l’année 2004, le Ministère a fourni aux agents d’immigration des directives concernant la reconnaissance des mariages homosexuels célébrés au Canada. Ainsi, les unions civiles entre un ressortissant étranger et un citoyen ou un résident permanent du Canada de même sexe sont considérés comme valables aux fins de l’immigration dans la catégorie du regroupement familial6. Il existe toutefois certains cas pour lesquels la politique ne s’applique pas, et, pour cette raison, de nombreux groupes de défense croient que la politique ne va pas assez loin, bien qu’ils reconnaissent qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction. Aux termes de l’article 2 du Règlement, le mariage est défini comme suit : « s’agissant d’un mariage contracté à l’extérieur du Canada, mariage valide à la fois en vertu des lois du lieu où il a été contracté et des lois canadiennes ». Par conséquent, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue par le gouvernement fédéral sur la validité des unions civiles entre partenaires de même sexe qui ont eu lieu à l’étranger ou entre deux ressortissants étrangers au Canada, le cas de ces couples ne pourra pas être étudié en fonction de cette politique. Le débat entourant le projet de loi C-38 est très animé, tant à la Chambre des communes qu’à l’échelle du Canada, et le Ministère suit ces discussions très attentivement. Conclusion La nouvelle politique temporaire découle d’une série d’événements ayant marqué l’évolution historique du droit canadien de l’immigration en ce qui concerne les couples homosexuels. Les deux dernières décennies ont été très productives. Les gais et les lesbiennes ont été supprimés des catégories de personnes interdites de territoire ; une politique officielle avant-gardiste a été adoptée aux fins de l’admission des conjoints de fait et des conjoints de même sexe, alors que la catégorie du regroupement familial a été élargie dans la LIPR et son règlement d’application. Bien qu’on ne puisse pas prévoir l’orientation future de la politique canadienne en matière d’immigration, une chose est claire, cette politique témoignera des réalités sociales actuelles du Canada. Les personnes qui sont admises, puis qui obtiennent la résidence permanente et la citoyenneté canadienne, seront toujours le reflet de la société canadienne – une société hétérogène et diversifiée. L’engagement du Canada en matière d’inclusivité, de pluralité et de diversité va continuer de transparaître dans les politiques de Citoyenneté et Immigration Canada. Bien que la législation ne puisse pas prévoir les nouvelles réalités, Citoyenneté et Immigration Canada est de plus en plus attentif à l’évolution des familles au Canada et espère affermir cette réputation à l’avenir. Notes 21 1 Prendre note du jugement dans l’affaire Miron c. Trudel (1995) ; la discrimination selon l’état civil enfreint l’article 15 de la Charte. Cela signifie que les personnes mariées ou non mariées qui vivent une union conjugale doivent être traitées de la même façon aux termes de la loi. 2 Révision de la législation sur l’immigration, Au-delà des chiffres l’immigration de demain au Canada (Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1997). 3 Ibid. 4 Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, De solides assises pour le 21e siècle : Nouvelles orientations pour la politique et la législation relatives aux immigrants et aux réfugiés (Ottawa, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 1998). 5 Direction générale de la sélection, Citoyenneté et Immigration Canada, Family Issues: Proposed Directives for Regulations Supporting Bill C-31, The Immigration and Refugee Protection Act (2000). 6 Les certificats de mariage délivrés par les autorités provinciales en Ontario (après le 9 juin 2003), en Colombie-Britannique (après le 7 juillet 2003), au Québec (après le 18 mars 2004), au Yukon (après le 13 juillet 2004), au Manitoba (après le 15 septembre 2004) et en Saskatchewan (après le 4 novembre 2004) sont tous considérés comme des documents valides aux fins d’une demande de résidence permanente. En direct : Citoyenneté et Immigration Canada, www.cic.gc.ca. LA NOUVELLE ÉTUDE SUR LES ENFANTS ET LES JEUNES CANADIENS Recherche visant à pallier un manque dans le Plan d’action national pour les enfants RÉSUMÉ Un enfant sur cinq vivant au Canada est soit né à l’étranger, soit né dans une famille d’immigrants ou de réfugiés. Pourtant, les études sur les enfants immigrants et réfugiés sont criblées de paradoxes, de résultats contradictoires et de questions sans réponse. La recherche longitudinale, qui a recours à des échantillons suffisamment grands d’enfants se trouvant dans différentes situations et vivant dans différentes régions du pays, et qui utilise des outils de mesure adaptés à la culture et à la situation, est absolument nécessaire. La NEEJC est une tentative visant à combler ce manque. I MORTON BEISER University of Toronto La recherche en santé pour enrichir la théorie, éclairer la politique et diriger la pratique LINDA OGILVIE University of Alberta Université de Montréal ROBERT ARMSTRONG JACQUELINE OXMAN-MARTINEZ University of British Columbia l est rare que tant de résultats soient attendus d’un si petit investissement. Un enfant sur cinq vivant au Canada est soit né à l’étranger, soit né dans une famille d’immigrants ou de réfugiés, et le Canada attend beaucoup d’eux. D’une part, nous espérons que leurs réalisations futures aideront à justifier notre taux d’immigration relativement élevé. D’autre part, nous agissons comme si cela allait se produire même si nous choisissons de ne pas nous intéresser à leur santé, à leur développement et à leur adaptation. Prenons, par exemple, l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ) de Statistique Canada. En se basant sur de simples critères de probabilité, la cohorte de plus de 23 000 enfants de l’ELNEJ devrait compter environ 4 600 enfants immigrants et réfugiés. Toutefois, une seule étude – même de portée et de qualité inférieures à l’ELNEJ – peut permettre d’atteindre tous ces objectifs. Pour différentes raisons, les familles d’immigrants et de réfugiés étaient sous-échantillonnées ; la cohorte de l’ELNEJ n’était composée que de 358 enfants immigrants et réfugiés, plutôt que des 4 600 prévus. CITC JOANNA ANNEKE RUMMENS University of Toronto L’ELNEJ n’est qu’une étude parmi les nombreuses études nationales sur la santé qui laissent pour compte les immigrants et les réfugiés. L’inclusion des immigrants et des réfugiés dans les études nationales n’est ni facile ni bon marché. Le choix des familles de nouveaux arrivants qui composeront les échantillons est un défi de taille, en particulier parce que les immigrants ont tendance à se déplacer très souvent. En plus des problèmes d’échantillonnage, les coûts de traduction des questionnaires dans la langue d’origine de l’immigrant et l’effort nécessaire pour recruter et former des enquêteurs bilingues sont loin d’être négligeables. Si c’était vrai que ce qui s’applique à la population en général s’applique également bien aux immigrants et aux réfugiés, les impératifs que sont l’efficacité et l’économie pourraient justifier l’absence des nouveaux arrivants dans les études nationales. Toutefois, ce qui s’applique à la majorité, bien souvent, ne s’applique pas aux minorités. Par exemple, la pauvreté fait partie des plus grandes menaces qui planent sur la santé mentale de l’enfant. Néanmoins, même s’il est trois fois plus probable qu’une famille d’immigrants vive sous le seuil de la pauvreté qu’une famille de non-immigrants, en général, les enfants immigrants ont une meilleure santé mentale et moins de problèmes de comportement que les enfants nés au pays. La réponse à ce paradoxe réside-t-elle dans une résilience exceptionnelle chez les enfants immigrants et réfugiés ou est-ce que la force de vie de la famille d’immigrants protège, en quelque sorte, l’enfant ? Le cas échéant, quelles sont les racines d’une telle résilience et quelle est la nature de la force de la famille d’immigrants ? À première vue, les résultats soutiennent l’opinion populaire selon laquelle les enfants sont des êtres qui s’adaptent. La facilité apparente avec laquelle les jeunes immigrants et réfugiés apprennent de nouvelles langues, leur réussite scolaire presque légendaire et la rapidité indéniable avec laquelle 22 Point de mire sur la santé ils adoptent les modes vestimentaires et les comdes enfants immigrants et réfugiés portements des habitants de leur pays d’adoption sont Afin de répondre à de telles questions, des chercheurs autant d’éléments qui annoncent un stéréotype associés aux quatre centres d’excellence sur la recherche optimiste de résilience. De nombreux enfants en immigration de Metropolis ont entrepris en 2001 la immigrants ou réfugiés s’intègrent effectivement bien. Nouvelle étude sur les enfants et les jeunes Canadiens Par contre, certains d’entre eux trouvent très ardu (NEEJC). En prenant appui sur les données inestimables d’apprendre la langue de la culture majoritaire ou ont de l’ELNEJ, qui porte (principalement) sur les enfants de la difficulté à l’école, et l’intégration rapide, qui nés au pays, la NEEJC se concentre sur la santé et le entraîne souvent un renversement des rôles dans la développement d’environ 4 500 jeunes immigrants et famille, un conflit intergénérationnel et des conflits réfugiés vivant dans six villes canadiennes, et compare identitaires à l’adolescence, peuvent être des avantages à les immigrants aux Canadiens de naissance. Tout comme double tranchant. l’ELNEJ, la NEEJC interroge des enfants et leurs familles Les résultats ne justifient pas le contentement tous les deux ans, ce qui permet d’étudier le développement de soi. Bien qu’en général, les enfants immigrants aient des enfants au fil du temps. Les collectivités d’immigrants un avantage en matière de santé mentale, ce fait ne et de réfugiés qui constituent la cohorte de la NEEJC s’applique peut-être pas à tous les nouveaux arrivants. proviennent notamment de la Chine continentale, de Par exemple, il existe une bonne raison de croire que Hong Kong, des Philippines, d’Haïti, d’Éthiopie, de la le traumatisme prémigratoire subi par les enfants réfugiés Somalie, de la Jamaïque, de la Serbie, du Vietnam, du et que la discrimination dont sont victimes les enfants Liban, de l’Amérique centrale de minorité visible engendrent un (Salvador, Guatemala, Nicaragua), risque pour la santé mentale. La facilité apparente de la Colombie, du Kurdistan, de L’échantillon limité de l’ELNEJ l’Iran, du Pendjab, de territoires ne permet pas de distinguer les avec laquelle les jeunes tamouls et de l’Afghanistan. immigrants des réfugiés ou d’exaimmigrants et réfugiés Les fonds de démarrage miner les effets de la discrimination apprennent de nouvelles obtenus de Santé Canada, de sur la santé mentale. Patrimoine canadien, de La recherche sur les enfants langues, leur réussite Citoyenneté et Immigration immigrants et réfugiés est imporscolaire presque légendaire Canada, des centres Metropolis, tante, notamment pour répondre du FQRSC au Québec et de à des questions dignes d’intérêt et la rapidité indéniable l’AHFMR en Alberta ont facilité et pour contribuer à la théorie. avec laquelle ils adoptent la mise sur pied d’une vaste À mesure que les enfants s’épaéquipe interdisciplinaire composée nouissent, leur potentiel humain les modes vestimentaires d’épidémiologistes, de sociologues, biologique perd de l’importance et les comportements des de spécialistes du développement en tant que variable explicative de l’enfant, de chercheurs sur de leur développement, tandis habitants de leur pays les services de santé, de psychoque les facteurs psychosociaux d’adoption sont autant logues, de spécialistes en santé deviennent proportionnellement mentale, d’anthropologues, d’éduplus importants. Autrement dit, d’éléments qui annoncent cateurs et d’universitaires dans avec le temps, les attitudes et les un stéréotype optimiste les domaines cliniques des sciences comportements d’une société de résilience. infirmières, de la pédiatrie et prennent de plus en plus de place du travail social. L’équipe de dans le développement de ses chercheurs a également noué des partenariats avec enfants. Les institutions sociales du Canada ont des collectivités locales d’immigrants. Les conseils répondu trop lentement au besoin d’établir des strucconsultatifs locaux qui comptent parmi leurs membres tures, des systèmes et des services visant à soutenir le des représentants d’organisations pour les immigrants développement des enfants nouvellement arrivés. Les et de services aux immigrants, ainsi que des représentants soignants et les responsables des politiques ont besoin de différents paliers de gouvernement, ont travaillé d’information sur la santé des immigrants et des en collaboration avec les équipes de chercheurs à réfugiés, sur la façon dont elle se distingue de celle Montréal, Toronto, Winnipeg, Calgary, Edmonton et des enfants de la culture majoritaire et sur la façon Vancouver. Le partenariat université/collectivité a dont évoluent les tendances de la santé au fil du contribué à l’élaboration du cadre théorique de la NEEJC, temps. Ils ont également besoin de données sur les à la détermination des facteurs de stress précis relatifs déterminants de la santé, dont certains peuvent être à l’immigration et à l’établissement et des facteurs de semblables à ceux de la population de la culture protection, à l’établissement de stratégies visant à majoritaire et d’autres être propres aux immigrants informer les collectivités et à les inciter à participer, et aux réfugiés. Enfin, il est nécessaire d’examiner la ainsi qu’au recrutement et à la formation des enquêteurs. correspondance entre les besoins en matière de santé Une fois cette structure en place, l’équipe a réalisé des et l’utilisation des services, et de connaître les réussites tests pilotes en vue d’examiner l’applicabilité des outils et les échecs des différentes approches en matière de de l’ELNEJ, a mis au point ses concepts et ses mesures prestation de soins. 23 facteurs de stress avant et après la migration et les ressources personnelles et sociales que possède l’enfant pour y faire face. L’âge à l’arrivée dans un pays en vue de s’y établir est un facteur particulièrement intéressant. Selon la documentation, l’âge de dix ans serait un point de césure critique ; en effet, il semble que les enfants qui arrivent au Canada avant l’âge de dix ans ont plus de chances de s’intégrer avec succès que les enfants qui arrivent plus tard, et que ces premiers finissent par se percevoir comme des Ce que nous savons déjà Canadiens ordinaires, plutôt que comme des étrangers ou Les chercheurs du Canada et d’ailleurs n’ont pas comme appartenant à une minorité. complètement laissé pour compte les enfants immigrants Les immigrants et les réfugiés ont vécu des expériences et réfugiés. Toutefois, la valeur de l’information déjà très différentes avant de venir au Canada. Les chocs liés accessible est compromise par la nature parfois confuse à des bouleversements, qu’ils soient causés par l’humain et souvent contradictoire des résultats. D’après certains ou d’ordre naturel, ont des répercussions sur la santé rapports, les enfants immigrants sont davantage exposés mentale. Les enfants réfugiés, dont bon nombre ont été à la maladie et à la souffrance morale, et sont plus témoins de violence dans leur pays d’origine, sont très susceptibles d’afficher des troubles du développement vulnérables au syndrome de stress et des troubles du comportement que les enfants nés au pays. Les Selon le cadre directeur post-traumatique (SSPT). Bien que les taux de SSPT signalés soient chercheurs ont tendance à attribuer de tels résultats à une vulnérabilité de la NEEJC, le bien-être surprenants – atteignant parfois 50 % – ils soulèvent un sujet de controverse individuelle due à une prédisposition et les réalisations des pour les recherches à venir. En biologique, à des troubles précoces enfants immigrants supposant que tous les enfants réfugiés du développement ou à l’exposition ont été exposés à l’horreur, pourquoi à des environnements menaçants. et réfugiés découlent les taux de SSPT sont-ils toujours Par contre, d’autres données, qui ne d’un processus inférieurs à 100 % ? présentent aucune différence entre la Ce qui arrive aux personnes après santé des enfants nouvellement arrivés dynamique, dont les leur arrivée au Canada est tout aussi et celle des enfants nés au pays, si ce éléments sont, entre important pour leur bien-être, sinon n’est un avantage du côté des autres, les caractérisplus, que ce qu’elles ont vécu avant immigrants, nient l’idée que la prédisposition ou le fait de vivre dans un tiques individuelles, les la migration. La documentation de recherche considère l’acculturation et environnement rempli de stress met facteurs de stress la discrimination comme des facteurs en péril le bien-être des immigrants et des réfugiés. antérieurs et postérieurs de stress majeurs en santé mentale. Lorsque des groupes culturels Force n’est pas de conclure que à la migration et les entrent en contact, ils communiquent les chercheurs sont confus, ou que certains effectuent de bonnes recherressources personnelles entre eux et chacun prend certaines caractéristiques de l’autre. Les spéches et d’autres de mauvaises. Le nœud et sociales que possède cia-listes des sciences sociales appellent du problème réside dans l’absence d’une théorie suffisamment détaillée. l’enfant pour y faire face. ce processus « acculturation ». La plupart des travaux de recherche se Les postulats qui attribuent la cause penchent principalement sur l’effet de la force d’acculuniquement à la prédisposition ou à la pression environturation dominante – dans ce cas-ci, la société canadienne – nementale sont trop simplistes. Même si l’immigration et sur l’autre force – dans ce cas-ci, les collectivités le réétablissement ont probablement un effet sur le d’immigrants. Suite à l’acculturation, certaines familles développement, les impondérables comme les politiques peuvent passer d’une alimentation saine à la malbouffe, de sélection du pays d’accueil, le statut d’immigrant vis-àet les enfants peuvent être vulnérables aux bactéries et vis le statut de réfugié, l’âge au moment de la migration, le aux virus courants au Canada contre lesquels ils ne sont sexe, les caractéristiques familiales, le fait d’appartenir à pas immunisés, puisqu’ils ont grandi dans un autre une minorité visible ou non, l’identification ethnique pays. Certaines collectivités d’immigrants ont tendance à personnelle, le soutien social, la présence d’une collectivité fuir le système de santé et à faire traîner l’immunisation, du même groupe ethnique et les attitudes et les pratiques ce qui peut avoir pour effet d’augmenter les risques de de réétablissement de la société d’accueil permettent maladie. Des travaux intrigants indiquent que plus les de déterminer si l’immigration a pour résultat un enfants immigrants sont acculturés, plus ils risquent de comportement mésadapté provoqué par le stress ou consommer des drogues illicites. Une des explications un bien-être, une perception de soi positive et la réussite. possibles de cette constatation est que les méthodes Selon le cadre directeur de la NEEJC, le bien-être et traditionnelles servant à régir le comportement des jeunes les réalisations des enfants immigrants et réfugiés s’effondrent sous la pression de l’acculturation exercée par découlent d’un processus dynamique, dont les éléments la société d’accueil. sont, entre autres, les caractéristiques individuelles, les CITC afin de pouvoir les utiliser avec différents groupes ethnoculturels, et a élaboré de nouveaux outils de mesure permettant de saisir la dynamique de l’expérience du réétablissement. La NEEJC a également reçu des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada, qui permettront d’assurer la réalisation des deux premières enquêtes biennales prévues. La première vague d’entrevues est maintenant terminée. 24 niale à celles liées à la culture majoritaire. L’identité ethnoculturelle est importante non seulement en raison de ses répercussions sur le bien-être de la personne, mais également parce qu’elle contribue à la cohésion sociale dans les sociétés diversifiées sur le plan culturel, comme le Canada. Des études laissent à penser que plus les adolescents sont à l’aise avec leur identité ethnique, plus ils sont en mesure de faire preuve d’empathie à l’endroit de leurs pairs dont l’horizon ethnique diffère du leur, plus il est probable qu’ils noueront des liens interethniques, et plus leur réussite scolaire sera grande. Sans égard aux origines ethniques, les parents immigrants caressent de grandes ambitions pour leurs enfants. Toutefois, le manque de connaissance du système scolaire, l’incapacité de comprendre l’information fournie par les écoles et les tracas liés à l’argent nuisent à la capacité des parents d’aider leurs enfants à réaliser ces ambitions. De plus, le voisinage a une incidence sur la santé et le bien-être des enfants. Les enfants qui vivent dans des quartiers défavorisés ont tendance à aller dans des écoles au financement limité, ont accès à peu de ressources culturelles et risquent davantage de décrocher. Outre la famille, l’école est l’endroit qui influence le plus le développement de l’enfant. Des études britanniques donnent à penser que les enfants immigrants d’origine asiatique ont de plus grandes aspirations intellectuelles et professionnelles que les enfants nés au Royaume-Uni. D’autres études, américaines cette fois, s’intéressent tout particulièrement à l’atteinte de ces aspirations. Cependant, la réussite a tendance à être inégale. En lecture, des étudiants très performants d’Asie du Sud-Est accusent généralement un certain retard par rapport aux matières qui dépendent moins de la langue, comme les mathématiques. La facilité apparente avec laquelle les enfants immigrants apprennent une nouvelle langue peut porter indûment les adultes à croire que leurs enfants sont plus à l’aise avec la langue qu’ils ne le sont réellement. À l’opposé de ce que laissent croire les études généralement optimistes sur la réussite des enfants immigrants à l’école, certaines études canadiennes récentes brossent un tableau davantage déconcertant indiquant un taux élevé de décrochage et une réussite postscolaire compromise. La discrimination est considérée comme une des causes du faible rendement scolaire, du manque d’ambition professionnelle et de la mauvaise santé. Malgré une acceptation répandue de cette hypothèse, le fait est que la discrimination et ses effets sur l’adaptation ont fait l’objet de peu d’études scientifiques. Selon l’Enquête sur la diversité ethnique menée par Statistique Canada et Patrimoine canadien, seulement un résidant canadien sur dix âgé de 15 ans ou plus a déjà été personnellement victime de discrimination. En comparaison, un membre de minorité visible sur cinq a signalé avoir au moins une fois fait l’objet de discrimination en raison de son origine ethnique, de sa culture, de la couleur de sa peau, de sa langue, de son accent ou de sa religion. Le pourcentage le plus élevé, qui est de un sur trois, concerne les Africains et les Afro-Antillais. Le fait d’appartenir à une minorité visible n’est pas l’unique fondement de la discrimination ; les immigrants arrivés tout récemment appartenant à des minorités non visibles courraient deux fois plus de risques d’être victimes de discrimination que les immigrants vivant de longue date au Canada ou de deuxième génération. Les facteurs de stress prémigratoires et postmigratoires nuisent au bien-être, mais lorsque vient le temps de relever un défi, les être humains ne sont pas inactifs. Dans l’adversité, ils se tournent vers eux-mêmes pour faire appel à leurs ressources personnelles comme l’estime de soi, et vers l’extérieur pour demander de l’aide à leur famille, à leurs voisins et à leur collectivité. Des travaux de recherche révèlent que les enfants qui acceptent leur identité ethnique, tout en se sentant à l’aise avec une identité canadienne plus vaste, auront fort probablement une grande estime d’eux-mêmes. Il a été prouvé que l’école, la principale institution sociale qui permet aux enfants d’établir des liens sociaux en dehors de la famille, pourrait forcer les jeunes à faire des choix désagréables entre leur passé et leur avenir, plutôt que d’appuyer leurs efforts pour intégrer les exigences liées à leur identité patrimo- En résumé Les études sur les enfants immigrants et réfugiés sont criblées de paradoxes, de résultats contradictoires et de questions sans réponse. La recherche longitudinale, qui a recours à des échantillons suffisamment grands d’enfants se trouvant dans différentes situations et vivant dans différentes régions du pays, et qui utilise des outils de mesure adaptés à la culture et à la situation, est absolument nécessaire. La NEEJC constitue une tentative visant à combler ce manque. Le Canada s’attend à ce que les nouveaux arrivants servent les intérêts nationaux. Laissés à eux-mêmes, de nombreux immigrants et réfugiés répondront à ces attentes. Par contre, des programmes adaptés à leurs besoins et à leurs aspirations aideront ceux destinés à la réussite à atteindre leurs buts plus rapidement et plus aisément. Une politique d’établissement sensée aidera également les autres qui, sans aide, risquent de voguer à la dérive. Dans son roman intitulé A Bend in the River, V. S. Naipaul écrit : [traduction] « L’idée que nous nous faisons de nos possibilités nous décrit ». Le Canada s’est engagé à élaborer un Plan d’action national pour les enfants qui offrira un accès équitable aux ressources nécessaires pour que les citoyens de demain soient en santé, forts et en mesure de réaliser leur potentiel en vue de servir les intérêts communs. Dans cet esprit, le Canada ne peut continuer d’ignorer les enfants de ses nouveaux immigrants. Au contraire, il doit les aider à se faire une perception du monde aussi libre que possible de traumatismes et de blessures, et aussi ouverte que possible aux contributions éventuelles qu’eux et leurs parents peuvent apporter à ce pays. 25 TO, T., A. GUTTMAN, P.T. DICK, J.D. ROSENFIELD, P.C. PARKIN, H. CAO, T.N. VYDYKHAN, M. TASSOUDJI et J.K. HARRIS. « What factors are associated with poor developmental attainment in young Canadian children? », Canadian Journal of Public Health = Revue canadienne de santé publique, vol. 95, no 4 (2004), p. 258-263. Références BEISER, M., F. HOU, I. HYMAN, et M. TOUSIGNANT. « Poverty and Mental Health Among Immigrant and Non-immigrant Children », American Journal of Public Health, vol. 92, no 2 (2002), p. 220-227. GROUPE CANADIEN CHARGÉ D’ÉTUDIER LES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE DES IMMIGRANTS ET DES RÉFUGIÉS. Puis, la porte s’est ouverte (No de catalogue Ci96 38/1988F), Ottawa, ministère des Approvisionnements et Services, 1988. Biographies Morton Beiser, M.D., FRCPC, C.M., est professeur en psychiatrie à la University of Toronto, chercheur principal et directeur fondateur du Centre d’excellence conjoint pour la recherche sur l’immigration et l’établissement de Toronto et coordonnateur scientifique national du projet « Réduire les disparités sur le plan de la santé » des Instituts de recherche en santé du Canada. Il est le chercheur en chef de la Nouvelle étude sur les enfants et les jeunes Canadiens (NEEJC). DION, K.K. et K.L. DION. « Immigrant Perspectives and Adaptations: Gender and Cultural Adaptation in Immigrant Families », Journal of Social Issues, vol. 57, no 3 (2001), p. 511-521. FULIGNI, A.J. « The academic achievement of adolescents from immigrant families: The roles of family background, attitudes, and behavior », Child Development, vol. 68 (1997), p. 351-363. Robert Armstrong, M.D., FRCPC, est professeur agrégé à la Division de la pédiatrie du développement de la University of British-Columbia et est membre du corps enseignant du Centre de recherche communautaire sur la santé de l’enfant à l’Institut de recherche sur la santé des enfants et des femmes de la Colombie-Britannique. Il est chef du Département de pédiatrie de la University of British-Columbia et responsable de la médecine pédiatrique à l’Hôpital des enfants et à l’Hôpital des femmes de la C.-B., qui relèvent de l’autorité provinciale des services de santé. Le Dr Armstrong est cochercheur en chef de la NEEJC. GINORIO, A.B. et J. GRIGNON. « The transition to and from high school of ethnic minority students », dans G. Campbell Jr., R. Denes et C. Morrison (éds.), Access Denied: Race, Ethnicity and the Scientific Enterprise, New York, Oxford University Press, 2000, p. 151-173. 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Des enfants immigrants en santé : une analyse démographique et géographique, Ottawa, Développement des ressources humaines Canada, Direction générale de la recherche appliquée, 1998. Jacqueline Oxman-Martinez, Ph.D. (sociologie), est chercheure invitée au Centre de recherche sur la violence faite aux femmes et professeure agrégée à l’Université de Montréal. Elle a été responsable de la section de la santé pour Immigration et Métropoles (IM), le Centre de recherche interuniversitaire de Montréal sur l’immigration, l’intégration et la dynamique urbaine. Mme Oxman-Martinez est cochercheure en chef de la NEEJC. LEE, S.J. « Behind the model-minority stereotype: Voices of high and lowachieving Asian American students », Anthropology and Education Quarterly, vol. 25 (1994), p. 413-429. LIEBKIND, K. « Self-reported ethnic identity, depression and anxiety among young Vietnamese refugees and their parents », Journal of Refugee Studies, vol. 6 (1993), p. 25-39. Joanna Anneke Rummens, Ph.D. (anthropologie), est chercheure sur les systèmes de santé au sein du Groupe-ressource sur les systèmes de santé communautaire de l’Hôpital pour les enfants malades et professeure adjointe en psychiatrie à la Faculté de médecine de la University of Toronto. Elle a été coordonnatrice des études au CERIS et est actuellement présidente élue du conseil de gestion du Centre de Toronto. Elle est cochercheure en chef de la NEEJC. MIRSKY, J. « Psychological distress among immigrant adolescents : Culturespecific factors in the case of immigrants from the former Soviet Union », International J of Psychology, vol. 32, no 4 (1997), p. 221-230. PHINNEY, J.S. « Ethnic identity in adolescents and adults: review of research », Psychological Bulletin, vol. 108 (1990), p. 499-514. ROUSSEAU, C., A. DRAPEAU et E. 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Enquête sur la diversité ethnique : portrait d’une société multiculturelle, Division des statistiques sociales, du logement et des familles, ministère de l’Industrie, Ottawa, 2003. 26 FRANCHIR LE FOSSÉ DES GÉNÉRATIONS Explorer les différences entre les parents immigrants et leurs enfants nés au Canada RÉSUMÉ Dans l’exposé qui suit, je vais discuter de l’importance de reconnaître les générations comme un facteur de différenciation clé des expériences d’intégration des minorités visibles au sein de la société canadienne. La majeure partie de la recherche universitaire et non universitaire porte sur l’expérience des immigrants et sur leurs problèmes d’acculturation, en particulier pour les immigrants ayant été racialisés (considérés racialement différents de la population blanche dominante ou même d’immigrants d’origine européenne). En plus des problèmes courants liés à leur statut, comme l’acquisition de la citoyenneté, la formation linguistique, l’emploi, le logement ou la santé, les immigrants appartenant aux minorités visibles font face au racisme de façon générale et quotidienne. Pour les minorités de la deuxième génération (les enfants d’immigrants, ceux qui sont nés au Canada ou y sont arrivés avant l’adolescence), les problèmes d’adaptation sont assez différents. Ces personnes n’ont pas les mêmes problèmes d’acculturation même si, en dépit de leur apparence et de leur comportement « ordinaires », elles sont toujours aux prises avec le racisme et l’exclusion, en particulier pendant l’enfance et l’adolescence. Le présent article soutient que le fait de grandir de façon différente est ce qui distingue les expériences de la première génération des expériences de la deuxième génération en ce qui concerne l’appartenance. Par conséquent, il faut porter une plus grande attention aux répercussions du concept de génération sur les négociations des minorités visibles avec la société canadienne. MYTHILI RAJIVA Mythili Rajiva a récemment terminé un doctorat en sociologie à la Carleton University. Présentement, elle enseigne et fait une recherche post-doctorale sur les fusions des villes et leurs conséquences sur la diversité. Les gens qui ne sont pas de couleur… ne comprennent pas la dualité de ma vie… pourquoi je dois mentir à mes parents au sujet de l’endroit où je vais… parfois, la nuit, je m’endors en pleurant parce que… mon copain ne comprend pas les pressions que je subis du fait que je suis une fille coréenne… mon Dieu, je me rappelle que, quand j’étais plus jeune, il y avait des jours… où ma frustration était si grande que je ne voulais pas rentrer à la maison… après l’école, je restais dehors à flâner… toute seule, sans me joindre à qui que ce soit. Cela peut vraiment être nuisible, parce que vous ne vous sentez à votre place nulle part1. [traduction] Introduction Dans le milieu universitaire et dans d’autres cercles, il n’est pas rare de présumer que les membres des minorités visibles sont forcément des immigrants. Les universitaires, les chercheurs et les médias grand public tentent d’étudier des questions entourant le racisme, l’appartenance et le fait d’être Canadien en se fondant sur l’hypothèse que les membres des communautés dont ils parlent sont tous des immigrants, c’est-à-dire qu’ils ont passé une bonne partie de leurs années de formation dans un autre pays et qu’ils sont arrivés au Canada à l’âge adulte. Dans un scénario de ce genre, les questions à explorer concernent l’acculturation et le chemin parfois cahoteux qui mène à la citoyenneté canadienne : les cours de langue et la formation professionnelle, l’aliénation culturelle, et la discrimination à la fois systémique et quotidienne fondée sur la tenue vestimentaire, l’accent, la couleur de la peau et d’autres marqueurs culturels. S’il ne faut pas sous-estimer la dure réalité de la vie de l’immigrant, il est néanmoins hasardeux de présumer que toutes les minorités visibles vivent des problèmes propres aux immigrants. Une telle hypothèse perpétue l’idée que les communautés de minorités visibles seront toujours des communautés d’immigrants et, par conséquent, qu’ils n’appartiendront pas à la nation canadienne, peu importe le nombre d’années passées au Canada. De plus, ce scénario ne tient pas compte de la présence de non-immigrants qui font aussi partie des minorités visibles. Leur vécu en matière d’aliénation, de racisme et d’appartenance est peut-être différent de celui de leurs parents immigrants, mais il nous aide tout de même à comprendre la façon dont nous façonnons notre image du « vrai » Canadien2. Dans ce document, nous faisons valoir que la question des générations doit être étudiée de façon plus soutenue par les universitaires et autres chercheurs. Les recherches sur la race et le 27 CITC beaucoup de gens qui sont nés et ont grandi au Canada, et racisme au Canada doivent accorder une place plus qui sont encore aux prises avec des problèmes de racisme importante au vécu des membres de minorités visibles, et d’exclusion. Les personnes de la deuxième génération jeunes et adultes, de la deuxième génération. Il est égalene sont pas confrontées à des problèmes de langue, de ment capital que les enseignants et les initiatives reconnaissance des diplômes étrangers, ou d’aliénation gouvernementales reconnaissent que les générations sont culturelle, mais plutôt à un discours d’appartenance à la un facteur distinctif dans l’expérience de l’appartenance et nation qui est suffisamment souple pour les exclure même de l’exclusion. À l’aide de la documentation qui existe lorsqu’ils parlent, agissent et vivent « comme tout le dans ce domaine, et de mes propres travaux de recherche3, monde ». En quoi ces deux expériences sont elles j’examinerai trois points principaux : 1) la génération en distinctes ? C’est un élément crucial de la race et de l’identant que facteur crucial dans les genres de problèmes que tité, auquel les recherches sur les minorités visibles n’ont rencontrent les minorités visibles ; 2) les éléments de la toutefois accordé que peu d’importance. Jusqu’à récemgénération et la relation de celle-ci avec le développement ment, les travaux de recherche canadiens ont négligé la et l’identité ; et 3) les problèmes auxquels est confronté question des générations, et plus particulièrement en ce la deuxième génération (c’est-à-dire sa façon de réagir qui a trait aux jeunes. La plupart de ces travaux ont au racisme pendant la période où l’identité se construit, surtout cherché à comprendre l’expérience des immiet de répondre aux exigences de la culture dominante, grants d’âge adulte ou, parfois, d’âge exigences qui sont souvent directement mineur dans le contexte familial. Ces opposées aux normes culturelles de la travaux n’ont pas porté sur les jeunes et famille et de la communauté). Les personnes sur les particularités de ce groupe en ce de la deuxième qui concerne les espaces multiples qu’il La génération comme concept clé occupe (école, groupes de pairs, famille, Bon nombre de travaux de génération ne sont communauté, etc.). Cependant, cela recherche sur les minorités visibles au pas confrontées change peu à peu, car les chercheurs Canada ont encore pour référence un canadiens présentent actuellement milieu composé à 100 % d’immigrants. à des problèmes des rapports convaincants sur les Les travaux effectués à l’intérieur et de langue, de principales différences entre les immià l’extérieur du cadre universitaire reconnaissance des grants et leurs enfants, et signalent utilisent un langage qui définit l’importance d’élaborer des théories sur implicitement le membre d’une diplômes étrangers, ces différences (voir, par exemple, minorité visible comme étant quelqu’un ou d’aliénation Rajiva, 1996 ; Aujla, 2000 ; Handa, 2003 ; qui a émigré récemment. Les problèmes Rajiva, 2004). de ces individus et de ces groupes sont culturelle, mais ensuite abordés en tant que problèmes plutôt à un discours d’acculturation : cours de langue et Être des enfants et des adolescents formation professionnelle, « canadiadifférents : le défi de devenir d’appartenance nisation » des diplômes, apprentissage quelqu’un et de se sentir chez soi à la nation qui est des normes culturelles de la société canaDans des pays comme la Grandedienne, et réaction au racisme quotidien Bretagne, les États-Unis et le Canada, suffisamment et au racisme systémique, en raison des l’âge et la génération influent sur souple pour différences perçues par rapport à la l’appartenance, selon qu’il s’agisse situation de la population blanche d’immigrants ou de leurs enfants, nés les exclure. prédominante. On ne sous-estime pas la dans le pays d’adoption. L’explication réalité des immigrants et les combats des évidente est que les premiers arrivent communautés pour s’établir dans une société différente et dans un contexte de différence, tandis que les seconds parfois hostile. Toutefois, il est risqué de présumer que les grandissent dans un contexte de différence. Mais, à membres des minorités visibles sont toujours des immipremière vue, cela devrait signifier que la deuxième grants. Cette supposition a pour seul effet de réifier la génération a beaucoup moins de mal à appartenir à perception dominante que les communautés racialisées son groupe. Selon les universitaires américains Min ou ethnicisées seront éternellement des communautés et Kim, ce groupe est moins susceptible de se heurter d’immigrants. Selon ce scénario, si vous appartenez à aux mêmes obstacles systémiques que leurs parents une minorité visible, vous serez toujours un étranger pour (Min et Kim, 2000, p. 754). Un passé différent combiné la nation canadienne. Par exemple, certains groupes qui à un niveau de confort plus élevé face à la culture se trouvent au Canada depuis plus de trois ou quatre dominante font en sorte que les jeunes membres des générations sont encore qualifiés de communautés minorités ont plus de facilité à se tailler une place sur le d’immigrants4. marché du travail et à s’intégrer socialement à la culture occidentale dominante (p. 754). Pourtant, Min et Kim De plus, ce cadre ne permet pas de comprendre signalent que, malgré le fait que les professionnels l’identité racialisée et ethnicisée de quelqu’un qui n’est pas immigrants sont plus désavantagés sur le marché du un immigrant. Si nous continuons de présumer que le travail et connaissent des expériences professionnelles racisme qui s’exerce au sein de la société canadienne est plus désagréables que leurs homologues nés en Occident toujours lié au problème des « nouveaux arrivants », nous (p. 754), ces derniers sont plus insécures et manquent négligeons effectivement la présence et le vécu de 28 familles d’immigrants, c’est cette tension entre la volonté de maintenir les valeurs et les coutumes culturelles de la « patrie » et la réalité qui consiste à élever des enfants dont la culture est celle de leurs pairs canadiens. Si certains immigrants choisissent d’inscrire leurs enfants à des écoles spéciales axées sur leur culture ou leur religion, pour la majorité d’entre eux, ceci n’est pas une solution viable. Il s’ensuit que la deuxième génération est exposée aux normes de la société canadienne. Cela devient un grave problème, surtout à l’adolescence, étant donné que de nombreuses communautés d’immigrants ont des croyances radicalement opposées à certaines pratiques des adolescents canadiens. En Occident, l’adolescence repose sur un nombre de suppositions : on estime qu’il s’agit d’une période de découverte, de construction de l’identité, de rébellion contre la famille et parfois contre la structure scolaire. Dans bien des communautés, certaines pratiques que la société canadienne prend pour acquis (fréquentations amoureuses, consommation d’alcool ou de drogues, sexe avant le mariage, fêtes et danses, certains genres de vêtements) sont très mal perçues, quand elles ne sont pas tout simplement interdites : Mes principaux souvenirs d’adolescence… Étudier et me battre avec mes parents au sujet de mes sorties (tes parents étaient-ils sévères ?) Oui, très sévères. Absolument. Dans mon groupe d’amis, c’est moi qui devais rentrer le plus tôt, il le fallait, ils devaient savoir exactement où je me trouvais à chaque instant, lorsque je n’étais pas à la maison, je veux dire une fois l’école terminée… c’était comme une bagarre constante d’essayer de me départir de cela. Je n’y arrivais pratiquement jamais et… (Pouvais-tu sortir, par exemple, avec des garçons ?) Sortir avec des garçons, absolument pas. C’était tout simplement hors de question, ce n’était même pas quelque chose dont on parlait à la maison... Tous mes amis étaient principalement des amies de tous les jours, des filles, et sortir avec un garçon, ce n’était même pas une option, c’était non7. davantage de confiance en soi (p. 750-755). Leur identité semble plus fragile et plus susceptible de devenir confuse. Vous trouverez ci-dessous, de première main, les témoignages de deux membres de minorités visibles élevés au Canada, qui illustrent les difficultés de la deuxième génération, des difficultés très différentes de celles qu’ont vécues leurs parents, mais à certains égards plus pénibles sur un plan existentiel. Je connais des gens qui sont nés ici, mais d’une certaine façon nous nous sentons toujours étrangers, parce que nous sommes des minorités visibles et qu’à première vue, les gens vont toujours nous voir comme étant des personnes qui viennent d’ailleurs. Dans bien des cas, il faut encore prouver sa valeur5. Durant mon adolescence, cela a affecté mon développement personnel, parce que tout le monde ne cessait de me dire que j’étais différent, que j’avais un air différent (pas que je parlais différemment) et ça provoquait en moi un sentiment d’infériorité ; le fait d’être différent est devenu quelque chose de négatif. Cela arrivait constamment quand j’étais plus jeune et par la suite6. Comme le montrent les deux extraits, la génération est l’un des principaux facteurs qui influe sur l’identité des enfants et des adolescents appartenant aux minorités visibles. Il ressort de ces témoignages et d’autres récits semblables que, contrairement aux immigrants qui ont une identité pré-existante sur laquelle s’appuyer (avant leur vécu d’immigrants non occidentaux), la deuxième génération, qui grandit dans un contexte où elle se sent étrangère, n’a toujours été qu’une minorité visible. La première génération n’a pas le même désir d’appartenance qu’une bonne partie de la deuxième génération. Pour les membres de cette deuxième génération, le fait d’avoir été différent à un moment de leur vie où l’appartenance avait tant d’importance a été leur plus gros problème. Le sentiment d’appartenir au même groupe que ses pairs est capital pendant l’enfance et l’adolescence ; c’est ce qui permet de se forger une identité personnelle positive. Si, au cours de ces périodes de développement identitaire, le sujet est continuellement exclu, il faut se demander comment cela se répercute sur son identité personnelle en général (Rajiva, 2004). Les chercheurs dans ce domaine ne s’intéressent pas encore suffisamment aux effets, sur le développement des sujets de la deuxième génération, de leur vécu en tant que personnes différentes des autres. Comme ce témoignage l’indique, le problème est particulièrement ressenti chez les filles, qui doivent lutter contre ce que les universitaires féministes appellent la nature sexospécifique de l’identité nationale (voir, par exemple, Valverde, 1992 ; Stasiulis et Yuval Davis, 1995 ; Khan, 1998). Selon Anthias et Yuval-Davis (1989), dans la plupart des pays, on s’attend à ce que les femmes soient les « gardiennes de la culture » : autrement dit, à ce qu’elles reproduisent les traditions, les symboles culturels et les normes de leur groupe. Cela est tout particulièrement vrai pour les communautés vivant dans l’ombre d’une identité nationale dominante qui les exclut en raison de la différence raciale perçue. On s’attend à ce que les filles maintiennent des pratiques culturelles qui ne sont parfois même plus pertinentes au sein de la mère-patrie et certainement peu acceptées dans la société canadienne. On se préoccupe aussi de leur tenue vestimentaire et de leur comportement8, des relations sociales avec les pairs (le Conflits entre générations Le fait que les sujets de la deuxième génération doivent mener un ensemble de combats pour l’appartenance, en raison de la difficulté de se trouver « entre » deux identités et vécus culturels, est une préoccupation de taille. Cela signifie qu’ils n’appartiennent pas aux paysages culturels passés de leurs parents et qu’ils n’appartiennent pas non plus, à part entière, à la culture « canadienne ». L’un des principaux problèmes observés au sein des 29 efforts pour me fondre dans la masse et pour ne pas être considérée comme une Indienne, je me souviens des fois où j’entendais des gens faire des commentaires au sujet des Indiens, pas à mon intention, mais au sujet des Indiens, devant moi, et lorsque j’entendais ces choses, je me sentais habituellement si mal au-dedans. Si mal. Et lorsque cet incident est arrivé à ma mère, alors qu’elle portait un sari, j’étais tellement… je ne sais pas, je ne voulais tout simplement pas être associée à tout cela. C’est à cause de ce dont vous parlez, toute cette question de ne pas vouloir être perçue comme différente11. soir, lors des sorties et des danses à l’école), de leur indépendance croissante à l’adolescence (qui fait rarement partie de la façon dont les communautés d’immigrants voient l’adolescence) et, le plus important peut-être, de leurs interactions avec les membres du sexe opposé et de leurs relations amoureuses avec des garçons qui n’appartiennent pas à leur communauté. Même si les cas comme le meurtre récent de la jeune Atwal sont rares et extrêmes, ces tragédies nous rappellent d’une façon poignante les conflits intergénérationnels qui sont le lot des communautés : pour de nombreux immigrants, le comportement de leurs filles touche directement le sentiment d’identité de la communauté, la dignité et la différence de celle-ci par rapport à la société canadienne blanche9. Ce témoignage illustre les effets profonds du racisme sur l’identité des sujets de la deuxième génération et les relations négatives qu’ils finissent par entretenir avec leurs familles et leurs communautés. Ces récits démontrent une différence fondamentale entre les combats de la première et de la deuxième génération en vue d’appartenir au groupe dominant : les immigrants vivent peut-être une situation plus difficile sur le plan économique et social, ont peut-être plus de mal à s’adapter et à refaire leur vie, mais il est possible que les sujets de la deuxième génération soient plus touchés dans leur identité et leur estime de soi parce que, contrairement à leurs parents, ils n’ont pas de souvenirs d’appartenance pour les aider à cet égard. Racisme et appartenance Alors que la documentation porte souvent sur les tensions entre les parents immigrants et leurs enfants nés au Canada, une partie de cette tension tient également au racisme et à la discrimination que subissent ces derniers en société. Nous le répétons, l’identité des immigrants adultes s’est construite généralement en fonction du cadre fourni par la patrie dans laquelle ils ont grandi. Dans un pays comme le Canada, la deuxième génération doit lutter contre le fait que l’on considère qu’elle appartient à une race différente, dans un contexte national où la « canadianité » est automatiquement associée à la peau blanche. Leurs combats respectifs pour l’appartenance à la société canadienne est peut-être ce qui distingue le plus les deux générations. Si les deux générations ont subi le racisme et l’exclusion, leurs réactions diffèrent considérablement, surtout parce que chez les groupes minoritaires de la première génération, l’enjeu est moindre au chapitre de l’appartenance à la société canadienne. Des auteurs comme Okano (1993), Rezai-Rashti (1994), Aujla (2000) et d’autres ont parlé de la honte et de l’embarras que ressentaient, en grandissant, les enfants des groupes minoritaires à l’égard de leur culture et de leur famille d’immigrants. Selon certains universitaires, même si les immigrants font plus ouvertement l’objet de racisme que leurs enfants nés ou élevés au Canada, ils peuvent par ailleurs puiser à une source plus profonde d’estime de soi (voir, par exemple, Bagley, 1987 ; Ou et McAdoo, 1993). Par contre, les sujets de la deuxième génération sont conscients, très jeunes, d’être « différents ». Ils risquent donc davantage d’avoir une identité personnelle négative, dans la mesure où ils s’aperçoivent que, même s’ils essaient très fort d’appartenir à la majorité, ils seront toujours considérés, plus ou moins, comme des personnes d’ailleurs ou, d’après Aujla (2000), comme des étrangers sur leur propre territoire : J’ai dit plus tôt que, d’une certaine façon, je pensais que j’allais toujours être une étrangère pour cette société jusqu’au jour où les gens qui me rencontreront ne sentiront pas le besoin de me demander d’où je viens. Jusqu’au jour où je n’aurai plus à prouver constamment ce que je vaux10. Conclusion Cette discussion souligne l’importance de la génération comme concept clé dans le cadre de l’étude de communautés de minorités visibles. Mon principal argument était que la documentation universitaire tout autant que non universitaire porte en majorité sur des questions qui concernent précisément les immigrants, à savoir les cours de langue et la formation professionnelle, l’apprentissage de normes culturelles, la façon de composer avec l’aliénation et les bouleversements familiaux, ainsi que les réactions au racisme et à la discrimination subis au sein de la société canadienne. Nous ne nions pas l’importance de ces travaux, car ils permettent une meilleure compréhension du vécu des immigrants. Néanmoins, dans une bonne partie de cette documentation, il y a le sentiment implicite que les minorités visibles sont composées d’immigrants et qu’elles ont des problèmes d’immigrants. Jusqu’à récemment, la documentation canadienne sur la question de la race négligeait souvent l’expérience des minorités non immigrantes d’origine étrangère, c’est-à-dire les sujets de la deuxième génération, ces enfants qui sont nés ou élevés au Canada et qui ont noué leurs principales relations sociales dans la société canadienne. Pour les sujets de la deuxième génération, l’appartenance n’est pas une question de cours de langue ou de formation professionnelle, de reconnaissance des diplômes étrangers, de méconnaissance des normes culturelles canadiennes ou de nostalgie de l’ancienne patrie. Cela concerne plutôt la difficulté d’être différent des autres : ils doivent tenter d’acquérir une identité nationale dans une nation qui les considère comme des étrangers, ils doivent subir le racisme, ouvertement et systématiquement, sur la base de différences raciales perçues plutôt que du caractère CITC Simplement en ce qui concerne la honte que je ressens et, j’imagine, comme vous le disiez, mes 30 différent de la culture, et ils doivent lutter pour concilier les exigences souvent concurrentes de la culture des pairs avec les attentes culturelles des familles et communautés d’immigrants. Ces problèmes s’étendent à diverses communautés ethnicisées ; toutefois, nous ne faisons que commencer à explorer les particularités du vécu des communautés chinoises, coréennes, somaliennes, sudasiatiques et autres. Des chercheurs universitaires comme Bagley, McAdoo, Handa et d’autres ont attiré notre attention sur les différences entre les immigrants et leurs enfants du point de vue de l’intégration à la société canadienne, mais il reste beaucoup à découvrir sur le vécu et l’identité des sujets de la deuxième génération et, en particulier, sur les stratégies qu’ils emploient pour négocier leur appartenance à leurs milieux d’existence extrêmement complexes. VALVERDE, Mariana. « When the Mother of the Race is Free: Race, Reproduction and Sexuality in First Wave Feminism », dans Franca Iacovetta et Mariana Valverde (dir.), Gender Conflicts: New Essays in Women’s History, Toronto, University of Toronto Press, 1992. Notes 1 Répondant N., dans Rajiva, M., Identity and Politics: Second Generation Ethnic Women in Canada, Mémoire de maîtrise, 1996, p. 122. 2 Tout au long du document, le terme « canadien » n’inclura pas les communautés ethnicisées et racialisées, car nous souhaitons bien faire comprendre que ce terme renvoie encore principalement à un occidental de race blanche. 3 Pour en savoir davantage sur la méthodologie utilisée, voir Rajiva, M., Identity and Politics: Second Generation Ethnic Women in Canada, Mémoire de maîtrise, 1996. Voir aussi Rajiva, M. Racing Through Adolescence: Becoming and Belonging in the Narratives of Second Generation South Asian Girls, Thèse de doctorat, 2004. 4 Par exemple, les Sud-Asiatiques sont présents dans certaines régions du Canada depuis le début des années 1900 et, malgré cela, on les perçoit comme étant une « nouvelle communauté » tant dans la documentation que chez le grand public. Voir, par exemple, K. E. Nayar. The Sikh Diaspora in Vancouver: Three Generations Amid Tradition, Modernity and Multiculturalism, Toronto, University of Toronto Press, 2004. 5 Répondant E., Rajiva, M., Identity and Politics: Second Generation Ethnic Women in Canada, Mémoire de maîtrise, 1996, p. 122. 6 Répondant N., Rajiva, M., Identity and Politics: Second Generation Ethnic Women in Canada, Mémoire de maîtrise, 1996. 7 Anita, participante à l’interview, dans M. Rajiva, Racing Through Adolescence: Becoming and Belonging in the Narratives of Second Generation South Asian Girls, Thèse de doctorat, 2004. 8 L’importance accordée à ces éléments peut varier selon la communauté. Par exemple, certaines communautés se préoccupent moins de la tenue vestimentaire et davantage du comportement et du maintien de certaines normes culturelles. 9 En 2003 en Colombie-Britannique, Amandeep Atwal, une jeune fille sikhe âgée de dix-sept ans, a été tuée par son père lorsqu’il a découvert qu’elle avait un petit ami de race blanche et qu’elle avait l’intention de vivre avec lui. 10 Répondant O., dans M. Rajiva, Identity and Politics: Second Generation Ethnic Women in Canada, Mémoire de maîtrise, 1996, p. 122. 11 Rose, participante à l’interview, dans M. Rajiva, Racing Through Adolescence: Becoming and Belonging in the Narratives of Second Generation South Asian Girls, Thèse de doctorat, 1996, p. 384. Références ANTHIAS, Floya et Nira YUVAL-DAVIS. « Introduction », dans Floya ANTHIAS et Nira YUVAL-DAVIS (dir.), Woman-Nation-State. New York, St. Martin’s Press, 1989. 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STASIULIS, Daiva et Nira YUVAL-DAVIS. « Introduction: Beyond Dichotomies – Gender, Race, Ethnicity and Class in Settler Societies », dans Daiva Stasiulis et Nira Yuval-Davis (dir.), Unsettling Settler Societies: Articulations of Gender, Race, Ethnicity and Class, Londres, Sage Publications, 1995. 31 REGARD SUR LES ENFANTS ET LES JEUNES IMMIGRANTS RÉSUMÉ Les enfants et les jeunes immigrants ont la possibilité de contribuer à la prospérité future du Canada sur le plan international. Malheureusement, la disparité entre les besoins complexes des enfants sur les plans linguistique, culturel, psychologique et économique et l’absence chronique de soutien et de services adaptés et coordonnés de la part des institutions et des organismes de service canadiens nuisent à l’épanouissement et à la contribution socioéconomique future des jeunes immigrants. Le présent article fait le point sur les besoins complexes et corrélatifs des enfants et des jeunes immigrants en matière de services sociaux, de santé, d’éducation et de justice et sur les divers contextes (maison, école, communauté) où ces besoins sont ressentis. Il fait également état de lacunes qui existent dans les services destinés aux enfants et aux jeunes immigrants, ainsi que de possibilités pour l’élaboration de politiques et de services. HIEU VAN NGO Barbara Schleifer est collaboratrice pour les activités de Centraide liées à l’investissement communautaire et aux partenariats dans la région de Calgary. Elle préside le Comité directeur des enfants et des jeunes immigrants de Calgary, et elle est l’ancienne coprésidente du Conseil sectoriel sur les immigrants de Calgary. Mme Schleifer est titulaire d’un diplôme de deuxième cycle en études du milieu. BARBARA SCHLEIFER Difficultés auxquelles se heurtent les enfants et les jeunes immigrants Au quotidien, les enfants et les jeunes immigrants font face à des difficultés sur le plan linguistique, culturel, psychologique et socioéconomique. Les Figures 1 et 2 font état de leurs besoins en matière de services sociaux, de santé, d’éducation et de justice, ainsi que des contextes dans lesquels ces besoins sont ressentis, notamment à la maison, à l’école et dans la communauté. Ces besoins sont à la fois complexes et en corrélation. Services sociaux Sur le plan de l’adaptation culturelle, les enfants et les jeunes immigrants subissent souvent des changements d’ordre cognitif et émotif pour diverses raisons : choc des cultures, manque d’expérience quant aux nouvelles normes et pratiques culturelles et tristesse liée au fait d’avoir quitté une langue, une culture et une communauté familières. Parce que les valeurs de la communauté peuvent aller à l’encontre des valeurs véhiculées à la maison, plusieurs de ces jeunes doivent faire de grands efforts pour se construire une identité culturelle positive. Le développement de leur identité CITC Hieu Van Ngo est coordonnateur de la Coalition pour l’égalité d’accès à l’enseignement et est étudiant au doctorat à la faculté du service social à la University of Calgary. L es enfants et les jeunes immigrants sont très présents dans la société canadienne. La population du Canada née à l’étranger représente 18,4 % de l’ensemble de la population, soit le niveau le plus élevé depuis les 70 dernières années (Statistique Canada, 2003). Un nombre considérable d’enfants et de jeunes sont nés à l’étranger. Sur les 1,8 millions d’immigrants qui sont arrivés au Canada dans les années 1990, 309 700 (ou 17 %) étaient des enfants et des jeunes âgés de cinq à seize ans (Statistique Canada, 2003). De plus, bon nombre d’enfants nés au Canada sont issus de ménages immigrants de première génération, et c’est l’une des raisons pour lesquelles 10,5 % de la population parle une langue autre que le français ou l’anglais à la maison (Statistique Canada, 2002). Plusieurs cas de réussite permettent de constater que les enfants et les jeunes immigrants s’adaptent et s’intègrent à la société canadienne, et témoignent du rôle positif que joueront ces jeunes dans le bien-être socioéconomique du Canada. Toutefois, un grand nombre d’enfants et de jeunes immigrants ne réussissent pas aussi bien et éprouvent des difficultés sur le plan linguistique, culturel, psychologique et économique. Les responsables des politiques, les organisations non gouvernementales (ONG) et les chercheurs doivent examiner leurs difficultés particulières de façon plus exhaustive et mettre sur pied des politiques et des services adaptés à leurs besoins afin de maximiser leurs chances de réussite et leur contribution éventuelle. Le présent article se fonde sur deux projets de recherche active auxquels ont participé des intervenants multiples à Calgary, soit Conversations for Change – An Overview of Services for Immigrant Children and Youth in Calgary et Immigrant Children in Focus: A Map of Needs Strategies and Resourcesi (voir Hurlock, McCullagh et Schissel, 2004 ; Ngo, 2004). Ces projets ont permis d’identifier les besoins particuliers des enfants et des jeunes immigrants en matière de services sociaux, de santé, d’éducation et de justice, ainsi que les lacunes qui existent dans les services qui leur sont offerts. Les projets ont également mis en lumière certaines possibilités quant à l’élaboration de politiques et de services, et les divers domaines d’application, pour les fournisseurs de services. 32 Figure 1 – Modèle interactif des besoins des enfants et des jeunes immigrants facteurs comme la race, l’origine ethnique, le sexe et l’orientation sexuelle peut rendre plus difficile leur développement et leur bien-être. Ces jeunes doivent composer avec d’importants obstacles individuels, familiaux et sociaux pour s’accepter et être acceptés par les autres. Ils doivent souvent confronter les craintes, l’homophobie, le rejet et l’ostracisme de la part de leur famille et de leur communauté, et ils peuvent faire l’objet de mépris, de harcèlement ou de violence. Communauté École Famille Social Éducation Enfants et jeunes immigrants Santé Santé Les enfants et les jeunes immigrants qui grandissent au sein de familles défavorisées sur le plan socioéconomique sont vulnérables à la malnutrition. Il est possible que ces jeunes aient eu un poids insuffisant à la naissance, qu’ils souffrent d’obésité ou qu’ils adoptent de mauvaises habitudes alimentaires. Plusieurs enfants et jeunes ont migré de pays en voie de développement où les risques de maladies transmissibles, soit infection à VIH, tuberculose, atteinte respiratoire aiguë, parasitoses intestinales, rougeole, hépatite B, maladies diarrhéiques, choléra et bilharziose (Cookson et coll., 1998), sont très élevés. Pour ce qui est de la santé en matière de sexualité et de reproduction, les enfants et les jeunes immigrants peuvent provenir de pays où persistent des tabous sexuels, certaines pratiques culturelles (mutilation génitale des femmes) ou affichant un taux élevé de maladies transmissibles sexuellement est élevé. Au Canada, ces jeunes peuvent éprouver de la confusion quant à la biologie et à la santé en matière de sexualité compte tenu des messages contradictoires véhiculés par les médias et la culture populaire et le manque d’éducation sur la santé en matière de sexualité et de reproduction. Pour ce qui est des maladies chroniques, les enfants et les jeunes de certains groupes ethniques sont plus vulnérables à des maladies liées au sang, comme la drépanocytose et la thalassémie. Certains jeunes ont été exposés à des produits toxiques pour l’environnement dans leur pays d’origine. D’autres sont vulnérables aux maladies respiratoires, notamment l’asthme, parce qu’ils ont été exposés à des changements de climat soudains ou à la fumée du tabac à la maison, ou parce qu’ils ont habité dans des logements insalubres. Les enfants et les jeunes réfugiés sont vulnérables aux troubles mentaux, aux perturbations affectives et aux troubles de comportement. Les enfants victimes de persécution, de la guerre, de violence ou les enfants qui ont perdu des membres de leur famille ou qui ont subi des traumatismes dans leur pays d’origine ou pendant la migration sont plus susceptibles de souffrir du syndrome de stress post-traumatique. Le racisme et la discrimination au Canada nuisent également à la santé mentale de nombreuses minorités visibles. Justice Famille École Communauté culturelle peut également être compliqué du fait d’un racisme intériorisé, qui découle de l’exposition aux stéréotypes négatifs associés aux minorités ethniques. En matière de soutien social, de nombreux enfants et jeunes subissent la séparation familiale, ont du mal à nouer des amitiés avec des enfants d’autres horizons ethniques, dépendent trop de leurs pairs qui ont de semblables antécédents culturels, éprouvent un sentiment d’aliénation et d’isolement, ou un accès limité à des personnes pouvant servir de modèle et à des mentors. Les enfants plus âgés, notamment, éprouvent souvent des difficultés à nouer des amitiés étant donné qu’ils arrivent à un âge où leurs pairs ont déjà un réseau social bien établi. Pour ce qui est de la transition à l’âge adulte, les jeunes immigrants ont le taux de chômage le plus élevé au Canada, soit 20 % pour les jeunes âgés de 15 à 24 ans en comparaison avec le taux national de 8 % (Statistique Canada, 2001). Les jeunes qui n’ont pas effectué des études soutenues et dont les connaissances de l’anglais et les capacités de lecture et d’écriture sont limitées ont souvent de la difficulté à s’intégrer sur le marché du travail. Les attentes contradictoires pour les hommes et les femmes en ce qui a trait à leurs droits, privilèges et responsabilités créent du stress pour les enfants et les jeunes. Dans certaines familles immigrantes, les filles doivent assumer une plus grande part des tâches ménagères. Elles se voient imposer davantage de restrictions et font l’objet d’une supervision accrue et d’un plus grand contrôle parental que les filles nées au Canada, notamment en ce qui a trait aux sorties avec des compagnons et aux rapports avec leurs pairs. Un autre sous-groupe, celui des jeunes immigrants homosexuels, bisexuels et transgenres, est un segment vulnérable de la population et affiche des taux élevés de suicide, de tentative de suicide, de dépression, de violence, de victimisation, d’abus d’alcool ou de drogues, ou de comportement à risque lié au VIH. L’intersection avec des Éducation Dans un nouveau milieu scolaire, les enfants immigrants doivent apprendre de nouveaux droits, , responsabilités, et façons de procéder, ainsi que les coutumes sociales. Ils doivent également, ainsi que leurs parents, 33 Tableau 1 – Sommaire des principales difficultés auxquelles doivent faire face les enfants et les jeunes immigrants DIFFICULTÉS INDIVIDUELLES SERVICES SOCIAUX SANTÉ ÉDUCATION JUSTICE Adaptation sur le plan culturel Nutrition Gangs de criminels et violence Soutien social et appartenance Santé en matière de sexualité et de reproduction Manque d’expérience avec le système scolaire au Canada Identité culturelle Identité sexuelle Problèmes chroniques de santé Cours d’anglais langue seconde Rôles en fonction du genre Problèmes de santé mentale Soutien pour les matières étudiées en classe Racisme intériorisé Traumatisme lié à la migration ou à la période précédant la migration Soutien pour les étudiants ayant des besoins spéciaux Emploi Maladies transmissibles Évaluations appropriées Abus d’alcool ou de drogues Prostitution Difficultés liées à l’application du processus juridique en fonction des jeunes Soutien en ce qui a trait à la langue d’origine Transitions CONTEXTE FAMILIAL Besoins fondamentaux Emploi Langue et alphabétisation des adultes Alphabétisation de la famille Réseaux sociaux et soutien Taux incongru d’acculturation Violence familiale Participation communautaire CONTEXTE SCOLAIRE Accès à un soutien systémique et compétent sur le plan culturel Participation parentale Appartenance et participation dans les activités scolaires Interaction avec les pairs et le personnel de l’école Racisme et discrimination CONTEXTE COMMUNAUTAIRE Appartenance et participation communautaire Racisme et discrimination Conditions socioéconomiques Influences néfastes seconde constitue un élément important pour comprendre la culture, réduire les écarts de génération avec les parents et développer une identité culturelle saine. Cette langue peut servir de tremplin pour le développement cognitif dans la langue anglaise. Malheureusement, de nombreux enfants et jeunes immigrants n’ont pas l’occasion d’apprendre ou de parler leur langue d’origine. Étant donné que le placement des élèves au Canada se fait en fonction de l’âge, les enfants et les jeunes immigrants peuvent se sentir désorientés au sein de leur classe. Ceux qui n’ont pas fait des études soutenues ont besoin d’un appui concret pour améliorer leurs capacités de lecture et d’écriture ainsi que leurs connaissances théoriques en vue d’atteindre un niveau de réussite, sur le plan académique, équivalent à celui des jeunes anglophones du même âge et nés au Canada. D’autre part, les enfants et les jeunes qui sont placés dans des classes avec des enfants beaucoup plus jeunes qu’eux peuvent également éprouver des difficultés sur le plan social et psychologique. Des difficultés linguistiques et socioculturelles particulières, accentuées par l’absence de soutien de la part du système d’éducation, ont pour effet de limiter la réussite des enfants et des jeunes immigrants sur le plan académique. Une fois qu’ils atteignent la sixième année, les jeunes dont l’anglais est la langue seconde se situent CITC apprendre comment accéder à des services de soutien. Des obstacles linguistiques et culturels, le statut socioéconomique, les tendances en matière d’acculturation et d’autres éléments peuvent compliquer la tâche de déterminer et d’évaluer les besoins des enfants et des jeunes immigrants sur le plan social et de l’éducation. Dans les principales commissions scolaires en milieu urbain, l’anglais est la langue seconde de 20 à 50 % des étudiants (Dawson, 1998 ; Dempster et Albert, 1998 ; McInnes, 1993). Ces étudiants sont arrivés de pays où l’on ne parle pas l’anglais ou ils sont nés au Canada de familles immigrantes ne parlant pas l’anglais à la maison. Ils ont besoin de deux à cinq années de cours d’anglais pour acquérir les connaissances de base nécessaires à la communication et de cinq à sept années pour maîtriser la langue aux fins des études (Cummins, 1994 ; Collier, 1989). L’enseignement de l’anglais langue seconde doit comporter des cours méthodiques donnés par des enseignants qualifiés dans un contexte approprié à cet apprentissage. Aussi, les élèves qui apprennent l’anglais langue seconde doivent avoir accès au soutien linguistique pour l’apprentissage des autres matières étudiées à l’école. Plusieurs ont besoin du soutien en langue seconde jusqu’au niveau postsecondaire. La première langue parlée par les enfants et les jeunes immigrants qui suivent des cours d’anglais langue 34 les décisions concernant les cours de langue et les services destinés aux enfants et aux jeunes immigrants sont prises par les responsables de l’administration scolaire, en fonction de leur volonté politique. En conséquence, les services destinés aux enfants et aux jeunes immigrants sont fournis de façon ponctuelle, et l’on accorde à ces services une moindre priorité. Plusieurs enfants et jeunes immigrants possédant des connaissances minimales en anglais se voient donc dispenser très peu de cours de langue, voire aucun. Sans un soutien approprié, les enfants et les jeunes immigrants sont beaucoup moins susceptibles de participer aux activités de l’école. Ils peuvent également avoir de la difficulté à établir des liens avec leurs pairs et le personnel de leur école. À l’échelle communautaire, l’absence de programmes favorisant l’intégration culturelle et une connaissance limitée des ressources et des services communautaires donnent lieu à un faible taux de participation des enfants et des jeunes immigrants dans les activités et les services communautaires. Le racisme et la discrimination individuels, institutionnels et culturels nuisent au sentiment d’appartenance de nombreux enfants et jeunes immigrants et favorisent l’isolement social et l’aliénation. De plus, la concentration de familles immigrantes dans des quartiers défavorisés fait en sorte que les jeunes immigrants ont difficilement accès aux ressources communautaires. Les enfants et jeunes immigrants habitant dans des quartiers défavorisés sont également plus vulnérables aux influences négatives, comme celle des gangs de criminels. deux années ou plus derrière les jeunes dont la langue maternelle est l’anglais (Cummins, 1981). Le taux de décrochage chez les jeunes dont l’anglais est la langue seconde est très élevé ; il se situe entre 61 et 74 % (Alberta Education, 1992 ; Gunderson, 2004 ; Watt et Roessingh, 1994, 2001). Les capacités en communication et la moyenne pondérée cumulative des étudiants universitaires issus de familles immigrantes, peu importe le nombre d’années qu’elles sont établies au Canada, n’est pas aussi forte que celle des Canadiens nés au Canada dont la langue maternelle est l’anglais (Grayson, 2004). Justice Une expérience de migration traumatisante, la pauvreté, des connaissances limitées de l’anglais, les conflits familiaux et intergénérationnels, l’isolement social, l’absence de sentiment d’appartenance et la discrimination rendent les enfants et les jeunes immigrants susceptibles à la victimisation et au recrutement par des bandes criminelles. Dans les grandes villes, on constate que les jeunes immigrants font partie de gangs de criminels et qu’ils sont impliqués dans des activités violentes, dans la prostitution, dans le trafic de stupéfiants et qu’ils font usage de drogues. Lorsque les jeunes immigrants sont en conflit avec le système judiciaire, leurs relations avec la police et les procédures judiciaires sont d’autant plus ardues. Toute une gamme de problèmes peut survenir : méfiance et crainte des symboles d’autorité, connaissance limitée du système juridique canadien et des droits constitutionnels, difficulté à comprendre et à fournir des informations correctes dans le cadre d’enquêtes et de procès, et problèmes de communication suite à des interprétations culturelles erronées. Lorsque des mesures et des sanctions extrajudiciaires, des peines carcérales ou des sanctions communautaires leur sont imposées, les jeunes immigrants peuvent avoir un accès restreint à des services communautaires significatifs, à des services de réadaptation et de thérapie, ainsi qu’à des services éducatifs adaptés à leur culture. Plusieurs d’entre eux ont de la difficulté à comprendre les conditions de la probation. Difficultés liées aux services pour les enfants et les jeunes immigrants De nouveaux aspects de la fourniture de services influent sur l’accès des enfants et des jeunes immigrants à des ressources et à des services. Les fournisseurs de services doivent composer avec l’absence de coordination et le manque de soutien. Plusieurs services actuels n’offrent pas un appui à long terme étant donné l’absence de financement soutenu. Même lorsque des services sont offerts, les fournisseurs ne savent souvent pas à qui référer les enfants et les jeunes immigrants. Cette situation est en partie attribuable à la complexité des besoins et au fait que les fournisseurs de services ne savent pas si les services actuels peuvent répondre aux besoins des jeunes. Certains fournisseurs tentent de comprendre les besoins des enfants et des jeunes immigrants et d’établir des liens avec eux mais plusieurs ignorent si leurs services favorisent l’intégration et s’ils sont accessibles aux enfants et aux jeunes immigrants. Un de leurs problèmes fondamentaux est de trouver les ressources nécessaires pour des services de traduction et d’interprétation. Toutes ces difficultés témoignent de l’importance de la compétence culturelle dans tous les services liés à la santé, à l’éducation, à la justice et aux services sociaux. Les fournisseurs de services doivent tenir compte de la diversité culturelle dans toutes les étapes de leur travail, notamment dans l’élaboration de politiques et de services, la communication, l’affectation de ressources, le recrutement et la formation professionnelle. La concurrence pour les fonds à une époque où les ressources sont limitées, ainsi que l’hésitation à partager Contextes familial, scolaire et communautaire Les contextes familial, scolaire et communautaire ont une incidence sur le bien-être et la réussite des enfants et des jeunes immigrants. Un grand nombre d’enfants et de jeunes immigrants grandissent au sein de familles touchées par divers problèmes socioéconomiques (obstacles culturels et linguistiques, chômage ou sous-emploi, isolement social, analphabétisme, discrimination ou participation communautaire limitée). Comme le taux de pauvreté est de 30 % pour les immigrants établis dans des villes (Lee, 2000), les familles immigrantes ont du mal à subvenir à leurs besoins essentiels (nourriture, logement, vêtements, garde d’enfants et transport). À l’école, les enfants et les jeunes immigrants peuvent ne pas avoir accès à un soutien compétent sur le plan culturel. L’absence de leadership de la part du système éducatif et la participation limitée des parents immigrants dans les activités scolaires font en sorte que 35 CITC bilatérale de subventions fédérales pour l’enseignement des l’information et les connaissances, sont des facteurs qui langues officielles aux enfants, de définir des normes et nuisent à la création de partenariats. Les fournisseurs des niveaux de compétence pour identifier et évaluer n’ont pas encore exploré de façon exhaustive les possibiles enfants et les jeunes immigrants qui ont besoin de lités de partenariat avec les écoles, les centres de ressources cours d’anglais langue seconde, d’établir un programme pour les familles, les organismes offrant des services à d’enseignement, donner les cours de langue et suivre les l’ensemble de la population, les organismes d’aide aux progrès des enfants. immigrants et les groupes ethnoculturels. Des efforts À l’échelle provinciale, les ministères responsables de conjoints sont nécessaires pour maîtriser les facteurs sysl’éducation doivent veiller à ce que des cours d’anglais témiques qui se répercutent sur les enfants et les jeunes langue seconde soient prévus pour tous immigrants ainsi que sur leur famille Sur les 1,8 million les niveaux. Ils doivent élaborer des (notamment la pauvreté, les connaissolutions axées sur la recherche qui sances linguistiques, la santé, l’éducation d’immigrants qui comprennent des mécanismes de et l’emploi). sont arrivés au responsabilité et ils doivent supprimer les restrictions financières injustifiées Recommandations Canada dans les (plafonds de financement de trois ou L’avenir des enfants et des jeunes années 1990, 309 cinq ans fondés sur le budget). Compte immigrants aura une incidence sur tenu des circonstances exceptionnelles l’avenir du Canada : tous doivent s’en 700 (ou 17 %) de bon nombre d’apprenants (réfugiés), soucier. Les responsables des politiques, étaient des enfants les ministères peuvent envisager les ONG et les chercheurs ont la possid’augmenter la limite d’âge afin de bilité de travailler en collaboration pour et des jeunes âgés tenir compte des apprenants qui faire en sorte que des services de qualité de cinq à seize ans accusent un retard dans leurs études ou soient offerts aux enfants et aux jeunes dont les études ont été interrompues. immigrants. (Statistique Canada, Les ministères responsables de l’éduÀ l’échelle nationale, le gouver2003). De plus, bon cation peuvent également jouer un rôle nement doit plaider en faveur d’une nombre d’enfants de chef de file et veiller à ce que la stratégie nationale qui met l’accent formation (éducation et autres domaines sur l’éducation, l’établissement et nés au Canada sont professionnels) donnée en vue de la l’intégration des enfants et des jeunes issus de ménages prestation de services tienne compte de immigrants. Cette stratégie doit inclure la compétence culturelle. Les autres tous les ministères fédéraux, notamment immigrants de ministères provinciaux qui traitent de Citoyenneté et Immigration Canada, première génération, la santé, des services sociaux et de la Santé Canada, Industrie Canada, Patrijustice doivent mettre sur pied des moine canadien, Ressources humaines et c’est l’une stratégies appuyant les initiatives en et Développement des compétences des raisons milieu scolaire et communautaire afin Canada, Justice Canada ainsi que de répondre aux besoins des enfants Sécurité publique et Protection civile pour lesquelles et des jeunes immigrants. Canada (Stratégie nationale pour la 10,5 % de la À l’échelle municipale, les fourprévention du crime). Elle doit viser nisseurs de services dans les domaines l’élaboration de mesures propres à population de la santé, de l’éducation, des services chaque ministère et d’initiatives interparle une langue sociaux et de la justice doivent travailler ministérielles appuyant des programmes autre que le français en partenariat afin de planifier et d’exéen milieu scolaire et communautaire qui cuter la coordination intersectorielle, répondent aux besoins des enfants et des ou l’anglais à pour l’ensemble du réseau, des services jeunes immigrants dans les domaines la maison. destinés aux enfants et aux jeunes des services sociaux, de la santé, de l’éducaimmigrants. En outre, ils doivent tion et de la justice. Parmi les éléments favoriser et inclure la compétence culturelle dans toutes prioritaires, citons : la recherche sur les enfants et les les pratiques. Les groupes communautaires et les écoles jeunes immigrants, les cours d’anglais langue seconde, les doivent travailler avec les parents d’enfants et de jeunes services d’accueil et d’orientation, la thérapie interculimmigrants afin de les aider à acquérir les compétences turelle et post-traumatique, l’alphabétisation des enfants, nécessaires pour défendre les intérêts de leurs enfants et des jeunes et de leur famille, la liaison multiculturelle, la ainsi influencer les décisions relatives à la disponibilité et prévention du crime et les interventions à cet égard, la à la qualité des services destinés aux enfants. Étant donné formation professionnelle pour les jeunes qui éprouvent que les enfants et les jeunes passent beaucoup de temps des difficultés en lecture et en écriture ou n’ayant pas fait à l’école, les fournisseurs de services et les groupes d’études avancées, le rôle des langues d’origine, la particicommunautaires peuvent améliorer les rapports avec pation parentale, la formation relative à la compétence les écoles afin de promouvoir le développement scolaire, culturelle, l’intégration dans les écoles et la communauté social et culturel des enfants et des jeunes immigrants. et, enfin, la pauvreté. Le gouvernement fédéral doit Les écoles et les commissions scolaires ont aussi un rôle travailler de pair avec le Conseil des ministres de l’Éduimportant à jouer dans l’élaboration de politiques, cation (Canada) afin de reproduire ou d’étendre l’entente 36 d’une réglementation et de programmes ayant pour objet la mise en place de cours de langue rigoureux sur le plan pédagogique, l’affectation équitable des ressources, le perfectionnement professionnel des employés, l’application de mesures de responsabilité et le suivi des progrès des étudiants. DEMPSTER, L. et S. ALBERT. « Calgary a Leader in Ethnic Minorities », Calgary Herald, 18 février 1998, p. A1-2. GRAYSON, J. P. ESL, Ethno-racial Origin, and Academic Achievement of University Students, ouvrage non publié, 2004. GREENSPON, E. « Time for the Next Challenge », Globe and Mail, 19 mai 2001. GUNDERSON, L. « The Language, Literacy, Achievement, and Social Consequences of English-Only Programs for Immigrant Students », dans J. Hoffman (éd.), The 53rd Annual Yearbook of the National Reading Conference, Milwaukee, National Reading Conference, 2004, p. 1-27. Conclusion Compte tenu du taux de natalité décroissant, du vieillissement de la population, du départ à la retraite des enfants du baby-boom et du classement du Canada (15e place) au sein des pays composant l’Organisation de coopération et de développement économiques pour ce qui est de la recherche et du développement, les enfants et les jeunes immigrants pourraient aider le Canada à surmonter ses nouvelles difficultés et contribuer à un avenir prospère (Greenspon, 2001 ; Roessingh, 2001). Il est essentiel que les institutions canadiennes élaborent des politiques et des services servant à favoriser la réussite académique et le bien-être économique des enfants et des jeunes immigrants. Elles doivent absolument veiller à ne pas contribuer à une sous-culture axée sur l’insuccès et la marginalisation dans laquelle les enfants et les jeunes ayant besoin de cours d’anglais langue seconde (et auxquels on refuse les cours de langue et les services de soutien) devront faire face, ou à une sous-utilisation, tout au long de leur vie, de leur potentiel humain. HERLOCK, D., K. McCULLAGH et C. SCHISSEL. Conversation for Change: An Overview of Services for Immigrant Children and Youth in Calgary, Calgary, Groupe financé par plusieurs sources, 2004. LEE, K. K. Urban poverty in Canada: A Statistical Profile, Conseil canadien de développement social, 2000. McINNES, C. First You Have to Learn English. Globe and Mail, 3 mai 1993, p. A1. NGO, H. Immigrant Children in Focus: A Map of Needs, Strategies and Resources, Calgary (Alberta), Coalition for Equal Access to Education, 2004. 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Le projet Conversation for Change: An Overview of Services for Immigrant Children and Youth in Calgary a été exécuté à la demande de la Ville de Calgary (Services de soutien aux familles et à la communauté), de Centraide (région de Calgary), de Patrimoine canadien, des ministère de l’Apprentissage de l’Alberta et du ministère du Développement communautaire, Droits de la personne et Citoyenneté de l’Alberta. Le projet Immigrant Children in Focus a été financé par le ministère du Développement communautaire, Droits de la personne, Citoyenneté de l’Alberta et du ministère du Patrimoine canadien. Nous tenons à remercier Amal Umar et Beth Chatten pour leurs précieux commentaires. WATT, D. et ROESSINGH, H. (1994). « Some You Win, Most You Lose: Tracking ESL Dropout in High School (1998-1993), English Quarterly, vol. 26, no 3 (1994), p. 5-7. WATT, D et ROESSINGH, H. « The Dynamics of ESL Drop-out: Plus ça change... », Canadian Modern Language Review = La revue canadienne des langues vivantes, vol. 58, no 2 (2001), p. 203-223. Note Références i ALBERTA EDUCATION. Review of Transcripts of Selected Immigrant Students Who Received ESL Funding, Edmonton, 1992. COLLIER, V. « How long? A Synthesis of Research on Academic Achievement in a Second Language », TESOL Quarterly vol. 23 (1989), p. 509-531. COOKSON, S., R. WALDMAN, B. GUSHULAK, D. MACPHERSON, F. BURKLE, C. PAQUET, E. KLIEWER et P. WALKER. « Immigrant and Refugee Health », Emerging Infectious Diseases, vol. 4, no 3 (1998), p. 427-429. CUMMINS, J. « Age on Arrival and Immigrant Second Language Learning in Canada: A Reassessment », Applied Linguistics, no 2 (1981), p. 132-149. CUMMINS, J. « The Acquisition of English as a Second Language », dans K. Spangenberg-Urbschat et R. Pritchard (éds.), Kids Come in All Languages, Newark, International Reading Association, 1994, p. 36-62. DAWSON, C. « Administrators Warned to Keep Track of ESL Results », Calgary Herald, 7 janvier 1998, p. B2. 37 Les deux documents, Conversation for Change: An Overview of sServices for Immigrant Children and Youth in Calgary et Immigrant Children in Focus: A Map of Needs, Strategies and Resources, sont le résultat de travaux exhaustifs effectués par des intervenants de divers secteurs. Compte tenu des résultats et de la détermination des intervenants à poursuivre leur collaboration, la Ville de Calgary pourra faire en sorte que les enfants et les jeunes immigrants aient un bon départ dans la vie. Vous pouvez consulter les documents sur les sites suivants : http://www. calgaryunitedway.org/research_reports.htm and http://www.eslaction.com. ENCORE PLUS DE TÊTES GRISES Les immigrants âgés au Canada RÉSUMÉ Au Canada, deux tendances démographiques intéressantes peuvent actuellement être observées : un vieillissement de la population et une croissance de la population fondée sur l’immigration. La combinaison de ces deux tendances a entraîné la formation d’un nouveau groupe d’immigrants âgés dont la création semble être passée inaperçue. Ceci est donc un nouveau défi auquel notre pays doit maintenant faire face. L’auteur de cet article suggère qu’il est nécessaire d’effectuer des recherches supplémentaires sur les besoins (physiologiques, économiques, sociaux) des immigrants âgés. Il serait aussi nécessaire de les informer davantage sur les programmes et services qui leur sont offerts. L’auteur désire encourager un plus grand nombre d’aînés appartenant à des minorités ethnoculturelles de participer dans le processus de prise de décision concernant les questions qui les touchent. V CITC DOUGLAS DURST Douglas Durst est professeur à la Faculté de service social, University of Regina. ers la fin du 19e siècle, le chancelier Otto von Bismark d’Allemagne a appris que l’espérance de vie des hommes correspondait à 65 ans, ce qui l’a poussé à mettre en œuvre le premier régime de soutien gouvernemental pour les retraités. Il ignorait que son geste aurait des répercussions sur tous les pays de l’hémisphère occidental et se propagerait ensuite au reste du globe. Sans le vouloir, il a établi à 65 ans l’âge normal de la retraite, qui est aussi l’âge à partir duquel une personne est généralement perçue comme un « aîné ». Au Canada, deux tendances démographiques intéressantes peuvent actuellement être observées : un vieillissement de la population et une croissance de la population fondée sur l’immigration. La combinaison de ces deux tendances a entraîné la formation d’un nouveau groupe d’immigrants âgés dont la création semble être passée inaperçue. Lorsque le chancelier von Bismark a fixé à 65 ans l’âge de la retraite, les personnes âgées de 65 ans se trouvaient véritablement à la fin de leur vie. Or, l’espérance de vie n’a cessé de croître au cours des cent ans qui ont suivi, même si la « vieillesse » est toujours considérée comme une même et seule étape de la vie. Une personne à la retraite est un « aîné », qu’elle soit âgée de 65 ou de 95 ans, ce qui représente tout de même une différence de 30 ans. Cela revient à comparer un enfant de 5 ans et un adulte de 35 ans, ou une personne de 20 ans et une autre de 50 ans. Suzman et Riley (1985) définissent trois catégories de personnes âgées de plus de 65 ans : les jeunes-vieux (de 65 à 75 ou 80 ans), les vieux-vieux (de 75 ou 80 à 90 ans) et les très vieux (plus de 85 ou 90 ans). Les changements physiques et mentaux qui surviennent pendant les trente dernières années de vie sont plus importants que ceux qui surviennent à n’importe quelle autre période, sauf peut-être entre la naissance et 5 ans. Les personnes qui appartiennent aux trois groupes se distinguent de façon importante mais elles font toutes l’expérience d’une perte, que ce soit une perte financière (revenu, épargnes, coûts des soins de santé), physiologique (force, ouïe, vue, mobilité), émotionnelle (famille, amis, mort, isolement, solitude) et intellectuelle ou psychologique (mémoire, connaissances, contrôle des émotions). Les jeunes-vieux continuent souvent d’être actifs et profitent de rôles et d’activités gratifiants. Pour certains, cette étape peut se dérouler sous le signe d’une expressivité et d’une créativité exacerbées. Ces personnes se comparent davantage à des personnes d’« âge moyen » qui auraient davantage de temps pour elles. Les vieux-vieux, quant à eux, subissent des pertes de plus en plus nombreuses mais peuvent tout de même profiter de vies bien remplies s’ils jouissent du soutien de leur milieu et de la société. Les très vieux sont souvent handicapés physiquement ou mentalement et doivent recevoir des services de soutien prolongés, quelquefois en institution (Schaie et Willis, 1998). On les appelle parfois les « personnes âgées en perte d’autonomie ». L’étude des « immigrants » est une tâche complexe qui devient encore plus ardue lorsque l’âge entre en ligne de compte. Par exemple, les chercheurs fusionnent souvent les données relatives aux réfugiés et aux immigrants et n’établissent aucune distinction entre les différentes catégories d’immigrants (regroupement familial, immigration économique et autres) et de réfugiés (pris en charge par le gouvernement, parrainés, ayant obtenu le droit d’asile). Les personnes qui font partie de la catégorie de l’immigration économique ont souvent immigré au pays à l’adolescence ou au 38 pour classer les personnes dans différentes catégories. En début de leur vie d’adulte. Par exemple, les universités et le général, chacune de ces variables peut servir de point de secteur des soins de santé ont recruté des personnes qui comparaison avec le groupe dominant et, puisque les immipossédaient différents profils. Bon nombre des personnes grants plus âgés ou faisant partie d’une minorité visible embauchées lors des travaux d’expansion des universités sont en moins bonne santé et ont des revenus moins élevés dans les années 1970 approchent de la retraite et s’apprêque les membres du groupe dominant, leur « statut » est à tent à devenir membres du groupe des aînés. Elles ont « risques multiples ». Tous les immigrants ne font pas élevé leurs enfants ici et elles sont maintenant chez elles au partie d’une « minorité visible » et un grand nombre d’immiCanada, même si elles ont pensé retourner dans leur pays grants âgés peuvent être considérés comme faisant partie d’origine après leur arrivée. Elles ont choisi de demeurer de la société dominante. De plus, comme les femmes vivent au pays et leur choix ont une incidence sur notre collecplus longtemps que les hommes, le pourcentage de femmes tivité. Leur situation peut être très différente de celle des augmente au fil des années. Cela entraîne une augmenaînés qui n’ont immigré au pays que récemment et à tation des « risques » liés à l’âge, au sexe, à l’appartenance l’intention de qui il faudra mettre en œuvre des politiques à une minorité visible, à l’appartenance et des programmes différents. à un groupe ethnique, à la langue, à Un grand nombre d’immigrants et l’état de santé, au revenu, etc., qui désade réfugiés ont parrainé leurs parents Les approches vantage la personne. Cependant, l’étude et/ou leurs grands-parents dans le cadre fondées sur les d’une structure de population ne tient du programme de regroupement familial. pas compte des changements survenus Nombre de ces parents et grandsrisques multiples et chez les membres du groupe au fil des parents originaires de régions comme sur le nivellement années. On suppose que si les membres l’Asie ne parlent ni l’anglais ni le français du groupe sont pauvres et en mauvaise et dépendent entièrement de leurs enfants négligent de tenir santé au départ, ils le seront toujours, ce sur les plans social et financier. Certains compte de la qui n’est pas forcément vrai. Si les d’entre eux sont très isolés. Ces immidiversité qui existe risques multiples ne touchent que les grants sont plus âgés et nécessitent des membres de la classe inférieure d’une services sociaux et de soins de santé au sein des groupes minorité visible, c’est donc la classe sociale différents de ceux des immigrants de la de minorités plutôt que l’appartenance à un groupe catégorie de l’immigration économique. ethnique qui est à l’origine des risques Le vieillissement croissant des immigrants visibles et des multiples (Novak, 1997). entraîne, pour le Canada, une augmenrépercussions D’autres travaux de recherche ont tation du nombre d’immigrants du suggéré qu’un nivellement et une congroupe vieux-vieux qui provient de de la vie vécue vergence des indicateurs se produisent deux sources. En effet, bon nombre avant l’immigration au fur et à mesure que les personnes d’immigrants et de réfugiés âgés ont vieillissent. L’écart entre les indicateurs immigré au pays alors qu’ils étaient au Canada. de la qualité de vie des aînés appartenant déjà des aînés et ont passé la plupart de à une minorité ethnique et les membres leur vie (et de leur vieillesse) dans leur du groupe dominant diminue au fur et à mesure que les pays d’origine. années passent, en raison de facteurs comme l’existence de Il est par exemple facile de voir les différences qui liens familiaux forts et du soutien des proches. Si une existent entre deux immigrants/réfugiés âgés originaires personne d’âge moyen issue d’une minorité ethnique de Hong Kong. La gouverneure générale du Canada, la très gagne un revenu peu élevé, elle continue de recevoir à peu honorable Adrienne Clarkson, a immigré au pays en tant près le même montant d’argent après sa retraite lorsqu’elle que réfugiée alors qu’elle n’était qu’une enfant pendant la cesse de recevoir des revenus d’emploi et qu’elle se met à Seconde guerre mondiale. Elle a grandi au Canada et a recevoir des prestations des programmes de soutien du vécu toute sa vie au sein de la société canadienne. Sa situarevenu (Novak, 1997). tion est donc très différente de celle d’une grand-mère Les approches fondées sur les risques multiples et sur qui a immigré au pays dans le cadre du programme de le nivellement négligent de tenir compte de la diversité qui regroupement familial à 70 ans. Il est important que les existe au sein des groupes de minorités visibles et des réperchercheurs, les analystes en matière de politiques et les cussions de la vie vécue avant l’immigration au Canada. personnes chargées de l’élaboration des politiques tiennent Par exemple, les réfugiés et les immigrants originaires de compte de ces différences et évitent d’élaborer de fausses la République populaire de Chine et de Hong Kong vienhypothèses et des généralisations erronées. nent de deux cultures très différentes mais ils sont souvent Les travaux de recherche gérontologique portant sur regroupés lors de l’élaboration de rapports statistiques. les groupes minoritaires sont, en général, fondés sur l’apLes immigrants récents et les immigrants qui sont au pays plication de trois cadres théoriques : les risques multiples depuis plusieurs années ont des expériences de vie diffé(multiple jeopardy), le nivellement (leveling) et la perspective rentes qui ne sont pas nécessairement comparables, mais relative au cours de la vie (life course perspective) (Novak, ils sont tous comptés comme des « Chinois ». En outre, 1997). Lorsqu’ils appliquent le cadre théorique des risques certains des réfugiés originaires de l’Amérique centrale et multiples, les chercheurs utilisent des variables comme l’âge, de l’Amérique du Sud ont été victimes d’expériences traule sexe, le revenu, le niveau d’études, la présence ou non matisantes et de torture. Ces expériences, et bien d’autres, d’un handicap ou l’appartenance à un groupe ethnique 39 groupes d’immigrants et se rapprochent de la moyenne nationale avec 11,7 % de personnes âgées de plus de 65 ans. L’hypothèse voulant que les « immigrants » soient des jeunes n’est donc pas fondée. On trouve au Canada de nombreux immigrants qui possèdent des profils variés. La population de personnes âgées est le reflet de la mosaïque canadienne. Si l’on se fie aux pourcentages, les plus jeunes immigrants proviennent de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud (6,7 %). Comme on aurait pu s’en douter, les immigrants venus d’Afrique et d’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Laos, Vietnam) sont aussi plutôt jeunes et comptent environ 8 % de personnes âgées de plus de 65 ans. Cependant, puisque plusieurs immigrants originaires d’Asie de l’Est sont venus au Canada à titre de réfugiés pendant la guerre civile du Vietnam, on s’attend à ce que le nombre de personnes âgées originaires de ces pays augmente. Le Tableau 2, Immigrants âgés et lieu de naissance, indique le pourcentage d’aînés originaires de chaque région du monde au sein de la population totale d’aînés canadiens. On peut dégager certains chiffres intéressants. Sur la population totale d’aînés, 28,4 % sont des immigrants (ce pourcentage était de 16,9 % en 1981) et 19,4 % de tous les aînés sont originaires d’Europe. Cependant, l’analyse des chiffres relatifs aux immigrants asiatiques montre que 5,4 % des personnes âgées qui se trouvent au Canada (soit une personne sur vingt) sont asiatiques et que 4,4 % sont originaires de l’Asie du Sud. Ces aînés asiatiques habitent surtout dans les grandes villes mais sont présents partout au Canada. Dans l’ensemble, 7,2 % des personnes âgées sont membres d’une minorité visible (ce pourcentage était de 6 % en 1996). Le graphique qui suit, intitulé Pourcentage d’immigrants âgés par continent, indique que 68 % de tous les immigrants âgés sont originaires d’Europe et que 19 % des immigrants âgés (soit un immigrant âgé sur cinq) sont originaires d’Asie. Le portrait des immigrants âgés est en train de changer. Le gouvernement canadien a mis en place deux grands programmes de sécurité du revenu dont plusieurs immigrants peuvent profiter. Tous les immigrants âgés (plus de 65 ans) qui habitent au Canada depuis dix ans ou plus peuvent recevoir des prestations dans le cadre du programme de sécurité de la vieillesse, qui fournit une pension modeste. Si la personne âgée a immigré au pays à ont une influence subtile mais importante sur leur comportement et compromet la valeur de toute comparaison simplifiée. Les expériences de vie et les points de vue qualitatifs et subjectifs constituent des facteurs qui ont une importante influence sur l’intégration, la satisfaction en ce qui a trait à la vie, la santé mentale et la stabilité émotionnelle (Novak, 1997). Par conséquent, les expériences vécues offrent un cadre précieux pour la réalisation de travaux de recherche sur les immigrants et sur les réfugiés âgés. Il arrive souvent que des traumatismes vécus plusieurs décennies auparavant ressurgissent chez des personnes âgées en perte d’autonomie qui souffrent de dysfonctionnement cognitif ou de problèmes émotionnels. Situation actuelle au Canada Selon le recensement effectué en 2001, 5,1 % des habitants du Canada sont « âgés » et 12,2 % sont des « aînés » (65 ans et plus). Cela représente une augmentation par rapport au pourcentage de 9,1 % obtenu en 1981. Comme la plupart des pays développés, le Canada subit une augmentation de sa population vieillissante en raison d’une prolongation de l’espérance de vie et d’une diminution des naissances. On s’attend à ce que le nombre d’aînés ne cesse de croître et Statistique Canada prévoit même qu’ils représenteront 23 % de tous les Canadiens d’ici 2041. La plus grande croissance pourra être observée chez les vieux-vieux et chez les très vieux. La population d’aînés est constituée pour la plus grande partie de femmes, qui représentent 57 % des personnes âgées de plus de 64 ans. Ce pourcentage atteint 60 % dans le cas des vieux-vieux (de 75 à 84 ans) et 70 % dans le cas des très-vieux (plus de 85 ans). Le Tableau 1 indique le pourcentage d’immigrants âgés par pays de naissance pour deux tranches d’âge (65 à 74 ans, et 75 ans et plus). Près de 19 % des immigrants du Canada sont âgés de plus de 65 ans, ce qui est une proportion beaucoup plus élevée que la moyenne pour l’ensemble des Canadiens, qui est de 12,2 %. Par ailleurs, près de 31 % des immigrants originaires d’Europe sont âgés de plus de 65 ans. On peut donc dire que les immigrants européens constituent une population vieillissante. Les personnes âgées originaires d’Asie de l’Est (principalement de Hong Kong, de la Chine et de Taïwan) représentent 13 % des immigrants de cette région. Les immigrants originaires des Caraïbes sont aussi plus âgés que les membres des autres Tableau 1 – Immigrants âgés et lieu de naissance Pourcentage Pourcentage pour chaque groupe 65 à 74 ans 75 ans et plus 7,1 5,1 12,2 Pourcentage total d’immigrants 11,1 7,8 18,9 Pourcentage total – Europe 17,3 13,4 30,7 4,6 2,1 6,7 Pourcentage d’aînés dans la population canadienne Pourcentage total – Amérique centrale et du Sud – Caraïbes « Aînés » de 65 ans et plus 7,0 3,4 11,4 Pourcentage total – Afrique 5,5 2,5 8,0 Pourcentage total – Asie 3,4 9,7 8,2 4,8 13,0 – Asie du Sud-Est 5,1 2,8 7,9 – Asie du Sud 5,2 3,3 8,5 CITC 6,5 – Asie de l’Est 40 l’âge de 62 ans, elle pourra recevoir des prestations à partir de 72 ans, peu importe qu’elle ait déjà travaillé au Canada ou non. Si la personne âgée est à faible revenu, elle pourra recevoir d’autres prestations dès l’âge de 60 ans, dans la mesure où elle aura passé dix ans au Canada. Le Canada a en outre conclu des ententes internationales en matière de sécurité sociale avec un grand nombre de pays afin de permettre aux immigrants de satisfaire aux critères établis pour l’obtention de prestations de la part de l’un ou de l’autre des pays. Une entente peut, par exemple, faire en sorte que les périodes de contribution au système de sécurité sociale de l’autre pays (ou, dans certain cas, les périodes de résidence à l’étranger) puissent être ajoutées aux périodes de contribution au Régime de pensions du Canada afin de permettre à une personne de satisfaire aux critères minimaux établis. Une telle entente permettrait par exemple à un citoyen de l’Allemagne d’avoir droit au Régime de pensions du Canada, y compris aux prestations de retraite, d’invalidité et de survivant au Canada. Ces ententes ont toutes été conclues avec des pays développés qui ont mis en place un programme de sécurité du revenu pour les personnes âgées et, bien que cela ne se soit produit qu’à quelques rares reprises, certaines personnes ne sont venues vivre au Canada qu’au moment de leur retraite. Cela peut sembler étrange, mais pour ces personnes, il s’agissait d’une façon de venir rejoindre leurs enfants adultes déjà installés au pays. Cela dit, les personnes âgées qui ont immigré au pays alors qu’elles étaient déjà vieilles peuvent se retrouver complètement dépendantes de leur famille du point de vue financier. Graphique 1 – Pourcentage d’immigrants âgés par continent 2 % Amérique centrale et du Sud 2 % Afrique 1 % Autres 3 % Caraïbes 5 % États-Unis 19 % Asie 68 % Europe la situation devraient être mis en œuvre dans toutes les sphères de la société. Il est nécessaire de mener d’autres recherches et de s’intéresser davantage aux répercussions de la situation sur les politiques et sur les programmes. Le Centre d’excellence des Prairies pour la recherche en immigration et en intégration, un site Metropolis canadien, a reconnu le manque de recherches dans ce domaine et a financé une étude préliminaire portant sur l’aspect social de la question. Cette étude peut être qualifiée d’holistique dans la mesure où elle considère l’immigrant âgé comme une personne à part entière avec des besoins sociaux, économiques, physiques, émotionnels et spirituels. L’étude comprenait l’examen, au moyen de données qualitatives et quantitatives, des facteurs socioculturels, familiaux et interpersonnels, ainsi que des conditions de vie. La diffusion des conclusions est en cours et les résultats préliminaires ont été intégrés au présent article. Les immigrants âgés doivent pouvoir prendre des décisions en ce qui a trait aux questions qui les touchent et ils doivent participer et être représentés dans tous les paliers des organisations, des ministères et des comités. En tant que participants actifs, ils auront leur mot à dire sur le développement de politiques, d’initiatives sociales et de programmes (ACSP, 1988). Questions et besoins en matière de développement Les changements survenus en ce qui a trait aux données démographiques nous obligent à mieux comprendre et à mieux tenir compte de la diversité qui existe au sein de la population de personnes âgées. Des changements importants ont eu lieu au cours des dernières années suite à la publication, par Driedger et Chappell, du document intitulé Aging and Ethnicity : Toward an Interface (1987). Des efforts visant à améliorer la compréhension de Tableau 2 – Immigrants âgés et lieu de naissance Pourcentage Pourcentage d’aînés canadiens 65 à 74 ans 75 ans et plus « Aînés » de 65 ans et plus Pourcentage d’aînés canadiens 58,1 41,9 100,0 Pourcentage total – non immigrants 71,2 71,7 71,4 Pourcentage total – immigrants Pourcentage total – Europe Pourcentage total – Amérique centrale et du Sud – Caraïbes 28,6 28,0 28,4 100,0 100,0 100,0 18,8 20,2 19,4 0,7 0,4 0,6 1,0 0,7 0,8 Pourcentage total – Afrique 0,7 0,5 0,6 Pourcentage total – Asie 6,1 4,5 5,4 – Asie de l’Est 2,9 2,3 2,6 – Asie du Sud-Est 1,1 0,9 1,0 – Asie du Sud 1,5 0,9 1,2 41 CITC Les immigrants âgés constituent une ressource potentielle pour la société canadienne et il faudrait trouver des moyens d’encourager la participation de bénévoles aux efforts des organismes qui fournissent des services aux groupes ethniques. La notion de bénévolat ne veut parfois rien dire pour les membres de certains groupes et il pourrait être nécessaire de mettre en œuvre des mesures visant à promouvoir le travail bénévole. L’information relative aux services et aux programmes offerts doit être mise à la disposition des immigrants âgés. Les obstacles linguistiques qui empêchent l’accès aux organismes de services doivent être aplanis au moyen d’interprètes, de la traduction des documents et de l’embauche d’employés parlant plusieurs langues. Les obstacles linguistiques font en sorte que les immigrants âgés ne sont pas en mesure de profiter des services qui leur sont destinés et les empêche de recevoir l’aide et l’information dont ils ont besoin ou auxquelles ils ont droit. Des changements doivent être apportés aux principaux organismes de prestation de services sociaux et de soins de santé afin de mieux servir les immigrants âgés (Olson, 2001). En effet, certains organismes prestateurs de services ne répondent pas aux besoins des immigrants âgés et ne tiennent pas suffisamment compte des différences culturelles (Gelfand, 2003). Ironiquement, la plupart des organismes de prestation de services sociaux et de soins de santé comptent des employés de diverses origines ethniques, qu’il s’agisse de préposés aux services de garde ou de soutien ou de professionnels. Au nombre des suggestions visant des changements, nommons le fait de demander aux fournisseurs de services de procéder à la réévaluation des services offerts. Par exemple, l’un des principaux problèmes relatifs aux immigrants âgés est l’absence de mets appropriés dans les établissements de soins de longue durée. Puisqu’un grand nombre de ces immigrants âgés sont en perte d’autonomie et ont immigré au Canada dans le cadre du programme de regroupement familial, ils ont eu peu de temps pour s’habituer au mode de vie et aux mets occidentaux. Ils sont souvent admis dans un établissement de soins de longue durée alors qu’ils sont en mauvaise santé et les dernières années de leur vie leur apportent peu de joie. Il existe aussi un manque à combler dans les services offerts aux personnes âgées ayant des besoins spéciaux, notamment dans le domaine de la santé mentale et des soins aux personnes en fin de vie (Butler, Lewis et Sunderland, 1998 ; Fisher, Ross et MacLean, 2000). Un nombre insuffisant de recherches ont été réalisées sur la santé mentale des immigrants âgés, particulièrement en ce qui concerne les immigrants âgés qui ont été victimes de violence et qui ont subi des traumatismes dont les répercussions se font sentir plusieurs années plus tard. Les valeurs relatives à la prise en charge des parents âgés par leurs enfants ont changé et un plus grand nombre d’immigrants âgés vivent de façon autonome par choix. Afin de vivre de façon autonome, cependant, un grand nombre de ces immigrants doivent recevoir des prestations de sécurité économique et avoir accès à des services de soutien. Ils peuvent par exemple avoir besoin de recevoir des services de soins de santé à domicile, de repas à domicile et de garde de jour ou de répit adaptés à leur culture. 42 De façon générale, les immigrants appartenant à des minorités ethnoculturelles doivent être reconnus et valorisés en raison de leur différence, avoir davantage de pouvoirs de prise de décisions en ce qui a trait aux questions politiques, économiques, sociales, et relatives aux soins de santé, et avoir une meilleure connaissance des services et des programmes qui leur sont offerts. Nous vieillissons tous un peu plus chaque jour et de nouveaux cheveux gris font leur apparition. Notre pays, où le multiculturalisme règne en maître, doit maintenant faire face à de nouveaux défis liés au vieillissement de sa population. 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OLSON, Laura Katz, (éd.). Age Through Ethnic Lenses : Caring for the Elderly in a Multicultural Society, Oxford (UK), Rowman & Littlefield Publishers, Inc., 2001. SCHAIE, K. Warner et Sherry L. WILLIS. Adult Development and Aging, 4e édition, New York, HarperCollins Publishers Inc., 1996. SUZMAN, R. et M. W. RILEY. « Introducing the ‘Oldest Old’ ». Milbank Memorial Fund Quarterly : Health and Society, no 63 (1985), p. 177-185. LES AÎNÉS ET L’IMMIGRATION Services et questions RÉSUMÉ La Calgary Catholic Immigration Society (CCIS) est un organisme à but non lucratif qui tente de répondre efficacement aux besoins et aux préoccupations des immigrants âgés. Dans cet article, les auteures décrivent les obstacles auxquels cette population est confrontée – surtout sur le plan de la langue – et les activités qu’entreprend la CCIS dans le but de faciliter l’intégration « réciproque ». À leur avis, nous devons poursuivre nos recherches sur les immigrants âgés pour soutenir davantage le travail des fournisseurs de services. C TRACY WITYK ET MYRTA REYES Tracy Wityk et Myrta Reyes travaillent à la Calgary Catholic Immigration Society (CCIS), Immigrant Seniors Services. algary se classe au quatrième rang parmi les destinations canadiennes choisies par les immigrants et les réfugiés. D’ailleurs, 20,9 % des Calgariens sont nés à l’extérieur du Canada (Statistique Canada, 2001). Environ un tiers (31 % des personnes de 45 à 64 ans et 37 % des personnes de plus de 65 ans) des personnes âgées qui habitent à Calgary ont immigré au Canada (Statistique Canada, 2001). La plupart d’entre eux (54 %) sont arrivés au pays entre l’âge de 20 et 39 ans et y sont restés (Statistique Canada, 2001). Étant donné que le nombre d’immigrants au Canada – y compris les aînés – ne cesse d’augmenter, et étant donné que notre population est vieillissante, le nombre d’immigrants âgés au Canada et à Calgary continuera à augmenter. Nous devons nous adapter à ces données démographiques et accueillir et servir efficacement les immigrants âgés. La Calgary Catholic Immigration Society (CCIS) est un organisme qui tente de répondre efficacement aux besoins et aux préoccupations des immigrants âgés ; elle encourage également d’autres organismes à faire de même. La CCIS est un organisme à but non lucratif dirigé par des bénévoles, qui fournit des services d’établissement et d’intégration à tous les immigrants et les réfugiés du Sud de l’Alberta. C’est avec dévouement et détermination que nous collaborons avec la communauté pour aider les immigrants et les réfugiés à s’établir et à contribuer à la société canadienne. Il y a huit ans, la CCIS a mis sur pied les services aux immigrants âgés (Immigrant Seniors Services – ISS) pour favoriser l’intégration réciproque et l’accès des immigrants âgés aux services communautaires, conformément à son mandat. Les ISS sont financés par les Family and Community Support Services de la Ville de Calgary. La CCIS est un chef de file dans le domaine des services communautaires, notamment sur le plan de la prestation de services offerts aux immigrants âgés, grâce à ses programmes et ses initiatives spéciaux, dont le développement communautaire. Les ISS comprennent : • l’évaluation des besoins ; • la gestion des cas ; • des services de notaire ; • de l’aide pour compléter les formulaires ; • des services linguistiques ; • des ateliers d’éducation préventive destinés aux immigrants âgés ; • le soutien des activités et des événements d’intégration réciproque ; • des services de bénévoles ; • l’évaluation de l’amélioration des compétences culturelles, la formation et le soutien ; • l’identification des besoins des immigrants âgés à l’aide de groupes de discussion ; et • l’expression des besoins et des préoccupations des immigrants âgés en comités. Les immigrants âgés courent des risques élevés tout au long du processus d’établissement ou d’immigration. Le travail qu’ont accompli les bénévoles des ISS auprès des immigrants âgés leur a permis d’identifier des difficultés et obstacles importants auxquels fait face cette population, dont : • le choc culturel : les immigrants âgés ont vécu dans une autre culture et un autre environnement pendant si longtemps que les changements exigés par leur nouvel environnement peuvent être particulièrement déroutants ; 43 CITC Seniors Services Society, 1992). La plupart des cours • la communication : les barrières linguistiques, cultud’anglais langue seconde sont davantage axés sur des relles et l’accès limité à l’information sont fréquents ; problématiques qui touchent les personnes plus jeunes, • le soutien familial : ils dépendent beaucoup des comme l’emploi. Beaucoup de personnes âgées ont de la autres, en particulier des proches plus jeunes, sur le difficulté à suivre des cours d’anglais langue seconde parce plan financier, social et psychologique ; qu’ils s’occupent de leurs petits-enfants ou parce que le • le soutien social : perte d’amis et difficulté à s’en transport jusqu’à l’école de langue leur pose problème. À faire d’autres ; les groupes de soutien social et les la CCIS, le projet d’alphabétisation des aînés (Seniors activités de loisirs peuvent être mal connus et ne sont Literacy Project) donne l’occasion aux immigrants âgés de pas toujours appréciés du point de vue culturel ; suivre des leçons particulières d’anglais, adaptées à leurs • les changements familiaux : les relations familiales besoins et données par une autre personne âgée. et les relations intergénérationnelles sont habituelleAu sujet des façons d’améliorer les services offerts aux ment tendues en raison des structures familiales et immigrants âgés, les fournisseurs de services insistent sur des rôles traditionnels ; le fait que peu de choses peuvent être • les difficultés financières : de accomplies sans traduction ni interprénombreux immigrants âgés sont tation. Au cours d’une présentation des désavantagés financièrement parce Les fournisseurs ISS sur les immigrants âgés, tous les traqu’ils sont visés par l’entente de de services aux vailleurs d’approche œuvrant auprès des parrainage par un membre de la aînés ont fait savoir qu’ils avaient besoin famille, d’une durée de dix ans, personnes âgées d’aide pour trouver des services d’interqui les empêche d’avoir accès à de ont accès à prétation accessibles, à prix abordable nombreuses ressources ; et certains services ou gratuits. Les fournisseurs de services • les ressources communautaires : la aux personnes âgées ont accès à certains connaissance qu’ont les immigrants d’interprétation ; services d’interprétation ; toutefois, la âgés des ressources et des systèmes toutefois, la plupart plupart des personnes âgées et des orgacommunautaires est limitée. nismes à but non lucratif ne peuvent en des personnes assumer les coûts. Les services d’interLes problèmes susmentionnés âgées et des prétation ne sont gratuits que dans le mènent à l’isolement et à l’aliénation cas de problèmes de santé traités à des immigrants âgés. Nous devons organismes à l’hôpital. Les immigrants âgés et les néanmoins pousser nos recherches but non lucratif fournisseurs de services ont besoin de afin de vérifier cette information et services d’interprétation plus abordables d’améliorer la compréhension des ne peuvent en et plus accessibles. Les ISS commencent difficultés mentionnées précédemment assumer les coûts. à mettre au point des stratégies pour et les stratégies qui y sont liées. aider les fournisseurs de services aux Les personnes âgées et les fournisLes services personnes âgées à obtenir ce type de seurs de services affirment que la langue d’interprétation services d’interprétation. constitue le principal obstacle à la presne sont gratuits De plus, au cours de discussions de tation efficace de services. À Calgary, près groupe menées par le comité consultatif de 6 000 (7 %) personnes âgées de 65 ans que dans le cas sur les besoins des immigrants âgés ou plus ne parlent ni l’anglais ni le de problèmes (Immigrant Seniors Needs Advisory français (Statistique Canada, 2001). Les Committee) et dans le cadre du projet barrières linguistiques font en sorte que de santé traités d’évaluation des besoins des aînés les immigrants âgés connaissent moins à l’hôpital. Les (Seniors Needs Assessment Project) les services offerts et sont moins en de la CCIS en 2004, les immigrants mesure de comprendre en quoi ils consisimmigrants âgés âgés ont fréquemment exprimé les tent et d’en bénéficier lorsqu’ils peuvent y et les fournisseurs besoins suivants : services linguistiques, recourir. Selon les résultats du projet logement, services de santé, sécurité, d’évaluation des besoins des personnes de services ont aide financière ou prestations de âgées (Seniors Needs Assessment Project) besoin de services retraite, éducation, protection contre et d’après le comité consultatif sur les la violence et contre la négligence à besoins des immigrants âgés (Immigrant d’interprétation l’égard des aînés, et activités de loisirs. Seniors Needs Advisory Committee) plus abordables et Les ISS font la promotion de de la CCIS, les barrières linguistiques plus accessibles. l’intégration réciproque. Pour que les empêchent les immigrants âgés de bénéimmigrants âgés s’intègrent à la ficier pleinement des services qui leur société canadienne, les immigrants sont offerts. Qui plus est, les femmes âgés, les personnes âgées et les fournisseurs de services sembleraient éprouver plus de difficultés par rapport à la doivent apprendre à se connaître et à interagir les uns avec langue parce qu’elles ont moins d’occasions d’apprendre les autres. Il n’appartient pas à un seul de ces groupes de l’anglais et sont parfois analphabètes. changer du tout au tout sa façon d’être pour s’adapter aux Il existe un besoin de programmes d’anglais langue besoins des autres. Si chaque partie fait un effort, tous les seconde adaptés aux personnes âgées (Calgary Immigrant 44 milieu culturel ou leur pays d’origine. Les fournisseurs de participants se sentent respectés, appréciés et bienvenus. services sont souvent prêts à servir les immigrants âgés, L’intégration totale ne peut avoir lieu que si tous demeumais ils ne savent pas de quelle façon ils doivent le faire. rent ouverts, respectueux et flexibles et s’ils collaborent en Des pratiques exemplaires dans le domaine des services vue de rendre la société meilleure pour tous. d’approche et des services aux immigrants âgés (au-delà Les ISS travaillent avec les centres, les clubs et les de l’interprétation et de la traduction) sont nécessaires groupes d’âge d’or de même qu’avec les aînés d’autres pour encourager et encadrer les services aux personnes cultures pour favoriser les activités d’intégration âgées. Une meilleure compréhension de la façon dont les réciproque pour les personnes de troisième âge. Cela leur immigrants âgés apportent une contribution positive donne l’occasion de se connaître et de se fréquenter dans pourrait aider ces derniers à se sentir davantage valorisés un environnement amical, social et décontracté. La Fête et bienvenus, et pourrait donner lieu à une meilleure multiculturelle tenue chaque année en partenariat avec le compréhension des immigrants âgés et à une plus grande Club de l’âge d’or, centre pour personnes âgées, en est un ouverture à leur égard. exemple. Les bénévoles des ISS y invitent des membres de Le portrait démographique du leur communauté. Les immigrants et les Canada change, et les fournisseurs de personnes âgées se réunissent et appréservices s’efforcent de répondre efficacecient les performances culturelles et les Nous ne pouvons ment aux besoins et aux préoccupations différents plats apportés par chacun. Les pas servir les de divers groupes, dont les immigrants participants disent se sentir plus ouverts âgés. Cependant, ils pourraient bénéficier aux personnes âgées d’autres milieux immigrants âgés de soutien et de financement supplémenculturels et à l’aise avec elles. sans d’abord les taires à mesure qu’ils continuent de La promotion de la diversité consconnaître. Il existe parfaire leurs connaissances et d’améliorer titue une autre priorité des ISS. Servir les leurs services. Nous devons reconnaître immigrants âgés de façon efficace peut des données la valeur des immigrants âgés et sembler difficile et énorme. Les Services démographiques de leur contribution, et augmenter de diversité aident les services à analyser le financement et le nombre de leurs problèmes généraux, à améliorer sur les immigrants programmes qui leur sont destinés ce qui est déjà en place et à mettre au et sur les personnes partout au Canada. La Calgary point des stratégies pour rendre ces Catholic Immigration Society et ses organismes plus accessibles aux immiâgées, mais il est bénévoles, qui offrent des services aux grants âgés et non discriminatoires à difficile de trouver immigrants âgés (Immigrant Seniors leur égard. Chacun fait des efforts, et Services), continueront d’être à l’écoute nous aidons les groupes à bâtir sur ces des données des besoins des immigrants âgés, d’y forces et à les développer, au lieu actuelles sur les répondre et d’encourager les fourde créer quelque chose de nouveau, nisseurs de services aux aînés à les d’alourdir la tâche ou de changer immigrants âgés. imiter et à les soutenir. complètement le groupe. Les ISS offrent une formation individualisée portant Pour plus d’information, veuillez communiquer avec Diane Fisher, gestionnaire, sur différents sujets aux organismes prestateurs de services Section du développement communautaire et des services d’intégration aux personnes âgées afin qu’ils développent leurs connais(Community Development and Integration Services Division), au (403) 290-5751 sances et leurs habiletés en prestation de services aux ou à [email protected]. immigrants âgés. Pour faciliter l’intégration réciproque, trois groupes sont ciblés : les conseils d’administration des centres pour personnes âgées, les travailleurs d’approche, les fournisseurs de services et les membres des centres ou des clubs pour personnes âgées. La CCIS étudie les besoins et les préoccupations des immigrants âgés au moyen, entre autres choses, du projet d’évaluation des besoins des personnes âgées (Seniors Needs Assessment Project), mis sur pied par l’organisme en 2004. Un rapport sur ce projet sera rendu public au début de 2005. On prévoit que les données recueillies sur ce projet seront très utiles aux immigrants âgés et aux fournisseurs de services de la communauté de Calgary. Nous devons poursuivre nos recherches sur les immigrants âgés pour soutenir davantage le travail des fournisseurs de services. Nous ne pouvons pas servir les immigrants âgés sans d’abord les connaître. Il existe des données démographiques sur les immigrants et sur les personnes âgées, mais il est difficile de trouver des données actuelles sur les immigrants âgés, en particulier sur leur âge, leur sexe, leur revenu, leur capacité à parler l’anglais ou le français, leur 45 LA PRISE EN COMPTE DE L’ÉVOLUTION DU PARCOURS DE VIE DANS L’INTÉGRATION DES IMMIGRANTS RÉSUMÉ L’approche fondée sur les parcours de vie peut-elle être appliquée dans le contexte de l’intégration des immigrants ? La réponse est affirmative et ce, pour deux raisons. D’abord, parce l’immigration est une transition importante et souvent perturbante qui a un effet sur les trajectoires de vie les plus importantes. Ensuite, parce que l’intégration est un processus dynamique qui met en jeu les interactions entre les immigrants et la société d’accueil, tant au niveau local que national. L’auteure maintient qu’une analyse dynamique est nécessaire pour ce type d’étude. L CITC JEAN LOCK KUNZ Jean Lock Kunz est directeur adjoint de projet, au projet de recherche sur les politiques1. e parcours de vie est sans doute le deuxième concept sociologique le plus populaire, après le capital social, à être exporté vers le milieu de la politique et de la recherche. On entend globalement par « parcours de vie » les processus sociaux qui s’étendent sur toute une vie. Le parcours de vie a plusieurs propriétés : c’est tout d’abord un processus dynamique composé de plusieurs parcours qui se chevauchent dans la vie d’une personne. Les trajectoires principales sont la famille et la formation de ménages, l’apprentissage formel, l’emploi rémunéré et la participation à la collectivité2. Ensuite, chaque trajectoire est marquée par une série de transitions, dont plusieurs sont souvent classées selon l’âge et réglementées par la société, comme l’âge auquel on peut obtenir le permis de conduire, auquel on peut voter, travailler, prendre sa retraite et ainsi de suite. Ces transitions présentent des possibilités et des défis. Troisièmement, tout au long de ces différentes trajectoires, chaque personne accumule des ressources acquises au gré de son interaction avec la société dans laquelle elle vit. Au cours de la vie, ces ressources prennent de la valeur ou en perdent, et cela se reflète sur la capacité à réagir aux changements apportés par des transitions importantes telles que la fin des études et l’entrée sur le marché du travail, la période entre deux emplois, le mariage, ou la naissance d’un enfant. L’approche fondée sur les parcours de vie marque un départ de la pensée actuelle sur la politique sociale, qui est principalement fondée sur des statistiques accumulées ponctuellement. Cette approche permet d’effectuer des analyses qui vont au-delà de la simple catégorisation des gens à différents stades de leur vie, par exemple lorsqu’ils sont pauvres ou en chômage. Elle permet en effet d’examiner la dynamique des changements entre les différents stades de la vie et les facteurs qui y sont associésI. Ces types d’analyses sont possibles en raison de la disponibilité des données longitudinales des dernières années. Par exemple, les données longitudinales montrent qu’avoir un faible revenu est un état transitoire pour la plupart des gens, excepté pour les personnes et les groupes dotés de certaines caractéristiques sociales et démographiques et susceptibles d’avoir un faible revenu pendant plusieurs années de suite II. En plus des transitions, le parcours de vie est centré sur la personne et surtout sur l’écoulement bidirectionnel des ressources entre la personne et les institutions sociales. En Europe, l’approche fondée sur les parcours de vie a été appliquée à des questions telles que la pauvreté et l’exclusion. Par le passé, on a prétendu que chaque personne était dotée d’un ensemble de ressources telles que le capital humain acquis au moyen de l’éducation et des expériences de vie, un revenu et des biens, l’appui de la part du gouvernement et des organisations communautaires, de même que les relations sociales acquises par l’entremise de la famille et des amis. Au cours de la vie, ces ressources ont un effet de tampon durant les périodes où la personne subit des échecs, y compris l’éclatement de la famille, des problèmes de santé et la perte d’un emploi. Les changements dans les politiques et les conditions sociales et économiques ont inévitablement des effets sur le nombre et le type de ressources qu’une personne peut accumuler. Si l’effet de tampon n’est pas assez fort pour permettre à la personne de surmonter les crises de la vie, la personne risque de se retrouver en position de marginalité III. L’approche fondée sur les parcours de vie peut-elle être appliquée dans le contexte de l’intégration des immigrants ? La réponse est affirmative et ce, pour deux raisons. D’abord, parce l’immigration 46 à améliorer son anglais en prenant des cours du soir. En communiquant avec son ancien collègue, il a trouvé les sites Web et les adresses de différentes organisations d’établissement au Canada, et a commencé à établir des contacts avec certaines d’entre elles afin d’obtenir des renseignements sur la vie au Canada. Deux ans plus tard, sa demande a été acceptée. Armé d’une partie de ses économies et de son enthousiasme, Tang s’est envolé pour Toronto. Ce déplacement ne s’est pas fait sans heurts. Tang a refusé une offre de promotion et a démissionné de l’emploi qu’il occupait dans son pays. Il a laissé derrière lui sa femme et son fils âgé de cinq ans, de même que des parents et amis. À son arrivée à l’aéroport, Tang a été accueilli par son ami. Il a loué un appartement avec l’aide de son ami qui lui a également présenté d’autres membres de la communauté chinoise. Au début, la vie n’a pas été facile. Il n’avait pas le droit de pratiquer à titre de détenteur de permis professionnel. Il trouvait très difficile de suivre les actualités et les émissions de divertissement canadiennes. Il travaillait au magasin et à la clinique de son ami le jour et suivait des cours de langue le soir. Fort de l’appui d’une agence d’établissement, il a commencé à faire des démarches auprès des organismes de réglementation professionnelles appropriées pour faire reconnaître ses titres de compétences. Afin de rencontrer d’autres personnes que des membres de la communauté chinoise, Tang a participé au Programme d’accueil offert par une autre organisation d’établissement, qui l’a jumelé à un bénévole canadien. Quelques années plus tard, Tang est devenu homéopathe et acupuncteur agréé. Il maîtrisait mieux la langue. Après avoir réalisé suffisamment d’économies pour faire une mise de fonds, il a ouvert son propre cabinet. Il a tissé des réseaux avec les membres de la communauté chinoise et d’autres personnes. Tang comprenait mieux la société canadienne, ses règlements, ses lois, ses valeurs et ses institutions. Il a présenté une demande de citoyenneté canadienne. Entre-temps, il a parrainé sa femme et son enfant afin qu’ils immigrent au Canada. Cette histoire laisse également entendre qu’il incombe tant aux nouveaux arrivants qu’à la société d’accueil d’intégrer les immigrants. En outre, elle illustre l’échange de ressources entre Tang et la société d’accueil, y compris les gouvernements, le marché et les organisations communautaires. Tang a apporté avec lui dans son pays adoptif ses habiletés, ses connaissances et son ambition. Le gouvernement canadien lui a accordé le statut de résident permanent, ce qui lui a permis de travailler et de vivre au Canada indéfiniment. Des organismes de réglementation lui ont permis de pratiquer sa profession et Tang a payé les frais d’association. Le marché a permis à Tang de gagner sa vie et Tang a répondu à un besoin de médecine douce. En outre, Tang a payé des impôts et a acheté des biens et services. La collectivité lui a offert un milieu sécuritaire, sain et accueillant, et Tang lui a rendu la pareille en faisant du bénévolat. De toute évidence, il s’agit ici du « type idéal » de processus d’immigration. Il existe de nombreux autres moyens pour parvenir à ce résultat, et aussi de nombreux autres résultats. Prenons, par exemple, un scénario différent. Les renseignements que Tang a obtenus avant d’immigrer concernant la reconnaissance des titres de compétences et est une transition importante et souvent perturbante qui a un effet sur les trajectoires de vie les plus importantes. Ensuite, parce que l’intégration est un processus dynamique qui met en jeu les interactions entre les immigrants et la société d’accueil, tant à l’échelle locale que nationale. Les immigrants sont un groupe diversifié au plan de l’âge, du sexe, de la situation familiale, de la catégorie d’admission et du statut socioéconomique. Ces attributs ont des incidences sur la réussite de ces personnes dans la société IV. Expérience de l’immigration dans le parcours de vie La transplantation d’une société à une autre est un processus à long terme qui commence avant la migration et se poursuit au-delà de l’étape initiale de l’ajustementV. L’intégration des immigrants est un processus difficile et bilatéral. Il exige des efforts tant de la part des immigrants que de la société d’accueil, y compris les gouvernements, les collectivités, le secteur privé, la famille et les amis. (On entend ici par « intégration » la pleine participation des immigrants à la société d’accueil. Cela ne signifie pas que les immigrants doivent être « assimilés » à la société dominante.) Au cours de la dernière décennie, les universitaires ainsi que les chercheurs dans les ministères et les organismes centraux ont produit un nombre impressionnant de preuves de l’intégration socioéconomique des immigrants au Canada3. La plupart des gens sont maintenant familiers avec le scénario : les immigrants ont en moyenne un niveau d’instruction supérieur à celui des Canadiens nés au Canada, mais leurs titres de compétences semblent perdre de la valeur sur le marché du travail canadienVI. Les immigrants récents forment un des cinq groupes les plus à risque de persistance d’un faible revenuVII 4. En outre, les immigrants ont souvent besoin de cours de langue supplémentaires pour participer pleinement à leurs nouvelles collectivités, étant donné que bon nombre d’entre eux viennent de pays dont la langue officielle n’est ni l’anglais ni le français. À la lumière de ces constatations, les chercheurs et les intervenants en matière de politique posent les questions suivantes. Quelles sont les responsabilités des institutions canadiennes en ce qui a trait au bien-être économique des nouveaux arrivants ? Quelles sont les responsabilités des nouveaux arrivants face au marché du travail et à l’intégration en général5 ? Pour répondre à ces questions, il faut comprendre ce que signifie refaire sa vie dans un pays qui est souvent culturellement et socialement différent du sien. L’histoire de Tang Le tableau suivant illustre la transition de Tang, un homme hypothétique dans la trentaine avancée, qui est venu au CanadaVIII 6. Tang était docteur en acupuncture. Il a été invité par son ami et ancien collègue à travailler dans son entreprise prospère de Toronto, qui combinait clinique et magasin de médicaments chinois. Son ami savait que Tang parlait couramment l’anglais et que c’était un bon acupuncteur. Après s’être autoévalué à l’aide de la grille de sélection, Tang a décidé d’immigrer au Canada dans la catégorie des travailleurs qualifiés. En attendant le traitement de sa demande, il s’est renseigné sur la culture et les coutumes canadiennes, surtout celles de Toronto. Il a continué 47 Figure 1 – Transition dans le parcours de vie d’un immigrant adulte Avant la migration Ajustement Adaptation Intégration Évaluation Langue Améliorations : Citoyenneté Préparation Logement Demande Emploi Maîtrise de la langue Participation accrue : Acceptation Écoles Emploi À la société Connaissance du Canada Culture Communauté Sentiment d’identité Réseau À l’économie À la politique À la vie civile Réseaux Adapté de Frank et Kunz (2004). culturelle pourraient être offertes à l’étranger aux demandeurs éventuels afin qu’ils puissent s’intégrer dès leur arrivée au Canada. Cela ne signifie pas qu’il faille simplement leur distribuer des dépliants à ce sujet. Il faut plutôt que les gouvernements et les intervenants unissent leurs efforts pour exécuter des programmes appropriés, efficaces et systématiques. Troisièmement, même si les agences d’établissement ont le mandat précis d’aider les nouveaux arrivants pendant un certain nombre d’années et ce, dès leur arrivée, l’inclusion complète des immigrants exige les efforts de tous les secteurs de la société. En plus de la formation linguistique et de la reconnaissance des titres de compétences, le succès de l’intégration des immigrants dépend d’une société qui valorise l’équité, la diversité et le progrès. En guise de conclusion, nous pouvons dire que l’approche fondée sur les parcours de vie est axée sur des forces dynamiques plutôt que statiques. Elle est également axée sur le développement des ressources et des capacités. Les chercheurs et les intervenants en matière de politique reconnaissent le besoin et l’utilité des analyses dynamiques. Prenons par exemple l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada (ELIC), dans le cadre de laquelle on suit un échantillon de nouveaux arrivants à partir de six mois jusqu’à quatre ans après leur arrivée. Différents organismes collaborent en ce moment à l’amélioration de l’intégration des immigrants au marché du travail. En effet, le TRIEC (Toronto Region Immigrant Employment Council) rassemble des intervenants qui représentent les employeurs, les syndicats, les organismes de réglementation des professions, les établissements postsecondaires, les fournisseurs de services d’évaluation, les organisations communautaires et les trois ordres de gouvernement. Son objectif consiste à ériger des ponts entre les immigrants et le marché du travail local, d’une part en préparant les immigrants qualifiés au marché du travail et, d’autre part en équipant les intervenants et les gouvernements à mieux apprécier les valeurs des nouveaux arrivants7. Enfin, nous considérons qu’il n’y a pas d’ingrédients magiques pour créer des « immigrants idéaux ». Comme dirait un Chinois : on ne peut pas manger un pain chaud à toute vitesse. Le parcours de la vie est une question de temps. les possibilités d’emploi au Canada ne se sont pas avérées très utiles. Il a socialisé principalement avec les membres de sa propre communauté ethnique. Il aurait aimé rencontrer d’autres personnes, mais il n’était pas à l’aise en anglais. À l’occasion, il assistait à des activités sociales en dehors de sa propre communauté, mais il ne pouvait participer à la conversation parce qu’il ne comprenait pas les références culturelles communes à tous les Canadiens ; d’ailleurs, personne ne les lui a expliquées. Il vivait avec plusieurs autres migrants dans un appartement trop petit. En plus de travailler au magasin de son ami, il a dû occuper deux emplois à temps partiel pour arriver à joindre les deux bouts. Par conséquent, il ne pouvait pas suivre des cours de langue. Le processus d’agrégation le dépassait et les conseils qu’il recevait des agences de services ne l’aidaient pas beaucoup. Entre-temps, son ancien patron lui demandait de rentrer. En fin de compte, Tang est retourné dans son pays. Incidences pour la recherche et les politiques CITC Que signifie une approche sur les parcours de vie pour la recherche et les politiques sur l’intégration des immigrants ? Tout d’abord, il faut avoir en main des données longitudinales. Une grande partie des connaissances dont nous disposons aujourd’hui à ce sujet découle d’enquêtes ponctuelles. Elle montrent de quelle façon les immigrants se comparent aux Canadiens nés au Canada à un moment précis dans le temps et tient compte d’un certain ensemble d’attributs, tels que le sexe, l’âge et les études. Si on surveillait une cohorte d’immigrants au cours d’une certaine période, on pourrait remarquer qu’il y a des facteurs qui contribuent aux changements dans le marché du travail et d’autres résultats. Les données longitudinales permettent également aux chercheurs de tracer des sentiers vers l’intégration et de déterminer des points de transition où les personnes sont vulnérables face à l’exclusion ainsi que les ressources qui pourraient permettre d’empêcher une telle exclusion. Deuxièmement, en comprenant bien ces transitions et ces ressources, on pourrait élaborer des mesures proactives afin de faciliter les transitions. Comme on l’a déjà mentionné, l’intégration commence avant la migration. La formation linguistique, l’évaluation des titres de compétences et l’orientation 48 Références Notes 1 Les points de vue exprimés dans ce texte sont ceux de l’auteur et non ceux du Projet de recherche sur les politiques. 2 ROOM, Graham. « Trajectories of Social Exclusion », dans D. Gordon et P. Townsend, (éds.), Breadline Europe : The Measurement of Poverty, The Policy Press, 2000, p. 407-439. Pour obtenir des renseignements détaillés sur le cadre du parcours de vie, veuillez consulter le document de travail du Projet de recherche sur les politiques, intitulé Une approche fondée sur les parcours de vie pour l’analyse de la politique sociale : cadre proposé de politique et d’analyse, août 2004. 3 KUNZ, Jean Lock. « Labour Market Integration of Immigrants and Racial Minorities : Identities that Count », Canadian Diversity = Diversité canadienne, vol. 3, no 1 (2004), p. 31-33. Pour de plus amples renseignements sur l’immigration et l’intégration, veuillez consulter les sites Web de Citoyenneté et Immigration Canada et du projet Metropolis. 4 Les quatre autres groupes les plus à risque de faible revenu sont les personnes seules âgées, les personnes handicapées, les parents seuls et les Autochtones qui vivent à l’extérieur des réserves. 5 Adapté des questions à débattre pendant la réunion du Comité interministériel Metropolis, le 16 février 2005. 6 Selon l’aperçu annuel sur l’immigration Faits et chiffres, publié par Citoyenneté et Immigration Canada, ce sont surtout les hommes qui ont tendance à être les demandeurs principaux. 7 Vous trouverez les renseignements dans le site www. triec.ca I GIDDENS, Anthony. The Third Way and Its Critics, Policy Press, 2000. II FRANK, Jeff et Jean Lock KUNZ. « Nouvelles approches pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion », exposé présenté à la Conférence du projet de recherche sur les politiques – Exploration de nouvelles approches en matière de politique sociale, Ottawa, du 13 au 15 décembre 2004. III IV V VI FRANK, Jeff et Jean Lock KUNZ. « Nouvelles approches pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion », exposé présenté à la Conférence du projet de recherche sur les politiques – Exploration de nouvelles approches en matière de politique sociale, Ottawa, 13 au 15 décembre 2004. NAOMI, Alboim, Finnie ROSS et Ronald MENG. « The Discounting of Immigrants’ Skills in Canada: Evidence and Policy Recommendations », IRPP, Choices, vol. 11, no 2 (2005), www.irpp.org VII HATFIELD, Michael. « Groupes à risque de persistance d’un faible revenu », Horizons, vol. 7, no 2 (2004), p. 19-23. VIIIFRANK, Jeff et Jean Lock KUNZ. « Nouvelles approches pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion », exposé présenté à la Conférence du projet de recherche sur les politiques – Exploration de nouvelles approches en matière de politique sociale, Ottawa, 13 au 15 décembre 2004. Numéro spécial de la revue Études ethniques au Canada Ce numéro spécial d'Études ethniques au Canada (vol. XXXV, no 3, 2003) a été préparé par une équipe de rédacteurs invités, composée d'Yvonne Hébert (Faculté d'éducation, University of Calgary), de Julia Kwong (Département de sociologie, University of Manitoba) et de deux responsables des politiques, John Biles et Erin Tolley (Équipe du projet Metropolis, Citoyenneté et Immigration Canada). Cette revue comprend dix articles commandés par le Programme du multiculturalisme suite au séminaire de 2003. Les articles touchent chacune des questions abordées lors du séminaire : processus politiques, logement, marché du travail et formation, marchés des capitaux, justice, santé, information et connaissance, culture, transferts sociaux et, enfin, éducation, formation et perfectionnement. Pour obtenir une copie de cette revue, veuillez visiter le site Web http://www.ss.ucalgary.ca/CES/ 49 IMMIGRANTS ÂGÉS AU CANADA Sources de revenus et autosuffisance RÉSUMÉ Au Canada, il y a un nombre significatif d’immigrants âgés chez les personnes ayant un revenu peu élevé. Ces immigrants âgés arrivent-ils au Canada avec des ressources moindres, ou s’appauvrissent-ils suite à leur arrivée ? Cet article est le résumé d’un rapport de recherche sur la population immigrante âgée et leurs sources de revenu. Il propose un survol des principales conclusions de notre recherche et soulève un certain nombre de questions sur lesquelles on devrait se pencher davantage dans les recherches futures. D COLLEEN DEMPSEY Recherche et statistiques stratégiques Citoyenneté et Immigration Canada ans le cadre d’analyses précédentes sur la population immigrante, les immigrants âgés se sont révélés comme étant un groupe dont les membres sont davantage susceptibles d’avoir un revenu peu élevé. Il n’était toutefois pas mentionné si ces immigrants sont arrivés au Canada à un certain âge ou s’ils sont arrivés alors qu’ils étaient plus jeunes et sont devenus des immigrants âgés par la suite. La méthodologie suivie pour préparer le présent document permet de répondre à cette question. Dans le cadre de cette analyse, la population âgée comprend les personnes âgées d’au moins 60 ans au cours d’une année d’imposition quelconque. Les immigrants âgés sont regroupés en trois groupes : aînés à long terme qui sont arrivés au Canada dans la tranche d’âge 40-49 ans ; aînés à court terme qui sont arrivés au Canada dans la tranche d’âge 50-59 ans ; et aînés immédiats qui sont arrivés au Canada alors qu’ils étaient âgés d’au moins 60 ans. En utilisant les données de la Banque de données longitudinales sur les immigrants (BDIM), ce document se penche sur deux aspects de la recherche existante sur le sujet1. D’abord, il porte sur les caractéristiques démographiques des trois groupes de personnes âgées dans le but de souligner les différences qui peuvent avoir des répercussions sur le revenu. Ensuite, cette analyse examine de plus près les sources de revenus des immigrants âgés au Canada. De manière générale, les personnes qui ont un faible revenu sont souvent moins en mesure de subvenir à leurs besoins et, par conséquent, peuvent dépendre davantage des transferts sociaux. Le marché du travail et les revenus de retraite sont subdivisés pour mener une analyse détaillée de la dépendance à certaines sources de revenus précises, en mettant l’accent sur la dépendance aux transferts sociaux. Données et définitions La présente analyse étudie deux grands types généraux de revenus. Le premier, défini comme le revenu du marché, représente le revenu accessible à la population active. Le revenu du marché comprend les revenus provenant d’un emploi salarié, d’un emploi autonome, des investissements, de l’assurance-emploi et des suppléments provinciaux, y compris l’aide sociale2. Le deuxième type de revenu, défini comme le revenu de retraite, représente le revenu réservé aux personnes âgées. Il comprend les revenus provenant du RPC/RRQ3, de la SV4, du SRG et de l’Allocation5, des REER et des plans d’épargne retraite privés6. Les données sur la population dont il est question dans le présent document sont tirées de la BDIM7. La BDIM combine les registres administratifs de l’immigration et l’information fiscale, créant ainsi une source de données exhaustive sur les expériences du marché du travail des immigrants admis. À l’heure actuelle, la BDIM couvre la période de 1980 à 2000. Comme il a été précisé plus tôt, aux fins du présent document, la population âgée est composée des contribuables âgés d’au moins 60 ans au cours d’une année d’imposition donnée et est répartie en trois groupes : aînés à long terme qui sont arrivés au Canada dans la tranche d’âge 40-49 ans ; aînés à court terme qui sont arrivés au Canada dans la tranche d’âge 50-59 ans ; et aînés immédiats qui sont arrivés au Canada alors qu’ils étaient âgés d’au moins 60 ans. Résumé des principales observations CITC Les parents et les grands-parents forment la plus grande proportion d’aînés à court terme et immédiats. 50 Graphique 1 : Revenu annuel moyen des immigrants âgés pour l’année d’imposition 2000, par sous-groupes d’aînés $ 35 000 Aînés à LT Aînés à CT 30 000 Aînés Imm. 25 000 Source : BDIM 20 000 15 000 10 000 5 000 Années depuis l’admission 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 La situation des aînés à court terme et des aînés immédiats en matière de revenu était sensiblement la même, particulièrement après le cap des 10 ans depuis l’admission. Toutefois, un effet relatif à l’âge lors de l’admission était toujours apparent. Les aînés à court terme avaient une plus grande incidence de revenu d’emploi et une incidence plus faible de suppléments provinciaux avant la marque des 10 années. Ils avaient également un revenu annuel plus élevé que les aînés immédiats au cours des 10 premières années suivant leur admission. Après 10 ans, les deux groupes ont amorcé une nette transition du revenu du marché au revenu de retraite. L’incidence de revenu du marché privé a chuté tandis que l’incidence du revenu de retraite non contributif a augmenté de façon marquée. Bien que cette transition vers le revenu de retraite ait eu lieu pour les deux groupes, elle a été plus graduelle pour les aînés à court terme. Au cours de l’année d’imposition 2000, les parents et les grands-parents représentaient 20 % des aînés à long terme. Les demandeurs principaux qualifiés représentaient une proportion un peu plus élevée d’environ 27 %, tandis que les réfugiés représentaient 17 %. Pour les aînés qui étaient plus âgés lors de leur admission, la proportion de demandeurs principaux qualifiés et de réfugiés est considérablement moins élevée tandis que la proportion de parents et de grands-parents est plus élevée. Les parents et les grands-parents représentaient plus de 60 % des aînés à court terme et 79 % des aînés immédiats. Il existe une relation négative entre le niveau d’instruction et l’âge à l’admission. En moyenne, 61 % des aînés à long terme avaient un niveau de scolarité ne dépassant pas le secondaire (entre 0 et 12 ans d’études) au moment de leur admission. Pour ce qui est des aînés à court terme et immédiats, les proportions étaient de 74 et de 79 % respectivement. D’autre part, une moyenne de 13 % des aînés à long terme étaient titulaires d’un diplôme universitaire. Pour ce qui est des aînés à court terme et immédiats, les proportions étaient de 9,8 et de 8,4 % respectivement. La catégorie d’immigrants a des répercussions sur le revenu, plus tard dans la vie. Le Graphique 2 présente, pour l’année d’imposition 2000, le revenu annuel des immigrants âgés dans différentes catégories, soit 5, 10 et 20 ans après leur admission. Il est clair que des différences concernant le revenu annuel existent pour les aînés des diverses catégories d’immigrants. Veuillez prendre note que le Graphique 3 regroupe tous les immigrants âgés dans une seule catégorie d’immigrants. Il ne répartit pas cette population par âge lors de l’admission. Les demandeurs principaux qualifiés (DPQ) étaient fortement tributaires du revenu du marché privé au cours des 20 premières années suivant l’admission. Ils avaient l’incidence la plus élevée de revenu d’emploi et une incidence de suppléments provinciaux bien en deçà de la moyenne générale. Les DPQ avaient le revenu annuel le plus élevé et dépendaient moins des sources de revenus de retraite non contributives. L’âge au moment de l’admission a des répercussions sur le revenu, plus tard dans la vie. Le Graphique 1 présente le revenu annuel moyen pour chacun des groupes d’aînés au cours de l’année d’imposition 2000. Il existe une relation négative entre l’âge lors de l’admission et le revenu annuel. Les aînés à long terme sont ceux qui, parmi les trois groupes d’aînés, avaient les revenus annuels les plus élevés. Par ailleurs, les aînés à long terme avaient la plus grande incidence de revenu du marché privé et la plus faible incidence de revenu du marché public pendant la totalité de la période à l’étude. Les immigrants âgés de ce groupe avaient également la plus faible incidence en ce qui concerne le revenu de retraite non contributif. 51 le revenu annuel le plus bas après le cap des 10 ans. Les PGP avaient aussi l’incidence de SV et de SRG/Allocation la plus élevée après le cap des 10 ans. Les autres immigrants membres de la famille avaient une incidence de revenu d’emploi et d’investissement plus élevée que la moyenne des personnes âgées. Ils avaient aussi une incidence de suppléments provinciaux moins élevée que la moyenne. Le revenu d’emploi déclaré par les personnes âgées de cette catégorie était comparable à celui des autres immigrants de la catégorie de l’immigration économique. Cependant, le revenu annuel était plus élevé. En fait, le revenu annuel déclaré par les personnes âgées de cette catégorie était le troisième plus élevé de toutes les catégories. Les autres immigrants membres de la famille semblaient tirer d’autres revenus des régimes privés. Ils avaient la deuxième incidence de revenu la plus élevée provenant de cette source. Pour ce qui est du revenu de retraite non contributif, les autres immigrants membres de la famille avaient une incidence de SV et de SRG/ Allocation moins élevée que la moyenne. Les réfugiés avaient, en moyenne, une incidence de revenu d’emploi très faible et la plus faible incidence de revenu d’investissement. Ils avaient également l’incidence de suppléments provinciaux la plus élevée. Les réfugiés âgés avaient la plus faible incidence de revenu de retraite privée et la deuxième plus faible incidence de revenu annuel. Bien que l’incidence de SV étaient légèrement endessous de la moyenne pour les réfugiés âgés, l’incidence de SRG/Allocation était la deuxième plus élevée de toutes les catégories. Sans surprise, les immigrants retraités avaient la plus faible incidence de revenu d’emploi et l’incidence de revenu d’investissement la plus élevée. Ces immigrants avaient la plus forte incidence de revenu de régimes privés et la plus faible incidence de suppléments provinciaux. Le revenu annuel déclaré par les immigrants retraités se classait au deuxième rang, derrière celui des DPQ. Même Les époux et personnes à charge qualifiés (EPCQ) avaient eux aussi une incidence de revenu d’emploi plus élevée que la moyenne et une incidence très faible de suppléments provinciaux pendant la période en question. Cependant, le revenu d’emploi moyen n’était pas aussi élevé que celui des DPQ. Les EPCQ avaient aussi un revenu annuel moyen moins élevé que celui des DPQ, mais ce revenu était tout de même plus élevé que celui de la moyenne des immigrants aînés. Pour ce qui est du revenu de retraite, les personnes âgées de cette catégorie avaient la plus faible incidence de SV et la deuxième incidence de SRG/Allocation la moins élevée. Les autres immigrants de la catégorie de l’immigration économique, semblable à la catégorie des travailleurs qualifiés, avaient une incidence plus élevée de revenu du marché privé et une incidence plus faible de suppléments provinciaux que la moyenne. Cependant, les aînés de cette catégorie ne semblaient pas dépendre autant du revenu d’emploi. Ils avaient plutôt la deuxième incidence de revenu d’investissement la plus élevée. Ils avaient également un revenu annuel comparable à celui des EPCQ. Les immigrants âgés de cette catégorie avaient une incidence de SV plus élevée que celle des immigrants aînés de la catégorie des travailleurs qualifiés, mais cette incidence était tout de même moins élevée que celle de la moyenne des immigrants âgés. Même si l’incidence de SV était plus élevée, ce n’était pas le cas pour le SRG/Allocation. Les autres immigrants de la catégorie de l’immigration économique avaient la plus faible incidence de SRG/Allocation. Les parents et les grands-parents (PGP) avaient une incidence de revenu d’emploi et d’investissement relativement peu élevée ainsi qu’une incidence de suppléments provinciaux élevée, particulièrement après la marque des 10 années. Les immigrants âgés de cette catégorie avaient également le deuxième revenu annuel le moins élevé de toutes les catégories avant le cap des 10 ans, ainsi que Graphique 2 : Revenu annuel moyen des immigrants âgés pour l’année d’imposition 2000, par catégorie d’immigrants $ 35 000 ADA= 5 ADA= 11 30 000 ADA= 20 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 DP Qualifiés EPC Qualifiés Autres Écon. PGP CITC Moyen 52 Autres Familles Réfugiés Retraités commenceront à recevoir des prestations, l’incidence et les prestations moyennes augmenteront. En fait, la relation positive entre les prestations moyennes et le nombre d’années écoulées depuis l’admission fournit certaines preuves démontrant que c’est déjà le cas après le cap des 20 ans. avec un revenu annuel relativement élevé, les immigrants retraités avaient la deuxième incidence de SV la plus élevée. Par contre, l’incidence de SRG/Allocation de ces immigrants était bien en deçà de la moyenne. Le fait de travailler après avoir atteint l’âge de 60 ans entraîne un revenu annuel plus élevé et des transferts sociaux moins importants au cours des années subséquentes. Forte augmentation du revenu annuel après le cap des 10 ans pour les aînés à court terme et immédiats. Les demandeurs principaux qualifiés, par exemple, avaient la plus forte incidence de revenu d’emploi et ont déclaré le revenu d’emploi moyen le plus élevé de toutes les catégories d’immigrants. Près de la moitié de tous les demandeurs principaux qualifiés qui avaient atteint l’âge de 60 ans continuaient à déclarer un revenu d’emploi 20 ans après leur admission et cette proportion était encore plus élevée pour les aînés à long terme de cette catégorie. La participation au marché du travail des DPQ après avoir atteint l’âge de 60 ans a eu des répercussions évidentes sur le revenu annuel et sur l’incidence de revenu de retraite non contributif pour les personnes âgées de cette catégorie. Les immigrants âgés de cette catégorie avaient le revenu annuel le plus élevé de toutes les catégories d’immigrants, déclarant un revenu annuel bien au-delà de la moyenne pendant toute la période à l’étude. Étant donné leur revenu annuel relativement élevé, il n’a pas été surprenant de constater que les DPQ âgés avaient une incidence de SV et de SRG/Allocation moins élevée que les membres des autres catégories d’immigrants. Une explication concernant l’augmentation subite du revenu après le cap des 10 ans est liée à la composition de la catégorie de ces sous-groupes d’aînés. Rappelons que les parents et les grands-parents forment respectivement 60 et 79 % des aînés à court terme et des aînés immédiats. La forte augmentation après le cap des 10 ans coïncide avec un sommet en ce qui concerne l’incidence de SV, de SRG/ Allocation et de suppléments provinciaux pour les parents et les grands-parents. Il semble que le montant des transferts sociaux qui sont devenus accessibles aux parents et aux grands-parents âgés qui ont résidé au Canada au cours des dix années précédentes est suffisant pour compenser la diminution du revenu de marché privé et augmenter le revenu annuel moyen de tous les aînés à court terme et immédiats. Stratégies pour maintenir les niveaux de revenu après avoir atteint l’âge de 60 ans. Il est clair que la plupart des immigrants âgés déclarent plus d’une source de revenus, peu importe le moment. Il semble également que, pour certaines catégories d’immigrants, certaines sources de revenus de retraite commencent à remplacer le revenu d’emploi une fois que le bénéficiaire a atteint l’âge requis ou satisfait aux exigences en matière de résidence pour être admissible au revenu de retraite non contributif. D’autres études sont nécessaires pour faire la distinction entre les sources de revenus primaires, complémentaires et supplémentaires. De simplement faire la somme des montants de revenu moyen provenant de toutes les sources disponibles ne donnera pas une mesure adéquate du revenu annuel. Il existe plusieurs combinaisons de sources de revenus à la disposition des immigrants âgés et ces combinaisons sont susceptibles de changer d’une personne à l’autre et au fil du temps. D’autres études sont nécessaires pour comprendre les diverses stratégies de revenu adoptées par les immigrants âgés pour maintenir leurs niveaux de revenu pendant leur retraite. Une faible participation au marché du travail mène à un revenu annuel moins élevé et à davantage de transferts sociaux, plus tard dans la vie. Les parents et les grands-parents, par exemple, avaient la plus faible incidence de revenu d’emploi après le cap des 10 ans et avaient déclaré le plus faible revenu d’emploi de toutes les catégories d’immigrants. Dix ans après leur arrivée, seulement 10 % des parents et grandsparents âgés avaient déclaré un revenu d’emploi et cette proportion diminue au fil des années qui suivent l’admission. Les parents et les grands-parents âgés ont également déclaré le revenu annuel le moins élevé de toutes les catégories d’immigrants à partir de le cap des 10 ans. La plus faible participation au marché du travail s’est traduite par un revenu annuel moins élevé et par une plus grande incidence de revenu de retraite non contributif. Puisque l’incidence de revenu d’emploi a chuté à 10 % après le cap des 10 ans, la proportion de parents et de grands-parents déclarant un revenu provenant de la SV et du SRG/Allocation a augmenté considérablement. Et qu’en est-il des personnes âgées nées au Canada ? Il serait utile d’étudier la situation des Canadiens de naissance âgés d’au moins 60 ans. Une telle analyse permettrait de comparer les personnes âgées nées au Canada et celles qui ont immigré au Canada. Les occasions de participation sur le marché du travail des personnes âgées nées au Canada devraient être plus nombreuses que celles des immigrants qui sont arrivés au Canada à l’âge de 40 ans ou plus. La grande majorité des personnes âgées nées au Canada devraient également avoir satisfait à toutes les exigences d’admissibilité au revenu de retraite non contributif dès l’âge de 65 ans. Il serait intéressant d’étudier comment ces différences affectent le revenu moyen et les stratégies de revenu utilisées par les personnes âgées nées au Canada pendant leur retraite par rapport aux personnes âgées nées à l’étranger. Une plus longue période d’activité sur le marché du travail a également des répercussions sur le revenu de retraite contributif. Les demandeurs principaux qualifiés du groupe des aînés à long terme avaient une incidence de prestations RPC/RRQ moins élevée que la moyenne. L’incidence plus faible et les montants moyens de RPC/RRQ étaient attribuables au fait que les aînés à long terme continuaient à travailler après avoir atteint l’âge de 60 ans, reportant ainsi les prestations RPC/RRQ. Cependant, il est à prévoir qu’au fur et à mesure que les bénéficiaires tardifs, avec plus de crédits, 53 Notes Est-ce que le revenu familial importe ? Il pourrait également être utile d’étudier la situation des familles ou des ménages des immigrants âgés. Les stratégies de revenu des immigrants âgés devraient être différentes en fonction de la situation familiale ou du ménage. Un immigrant âgé vivant seul, par exemple, pourrait devoir assumer davantage de frais qu’une personne âgée qui vit avec ses enfants. Est-ce que le parrainage importe ? Nombreux sont les immigrants âgés ayant fait l’objet de cette analyse qui ont été admis au Canada à titre de parents ou de grands-parents parrainés. Le répondant est financièrement responsable de l’immigrant parrainé pendant une période de temps précisée dans l’entente de parrainage. Aussi, le parrainage a des répercussions sur l’accès à certaines prestations de retraite. Il serait utile, dans le cadre de cette recherche, d’étudier la situation des répondants et d’observer les effets de celle-ci sur les immigrants âgés parrainés. 1 DEMPSEY, C. « Sources et composition des revenus des immigrants âgés », Horizons, Initiative de recherche sur les politiques, Vol. 2, no 7 (2004). http://policyresearch.gc.ca/page.asp?pagenm=v7n2_art_10 2 Le revenu provenant de l’aide sociale est inscrit à la ligne « Supplément provincial » de la déclaration de revenus. Le montant inscrit à cette ligne peut inclure d’autres suppléments provinciaux. L’aide sociale ne peut donc pas en être séparée. Un exemple est le revenu provenant du Régime de revenu annuel garanti dont peuvent se prévaloir les résidants de l’Ontario. 3 Le RPC/RRQ est un régime de pension contributif lié aux revenus de la durée d’une vie. Aucune condition particulière ne s’applique aux immigrants dont les prestations dépendront du temps de travail au Canada. Une personne peut devenir bénéficiaire si elle a contribué au moins une fois au plan de retraite et est âgée d’au moins 65 ans. Il est possible de percevoir une retraite réduite entre 60 et 64 ans à condition d’avoir cessé de travailler ou de percevoir un revenu inférieur au versement mensuel maximum de RPC/RRQ ayant cours. 4 La SV est une retraite non contributive liée au nombre d’années de résidence au Canada. Elle est destinée aux citoyens canadiens, aux résidents permanents (immigrants admis) et aux titulaires d’un permis de séjour temporaire valide âgés de 65 ans ou plus ayant résidé au moins dix ans au Canada après avoir atteint 18 ans. L’intégralité de la SV n’est attribuée qu’aux personnes qui résident au Canada depuis au moins 40 ans depuis qu’elles ont atteint 18 ans. Une personne ne répondant pas aux critères pour le versement de la pension intégrale peut percevoir une pension partielle, calculée au barème de 1/40e de la mensualité totale de pension par année de résidence de la personne au Canada au-delà de sa 18e année. Bien que la citoyenneté ou le statut légal de résident soit nécessaire pour être admissible à la SV, il est possible de tenir compte du temps passé au Canada en tant que résident temporaire avant l’admission. Ainsi, un immigrant qui a résidé au Canada pendant moins de dix ans pourrait être admissible à la SV. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter le feuillet d’information de Ressources humaines et Développement des compétences Canada intitulé « Comment présenter une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse, d’Allocation ou d’Allocation au survivant » à l’adresse : http://www.retireware.com/pdf/ isp3503e.pdf (en anglais seulement pour le moment). 5 Le SRG est une autre pension non contributive destinée aux résidants du Canada qui perçoivent une SV partielle ou complète. Les prestations du SRG peuvent être perçues dès le premier mois d’allocation de la SV. Pour être admissible au SRG, une personne doit percevoir une SV et son revenu annuel doit être inférieur à un montant donné. Les immigrants parrainés, en provenance de pays avec lesquels le Canada a conclu des accords, ne sont pas admissibles au SRG durant leur période de parrainage (jusqu’à dix ans), à moins qu’ils n’aient résidé au Canada pendant dix ans après avoir atteint 18 ans. L’Allocation est une pension non contributive destinée à l’époux, au conjoint de fait ou au survivant d’un bénéficiaire de la SV ou du SRG. Les citoyens canadiens ou les résidents permanents âgés de 60 à 64 ans ayant vécu au Canada au moins 10 ans y sont admissibles. Pour répondre aux critères d’admissibilité, les revenus réunis du couple ou le revenu annuel du survivant ne doivent pas dépasser les limites établies. L’Allocation cesse d’être versée à une personne lorsqu’elle atteint l’âge de 65 ans et devient admissible à la SV. Les immigrants parrainés qui souhaitent présenter une demande d’Allocation doivent satisfaire aux mêmes critères d’admissibilité que les personnes qui présentent une demande de SRG. 6 En plus de ces revenus de retraite, les résidants de l’Ontario âgés de 65 ans et plus sont admissibles au Régime de revenu annuel garanti (RRAG). Des renseignements concernant le RRAG sont disponibles sur le site : http://www.trd.fin.gov.on.ca. Des programmes similaires peuvent exister dans d’autres provinces. 7 La BDIM est gérée par Statistique Canada au nom d’un consortium fédéral-provincial dirigé par Citoyenneté et Immigration Canada. Références DEMPSEY, C. « Sources et composition des revenus des immigrants âgés ». Horizons, Initiative de recherche sur les politiques, Vol. 2, no 7 (2004). http://policyresearch.gc.ca/page.asp?pagenm=v7n2_art_10 GOUVERNEMENT DU CANADA. Régime de pensions du Canada : Pension de retraite, Développement social Canada, Ottawa (Ontario), 2004. no cat. SD12-1/1-2004F. http://www.dsc.gc.ca/fr/psr/pub/feuillets/retraite.pdf GOUVERNEMENT DU CANADA. Supplément de revenu garanti, Développement social Canada, Ottawa (Ontario), 2004. http://www.dsc.gc.ca/fr/psr/pub/sv/srgprincipale.shtml GOUVERNEMENT DU CANADA. Loi sur la sécurité de la vieillesse (L.R. 1985, ch. 0-9), Ministère de la Justice du Canada, Ottawa (Ontario), 2004. http://lois.justice.gc.ca/fr/O-9/index.html. À jour jusqu’au 31 août 2004. GOUVERNEMENT DU CANADA. Règlement sur la sécurité de la vieillesse (C.R.C., ch.1246), Ministère de la Justice du Canada, Ottawa (Ontario), 2004. http://lois.justice.gc.ca/fr/O-9/C.R.C.-ch.1246/index.html. À jour jusqu’au 31 août 2004. GOUVERNEMENT DU CANADA. Survol du Programme de la sécurité de la vieillesse, Développement social Canada, Ottawa (Ontario), 2004. http://www.dsc.gc.ca/asp/passerelle.asp?hr=fr/psr/sv/svsurvol.shtml&hs =ozs CITC GOUVERNEMENT DU CANADA. Comment présenter une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse, d’Allocation ou d’Allocation au survivant, Ressources humaines et Développement Canada, Ottawa (Ontario), 2003. Feuillet d’information ISP-3000. http://www. retireware.com/pdf/isp3503e.pdf (en anglais seulement pour le moment) 54 BIEN-ÊTRE ÉCONOMIQUE DES NOUVEAUX IMMIGRANTS AU CANADA RÉSUMÉ Au cours des années 1990 un changement s’est opéré dans la composition des immigrants admis au Canada, puisqu’il y a eu une augmentation du nombre d’immigrants admis dans la catégorie de l’immigration économique. Par ailleurs, comme les priorités en matière de sélection ont changé, le nombre d’immigrants détenant un diplôme universitaire a considérablement augmenté. Toutefois, malgré cette augmentation du niveau d’instruction, des cohortes successives de nouveaux arrivants ont connu des difficultés sur le marché du travail. Le présent article vise à fournir un bref aperçu des principaux indicateurs concernant cette question. L au Canada a connu des changements importants dans les années 1990. Entre 1991 ’ immigration et 2000, 2,2 millions d’immigrants ont été admis au Canada, ce qui représente le taux d’admis- sions le plus élevé au cours des 100 dernières années, toutes décennies confondues. L’immigration s’est maintenue à un haut niveau pendant la récession, au début des années 1990. Au cours des années qui ont suivi la récession, il y a eu une reprise lente de l’immigration. De plus, au cours de cette décennie, un changement s’est opéré dans la composition des immigrants admis au pays, puisqu’il y a eu une augmentation du nombre d’immigrants admis dans la catégorie de l’immigration économique. Par ailleurs, comme les priorités en matière de sélection ont changé, le nombre d’immigrants détenant un diplôme universitaire a considérablement augmenté. Toutefois, malgré cette augmentation du niveau d’instruction, des cohortes successives de nouveaux arrivants ont connu des difficultés sur le marché du travail. Le présent document vise à fournir un bref aperçu des principaux indicateurs concernant cette question. Emploi et gains GRANT SCHELLENBERG ET FENG HOU Grant Schellenberg et Feng Hou travaillent à Statistique Canada. Le succès sur le marché du travail constitue l’ingrédient essentiel du bien-être financier. La croyance populaire a toujours été que les nouveaux immigrants ont des difficultés à s’établir sur le marché du travail à leur arrivée dans le pays d’accueil, mais qu’ils finissent par surmonter ces difficultés et par obtenir des gains comparables à ceux des travailleurs nés dans le pays d’accueil en question. Toutefois, bien que ce fut le cas des immigrants arrivés au Canada avant le début des années 1980, la situation a été différente pour ceux qui sont arrivés plus récemment. Il s’agit là d’une évidence quand on se penche sur la question de l’entrée sur le marché du travail. En 1981, les immigrants vivant au Canada depuis cinq ans ou moins étaient légèrement plus susceptibles d’être sur le marché du travail que les personnes nées au Canada (voir le Tableau 1). De plus, ils étaient tout aussi susceptibles d’occuper des emplois à plein temps et à l’année. Depuis, le taux d’emploi chez les cohortes d’immigrants a diminué (Reitz, 2001). En 2001, le taux d’emploi chez les immigrants vivant au Canada depuis cinq ans ou moins était plus bas que chez les Canadiens, et l’écart entre les femmes était particulièrement important. De plus, cette baisse du taux d’emploi ne touchait pas simplement les immigrants qui venaient d’arriver au Canada, mais également ceux qui y vivaient depuis 15 ans. Les trajectoires des gains des immigrants qui sont entrés sur le marché du travail se sont également détériorées. Au cours des premières années suivant leur arrivée, les immigrants ont pendant longtemps touché des gains inférieurs à ceux de leurs homologues canadiens, mais cet écart se rétrécit avec le temps (voir le Graphique 1). Cependant, au cours des années 1980 et 1990, l’écart entre les gains initiaux des deux groupes s’est considérablement creusé, soulevant ainsi des questions à savoir si les gains des immigrants finiraient un jour par rejoindre ceux de leurs homologues canadiens. Par exemple, les immigrants de sexe masculin qui sont arrivés entre 1975 et 1979 touchaient des gains initiaux équivalant à 83 % de ceux des Canadiens. Cet écart entre les gains rétrécit toutefois et passe à environ 90 % après 11 à 15 ans (Frenette et Morissette, 2003). Par contre, les immigrants de sexe masculin qui sont arrivés au Canada entre 1985 et 1989 touchaient des gains initiaux équivalant à 66 % de ceux de leurs homologues canadiens. Toutefois, cet écart se rétrécit et passe à 78 % après 11 à 15 ans au Canada. Les cohortes plus récentes d’immigrants ont connu 55 Tableau 1 – Taux d’emploi et proportion de travailleurs à plein temps et à l’année, selon le statut d’immigration, population âgée entre 25 et 54 ans Homme 1981 1991 Femme 2001 1981 1991 2001 % ayant un emploi quelconque Non-immigrant 9 8 8 5 7 7 ≤ 5 ans* 9 7 7 6 6 5 6 -10 ans 9 8 8 6 6 6 11-15 ans 9 8 8 6 7 7 16 -20 ans 9 8 8 6 7 7 % ayant un emploi à plein temps et à l’année Non-immigrant 3 3 3 1 2 2 ≤ 5 ans 3 3 2 1 2 1 6 -10 ans 3 3 3 2 2 2 11-15 ans 3 3 3 2 2 2 16 -20 ans 3 3 3 2 2 2 Source : Recensements de 1981, 1991 et 2001 * Les personnes qui ont immigré au Canada au cours de l’année du recensement ou l’année précédente ont été exclues. Troisièmement, les nouveaux entrants sur le marché du travail canadien ont connu une détérioration de leur situation d’emploi au cours des années 1980 et 1990. Les nouveaux immigrants font partie de ce bassin de nouveaux entrants, de même que les jeunes et les autres personnes qui retournent travailler. Les résultats de l’étude menée par Green et Worswick (2004) indiquent qu’entre le début des années 1980 et la fin des années 1990, plus du tiers de la baisse totale des gains des immigrants à leur entrée sur le marché du travail était attribuable à la détérioration globale du rendement des nouveaux entrants. Enfin, il se pourrait que l’augmentation spectaculaire du nombre de Canadiens ayant un niveau de scolarité élevé ait eu des répercussions négatives sur les perspectives économiques des immigrants. Entre 1980 et 2000, le nombre de femmes sur le marché du travail ayant un diplôme universitaire a quadruplé et le nombre d’hommes ayant un diplôme a plus que doublé. De plus, il n’y a eu aucune pénurie générale de travailleurs ayant un niveau de scolarité élevé au cours de cette période, à l’exception de quelques professions bien précises (Gingras et Roy, 2000). Reitz (2001) soutient que, malgré l’augmentation du niveau de scolarité des immigrants, leur avantage économique relatif a diminué. En d’autres mots, les immigrants très instruits qui sont sur le marché du travail doivent faire concurrence à un nombre grandissant de travailleurs canadiens tout aussi instruits. Dans un marché aussi compétitif, même les différences marginales sur le plan de la qualité de l’éducation, des aptitudes en matière de langue et de communication ou des normes culturelles pourraient avoir des répercussions sur la situation d’emploi. des écarts encore plus grands à leur arrivée. Même si ces derniers ont atteint assez rapidement la parité des gains avec les travailleurs nés au Canada, ils ont dû travailler très fort pour y parvenir. Les chercheurs attribuent la détérioration de la situation des immigrants sur le marché du travail à quatre facteurs connexes (Picot, 2004). Premièrement, le fait que les pays sources d’immigrants ne soient plus l’Europe et les ÉtatsUnis, mais plutôt d’autres régions, peut expliquer les récentes tendances (Aydemir et Skuterud, 2004 ; Bloom, Grenier et Gunderson, 1995 ; Picot et Hou 2003). Il se peut que les immigrants en provenance de pays autres que les États-Unis et l’Europe aient des gains inférieurs parce qu’ils possèdent moins de compétence polyvalentes et de titres de compétences et en raison de difficultés potentielles liées à la langue, à la culture, à la qualité de l’éducation, aux réseaux et peutêtre à la discrimination (Bloom, Grenier et Gunderson, 1995 ; Sweetman, 2003). Deuxièmement, des études démontrent que la détérioration des gains des immigrants serait surtout attribuable à la diminution des avantages de l’expérience acquise à l’étranger et des titres de compétences étrangers. La diminution des avantages de l’expérience acquise à l’étranger n’a pas vraiment affecté les immigrants en provenance de l’Europe et des États-Unis, mais a surtout affecté les immigrants en provenance d’autres pays (Aydemir et Skuterud, 2004 ; Green et Worswick, 2004). Ratio des revenus: Immigrants / Non-immigrants Graphique 1 – Comparaison entre le revenu des immigrants et celui de Canadiens comparables 1,0 Faible revenu et répartition des revenus 0,9 0,8 Comme les gains représentent la principale source de revenu de la plupart des familles, il n’est pas étonnant de constater qu’une baisse du taux d’emploi et des gains entraîne une augmentation du taux de faible revenu chez les immigrants (Picot, 2004). Chez les immigrants vivant au Canada depuis 10 ans ou moins, le pourcentage d’entre eux ayant un faible revenu est passé de 23 % à 35 % entre Cohorte de : 1975-1979 1980-1984 1986-1989 1990-1994 1995-1999 0,7 0,6 0,5 1-5 6-10 11-15 16-20 CITC Nombre d’années depuis l’immigration 56 1980 et 2000 (Heisz et McLeod, 2004). Cette tendance à la hausse était généralisée et touchait les immigrants de tous les groupes d’âge, tous les types de familles, tous les niveaux de scolarité et tous les niveaux linguistiques déclarés (Picot et Hou, 2003). De plus, malgré les prétendues possibilités offertes par l’« économie axée sur le savoir », le fait de posséder un diplôme universitaire n’a nullement protégé les nouveaux immigrants du risque accru qu’ils touchent un faible revenu, peu importe leur domaine d’études. En effet, la différence la plus marquée du taux de faible revenu entre les Canadiens et les nouveaux immigrants se situait chez les diplômés universitaires, particulièrement ceux ayant un diplôme en génie et en sciences appliquées. En ce qui a trait aux régions sources, la hausse du taux de faible revenu était particulièrement marquée chez les nouveaux immigrants en provenance d’Afrique, d’Asie et d’Europe du Sud (Picot et Hou, 2003). La majorité des immigrants qui arrivent au Canada vont s’établir dans les grands centres urbains. En effet, près des trois quarts d’entre eux vont s’établir à Montréal, à Toronto ou à Vancouver (Schellenberg, 2004). Dans ces centres, les nouveaux immigrants constituent une portion importante de la population à faible revenu. En 2001, les nouveaux immigrants représentaient 17 % de la population totale à Toronto et à Vancouver, mais environ 32 % de la population à faible revenu (Heisz et McLeod, 2004). À Montréal, ils représentaient 6 % de la population totale, mais 14 % de la population à faible revenu. De plus, des études récentes ont fait état de la pression accrue qu’exerce la hausse du taux de faible revenu chez les nouveaux immigrants sur le taux de faible revenu en général. Elles ont également indiqué que les « quartiers à faible revenu » sont de plus en plus constitués de nouveaux immigrants (Heisz et McLeod, 2004 ; Picot et Hou, 2003). L’examen de la distribution des immigrants dans les quintiles de revenu permet d’obtenir une perspective plus générale relativement à leur bien-être financier. Aux fins de l’établissement des quintiles de revenu, toutes les familles canadiennes dont le chef est âgé entre 25 et 54 ans ont été classées par ordre croissant en fonction de leur revenu total. Par la suite, elles ont été divisées en cinq groupes – celles se situant dans les 20 % des revenus les plus faibles de la distribution des revenus, celles se situant dans les 20 % des revenus les plus élevés et celles se situant dans les trois groupes du milieu. En 1980, 18 % des familles de nouveaux immigrants appartenaient au quintile inférieur et 16 % appartenaient au quintile supérieur. En d’autres mots, elles étaient sous-représentées aux niveaux inférieur et supérieur de la distribution des revenus et étaient plutôt concentrées dans le milieu (voir le Graphique 2a). À partir de 1990 et de 2000, les familles de nouveaux immigrants étaient de plus en plus concentrées dans les deux quintiles inférieurs et étaient de plus en plus sous-représentées au niveau supérieur. La situation était manifestement la même chez les familles d’immigrants qui vivaient au Canada depuis 11 à 19 ans (voir le Graphique 2b). Cependant, bien que ces graphiques illustrent une détérioration importante de la situation financière relative des immigrants, ils démontrent également que bon nombre d’immigrants sont parvenus Graphique 2a – Immigrants vivant au Canada depuis 10 ans ou moins : Distribution dans les quintiles de revenu familial 35 % 30 % 25 % 20 % 15 % 10 % 5% 0% 1980 1990 2000 Graphique 2b – Immigrants vivant au Canada depuis 11 à 19 ans : Distribution dans les quintiles de revenu 35 % 30 % 25 % 20 % 15 % 10 % 5% 0% 1980 Quintile inférieur 1990 2e 3e 2000 4e Quintile supérieur à atteindre le milieu ou même le niveau supérieur de la distribution des revenus au Canada. Accumulation de la richesse Le bien-être financier peut se mesurer non seulement en fonction des gains et du revenu touchés au cours d’une année donnée, mais également en fonction des biens ou des richesses que possèdent une personne et une famille. L’accession à la propriété est également un facteur important dont il faut tenir compte. Haan (2005) rapporte que le taux d’accession à la propriété a baissé chez les cohortes successives d’immigrants dans les sept centres urbains en importance au Canada. Toutefois, il existe des variations considérables de ce taux parmi les immigrants en provenance de différents pays sources et parmi ceux qui résident dans différents centres urbains. En ce qui a trait à l’accès au logement, la Société canadienne d’hypothèques et de logement rapporte que les nouveaux immigrants comptent parmi les groupes les plus susceptibles d’avoir des « besoins impérieux de logement », définis comme l’incapacité d’accéder à un logement abordable, en bon état et comptant un nombre suffisant de chambres à coucher compte tenu de la taille et de la composition du ménage (Engeland et coll., 2005). Comme c’est le cas pour d’autres mesures, plus les immigrants sont au Canada depuis longtemps et plus le risque qu’ils aient un besoin impérieux de logement diminue. Si l’on regarde les biens de façon plus générale, les différences se sont accrues entre les familles de Canadiens 57 et celles d’immigrants. La richesse moyenne des familles canadiennes a augmenté de 37 % entre 1984 et 1999, mais elle a diminué de 16 % chez les familles d’immigrants qui vivaient au Canada depuis moins de 10 ans (Morissette, Zhang et Drolet, 2002). De plus, l’augmentation globale de l’inégalité manifeste du revenu et de la richesse au Canada dans les années 1980 et 1990 est en partie attribuable à la baisse des gains des nouveaux immigrants (Moore et Pacey, 2003 ; Morissette, Zhang et Drolet, 2002). Références AYDEMIR, Abdurrahman et Mikal SKUTERUD. Explication de la détérioration des gains au niveau d’entrée des cohortes d’immigrants au Canada, 1966-2000, Statistique Canada, Direction des études analytiques, Documents de recherche, no 225, Ottawa, 2004. BLOOM, David E., Gilles GRENIER et Morley GUNDERSON. « The changing labour market position of Canadian immigrants », Canadian Journal of Economics = Revue canadienne d’économique, no 28 (1995), p. 987-1005. ENGELAND, John, Roger LEWIS, Steven EHRLICH et Janet CHE. Évolution des conditions de logement dans les régions métropolitaines de recensement au Canada, 1991-2001, Tendances et conditions dans les régions métropolitaines de recensement no 005, Statistique Canada, no 89-613 au catalogue, Ottawa, 2005. Mot de la fin Bien des études ont fait état de la détérioration de la situation des nouveaux immigrants sur le marché du travail vers la fin des années 1980 et 1990. Cette détérioration a continué malgré l’amélioration des conditions macroéconomiques à la fin des années 1990 et l’augmentation du niveau d’instruction des immigrants. Plusieurs recherches se sont intéressées aux facteurs associés à cette détérioration, notamment aux changements dans les pays sources d’immigrants et la composition sociodémographique, à la diminution des avantages de l’expérience de travail acquise à l’étranger, à la détérioration globale de la situation des nouveaux entrants sur le marché du travail ainsi qu’à l’augmentation de la concurrence que livrent les Canadiens très instruits aux immigrants. Il reste cependant quantité de choses à apprendre au sujet des différences individuelles chez les immigrants. Pourquoi les immigrants ayant des attributs sociodémographiques différents obtiennent-ils des résultats différents ? Pourquoi les immigrants possédant des caractéristiques similaires connaissent-ils des expériences différentes en matière d’intégration économique ? La création de nouvelles sources de données, telles que l’Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, menée par Statistique Canada, permettra de jeter une lumière nouvelle sur ces questions. Le piètre rendement des nouveaux immigrants sur le marché du travail n’est pas seulement lié aux politiques en matière de sélection et d’établissement des immigrants, mais également à des questions beaucoup plus générales en matière de cohésion sociale et d’exclusion. FRENETTE, Marc et René MORISSETTE. Convergeront-ils un jour ? : les gains des travailleurs immigrants et de ceux nés au Canada au cours des deux dernières décennies, Statistique Canada, Direction des études analytiques, Documents de recherche no 215, Ottawa, 2003. GINGRAS, Yves et Richard ROY. « Is There a Skill Gap in Canada ? » Canadian Public Policy = Analyse de politiques, vol. 26, no 1 (2000), p. 5159-5174. 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Immigrant Source Country School Quality and Canadian Labour Market Outcomes. Queen’s University, School of Policy Studies, 2003. 58 FACTEURS INFLUANT SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DES IMMIGRANTS Le Canada en ce nouveau millénaire RÉSUMÉ Les répercussions de la restructuration mondiale sur la société et l’économie canadiennes sont telles que les marchés canadiens sont de plus en plus réceptifs aux processus mondiaux de production et à la répartition internationale de la main-d’œuvre. Pourtant, selon des indicateurs sociaux clés, comme la pauvreté, la participation au marché de l’emploi, les taux de chômage, la ségrégation sectorielle et professionnelle et le statut de santé, le statut socioéconomique des immigrants est clairement en déclin. L’auteure soutient que pour inverser cette tendance, il faudra des mesures politiques pour confronter la crise sociale et économique associée au déclin du statut socioéconomique des immigrants récents. La condition changeante de l’expérience des immigrants du Canada en ce nouveau millénaire GRACE-EDWARD GALABUZI Ryerson University La société canadienne connaît de profonds changements en ce début de millénaire. Les répercussions de la restructuration mondiale sur la société et l’économie canadiennes sont telles que les marchés canadiens sont de plus en plus réceptifs aux processus mondiaux de production et la répartition internationale de la main-d’œuvre. Le marché du travail canadien est « mondialisé » par l’arrivée de nouveaux immigrants, en particulier de l’hémisphère Sud, qui sont nombreux à fuir les conditions politiques et économiques résultant de la restructuration mondiale dans leurs régions d’origine, alors que la mondialisation déstabilise les sociétés, entraîne l’affaiblissement des économies et contraint de nombreuses personnes talentueuses à partir ailleurs, à la recherche de nouvelles possibilités et de stabilité. Pourtant, une fois arrivés au Canada, plusieurs immigrants ont découvert une société et un marché du travail confrontés à des forces similaires de restructuration. Celles-ci se sont combinées aux structures historiques de la discrimination sexuelle et raciale et font en sorte qu’un grand nombre de ces immigrants, appartenant pour la plupart à des groupes racialisés, sont au Canada aussi vulnérables que leurs prédécesseurs du siècle dernier et de plus en plus réduits à une situation sociale et économique inférieure. Des indicateurs sociaux clés tels que les taux de pauvreté, de participation au marché du travail, de chômage, de ségrégation sectorielle et professionnelle et d’état de santé indiquent que la situation économique et sociale des immigrants récents est en baisse. La progression des immigrants récents est souvent mesurée par leur capacité d’atteindre la parité salariale avec les autres Canadiens en un temps raisonnable. Cette forme d’assimilation socioéconomique est utilisée pour déterminer le succès de l’intégration des immigrants dans la société canadienne. Historiquement, la majorité des immigrants atteignaient un certain degré de réussite économique dans le marché du travail canadien. En effet, de nombreux immigrants qui débutaient avec des salaires moins élevés que les travailleurs nés au Canada dotés de compétences comparables parvenaient éventuellement à rattraper ces derniers; pour ceux dotés de compétences limitées, cela pouvait prendre une dizaine d’années, tandis que les diplômés universitaires y arrivaient en deux ans. Souvent, alors que la durée de résidence au Canada augmentait, les salaires dépassaient ceux des travailleurs nés au Canada et leur situation professionnelle commençait à correspondre à celle des travailleurs nés au Canada (Harvey et Siu, 2001 ; Reitz, 2001). Donc, pour les immigrants, la participation au marché du travail est essentielle à l’intégration, à la formation de l’identité, à la capacité de revendiquer un sentiment d’appartenance et, en fin de compte, à la citoyenneté entière. Plus spécifiquement peut-être, elle est essentielle à leur recherche d’un moyen de subsistance. Cependant, à la fin du 20e siècle et au début de ce millénaire, lorsque les sources du mouvement de l’immigration ont par coïncidence changé de l’Europe à l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient, l’Amérique latine et les Caraïbes, le processus normal de l’intégration a commencé à faiblir pour un trop grand nombre d’immigrants (DeVoretz, 1995 ; Pendakur, 2000 ; Worswick, 2004). Les données nationales montrent que les immigrants arrivés depuis 1980 sont bloqués de 59 CITC cherchant à maximiser les avantages qu’ils tirent du marché façon disproportionnée en bas de l’échelle économique, du travail ne peut pas être soutenu car les hiérarchies raciales sur le plan du revenu, de l’emploi, de l’accès aux secteurs et sexuelles ont toujours influé sur l’attribution des emplois et emplois mieux payés et du statut professionnel (Frenette qui étaient ouverts aux nouveaux arrivants au Canada. et Morissette, 2003 ; Picot et Hou, 2003). Pour un C’est pourquoi de nombreux professionnels immigrants trop grand nombre d’immigrants récents, avoir un emploi finissaient par travailler comme domestiques, concierges, stable et régulier est devenu particulièrement difficile et chauffeurs de taxi, aides-soignants, et autres emplois du leur expérience sur le marché du travail est de plus en plus genre. En fait, c’est une combinaison de facteurs qui offre la caractérisée par des niveaux élevés de précarité, les mainmeilleure explication des conditions de plus en plus tenant de façon disproportionnée dans des emplois peu observées comme typiques de l’expérience des immigrants rémunérés, à temps partiel, temporaires, précaires et avec au Canada en ce nouveau millénaire de mauvaises conditions de travail. (Grant et Oertel, 1998). L’impact sur leur situation économique L’immigration et sociale n’est pas difficile à imaginer : représentait plus elle est de plus en plus définie par une La population changeante du exposition disproportionnée à un faible Canada et les implications de cette de 50 % de la revenu, à la pauvreté et à un état de santé évolution sur le marché du travail croissance nette qui régresse. Ces conditions équivalent à L’importance de notre intérêt de la population une exclusion sociale accrue pour des pour la question de la régression de segments entiers d’immigrants récents, la situation économique et sociale des et 70 % de la perturbant les aspirations de bonne intéimmigrants peut être liée au fait que croissance de la gration tant chez les nouveaux arrivants l’immigration représentait plus de 50 % que dans la société d’accueil. de la croissance nette de la population population active Les analyses courantes qui tentent et 70 % de la croissance de la population durant la première d’expliquer l’émergence de ces expériactive durant la première moitié des ences plus difficiles sur le marché du années 1990 (1991-96) et, d’après une moitié des années travail optent pour une explication néorécente étude de Ressources humaines 1990 (1991-96) et, classique de la façon dont les marchés et Développement des compétences du travail opèrent. Ils procéderaient Canada, on s’attend à ce qu’elle repréd’après une récente de manière autonome afin d’optimiser sente la quasi-totalité de la croissance étude de Ressources le capital humain disponible – les emnette de la population active canadienne ployeurs seraient des agents rationnels qui d’ici l’an 2011 (RHDCC, 2002). D’après humaines et recherchent une productivité optimale le recensement de 2001, les immigrants Développement des dans la main-d’œuvre disponible. Ces représentaient 18,4 % de la population compétences analyses laissent entendre que pour canadienne, et ce taux devrait monter à comprendre l’évolution du rendement 25 % d’ici 2015. À 18,4 %, l’immigraCanada, on économique des immigrants récents, il tion atteint sa plus grande proportion s’attend à ce qu’elle faut se concentrer sur un certain nombre de la population canadienne en plus de de facteurs clés, dont les suivants : change50 ans. À Toronto, la plus grande ville du représente la ments dans la demande de main-d’œuvre Canada, plus de 25 % des élèves dans le quasi-totalité de la redevables à la restructuration, délai de système scolaire sont arrivés au Canada l’immigration ou période de séjour et au cours des dix dernières années. croissance nette de faible capital humain (De Voretz, 1995 ; Par ailleurs, en 2001, le Canada la population active Stoffman, 2002). De ce point de vue, comptait quatre millions de membres les caractéristiques des pays sources et le de groupes racialisés, ou 13,4 % de la canadienne d’ici l’an caractère ethnique ou racial de l’immipopulation canadienne, soit une augmen2011 (RHDCC, 2002). gration actuelle n’importent pas. tation de 24,6 % depuis 1996. Cette Il ne fait aucun doute que certains augmentation a dépassé de loin le taux des facteurs cités contribuent aux différences de revenu et canadien de 3,9 % au cours de cette période de cinq ans. La de situation professionnelle responsables de la situation proportion des membres de groupes racialisés dans la économique et sociale en régression des immigrants population devrait monter à 20 % d’ici 2016. Une grande récents, mais une analyse attentive montre que même partie de cette augmentation peut être attribuée à l’immilorsqu’on contrôle les facteurs mentionnés ci-dessus, il gration car le Canada a accueilli une moyenne annuelle de subsiste des différences qui s’expliquent mieux lorsqu’on près de 200 000 nouveaux immigrants et réfugiés durant les considère la discrimination dans l’emploi comme un facteur années 1990. Depuis les années 1970, un nombre accru important (Akbari, 1999 ; Christofides et Swinsisky, 1994). d’immigrants au Canada est venu d’Asie et du MoyenLa discrimination sexuelle et raciale dans l’emploi est un Orient. Les immigrants nés en Asie représentent plus de la facteur historique qui a toujours déterminé les modèles moitié (57 %) des immigrants arrivés depuis 1991i. d’incorporation de la main-d’œuvre immigrante dans C’est en grande majorité dans les trois plus grandes le marché du travail canadien. L’argument voulant que zones urbaines du Canada – Toronto, Vancouver et Montréal – les employeurs ne peuvent pas se permettre de faire de que les changements dans la composition de l’immila discrimination parce qu’ils sont des acteurs rationnels gration ont été le plus ressentis. Les immigrants récents ont 60 salaires et mettant la main-d’œuvre en concurrence, elle a provoqué des migrations mondiales et a réordonné la division mondiale de la main-d’œuvre, créant sur le marché du travail canadien des conditions de plus en plus similaires aux conditions typiques de l’hémisphère Sud. Des conditions d’emploi précaire, des modalités de travail intensifiées, une exploitation intensifiée de la maind’œuvre et des niveaux élevés de flexibilité dans le déploiement de la main-d’œuvre visant à satisfaire la tendance du capital mondial à désinvestir là où les conditions ne sont pas très favorables. Toutes ces conditions sont là pour accueillir les immigrants dès leur arrivée Anciennes et nouvelles sources d’inégalités dans le au Canada. Cette situation crée une sorte de phénomène marché du travail canadien de « Sud au Nord », qui se soldent par Les nouveaux immigrants sont une situation économique et sociale en confrontés à des formes persistantes L’augmentation de régression, car les conditions d’emploi d’exclusion et à de nouveaux impératifs parti-culières, les contrats, le temps économiques qui génèrent un accès l’immigration en partiel, le travail temporaire et les inégal à l’emploi et à la rémunération et provenance de emplois multiples – souvent obtenus par se combinent pour accroître les niveaux l’hémisphère Sud, l’intermédiaire d’agences de placement d’inégalité que connaissent les immiqui paient le travailleur une fraction de grants récents dans le marché du travail. la déréglementation la rémunération qu’elles obtiennent Ceux-ci comprennent les répercussions du marché du de la société contractante – deviennent des processus de mondialisation, les de plus en plus la norme, du moins processus historiques de discrimination travail, le déploiedans certains centres urbains et dans raciale et les obstacles à l’accès aux proment flexible de la certains secteurs. fessions et aux métiers. De plus en plus, Donc, les forces et les événements les expériences racialisées sur le marché main-d’œuvre et la mondiaux ont autant de poids que les du travail sont caractérisées par : précarité vont considérations nationales dans notre • la ségrégation dans le marché du compréhension de la récente évolution travail ; de pair avec la de la situation économique et sociale des • un accès inégal à l’emploi ; discrimination immigrants. L’augmentation de l’immi• une surreprésentation dans les gration en provenance de l’hémisphère secteurs et emplois à faible revenu ; raciale et sexuelle Sud, la déréglementation du marché du • une sous-représentation dans les historique et travail, le déploiement flexible de la secteurs et emplois à revenu élevé ; le retrait de l’Étatmain-d’œuvre et la précarité vont de • des inégalités de revenu ; pair avec la discrimination raciale et • des taux de chômage et de sousprovidence pour sexuelle historique et le retrait de l’Étatemploi plus élevés que la moyenne. expliquer les providence pour expliquer les niveaux élevés de pauvreté chez les immigrants La mondialisation, la déréglemenniveaux élevés récents. L’emploi précaire est généraletation du marché du travail, les flux de pauvreté chez ment défini par des conditions telles d’immigration et la situation sociale qu’une faible rémunération, l’absence de et économique en régression des les immigrants sécurité de l’emploi, de mauvaises et immigrants récents récents. souvent de dangereuses conditions de Pour tenter de comprendre les travail, des horaires de travail intensifiés, causes et la signification de ces faits, il des heures de travail excessives, peu ou pas d’avantages peut être utile de chercher à comprendre pourquoi ces sociaux, et peu ou pas de contrôle sur le travail dans le changements importent. Qu’est-ce qui est différent entre milieu de travail pour les travailleurs. L’emploi précaire cette vague d’immigration et les précédentes ? Peut-être réduit les salaires dans les secteurs dans lesquels il se que le changement le plus critique réside autant dans les généralise. Les travailleurs immigrants récents, en particonditions dans lesquelles elle se produit que dans le culier les femmes, sont représentés de façon disproporcaractère de l’immigration. Les conditions sont de plus en tionnée dans les emplois et les secteurs qui dépendent plus dictées par un mode d’organisation économique fortement de conditions de travail précaires (tels que le mondial, souvent appelé mondialisation. La restructuracommerce et le détail, l’accueil et les autres industries de tion économique néo-libérale imposée par les séries service, l’industrie légère, le textile et le vêtement, le travail successives d’accords de libre-échange et par les processus domestique), ainsi que dans les emplois très précaires de plus larges de mondialisation a intensifié l’impact des faible statut (comme le travail manuel, la vente, les processus historiques qui s’appliquent à la main-d’œuvre emplois de bureau, les emplois de concierge, la restauracialisée. De la même manière que la mondialisation a ration, la récolte, les soins de santé du bas de l’échelle, perturbé le marché du travail canadien avec les exigences le travail domestique). de déploiement flexible de la main-d’œuvre, abaissant les transformé ces zones en divers centres culturels et leurs contributions accrues à la vie et à l’économie de villes telles que Toronto ont conduit de nombreux Torontois à déclarer que la diversité constitue la force de leur ville. En 2001, quatre immigrants récents au Canada sur dix se sont établis dans la RMR de Toronto, et 60 % d’entre eux venaient d’Asie et du Moyen-Orient. L’autre région qui attire fortement les immigrants récents est Vancouver, qui a reçu 18 % des immigrants récents au Canada entre 1991 et 1996, et 80 % d’entre eux étaient nés en Asieii. 61 Situation des immigrants et discrimination raciale dans l’emploi Tableau 1 : Taux de participation au marché du travail des immigrants, des non-immigrants et des minorités visibles (%). La discrimination raciale dans l’emploi reste un obstacle à l’accès à un emploi à temps plein et sûr dans les secteurs bien payants de l’économie, exacerbant les vulnérabilités imposées par la mondialisation. La plupart des postes continuent d’être pourvus par le bouche-àoreille ou par les marchés du travail internes qui tendent à reproduire la composition du milieu du travail. De façon surprenante, après 17 ans de Loi fédérale sur l’équité en matière d’emploi, la composition de la fonction publique fédérale n’a pas changé de façon à refléter la population qu’elle sert (rapport du Groupe de travail fédéral sur les minorités visibles dans la fonction publique, 2000). Les résultats économiques établis peuvent être attribués à des pratiques discriminatoires systémiques sur le plan racial telles que : • un traitement différent pour le recrutement, l’embauche et la promotion ; • la fréquente utilisation de formes de recrutement non transparentes telles que le bouche-à-oreille, qui reproduit et renforce les réseaux existants ; • l’évaluation différente ou la dépréciation des titres de compétences obtenus à l’étranger ; • l’utilisation du statut d’immigrant comme indicatif d’une moindre qualité de capital humain. 1981 1991 2001 Main-d’œuvre totale 75,5 78,2 80,3 Canadiens de naissance 74,6 78,7 81,8 Tous les immigrants 79,3 77,2 75,6 Immigrants récents 75,7 68,6 65,8 Minorités visibles S/O 70,5 66,0 Source : Statistique Canada, 2003 : Profil changeant de la population active du Canada et The Conference Board of Canada, avril 2004, Making a Visible Difference – The Contribution of Visible Minorities to Canadian Economic Growth. Tableau 2 : Taux de chômage des immigrants, des non-immigrants et des minorités visibles (%). 1981 1991 2001 Main-d’œuvre totale 5,9 9,6 6,7 Canadiens de naissance 6,3 9,4 6,4 Tous les immigrants 4,5 10,4 7,9 Immigrants récents 6,0 15,6 12,1 Minorités visibles S/O S/O 12,6 Source : Statistique Canada, recensement de 2001, Série « Analyses ». Profil changeant de la population active du Canada, 11 février 2000 et Rapport statistique sur l’équité en matière d’emploi de 2001, Développement des ressources humaines Canada. Des taux plus élevés de chômage et de sous-emploi Les données relatives au chômage et à la participation au marché du travail montrent que, contrairement aux phases antérieures d’immigration, il y a eu une tendance à la baisse de l’accès à l’emploi des immigrants au cours des 20 dernières années. La croissance du chômage et la diminution de la participation au marché du travail coïncident avec le début de l’immigration intensive en provenance de l’hémisphère Sud. Ils reflètent l’impact double des vulnérabilités résultant de la restructuration néo-libérale et de la persistance de la discrimination raciale dans l’emploi. Ces tendances troublantes ne peuvent pas être expliquées par une disparité du niveau d’instruction, entre les taux moyens des Canadiens et des immigrants récents et membres des groupes racialisés. Certains ont laissé entendre que la plus faible qualité du capital humain des immigrants racialisés serait responsable de la situation économique et sociale en régression des immigrants récents. Pourtant, en partie en raison d’un processus de sélection plus restrictif, les immigrants arrivent avec des niveaux d’instruction plus élevés que les Canadiens. En 1998, chez les immigrants racialisés ayant fait des études universitaires, le taux de chômage était de 10,4 % par rapport à 6,6 % chez les immigrants non racialisés et 4,2 % chez les Canadiens de naissance non racialisés. Il ne fait aucun doute que lorsqu’on compare le taux de chômage de 29,7 % chez ceux qui sont arrivés au Canada en 2001 avec la moyenne nationale de 7,4 %, on peut affirmer sans risque de se tromper que l’effet d’adap-tation explique une partie de la différence. Toutefois, les tendances montrent une baisse générale de la capacité des immigrants racialisés de tirer profit de leur investissement dans l’éducation. Gaspillage de cerveaux : immigrants récents et niveau d’instruction Le niveau d’instruction est de moins en moins un paramètre de prévision automatique de la situation professionnelle et du revenu lorsqu’il s’agit des groupes d’immigrants. D’après une étude menée en 1999 par A. Akbari sur la « qualité » des immigrants qui sont arrivés durant les 9 périodes allant de 1956 à 1994, le pourcentage de ceux qui n’ont pas fait d’études secondaires a baissé et il est plus faible que celui de la population canadienne durant toutes ces périodes, et le pourcentage des diplômés universitaires a augmenté, dépassant le niveau de la population canadienne générale. Cependant, les études montrent que leur avantage d’instruction ne se traduit pas dans des revenus et professions comparables (Li, 2001). Tableau 3 : Éducation postsecondaire chez les immigrants (%). Groupe Université Collège Métiers Total Imm. depuis 1970 22,5 12,1 14,0 48,4 Imm. depuis 1980 25,5 12,5 10,9 48,6 Imm. depuis 1990 40,7 12,7 7,57 60,9 Total Canada, 2001 22,2 17,9 12,9 53,4 CITC Source : Statistique Canada, 2001 Série « Analyses », L’éducation au Canada : viser plus haut (11 mars 2003). 62 appelé racialisation de la pauvreté. La racialisation de la pauvreté est liée au processus d’accroissement de l’exclusion sociale des immigrants et des communautés racialisées qui découle de la concentration du pouvoir économique, social et politique. C’est particulièrement le cas dans le Canada urbain. Certaines des plus fortes augmentations de taux de faible revenu au Canada ont été observées chez les immigrants récents. L’augmentation des taux de faible revenu chez les groupes successifs d’immigrants a presque doublé entre 1980 et 1995, connaissant une pointe à 47 % avant de diminuer à la fin des années 1990. En 1980, 24,6 % des immigrants arrivés durant la précédente période de cinq ans vivaient au-dessous du seuil de pauvreté. En 1990, le taux de faible revenu chez les immigrants récents est monté à 31,3 % et il a encore grimpé à 47,0 % en 1995. Le taux est redescendu à 35,8 % en 2000 (Picot et Hou, 2003). La trajectoire traditionnelle qui a vu les immigrants rattraper les autres Canadiens avec le temps semble avoir été inversée dans le cas des immigrants racialisés. Fait alarmant, bien que le taux de faible revenu chez les immigrants récents ne détenant pas de diplôme d’études secondaires ait augmenté de 24 % entre 1980 et 2000, le taux de faible revenu a augmenté de 50 % chez les diplômés de l’enseignement secondaire et d’un taux record de 66 % chez les immigrants détenant un diplôme universitaire ! (Frenette et Morissette, 2003) Pourtant, d’autres données montrent que les revenus d’emploi à temps plein des hommes ayant récemment immigré ont chuté de 7 % entre 1980 et 2000. Or, ceux de la cohorte des Canadiens de naissance ont augmenté de 7 %. Chez les diplômés universitaires, la chute a été plus importante (13 %). Chez les immigrantes récentes, les revenus d’emploi à temps plein ont augmenté mais moins que ceux des autres femmes (23 800 $ à 26 800 $ comparativement à 28 800 $ à 34 400 $ ; et dans les cohortes des diplômées universitaires, 32 7000 $ à 34 700 $ comparativement à 45 200 $ à 50 000 $) (Frenette et Morissette, 2003 ; Picot et Hou, 2003). Cet écart dans les compétences et la rémunération est probablement largement lié aux obstacles que rencontrent de nombreux immigrants pour faire reconnaître au Canada leurs titres de compétences professionnels et de métiers. Il y a un coût associé à cet écart dans le niveau d’instruction et le revenu d’emploi. Ce sont les individus, leurs familles et l’économie canadienne qui font les frais de cette perte. Les aptitudes de ceux qui ne sont pas intégrés dans leur domaine de compétence se dégradent avec le temps et les études montrent qu’au bout de 3 ans, 90 % d’entre eux ne retournent pas à la profession pour laquelle ils ont été formés. Selon le rapport du Conference Board of Canada publié en 2001, la perte annuelle de revenus estimés due à la non-accréditation est de l’ordre de 8 000 $ à 12 000 $ ou de 4,1 à 5,9 milliards de dollars par an (Conference Board of Canada, 2001). Une autre étude menée par Reitz indique que les estimations sont plus élevées, soit d’environ 55 milliards de dollars par an (Reitz, 2001). Racialisation et choix d’un quartier dans le Canada urbain Conséquences matérielles de la restructuration et de la discrimination persistante La racialisation de la pauvreté a également eu un impact considérable sur le choix d’un quartier et sur l’accès à un logement adéquat pour les nouveaux immigrants et les groupes racialisés. Dans les centres urbains du Canada, la concentration spatiale de la pauvreté ou de la ségrégation résidentielle s’intensifie avec l’appartenance raciale. À Toronto comme à Montréal, les immigrants sont plus susceptibles que les non-immigrants de vivre dans des quartiers où les taux de pauvreté sont élevés. Les jeunes immigrants qui vivent dans des zones à faible revenu sont souvent confrontés à l’aliénation de leurs parents et de leur communauté d’origine, ainsi que de la société plus large. Les services sociaux dont ils ont besoin pour faire face à ce bouleversement sont insuffisants, les logements offerts sont souvent inférieurs aux normes ou, lorsqu’il s’agit de logements sociaux, ils sont très mal entretenus en raison des compressions budgétaires, et ces jeunes immigrants sont confrontés aux problèmes du chômage, du désespoir et de la violence. Ils se retrouvent en contact disproportionné avec le système de justice pénal. La mondialisation, la discrimination dans l’emploi et les obstacles à l’accès aux professions et aux métiers dont nous avons parlé ci-haut ont eu de réelles répercussions sur les expériences vécues par les immigrants récents. Tous ces éléments concourent à imposer une vulnérabilité disproportionnée à un faible revenu et aux manifestations connexes d’exclusion sociale, comme le choix d’un quartier pauvre et des risques élevés pour la santé, entre autres. Les conséquences matérielles de ces phénomènes sont telles que les nouveaux immigrants ne connaissent pas les mêmes chances de réussite dans la vie : • un écart du revenu racialisé à deux chiffres ; • des niveaux de chômage chroniquement plus élevés que la moyenne ; • une participation au marché du travail soumise à la ségrégation ; • des niveaux de plus en plus élevés de pauvreté ; • un accès moindre au logement et un choix de quartier soumis à la ségrégation ; • un contact disproportionné avec le système de justice pénal ; • des risques pour la santé plus élevés. Tableau 4 : Les enclaves racialisées de la région de Toronto et les taux de pauvreté élevés. Diplôme universitaire Faible revenu et situation des immigrants : la racialisation de la pauvreté Les caractéristiques inégales de participation au marché du travail et les vulnérabilités établies ci-dessus sont telles que les immigrants récents connaissent des niveaux disproportionnés de faible revenu. Ce phénomène a été Faible revenu Parent seul Chinois 21,2 % 11,2 % 28,4 % 11,7 % Asiatiques du Sud 11,8 % 13,1 % 28,3 % 17,6 % 8,7 % 18,3 % 48,5 % 33,7 % Noirs Source : Statistique Canada, 2003 63 Chômage Conclusion Références La face changeante du Canada est liée à l’immigration, en particulier de l’hémisphère Sud, et s’accompagne de défis représentés par la régression de la situation sociale et économique des nouveaux immigrants. Ces tendances résultent des impératifs de la mondialisation, qui se combinent aux structures historiques de discrimination raciale et sexuelle pour intensifier les vulnérabilités des nouveaux immigrants. Elles ne se renverseront pas si on attend que le marché fasse des miracles. Il faudra des mesures politiques pour faire face à la crise sociale et économique associée à la régression de la situation socioéconomique des immigrants récents. Il faudra que les communautés et ceux qui portent un intérêt à la justice sociale se mobilisent. Il faudra des mesures des gouvernements fédéral et provinciaux pour la reconnaissance de la formation et de l’expérience acquises à l’étranger, pour l’équité en matière d’emploi et pour la création d’emplois, ainsi que des mesures du mouvement des travailleurs pour assurer des niveaux plus élevés de syndicalisation chez ceux qui sont employés dans des secteurs et postes précaires afin qu’ils soient en mesure de négocier des salaires équitables et des conditions de travail sûres. Pour relever ces défis, il faudra des institutions publiques et politiques représentatives, reflétant la diversité du Canada, en particulier dans les centres urbains. AKBARI, A. H. « Immigrant ‘quality’ in Canada: more direct evidence of human capital content, 1956-1994 », International Migration Review, vol. 33 (printemps 1999), p. 156-175. APPROVISIONNEMENTS ET SERVICES CANADA. 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Peu d’attention est accordée à l’amélioration de la capacité des conjoints et des enfants (la prochaine génération) à s’intégrer, si ce n’est l’offre de services publics qui ne sont pas adaptés aux immigrants et à leurs enfants. Plus précisément, l’absence de politiques et de programmes adaptés aux communautés ethniques a contribué à élargir l’écart entre les immigrants et la société en général pour ce qui est des indicateurs sociaux et économiques de la qualité de vie. A J. S. FRIDERES J. S. Frideres est professeur à la University of Calgary. Il est aussi rédacteur en chef de la revue Études ethniques au Canada. vant de traiter de la question de l’immigration et de l’ethnicité, nous devons clarifier l’organisation sociale de la société canadienne. Tout d’abord, le Canada est un pays « à majorité divisée » sur le plan ethnique, une situation qui mobilise l’attention des Canadiens depuis trois décennies. L’organisation sociale unique du Canada est composée de deux « majorités », ce qui a mené à la fragilité sociale du pays alors que la bataille continue à entraîner des divisions à l’échelle nationale. Ensuite, l’existence de deux « majorités » dans l’espace géographique du Canada signifie que chacune d’entre elles a pris des mesures différentes pour ce qui est de l’ethnicité. De manière générale, au Canada anglais et au Québec, peu de politiques sociales ont été élaborées pour tenir compte de la dimension ethnique des immigrants arrivant au Canada. Cependant, au Québec, la plupart des efforts étaient axés sur la langue alors qu’ailleurs au Canada, l’accent a été mis sur l’établissement des immigrants. De plus, les gouvernements ont consacré de nombreuses heures à redéfinir les critères liés à l’admission des immigrants au Canada. Malheureusement, lorsque ces derniers arrivent, les deux gouvernements fragiles ne disposent que d’une politique sociale générale en matière de multiculturalisme et d’interculturalisme pour guider les immigrants et tenir compte de leur dimension ethnique. Le but de ce bref essai est de signaler que ni l’une ni l’autre des deux majorités fragiles n’a pris de mesures considérables et décisives pour faciliter l’intégration des immigrants à la société canadienne. Aujourd’hui, l’accent mis sur l’intégration des immigrants est principalement axé sur le capital humain et les compétences linguistiques des immigrants. Peu d’attention est accordée à l’amélioration de la capacité des conjoints et des enfants (la prochaine génération) à s’intégrer, si ce n’est l’offre de services publics qui ne sont pas adaptés aux immigrants et à leurs enfants. (Pour un exemple, voir Reeves et Frideres, 1981, sur le rôle de divers types d’organismes de services.) Plus précisément, l’absence de politiques et de programmes adaptés aux communautés ethniques a contribué à élargir l’écart entre les immigrants et la société en général pour ce qui est des indicateurs sociaux et économiques de la qualité de vie. Le contexte Au cours des trois dernières décennies, la composition ethnique de la société canadienne a été transformée en raison de la politique d’immigration du Canada et de son rôle visant à faciliter l’immigration, tant des immigrants que des réfugiés. Jedwab (2001) note qu’aujourd’hui, la majorité des immigrants au Canada sont originaires de l’Asie et du Moyen-Orient. Environ les trois-quarts de nos immigrants arrivés récemment sont originaires de l’Asie, de l’Afrique, du Moyen-Orient, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud et sont, pour la plupart, membres d’un groupe des minorités visibles. Aujourd’hui, alors que les immigrants représentent près de 20 % de la population canadienne totale, les personnes appartenant à une minorité visible sont également plus présentes ; en effet, près de 14 % de la population appartient à un groupe des minorités visibles. En plus de se révéler sensiblement différente par rapport aux tendances historiques connues, l’ethni-cité des immigrants a introduit la question des minorités visibles dans les relations ethniques. On estime que bien que les « Blancs » forment encore le plus grand groupe, leur proportion décline et que si la tendance se maintient, d’ici le milieu du siècle, ils ne représenteront plus la majorité (Tiryakian, 2003). Au fur et à mesure que ces nouveaux groupes se forment au sein de la société canadienne, le processus d’ethnogenèse se met en branle et les enfants des immigrants seront les représentants des communautés ethniques dans la société de demain. 65 CITC ciel» de personnes socialement marginalisées semble émerger Les immigrants d’aujourd’hui sont principalement conalors que les immigrants occupent les plus bas échelons pour centrés dans les grands centres urbains du pays. Par exemple, à ce qui est du statut professionnel ainsi que du revenu. Ce nouToronto, plus de la moitié de la population est composée d’imveau phénomène suggère qu’une « ligne de couleur » a été migrants. Dans les autres grandes régions métropolitaines du tracée et, même si elle n’est qu’informelle, elle est néanmoins pays, le pourcentage n’est pas aussi élevé, mais les immigrants aussi puissante que si elle était reconnue. De plus, une fois cet représentent une importante composante de la population écart formé, les enfants des immigrants ont de plus en plus de urbaine. Le nombre croissant et la concentration de la popudifficulté à suivre une pente ascendante. lation immigrante, ainsi que sa diversité culturelle et sociale, Comme je l’ai indiqué plus tôt, il n’y a pas une voie unique méritent que les décideurs s’y attardent immédiatement. Les que pourraient emprunter les immigrants (ou leurs enfants) décideurs doivent s’interroger si ces nouvelles ethnies revitalipour s’intégrer à la société canadienne. Nous savons cependant seront la nation ou si elles entraîneront d’importants problèmes que les résultats obtenus par les membres de la deuxième sociaux ? Les politiques mises en œuvre aujourd’hui semblent génération (enfants d’immigrants) sont déterminés par les indiquer que ces décideurs sont paralysés par l’inaction. expériences et les réalisations de leurs parents. Le réétablisOn demande aux immigrants d’aujourd’hui et à leurs sement des immigrants est influencé par enfants de se transformer en « Canadiens ». les compétences, les expériences et les Au fil du temps, il est possible qu’ils s’intèLe mode ressources qu’ils apportent avec eux, ainsi grent à la société canadienne même s’ils d’incorporation que par l’environnement de la société formeront également de nouveaux groupes des immigrants et d’accueil. Le mode d’incorporation des ethniques hybrides et créent de nouvelles immigrants et de leurs enfants reflète un identités. Les décideurs ont élaboré des polide leurs enfants certain nombre de forces sociales, comme tiques et des programmes en s’inspirant de reflète un certain la politique officielle à l’égard des immimodèles d’acculturation et d’identification grants, la réceptivité publique à l’égard des ethnique tirés des expériences historiques nombre de forces immigrants et le caractère et les ressources des immigrants européens (Rex et Singh, sociales, comme la des communautés coethniques ou ayant des 2003). Toutefois, de récentes données liens ethniques déjà en place. Même si suggèrent que ces modèles ne sont peut-être politique officielle à ces facteurs mettent l’accent sur les attripas les meilleurs outils pour identifier les l’égard des immibuts ethniques des immigrants, d’autres processus de l’intégration ethnique. L’inforéléments influent sur la capacité des mation existante indique qu’un processus grants, la réceptivité immigrants à s’intégrer. d’« assimilation segmentée» se produit dans publique à l’égard la société canadienne, en vertu duquel certains groupes d’immigrants s’intègrent Obstacles à l’intégration des immigrants, rapidement, tandis que d’autres s’intègrent De tous les obstacles, aucun n’est plus et le caractère et difficilement. Portes et Rumbaut (2001) ont important que la discrimination. Des études les ressources des noté que ce processus segmenté résulte de ont révélé que les jeunes qui sont victimes de différents facteurs : discrimination ont tendance à s’identifier à communautés • le capital humain des parents immiune ethnie ou à une race plutôt qu’à la coethniques ou grants et le contexte de la réception ; société canadienne. Un autre obstacle à • la différence du rythme d’accultul’intégration est la tension entre la réussite à ressemblance ration entre les parents et les enfants, scolaire et les choix de vie non conventionethnique déjà y compris l’écart linguistique entre nels. Comme je l’ai mentionné, la plupart eux et sa portée sur l’intégration des immigrants s’établissent dans les villes en place. normative et la cohésion de la famille ; centrales des grandes régions métropoli• les obstacles culturels et économiques auxquels les taines.La concentration résidentielle fait en sorte que les enfants jeunes de la deuxième génération sont confrontés dans des immigrants sont en contact étroit avec les modèles culturels leur quête visant une adaptation réussie ; et des grandes villes qui n’encouragent pas les études officielles au • les ressources de la famille et de la communauté sein d’organismes de services publics. Seuls les enfants intégrés (capital social) pour surmonter ces obstacles (p. 8). à une communauté bien structurée ont tendance à ne pas être influencés par les modèles d’opposition avec lesquels ils sont en Toutes ces conditions structurelles se croisent de manière contact. En outre, l’influence de ces modèles externes ne à donner une impulsion à la trajectoire sociale et économique dépend pas du statut socioéconomique des parents, mais plutôt des enfants des immigrants. Certains des groupes ethniques du caractère de la famille et de la densité des réseaux au sein de créés par l’immigration récente suivent sans aucun doute une la communauté ethnoculturelle. Bref, les communautés pente ascendante. Ils s’intègrent à la société et l’enrichissent ethniques qui sont en mesure de maintenir un haut niveau avec leur culture et leur énergie. Par contre, d’autres voient d’intégration institutionnelle et de solidarité sont relativement leurs aspirations s’envoler et s’engouffrent dans une pente immunisées contre ces influences externes et peuvent façonner descendante – ils représentent ainsi une grande partie de la contribution positive de leurs enfants et stimuler les forces la population pauvre. Cette trajectoire différentielle des d’intégration. Par conséquent, leurs enfants sont capables de immigrants/ethnies reflète la notion d’assimilation segmentée s’intégrer et deviennent des « Canadiens ». identifiée par Rumbaut et Portes, et n’a pas été prise en Cette discussion met l’accent sur l’importance des compte par nos responsables des politiques. Déjà, un « arc-encommunautés ethnoculturelles, tant dans la vie des immi- 66 fonctionner dans une des deux langues officielles), et le grants que pour les Canadiens de naissance de partout au dépérissement subséquent de la langue et de la culture reçues pays. Si une communauté ethnique est en mesure de en héritage, affaiblissent l’autorité des parents immigrants et fonctionner en tant que source de capital social en renforçant divisent les générations. En retour, cela diminue le capital l’autorité parentale et les attentes pour le futur, les forces social inhérent à leur famille et à leur communauté coexternes qui vont à l’encontre des attentes des parents seront ethnique. Ainsi, malgré la présence aujourd’hui de nombreux neutralisées. Comme le soulignent Rambaut et Portes (2001), immigrants professionnels et entrepreneurs, la majorité cette ressource ne s’achète pas au marché, mais dépend plutôt d’entre eux sont pauvres. Les données suggèrent que le de la densité et de la force des réseaux fondés sur un héritage meilleur changement pour ce qui est de la réussite scolaire et commun. Cela signifie que les immigrants qui s’intègrent le de la mobilité économique chez les enfants des immigrants mieux ne le doivent pas à leur complète acculturation, mais dépend de l’acculturation sélective. Toutefois, cette position plutôt à la perpétu-ation sélective de la culture et des liens n’a pas de base politique pour l’appuyer ou pour élaborer une collectifs des parents immigrants. nouvelle politique sociale. Ce qu’il faut faire dans ce cas : aider J’avance que les politiques et programmes gouverneles enfants des immigrants à cultiver leurs mentaux actuels, la réceptivité de la société Des études menées racines, accorder de l’importance à la d’accueil et la communauté ethnique connaissance d’une deuxième langue et existante placent les gens à différents échepar le projet favoriser l’estime de soi grâce à des liens lons d’intégration. Malheureusement, les Metropolis révèlent familiaux et communautaires solides. politiciens et les décideurs ne considèrent Malheureusement, lorsque l’on apporte pas que ces facteurs ont une importance que les contraintes des changements structurels aux ententes particulière pour l’intégration sociale des et les possibilités institutionnelles de la sphère publique et à immigrants et de leurs enfants. En outre, la relation entre la sphère publique et la une telle position est directement opposée découlant des sphère privée et communautaire, la poliaux théories d’assimilation des immigrants structures sociales tique publique semble y être imperméable. qui mettent exclusivement l’accent sur le L’incompréhension du rôle des capital humain (Borjas, 1999). Des études ont un impact communautés ethniques dans le processus menées par le projet Metropolis révèlent beaucoup plus d’intégration est un obstacle à l’intégration que les contraintes et les possibilités important sur des immigrants et de leurs enfants. Le fait découlant des structures sociales ont un de n’accorder une importance qu’à l’élaboimpact beaucoup plus important sur l’intégration des ration de politiques et de programmes l’intégration des immigrants que l’ambiimmigrants que ayant recours aux organismes de services tion et les compétences de ces derniers. Au publics et non aux organismes de services même moment, les politiques et les l’ambition et les ethniques (membres) a entraîné l’accéléraprogrammes gouvernementaux ont des compétences de tion du processus par lequel certains répercussions sur les structures sociales, y immigrants et certaines communautés compris la structure et la forme des ces derniers. ethniques se rendent compte qu’ils ne sont communautés ethniques, ce qui, en retour, pas en mesure de développer un capital social suffisant pour influe sur les personnes en déterminant la mesure dans laquelle atteindre les objectifs qu’ils s’étaient fixés et pour réaliser les le capital humain peut être mis en jeu et le capital social est rêves qu’ils avaient à leur arrivée au Canada. accessible pour que la réglementation normative de la seconde génération puisse avoir lieu (Rambaut et Portes, 2001). Références Conclusion La question demeure : pourquoi le gouvernement n’a-til pas pris des mesures pour régler ces problèmes ? Tout d’abord, l’expérience a clairement démontré que le gouvernement n’est pas prêt à agir de manière « proactive » pour ce qui est des questions sociales et, par conséquent, ne s’y attardera pas tant qu’elles n’auront pas dégénéré à un point tel qu’elles ne seront pratiquement plus traitables. L’accent est plutôt mis sur la pauvreté concentrée des immigrants, sur la violence (familiale et autre), sur les gangs, sur la drogue et sur d’autres problèmes sociaux « plus importants » qui suscitent l’intérêt des médias et des politiciens. Une autre raison justifiant le fait que l’on ne se penche pas sur ces problèmes est la résurgence du « nativisme ». Ses adeptes ont formulé des opinions contre l’immigration et préféreraient que les immigrants soient mis à l’écart ou isolés jusqu’à ce qu’ils s’intègrent comme par magie à la culture canadienne. Finalement, les politiques existantes concernant les immigrants, comme l’immersion en français ou en anglais (qui ne permet pas aux immigrants d’être en mesure de BENHABIB, S. The Claims of Culture Equality and Diversity in the Global Era, Princeton/Oxford, Princeton University Press, 2002. BORJAS, G. Heaven’s Door : Immigrant Policy and the American Economy, Princeton, Princeton University Press, 1999. ETZIONI, A. The Monochrome Society, Princeton, Princeton University Press, 2001. JEDWAB, J. « Leadership, Governance, and the Politics of Identity in Canada », Canadian Ethnic Studies = Études ethniques du Canada, vol. 33, no 3 (2001), p. 4-38. LASH, S. et M. FEATHERSTONE. « Recognition and Difference : Politics, Identity, Multiculture », Theory, Culture and Society, vol. 18, no 2-3 : (2001), p. 1-20. PORTES, A. et R. RUMBAUT. Legacies, Berkeley and New York, University of California Press et Russell Sage Foundation, 2001. REEVES, W. et J. 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Programme de maîtrise : études en immigration et en implantation. POINTS SAILLANTS • Explore les tendances, les politiques et les programmes canadiens dans une perspective pluridisciplinaire. • Met à profit l’expertise de plus d’une vingtaine de professeurs spécialistes des sciences humaines, des sciences sociales, des services communautaires et des affaires. • Comporte des cours, un placement et un travail de recherche. • S’adresse à des étudiants du Canada et de l’étranger. • Prépare les diplômés aussi bien à des carrières reliées à l’immigration qu’à des études supérieures. • Renforce les compétences et les connaissances des personnes œuvrant déjà dans des domaines liés à l’immigration. • Programme offert à plein temps (12 mois) ou à mi-temps (24 mois). • Bourses et prix décernés sur la base du mérite. • Anglais comme langue d’enseignement. Prochaine date d’admission : trimestre automne 2006 Candidatures et renseignements : www.ryerson.ca/gradstudies/immigration Candidatures et admissions : [email protected] ou 416 979-5150 Programme : [email protected] ou 416 979-5000, poste 4836 CITC Études en immigration et en implantation à l’Université Ryerson de Toronto 68 RACE, ETHNICITÉ ET IMMIGRATION EN MILIEU DE TRAVAIL Expériences des personnes appartenant à une minorité visible et initiatives en matière de diversité en milieu de travail RÉSUMÉ Dans cet article, Kareem Sadiq examine les liens entre la race, l’ethnicité, l’immigration et la discrimination en milieu de travail. Il y soutient qu’une initiative d’envergure en matière de diversité en milieu de travail est nécessaire pour éliminer les obstacles discriminatoires et entraîner un changement systémique. En utilisant la perspective des écosystèmes, il suggère qu’en vertu de partenariats nationaux avec le gouvernement, les entreprises, les ONG et d’autres intervenants, le Programme du multiculturalisme a un important rôle à jouer pour la promotion de la diversité dans tous les milieux de travail du Canada. A KAREEM D. SADIQ Direction générale du multiculturalisme et des droits de la personne Ministère du Patrimoine canadien Kareem Sadiq est agent de recherche au sein de la Direction générale du multiculturalisme et des droits de la personne du ministère du Patrimoine canadien. u cours des dernières années, un imposant plan d’action sur le taux de participation des personnes appartenant à une minorité visible du Canada au marché du travail a produit des résultats révélateurs : un grand nombre de personnes appartenant à une minorité visible dans ce pays sont désavantagées par rapport aux personnes qui n’appartiennent pas à une minorité visible pour ce qui est de la profession, du salaire et d’autres éléments liés au marché du travail. Nous en savons beaucoup au sujet des statistiques sur les inconvénients, mais nous en savons beaucoup moins au sujet des raisons pour lesquelles les personnes appartenant à une minorité visible sont écartées de certaines possibilités d’emploi, et de ce que nous devons faire pour y remédier. Le manque d’expérience de travail et la non-reconnaissance des titres de compétences étrangers sont en partie responsables de cette inégalité, mais les données suggèrent que la discrimination raciale et d’autres pratiques limitatives sont les grandes responsables des inégalités liées au marché du travail (Pendakur et Pendakur, 1998 ; Pendakur et Pendakur, 2002a ; Pendakur et Pendakur, 2002b ; Reitz, 2005). Une étude en cours, portant sur la participation des personnes appartenant à une minorité visible au marché du travail et l’équité en emploi, explore en particulier la sous-représentation numérique des minorités visibles dans le milieu de travail (voir Antunes et coll., 2004 ; Parkin et Mendelsohn, 2004 ; et Jain et Lawler, 2003, pour des exemples récents). Bien que les analyses statistiques du taux de participation des personnes appartenant à une minorité visible soient utiles et nécessaires, je suis d’avis que les décideurs doivent tenir compte des rapports d’exclusion en milieu de travail. La représentation numérique n’est que la moitié de l’équation de l’équité en emploi. Les écarts entre les salaires et les professions des personnes appartenant à une minorité visible ne sont pas de simples anomalies statistiques, mais le résultat d’un ensemble complexe de processus sociaux qui interagissent pour tenir certaines personnes à l’écart des possibilités économiques. Des études révèlent que le fait d’avoir un emploi est un indicateur clé du sentiment d’appartenance et de l’inclusion sociale (Hum et Simpson, 2003 ; Kazemipur, 2002 ; Kazemipur et Halli, 2001). Il s’avère toutefois important d’établir des liens entre l’emploi, l’inclusion et l’appartenance : le fait d’avoir un emploi n’est pas en soi un indicateur permettant de conclure qu’une personne se sent incluse ou qu’elle a l’impression d’appartenir à une collectivité en particulier. Les sentiments d’appartenance et d’inclusion sont plutôt déterminés par les expériences en milieu de travail, comme le fait de sentir que ses compétences sont reconnues à leur juste valeur, d’être accepté par ses collègues et de se voir accorder les mêmes avantages qu’eux. En 2002, l’Enquête sur la diversité ethnique (EDE) a révélé que 56 % des personnes appartenant à une minorité visible étaient l’objet de discrimination au travail (Statistique Canada, 2003, p. 21). Quelle est la nature de cette discrimination et que pouvons-nous faire pour y remédier ? De plus en plus de recherches examinent les expériences quotidiennes des personnes appartenant à une minorité visible dans leur milieu de travail et identifient diverses pratiques limitatives (Bates et Este, 2000 ; Carnevale et Stone, 1994 ; Livers et Cavers, 2003 ; Mor Barak, 2000 ; et Shih, 2002). Le racisme, les stéréotypes, et l’attitude des employés et des employeurs à l’égard des compétences et des qualifications des personnes appartenant à une minorité visible nuisent à la mobilité professionnelle de ces personnes et favorisent un sentiment de détachement du milieu de 69 Race, ethnicité et immigration : intersection des rapports changeants dans le milieu de travail Race La race est un concept social qui réfère à des différences phénotypiques réelles ou perçues entre les gens (Tastsoglou, 2003 ; Bolaria et Li, 1988). Selon les valeurs sociales des groupes sociétaux dominants, les distinctions visibles entre les gens peuvent être singularisées et différenciées, reflétant ainsi les partialités idéologiques, politiques, économiques et culturelles des personnes qui ont le pouvoir de définir (Driedger, 2003, p. 4). Les idéologies liées au racisme qui socialisent et communiquent les différences phénotypiques peuvent donc être à la source des discriminations à l’égard des minorités et de la dépréciation de leur contribution au sein de la société (ibid.). Dans le milieu de travail, le statut de « personne appartenant à une minorité visible » – un terme social fondé sur la race – peut être la source du traitement limitatif. Cependant, il est important d’élucider d’entrée de jeu la relation entre le statut de personne appartenant à une minorité visible et la discrimination en milieu de travail. Pour ce qui est de la race, je suis d’avis que l’attitude d’une personne est en partie façonnée par son exposition à la différence ou, en d’autres termes, le degré d’interaction sociale avec des membres de groupes de minorités visibles. On croit souvent que les gens qui ont un réseau social interethnique hétérogène sont plus tolérants et acceptent mieux les autres que ceux qui ont un réseau intra-ethnique homogène. Par ailleurs, on pense également que les milieux de travail diversifiés et hétérogènes sont propices à la tolérance et à l’acceptation. Ces hypothèses supposent des qualifications. En m’inspirant de la documentation sur les réseaux sociaux classiques, j’avance que l’acceptation des autres dépend de la portée, du volume et de la qualité du contact social (Burt, 1983). La portée fait référence au nombre de groupes de minorités visibles avec lesquels une personne entretient des liens. Lorsqu’il est question de diversité en milieu de travail, on peut se demander dans quelle mesure la diversité est diverse. En d’autres termes, combien de groupes de minorités visibles sont représentés dans un milieu de travail donné ? Est-ce que, dans les milieux de travail, on développe une culture organisationnelle qui favorise certains groupes de minorités au détriment d’autres ? Le volume fait référence au nombre de contacts individuels au sein de chaque groupe de minorités visibles. Avec combien de personnes appartenant à des groupes de minorités différents une personne entretientelle des liens dans son milieu de travail ? La qualité se rapporte à la fréquence des contacts et à la force de la relation entre les personnes. Dans quelle mesure les gens socialisent-ils avec des collègues membres d’un groupe de minorités à l’extérieur du travail ? Les personnes appartenant à une minorité visible peuvent être tolérées par leurs collègues au travail, mais sont-elles acceptées par ces derniers à l’extérieur du travail ? La portée, le volume et la qualité des réseaux sociaux diffèrent d’une personne à l’autre et peuvent susciter des attitudes différentes envers certains groupes de minorités visibles. De plus, ce processus n’est pas limité aux CITC travail. À la lumière de cette constatation, il est clair que les politiques d’équité en matière d’emploi fondées sur la représentation numérique ne peuvent s’avérer efficaces à moins qu’elles ne soient mises en œuvre conjointement avec des initiatives d’envergure sur la diversité en milieu de travail ayant pour but de remettre en question les attitudes discriminatoires et le traitement limitatif à l’égard des personnes appartenant à une minorité visible. Quel rôle le Programme du multiculturalisme et les autres intervenants peuvent-ils jouer dans la promotion de la diversité ? Au cours des dernières années, le Programme du multiculturalisme de Patrimoine canadien, qui était axé sur l’identité culturelle, a tourné son attention vers l’intégration multiculturelle et l’inclusion sociale (Donaldson, 2003 ; Hum et Simpson, 2003). Bien qu’il soit considéré comme controversé par certains (voir Donaldson, 2003), ce changement de cap a d’importantes répercussions sur les politiques et programmes du marché du travail touchant les personnes appartenant à une minorité visible. Aux termes de la Loi sur le multiculturalisme canadien (1988, alinéa 3(1)c), le Programme du multiculturalisme a pour mandat de « promouvoir la participation entière et équitable des individus et des collectivités de toutes origines à l’évolution de la nation et au façonnement de tous les secteurs de la société, et [de] les aider à éliminer tout obstacle à une telle participation ». À la lumière de ce mandat, je suis persuadé que le Programme du multiculturalisme a un important rôle à jouer dans la promotion de la diversité en milieu de travail. Pour élaborer des politiques et des programmes efficaces en matière de diversité, les responsables doivent tenir compte de deux questions clés : 1) quelle est la relation entre la race, l’ethnicité, l’immigration et la discrimination en milieu de travail ? ; et 2) quelle direction le Programme du multiculturalisme et les autres intervenants doivent-ils prendre pour faire la promotion de la diversité dans les milieux de travail canadiens ? Dans cet article, je ne propose aucune politique en soi sur la diversité en milieu de travail, pas plus que je n’offre un examen détaillé de la gamme des intersections de la diversité et de leurs répercussions sur la diversité en milieu de travail. Je propose plutôt d’accomplir deux tâches. La première consiste à amener les gens à penser de manière réfléchie et franche aux obstacles en milieu de travail. Les obstacles à l’emploi représentent un ensemble de processus sociaux et je souhaite examiner comment les pratiques limitatives fondées sur la race, l’ethnicité et l’immigration limitent l’accès des personnes appartenant à une minorité visible aux possibilités en matière d’emploi. Ensuite, je veux examiner comment le Programme du multiculturalisme, ses partenaires gouvernementaux, le milieu universitaire, les entreprises, les ONG et d’autres intervenants peuvent mettre en place des initiatives élargies et durables visant à promouvoir l’acceptation des personnes appartenant à une minorité visible dans le milieu de travail et à éliminer les obstacles discriminatoires. Nous avons beaucoup à apprendre au sujet des politiques et des programmes des organisations en matière de diversité, mais pour apporter un changement systémique, nous devons nous pencher plus sérieusement sur le partenariat et les programmes à l’échelle nationale. 70 racial. Les personnes appartenant à une minorité visible nées au Canada et celles qui sont nées à l’étranger sont à la fois confrontées à des contraintes communes et distinctes dans leur milieu de travail. Les contraintes communes concernent la race et l’ethnicité, tandis que les contraintes distinctes se rapportent au statut d’immigrant. Les étiquettes ethniques et raciales sont attribuées tant aux personnes appartenant à une minorité visible nées au Canada qu’aux immigrants appartenant à une minorité visible, même si les premières peuvent être mieux placées pour faire des choix d’identité stratégiques cadrant avec la culture organisationnelle qui règne dans Ethnicité le milieu de travail. Les écrits sur l’ethnicité et l’identité ethnique démonLe fait de « cadrer » avec la culture organisationtrent que les attitudes discriminatoires ne se fondent pas nelle est, de bien des façons, une fonction du capital seulement sur la race. Stasiulis (1990, p. 276) parle de culturel. Le capital culturel est défini comme l’acquisition l’ethnicité comme de [traduction] « visions du monde, d’un statut social grâce à des pratiques sociales impliquant traditions et pratiques apportées par les immigrants au l’exercice du goût et du jugement (Bourdieu, 1984). Le Canada et reproduites et transformées de façon concept comprend également un plus grand ensemble dynamique dans le contexte canadien. » Eriksen (1993) de distinctions sociales qui permettent de distinet O’Callaghan (1999) décrivent l’ethnicité comme un guer les classes sociales et l’ethnicité, sentiment de séparation et de colleccomme la situation économique, les tivité : elle renvoie aux différences entre Les étiquettes compétences linguistiques et l’accent. les groupes de gens, mais identifie ethniques et Dans l’environnement de travail, les également les ressemblances selon un personnes appartenant à une minorité ensemble de caractéristiques communes. raciales sont visible qui cherchent un emploi et les Quant à l’identité ethnique, elle est attribuées tant employés appartenant à une minorité un élément attribué à des personnes visible peuvent faire la preuve qu’ils ainsi qu’une extériorisation individuelle aux personnes « cadrent » avec l’organisation en (O’Callaghan, 1999). L’identité ethnique appartenant à une adoptant ses normes et pratiques est attribuée lorsque les étiquettes culturelles. Même si certaines questions ethniques – fondées sur l’origine, la race, minorité visible entourant la pertinence organisationla religion, le sexe, la langue, et autres – nées au Canada nelle touchent autant les Blancs que sont imposées par rapport à d’autres. qu’aux immigrants les personnes appartenant à une Dans le milieu de travail, l’étiquetage minorité visible, j’allègue que les ethnique peut attribuer des caracappartenant à une Blancs ne font rarement, voire jamais, téristiques stéréotypées relativement minorité visible. l’objet de discrimination raciale et à l’aptitude au travail, aux qualités d’étiquetage ethnique, particulièrepersonnelles et aux aptitudes en général. ment s’ils représentent la majorité des employés. En La discrimination peut s’exprimer par l’exclusion des raison de leur statut apparent et d’autres caractéristiques, droits et des possibilités en raison de ces attributions les personnes appartenant à une minorité visible (Ferguson, 1991). doivent surmonter les attributions raciales et ethniques Tout comme l’extériorisation, la formation d’une en plus des diverses préoccupations concernant la identité ethnique implique un démantèlement conscient pertinence organisationnelle (comme l’adoption de la et une reconstruction des formes culturelles et des percepphilosophie, des méthodes de travail et des croyances tions mondiales (Bottomley, 1992). L’identité n’est pas un de la compagnie). concept stable ; elle est façonnée grâce à l’action Les choix stratégiques en matière d’identité ne réciproque des modalités précises du pouvoir (Hall, 1996). s’avèrent concluants que s’ils confèrent un capital culturel Pour mitiger la discrimination, certains allèguent que les suffisant pour démontrer que la personne cadre bien personnes appartenant à une minorité visible peuvent dans le milieu de travail. Les personnes appartenant à choisir une identité qui correspond à la culture organisaune minorité visible nées au Canada connaissent les tionnelle de leur milieu de travail (ibid.). Ces choix normes et peuvent mitiger partiellement l’étiquetage en matière d’identité sont stratégiques et s’avèrent des ethnique en faisant la preuve qu’elles partagent des concepts politiques qui peuvent donner accès à l’emploi et traits culturels collectifs. Les immigrants appartenant à d’autres ressources économiques. J’élaborerai davantage à une minorité visible ont plus de difficulté. Selon leur sur ce concept en tenant compte du statut d’immigrant. âge et l’année de leur arrivée, certains immigrants seront en mesure d’assimiler le capital culturel aussi Immigration bien que les personnes nées au Canada. D’autres immiL’immigration – en particulier le statut d’immigrant – grants ne connaissent pas les normes du milieu de travail a des répercussions importantes sur les expériences en et éprouvent beaucoup plus de difficulté à assimiler milieu de travail, particulièrement dans le contexte de le capital culturel. Par ailleurs, d’autres se retrouvent l’intersection des « identités » et l’étiquetage ethnique et perceptions du groupe dominant (lire Blancs) à l’égard des personnes appartenant à une minorité visible ; il concerne également l’attitude des personnes appartenant à une minorité visible à l’égard des autres groupes de minorités visibles et de la majorité blanche. Cela ajoute un niveau de complexité au problème concernant la diversité en milieu de travail : la population canadienne étant de plus en plus diversifiée, comment les relations majoritéminorité et les relations entre minorités affecteront-elles l’accès des gens aux possibilités économiques ? 71 entre les deux ; ils peuvent, dans une certaine mesure, assimiler le capital culturel, mais éprouvent des difficultés dans d’autres domaines – ce que j’appelle le capital culturel différentiel. Pour illustrer le lien entre le capital culturel et la pertinence en milieu de travail, examinons brièvement la relation entre l’accent et les compétences linguistiques. Lors d’une récente consultation pour un milieu de travail sans racisme, entre le gouvernement, des ONG et des entreprises privées sous réglementation fédérale, un gestionnaire en ressources humaines d’une importante société a déclaré ceci : [traduction] L’accent influence nos décisions en matière d’embauche et d’avancement parce qu’il révèle que la personne peut ne pas avoir les compétences linguistiques nécessaires pour faire le travail. Le fait que la personne soit canadienne ou formée à l’étranger n’a pas d’importance. Nous évaluons ces candidats plus attentivement pour nous assurer que leurs compétences linguistiques correspondent à nos attentes. CITC L’accent est un indicateur de différence culturelle et ethnique, un indicateur pouvant laisser croire que l’intéressé peut ne pas avoir les compétences nécessaires pour exécuter le travail. Pour autant que l’on puisse « évaluer plus attentivement » les compétences linguistiques d’un candidat immigrant, l’attitude discriminatoire liée à l’accent amène le gestionnaire à se demander si cette personne cadre avec l’organisation. Comme l’indiquent Creese et Kambere (2003, p. 566), [traduction] « les accents, y compris des sujets racialisés, aident également à façonner une perception au sujet des compétences linguistiques… [et] peuvent fournir une raison justifiant la non-admissibilité à l’emploi ou à la pleine participation à la société civile […] » Cet exemple illustre également le concept de capital culturel différentiel : malgré le fait qu’une personne ait une éducation canadienne et une connaissance des normes locales liées au milieu de travail, son accent peut être perçu si négativement qu’il l’emporte sur tous les autres gains en matière de capital culturel et est à la source de la discrimination. Finalement, j’aimerais traiter de la question entourant la reconnaissance des titres de compétences étrangers (TCE). Reitz (2005, p. 3) démontre que la dévaluation du travail imputable à la non-reconnaissance des titres de compétences des immigrants dans les milieux de travail canadiens se chiffre à plus de deux milliards de dollars par année. Bien que les chercheurs et décideurs se soient largement penchés sur la façon d’éliminer les obstacles liés aux TCE (comme l’amélioration des services d’évaluation des titres de compétences), on ne s’est pas suffisamment attardé aux raisons justifiant le fait que les TCE représentent un problème aussi grave. La question des TCE comporte deux volets. En effet, il y a une préoccupation technique pour déterminer si les titres de compétence acquis à l’étranger correspondent aux compétences et aux connaissances requises pour effectuer un travail précis. Par contre, certains soutiennent que la valeur des titres de compétences étrangers est filtrée par l’attitude raciste des employeurs. 72 Par exemple, une « expérience de travail au Canada » est un préalable pour de nombreux immigrants qui cherchent un emploi, semblerait-il parce qu’en l’absence de mécanismes fiables pour évaluer les titres de compétence étrangers, elle démontre que l’intéressé a les compétences nécessaires ainsi qu’une expérience en milieu de travail. Toutefois, comme le notent Reitz (2005, p. 12) et Jackson (2001), l’attitude raciale peut être à la base des exigences liées à l’expérience de travail au Canada, et le fait de penser qu’un titre de compétences acquis à l’étranger est moins reconnu que des qualifications acquises au Canada, peuvent résulter d’un préjugé discriminatoire. Par conséquent, les processus techniques d’évaluation prétendument « de bonne foi » peuvent être dévalués par un manque d’équité procédurale, ce qui, en retour, dresse des obstacles à l’intégration au milieu de travail. La perspective des écosystèmes, la diversité en milieu de travail et la voie à suivre Dans la section précédente, j’ai résumé certaines des intersections de la race, de l’ethnicité, de l’immigration et des pratiques limitatives dans les milieux de travail. J’ai beaucoup traité de l’exclusion, mais peu de l’inclusion. J’aimerais donc proposer, dans la présente section, un modèle pouvant être adopté par le Programme du multiculturalisme et d’autres intervenants pour faire la promotion de la diversité et de l’inclusion des personnes appartenant à une minorité visible dans les milieux de travail canadiens. La perspective des écosystèmes et la diversité en milieu de travail Suivant Mor Barak (2000), j’avance que les organisations doivent adopter une approche holistique en matière de diversité et tenir compte de l’environnement socioéconomique dans son sens large. Mor Barak (ibid., p. 339) défend une perspective des écosystèmes, selon laquelle les organisations vont au-delà des intérêts personnels de la compagnie et considèrent la diversité à plus grande échelle. La perspective des écosystèmes comporte quatre composantes ou systèmes : l’organisation, la communauté, le gouvernement et les entités interculturelles/ internationales. Selon lui, pour être vraiment diversifiées, les organisations doivent promouvoir des programmes internes de diversité, être actives au sein de leur communauté, participer aux programmes gouvernementaux qui font la promotion des intérêts des personnes appartenant à une minorité visible et des travailleurs à faible revenu, et s’engager dans des projets internationaux de collaboration, y compris en ce qui a trait au recrutement à l’étranger. La perspective des écosystèmes incorpore un modèle selon une approche valeur et un modèle fondé sur la pratique qui, ensemble, identifient les pratiques limitatives et inclusives de la diversité et font la promotion de la participation des personnes appartenant à une minorité visible en milieu de travail. Modèle selon une approche valeur Le modèle selon une approche valeur examine le « cadre valeur » des organisations et les situe dans un continuum exclusion-inclusion. Les organisations inclusives et limitatives ont des principes directeurs – qu’ils soient officiels ou non – qui déterminent leur ouverture à la différence. Par exemple, les organisations limitatives ne déploient aucun effort pour établir des liens avec la communauté parce que leur principale obligation est envers les intervenants financiers. Ces organisations peuvent percevoir les travailleurs à faible revenu comme de la main-d’œuvre dont on peut facilement se débarrasser et n’accordent pas beaucoup d’importance aux programmes gouvernementaux qui font la promotion du bien-être de ces personnes. Pour leur part, les organisations inclusives sentent qu’elles font partie de la communauté et, par conséquent, encouragent leurs employés à prendre part à des activités – comme le bénévolat – qui favorisent le développement de la communauté. De plus, les organisations inclusives considèrent les travailleurs à faible revenu comme de la main-d’œuvre en possible ascension et participent activement aux programmes gouvernementaux qui facilitent leur intégration au marché du travail (ibid., p. 342-343). Race, ethnicité, immigration et perspective des écosystèmes La perspective des écosystèmes est intéressante parce qu’elle offre une approche systématique pour l’identification des pratiques limitatives et le développement de bons moyens pour les éliminer. En m’appuyant sur le concept de Mor Barak, j’estime que la perspective des écosystèmes favorise l’identification de pratiques limitatives précises et la mise en place de solutions ciblées dans le milieu de travail. Il est donc possible de déterminer et de documenter la nature et la source de la discrimination au sein des organisations. En d’autres termes, elle permet d’identifier les « intersections de la discrimination ». Par exemple, la discrimination en milieu de travail est-elle caractérisée par un climat froid à l’endroit des personnes appartenant à une minorité visible, notamment en ce qui concerne l’étiquetage ethnique ou les stéréotypes, la différence de traitement réservé aux professionnels formés à l’étranger, ou une combinaison de divers facteurs ? Même si je ne traite que de la race, de l’ethnicité et de l’immigration dans cet article, la perspective des écosystèmes fournit un Modèle fondé sur la pratique La discrimination cadre pour identifier des types précis de Le modèle fondé sur la pratique pratiques limitatives en milieu de travail identifie les obstacles à la diversité, en milieu de travail et établir des liens avec différentes comrecommande des pratiques exemplaires est un phénomène binaisons d’intersections (comme le et met en valeur les avantages qui en sexe et la religion, le sexe et la race, etc.). découlent pour chaque échelon du «majorité blanche – La perspective des écosystèmes est réseau. Par exemple, au sein des minorité visible », avantageuse pour les employeurs, mais organisations, la discrimination et les mais nous savons s’avère également un outil utile pour les préjudices peuvent nuire à l’embauche chercheurs. Deux secteurs qui n’ont reçu de candidats appartenant à une minorité que les Blancs ne que peu d’attention dans la recherche visible, à leur continuité et à leur sont pas les seuls effectuée à ce jour sont la discriminaavancement. En se fondant sur des tion interminorité et la discrimination programmes de diversité qui font la à avoir une attitude « minorité-majorité ». La documentation promotion de l’acceptation et de la discriminatoire. appuie l’idée que la discrimination en satisfaction professionnelles, les orgamilieu de travail est un phénomène nisations diminuent les coûts afférents « majorité blanche – minorité visible », mais nous savons au va-et-vient associé au roulement de personnel, augque les Blancs ne sont pas les seuls à avoir une attitude mentent leur bassin de talents, élargissent leurs possibilités discriminatoire. Quelles sont la nature et la portée de la d’affaires avec les autres marchés et redorent leur répudiscrimination interminorité et de la discrimination tation. Pour ce qui est de la communauté, les entreprises « minorité-majorité », et comment se manifestent-elles au offrent des avantages et des possibilités tangibles aux travail ? Ces questions ajoutent de nombreuses étapes groupes qui sont dans le besoin, et démontrent un bon d’analyse à l’intersectionnalité de la discrimination. « rendement social » lorsqu’elles participent à des activités Les membres d’un ou de plusieurs groupes de comme l’encadrement de jeunes et le tutorat, et soutiennent minorités adoptent-ils des pratiques limitatives empêchant des institutions culturelles. Pour ce qui est du gouverneles membres des autres groupes de minorités d’accéder à ment, l’attitude négative à l’égard des programmes de des possibilités économiques ? Y a-t-il des « allégeances » sécurité sociale et des travailleurs à faible revenu nuit à entre les groupes de minorités ou entre les groupes de l’embauche. Les intersections de la race, de l’ethnicité, de minorités et les groupes de majorités qui s’efforcent l’immigration et de la classe sociale sont en jeu ici : les activement à exclure certains groupes ethnoculturels de travailleurs à faible revenu racialisés sont confrontés à des leur milieu de travail ? Se peut-il que les Blancs soient compromis liés à l’étiquetage ethnique et, dans le cas exclus des milieux de travail par la « majorité visible » ? des immigrants, aux préjugés relatifs à l’évaluation des D’autres recherches sur la discrimination interminorité et titres de compétences étrangers. En déployant des efforts minorité-majorité en milieu de travail sont nécessaires, et concertés pour embaucher des candidats participant aux je suis d’avis que les modèles selon une approche valeur et programmes du travail du gouvernement, les entreprises fondés sur la pratique, de la perspective des écosystèmes, n’offrent pas seulement des possibilités économiques aux sont des outils efficaces et utiles qui permettent aux personnes à faible revenu qui cherchent un emploi, elles chercheurs, aux décideurs et aux employeurs d’identifier réduisent également les dépenses liées à l’assurance-emploi, la discrimination entre groupes et de proposer des à l’aide sociale et à d’autres programmes de soutien solutions appropriées. fédéraux, provinciaux et municipaux (ibid., p. 344-345). 73 Les partenaires verticaux, quant à eux, sont des organisations ou des milieux de travail qui n’adhèrent pas aux bonnes pratiques en matière de diversité ou qui ne disposent que de peu de mécanismes pour les mettre en application. À vrai dire, il peut s’agir de milieux de travail qui découragent activement l’embauche de personnes appartenant à une minorité visible et leur avancement professionnel, en raison d’obstacles systémiques et de pratiques limitatives. Les partenaires verticaux sont identifiés grâce aux recherches, aux programmes et aux liens organisationnels des partenaires horizontaux. L’identification des partenaires verticaux est vitale, et ce, pour deux raisons. D’abord, elle offre aux décideurs et aux autres intervenants des données quantitatives et qualitatives plus justes sur l’emploi relativement à la sous-représentation des minorités visibles dans certains secteurs précis du marché du travail. Ensuite – et surtout –, elle place le gouvernement, les ONG et les partenaires horizontaux du secteur privé dans une position leur permettant d’identifier les obstacles et d’intervenir pour aider les milieux de travail à établir de bonnes pratiques en matière de diversité. L’établissement de liens horizontaux et verticaux ne sera pas chose facile. La culture organisationnelle, les problèmes de communication, le territorialisme entre les organismes, et les problèmes d’ordre juridique compliqueront la mise en place de partenariats durables. Le succès de la perspective des écosystèmes dépend de la capacité des intervenants partenaires à surmonter leurs différences pour atteindre des buts communs. Même si le Programme du multiculturalisme n’a pas pour mandat d’imposer des politiques aux employeurs du secteur privé, la Loi sur le multiculturalisme canadien (1988, alinéas 3(2)a) et 3(2)d) impose aux institutions fédérales2 de « faire en sorte que les Canadiens de toutes origines aient des chances égales d’emploi et d’avancement » et de « recueillir des données statistiques permettant l’élaboration de politiques, de programmes et d’actions tenant dûment compte de la réalité multiculturelle du pays. » Clairement, le Programme du multiculturalisme a un important rôle à jouer dans le contrôle et l’évaluation de la diversité en milieu de travail au sein des institutions fédérales. Le gouvernement n’est pas à l’abri des problèmes touchant la diversité en milieu de travail, et la sous-représentation systémique des minorités visibles au sein de la fonction publique fédérale a été largement documentée (Gouvernement du Canada, 2000). La fonction publique fédérale doit, d’instinct, évaluer ses propres pratiques en matière de diversité en milieu de travail et déployer des efforts concertés pour faciliter l’inclusion des personnes appartenant à une minorité visible nées au Canada ou à l’étranger. À vrai dire, le gouvernement doit prêcher par l’exemple s’il veut faire la promotion des initiatives en matière de diversité à l’échelle nationale. Il a été suggéré que le virage vers l’intégration démontre un intérêt pour établir des cadres communs et des conditions communes pour ce qui est de la diversité. Le Programme du multiculturalisme doit jouer un rôle Le Programme du multiculturalisme, les intervenants en diversité et la voie à suivre J’aimerais m’arrêter un peu plus longuement sur l’approche des écosystèmes de Mor Barak et l’appliquer à l’aspect politique du Programme du multiculturalisme. Conformément à l’appel de Mor Barak qui souhaite que les entreprises établissent des liens externes, je suis d’avis que le Programme du multiculturalisme doit établir une variété de liens horizontaux et verticaux avec les intervenants. Compte tenu de son mandat aux termes de la Loi sur le multiculturalisme canadien, le Programme du multiculturalisme est dans une position pour coordonner, de concert avec divers partenaires, une initiative nationale sur la diversité en milieu de travail. Donaldson (2003, p. 15) suggère que, dans le cadre du virage du Programme du multiculturalisme vers l’intégration, [traduction] […] le multiculturalisme se doit de rassembler des personnes aux antécédents différents pour aller de l’avant vers un cadre commun [et] des conditions communes […] [en matière de] respect, d’égalité et de diversité. […] Il est fondé sur une nouvelle approche de la communauté favorisant le contact direct. L’approche des écosystèmes pour la diversité en milieu de travail offre précisément cette possibilité au Programme du multiculturalisme ; elle offre un guide pour identifier les partenaires, établir un cadre commun et faire la promotion de la diversité et de l’acceptation en milieu de travail. Liens horizontaux et verticaux : établir des partenariats CITC Afin de créer des initiatives fructueuses sur la diversité en milieu de travail, établir des conditions communes pour les questions touchant la diversité en milieu de travail et mettre en œuvre les changements systémiques, le Programme du multiculturalisme doit établir des partenariats étroits et soutenus à l’échelle nationale avec les intervenants en diversité et les employeurs. Théoriquement, j’emploie le continuum exclusioninclusion fondé sur les valeurs pour identifier deux types de partenaires : les « partenaires horizontaux », soit les organisations disposant de politiques et de programmes fructueux en matière de diversité en milieu de travail, et les « partenaires verticaux », c’est-à-dire les organisations disposant de politiques et de programmes de très petite portée en matière de diversité, ou ne disposant d’aucune politique ni d’aucun programme du genre. Les partenaires horizontaux sont les ministères, organismes et employeurs qui font la promotion de la diversité en milieu de travail, de l’équité en emploi et de l’élimination des obstacles discriminatoires. Ces partenaires sont les organismes gouvernementaux (fédéraux, provinciaux et municipaux), les ONG, le milieu universitaire et les entreprises du secteur privé ayant une section active responsable de l’équité en emploi et disposant de politiques fructueuses en matière de diversité en milieu de travail. Les organisations qui sont considérées comme des partenaires horizontaux sont de bons intervenants de fait en diversité en milieu de travail. 74 actif pour amorcer ce dialogue national. Afin de promouvoir l’inclusion des personnes appartenant à une minorité visible au sein des milieux de travail canadiens, le Programme du multiculturalisme doit s’appuyer sur l’expertise du gouvernement, des ONG, du milieu universitaire et des entreprises pour établir des partenariats élargis et durables, ainsi que des conditions communes sur la diversité, et transmettre à tous les employeurs canadiens de bonnes pratiques en matière de diversité. KAZEMIPUR, A. et S. S. 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RÉSUMÉ Ce travail de recherche se fonde sur des données de Statistique Canada fournies à l’Université York par le biais de l’Initiative de libération des données, et au Centre d’excellence conjoint pour la recherche sur l’immigration et l’établissement (CERIS) de Toronto. Pour toute question ou tout commentaire, prière de communiquer avec le premier auteur, au Département de géographie, Université York, 4700 rue Keele, Toronto M3J 1P3, ou à l’adresse [email protected] E VALERIE PRESTON1 Faculté des études de l’environnement York University ANN MARIE MURNAGHAN CITC Département de géographie York University nviron 18 % des résidents permanents du Canada sont nés à l’étranger, et ce pourcentage augmente d’année en année, du fait qu’environ 200 000 immigrants s’établissent au Canada annuellement. Les pays d’origine de ces nouveaux arrivants sont de plus en plus variés, ce qui a pour effet de changer le visage du Canada. La majorité des immigrants proviennent maintenant de l’Asie, de l’Afrique, des Caraïbes, de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. En 2001, plus de 80 % de la population du Canada née à l’étranger appartenait à une minorité visible, c’est-à-dire était de race autre qu’européenne, caucasienne ou blanche (Statistique Canada, 2003). Comme ils doivent vivre dans une société racialisée composée en majorité de gens d’origine européenne, ces nouveaux immigrants, pour réussir leur intégration, doivent surmonter les difficultés liées à leur expérience non seulement en tant que nouveaux arrivants mais aussi en tant que personnes de couleur. La vie des immigrants appartenant à une minorité visible est façonnée par les conditions qui prévalent dans les grandes régions métropolitaines du Canada où ils sont concentrés. Les trois quarts d’entre eux vivent à Toronto, à Montréal et à Vancouver (Statistique Canada, 2003). En 2001, 45 % de tous les immigrants de minorité visible au Canada demeuraient à Toronto, 19 % à Vancouver et 11 % à Montréal. Tous les groupes de minorité visible, à l’exception de la population arabe de Montréal et de la population japonaise de Vancouver, se trouvent majoritairement à Toronto (Statistique Canada, 2003). Une bonne partie de ce que nous savons de la vie des personnes racialisées au Canada repose sur les données recueillies par Statistique Canada. Quatre caractéristiques sociales permettent de classer une personne selon ses antécédents ethnoculturels : son lieu de naissance, sa langue maternelle, son origine ethnique et la minorité visible à laquelle elle appartient (Boyd, Goldmann et White, 2000). Peu d’études tiennent compte de la façon dont ces caractéristiques sociales se recoupent1. Pourtant, la réussite des immigrants appartenant à une minorité visible dans la société canadienne dépend de leur expérience en tant que membre de minorité visible et que nouvel arrivant. Comme les immigrants représentent maintenant plus de 70 % de tous les membres de minorité visible au Canada (Hou et Picot, 2004 ; Statistique Canada, 2003)2, il est essentiel de comprendre, si nous voulons réduire leur exclusion sociale de la société canadienne comment ils résistent et réagissent aux conséquences d’être de nouveaux arrivants et des personnes de couleur. Élaborée en tenant compte de la situation économique, sociale et politique du pays, la politique en matière d’immigration a toujours eu une incidence sur la composition de la population canadienne. D’abord en raison du « besoin » originel de pionniers et d’ouvriers, les immigrants au Canada ont été jugés selon leur capacité de contribuer et de « s’adapter » au Canada (Stasiulis et Jhappan, 1995). Par le passé, l’évaluation de ces deux facteurs et le fait de déterminer si l’immigrant appartenait à la catégorie des pionniers ou des ouvriers avaient des dimensions racialisées (Razak, 2002). Les pionniers provenant du siège colonial de la France, puis de la Grande-Bretagne, étaient sollicités. À mesure que le Canada grandissait, des travailleurs du secteur primaire étaient recrutés dans des pays tels que le Japon, l’Inde, la Chine et l’Italie. Les politiques en matière d’immigration exprimaient souvent des positions racistes. Par exemple, la Loi de l’immigration chinoise, ou Loi d’exclusion, imposait de lourdes taxes aux immigrants chinois, le Règlement du voyage sans interruption de 1908 restreignait l’immigration des Indiens, et par la Loi sur l’immigration de 1910, le gouvernement consentait à l’institutionnalisation du racisme (Abu-Laban, 1998). À compter de 1962, les pratiques et les politiques manifestement 76 de minorité visible à Toronto arrivés avant 1986 touchaient un revenu inférieur au seuil de faible revenu, comparativement à 48,5 % de ceux arrivés après 1985 (Preston, Lo et Wang, 2003). Les causes de la dégradation de la performance économique des immigrants de minorité visible ne sont pas très bien comprises. Les chercheurs ont proposé de nombreuses explications : les employeurs accordent moins de valeur à l’expérience de travail acquise à l’étranger qu’à celle acquise au Canada (Ayedemir et Skuterud, 2005), les immigrants se heurtent à une concurrence accrue de la part des travailleurs très instruits nés au Canada (Reitz, 2001 ; Li, 2003), et la question de la reconnaissance des titres de compétences diminue l’accès des immigrants aux professions réglementées (Brouwer, 1999). La connaissance des langues officielles du Canada a également une incidence sur la performance économique des immigrants. Tandis que les employeurs exigent un degré d’alphabétisation plus élevé de la part de leurs employés, les immigrants qui ne parlent pas couramment français ou anglais ou qui parlent avec un accent ont plus de difficulté à décrocher un emploi à la mesure de leurs compétences et de leur expérience (Boyd et Thomas, 2002). Le racisme peut également nuire aux perspectives économiques de l’ensemble des immigrants, en particulier celles des immigrants de minorité visible. discriminatoires ont été peu à peu retirées. L’introduction d’un « système de pointage », par lequel la personne qui demande à être admise au Canada est évaluée en fonction de ses compétences, de son âge, de son degré de scolarité et de ses perspectives d’emploi plutôt qu’en fonction de sa nationalité, de son origine ethnique, de sa race, de sa religion et de la couleur de sa peau a constitué une étape importante vers une plus grande « objectivité » dans l’évaluation des candidats à l’immigration (Li, 2003). Pendant que les politiques en matière d’immigration se transforment, le multiculturalisme devient partie intégrante du discours et du droit canadiens. La politique adoptée en 1971 promettait que les groupes ethniques pourraient conserver leur patrimoine culturel tout en participant pleinement à la société canadienne (Hansard, 1971). Incorporée dans la Charte des droits et libertés en 1982, la politique sur le multiculturalisme a été révisée dans le but de parler explicitement de diversité raciale dans la Loi du multiculturalisme de 1985, ratifiée en 1988 (Leman, 1999). Les lois et les programmes actuels promettent une pleine participation à la société canadienne aux immigrants de tous les pays et de toute origine ethnique. Défis pour la société canadienne Malgré les promesses du multiculturalisme, les immigrants de minorité visible doivent faire face à l’exclusion et à la marginalisation au Canada. Un signe des difficultés qu’ils éprouvent est le pourcentage croissant de familles d’immigrants qui déclarent des revenus inférieurs au seuil de faible revenu, un instrument de mesure de la pauvreté couramment utilisé3. Entre 1991 et 2001, le pourcentage de familles dont le revenu était inférieur au seuil de faible revenu a augmenté au chapitre des familles dont le principal salarié est un immigrant et a diminué pour ce qui est des familles dont le principal salarié est né au Canada. Même lorsque l’économie enregistrait une croissance, le taux de pauvreté augmentait parmi les familles d’immigrants. Ces tendances divergentes mettent en lumière les constantes difficultés économiques auxquelles doivent faire face les nouveaux arrivants, dont la majorité appartiennent à une minorité visible Ainsi, le taux de pauvreté parmi les immigrants de minorité visible est déraisonnablement élevé. En 1996, près de quatre ménages d’immigrants appartenant à une minorité visible sur dix de la région métropolitaine de Toronto vivaient dans la pauvreté. En comparaison, le pourcentage de ménages dont un des principaux répondants, d’origine européenne, était né au Canada, et dont le revenu était inférieur au seuil de faible revenu s’élevait à 16,3 % (Preston, Lo et Wang, 2003). En tant que nouveaux arrivants, les immigrants de minorité visible connaissent des processus d’intégration au marché du travail différents de ceux que vivent leurs homologues d’origine européenne arrivés précédemment (Aydemir et Skuterud, 2005). En moyenne, leur salaire ne rattrape pas celui des personnes nées au Canada à l’intérieur de 10 ans, comme c’était le cas des immigrants arrivés avant 1986. Par conséquent, les immigrants appartenant à une minorité visible arrivés récemment sont beaucoup plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que ceux arrivés précédemment. En 1996, 19 % des ménages d’immigrants La question de la ségrégation Dernièrement, des chercheurs se sont intéressés aux répercussions de la ségrégation résidentielle sur l’intégration des immigrants de minorité visible dans la société canadienne. Les journaux se disent de plus en plus préoccupés par le fait que les immigrants sont désavantagés compte tenu qu’ils vivent dans des secteurs résidentiels où la majorité de la population est composée d’immigrants (Carey, 2001). Dans le discours public, on constate une association croissante et embarrassante entre la concentration résidentielle des minorités visibles et la pauvreté. Il convient donc d’analyser l’apparente relation entre la ségrégation résidentielle et les difficultés économiques auxquelles sont confrontés les immigrants de minorité visible comme piste d’examen des effets du racisme et de la discrimination sur l’intégration de ces immigrants. Même si les taux globaux de ségrégation dans les villes canadiennes sont inférieurs à ceux des villes américaines, les groupes de minorités visibles sont souvent plus isolés des populations d’origines britannique et française majoritaires que les groupes ethniques d’origine européenne (Balakrishnan et Gyimah, 2003 ; Bauder et Sharpe, 2002 ; Ray, 1998). Dans les trois grandes régions métropolitaines, les résidants appartenant à une minorité visible sont moyennement ségrégués, tandis que les résidants originaires d’Europe méridionale, centrale ou de l’Est le sont peu. L’exception à ces tendances est la population juive qui fait toujours l’objet d’une forte ségrégation (Balakrishnan et Gyimah, 2003 ; Myles et Hou, 2004). Tous ne s’entendent pas sur les causes de la ségrégation dans les villes canadiennes. Le recul graduel de la 77 ségrégués, peu de rapports peuvent être établis entre le quartier où ils vivent et leur revenu (Hou et Picot, 2004 ; Myles et , 2004). À la différence des Afro-Américains, le groupe le plus souvent étudié en ce qui a trait à la ségrégation dans les villes américaines, de nombreux immigrants de minorité visible sont plus instruits que l’adulte moyen né au Canada, ce qui signifie que leur niveau d’instruction devrait garantir leur réussite sur le plan économique au Canada. La banlieusardisation des minorités prend également au Canada un aspect différent de celui aux États-Unis, ce qui crée un écart encore plus grand entre les modèles de ségrégation des deux pays. Dans les régions métropolitaines canadiennes, les banlieues accueillent de vastes populations diversifiées d’immigrants de minorité visible qui s’y installent pour différentes raisons. Pour certains, les banlieues offrent des logements locatifs sociaux ou privés peu coûteux4 (Owusu, 1998), tandis que d’autres cherchent à devenir propriétaires dans un environnement suburbain (Ray, Halseth et Johnson, 1997). La diversité sociale de la population des immigrants de minorité visible vivant dans les banlieues des régions métropolitaines canadiennes n’est pas comparable à celle des villes américaines où la banlieusardisation est l’apanage de ménages nantis issus de minorités (Alba, Logan et Stults, 2000). Pour terminer, des travaux de recherche effectués récemment au Royaume-Uni et en Europe de l’Ouest ont soulevé des questions concernant la nature et la raison de la ségrégation. Les modèles spatiaux de ségrégation qui prévalent au Canada ressemblent en de nombreux points à ceux du Royaume-Uni, largement influencés par les politiques du logement et de l’aide sociale. Dans ce contexte, l’analyse récente de la situation de plusieurs villes européennes (Murie et Musterd, 2004) permet de conclure que les caractéristiques du quartier ont un effet sur les options de mobilité sociale à partir du moment où le ménage souffre de la pauvreté ou de toute autre forme d’exclusion sociale. En Europe, où l’État-providence redistribue activement les revenus et établit un seuil minimum pour les revenus du ménage, les caractéristiques du quartier ne permettent pas de déterminer quels ménages vivent dans la pauvreté. À l’opposé de la vision américaine de la ségrégation, l’expérience européenne suggère que la ségrégation nuit davantage aux perspectives d’avenir des immigrants de minorité visible qu’elle n’explique leurs difficultés économiques actuelles. ségrégation que subissaient la plupart des groupes ethniques d’Europe méridionale, centrale et de l’Est est souvent mentionné comme preuve que la ségrégation est largement voulue, et qu’elle constitue une tentative de maintien de l’identité et du patrimoine culturels grâce au regroupement dans certains quartiers résidentiels (Murdie et Teixeira, 2003). Toutefois, il a été prouvé récemment que certains groupes de minorités visibles connaissent des difficultés relativement au marché du logement qui pourraient favoriser la ségrégation (Myles et Hou, 2004). Si l’on se fonde sur leurs revenus, leur profession et leur niveau de scolarité, le pourcentage de Noirs propriétaires d’une maison devrait être supérieur à ce qu’il est effectivement, ce qui semble indiquer que des processus de discrimination sont à l’œuvre (Myles et Hou, 2004). Les immigrants et les réfugiés appartenant à une minorité visible indiquent également subir de la discrimination sur le marché du logement (Owusu, 1998 ; Novac et coll. 2002). Les conséquences de la ségrégation pour les immigrants de minorité visible dans les villes canadiennes ne sont pas non plus très bien connues. Certains travaux de recherche laissent entendre que le salaire des personnes appartenant à une minorité visible qui vivent dans des quartiers composés en majorité de membres de minorités visibles est plus bas que le salaire de celles qui vivent dans des quartiers multiethniques (Kazemipur et Halli, 2000 ; Lee, 2000). Certains critiques remettent en question plusieurs aspects de ces résultats. Ils signalent que le seuil de faible revenu, l’instrument de mesure de la pauvreté le plus souvent utilisé, n’est qu’un signe d’exclusion, à savoir un phénomène complexe et à facettes multiples (Germain et Gagnon, 1999 ; Ley et Smith, 2000). D’autres n’ont réussi à établir que peu de liens entre le pourcentage de personnes vivant dans la pauvreté dans un quartier donné et le pourcentage d’immigrants qu’on y trouve (Ley et Smith, 2000). En outre, certains constatent que les différents facteurs liés à la situation du quartier qui restreindraient les chances d’épanouissement des immigrants ne sont pas explicites (Germain et Gagnon, 1999). Ils se demandent dans quelle mesure les travaux de recherche qui font un lien entre la ségrégation résidentielle des populations afro-américaines au centre des villes américaines et le taux élevé et soutenu de pauvreté (Wilson, 1996) s’appliquent à ce que vivent les immigrants de minorité visible dans les villes canadiennes. Les travaux de recherche menés aux États-Unis sont difficiles à traduire dans le contexte canadien pour les trois raisons suivantes : les modèles de ségrégation qui prévalent dans les villes canadiennes sont différents de ceux des villes américaines, le taux de ségrégation dans les villes canadiennes est plus bas que celui qui prévaut dans les villes américaines, et les effets de la racialisation sont davantage complexes. Il n’existe pas d’équivalent canadien d’un ghetto où une minorité visible domine la population du quartier et où un pourcentage élevé des membres de l’ensemble d’un groupe de minorité visible vivent dans des quartiers où ils représentent une majorité appréciable de la population (Peach, 1996). Même chez les immigrants chinois et sud-asiatiques, qui constituent les groupes d’immigrants de minorité visible les plus Préparer l’avenir CITC À ce jour, nous ne possédons qu’une connaissance limitée des processus sociaux qui mènent à l’exclusion des immigrants de minorité visible. Il y a amplement matière à de futurs travaux de recherche. Par exemple, les analyses actuelles des causes des difficultés économiques qu’éprouvent les immigrants de minorité visible sont souvent contradictoires. Pour expliquer le faible taux d’emploi des immigrants, Aydemir et Skuterud (2005) insistent sur le fait que les employeurs n’accordent pas de valeur à l’expérience de travail acquise à l’étranger, tandis que Hum et Simpson (2003) accentuent l’importance du moment de l’arrivée. Une façon de faire concorder ces résultats divergents serait d’effectuer des recherches qui 78 tiennent compte du rapport entre l’appartenance à une minorité visible et le sexe de l’immigrant, le moment de son arrivée et d’autres caractéristiques sociales, ainsi que de la manière dont ces rapports changent avec le temps. Les chercheurs devraient également envisager avec sérieux la possibilité que les immigrants de minorité visible soient victimes de discrimination sur les marchés du travail et du logement. Il ne suffit pas de mettre la faute des écarts inexpliqués dans les domaines du logement et de l’emploi sur la discrimination (p. ex., Pendakur, 2000). Un des moyens, peu nombreux, d’établir avec certitude l’ampleur et la nature des pratiques discriminatoires est de procéder à des vérifications où des demandeurs jumelés, dont la seule différence est la couleur de leur peau, postulent un même emploi ou un même logement. Il serait également pertinent de mener une recherche comparative qui explique les avantages et les inconvénients variables de la ségrégation. Dès leur arrivée au Canada, les femmes de Hong Kong et de la Chine ont eu l’avantage de vivre près d’autres membres de leur communauté, même si plus tard, n’étant entourées que de gens qui parlent cantonais ou mandarin, elles ont senti qu’elles risquaient de perdre leur anglais (Preston et Man, 1999). Les chercheurs devraient également examiner en quoi le fait de vivre dans un quartier pauvre a une incidence sur les perspectives économiques des immigrants de minorité visible. Les associations statistiques faites entre le pourcentage d’immigrants de minorité visible dans un secteur de recensement donné et le pourcentage de la population touchant un revenu inférieur au seuil de faible revenu ne révèlent pas les facteurs qui font en sorte que le lieu de résidence nuit à l’intégration économique. Ces associations taisent également la nature grandement changeante des effets du voisinage et de leurs répercussions (Hou et Picot, 2004). La nature multiethnique des quartiers canadiens justifierait également une recherche. Étant donné le taux relativement bas de ségrégation dans les villes canadiennes, les immigrants de minorité visible s’établissent dans des quartiers où la population est diversifiée. En se fiant principalement aux études américaines sur la ségrégation (Borjas, 2000), nous ne tenons pas compte du rôle possible des quartiers multiethniques comme lieux d’intégration dans les régions métropolitaines canadiennes. Étant donné le caractère démographique et politique propre aux villes canadiennes, nous ne pouvons simplement calquer les idées d’autres pays et d’autres villes. Nous devons acquérir une connaissance approfondie des facteurs qui contribuent à l’exclusion dans un contexte canadien façonné par les politiques sur l’immigration et le multiculturalisme mises en œuvre il y a plus de trente ans. La recherche est essentielle si nous voulons livrer bataille à l’exclusion des immigrants de minorité visible et tenir les promesses faites dans les politiques actuelles sur le multiculturalisme. Références ABU-LABAN, Y. « Welcome/Stay Out, The Contradiction of Canadian Integration and Immigration Policies at the Millennium », Canadian Ethnic Studies Journal = Études ethniques au Canada, vol. 30 (1998), p. 190-213. ALBA, R., J. LOGAN et B. STULTS. « The Changing Neighborhood Contexts of the Immigrant Metropolis », Social Forces, vol. 79 (2000), p. 587-621. AYDEMIR, A. et M. 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Le montant du seuil de faible revenu est calculé en fonction de la taille de la famille et du nombre de personnes vivant au lieu de résidence du ménage. 4 Les logements sociaux comprennent les unités de logement possédées et gérées par l’État et les coopératives d’habitation qui offrent des logements subventionnés aux locataires à faible revenu. Analyse documentaire des intersections de la diversité Dans le cadre d’un séminaire de recherche sur les politiques en matière d’intersections de la diversité, neuf analyses documentaires ont été commandées. Celles-ci examinent de quelle façon l’ethnicité, la race, la religion et les langues ancestrales interagissent avec l’immigration, le statut autochtone, les langues officielles, le statut socioéconomique, l’orientation sexuelle, la région, le sexe et l’âge. CITC On peut consulter ces documents sur le site Web de Metropolis, à l’adresse www.canada.metropolis.net/ events/Diversity/diversity_index_f.htm. 80 L’HÉTÉROGÉNÉITÉ ETHNOCULTURELLE DES NOIRS DANS NOS « ETHNICITÉS » RÉSUMÉ Il est permis de croire que les origines ethnoculturelles des Noirs au Canada sont plus diversifiées que celles de tout autre groupe, même si les Noirs sont souvent présentés comme un groupe homogène non seulement dans les médias de masse, mais aussi dans les discours intellectuels. Le présent exposé fait la lumière sur l’immense diversité des Noirs dans les villes canadiennes et cerne un certain nombre de problèmes et de possibilités engendrés par la présence des Noirs. On soutient que la présence des Noirs au Canada, comme celle d’autres minorités, nous procure une prescience considérable et soumet nos valeurs dominantes ainsi que nos présomptions naturelles à un examen minutieux quoique nuancé. S JOSEPH MENSAH Atkinson School of Social Sciences, York University Center of Excellence for Research in Immigration and Settlement (CERIS) Toronto i l’histoire des Noirs au Canada remonte au 17e siècle, ce n’est qu’à la suite de l’introduction du système de points d’appréciation dans les années 1960 que les Noirs ont commencé à affluer au pays. Pourquoi les gens entreprennent-ils de migrer à l’étranger ? Il n’existe certainement aucune réponse simple à cette question. Toutefois, pour la majorité des Noirs, l’aspiration à un niveau de vie plus élevé et à la liberté politique est vraisemblablement à l’origine de leur émigration au Canada. Les pays de l’Afrique noire et des Caraïbes comptent parmi les pays les moins développés au monde. Au cours de la dernière décennie, les conflits ethniques, l’instabilité politique et le fléau du sida sont venus s’ajouter, assez dangereusement d’ailleurs, aux rudes conditions environnementales, ce qui a créé des conditions d’existence déplorables dans plusieurs pays, notamment en Afrique. Les conditions d’existence de certaines nations des Caraïbes (p. ex. en Haïti) ne sont guère mieux. Il n’est donc pas surprenant que plusieurs ressortissants de l’Afrique noire et des Caraïbes choisissent le Canada comme terre d’adoption. La population noire canadienne est tout à fait hétérogène. Mais, peut-être en raison d’une pénurie de données ou du simple manque de rigueur analytique, nombreux sont ceux qui parlent couramment de la « communauté noire » comme si les Noirs étaient tous semblables. Le présent document jette une lumière sur l’hétérogénéité culturelle au sein de la population noire au Canada et souligne les problèmes « uniques » et les possibilités qui découlent de la présence des Noirs dans nos villes. L’angle urbain mentionné ici n’est pas le fruit du hasard : non seulement il répond à l’objectif général du nouveau périodique intitulé Nos diverses cités, mais il témoigne aussi de la forte concentration de Noirs dans le Canada urbain. Bien que brefs par obligation et théoriques en majeure partie, la plupart des arguments présentés ici sont tirés d’une étude exhaustive et empirique sur les Noirs canadiens effectuée par l’auteur du présent document (voir Mensah, 2002), étude que les lecteurs sont invités à consulter pour plus d’information. Comprendre l’hétérogénéité des Noirs au Canada L’Afrique et les Caraïbes sont parmi les régions du monde qui présentent la plus importante diversité ethnoraciale. Bien que la majorité des immigrants au Canada qui proviennent des principaux pays sources des Caraïbes, (Jamaïque, Trinité-et-Tobago, Haïti, Barbade et Grenade) sont de descendance africaine, il faut mentionner que les Caraïbes comptent de nombreux autres groupes ethnoraciaux. À la suite de l’abolition de l’esclavage, plusieurs Chinois et Indiens d’Asie engagés à long terme comme laboureurs ont été emmenés dans cette région pour travailler dans les plantations de canne à sucre. Bon nombre d’entre eux étaient accompagnés de leur famille et sont restés dans la région une fois leur contrat terminé. De plus, les mélanges interraciaux qui se sont effectués dans cette partie du monde au fil des siècles ont donné lieu à une population mixte imposante, ce qui complique davantage l’hétérogénéité ethnoraciale de la région. Comme on pouvait s’y attendre, les puissances européennes y ont soutenu leurs propres cultures et langues, dans leurs colonies respectives. C’est pourquoi nous retrouvons l’anglais, le français et l’espagnol, ainsi que leurs patois et leurs versions créoles, sur l’ensemble des Caraïbes. Des deux langues officielles du Canada, l’anglais est de loin la langue la plus populaire chez les immigrants des Caraïbes, en raison de la domination des colonies britanniques dans la région. Exception faite d’Haïti, de Cuba et de la 81 République dominicaine, les principaux pays sources des Caraïbes ont l’anglais pour langue officielle. En fait, Haïti est le seul parmi les dix principaux pays sources dont le français est la langue officielle, d’où l’affinité naturelle des immigrants haïtiens avec le Québec. Si le catholicisme domine le paysage religieux de pays tels que Haïti, Cuba et la République dominicaine, diverses confessions protestantes (p. ex. anglicanes et méthodistes) règnent dans d’autres pays, comme la Jamaïque, la Barbade et Saint-Kitts. Il existe aussi un grand nombre d’hindous et de musulmans à Trinité-et-Tobago, de vaudouisants à Haïti et de rastafariens en Jamaïque. Les antécédents ethnoraciaux des immigrants africains sont, pourrait-on dire, plus diversifiés que ceux de tout autre groupe au Canada, même si les Africains sont constamment homogénéisés par les médias de masse. L’Afrique est à n’en pas douter le lieu d’origine de la plupart des personnes qui se retrouvent dans la catégorie ambiguë de « Noirs » au Canada. Or, il y a des Noirs dont le lieu de naissance, la langue maternelle ou le dernier pays de résidence permanente (ou même celui de leurs parents) ne se trouvent pas en Afrique. Aussi, même s’il est probable que la majorité des immigrants africains venant de l’Afrique équatoriale ou de l’Afrique de l’Ouest soient des « Noirs », selon toute définition raisonnable du terme, on ne peut en dire autant des immigrants qui viennent de l’Afrique du Nord, de l’Afrique australe et de l’Afrique orientale. Les Africains du Nord, dont les Marocains, les Libyens, les Algériens, les Tunisiens et les Égyptiens, se considèrent habituellement comme des Arabes – et sont généralement décrits comme tels (même dans le recensement du Canada). En outre, les immigrants de l’Afrique du Sud peuvent tout aussi bien être des Blancs, des Indiens ou « des personnes de couleur » que des Noirs. Pour les Africains de l’Afrique orientale, la situation se complique également du fait qu’il y existe un grand nombre d’Indiens d’Asie, dont l’ethnicité ou la nationalité trouve sa source dans cette région. Nous devons reconnaître que si la plupart des pays d’Afrique comptent une population à prédominance noire, il existe une énorme diversité intranationale et internationale entre les Africains. Harm de Blij (1993) et Jackson et Hudman (1990) estiment qu’entre 600 et 1 000 langues différentes sont parlées sur le continent. Le Nigeria, nation la plus peuplée du continent, présente peut-être la plus grande diversité linguistique. Avec trois grandes régions ethnolinguistiques qui regroupent les Haoussas au nord, les Yorubas à l’ouest et les Ibos au sud, plus d’une dizaine de langues principales dont chacune est parlée par plus d’un million de personnes et quelque 230 langues moins connues, la diversité ethnolinguistique du Nigeria a de quoi surprendre plus d’un Canadien. La diversité ethnique africaine est rendue encore plus complexe du fait des écarts entre les territoires tribaux précoloniaux et les frontières géopolitiques modernes, dont la plupart ont été tracées par les puissances coloniales lors de la Conférence de Berlin de 1884-1885, sans égard à la géographie humaine et physique des lieux visés. Ces écarts, qui sont illustrés de façon spectaculaire sur la carte de la Figure 1 par des frontières plus que sinueuses, sous-tendent la grande majorité des conflits ethniques et tribaux contemporains qui ravagent le continent. Figure 1 – Carte des frontières tribales et politiques en Afrique La plupart des frontières nationales de l’ère moderne en Afrique ont été établies par les puissances coloniales au cours de la Conférence de Berlin de 1884-1885, qui ont à peine, voire pas du tout, tenu compte des facteurs humains et géographiques des territoires qu’ils ont divisés. C’est ainsi que certaines tribus unifiées ont été déchirées, alors que d’autres, hostiles, ont été regroupées. On ne peut nier que les conflits tribaux et ethniques qui éclatent aujourd’hui en Afrique peuvent, pour la plupart, être attribués aux divergences énormes entre les frontières nationales et ethniques. Frontière tribale Frontière nationale de l’ère moderne Voir : Fellmann, J. et coll. (1992) p. 145. Mensah, J., Y. (1997) Sadowsky (1998), p. 15. 82 Comparativement aux immigrants des Caraïbes, la présence des Africains noirs dans les villes canadiennes est beaucoup plus compliquée et présente très peu de catégories distinctes : d’abord, les Somaliens constituent le groupe prédominant dans presque toutes les villes à l’exception de Calgary et de Vancouver, où dominent les Sud-Africains, dont la plupart ne seraient vraisemblablement pas Noirs ; Halifax, où les Nigérians sont le groupe prédominant parmi le très petit nombre d’immigrants noirs dans cette ville ; et Montréal, où dominent les francophones comme les Congolais, les Camerounais, les Zaïrois et les Mauriciens (les Ghanéens vivant à l’extérieur de la ville). Ensuite, on note une certaine affinité entre les Somaliens, les Éthiopiens et les Érythréens se trouvant au Canada, affinité peut-être attribuable à des antécédents communs comme la religion islamique et la langue arabe (et dans une certaine mesure, l’anglais). Cette affinité est surprenante, compte tenu des conflits historiques entre Éthiopiens et Érythréens en Afrique. Quoiqu’il en soit, le fait qu’environ 6 % des Éthiopiens en Afrique soient de souche somalienne est tout aussi important ici. Seules des données géographiques finement subdivisées pourraient expliquer la nature des modes résidentiels intra-urbains de ces groupes. Enfin, les seules origines ethniques de l’Afrique de l’Ouest qui prédominent dans nos grandes villes, exception faite de Montréal, sont celles des Ghanéens et des Nigérians. Ceux-ci sont-ils en plus grand nombre en raison de bureaux des visas canadiens dans ces deux nations ou parce que leur nombre justifie la présence des bureaux des visas ? Il est difficile d’y répondre. Les Noirs dans nos diverses cités En 2001, on comptait 662 210 Noirs au Canada, ce qui faisait d’eux le troisième plus important groupe minoritaire visible, après les Chinois et les Asiatiques du Sud. La plupart des Noirs résident dans les villes, l’écrasante majorité d’entre eux vivant à Toronto (46,81 %), à Montréal (21 %), et à Ottawa-Gatineau (5,78 %) (Tableau 1). Un peu plus de la moitié de la population noire au Canada (344 255 ou 52 %) est immigrante. Comme l’illustre le Tableau 2, à l’exception de Halifax qui est depuis longtemps la province de résidence de Noirs « indigènes », la population noire immigrante surpasse la population noire non immigrante dans la plupart des villes. Par ailleurs, à l’instar d’autres minorités visibles, l’arrivée de Noirs dans les villes canadiennes, outre Toronto et Montréal, est un phénomène récent, la vaste majorité n’étant au pays que depuis 1981. Les Noirs dont les origines ethnoculturelles ou nationales sont différentes ont-ils tendance à s’établir dans des villes différentes ? Existe-t-il des modes régionaux distincts dans la façon dont les Noirs d’Afrique ou des Caraïbes choisissent leur ville de résidence ? Les tableaux 3 et 4 portent respectivement sur les Caraïbes et l’Afrique, et classent les origines ethniques des Noirs dans nos villes. Manifestement, les Jamaïcains, les Trinidadiens, les Barbadiens et les Guyaniens sont, dans cet ordre, les principaux groupes des Caraïbes présents dans les villes canadiennes, les exceptions significatives étant Montréal et Ottawa-Gatineau, où dominent naturellement les Haïtiens. Tableau 1 : La population noire dans les villes canadiennes1. Ville Population urbaine Population noire % de la population noire du Canada vivant dans la ville % de la population de la ville qui est noire Calgary 943 310 13 665 2,66 1,45 Edmonton 927 020 14 095 2,12 1,52 Halifax 355 945 13 085 1,97 3,68 Hamilton 655 055 12 855 1,94 1,96 Kitchener 409 765 7 345 1,11 1,79 London 427 215 7 610 1,15 1,78 3 380 645 139 303 21,00 4,12 293 550 7 180 1,08 2,44 Ottawa-Gatineau 1 050 755 38 185 5,78 3,63 Toronto 4 647 955 310 500 46,81 6,68 Vancouver 1 967 475 18 405 2,77 0,93 Windsor 304 955 8 125 1,22 2,66 Winnipeg 661 725 11 440 1,72 1,73 Montréal Oshawa 1 Ces villes comptent au moins 5 000 résidants de race noire. Source : Statistique Canada ; Recensement de la population de 2001. [http://estat.statcan.ca/cgi-win] 83 régions du monde. Il est permis de penser que l’expérience noire au Canada est unique, non seulement en raison de l’immense hétérogénéité qu’elle apporte, mais aussi parce que les Noirs constituent le seul peuple dont les ancêtres ont été déracinés de force et emmenés comme esclaves en S’ajoutent aux diversités ethnoculturelles engendrées dans nos villes par les Noirs des Caraïbes et de l’Afrique, sont celles attribuables à la population noire « indigène » du Canada et aux immigrants noirs contemporains provenant des États-Unis, de l’Amérique latine et d’autres Tableau 2 : Noirs, statut d’immigrant et période d’immigration par ville. Ville Population noire totale Population non-immigrante Population immigrante Avant 1961 19611970 19711980 19811990 1991- Résident non 2001 permanent Calgary 13 665 6 210 7 105 80 415 1 335 1 725 3 555 350 Edmonton 14 100 6 875 6 640 55 660 1 555 1 535 2 840 585 Halifax 13 085 11 905 945 40 80 120 160 550 235 Hamilton 12 850 6 210 6 070 130 1 110 1 410 1 115 2 305 570 Kitchener 7 350 3 395 3 855 55 475 870 735 1 715 100 London 7 610 3995 3360 100 520 565 620 1555 255 139 300 59 850 76 215 1 075 5 805 20 745 19 051 29 570 6 240 Oshawa 7 180 3 710 3 440 55 730 1 160 715 775 25 OttawaGatineau 38 180 14 670 21 915 230 1 355 2 930 4 935 12 470 1595 Toronto 310 495 125 620 178 250 1 735 21 205 44 945 42 105 68 250 6 630 18 405 8 815 9 135 120 1 095 1 970 1 985 3 965 460 Windsor 8 125 4 915 3 045 50 250 570 560 1 630 165 Winnipeg 11 440 5 5190 5 960 120 775 1 255 1 430 2 375 290 662 210 297 985 344 255 4 420 36 485 82 845 80 690 139 815 19 970 Montréal Vancouver Canada Source : Statistique Canada, 21 janvier 2003, Recensement du Canada de 2001, Numéro de catalogue 97F0010XCB2001003. Tableau 3 : Cinq principales origines ethniques des Caraïbes par ville, 2001. Ville1 1re 2e 3e 4e 5e Calgary Jamaïcaine Trinidad-Tobago Barbadienne Guyanaise Haïtienne Edmonton Jamaïcaine Trinidad-Tobago Guyanaise Barbadienne Grenadienne Halifax Jamaïcaine Barbadienne Trinidad-Tobago Guyanaise Cubaine Hamilton Jamaïcaine Trinidad-Tobago Guyanaise Barbadienne Cubaine Kitchener Jamaïcaine Guyanienne Trinidad-Tobago Barbadienne Bahamienne London Jamaïcaine Trinidad-Tobago Barbadienne Guyanienne Grenadienne Haïtienne Jamaïcaine Trinidad-Tobago Barbadienne Dominicaine Oshawa Jamaïcaine Guyanienne Trinidad-Tobago Barbadienne Grenadienne Ottawa-Gatineau Jamaïcaine Haïtienne Trinidad-Tobago Barbadienne Guyanienne Toronto Jamaïcaine Guyanienne Trinidad-Tobago Barbadienne Grenadienne Vancouver Jamaïcaine Trinidad-Tobago Barbadienne Guyanienne Cubaine Windsor Jamaïcaine Trinidad-Tobago Barbadienne Guyanienne Cubaine Winnipeg Jamaïcaine Trinidad-Tobago Guyanienne Barbadienne Grenadienne Montréal CITC 1 Ces villes comptent au moins 5 000 résidants de race noire. Source : Statistique Canada, 21 janvier 2003, Recensement du Canada de 2001, Numéro de catalogue 97F0010XCB2001001. 84 Tableau 4 : Cinq principales origines ethniques africaines1 par ville, 2001. Ville2 1re 2e Calgary S.-Africaine Éthiopienne Edmonton Somalienne 4e 5e Nigériane Soudanaise Somalienne Éthiopienne Érythréenne S.-Africaine Nigériane Nigériane S.-Africaine Éthiopienne Soudanaise Ougandaise Hamilton Somalienne S.-Africaine Ghanéenne Congolaise Soudanaise Kitchener Somalienne Éthiopienne S.-Africaine Soudanaise Érythréenne London Somalienne Soudanaise Éthiopienne S.-Africaine Érythréenne Montréal Congolaise Ghanéenne Camerounaise Zaïroise Mauricienne Oshawa S.-Africaine Kényane Éthiopienne/Ghanéenne S.-léonienne Nigériane Ottawa-Gatineau Somalienne Éthiopienne Érythréenne Congolaise Ghanéenne Toronto Somalienne Ghanéenne Éthiopienne S.-Africaine Nigériane Vancouver S.-Africaine Somalienne Éthiopienne Ghanéenne Nigériane Windsor Somalienne Éthiopienne Nigériane Rwand./Soud. Ghanéenne Winnipeg Éthiopienne Érythréenne Soudanaise S.-Africaine Nigériane Halifax 3e 1 Les Nord-Africains, dont les Libyens, les Algériens, les Marocains, les Égyptiens et les Tunisiens, sont exclus, puisque dans le recensement du Canada, ils y sont classés comme étant des Arabes. 2 Les classifications pour ces villes sont des approximations, puisque certaines catégories utilisées dans le recensement se chevauchent (un bon exemple est l’utilisation de « Noirs », « Ghanéen », « Akan » et « Ashanti » – un Ashanti typique pourrait bien faire partie des trois catégories précédentes). Source : Statistique Canada, 21 janvier 2003, Recensement du Canada de 2001, Numéro de catalogue 97F0010XCB2001001. Amérique. Qui plus est, les Noirs sont en général considérés, quoique trompeusement, comme étant diamétralement opposés aux Blancs, le groupe dominant. Par conséquent, ils se heurtent aux pires formes de racisme motivé par la couleur de la peau ainsi qu’à toutes les connotations négatives que le terme « Noir » conjure dans les pratiques discursives tant religieuses que laïques en Occident. Un corollaire de leur position antithétique est le fait que le terme « Noir » constitue souvent une étiquette qui englobe la plupart des métis, peu importe la couleur de leur peau. Ceci est aussi vrai pour l’enfant de parents noir-blanc que pour l’enfant de parent noir-autre minorité visible. Tout ceci ne fait que compliquer davantage l’hétérogénéité des Noirs dans notre société. Par ailleurs, les « Noirs » constituent la seule catégorie des minorités visibles dans le recensement du Canada qui n’a aucun point de référence national ou géographique particulier, ce qui rend cette catégorie extrêmement ambiguë ; les points de référence géographiques de catégories comme les Chinois, les Philippins, les Coréens et les Japonais sont trop évidents ici pour que l’on s’y attarde. Et on ne peut passer sous silence le fait incontestable que les Noirs sont la plus « visible » des minorités visibles au Canada et qu’ironiquement, ils comptent parmi les personnes les plus « invisibles » dans nos coulisses du pouvoir. Compte tenu des faits énoncés ci-dessus, auxquels s’ajoute le constat que la plupart des immigrants noirs viennent de l’Afrique et des Caraïbes (deux des régions les plus pauvres de la planète), il est difficile d’annuler la thèse de l’unicité des Noirs. Répercussions Quelles sont les répercussions de l’unicité et de l’hétérogénéité des Noirs sur leur intégration à la société canadienne en général, et sur la vitalité socioéconomique et culturelle de nos villes en particulier ? Le principal facteur qui guide les immigrants dans leur choix du lieu de résidence (ville ou communauté rurale) est la présence de membres de la famille ou d’amis (Justus, 2004). Une fois arrivés à destination, les immigrants noirs sont confrontés – peut-être encore plus que les autres – à plusieurs difficultés lorsqu’il s’agit de trouver un logement abordable et convenable, un emploi ou même une école en raison de leur situation économique défavorisée et de l’importance du racisme fondé sur la couleur de la peau au Canada. Souvent, les Noirs de villes comme Toronto, Montréal et Halifax se retrouvent dans des logements délabrés et ségrégués (Murdie, 1994 ; Mensah, 2002 ; Ornstein, 2002 ; Torjman et Leviten-Reid, 2003). Si ces endroits offrent les réseaux de soutien nécessaires à l’établissement éventuel des immigrants noirs, ils ne sont pas sans engendrer des conséquences désastreuses, dont la possibilité de marginalisation et de ghettoïsation accrues n’est pas la moindre. Fait inquiétant, bon nombre de ceux qui vivent dans ces quartiers misérables et peu sûrs paient pour leur logement un prix semblable à celui déboursé par « leurs voisins mieux nantis, quelques rues plus loin » (Preugger, Cook et Hawkesworth, 2004, p. 124). De même, peu importe leur origine ethnique, les résidants de ces quartiers pauvres doivent en général payer des frais plus élevés pour les assurances automobile et 85 habitation, l’épicerie et une foule d’autres infrastructures urbaines en raison de l’indigence relative de ces infrastructures et du nombre élevé de crimes et d’actes de violence qui règnent dans ces quartiers. Entre-temps, une fois que l’image d’une « zone à criminalité élevée » devient ancrée dans les médias de masse, la police intensifie sa surveillance et établit le profil ethnique des résidants de ce quartier, ce qui donne lieu à l’effet Pygmalion bien connu, exposé dans les audacieux travaux de Scot Wortley et de ses collègues à la University of Toronto1 : « Étant donné que les Noirs font l’objet d’une plus grande surveillance de la part de la police, ils sont davantage susceptibles d’être pris en flagrant délit que les Blancs qui s’adonnent aux mêmes activités criminelles » (Wortley et Tanner, 2004, p. 197). Le terme audacieux est utilisé ici à dessein, puisque les services de police de nombreuses villes nient établir des profils ethniques, mais s’opposent à la suggestion de recueillir les données nécessaires liées à la race sur les personnes qu’elles arrêtent et fouillent. Les compagnies d’assurance, les employeurs et maintes personnes et institutions en position d’autorité jonglent avec leurs propres faussetés sur les plans écologique, génétique et de l’homogénéité au sujet des Noirs habitant dans ces quartiers. Il n’est donc pas surprenant que ceux-ci utilisent maintenant l’adresse d’amis et de membres de leur famille habitant dans d’autres quartiers pour présenter des demandes d’emploi, d’assurance automobile et autres, afin d’éviter les lourdes pénalités sournoisement voilées liées à leur lieu de résidence. Quand on constate le nombre élevé et la diversité des organisations ethnoculturelles et des clubs sociaux annoncés dans les principaux quotidiens destinés aux Noirs et aux personnes de l’Afrique et des Caraïbes, on se rend compte des difficultés qu’il y a à engager les Noirs dans l’action politique ou autre dans nos villes. Outre les organisations continentales et régionales (p. ex. les organisations AfriqueCanada et Caraïbes-Canada) et les dizaines d’organisations nationales (p. ex. les organisations Ghana-Canada, SomaliCanada, Jamaïque-Canada), il existe de nombreux clubs sociaux et organisations intranationaux et ethnolinguistiques. Malgré le fait que certains des objectifs de ces organisations se chevauchent, celles-ci sont malheureusement souvent en compétition et hostiles les unes envers les autres et d’autant plus portées vers les tactiques habituelles de « diviser pour régner », adoptées par les institutions et les groupes dominants. En effet, au risque de paraître pessimiste, nous sommes d’avis qu’il est tout simplement inutile de tenter d’unifier les Noirs ou de trouver une rationalité communicative à-la-Habermas. Souvent, cette diversité présente des soupçons d’unité uniquement lorsqu’il se produit un incident important à caractère racial contre les Noirs et les autres minorités. John Biles et Erin Tolley (2004), par exemple, expliquent comment l’application inégale des règlements canadiens en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme ainsi que l’établissement accru de profils raciaux par la police à Ottawa ont poussé les Somaliens et autres minorités dans la ville à participer activement à la vie politique. Il convient cependant de souligner que la présence des Noirs entraîne d’importantes répercussions positives dans nos « EthniCités »2. Comme seulement 5 % des membres de cette communauté se situe dans la cohorte des retraités, comparativement à la moyenne nationale de 12 %3, la population noire est relativement jeune. Aussi, contrairement à la croyance populaire, les niveaux d’éducation parmi les Noirs s’apparentent beaucoup à ceux des autres Canadiens (Mensah, 2002). Ainsi, en leur donnant des chances égales, les Noirs pourraient nettement contribuer à la vie socioéconomique et culturelle de nos villes. Les réalisations exceptionnelles des Noirs dans le sport canadien – peut-être le seul domaine où, de par sa nature, tous sont sur le même pied d’égalité – laissent entrevoir ce que nous pouvons acquérir, en tant que Canadiens, dans d’autres sphères de l’activité humaine, en puisant dans les ressources jeunes et exubérantes qu’offre la présence des Noirs. Les avantages potentiels que procure la diversité ethnique des Noirs à la vitalité culturelle de notre société devraient être manifestes même pour celui qui n’observe que brièvement la constante évolution culturelle de nos villes et des milieux universitaires. Dans le secteur de l’éducation en particulier, la diversité des voix et des expériences des Noirs donne l’occasion à nos enfants d’apprendre de personnes dont les antécédents culturels et les perspectives sont différents. Nul n’a besoin d’étudier la dialectique hégélienne pour apprécier la stupéfiante préscience et la prise de conscience accrue que le moi – ou le groupe dominant dans ce cas-ci – a à gagner des contradictions, des destructions créatives et de l’examen approfondi, quoique nuancé, des valeurs dominantes et des présomptions naturelles que laisse invariablement la rencontre avec l’Autre. L’amélioration consécutive de la conscience de soi du groupe dominant est d’autant plus importante lorsque nous reconnaissons, comme l’a fait Nietzsche dans la préface de son ouvrage La Généalogie de la morale, que de toutes les connaissances que nous recherchons, la plus difficile à acquérir est la conscience de soi – d’où son célèbre axiome : « Chacun est le plus étranger à soi-même ». Mais, on ne peut passer outre à la multitude de difficultés auxquelles se heurtent nos éducateurs qui souhaitent établir un semblant de valeurs morales absolues et faisant autorité dans ce milieu de l’éducation postmoderne, multiculturel et manifestement relativiste qui est le nôtre. … et pour conclure CITC Selon les estimations de Statistique Canada, d’ici 2017, « environ la moitié de la population de Toronto et de Vancouver pourrait appartenir à un groupe de minorités visibles »4. Les questions liées à la présence des Noirs et autres minorités ne peuvent que prendre de l’ampleur dans notre discours public alors que la « minorité visible » devient la « majorité invisible ». C’est faire preuve de prudence que d’entamer des discussions importantes sur l’intégration des Noirs et des autres minorités visibles dans nos villes avant qu’il ne soit trop tard. Les beaux discours sur les EthniCités dynamiques, débités par nos élus municipaux par le truchement de brochures touristiques, d’annonces et de festivités multiculturelles, avec leur autosatisfaction et leur triomphalisme évocateurs, doivent faire place à des pratiques discursives et de gestion sérieuses qui respectent l’humanité fondamentale des Noirs et des autres minorités visibles, et leur offrent leur juste part du gâteau à l’échelle municipale. 86 Références Notes BILES, John et Erin TOLLEY. « Avoir voix au chapitre : la participation politique des nouveaux arrivants et des minorités à Ottawa », Nos diverses cités, no 1 (printemps 2004), p. 182-188. 1 Voir WORTLEY, HAGAN et MACMILLAN, 1997; WORTLEY et TANNAR, 2003 et 2004. 2 Ce jeu de mot postmoderne a été emprunté de John BILES et Erin TOLLEY, 2004, p.175. 3 Cette estimation a été tirée du recensement du Canada de 2001 de Statistique Canada, 21 janvier 2003, numéro de catalogue 95F0363XCB2001003. 4 Statistique Canada, Le quotidien, 22 mars 2005, p. 2. 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Mensah, titulaire d’un doctorat, a rédigé plusieurs articles dans des revues spécialisées et est l’auteur de chapitres dans plusieurs livres. Il est l’auteur de Black Canadians: History Experiences, Social Conditions (Fernwood, 2002) et le rédacteur adjoint de Globalization and the Human Factor: Critical Insights (Ashgate, 2004). MENSAH, Joseph, « Colonialism and Human Factor Degradation in Africa », Review of Human Factor Studies, vol. 3, no 1 (1997), p. 48-64. MURDIE, Robert. « Blacks in Near-Ghettos? », Black visible minority population in Metropolitan Toronto Housing Authority Public Housing Units, Housing Studies, vol. 9, no 4 (1994), p. 435-57. NIETZSCHE, F. La généalogie de la morale, New York, Vintage, 1973. ORNSTEIN, M. Ethno-Racial Inequality in the City of Toronto: An Analysis of the 1996 Census, Toronto, City of Toronto, 2002. PRUEGGER, Valerie J., D. COOK, et A. B. 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Il pose la question à savoirsi nous sommes proprement équipés pour comprendre cette intense diversité religieuse causant tant d’ambiguïté dans notre société aujourd’hui. E Ces chiffres font état de trois mouvements dignes d’être signalés : 1) changements et déclins importants au sein du christianisme euro-canadien (notamment les principales confessions) ; 2) tendance à la hausse à s’éloigner (temporairement ou en permanence) des catégories traditionnelles ; 3) augmentation spectaculaire des traditions liées aux populations ethno-religieuses appartenant à une « minorité visible ». Quelles sont les répercussions de cette nouvelle réalité sur les religions au Canada ? En ce qui concerne le christianisme, sa position de dominance dans le soi-disant « marché religieux » est favorisée par l’immigration non européenne. De même, le système d’immigration moins ethnocentrique des dernières décennies – comme en témoigne l’immigration de catholiques latins et philippins, d’anglicans africains, de presbytériens coréens et d’évangélistes chinois (pour ne nommer que ceux-ci) – a une incidence profonde sur les églises canadiennes4. Pour de nombreux chrétiens, ces CITC PAUL A. BRAMADAT Paul A. Bramadat est professeur à la University of Winnipeg en études religieuses. n raison de l’importance de certaines études empiriques et de la vague médiatique qu’elles ont soulevée ces dernières années1, nombre de Canadiennes et Canadiens ne sont plus étonnés d’entendre qu’au cours des deux ou trois dernières décennies, le paysage religieux de ce pays a été profondément modifié. Cette évolution découle d’au moins deux facteurs : d’abord, les expressions complexes et contestées d’une certaine forme de sécularisation et de différenciation et ensuite, les politiques canadiennes relativement novatrices en matière d’immigration. Une multitude d’articles traitent de l’influence combinée de la sécularisation et de la différenciation dans les pays occidentaux2 ; je m’attarderai donc dans cet exposé à la relation entre la religion et l’immigration. Après tout, ce sont les religions relativement « nouvelles » (lire : religions non chrétiennes, mais aussi christianisme non européen) qui ébranlent le plus manifestement certains des principes et des préjugés fondamentaux de nombreux Canadiens. D’entrée de jeu, examinons les types de changements survenus entre 1991 et 20013 : • en 2001, 76 % des Canadiens se sont dits chrétiens, alors qu’en 1991, 82 % de la population canadienne s’était identifiée comme tel ; • 43 % des Canadiens sont catholiques, et ce pourcentage n’a pratiquement pas changé depuis le dernier recensement ; • le pourcentage de Canadiens qui se disent protestants a baissé, passant de 35 % en 1991 à 29 % en 2001; • les traditions protestantes conservatrices indépendantes ont connu une hausse marquée ; • la population juive (329 000) a crû de 4 % ; • la communauté musulmane (580 000) a crû de 129 % ; • les communautés hindoues et sikhes (300 000 et 280 000 respectivement) ont chacune augmenté d’environ 89 % ; • la communauté bouddhiste (300 000) a crû de 83 % ; • le nombre de personnes ayant déclaré n’avoir aucune religion a augmenté considérablement parmi la population canadienne, passant de 12 % à 16 % (4,9 millions) ; et • l’assistance hebdomadaire aux services religieux a chuté, passant de 53 % en 1957 à environ 19 % en 2000. 88 les réactions de nombreuses traditions non chrétiennes changements sont ambigus : d’une part, les nouveaux au débat sur le mariage homosexuel, ou encore le meurtre arrivants chrétiens non européens et de race non blanche de l’artiste hollandais Theo van Gogh par un musulman sont des nouveaux membres qui viennent enrichir la vie hollandais radicalisé de descendance marocaine – laisse liturgique et rituelle. D’autre part, ces nouveaux arrivants entrevoir des thèmes ethniques importants et peut-être influencent naturellement les dénominations bien établies même déterminants. Il est souvent futile de tenter de au Canada et s’élèvent parfois contre celles-ci (Bramadat distinguer ces deux forces. et Seljak, à paraître). Si nous pouvons convenir que la religion, mentionnée Les récents débats au sein de l’Église unie et de l’Église notamment en concomitance avec des termes liés à l’ethnianglicane au sujet de la position officielle des Églises sur le cité, occupe une place prépondérante parmi les défis auxmariage homosexuel trahissent certaines des tensions quels sont confrontés les pays d’accueil comme le Canada, découlant de ces changements. Bien sûr, ces questions font force nous est de nous demander si, en tant que société, l’objet de débats non résolus depuis un certain temps déjà, nous sommes en mesure de réagir de façon appropriée à mais il convient de noter qu’au sein de ces deux cette force tout à la fois ancienne et grandes dénominations protestantes, de moderne. Afin de fournir une réponse à nombreuses sous-communautés de tout le moins provisoire à cette nouveaux arrivants appartenant à une Si nous pouvons question, j’examinerai deux études de minorité ethnique semblent s’opposer convenir que la cas de communautés canadiennes qui systématiquement à cette définition ont fait la une des nouvelles sur le plan élargie du mariage.5 religion, mentionnée de l’immigration ces dix dernières Si les changements qui s’opèrent notamment en années. Je suggérerai ensuite quelques dans la tradition dominante du Canada façons de remédier à notre incapacité sont considérables, l’aspect dramatique – concomitance avec actuelle de comprendre les types de et, ne nous le cachons pas, inquiétant des termes liés changements sociaux liés à la nouvelle pour certains – de la nouvelle réalité diversité religieuse au Canada. démographique de la religion au Canada à l’ethnicité, Tout d’abord, examinons la religion est le fait qu’entre 1991 et 2001, les occupe une place chinoise, manifestation complexe de la communautés musulmanes, hindoues, culture chinoise (Thompson, 1996 ; Paper, sikhes et bouddhistes ont chacune soit prépondérante Paper, Lai, 2005), qui englobe des caracplus que doublé, soit presque doublé parmi des défis téristiques normalement associées au en importance. Ces augmentations ne bouddhisme, au daoisme, au confuciadevraient surprendre personne, notamauxquels sont nisme et à la religion traditionnelle, mais ment si l’on considère que les dix premiers confrontés les pays qui peut être considérée comme étant pays sources d’immigrants en 2002 d’accueil comme plus importante que la somme de ses étaient, entre autres, la Chine, l’Inde, le parties. De nombreux spécialistes de la Pakistan, l’Iran et le Sri Lanka, pays qui, le Canada, force religion chinoise estiment qu’une grande visiblement, n’ont pas une population nous est de nous majorité des Canadiens d’origine majoritairement chrétienne. En outre, le chinoise se livrent d’une quelconque nombre d’immigrants provenant de ces demander si, en façon à ces pratiques religieuses cinq pays comptait pour environ 40 % tant que société, intégrées et adhèrent aux principes et à de l’ensemble des immigrants de cette la vision du monde que véhiculent année-là et pour près de 80 % des imminous sommes celles-ci. Or, si l’on se fie aux résultats du grants arrivant des dix premiers pays en mesure de recensement de 2001, environ quatre sources combinés. fois plus de Canadiens chinois L’un des aspects les plus intéressants réagir de façon s’inscrivent dans la catégorie « sans et complexes de ces changements est le appropriée à cette religion » que les autres Canadiens. fait qu’au sein de plusieurs de ces Cela semble extrêmement contregroupes en pleine croissance, il existe force tout à la fois intuitif, étant donné que bon nombre de une relation presque inextricable entre ancienne et ces Chinois qui disent n’avoir aucune les modes d’identification religieux et moderne. religion s’adonnent également à des ethniques. Ce lien semble se manifester pratiques religieuses traditionnelles, par davantage dans les traditions reliexemple la vénération ou l’adoration des gieuses des sociétés et des cultures où ancêtres, la divination, la célébration des rituels et des fesles identités religieuses et ethniques ne sont pas devenues tivals religieux ainsi que la vénération de personnages aussi différenciées et compartimentées qu’elles le sont bouddhistes autochtones et internationaux. Une explicacouramment dans le soi-disant Occident – car il est loin d’être tion tripartite plausible de cette particularité statistique monolithique (Bramadat et Seljak, 2005 ; Berns McGown, serait la suivante : l’option « religion chinoise » ne figure 1999 ; McLellan, 1999)6. En fait, presque chaque nouvelle pas sur le formulaire de recensement ; la religion chinoise d’actualité nationale ou internationale traitant de religion – n’est toujours pas reconnue dans le discours public des mentionnons le débat des « tables et chaises » au sein de la Canadiens ; et le concept ou le terme « religion », tel qu’il communauté sikhe canadienne, le débat entre les musulest traditionnellement utilisé dans l’Occident, ne désigne mans canadiens au sujet des « tribunaux de la charia », 89 CITC On peut facilement comprendre pourquoi les libéraux pas nécessairement les divers (mais néanmoins cohérents) progressistes définissent le véritable christianisme, phénomènes regroupés par les érudits et autres spécialistes islamisme ou hindouisme comme étant une religion sous la rubrique « religion chinoise ». essentiellement axée sur les valeurs pluralistes soi-disant Quoi qu’il en soit, il semble que la religion chinoise libérales progressistes. Cette approche à la religion se soit différente des autres religions en ce sens qu’elle fourrévèle utile pour ceux qui souhaitent se servir de la relinit un milieu social et symbolique propice à l’intégration gion, ou de plusieurs religions, pour soutenir leur propre des immigrants, un contexte permettant de forger des liens quête de spiritualité. Malheureusement, ramener la relide solidarité, un cadre religieux facilitant la préservation et gion à une quête de la vertu ou à une force merveilleuse la transmission des coutumes et des convictions religieuses, et douce consiste à nier le rôle de la etc. Cependant, en raison de notre rétireligion dans nombre d’exemples de cence à examiner les rapports étroits qui À l’instar de la cruauté et d’injustice. existent entre les modes d’identification démocratie, du À l’instar de la démocratie, du ethniques et religieux, nous connaissons féminisme, du capitalisme, du christiatoujours mal certains des aspects clés féminisme, du nisme et de la technologie, l’islam est de la sensibilité religieuse de nombreux capitalisme, du un système ambigu d’idées, de textes, Canadiens, probablement de plus d’un de valeurs, d’œuvres d’art, d’institutions demi-million d’entre eux. christianisme et et d’esthétique qui s’est forgé au fil La seconde étude de cas porte sur de la technologie, des siècles par de nombreuses difféles deux types du discours sur l’islam qui rentes personnes dans divers contextes ont été mis de l’avant suite aux évél’islamisme est un historiques. C’est pourquoi nous nements du 11 septembre : par souci de système ambigu devons nous attendre à ce que cette traconcision, je fais ici la distinction entre d’idées, de textes, dition s’exprime de multiples façons l’approche « islamophobe » et l’approche légitimes, et nous devrions nous méfier « naïve ». Le premier terme a été inventé de valeurs, de ces personnes qui prétendent parler il y a près d’une décennie en Europe7 d’œuvres d’art, au nom d’une autorité évidente. Nous pour désigner une peur profonde devons aussi faire preuve de prudence pré-rationnelle de l’islam et une volonté d’institutions et à l’égard de celles qui cherchent à de croire que les musulmans appard’esthétique qui redresser les stéréotypes islamophobes tiennent, comme l’a proclamé haut menaçants en présentant des stéréotypes et fort, et stupidement, Samuel s’est forgé au fil naïfs qui attribuent tous les événements Huntington, à une « civilisation » catédes siècles et les acteurs non libéraux aux pervergoriquement différente avec laquelle sions d’une entité essentiellement divine, « l’Occident » doit, par définition, « être par nombre de vertueuse et pure. en contradiction ». Les islamophobes personnes dans Comme nous le rappelle Robert aimeraient bien nous faire croire que Orsi (2004), nous devons aussi porter une les musulmans ne peuvent jamais divers contextes attention particulière aux connotations vraiment s’intégrer dans le monde historiques. C’est prescriptives de catégories comme les « occidental » et ce, en raison de leurs pourquoi nous catégories séculaires et modernes, racines antidémocratiques et non le terrorisme et le fondamentalisme. libérales inhérentes à leurs traditions. devons nous attenEnsemble, ces termes contribuent à la (Cette déclaration laisse toujours dre à ce que cette méta-narration du progrès moderniste. perplexe les millions de musulmans Les principaux protagonistes de cette hisdémocrates qui, pendant des décennies, tradition s’exprime toire, où les bons (démocrates séculiers ont vécu une vie heureuse et productive de multiples façons modernes) côtoient les méchants (zélotes en Occident.) Comme la majorité des religieux fondamentalistes ataviques), phobies, l’islamophobie pose problème légitimes, et nous sont typiquement ignorants de leur rôle ; peu importe où elle surgit ; heureusedevrions nous pour les spectateurs (« fondamenment, les cas éhontés d’islamophobie talistes »), le narratif est perçu comme sont relativement rares au Canada8. méfier de ces étant hostile, dégradant et hégémonique. La seconde approche, ou l’approche personnes qui Il reste que la construction binaire de « naïve » face à l’islam, et de la religion l’islam (effrayante ou inoffensive) est en général, peut être sommairement prétendre parler un outil heuristique inadéquat pour résumée comme suit : la religion est de au nom d’une comprendre le réel conflit entre une facto une démarche vertueuse. Aussi autorité évidente. certaine forme de l’islam et certaines quiconque soutient que des motifs dimensions des sociétés occidentales. religieux dictent ses actes violents ou Entre autres choses, ces deux études de cas démonrestrictifs est soit fou, soit ignorant de la nature pacifique trent qu’à titre de société, nous sommes mal outillés pour de sa religion, soit opportuniste dans la mesure où il utilise comprendre la profonde diversité religieuse qui découle, la religion comme un cheval de Troie et y cache ses véritables de toute évidence, des principes qui ont guidé nos motivations, que l’on comprend comme étant de nature politiques en matière d’immigration pendant quelques typiquement politique, sexuelle ou économique. 90 décennies. Le célèbre « système de points d’appréciation » du Canada permettant d’établir si les demandeurs peuvent être acceptés à titre d’immigrants au Canada n’est certes pas parfait, mais il constitue une nette amélioration par rapport au « système de quotas » en vigueur, à une certaine époque, au Canada et fondé sur la race et l’ethnie, sans mentionner les politiques plus tribales d’assimilation visant les travailleurs invités que l’on trouve en Europe de l’Ouest. Or, les récents événements qui ont eu lieu en Hollande (meurtre de Van Gogh), en France (conflits concernant la restriction des symboles religieux dans les écoles), et au Moyen-Orient (le perpétuel conflit israéloarabe et le front iraquien dans la « guerre au terrorisme ») ont amené certains observateurs à se demander si, en fait, les principes multiculturels du Canada qui, en partie, guident nos politiques en matière d’immigration conviennent pour traiter à la fois de la religion et de la discrimination religieuse dans le milieu mondial contemporain. Will Kymlicka (2004) fait remarquer que le multiculturalisme canadien est issu de réalités historiques particulières et que ce multiculturalisme n’est pas nécessairement applicable ailleurs (ou du moins partout). Si cela est indéniablement vrai, il n’en demeure pas moins que nos systèmes axés sur le multiculturalisme et nos systèmes d’immigration et de citoyenneté relativement souples semblent convenir au contexte canadien. Toutefois, nous sommes bien trop réticents à résoudre (et même à reconnaître) la contradiction qui existe entre une série de politiques qui cadrent de façon positive la diversité religieuse et une société plus vaste (dont font partie les décideurs et la majorité de notre élite intellectuelle) ne possédant pas les connaissances élémentaires qui lui permettraient de comprendre cette caractéristique nouvelle et extrêmement ambiguë de notre société. Nous pourrons résoudre cette contradiction – faute de l’aborder maintenant, nous serons probablement tenus de le faire plus tard – en prenant en considération les trois recommandations suivantes : 1) nous pourrions faire en sorte que tous les étudiants canadiens au secondaire comprennent bien les éléments fondamentaux des principales religions ; 2) nous pourrions exiger de nos journalistes, de nos universitaires et de nos décideurs qu’ils prennent en compte les caractéristiques explicitement religieuses des questions sociales ou politiques ; et 3) nous pourrions poursuivre notre discussion sur les répercussions de la longévité de la religion au sein des sociétés modernes industrialisées (par exemple, pourquoi, dans les sociétés façonnées par le siècle des lumières et le capitalisme tardif, la religion a-t-elle survécu ?). Les défis que pose la religion à l’heure actuelle sont beaucoup plus considérables que certains voudront l’admettre, mais si nous réagissons de façon intelligente et créative à ce nouveau paysage religieux, notre société civile pourrait en tirer des avantages substantiels. Références BIBBY, Reginald. Restless Gods, Burlington, Stoddart, 2002. BRAMADAT, Paul. The Church on the World’s Turf : An Evangelical Student Group at a Secular University, New York, Oxford University Press, 2000. BRAMADAT, Paul et David SELJAK, (éds). Religion and Ethnicity in Canada, Toronto, Pearson, 2005. ________. À paraître, Christianity and Ethnicity in Canada. BERNS McGOWN, Rima. Muslims in the Diaspora : The Somali Communities of London and Toronto, Toronto, University of Toronto Press, 1999. KYMLICKA, Will. « Marketing Canadian Multiculturalism in the International Arena », International Journal, vol. 59, no 4 (2004), p. 829-852. McLELLAN, Janet. Many Petals of the Lotus : Five Asian Buddhist Communities in Toronto, Toronto, University of Toronto Press, 1999. PAPER, Jordan, Li Chuang PAPER et David LAI. « The Chinese in Canada : Their Unrecognized Religion », dans Paul Bramadat et David Seljak, (éds.), Religion and Ethnicity in Canada, Toronto, Pearson, 2005. ORSI, Robert. The Disciplinary Vocabulary of Modernity, The International Journal, vol. 59, no 4 (2004), p. 879-885. SWATOS, William, éd. « The Secularization Debate », Numéro thématique, Sociology of Religion : A Quarterly Review, vol. 60, no 3 (1999). THOMPSON, Laurence. Chinese Religion : An Introduction, Belmont, Wadsworth, 1996. Notes 91 1 Il s’est écoulé environ quatre ans depuis le dernier recensement, et deux ans depuis que Statistique Canada en a révélé les résultats concernant la religion. L’Enquête sur la diversité ethnique, rendue publique à l’automne 2003, le plus récent (2002) livre de Reginald Bibby ainsi qu’un certain nombre de sondages réalisés par des entreprises privées ont grandement clarifié le portrait empirique de la religion au Canada. 2 Par exemple, voir Swatos (1999). 3 Tous les chiffres sont des approximations. 4 Cela fait peut-être partie de ce que certains observateurs ont appelé le phénomène de « l’empire contre-attaque », où les habitants des régions en périphérie d’un empire donné migrent dans une région plus rapprochée du centre perçu de l’empire, et commencent à influencer la culture supposément cohésive de cette région. 5 Il est important de noter que l’influence des minorités ethniques au sein des Églises chrétiennes n’a pas été uniformément « conservatrice » ; bien au contraire, souvent les nouveaux arrivants – dont plusieurs ont souffert de la pauvreté, de la marginalisation et, dans certains cas, de la torture – peuvent inciter une église ou une dénomination particulière à adopter une position beaucoup plus « progressiste » sur des questions liées aux droits de la personne et à la justice. 6 Il existe des groupes au Canada et ailleurs que l’on peut également décrire comme étant pré-différenciés ou non différenciés, c’est-à-dire qui vivent dans un cadre beaucoup plus « enchanteur » et religieux par rapport au courant plus vaste soi-disant « séculier ». Les chrétiens amishs et les juifs hassidiques en sont deux exemples. Comme je l’ai décrit toutefois dans mon livre sur l’alliance chrétienne inter-universités (2000), de telles visions peuvent également être maintenues (ou « négociées ») de l’intérieur de la culture dominante, et par des personnes qui se confondent totalement avec la majorité de la population. 7 Voir www.runnymedetrust.org/publications/pdfs/islamophobia.pdf 8 Consulter le site Web du Canadian Council on American Islamic Relations pour plus d’information sur les rapports et les discussions sur les cas et les tendances visant l’islamophobie. www.caircan.ca/index.php LA RELIGION, LE PLURALISME ET L’ARBITRAGE CONFESSIONNEL Conséquences pour les Canadiennes de confession musulmane RÉSUMÉ L’Ontario est présentement le foyer de débats portant sur l’application des lois religieuses en matière familiale par un arbitrage à sentence obligatoire, puisqu’une clause de la Loi sur l’arbitrage rend possible le recours à d’autres lois dans les règlements d’arbitrage. Cet article apporte un éclairage nouveau au plus controversé des débats sociaux de l’Ontario et aux répercussions de la charia islamique sur la vie des Canadiennes de confession musulmane L’enjeu CITC RAZIA JAFFER1 Razia Jaffer est le président du Canadian Council of Muslim Women. En Ontario, un débat s’est amorcé, en octobre 2003, concernant l’application des lois religieuses en matière familiale par un arbitrage à sentence obligatoire. L’enjeu a surgi en raison d’une clause de la Loi sur l’arbitrage selon laquelle d’autres lois peuvent s’appliquer dans les règlements d’arbitrage. Bien que le bureau du Procureur général ait spécifié que cette clause a été expressément ajoutée pour résoudre un conflit entre l’Ontario et l’un des États américains2, cette même clause peut aussi être appliquée aux situations familiales. Le problème est qu’au lieu de restreindre les conflits commerciaux, la porte de l’Ontario a été ouverte aux lois de tous les pays et de toutes les religions. Ce fut là un manque étonnant de prévoyance de la part du gouvernement d’alors, qui oblige à présent les Ontariens à se pencher sur ce dossier. Cet enjeu a éveillé l’activisme et provoqué une prise de conscience des organisations confessionnelles canadiennes et internationales, des groupes féministes, des groupes communautaires, des chercheurs et des médias. À cause de ce tollé général, le Premier ministre de l’Ontario, Dalton McGuinty, a chargé Madame Marion Boyd (l’ancienne procureure générale de l’Ontario sous le gouvernement du NPD) de revoir la Loi sur l’arbitrage et l’impact de l’arbitrage sur les plus vulnérables, y compris les femmes, les personnes handicapées et les personnes âgées. La révision devait comprendre un examen de l’utilisation de l’arbitrage confessionnel. Madame Boyd a rencontré, parmi les partisans de cette mesure et les opposants à celle-ci, un certain nombre de groupes. Un des groupes qui appuie la charia (la loi islamique), l’Islamic Institute for Civil Justice (IICJ), a passé en revue la Loi sur l’arbitrage et a conclu que la Loi permet légalement l’application de toutes les lois religieuses. Aussi ce groupe a-t-il proposé que la charia soit utilisée en Ontario. En vertu de la Loi, l’arbitrage privé et à sentence obligatoire permet de régler des questions touchant le statut personnel des individus comme, par exemple, les testaments, les héritages, les mariages, les remariages, les contrats de mariage, les divorces, les pensions alimentaires, la garde et l’entretien des enfants et leur tutelle. Les arguments de l’IIJC et d’autres organisations reposent sur l’idée que la charia donne aux femmes de meilleurs droits que ceux procurés par les lois du Canada, de l’Ontario et de l’Occident. Ces organisations soutiennent que la Charte canadienne enchâsse le droit de pratiquer sa religion et que la possibilité d’utiliser la charia est une manière de satisfaire les besoins des minorités religieuses au sein d’une société multiculturelle. Ils acceptent l’argument selon lequel l’usage de l’arbitrage privé soulagerait l’encombrement des tribunaux. Recourir à l’arbitrage privé doit être pour eux une affaire de choix. Ils prétendent aussi que, lorsque des médiations informelles ont lieu et que les décisions y sont prises par des leaders religieux et des juristes, il serait préférable, pour leur donner de la légitimité, qu’elles soient reconnues par la Loi sur l’arbitrage, tout en insistant sur la confidentialité de l’arbitrage, spécialement pour les femmes qui ne veulent pas que leurs problèmes deviennent publics par crainte d’être victimes d’exploitation ou de diffamation3. Les organisations et les individus qui s’opposent au recours aux lois religieuses dans l’arbitrage privé à sentence obligatoire, en vertu de la Loi sur l’arbitrage, n’acceptent pas ces arguments. Ils rappellent la séparation progressive depuis 30 ans des valeurs judéo-chrétiennes du régime du droit de la famille, en vue de fonder celui-ci sur les principes des droits de la personne. Ces organismes et individus s’interrogent sur les conséquences du retour des lois fondées sur la religion pour les 92 moins une fois par semaine et 65 % à un culte religieux femmes canadiennes. Le recours à l’arbitrage privé individuel (cela inclut la prière, la méditation et d’autres privatisera le droit de la famille par la création d’un formes de culte pouvant être pratiquées à la maison ou système judiciaire parallèle autorisant les élites religieuses, dans tout autre lieu) (Ibrahim et Janhevich, 2004). culturelles et politiques à décider quelle loi s’applique, Ces données récentes soulignent le rôle central avec la possibilité de contourner le droit canadien de la que l’islam et la communauté musulmane jouent dans famille4. L’actuelle Loi sur le droit de la famille a des valeurs la vie quotidienne des musulmans canadiens, hommes dont il est fait état dans le préambule, alors que la Loi et femmes. sur l’arbitrage ne comporte aucun principe défini au sujet Pour les femmes musulmanes, comme pour les de la famille. autres femmes, la lutte sur les questions reliées à l’apparLe Conseil canadien des femmes musulmanes tenance sexuelle a été longue et elle se poursuit. Plusieurs (CCFM) souligne, avec plusieurs autres organisations des obstacles auxquels elles font face proviennent des de femmes, que les enjeux familiaux devraient être une stéréotypes sexistes imposés par la question de droit public. Toute mise 76 % des société canadienne et par la commuen œuvre des lois religieuses en droit nauté musulmane elle-même. En outre, de la famille sera préjudiciable à un musulmans les traditions et les pratiques à caractère grand nombre de femmes et d’enfants, canadiens culturel visant les deux sexes estompent spécialement lorsque l’on considère à les différences entre les codes de quel point les interprétations conservaconsidèrent la comportement dérivés de la religion trices de la loi islamique prévalent, en religion comme et les attentes de nature culturelle. La ce qui a trait aux femmes. Les lois recherche montre également que les religieuses reposent sur un modèle quelque chose Canadiennes de confession musulmane patriarcal de la famille et non sur un d’important, ne veulent pas contribuer aux sentiments partenariat fondé sur l’égalité. anti-musulmans ou à l’islamophobie. 32 % des Ces femmes souhaitent s’attaquer à Les Canadiennes de confession musulmans toute une gamme d’enjeux difficiles, musulmane – Combattre les notamment cette récente proposition vieux stéréotypes et définir de canadiens ont de tribunaux islamiques, en intensifiant nouveaux rôles participé à des le dialogue, la recherche, le partenariat Le recensement de 2001 nous activités religieuses et la sensibilisation. apprend que la population musulmane a augmenté de 128 % durant la dernière au moins une fois décennie et atteint approximativement Éclaircissement sur le droit de la par semaine et 580 000 personnes [2 % de la populafamille musulman / la charia tion canadienne] dont 276 075 femmes Il est important de comprendre 65 % à un culte (Hamdani, 2004). La récente recherche les paramètres de la charia, du droit de religieux individuel de M. Daood Hamdani, basée sur le la famille musulman et de la jurisprurecensement de 2001, a été publiée par dence musulmane. Le mot charia est un (cela inclut la prière, le CCFM. Elle montre que les musulterme religieux général utilisé pour la méditation et manes comptent parmi les femmes les définir la manière dont les musulmans plus pauvres au Canada. En dépit de doivent vivre, alors que le fiqh d’autres formes de leur niveau élevé d’éducation, elles sont (jurisprudence) se limite aux lois proculte pouvant être sous-employées et ont tendance à mulguées par des savants musulmans, occuper des emplois à temps partiel et lois fondées sur leur compréhension du pratiquées à la mal rémunérés. Le taux de chômage Coran et des pratiques du Prophète maison ou dans chez les femmes musulmanes est élevé (Ramadan, 2004). Plusieurs notent que tout autre lieu). et leur taux de participation au marché dès que le mot charia est utilisé, le fidèle du travail est plus bas que celui des musulman hésite immédiatement à autres Canadiennes. Comparées aux autres Canadiennes, exprimer une opposition quelconque, puisqu’aucun deux fois plus de musulmanes sont séparées ; leur taux musulman ne veut s’opposer à la charia. Néanmoins, de divorce est moins élevé, mais le taux de rupture l’expression « loi musulmane » ouvre la voie à la discusmaritale parmi les musulmanes âgées de 18 à 24 ans est sion, ce qui permet de réfléchir sur les enjeux en question. plus élevé que chez leurs homologues non musulmanes La charia n’est pas un code civil homogène, mais un (Hamdani, 2004). système complexe de jurisprudence reposant sur cinq Les résultats préliminaires de l’Enquête sur la écoles de pensée interprétées par des individus de cultures diversité ethnique (EDE) menée en 2003 concernant le et d’ethnies diverses. Une recherche du réseau Women rôle joué par la religion dans la vie des Canadiens illustre Living Under Muslim Laws a pu conclure que les lois l’importance de la religion pour les Canadiens de confesvarient : ce qui est considéré obligatoire pour un musulsion musulmane. Les données montrent que 76 % des man dans un pays donné peut être inconnu ailleurs. musulmans canadiens considèrent la religion comme Le document démontre que l’application de la charia quelque chose d’important, que 32 % des musulmans n’est pas uniforme et que les droits des femmes sont canadiens ont participé à des activités religieuses au rarement fondés sur l’égalité. 93 CITC familial est fallacieuse. La Loi sur l’arbitrage n’est pas Le droit de la famille musulman repose sur un utilisée dans le cas du divorce juif ou Get ; en réalité, modèle patriarcal de la famille où l’homme occupe la les Beis Din emploient la Loi sur l’arbitrage pour régler les première place et que l’épouse, bien qu’elle jouisse de conflits commerciaux5. Ni les catholiques, ni les anglicans certains droits, doit obéir à son mari parce qu’il subvient à ses besoins (Esack, 2002). Plusieurs tenants du droit de n’utilisent la Loi sur l’arbitrage et les musulmans la famille musulman acceptent que les hommes aient le ismaéliens ont établi leur propre bureau d’arbitrage droit d’épouser jusqu’à quatre épouses. Les femmes communautaire, qui suit les lois canadiennes. doivent être obéissantes et, à la suite d’un divorce, elles Madame Boyd poursuit dans son rapport en admetne reçoivent aucune pension alimentaire, sauf pour une tant que la Loi sur l’arbitrage a été problématique pour les période de 3 mois à un an, et il est fréquemment admis questions familiales, mais, au lieu de considérer une autre que les enfants doivent être confiés au père, normalement solution, elle fait quarante-six recommandations visant à à l’âge de 7 ans pour les garçons et de 9 ans pour les filles améliorer une législation inadéquate. Le rapport accorde (Mernissi, 1991). Si l’épouse veut obtenir un divorce, peu d’attention à l’égalité des femmes ou à leur bien-être elle doit se présenter devant un tribunal, tandis que et préfère insister sur le droit d’appliquer les lois l’époux, lui, a le droit de répudier son épouse sans recourir religieuses comme partie intégrante de la liberté religieuse : aux tribunaux. En matière d’héritage, le droit musulman il crée ainsi une fausse juxtaposition de la liberté religieuse favorise les hommes (car, soutient-on, ces derniers et des droits à l’égalité. subviennent aux besoins de leur famille) ; Dans son analyse du rapport Boyd, autrement dit, à la mort de son époux, Bakht déclare :« [que le rapport] ne l’épouse ne reçoit qu’une protion de parvient pas à trouver un équilibre entre Le recensement l’héritage. La fille du décédé recevra un les droits des minorités religieuses et les de 2001 nous tiers de l’héritage tandis que son fils en femmes. Il donne indéniablement et recevra les deux-tiers. inopportunément le beau jeu à la liberté apprend que Dans un tel modèle patriarcal, les religieuse, démontrant un refus clair la population femmes ont quelques droits. La femme d’assumer la responsabilité qu’impose musulmane a garde ses biens, si elle en possède ; on lui la protection des personnes vulnérables offre un cadeau à l’occasion de son au sein des groupes minoritaires, ceux augmenté de 128 % mariage (un maher, c’est-à-dire une en particulier qui sont composés de durant la dernière bague de fer, un bien meuble, de l’or ou femmes » (Bakht, 2005). de l’argent) ; elle peut hériter de son proMadame Boyd propose l’adoption décennie et atteint pre chef ; en théorie, elle n’a pas à prendre d’une « déclaration de principes sur approximativement part aux dépenses du ménage et elle garde l’arbitrage religieux ». Mais comment, son propre nom. En retour, elle accepte le en l’absence de toute codification, 580 000 personnes modèle patriarcal et les rôles qui lui sont s’entendre pour déterminer sur quelles [2 % de la attribués, de même que ceux attribués lois musulmanes l’on s’appuiera pour aux membres de sa famille de sexe une pareille déclaration ? En outre, population masculin, y compris son mari. Madame Boyd ne fournit aucune canadienne] indication sur la nature de cette déclaration de principes et ne dit pas qui Déconstruction du rapport Boyd dont 276 075 en formulerait les paramètres. Le rapport de Madame Boyd femmes. Un choix libre et véritable n’est pas intitulé Résolution des différends en une réalité pour plusieurs Canadiennes droit de la famille : protéger le choix, de confession musulmane, notamment dans le cas des promouvoir l’inclusion est un titre qui laisse perplexe, immigrantes. Celles-ci vivent quelquefois dans des puisque ses conclusions et ses recommandations font la enclaves religieuses ou culturelles : elles peuvent manquer promotion de l’exclusion et l’isolement des femmes de ressources et de systèmes de soutien, ne pas toujours selon leur confession religieuse. très bien maîtriser le français ou l’anglais, n’être pas Il est incompréhensible que, dans son rapport, conscientes de leurs droits au Canada et être de plus en Madame Boyd affirme qu’il n’existe pratiquement aucune plus vulnérables à la contrainte (Ahmed, 2005). information au sujet de l’impact de l’arbitrage religieux L’arbitrage est supposé être volontaire et le consensur les femmes. Pourtant, dans sa première recommandatement des deux parties est requis, mais la probabilité tion, elle affirme n’avoir trouvé dans l’arbitrage religieux que la femme subisse de la pression pour obtenir son aucun impact négatif sur les femmes et recommande, consentement à l’arbitrage existe toujours. Non que les par conséquent, l’adoption de l’arbitrage privé à sentence musulmanes soient incapables de faire des choix approobligatoire faisant appel aux lois religieuses. Dans la priés ou de prendre des décisions pour elles-mêmes, section consacrée à la surveillance et à l’évaluation des mais la forte influence de la famille, de la religion et de arbitres, le rapport convient également du « manque la communauté ne peut être sous-estimée. d’information gouvernementale sur l’ampleur de l’arbiDans son rapport, Madame Boyd déclare que la « loi trage dans les affaires de famille et de succession ainsi que religieuse permet de déterminer quelles sont les personnes sur ses effets sur les personnes vulnérables » (Boyd, 2004). qui sont considérées comme des membres à part entière De plus, l’affirmation selon laquelle d’autres groupes de la communauté religieuse. Ceux qui ne se conforment religieux utilisent l’arbitrage fondé sur la religion en droit 94 d’utiliser le multiculturalisme pour perpétuer des pratiques intolérantes pour lesquelles ils réclament une ratification religieuse ? » La reconnaissance et la célébration des différences ne doivent pas mener à une fragmentation des communautés religieuses, ethniques ou raciales ; elles ne doivent pas signifier que chaque groupe n’est pas une partie du tout ni permettre que les femmes en situation minoritaire sont victimes de discrimination et que leurs droits à l’égalité soient bafoués. Selon le CCFM, la Loi sur le multiculturalisme fonctionne à l’intérieur d’un cadre juridique et législatif plus large qui comprend la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur la citoyenneté, et la Loi sur les droits de la personne. Le Canada est signataire d’un certain nombre de traités internationaux, dont la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et la Convention sur les droits civils et politiques. L’implantation de tribunaux islamiques violerait ces traités internationaux. Une étude de Pascale Fournier a examiné l’application de la charia dans des pays libéraux d’Occident. Elle signale que la proposition britannique visant à établir un système séparé de droit de la famille musulman a été rejetée afin de confirmer les valeurs universellement admises des droits de la personne, spécialement par rapport aux femmes. Madame Fournier affirme : « Ce qui est évident est que les Canadiennes de confession musulmane risquent la ghettoïsation et que leurs droits à l’égalité pourraient être bafoués dans un pays connu dans le monde pour son engagement envers les droits de la personne » (Fournier, 2004). La province de l’Ontario ne jouit pas de l’appui de certaines autres provinces. Par exemple, le procureur général de la Colombie-Britannique a fait une déclaration sans équivoque contre l’utilisation de l’arbitrage confessionnel en Colombie-Britannique. Récemment, l’Assemblée nationale du Québec s’est prononcée vigoureusement en faveur d’un droit de la famille appliqué à tous et contre l’usage des lois religieuses en matière d’arbitrage7. Cependant les commentaires de l’ancien ministre québécois de l’Immigration proposant de refuser d’accueillir au Canada les immigrants qui croient à la charia ne facilitent pas la tolérance. Au contraire, elles nourrissent les sentiments négatifs, en plus de blesser une communauté qui a le sentiment d’être harcelée. pas à la loi religieuse sont souvent victimes d’ostracisme et perdent le droit de poursuivre leurs pratiques religieuses au sein de la collectivité, lorsqu’ils ne sont pas entièrement répudiés par celle-ci » (Boyd, 2004). Il est difficile de comprendre comment Madame Boyd peut penser que celles qui désirent ne pas se conformer ressentiront réellement qu’elles ont un choix. En outre, les personnes favorables aux Conseils de tribunaux islamiques proclament publiquement que « la charia est la loi de tous les musulmans. Si les femmes rejettent les décisions fondées sur ces lois, ces femmes seront vues comme de mauvaises musulmanes qui rejettent l’islam ». Très peu de musulmans oseraient défier de tels énoncés de peur d’être étiquetés comme des blasphémateurs et de perdre le soutien de leur communauté (Armstrong, 2004)6. Il n’y aucune recommandation concernant une formation obligatoire des arbitres. La question de l’instruction donnée aux arbitres sur la jurisprudence musulmane ou celle d’autres religions n’est pas non plus abordée. Les recommandations concernant la surveillance et l’évaluation des arbitres traitent de la conservation des dossiers et du devoir de mettre ceux-ci à la disposition de chacune des parties, mais qui fournira les ressources humaines et financières pour assurer que tout soit pleinement conforme à ces exigences ? Un effort d’éducation publique à propos du droit de la famille et de l’arbitrage serait souhaitable, en particulier par le biais d’une information juridique culturellement et linguistiquement appropriée. Cependant, aucune mention n’est faite des ressources requises pour atteindre une telle fin. Multiculturalisme : aide ou entrave Tout au cours de cette discussion, le multiculturalisme a été invoqué. Est-ce que le multiculturalisme tend à sanctionner ou à repousser l’instauration de tribunaux islamiques pour les musulmans ? Certains prétendent que la création de tribunaux islamiques correspond au côté obscur du multiculturalisme, qu’elle aura pour effet la ghettoïsation des musulmans et qu’elle mènera à un système judiciaire à deux vitesses, le premier pour les musulmans et l’autre, pour tous les autres (Ahmed, 2005). Tous les intervenants croient fermement à la politique canadienne du multiculturalisme, une politique fondée sur le principe que « tous les individus doivent être libres de décider d’eux-mêmes s’ils veulent ou non, et de quelle manière, exprimer leur identité ethnique et religieuse, et que tous les groupes doivent respecter les valeurs libérales de base des droits de l’homme et de la démocratie » (Kymlicka, 2005). Cependant, Kymlicka soulève deux questions sérieuses qui exigent une recherche supplémentaire. Il demande si les « Canadiens de naissance continueront à soutenir le multiculturalisme et accorderont la même confiance aux musulmans qu’aux autres groupes non européens ou s’ils suivront le chemin emprunté en Europe d’une remise en question du multiculturalisme lorsqu’ils seront confrontés à des minorités musulmanes politisées ? » Il demande aussi si les « leaders et les organisations musulmans accepteront les fondations et les contraintes libérales du multiculturalisme canadien ou s’ils essaieront Résumé et étapes suivantes Le CCFM est composé de croyantes qui craignent que le droit de la famille musulman mine les droits à l’égalité des Canadiennes de confession musulmane. Heureusement, le CCFM a profité de l’appui d’autres organisations, comme celles pour les droits humains et celles pour les droits des femmes (musulmanes ou non), qui comprennent qu’il ne s’agit pas d’un combat concernant uniquement les femmes de confession musulmane, mais qui touche l’ensemble des Canadiens. Cependant, quoique l’affaire ait été centrée sur la possibilité d’appliquer la charia, tous conviennent que la discussion porte sur quelque chose de plus fondamental que ce débat qui touche présentement les communautés musulmanes. 95 La protection des droits des femmes et des minorités est la responsabilité de tous les Canadiens, car il y a des conséquences sociales, politiques et économiques à ne pas assurer les droits des plus vulnérables. Le CCFM continuera, avec ses membres, ses alliés et ses partenaires, à exercer des pressions sur le gouvernement de l’Ontario. À cet effet, le CCFM poursuivra son dialogue avec les divers représentants de la communauté musulmane, renforcera ses contacts internationaux afin d’apprendre des groupes qui ont eu des défis similaires, s’engagera au niveau de la base et continuera ses activités d’éducation du public. Le CCFM poursuivra la concertation avec d’autres groupes pour s’assurer que la province procède à la révision, tellement nécessaire, de la Loi sur le droit de la famille. L’objectif est de faire en sorte que tout ce qui relève des questions familiales soit retiré de la Loi sur l’arbitrage de l’Ontario et qu’aucun autre gouvernement provincial n’autorise le règlement de ces questions selon sa Loi sur l’arbitrage, afin de protéger les droits des femmes à l’égalité. RAMADAN, T. Western Muslims and the Future of Islam, New York, Oxford University Press, 2004. WOMEN LIVING UNDER MUSLIM LAW. Knowing Our Rights: Women, Family, Laws and Customs in the Muslim World, London, WLUML, 2003. Notes 1 Razia Jaffer est la présidente du Conseil canadien des femmes musulmanes (CCFM), une organisation confessionnelle de femmes musulmanes dont l’objectif est d’aider celles-ci à mieux comprendre leurs droits, leurs responsabilités et leur rôle dans la société canadienne. Pour plus de détails, voir www.ccmw.com. 2 Le CCFM a été informé de cette première décision au cours de la réunion de juillet 2004 avec Marion Boyd. 3 Pour de plus amples informations sur la position de l’IICJ, on consultera leur site Internet à http://muslim-canada.org/pfl.htm#1. 4 Lettre ouverte envoyée à l’honorable Michael Bryant (Procureur général de l’Ontario) concernant l’application de règles de droit religieux dans l’arbitrage en matières familiales en Ontario, soumise par Jean-Louis Roy (Droits et Démocratie : Centre international des droits de la personne et du développement démocratique). http://www.ddrd. ca/ frame2.iphtml?langue=1&menu=m01&urlpage=/francais/ commdoc/ publications/femmes/sharialettre.html 5 Les Beis Din sont des tribunaux religieux qui règlent des disputes civiles à la lumière des lois juives. Les arbitres des Beis Din sont des rabbins généralement orthodoxes, experts reconnus en matière de loi juive. 6 Le site de l’IICJ déclare également que, dans le cas de chaque musulman canadien, le choix est clair : voulez-vous vous placer sous la direction de la loi personnelle proposée par votre propre religion ou préférez-vous être sous la gouvernance non confessionnelle du droit canadien de la famille ? Si vous choisissez cette deuxième voie, vous ne pouvez prétendre croire en l’islam en tant que religion et règle de vie complète, actualisée par un prophète que vous jugez être une bénédiction pour tous. Si vous choisissez la première voie (c’est-à-dire d’être dirigé par votre religion), alors vous devez en accepter la conséquence et suivre la ligne de conduite qui vous permettra d’atteindre cet objectif. Vous ne pouvez pas vous dérober à votre devoir religieux et moral d’essayer d’atteindre tout ce qui peut l’être de façon légale à l’intérieur des paramètres du système démocratique canadien et des droits juridiques découlant de la Constitution. 7 Le Québec reconnaît que l’arbitrage n’est pas approprié pour les familles : « Ne peut être soumis à l’arbitrage, le différend portant sur l’état et la capacité des personnes, sur les matières familiales ou sur les autres questions qui intéressent l’ordre public » (article 2639 du Code civil du Québec, L.Q., 1991). Références AHMED, E. « Promoting Inclusivity: Protecting (Whose) Choices? », Challenging Fundamentalisms: A Web Resource for Women’s Human Rights, http://www.whrnet.org/fundamentalisms/docs/issuepromoting_inclusivity-0501.html ARMSTRONG, S. « Criminal Justice », Chatelaine, novembre 2004. BAKHT, N. 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A Review of the Muslim Personal / Family Law Campaign: An Interview with Syed Mumtaz Ali, Toronto, Islamic Institute for Civil Justice, 1995. http://muslim-canada.org/pfl.htm#1 96 LA RELIGION DANS LA SPHÈRE PUBLIQUE RÉSUMÉ La place de la religion dans la sphère publique et son apport au modèle canadien de la diversité fait depuis longtemps l’objet de débats de société. Une telle question exige des réflexions multisectorielles. L’auteure propose donc un survol des analyses de nombreux chercheurs et intervenants issus de divers milieux : Peter Beyer, John Biles, Sophie Therrien, Christine Cadrin-Pelletier, Myer Siemiatycki, Alex Battaglini, Gilbert Gariépy, Marie-Pierre Bousquet, Douglas Farrow et Conrad G. Brunk, et Patrice Brodeur. D SOLANGE LEFEBVRE1 Solange Lefebvre est titulaire de la Chaire religion, culture et société, Faculté de théologie et de sciences des religions, à l’Université de Montréal. ans les sociétés démocratiques et pluralistes, la question de la religion dans la sphère publique donne lieu à divers débats importants et complexes. Elle concerne les rapports entre les religions et divers courants spirituels, l’état et la société civile, et ces trois pôles traversent évidemment plusieurs domaines publics et parapublics : les institutions d’éducation, les services sociaux et de santé, les milieux carcéraux, les institutions du droit, les politiques publiques. À un autre niveau, elle a un grand impact sur le milieu du travail et associatif, et la famille. Évoquons par exemple les récents débats sur le mariage homosexuel, la contraception et la prévention du sida, l’aménagement des horaires de travail, le port de symboles religieux à l’école, et la construction de nouveaux lieux de culte non chrétiens. Fréquemment, diverses questions nous renvoient donc au défi de vivre ensemble, de respecter la diversité des croyances et des visions du bien, tout en convenant d’un fonctionnement commun et d’un certain nombre de valeurs communes. Une telle question exige des réflexions multisectorielles. D’une part, elle requiert des contributions de chercheurs travaillant dans les universités, les diverses institutions publiques et parapubliques, et plusieurs instances privées et communautaires. D’autres part, elle demande le point de vue des décideurs et celui des groupes religieux eux-mêmes, comme de tous ceux qui se réfèrent à un horizon de sens spécifique, fusse-t-il religieux, spiritualiste, athée ou laïque2. Ce qui suit donne un aperçu de quelques contributions devant paraître dans le livre La religion dans la sphère publique3. L’enjeu de la diversité est d’abord abordé au plan statistique puis en rapport avec l’enjeu de la place de la religion dans le modèle du multiculturalisme canadien. Suivent des études sur les rapports entre l’État et les religions au Québec, puis dans les milieux de l’éducation, de la santé et de la sphère municipale. Quelques réflexions s’attachent à l’examen de la sécularité et de la neutralité de la sphère publique. Société canadienne et diversité religieuse Le sociologue Peter Beyer offre d’abord une analyse des statistiques canadiennes sur la religion des Canadiens (1981-2001)4. Il observe à la fois que les Canadiens de vieille souche sont de moins en moins religieux, à la fois que l’immigration intensifie le pluralisme culturel et religieux, depuis le recensement de 1981. Pourtant, le Canada demeure un pays majoritairement chrétien (2001 : 77 %), mais en même temps le nombre des « sans religion » s’accroît, davantage chez les hommes que chez les femmes, de même que le nombre des chrétiens sans dénomination. Beyer observe d’ailleurs une tendance indiquant une certaine désinstitutionnalisation de la religion. Les nouveaux arrivants peuvent aussi bien s’adapter que résister à l’influence de la société d’accueil. Bien qu’on ne puisse prédire les attitudes et options profondes des générations montantes, il reste qu’on peut à partir des données actuelles anticiper un flux continu d’immigrants provenant des groupes religieux majoritaires sur la planète, soit les chrétiens (surtout catholiques), musulmans, hindous et bouddhistes, et certainement moins de sikhs, juifs et jaïns. Ajoutons que le nombre grandissant de chrétiens non européens devrait modifier considérablement le christianisme. Si l’on compare entre eux les grands centres urbains, Vancouver et Toronto présentent une plus grande diversité religieuse que Montréal, qui demeure une ville majoritairement chrétienne, surtout catholique, avec moins de populations non religieuses ou appartenant à d’autres religions. John Biles, du projet Metropolis, réfléchit sur la capacité que présente le multiculturalisme canadien de tenir compte de la diversité religieuse. À la lumière de deux études de cas, il vérifie la nature de la séparation entre les églises chrétiennes et l’État au Canada5. La première concerne le refus d’accorder des visas à de nombreux représentants des églises luthériennes provenant d’Asie et 97 CITC d’Afrique, lors de la tenue de leur assemblée mondiale à religieuse » ne soit considérée comme un apprentissage Winnipeg en 2003. L’autre examine la question des sancessentiel au niveau secondaire et, 1994, au niveau primaire10. tuaires chrétiens où se replient des réfugiés, pour échapper Cadrin-Pelletier paraît regretter la création, « parallèle » aux à la déportation. Dans les deux cas, de fortes critiques services scolaires, d’une Direction des services aux commudes églises ont contesté les décisions du ministère de l’imminautés culturelles, en concertation avec le ministère des gration, souvent appuyées par l’opinion publique. Biles Communautés culturelles et de l’Immigration, devenu conclut que l’opinion publique canadienne paraît accepter depuis 1996 le ministère des Relations avec les citoyens et de que les églises chrétiennes exercent un rôle critique. l’Immigration. Enfin, depuis 1995, divers faits ont conduit à Pourtant, parmi les élites canadiennes, nombreuses sont les la déconfessionnalisation des commissions scolaires et à une voix qui insistent sur la séparation nécessaire entre la transformation des enseignements et services d’animation11. religion et l’État. Biles observe qu’on ne peut nier que les En particulier, en 2002, le législateur a introduit certaines églises chrétiennes jouent un rôle critique ayant un impact dispositions dans la Loi sur l’instruction publique québécoise sur la sphère publique, mais il suggère de réfléchir sérieusequi fondent une laïcité ouverte sur le fait religieux à l’école ment à l’apport possible d’autres groupes publique. La culture institutionnelle du religieux. L’enrichissement du modèle milieu scolaire se trouve à cet égard en Si l’on compare canadien de la diversité exige à la fois pleine transformation, certains débats qu’on admette que la religion puisse jouer restent à faire, ce qui amène Cadrinentre eux les grands un rôle critique positif en certaines Pelletier à conclure que « la question centres urbains, matières, et qu’on cesse de limiter cette d’une réelle prise en compte de l’éduVancouver et possibilité au christianisme. cation à la diversité religieuse en milieu Sophie Therrien fait le bilan du scolaire public n’est pas encore résolue ». Toronto présentent traitement juridique et politique de la Myer Siemiatycki (Ryerson une plus grande diversité religieuse au Québec6. Après un University) étudie le cas de la Ville de Toronto, qui a vu sa population de bref rappel historique, elle examine les diversité religieuse catholiques et de non chrétiens croître articles des chartes des droits (Québec, que Montréal, qui très rapidement à la fin du 20e siècle. Il 1975 ; Canada, 1982) qui concernent la religion, garantissant les libertés fondarappelle que les pouvoirs municipaux demeure une ville mentales de croyance et de culte. Les sont aux premières lignes pour déterminer majoritairement affirmations individuelles y tiennent une les styles d’appartenance et l’inclusion des large place, si tant est que la croyance différences, puisqu’ils décident des règles chrétienne, individuelle forte suffit à entériner la régissant par exemple le zonage, le loisir, surtout catholique, valeur d’une demande, sans trop d’égard à les librairies publiques et les écoles. À cet sa conformité au groupe. En outre, depuis égard, Toronto promeut de bien des avec moins de 1985, l’obligation d’accommodement manières la reconnaissance de la diversité, populations non raisonnable a fait son apparition dans le mais semble faire preuve d’une véritable religieuses ou droit canadien puis québécois7. Therrien aversion pour le mot « religion ». Parmi d’autres illustrations, évoquons le plan définit de manière spécifique les concepts appartenant à d’action pour l’élimination du racisme et de laïcité et de sécularisation, situant d’autres religions. de la discrimination de la ville qui, bien l’adoption récente du concept de « laïcité que comportant 20 indicateurs, ne menouverte » au Québec, qui viserait une tionne nulle part la religion. Les agressions contre les juifs et meilleure prise en compte de la diversité religieuse. Therrien les musulmans ont pourtant récemment augmenté à estime qu’une saine gestion de la diversité religieuse doit Toronto. De plus, parmi les 10 comités aviseurs et groupes de s’appuyer sur un cadre juridique mais, plus largement, sur la travail nommés autour de questions discriminatoires, aucun reconnaissance de la dimension religieuse de l’identité ne concerne la religion. La commission scolaire quant à elle citoyenne, qui contribue à la richesse du vivre-ensemble. a produit en 2000 un document d’orientation sur les accommodements des demandes religieuses (congés, prières, codes Milieux d’éducation, municipaux et de santé vestimentaires, etc.). Siemiatycki remarque que, pour être Le texte de Christine Cadrin-Pelletier relate les grandes prises en compte, ces questions doivent faire l’objet de plaintes étapes qui ont marqué l’évolution de l’éducation religieuse à ou de demandes de la part des individus concernés. À l’instar l’école, eu égard à ces enjeux de la diversité8. Avant 1974, elle des autres grands centres canadiens et occidentaux, les identifie un monde catholique « homogène » et un monde aménagements urbains en vue de construire des lieux de culte protestant « hétérogène ». Entre 1974 et 1995 surviennent non chrétiens font l’objet de débats et de tensions entre les plusieurs événements majeurs qui modifient notamment le résidants, quant à leurs dimensions spatiales et symboliques. paysage scolaire. En 1977, l’adoption de la Charte de la Trois textes concernent les milieux de la santé. Alex langue française contribue à diversifier la population Battaglini reconnaît que la religion n’a guère de place dans fréquentant les écoles catholiques francophones, surtout à les préoccupations de la Direction de la santé publique et Montréal. Les chartes des droits et libertés (1975, 1982) dans la recherche sur la santé au Québec. Suite à la posent de nouvelles exigences quant au respect des libertés sécularisation des institutions de la santé dans les années religieuses. Reste que les programmes catholiques n’abor1960, la rationalité biomédicale a occupé tout l’espace. dent la diversité religieuse qu’en 5e secondaire9, et il faudra Paradoxalement, une forte proportion de Québécois estime attendre 1991 avant que « l’ouverture à la diversité 98 Quelle séparation entre État et religions ? que leurs valeurs spirituelles ont un impact positif sur leur En terminant, rendons compte des problématiques de santé, ce qui est corroboré dans de rares enquêtes portant sur Farrow et Brunk sur les rapports entre les religions et l’État. le sujet. Une recherche montre que la religion et la spiritualité Farrow observe qu’un sécularisme est souvent à l’œuvre constituent un facteur de protection en matière de santé12. À dans la sphère publique, craignant l’influence de la religion l’opposé, la religion peut comporter des facteurs de risque, et cherchant à enrayer ses manifestations publiques16. Il attire notamment dans le cas de croyances s’opposant à une inter13 l’attention sur deux modèles de sécularisme. Le sécularisme vention médicale spécifique . Il suggère donc de tenir compte libéral, fondé sur la pensée de Locke, reconnaît la séparation des croyances populaires parmi les déterminants de la santé, entre la religion et l’état, sans pour autant nier une certaine de reconnaître que les traditions religieuses peuvent avoir place de la religion dans la sphère publique. Il en trouve une divers apports en matière de santé, et d’être plus vigilant à bonne illustration dans ces propos du Chef de la Justice du l’égard de la cohérence entre les valeurs promues en santé Canada : « La religion est un aspect de la vie des gens, et ne publique et celles vécues par une population diversifiée. peut être laissée à la porte de la cour. Ce que le sécularisme Gilbert Gariépy, prêtre aumônier dans un centre hospirefuse d’endosser est toute tentative d’utiliser les points de talier au Manitoba, complète cette réflexion, en évoquant la vue religieux d’une partie de la communauté, pour exclure méfiance réciproque avec laquelle la religion, la science des considérations les valeurs d’autres membres de la médicale et la psychiatrie se considèrent. Quant aux services communauté »17. Mais quelle religion peut ainsi influencer d’intervention spirituelle en milieu de santé, ils sont la sphère publique ? Farrow examine certaines positions généralement réduits, puisqu’il est difficile d’évaluer leurs communautariennes qui postulent que la vie des citoyens ne impacts réels, selon les critères de la science médicale. Parmi sépare pas le temporel du spirituel, quant les nombreux défis de cette intervention à leur vision de la vie bonne. Cette vision traditionnellement pastorale, chrétienne, L’enrichissement doit cependant, pour être reconnue, être et juive au Canada, se trouvent les du modèle portée par des communautés croyantes et suivants : réfléchir sur le nombre grandisculturelles établies et cohérentes. Farrow sant de personnes ne s’identifiant ni à une canadien de la endosse un type de sécularisme selon communauté de foi ni à une religion, tout diversité exige à la lequel les sphères publique et séculière en réclamant un service « spirituel », ce constitue un espace commun, favorisant qui renvoie à la désinstitutionnalisation fois qu’on admette l’action commune, mais sans prétendre de la religion entrevue par Beyer ; accueillir que la religion peut inspirer les préoccupations ultimes. Cellesla diversité religieuse et mieux accomci sont portées par les communautés pagner les individus de spiritualités jouer un rôle spécifiques elles-mêmes. Il présente aussi autochtones aussi très pluralistes. De critique positif en un certain « sécularisme chrétien » qui nouveaux types d’intervenants sont aussi certaines matières, espère un consensus substantiel entre les appelés à nouer des rapports différents communautés différentes, et y travaille, avec le religieux, sans lien ou imputabilité et qu’on cesse de mais sans pour autant éviter les autres avec un groupe religieux par exemple14. limiter cette croyances religieuses ou les diverses Les lois provinciales intègrent diversement visions du bien. Ce sécularisme chrétien la dimension spirituelle dans la définition possibilité au concerne toute la société et appuie un état de la santé. Par exemple, au Manitoba, elle christianisme. fonctionnel, assez modeste pour ne pas se est absente, se limitant aux aspects substituer aux communautés culturelles physique et psychique. Ce n’est pas le cas et religieuses qui seules peuvent procurer un sens et un bien en Ontario et au Québec notamment. De surcroît, en 1998, commun ultimes. le Manitoba a promulgué la Loi sur les renseignements Conrad G. Brunk s’interroge sur la place qu’ont, dans médicaux personnels (LRMP), ce qui rend difficile l’accès à la sphère publique, les valeurs et les croyances fondées l’information pour les personnes offrant certains services dans une religion18. Dans le cadre de débats moraux, tels comme les soins spirituels. L’Ontario a même mis sur pied l’avortement et les cellules souches, il observe que la vision un organisme indépendant chargé d’aviser l’État sur les dominante d’une démocratie libérale refuse que les groupes questions religieuses et la santé, dans le but de s’assurer que religieux aient voix au chapitre, préférant que les politiques les malades de diverses orientations spirituelles soient publiques permettent l’éventail de choix le plus large possible, respectés. Il s’agit du Multifaith Council of Ontario15. Compte ce que signifierait la « neutralité » de l’État. Pourtant, si dans tenu de certaines questions de Gariépy, évoquons le texte de le cas de l’avortement, sa légalisation permet, de fait, une l’anthropologue Marie-Pierre Bousquet (Université de pluralité d’options privées, au nom de la valeur libérale Montréal), qui étudie le cas du système religieux des groupes d’autonomie de la conscience morale, il n’en va pas de même amérindiens, désigné « spiritualité traditionnelle » ou panpour l’utilisation des cellules souches pour des fins de indienne, et qui n’est ni dogmatique ni régi par un dispositif recherche. Dans ce cas, en effet, la recherche utilise des fonds institutionnel. Fait intéressant, si les politiques fédérales et publics dans l’intérêt de la santé publique. Brunk soutient provinciales ont porté atteinte aux spiritualités traditionqu’on ne peut alors repousser les arguments religieux hors nelles autochtones jusque dans les années 1950, elles de la sphère de discussion, et leur préférer des arguments favorisent à présent leur diffusion dans les programmes dits « rationnels ». En fait, toute position représente correctionnels, de la santé et des services sociaux (elle un système contestable de croyances et de valeurs, même s’avère un outil thérapeutique efficace), et les intègrent la position dite moderne, libérale et rationnelle, qui même dans divers rituels civiques et politiques. 99 comporte sa tradition et son orthodoxie philosophiques. Les décisions de l’État doivent, dès lors, tenir compte d’un débat qui fait place à ces multiples positions conflictuelles, religieuses et non religieuses. En amont de ces débats sur les rapports entre État et religion, se trouvent diverses réflexions sur le dialogue interreligieux et l’apport possible des religions au vivre-ensemble : critiques sociales et éthiques, contributions à la paix et à la critique des idéologies qui instrumentalisent le religieux ou le politique. De même, de nouveaux enjeux d’expertise du religieux se posent à nos sociétés : outre les statuts traditionnels d’experts du religieux dans les diverses traditions, comment les divers milieux peuvent-il mieux connaître et comprendre les diverses religions et courants spirituels, et comment peuvent-ils mieux négocier avec eux ? C’est ce que se propose d’examiner Patrice Brodeur, à travers la création d’un champ d’étude critique appliquée de la religion. Il examine les rapports entre les experts en étude critique de la religion, les pratiquants religieux et les chercheurs d’information sur les pratiquants de discours religieux19. De l’ensemble des contributions il ressort qu’on ne peut s’en tenir à une vision privatisée de la religion, selon laquelle celle-ci serait reléguée dans l’aire privée de l’individu ou de la sphère associative ou communautaire spécifique. Il ressort aussi un rappel que le « je » rationnel de la modernité, n’est pas aussi neutre qu’il n’y paraît. Plus important encore, un malaise certain traverse les relations entre les décideurs, les acteurs des divers niveaux de la sphère publique et les groupes religieux. De grands défis de connaissance et de reconnaissance se posent donc à la société canadienne, si elle veut parachever son modèle de prise en compte de la diversité. Notes 1 [email protected], www.cerum.umontreal.ca. 2 La Chaire religion, culture et société dont je suis titulaire a été créée dans le but de réfléchir sur ces questions, en regroupant des acteurs de tous ces secteurs. 3 4 5 Il faut noter que les données de 2001 démontrent que le pluralisme religieux s’accroît, Statistique Canada ayant identifié 114 catégories d’affiliation. L’analyse se fonde sur une analyse des données recueillies entre 1971 et 2001, sous la direction de P. Beyer (Université d’Ottawa), avec la collaboration de John H. Simpson et Leslie Laczko, et l’assistance de Kyuhoon Cho, Wendy K. Martin et Rubina Ramji. Ces données proviennent de Statistics Canada, 1971, 1981, 1991 & 2001 Census Custom Tabulations. Do0324, CD-ROM, Ottawa, Statistics Canada, Advisory Services Division, 2003. Il se trouve au sein du christianisme une grande diversité, note Biles, et cette question sera présentée dans Christianity and Ethnicity in Canada (Bramadat et Seljak, éd., à paraître), mais cette diversité semble moins apparente au public canadien que celle relevant des religions non chrétiennes. Sophie Therrien est agente de recherche au Conseil des relations interculturelles, Gouvernement du Québec. Son analyse s’appuie sur Laïcité et diversité religieuse : l’approche québécoise, CRI, mars 2004. CITC 6 Le livre La religion dans la sphère publique (dir. Solange Lefebvre), paraîtra à l’automne 2005 aux Presses de l’Université de Montréal. Il comportera d’autres textes dont il n’est pas question ici, portant sur les enjeux européens, des études de cas particuliers et les dialogues interreligieux. 100 7 Cette notion a fait son apparition dans le droit canadien dans un jugement rendu sur une cause impliquant un conflit entre convictions religieuses et horaire de travail. Voir M. Drapeau, « L’évolution du droit du travail à la lumière de l’arrêt Meiorin », Revue du Barreau, printemps 2001, p. 306 ; et José Woehrling, « L’accommodement raisonnable et l’adaptation de la société à la diversité religieuse », Revue de droit de McGill, (1998) 43 R.D. McGill, p. 325. 8 C. Cadrin-Pelletier est responsable du Secrétariat aux affaires religieuses, ministère de l’Éducation du Québec. 9 Ministère de l’Éducation, Direction de l’enseignement catholique, Le phénomène religieux. Document d’appoint. Québec, 1990, 260 p. 10 Conseil supérieur de l’éducation, Comité catholique, Avis au ministre de l’Éducation. L’enseignement moral et religieux catholique au primaire. Pour un enseignement mieux adapté aux jeunes et aux contextes actuels, Québec, avril 1994 ; Conseil supérieur de l’éducation, Comité catholique, Avis au ministre de l’Éducation. L’enseignement moral et religieux catholique au secondaire. Pour un enseignement mieux adapté aux jeunes et aux contextes actuels, Québec, juin 1991. 11 Notamment la parution de ce rapport : ministère de l’Éducation, Laïcité et religions. Perspective nouvelle pour l’école québécoise, Rapport du groupe de travail sur la place de la religion à l’école, Québec, 1999, 282 p. ; et ministère de l’Éducation, Dans les écoles publiques du Québec, une réponse à la diversité des attentes morales et religieuses, Québec, 2002 À noter que diverses options d’enseignement religieux doivent être offertes, parmi lesquelles toujours un enseignement confessionnel, et qu’un service d’animation spirituelle et d’engagement communautaire non confessionnel a succédé au service d’animation pastorale confessionnelle. 12 Voir M. Clarkson, L. Pica et H. Lacombe, « Spiritualité, religion et santé : une analyse exploratoire », dans C. Develuy (dir.) Enquête sociale et de santé 1998, Collection la santé et le bien-être, Institut de la statistique du Québec, 2001, p. 603-625. 13 Voir A. Battaglini, S. Fortin et coll., Bilan des interventions en soutien parental et en stimulation infantile auprès de clientèles pluriethniques, Direction de la santé publique de Montréal-Centre, 1997, 314 p. 14 C’est une question que débat L’Association canadienne pour la pratique et l’éducation pastorales (ACPEP). En anglais, Myer Siemiatycki : The Canadian Association for Pastoral Practice and Education (CAPPE) ; site : www.cappe.org. 15 Le collectif à paraître La religion dans la sphère publique (dir. Solange Lefebvre) comporte un texte sur les apports de cet organisme, signé par sa directrice, Liz Chappel. 16 Voir Douglas Farrow (Université McGill), « Three Meanings of Secular », First Things no 133 (mai 2003), p. 20-23, pour une typologie simple des sécularismes ; et aussi Recognizing Religion in a Secular Society, D. Farrow (éd.), Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2004. 17 McLachlin, C. J., dans Chamberlain v. Surrey School District No. 36 (2002 SCC 86), au §19. Nous avons traduit : « Religion is an integral aspect of people’s lives, and cannot be left at the boardroom door. What secularism does rule out, however, is any attempt to use the religious views of one part of the community to exclude from consideration the values of other members of the community. » 18 Brunk est directeur du Center for Studies in Religion and Society, University of Victoria. Il renvoie notamment aux travaux de Jeffrey Stout, Democracy and Tradition, Princeton, Princeton University Press, 2004. 19 Patrice Brodeur est titulaire d’une Chaire du Canada, Islam, pluralisme et globalisation, à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. Cette définition d’une nouvelle sous-discipline de l’étude critique de la religion, explique Brodeur, exige qu’une théorie et que des méthodes particulières soient développées pour comprendre la façon dont s’articule ce triangle dans divers domaines tels que les interstices entre le religieux et le politique, l’éducation, le droit, la santé, les médias, l’économie, l’environnement, et, entre autres, toutes les relations. LES INTERSECTIONS DU SEXE ET DE LA MIGRATION DANS LE CONTEXTE CANADIEN RÉSUMÉ Compte tenu des profondes transformations qui se sont opérées au sein du marché du travail canadien au cours des 30 dernières années, et des modifications apportées parallèlement aux normes visant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans divers contextes sociaux, toute recherche qui n’accorde pas une attention particulière aux immigrants en tant que sujets différenciés selon les sexes comporte fondamentalement des lacunes. Il est nécessaire d’examiner les processus de la migration, de l’établissement et de l’intégration en tenant compte des sexes afin que, dans un premier temps, nous comprenions réellement les façons dont la société canadienne change et changera eu égard à l’immigration et à la diversité socioculturelle croissante, et que, dans un deuxième temps, nous comprenions les mouvements des populations et leurs répercussions sur le développement et la citoyenneté – largement définis – dans un contexte où la mondialisation gagne sans cesse du terrain. Saint Mary’s University EVANGELIA TASTSOGLOU Université d’Ottawa BRIAN RAY York University VALERIE PRESTON L e vieillissement démographique et la faible natalité, conjugués à des décisions politiques qui ont donné lieu à certains des taux annuels d’immigration les plus élevés au Canada depuis la Deuxième Guerre mondiale, signifient que la très grande majorité des secteurs de la société ou des régions du Canada, pour ne pas dire tous, sont touchés par l’immigration et bénéficient de la contribution des immigrants. Or, le fait que les processus de la migration, de l’établissement et de l’intégration soient dynamiques et nettement différenciés entre les groupes et entre les sexes est peu connu et moins bien compris. Comment les immigrants « réussissent-ils » au Canada, quels sont leurs besoins et leurs contributions, pourquoi, quand et comment arrivent-ils ici et de quelle façon maintiennent-ils des liens avec leur lieu d’origine, quels rôles les nouveaux arrivants jouent-ils dans la vie de leurs enfants ? Voilà toutes des questions qui ont un lien fondamental avec l’identité, les rôles et les responsabilités des immigrants en tant qu’hommes et femmes. Il est nécessaire d’examiner les processus de la migration, de l’établissement et de l’intégration en tenant compte des sexes afin que, dans un premier temps, nous comprenions réellement les façons dont la société canadienne change et changera eu égard à l’immigration et à la diversité socioculturelle croissante, et que, dans un deuxième temps, nous comprenions les mouvements des populations et leurs répercussions sur le développement et la citoyenneté – largement définis – dans un contexte où la mondialisation gagne sans cesse du terrain. Les recherches portent habituellement soit sur l’« immigrant », peu importe le sexe, à titre de catégorie analytique significative, soit sur l’immigrant masculin générique qui ne s’embarrasse pas de ses propres identité et culture. Compte tenu des profondes transformations qui se sont opérées au sein du marché du travail canadien au cours des 30 dernières années, et des modifications apportées parallèlement aux normes visant les rôles et responsabilités des femmes et des hommes dans divers contextes sociaux (p. ex. la famille, l’école, le gouvernement, la politique et les organismes communautaires), toute recherche qui n’accorde pas une attention particulière aux immigrants en tant que sujets différenciés selon les sexes comporte fondamentalement des lacunes. Ainsi, notre compréhension de la migration et de l’établissement en tant que processus est loin d’être totale et les politiques font peu de cas des besoins distinctifs des hommes et des femmes. La recherche doit aller au-delà du simple fait d’« inclure » le sexe comme variable, puisque le sexe est une pratique sociale négociée et instituée à travers l’histoire, enracinée dans les normes culturelles et les institutions. C’est ainsi que le sexe forge résolument les identités féminines et masculines ainsi que les relations interpersonnelles et sociales, et régit l’accès des individus et des ménages aux ressources au cours du processus de migration, puis tout au long de la période d’établissement et d’intégration. D’autre part, le fréquent parallèle établi entre « sexe » et « femme » pose un problème de taille, car il a donné lieu à la ghettoïsation de la recherche sur les femmes et à l’isolement des hommes dans une catégorie « autre » non différenciée dans laquelle on présume de beaucoup trop. La théorie féministe et la recherche sur les femmes ont fait ressortir le besoin d’étudier la construction sociale de la masculinité par rapport à la migration et aux identités des sexes dans les collectivités ethniques établies (Willis et Yeoh, 2000). Un nombre croissant d’universitaires formant un groupe interdisciplinaire et multidisciplinaire commencent à entreprendre des études sur la migration et l’établissement liés au sexe (Anthias et Lazaridis, 2000 ; Giles, Moussa et Van Esterik, 1996 ; Kelson et DeLaet, 1999 ; Kofman, Phizacklea, Raghuram et Sales, 101 CITC programme de recherche exhaustif, qui couvrira tout le 2000; Tastsoglou et Maratou-Alipranti, 2003; Willis et Yeoh, processus de migration à partir de la société d’origine jusqu’à la 2000). Alors que les pratiques liées au sexe dans les pays société d’accueil définitive en passant par les pays tiers. Sur le « d’origine » façonnent la composition des mouvements de plan méthodologique, il est essentiel d’aborder la migration en migrants, les ressources matérielles et sociales des migrants, les tant que processus et, pour bien comprendre ce qu’est ce buts ainsi que les stratégies en matière d’établissement, les processus, il nous faut connaître les situations de ces femmes et expériences relatives à l’établissement et à l’intégration peuvent de ces hommes une fois qu’ils sont arrivés au Canada. Il est modifier, transformer ou renforcer de multiples façons ces beaucoup trop facile de présumer que la migration s’arrête lors pratiques liées au sexe (Grasmuck et Pessar, 1991 ; Hondagneude l’établissement au Canada. Bien que les femmes et les Sotelo,1994 ; Salaff,2000 ; Tyner,1999).Selon les conclusions de hommes puissent réagir très différemment recherche des plus diverses, il appert que aux possibilités que présente le jumelage la migration peut provoquer des effets Sur le plan moral, transnational, ces jumelages efficaces et « émancipatoires » chez certaines femmes compte tenu de la bien développés, de par leur existence, sur le plan des relations de pouvoir au sein remettent sérieusement en question la des ménages et des communautés, mais elle tradition humanitaire permanence de l’établissement dans les peut aussi perpétuer les formes d’iniquité et de la philosophie pays d’accueil traditionnels comme le ancrées depuis longtemps (Menjivar, 1999 ; Canada. Sur le plan moral, compte tenu de Pessar 1995 ; Pessar, 2000). Nous devons de d’aide du Canada, les la tradition humanitaire et de la philosotoute nécessité en apprendre davantage sur Canadiens devraient phie d’aide au développement du Canada, la façon dont ces nouveaux rôles des sexes s’intéresser à la les Canadiens devraient s’intéresser à la sont consacrés dans les ménages ainsi migration non seulement pour savoir qu’entre les hommes et les femmes, et sur la migration non comment les nouveaux arrivants sont pris façon dont les normes fondées sur le sexe seulement pour en compte dans les politiques nationales s’étendent aux interactions qu’ont les visant la croissance démographique et les hommes et les femmes avec les institutions savoir comment les besoins du marché du travail, mais aussi publiques et privées, aussi bien dans les nouveaux arrivants pour savoir comment ces politiques sociétés d’origine que les sociétés d’accueil influent sur la prospérité des commu(Goldring, 2000). sont pris en compte nautés et sur la stabilité sociopolitique dans Le sexe est non seulement une dimendans les politiques les pays en développement. En gardant ces sion de l’identité, mais il est aussi une nationales visant la points à l’esprit, nous pouvons relever un relation sociale qui modèle la forme et la certain nombre d’objectifs précis de fonction de bon nombre d’institutions – la croissance démorecherche qui soulignent l’importance famille, le lieu de travail et le marché du graphique et les d’étudier rigoureusement les intersections travail, l’éducation, la législation et les du sexe et de la migration : politiques de même que les associations non besoins du marché • les types de liens « transnationaux » que gouvernementales. Dans cette optique, nous du travail, mais aussi maintiennent les immigrants et les immipouvons concevoir le sexe comme une pour savoir comment grantes avec les collectivités, les familles et structure, ou des structures fondées sur le les personnes à l’étranger, et l’influence sexe. De telles structures sont fondées sur les ces politiques influent de ces liens sur la structure et le bien-être relations inégales entre les hommes et les sur la prospérité des des familles et des ménages, les responfemmes – et en disent long sur celles-ci – , la sabi-lités des soignants, la productivité balance des pouvoirs penchant systémacommunautés et économique, la participation civique, la tiquement en faveur des hommes. Les sur la stabilité citoyenneté et l’appartenance ; institutions et les structures fondées sur le • les rôles et les changements normatifs sexe peuvent changer et, en fait, changent en sociopolitique fondés sur le sexe parmi les adultes des raison d’une immigration diversifiée et dans les pays en ménages d’immigrants ; fondée sur le sexe. Elles changent en raison développement. • les qualités liées au sexe et la nature des d’hommes et de femmes, de migrants et de relations parents-enfants, notamment non-migrants déterminés à réaliser une plus sur le plan de la conservation de la langue d’origine, du grande égalité entre les sexes. Dans ce cadre conceptuel, le rendement scolaire et de la formation de l’identité ; sexe croise d’autres marqueurs d’identité comme l’ethnicité, la • le rôle de la langue, notamment la maîtrise du « race », la langue, la religion, l’âge et l’orientation sexuelle. Ces français ou de l’anglais, dans la réussite de l’intégration intersections apportent une structure aux relations sociales au et dans la structuration des variations de pouvoir sein des collectivités d’Autochtones et de nouveaux arrivants, au sein des familles ; et entre celles-ci (Agnew, 2003). De plus, en cette ère de • l’intégration économique des immigrants et des mondialisation et de migration transnationale, ces intersecimmigrantes dans l’économie canadienne, qui met de tions fondées sur le sexe ont une incidence sur la participation plus en plus l’accent sur l’alphabétisme, les connaisdes immigrants ainsi que sur les relations socio-économiques sances et la souplesse (compétences et formation). et politico-culturelles dans les sociétés d’origine (Jones-Correa, 2000 ; Yeoh, Huang et Willis, 2000). De plus, la migration ne s’effectue pas dans un espace Nous soutenons que pour des raisons de méthodologie abstrait, et toute analyse afférente devrait prendre en compte et d’éthique, il est prépondérant de mettre sur pied un 102 explicitement les lieux de migration – tant temporaires que permanents – à la fois pour les hommes et pour les femmes. Les changements fondés sur le sexe qui s’opèrent au sein des structures familiales, les rôles de la maind’œuvre et la participation civique sont négociés dans le cadre de paramètres particuliers et de contextes spaciaux dans les sociétés d’origine, et sont reliés à la formation de diasporas transnationales. Qui plus est, les processus de migration modifiés par le sexe et le lieu, interdépendants, sont également manifestes en ce qui concerne la participation économique, sociale et politique des hommes et des femmes dans les grandes villes (comme Toronto et Vancouver), où s’établissent la majorité des immigrants, ainsi que dans les plus petites villes (comme Halifax) qui souhaitent souvent attirer plus de nouveaux arrivants. L’importance du sexe et de ses intersections avec les processus de la migration pousse un nombre croissant de communautés de recherche internationales à adopter cette perspective analytique dans leurs recherches sur la migration. En 2002, au Canada, un groupe de chercheurs affiliés aux centres Metropolis et appuyés par le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) ont présenté une série d’ateliers (Strategic Workshop on Immigrant Women ‘Making Place’ in Canadian Cities: Transdisciplinary Approaches to Their Social Networks), et cette activité a mené à la création d’un réseau de chercheurs et à l’élaboration d’un document d’orientation en ligne1. En 2003, le nouveau Centre d’excellence Metropolis de l’Atlantique a mis sur pied le seul volet de recherche « Rapports hommes/ femmes, migration et diversité/les immigrantes »2 dans le réseau de projets Metropolis canadiens (et internationaux). Ce volet sert de point d’entrée unique à partir duquel on peut cerner les enjeux qui sont particulièrement pertinents aux immigrantes et qui pourraient autrement être passés sous silence. Ce faisant, il souligne le sexe dans chaque aspect du processus de la migration. À l’instar des programmes d’études féministes dans les universités, le volet Rapports hommes/femmes et immigrantes constitue une façon différence d’aborder ce que l’on connaît comme étant un paradigme de recherche interdisciplinaire. Le volet consiste en une gamme d’intérêts de recherche étudiés dans une optique liée au sexe (et le sexe dans toute sa diversité). Il encourage aussi l’examen de nouveaux enjeux non évidents dans d’autres domaines de recherche qui n’insistent pas sur les expériences des migrants et des migrantes comme des sujets différenciés selon les sexes. Enfin, par le truchement de recherches conjointes et d’activités de réseautage entre des universitaires des diverses régions du Canada et de l’étranger, des décideurs et des ONG, le volet Sexes/ femmes immigrantes vise à fournir un point d’ancrage régional et national et d’agir comme carrefour d’échange pour l’analyse différenciée selon les sexes des questions liées à l’immigration et à la diversité. L’équipe et les chercheurs affiliés se livrent à une analyse différenciée selon les sexes des questions qui découlent des douze priorités du gouvernement fédéral en matière de recherche axée sur les politiques sur l’immigration et l’intégration. Le volet cherche ainsi à faire en sorte que ces questions tiennent compte du sexe et des expériences vécues par les immigrantes. Références AGNEW, Vijay. Where I Come From, Wilfrid Laurier University Press, 2003. ANTHIAS, Floya et Gabriella LAZARIDIS (éds.). Gender and Migration in Southern Europe, Women on the Move, New York, Berg (2000). GILES, Wenona, Helene MOUSSA, Penny VAN ESTERIK, (éds.). Development and Diaspora. Gender and the Refugee Experience, Dundas, Ontario, Artemis, 1996. GRASMUCK, Sherri et Patricia PESSAR. 1991. « Households and International Migration », Between Two Islands. Dominican International Migration, Berkeley, Univ. of California Press, 1991, p. 133-161. 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BARRIÈRES D’ACCÈS À L’INDEMNISATION Pour les travailleurs immigrants victimes de lésions professionnelles RÉSUMÉ Le Canada, comme bien d’autres pays, a une politique d’immigration qui privilégie la sélection de candidats qualifiés. Mais par nécessité d’intégration économique, les travailleurs immigrants acceptent des emplois aux conditions précaires et qui ne correspondent pas à leur qualification. La prévalence des lésions professionnelles chez les immigrants est supérieure aux autres travailleurs. Ne connaissant pas leurs droits et rencontrant souvent des barrières de communication, ces travailleurs victimes de lésions professionnelles cumulent diverses difficultés lors de leur demande d’indemnisation. A u Québec, la situation des travailleurs immigrants est préoccupante. D’une part, ils sont nombreux à vivre des conditions d’intégration économique difficiles1. Et d’autre part, l’instabilité résidentielle, l’insécurité économique et la précarité de leurs conditions de vie les obligent à accepter des emplois dans des secteurs où les risques d’accidents ou de maladies professionnelles sont élevés. Qualifiés ou non, ces travailleurs occupent souvent, au cours des premières années, des emplois manuels correspondant peu à leur formation et à leurs habilités, augmentant ainsi leur risque de lésions professionnelles2. Tout comme pour l’accès aux services publics en général, les travailleurs immigrants victimes de lésions professionnelles rencontrent des barrières d’accès à l’indemnisation. Les résultats de la présente étude démontrent que les travailleurs immigrants cumulent plusieurs difficultés et ce, à toutes les étapes du processus d’indemnisation. Problématique LAURENCE BOUCHERON Direction de la santé publique de Montréal SYLVIE GRAVEL Direction de la santé publique de Montréal LOUIS PATRY Direction de la santé publique de Montréal MICHEL FOURNIER CITC Direction de la santé publique de Montréal L’immigration des travailleurs est un phénomène international en croissance, soutenu à la fois par des politiques d’immigration des pays grands demandeurs de main-d’œuvre et par les pays exportateurs de main-d’œuvre aux prises avec des taux incontrôlables de chômage. En 1990, sur le seul continent nord-américain, 8,6 % des travailleurs étaient immigrants3. Pour les pays exportateurs de main-d’œuvre, l’argent entré au pays provenant d’expatriés à destination des membres de leur famille représente une part non négligeable pouvant atteindre près de 10 % du PIB4. La main-d’œuvre étrangère comprend trois types de travailleurs : les travailleurs qualifiés associés à l’exode des cerveaux, les travailleurs qualifiés dans les secteurs qui ne recrutent pas, et ceux non qualifiés occupant des emplois temporaires ou saisonniers. Tous ces travailleurs sont exposés à des risques de lésions professionnelles. À la fin des années 1970 puis à la fin des années 1990, plusieurs études portant sur la prévalence de lésions professionnelles chez les travailleurs immigrants ont été publiées. La première période compte davantage de travaux sur la sociologie du travail des immigrants temporaires en Europe, et la seconde, des travaux sur la situation des travailleurs agricoles du sud des États-Unis et d’autres secteurs industriels en pénurie de main-d’œuvre bon marché. Entre ces deux périodes, les travaux se consacrent davantage aux études sur les risques ergonomiques, physiologiques, bactériologiques et toxiques. La prévalence et la gravité des lésions chez les travailleurs immigrants ont toujours été importantes. Dans les années 1970, en Allemagne5, la proportion des accidents du travail était de 2,7 travailleurs accidentés immigrants pour 1 travailleur accidenté allemand et en France, les travailleurs immigrants représentaient 10 % de l’ensemble des travailleurs, mais totalisent 21 % des accidents6. Plus récemment, de 1996 à 2000, aux États-Unis7, le taux de mortalité des travailleurs latino-américains a été de 20 % supérieur à celui des Blancs et des Afro-américains8. De plus, ces travailleurs sont plus susceptibles de développer des problèmes subséquents, leurs conditions de vie ne permettant pas un rétablissement adéquat de leur lésion9 et ayant peu accès aux services de santé et d’indemnisation. Les travailleurs immigrants occupent très souvent des emplois dans des secteurs à risque10, 11, 12, 13, 14 et offrant peu de perspectives d’avenir15. Dans le seul État de la Californie, les travailleurs latino-américains constituent 17 % de la force de travail mais représentent 62 % de la main-d’œuvre agricole, 25 % de la main-d’œuvre manufacturière (textile, aliments, machinerie) et 20 % des 104 Méthode, échantillon et recrutement travailleurs de la construction16 – les secteurs industriels Une étude rétrospective et comparative entre les travailoù la prévalence des lésions irréversibles et mortelles est leurs immigrants et non immigrants a été menée à Montréal35 la plus élevée17. Les conditions de travail sont déplorables ; afin de répondre aux questions de recherche suivantes : les tâches sont lourdes et répétitives18 et s’exécutent sous • les travailleurs immigrants et non immigrants pression dans des environnements insalubres et bruvictimes de lésions professionnelles ont-ils un yants19. Ces emplois souvent saisonniers ou temporaires20 accès équitable au système d’indemnisation ? ne permettent pas d’acquérir l’expérience suffisante pour • À quelles étapes du processus d’indemnisation les accomplir la tâche sans risque. De plus, la connaissance facteurs limitants ou facilitants sont-ils manifestes ? limitée de la langue entraîne l’isolement du travailleur, une incompréhension des règles de sécurité21 et une interL’étude a interrogé 104 travailleurs victimes de prétation inadéquate des droits et des procédures pour lésions professionnelles sur les circonstances entourant être indemnisé. l’apparition de la lésion et les étapes du processus. Depuis leur création, les systèmes d’indemnisation L’échantillon de commodité est des pays européens et nord-américains composé d’immigrants (51 %) et de nonont évolué. La couverture des lésions Depuis leur immigrants (49 %) et, dans une même indemnisables s’est élargie et certains proportion, d’hommes (53 %) et de pays ont adopté les « régimes sans égard création, les femmes (47 %). Les sujets ont été recrutés à la faute »I, 22. Ces améliorations ont systèmes d’indemvia la liste des clients des partenaires au entraîné une croissance des coûts sans projet, une polyclinique spécialisée en pour autant indemniser les victimes les nisation des pays médecine du travail (40 %), un organisme plus vulnérables. Qu’ils soient syneuropéens et militant pour les droits des travailleurs diqués ou non, les travailleurs victimes de lésions professionnelles préféreront continuer de travailler nord-américains effectuant de l’expertise juridique et pendant qu’ils suivent leur traitement ont évolué. La médicale (31 %) et un bureau d’étude et malgré leurs douleurs23 afin de mainlégale qui défend des travailleurs (15 %). tenir leur lien d’emploi. Ils craignent couverture des Quelques sujets (14 %) ont été recrutés d’être congédiés, de perdre leur droit de lésions indemvia les journaux et les radios ethniques. résidence ou encore, de s’appauvrir De la liste initiale de 363 clients, 184 parce que les indemnités de remplacenisables s’est ont été sollicités. Le taux de refus a ment de revenu sont insuffisantes24, 25. élargie et certains été de 43 % (80/184). Pour ceux qui réussissent à surmonter pays ont adopté Les travailleurs recrutés devaient, au leurs craintes d’être victime de reprémoment de la lésion, travailler pour un sailles, l’accès à l’indemnisation n’est pas les « régimes sans employeur. La réclamation pour cette automatique. Plusieurs études26, 27, 28, 29, 30 égard à la faute »I, 22. lésion devait avoir été produite depuis ont démontré l’existence de barrières janvier 2000. Les travailleurs immigrants d’accessibilité au système d’indemCes améliorations devaient être nés à l’étranger et vivre nisation, dès l’entrée et tout au long du ont entraîné une au Canada depuis moins de 20 ans sans processus d’indemnisation. Dembe et égard à leur statut. coll. (2003)31 ont structuré ces barrières augmentation des Les données de cette étude provienen trois mécanismes se succédant dans coûts sans pour nent de deux sources : a) des entrevues le processus nuisant à la déclaration et individuelles : une portant sur les étapes à l’accès aux services d’indemnisation : autant indemniser du processus administratif, et une autre • bloquer l’entrée au système en les victimes les sur les conditions de retour au travail ; décourageant les travailleurs d’amorb) de la retranscription des réclamacer les procédures ; plus vulnérables. tions, la description des événements • imposer des règles structurant entourant l’accident ou de l’apparition l’accès au système en décrétant des des symptômes de la maladie professionnelle II. délais incontournables et en fixant les montants Les entrevues réalisées par des intervieweurs polyglottes d’indemnité sans égard à l’appauvrissement des duraient en moyenne 1 heure et 45 minutes et la seconde, travailleurs ; 45 minutes. Elles se sont déroulées de décembre 2002 à • minimiser les besoins des travailleurs en sousdécembre 2003. Les données d’entrevues ont été traitées estimant les capacités du travailleur à réintégrer son par le logiciel SPSS (analyses statistiques de khi-carré et emploi, et les risques de rechutes et de récidives. tests d’écarts de moyenne). Les retranscriptions des réclamations ont été saisies et traitées sur NVivo pour ensuite Peu importe l’angle d’analyse prise, médical32, admiêtre converties en variables dichotomiques et ajoutées au nistratif33 ou juridique34, divers acteurs sont associés aux fichier des entrevues. dynamiques favorisant ou limitant l’accès : employeur, collègue, syndicat, médecin, conseiller juridique et agent Résultats d’indemnisation. Malgré la diversité des analyses, peu de Les premiers résultats présentent les caractéristiques travaux ont étudié les parcours d’indemnisation selon le des travailleurs. Tous les autres décrivent les principales statut des travailleurs. 105 Les décisions rendues par les services d’indemnisationIII peuvent toucher plusieurs aspects : la description des faits, le diagnostic, le lien entre la lésion et le travail, les limitations fonctionnelles, la date de consolidationIV, et les conditions de retour au travail V. Les taux de refus sont supérieurs chez les travailleurs immigrants sauf en ce qui a trait aux conditions de retour au travail comme l’indique le tableau suivant. Les déceptions sont telles que 59 % des travailleurs prévoient contester les décisions. Beaucoup de travailleurs ne comprennent pas les procédures et les décisions (62 %), ce qui a incité 82 % des travailleurs immigrants et 76 % des travailleurs non immigrants à consulter un conseiller juridique. L’agence d’indemnisation du Québec (CSST) privilégie la correspondance écrite pour communiquer avec les travailleurs. Or 54 % des travailleurs ne la comprennent pas, indépendamment de leur statut, de leur scolarité ou de la décision. Pour les travailleurs immigrants, les difficultés ne se limitent pas à cette correspondance puisque 55 % affirment avoir eu des difficultés à se faire comprendre de leurs interlocuteurs et 58 % n’ont pas saisi la décision. Au moment de la deuxième entrevue, 51 % des travailleurs immigrants comparativement à 43 % des travailleurs non immigrants étaient retournés au travail mais 72 % des travailleurs peu scolarisés ont perdu leur emploi par la suite. Par contraintes économiques ou par craintes de représailles, les travailleurs sont retournés au travail malgré des douleurs chroniques (61 %) ou occasionnelles (25 %). Pour les immigrants, des contraintes importantes de transport (47 %) et de communication (47 %) entravent la poursuite de leurs traitements. Les récidives, les rechutes et les aggravations sont courantes et ce, sans distinction du genre et du statut. Les relations avec l’employeur se sont détériorées surtout pour les travailleurs immigrants (51 %) comparativement aux non immigrants (36 %). Les travailleurs (64 %) voient leur avenir dégradé, particulièrement les travailleurs immigrants (76 %). barrières d’accès rencontrées par les travailleurs suivant l’ordre chronologique des différentes étapes du parcours d’indemnisation. Pour 26 % des sujets, leur lésion est survenue à la suite d’une maladie professionnelle et 76 % à la suite d’un accident. Les femmes (35 %) ont davantage de maladies professionnelles que les hommes (22 %) ainsi que les travailleurs immigrants (32 %) comparativement aux travailleurs non immigrants (24 %). Près du tiers (30 %) des travailleurs blessés étaient employés par l’entreprise depuis moins d’un an, 55 % l’étaient depuis 1 à 9 ans. La très grande majorité (81 %) exécutaient leurs tâches habituelles. Qu’il s’agisse d’un accident ou d’une maladie, le travailleur rapporte sa lésion d’abord à son contremaître (52 %) ou à ses collègues (30 %) mais certains ne savent pas à qui elle a été rapportée (11 %). L’environnement de travail est à risque puisque 68 % des travailleurs ont eu connaissance d’un collègue ayant une lésion similaire. La majorité des travailleurs consultent le jour même mais les travailleurs immigrants victimes de maladies professionnelles ont quelquefois attendu plus de six mois (28 %), contrairement aux travailleurs non immigrants (8 %). N’ayant pas de médecin de famille, les travailleurs consultent ceux des urgences de cabinets privés (64 %) ou de centres hospitaliers (37 %). Les médecins se succèdent tout au long de leur convalescence, seulement 25 % des travailleurs revoient le médecin rencontré la première fois. L’absence de continuum dans le suivi médical fait en sorte que les hommes (40 %) et surtout les immigrants (64 %) considèrent avoir été examinés de façon inappropriée et obtenu un diagnostic imprécis (23 %). Pour tous les travailleurs, l’impact de la lésion est très importante sur leur vie professionnelle (78 %) et quotidienne (56 %) et dans leurs loisirs (61 %). En principe, le travailleur rédige lui-même sa déclaration : 92 % des travailleurs non immigrants ont été en mesure de le faire comparativement à seulement 42 % des travailleurs immigrants. Cet écart est d’autant plus préoccupant que les travailleurs immigrants demandent à leur employeur (21 %) ou à une tierce personne, une amie ou un membre de la famille, de la rédiger (37 %). Les travailleurs peuvent être contactés jusqu’à cinq semaines (25 %) après avoir déposé cette réclamation. Ces délais font que les immigrants sont beaucoup moins satisfaits (75 %) des contacts qu’ils ont avec les agents d’indemnisation que les travailleurs non immigrants (49 %). Figure 2 – Comparaison entre travailleurs immigrants et non-immigrants, selon les différentes étapes du parcours d’indemnisation 100 90 80 70 60 Figure 1 – Taux de refus des décisions d’indemnisation, selon le statut des travailleurs 50 40 Décisions rendues – Refus Non-immigrants 30 52 % 23 % 20 49 % 34 % 52 % 32 % 64 % 48 % 78 % 56 % 58 % 69 % Immigrants Non-immigrants 10 0 Déclaration Réclamation rédigée de l’accident par autre après personne* plusieurs jours* Diagnostic imprécis** Incompréhension décision rendue Non retour au travail* *Significatif p < 0,05 ** Tendance p = 0,08 Déclaration — Réclamation — Parcours médical — Parcours administratif — Retour au travail CITC Faits accidentels ou apparition des symptômes Diagnostic posé Lien entre travail et lésion Limitations fonctionnelles Date de consolidation Conditions de retour au travail Immigrants 106 lésions professionnelles devrait poser un regard autocritique sur les facteurs mis en place pour assurer un accès équitable aux plus vulnérables (immigrants, bas salariés, non syndiqués, etc.). Il en va de l’éthique professionnelle que les gestes posés, les informations transmises et les décisions prises soient compris et que leurs conséquences sur la santé physique, la vie professionnelle et la vie privée soient bien saisies. Comme le soulignent certaines études sur les lésions professionnelles, il faut aller au-delà de la simple analyse des conséquences médicales, familiales et économiques des lésions professionnelles et considérer tout l’appauvrissement des moyens et des capacités des travailleurs43. Discussion Ces résultats démontrent qu’à toutes les étapes, des barrières se dressent. Dès le début, le travailleur immigrant tarde à faire une réclamation, ce qui le désavantage. La situation n’est pas surprenante puisque de façon générale, de 20 à 45 % des travailleurs ne feront pas de réclamation36 et que dans certains secteurs industriels, la non-déclaration est de mise37. À la seconde étape, celle du parcours médical, les travailleurs immigrants se rendent dans les urgences d’hôpitaux et de cliniques pour obtenir des soins. Ils s’en remettront aux médecins pour juger des étapes à suivre. Or les médecins ne les encourageront pas nécessairement, soit parce qu’ils ne sont pas familiers avec le système d’indemnisation38, soit pour empêcher le travailleur de perdre son lien d’emploi ou pour s’éviter des débats d’experts sur le problème de santé du travailleur. À la troisième étape, celle de la réclamation, les travailleurs immigrants, même scolarisés, sont désemparés. Confiants d’être pris en charge par le système, ils sont surpris d’être refusés et contestés par leur employeur. Devant le refus, 25 % des travailleurs ont l’intention d’aller en appel, un taux de contestation équivalent à ceux identifiés dans d’autres travaux39. À la quatrième étape, celle qui consiste à soumettre sa requête aux services administratifs d’indemnisation, tous les travailleurs ne comprennent pas les décisions rendues et beaucoup de travailleurs immigrants se heurtent à des problèmes de communication. Plus le processus administratif devient complexe, entre autres à cause des contestations, moins les travailleurs comprennent l’issue de leur requête. Finalement les travailleurs immigrants sont moins nombreux que les non immigrants retournant sur le marché du travail. Le non-retour au travail et le congédiement à la suite de la lésion ne sont pas spécifiques aux travailleurs de cette étude puisque Imershein et coll.40 constataient en 1994 que seulement 25 % des travailleurs victimes de lésions professionnelles retournaient au travail ; parmi ceux-ci, 96 % n’avaient pas le soutien requis pour leur condition et 76 % finissaient par quitter leur emploi, désabusés ou sous la menace d’un congédiement. Du rêve d’avoir une vie meilleure, les travailleurs immigrants voient leur vie de famille compromise. Là encore, les résultats de notre échantillon ne sont pas nouveaux : des études41, 42 démontrent que pour la majorité des travailleurs, les douleurs causées par leur lésion les affectent également dans leur vie familiale, conjugale et sociale et dans leurs loisirs. Les résultats de l’enquête démontrent que les barrières sont réelles chez les sujets de l’échantillon. Toutefois, la représentativité de notre échantillon n’est pas exhaustive. Il s’agit d’un échantillon de commodité provenant des listes de clients des partenaires à l’étude. Néanmoins, les travailleurs de l’échantillon présentent des difficultés d’accès à l’indemnisation similaires à celles étudiées dans diverses enquêtes, tant américaines qu’européennes. Références Pour voir toutes les références de ce texte, visitez notre site Web au www.acs-aec.ca. 1 MINISTÈRE DES RELATIONS AVEC LES CITOYENS ET IMMIGRATION. L’insertion en emploi des travailleurs admis au Québec en vertu de la grille de sélection de 1996, Direction de la population et de la recherche, 2004. 2 GRAVEL, S., L. BOUCHERON, KANE. « La situation des travailleurs et travailleuses immigrant(e)s à Montréal », vol. 5, no 1 (2003), revue électronique. http://www.pistes.uquam.ca 3 ZOLTNIK, H. The Dimensions of International Migration. Paper prepared for the Technical Symposium on International Migration and Development, United Nations ACC Task Force on Basic Social Services for All, The Hague, 1998. 4 STANTON, R. et S. TEITELBAUM. International Migration and International Trade. World Bank Discussion Paper, no 160. Washington, 1992. 5 OPFERMANN, R. « Epidemiology and statistics of occupational accidents and morbidity in migrant workers. Safety and health of migrant workers international symposium », Occupational safety and health series, Bureau international du travail, no 41 (1977). 6 ARAIBIA, A. 1977. « Plus de quatre millions d’émigrés travaillent en France. Safety and health of migrant workers international symposium », Occupational safety and health series, Bureau international du travail, no 41 (1977). 7 LOPEZ, D. et C. FELICIANO. « Who Does What ? California’s Emerging Plural Labor Force », dans R. Milkman, Organizing Immigrants : The Challenge for Unions in Contemporary California, ILP Press, 2000. 8 RICHARDSON, Scott et coll. Hispanic Workers in the U.S.A. : An Analysis of Employment Distributions, Fatal Occupational Injuries, and Nonfatal Occupational Injuries and Illnesses. National Research Council Workshop : Communicating Occupational Safety and Health Information to Spanishspeaking Workers and Employers in the U.S., May 2002. 9 FRUMKIN, H., E.D. Walker et G. FRIEDMAN-JIMINEZ. « Minority Workers and Communities », Occupational Medecine, vol. 14, no 3 (1999), p. 495-517. 10 KRAHN, H., A. FERNANDES & A. ADEBAYO. « English language ability and industrial safety among immigrants », Sociology and social research, vol. 75, no 1 (1990), p. 17-26. 11 ROSPA. « Minority report », Occupationnal safety and Health, novembre 1992. 12 DÖÖS, M., L. LAFLAMME et T. BACKSTRÖM. « Immigrants and Occupational Accidents : A comparative study of the frequency and types of accidents encountered by foreign and Swedish citizens at an engineering plan in Sweden », Safety Science, vol. 18 (1994), p. 15-32. 13 FREDERIC-MOREAU, P. « La prévention des accidents de travail en France. Safety and health of migrant workers international symposium », Occupational safety and health series, no 41 (1977), Bureau international du travail. Conclusion Il n’est pas déraisonnable de douter de l’équité du traitement accordé aux travailleurs immigrants par rapport à celui accordé aux travailleurs non immigrants. Chacun des acteurs œuvrant auprès des travailleurs victimes de 107 14 EL BATAWI, M.A. « Factors influencing the health and safety of migrant workers. Safety and health of migrant workers international symposium », Occupational safety and health series, no 41 (1977), Bureau international du travail. 31 DEMBE, A.E., J. SUM, K. BLAKER, STROMBERG, et I. NEMIROVSKY. Workers’ Compensation Medical Care in California : Quality of Care. Commission on Health and Safety and Workers Compensation, no 4 (2003), p. 1-4. www.chcf.org ou www.dir.ca/gov/chswc 15 AU BAS DE L’ÉCHELLE. Au noir, c’est pas rose ! Éditions Au bas de l’échelle, 1992. 32 Idem., p. 31. 33 AZAROFF, L.S., C.L. LEVENSTEIN et D.H. WEGMAN. Occupational Injury and Illness Surveillance : Conceptual Filters Esplain Underreporting. American Journal of Public Health, vol. 92, no 9 (2002), p. 1421-1429. 34 ROBERTS, K. et W. YOUNG. « Procedural Fairness, Return to Work, and the Decision to dispute Workers’ Compensation », Employee responsibilities and Rights Journal, vol. 10, no 3 (1997), p. 1993-212. 35 PATRY, L., S. GRAVEL, L. BOUCHERON M. FOURNIER, B. VISSANDJÉE, M. KANE et J. BEAUVAIS. Accès à l’indemnisation des travailleurs immigrant(e)s victimes de lésions musculo-squelettiques d’origine professionnelle, Rapport de recherche, Direction de la santé publique de Montréal, 2005. 36 PRANSKY, Benjamin, HILL-FOTOUCHI, HIMMELSTEIN, FLETCHER, KATZ et JOHNSON. « Outcomes in Work-Related Upper Extremity and Low Back Injuries : Results of Retrospective Study », American Journal of Industrial Medecine, no 37, p. 400-409. 37 Idem., p. 30. 38 Idem., p. 30. 39 STUNIN, L. et L.I. BODEN. « The Workers’ Compensation System : Worker Friend or Foe ? », American Journal of Industrial Medecine, no 45 (2004), p. 338-345.40 Idem., p. 27. 40 Idem., p. 27. 41 STUNIN, L. et L.I. BODEN. « Family consequences of chronic back pain », Social Science and Medicine, no 58 (2003), p. 1385-1393. 42 BODEN L.I. et M. GALIZZI, « Economic Consequences of Workplace Injuries and Illnesses : Lost Earnings and Benefit Adequacy », American Journal of Industrial medicine, no 36 (1999), p. 487-503. 43 MUSTARD, C. & C. HERTZMAN. « Relations Between Health Services Outcomes and Social and Economic Outcomes in Workplace Injury and Disease : Data Sources and Methods », American Journal of Industrial Medecine, no 40 (2001), p. 335-344. 16 17 WORKERS COMPENSATION INSURANCE RATING BUREAU. Annual reports, San Francisco : WCIRB, 1996-2003. Cité par A.E. Dembe, J. Sum, Blaker, K. Stromberg et I. Nemirovsky, Workers’ Compensation Medical Care in California : Quality of Care. Commission on Health and Safety and Workers Compensation, no 2 (2003), p. 1-4. www.chcf.org, www.dir.ca/gov/chswc. WINDAU, J. « Occupational Fatalities Among the Immigrant Population », Compensation and Working Conditions (printemps 1997). 18 CARRIÈRE, M. et E. ROUGER. « Pathologie du travail à la chaîne chez les migrants », Pathologie du migrant, vol. 34, no 57, décembre 1984. 19 LEGAULT-FAUCHER, M. « La saga des nouveaux venus (première partie) », Prévention au travail, vol. 4, no 3 (avril 1991). « La saga des nouveaux venus (deuxième partie) », Prévention au travail, vol. 4, no 4 (mai 1991). « Les fantômes du travail atypique », Prévention au travail, vol. 8, no 2 (mars 1993). HAMM, D. et M. SEGALL. « Santé et sécurité au travail pour les immigrants », Au Centre (revue du centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail), avril 1992. 20 21 NASH, M. « Language barriers and safety. Speaking in tongues », Occupational Health and Safety Canada, vol. 6, no 5, (septembre-octobre). 22 DEMBE, A.E. Occupation and Disease : How social Factors Affect the Conception Work-Related Disorders, Yale University Press, New Haven et Londres, 1996. 23 LASHUAY, N. et coll. « We spend Our Days Working in Pain : A Report on Workplace Injuries in the Garment Industry, Asian Immigrant Women Advocates », cité dans Working Immigrant Safety and Health, Improving Health and Safety Conditions for California’s Immigrant Workers, 2002. 24 VILLAREJO, D. et coll. Suffering in Silence : A Report on the Health of California’s Agricultural Workers, Sacramento, California Institute for Rural Studies. 25 TEXAS WORKERS’ COMPENSATION RESEARCH CENTER. « Economic Outcomes of Injured Workers with Permanent Impairments », The Research Review, vol. 3, no 27 (1995), p. 1-4. 26 STUNIN, L. et L.I. BODEN. « The Workers’ Compensation System : Worker Friend or Foe ? » American Journal of Industrial Medicine, no 45 (2004), p. 338-345. 27 IMERSHEIN, A.W., A.S. HILL et A.M. REYNOLDS. « The Workers’ Compensation System as a Quality of Life Problem for Workers’ Compensation Claimants », Advances in Medical Sociology, no 5 (1994), p. 181-200. 28 THOMASON, T. « Correlates of Workers’ Compensation Claims Adjustment », Journal of Risk and Insurance, vol. 6, no 1 (1994), p. 59-77. 29 SUM, J. et L. STOCK. Navigating the California Workers’ Compensation System : The Injured Worker’s Experience ; An Evaluation of Services to Inform and Assist Injured Workers in California, Report prepared for the Commission on Health and Safety and Workers’ Compensation by the Labour Occupational Health Program, University of California at Berkley, 1996. http://socrates.berkley.edu/~lohp/Publications/ Factsheets_And_More/navighate.html. WISH, « California Working Immigrant Safety and Health », Improving Health and Safety Conditions for California’s Immigrant Workers, no 13 (2002). CITC 30 Notes 108 I Le régime « sans égard à la responsabilité » est une traduction libre de « no-fault » qui fait référence à l’absence d’accusation de négligence ou de responsabilité envers l’une ou l’autre des parties dans l’apparition de la lésion. Ce qui limite toute poursuite civile en rapport avec les événements accidentels ou l’apparition des symptômes de la maladie, à moins qu’il y ait eu négligence intentionnelle. Les systèmes d’indemnisation nord-américains et européens, bien qu’ils arborent tous le principe de « sans égard à la responsabilité », se distinguent entre autres par le type d’indemnisation (remplacement du revenu ou montant forfaitaire), par les conditions d’accès aux services de rétablissement (soins de santé, réadaptation) et par les conditions de retour au travail. L’accès à l’indemnisation est étroitement lié à celui du système de santé. Ainsi, dans les pays où l’accès au système de santé est gratuit et universel, accéder aux indemnités et aux remboursements des soins médicaux lorsque l’on est victime de lésions professionnelles ne comporte pas les mêmes avantages que lorsque seuls les détenteurs d’une assurance privée peuvent bénéficier des soins de santé. II Il y a deux versions de cette réclamation : celle rédigée par le travailleur et celle produite par l’employeur. Toutes deux apparaissent sur les formulaires administratifs de la Commission de santé et sécurité au travail (CSST) portant les numéros 1039 (01-09) pour les travailleurs et 1940 (98-11) pour les employeurs. III Il peut y avoir plusieurs instances décisionnelles. La première instance : la Commission de santé et de sécurité au travail (CSST) ; la deuxième instance : la Direction de la révision administrative (DRA) ; la troisième instance : la Commission des lésions professionnelles (CLP) ; et la dernière instance : la Cour supérieure du Québec. IV Date de rétablissement ou date où aucune autre amélioration n’est possible. V Allégement de la tâche, modification du poste, détermination d’un autre emploi convenable. Laurence Boucheron est formée en anthropologie et en santé communautaire. Elle travaille en tant qu’agente de recherche à la Direction de la santé publique de Montréal sur des problématiques reliées aux populations immigrantes. Michel Fournier est agent de recherche à la DSP de Montréal. Formé en mathématiques et en mesure et évaluation, il s’intéresse particulièrement à la méthodologie de la recherche et aux statistiques. Il agit aussi comme consultant auprès de différents groupes de recherche. Louis Patry : spécialisation en médecine du travail. Direction de la santé publique de Montréal, professeur adjoint en physiologie du travail et ergonomie, au département unifié d’épidémiologie biostatistique et de santé au travail, Faculté de médecine, Université McGill, membre du bureau de direction de la Commission Internationale de Santé au travail (CIST). Biographies Sylvie Gravel, anthropologue de formation, est chercheure à la Direction de la santé publique (DSP) de Montréal. Elle mène des travaux de recherche auprès des populations immigrantes depuis plus de quinze ans. Elle est affiliée à la Faculté de l’éducation permanente et au Département de médecine sociale et préventive de l’Université de Montréal. Elle est également membre du groupe de recherche Immigration et Métropoles. 109 LANGUES EN CONTEXTE D’IMMIGRATION Éveiller au langage et à la diversité linguistique en milieu scolaire RÉSUMÉ Dans ce contexte d’immigration et de plurilinguisme, les niveaux de maîtrise langagière de la langue ou des langues ou la présence d’un accent, comme les autres marqueurs « visibles » de la différence, peuvent devenir des instruments de promotion sociale, mais aussi susciter la discrimination, alimentée par les représentations négatives véhiculées sur les langues et les locuteurs de ces langues. Professeure à l’Université de Montréal, directrice du Centre de recherche Immigration et métropoles (Montréal, projet Metropolis) FRANÇOISE ARMAND Professeure, Simon Fraser University, chercheure au Centre de recherche sur l’immigration et l’intégration dans les métropoles (Vancouver, projet Metropolis) DIANE DAGENAIS CITC Langues en contexte d’immigration Comme la majorité des grandes métropoles qui attirent les immigrants à travers le monde, Montréal et Vancouver se caractérisent par une grande diversité culturelle et linguistique, et nombreux sont les élèves d’origine immigrante qui sont scolarisés dans une langue autre que leur(s) langue(s) maternelle(s). Ainsi, au Québec, en 2002, les écoles montréalaises accueillaient 34,9 % d’élèves dont la langue maternelle n’était ni le français ni l’anglais et, au total, 189 langues maternelles différentes, parmi les quelque 6 000 langues sur terre, étaient répertoriées (Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal, 2003). Dans la région métropolitaine de Vancouver, par ailleurs toujours marquée par la présence de diverses langues autochtones (p. ex., le Coast Salish, Shaw, 2001), selon le dernier recensement de 2001, les élèves apprenant l’anglais langue seconde représentaient 53 % de la clientèle scolaire. Dans ce contexte d’immigration et de plurilinguisme, les niveaux de maîtrise langagière de la langue ou des langues ou la présence d’un accent, comme les autres marqueurs « visibles » de la différence, peuvent devenir des instruments de promotion sociale, mais aussi susciter la discrimination, alimentée par les représentations négatives véhiculées sur les langues et les locuteurs de ces langues. Calvet (2002) souligne ainsi l’existence, en contexte de mondialisation, d’un « marché aux langues » au sein duquel les langues peuvent se déprécier, être dévaluées ou, au contraire, gagner de la valeur. Selon Moore (1994), les langues sont loin de n’être que des instruments objectifs et socialement neutres, ne servant qu’à transmettre du son ; elles sont intimement liées à leurs utilisateurs, et en particulier au prestige qui leur est accordé et à la nature du contact que l’on souhaite entretenir avec eux. Encourager et promouvoir une société inclusive canadienne, marquée par la Loi sur les langues officielles de 1969 et par la politique multiculturelle de 1988, sous-entend la mise en place de politiques, de programmes et de pratiques qui favorisent la compréhension interculturelle. Il s’agit notamment de faciliter la mise en place de relations positives qui valorisent et reconnaissent la diversité culturelle mais aussi linguistique. En effet, comme le souligne le récent document cadre de l’UNESCO, L’éducation dans un monde multilingue (2003), il apparaît primordial « d’encourager la démarche qui fait de la langue une composante essentielle de l’éducation interculturelle, en vue d’encourager la compréhension entre différentes populations et d’assurer le respect des droits fondamentaux » (p. 30). Au Québec, la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle (1998) du ministère de l’Éducation attire l’attention sur l’importance d’apprendre à « savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratique et pluraliste ». Globalement, cette politique indique qu’il faut développer chez tout le personnel des attitudes d’ouverture à la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse et des compétences pour inclure le pluralisme dans le projet éducatif. Parmi les orientations mises en avant par ce document, la sixième prône que « le patrimoine et les valeurs communes du Québec, notamment l’ouverture à la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse, doivent se traduire dans l’ensemble du curriculum et de la vie scolaire ». Dans cette optique, on préconise la création de cours d’éducation à la citoyenneté et l’apprentissage d’une troisième langue au secondaire. En Colombie-Britannique, selon la politique linguistique du ministère de l’Éducation, tous les élèves devraient avoir l’occasion d’apprendre les langues valorisées par les diverses communautés de la province (British Columbia Ministry of Education, 1996, p. 3). De plus, la politique de diversité du ministère de l’Éducation (2003) signale l’importance d’élaborer un curriculum axé sur la 110 d’examiner de près les représentations stéréotypées justice sociale, qui rejette l’eurocentrisme et reconnaît les véhiculées dans le discours des enfants et d’explorer expériences et les contributions des divers groupes de la comment les activités d’éveil aux langues peuvent servir société. Cette politique propose que les activités pédaà changer ces représentations pour permettre aux élèves gogiques prennent en compte la diversité des citoyens, de s’ouvrir à la diversité et de construire adéquatement facilitent l’accès à l’égalité, favorisent la responsabilité leur identité. civique et visent l’antiracisme. Enfin, le corps professionLes études récentes qui portent sur la construction nel de la province, responsable de la certification des de cette identité sont par ailleurs fondées sur une théorie enseignants, exige que la formation de ces enseignants poststructurelle (Pavlenko, 2001) qui considère que touche aux questions du multiculturalisme, de l’antil’identité est dynamique et multiple, et que les apprenants racisme, de l’expérience immigrante et de la diversité des se servent du discours pour négocier leur position sociale origines linguistiques des élèves (British Columbia dans le groupe (Dagenais, 2003 ; Heller, 2000 ; Norton, College of Teachers, 2002). 2000). Ces recherches indiquent comment la position Toutefois, parmi l’ensemble des interventions pédade l’apprenant dans les interactions gogiques recensées à Montréal et à lui permet d’accéder à des réseaux Vancouver, la diversité linguistique n’a sociaux ou d’en être exclu, selon les pas, à notre connaissance, constitué L’objectif principal représentations positives ou négatives jusqu’ici l’objet des interventions dans attribuées à son identité. L’étude des le domaine de l’éducation interculturelle des activités liens entre l’apprentissage des langues, ou de l’éducation à la citoyenneté. En pédagogiques la diversité linguistique et la construcEurope, de telles approches ont donné tion des identités est donc abordée lieu à la mise en place de programmes mises en place par l’examen critique des relations de tels que Language Awareness et Éveil est de permettre pouvoir entre acteurs, leurs représenaux langues. tations d’eux-mêmes et des autres. aux élèves Les recherches portant sur la L’Éveil aux langues d’explorer mise en place de l’approche Éveil aux Les objectifs de l’approche systématiquement langues visent à décrire les pratiques Language Awareness, apparue en langagières des enfants en s’attardant Grande-Bretagne au début des années la diversité plus particulièrement sur les repré1980 et conçue par Hawkins (1987) et linguistique afin sentations du bi-/plurilinguisme, de son équipe, étaient de favoriser les l’apprentissage des langues, des identités représentations et les attitudes positives de les préparer plurilingues et des rapports avec d’ouverture à la diversité linguistique à vivre dans diverses communautés linguistiques et culturelle, de capacités métalinque se construisent les apprenants et guistiques facilitant le passage des des sociétés leurs enseignants. langues maternelles aux langues linguistiquement D’autre part, les recherches issues secondes ainsi que de connaissances de la psycholinguistique et de la relatives aux langues (y compris le statut et culturellement psychologie cognitive apportent les des langues). Dans les années 1990, cette diverses. fondements théoriques en ce qui a approche a été rebaptisée Éveil au trait à l’acquisition des habiletés de langage, puis Éveil aux langues, et réflexion sur la langue ou des capacités adoptée en Europe dans le cadre des métalinguistiques. Selon le chercheur français Gombert programmes Evlang (Candelier, 2003) et Eole (Perregaux (1992), on entend par capacités métalinguistiques et coll., 2003). L’objectif principal des activités pédal’habileté du sujet à considérer les différentes unités de gogiques mises en place est de permettre aux élèves la langue (phonèmes, mots, phrases, textes) comme d’explorer systématiquement la diversité linguistique afin des objets d’analyse et de réflexion sur lesquels il peut de les préparer à vivre dans des sociétés linguistiquement exercer un contrôle lors de manipulations intentionnelles. et culturellement diverses. Au sein des programmes d’Éveil aux langues, l’écoute attentive de corpus langagiers dans différentes langues, Fondements de l’approche Éveil aux langues les activités de réflexion sur les emprunts linguistiques, D’une part, cette approche s’inspire des courants de la comparaison des manières d’exprimer la négation dans la sociolinguistique, des sciences du langage et de l’ethnodifférentes langues sont autant d’activités qui permettent graphie pour aborder la question de la construction des le développement de telles capacités métalinguistiques. représentations, dans le domaine langagier, chez les élèves Ainsi, au-delà de l’acquisition de simples connaissances et les enseignants. Ce concept de représentation a servi langagières, il s’agit d’amener l’apprenant à devenir un d’outil heuristique pour analyser le discours des enfants observateur du fonctionnement de la langue, des langues, dans des situations de plurilinguisme et de contact avec ou encore, pour reprendre l’expression de Brédart et plusieurs langues en milieu scolaire. Il a permis de Rondal (1982) un « linguiste en herbe ». De nombreuses décrire comment les élèves se positionnent par rapport recherches ont montré que ces habiletés métalinguisaux autres dans leur discours et d’identifier leurs reprétiques, notamment en phonologie et en syntaxe, sont liées sentations des langues, des locuteurs des langues et de au succès en lecture et en écriture en L1 comme en L2 et l’apprentissage des langues (voir Moore, 2001). Il s’agit 111 « bonjour » dans 17 langues différentes. Ils doivent tenter de découvrir dans quelle langue est prononcé chacun des « bonjours » et dans quel(s) pays cette langue est parlée. Les notions de langues officielles, de langues nationales, etc. sont abordées et discutées. La phase de préparation à l’activité leur permet de prendre conscience de la diversité linguistique à travers le monde, et plusieurs chiffres clefs leur sont communiqués (nombre de langues parlées à travers le monde, sur l’île de Montréal, à Vancouver, dans leur école, etc.). Les élèves ont la possibilité de poursuivre leur apprentissage, de façon autonome, au moyen d’une activité multimédia bâtie sur le même principe, mais beaucoup plus exhaustive quant au nombre de langues et de pays considérés. Dans l’une des activités du module La fleur des langues, les élèves s’approprient les notions de langue maternelle, de langue seconde, de langue étrangère, etc. Pour cela, ils analysent une séquence vidéo dans laquelle deux enfants font le récit de leur vie linguistique (quelles sont les langues qu’ils parlent ? avec qui ? quelle est leur(s) langue(s) maternelle(s), seconde(s) ? etc.). À leur tour, ils font leur « récit de vie linguistique » en utilisant les termes « monolingue », « bilingue » et « plurilingue » et l’illustrent sur un pétale. Ces pétales individuels sont ensuite regroupés de façon à représenter la « fleur des langues » de la classe. Dans deux activités du module La pluie et le beau temps, les élèves doivent, à l’aide de dialogues enregistrés dans quatre langues différentes, repérer les marques de négation et distinguer les différences dans la formation de cette négation en français, malgache, créole haïtien et espagnol (activité A, inspirée de Evlang, équipe de la Réunion, 2002). Ensuite, ils doivent produire, à partir de l’analyse de ces corpus ou de nouveaux corpus, une phrase négative, comme ici en inuktitut (activité B). sont donc déterminantes pour permettre la réussite scolaire et professionnelle (Armand, 2000 ; Chiappe et Siegel, 1999 ; Gombert, 1992 ; Lefrançois et Armand, 2003). Les résultats de l’implantation des programmes d’éveil aux langues en Europe La recherche européenne a montré que l’éveil aux langues facilite l’émergence de représentations positives de la diversité des langues chez les enseignants et les élèves et favorise à long terme l’acquisition des capacités métalinguistiques (en particulier, chez les plus faibles sur le plan scolaire), notamment en matière de mémorisation et de discrimination auditive dans les langues non familières (Candelier, 2003 ; Sabatier, 2002). Le projet ELODiL au Canada S’inspirant des recherches européennes, une première étude comparative a mené Armand et Dagenais (2003-2004, étude soutenue par le projet Metropolis et par le CRSH/programme du multiculturalisme)1 à adapter ces approches pédagogiques aux contextes éducatifs canadiens et à mettre en place le projet ELODiL (éveil au langage et ouverture à la diversité linguistique). Plusieurs modules d’activités à réaliser en salle de classe au 3e cycle du primaire ou de façon autonome sur l’ordinateur (activités multimédia) ont ainsi été élaborées ou adaptées, à partir des programmes Evlang ou Eole. Ils ont été ensuite placés sur un site Web (www.elodil.com), afin de diffuser largement le projet auprès des enseignants. Ces activités ont été mises à l’essai à Montréal et à Vancouver dans différentes classes durant l’année scolaire 2003-2004. L’objectif de cette première étude était de savoir si les élèves du primaire acquièrent une connaissance critique de la diversité linguistique en participant à des activités d’éveil aux langues. Cette recherche se poursuit dans le cadre d’une nouvelle recherche subventionnée par le CRSH (2005-2008, Dagenais, Armand, Lamarre, Moore et Sabatier) et se poursuit également au préscolaire (2005-2007, Armand, de Koninck et Kanouté, projet du Centre de recherche Immigration et Métropoles de Montréal). Résultats préliminaires de la première étude de mise à l’essai des activités d’ELODiL à Montréal et à Vancouver Lors de l’implantation, en 2003-2004, de ce programme d’activités au 3e cycle du primaire, dans une classe d’immersion à Vancouver, et dans deux classes régulières et deux classes d’accueil (classes de francisation pour les immigrants nouvellement arrivés) situées dans une école pluriethnique montréalaise, des données qualitatives ont Exemples d’activités d’éveil aux langues Durant la première activité du module Bonjour, les élèves visionnent un film dans lequel des enfants disent Consigne : Essaie d’écrire « Il ne fait pas froid » en inuktitut dans la transcription et puis dans le système d’écriture original. Français Inuktitut Français Inuktitut Il y a du soleil Siqinnituq Il n’y a pas de soleil Siqinningittuq Français Inuktitut Français Inuktitut Il fait froid Qiunnatuq Il ne fait pas froid CITC (Voir le site www.elodil.com pour obtenir la solution) 112 été recueillies au moyen de notes sur le terrain, d’enregistrements audio et vidéo des interactions en salle de classe et d’entrevues avec les élèves. L’analyse préliminaire de ces données permet d’avancer déjà quelques observations : (1) les élèves s’engagent dans des discussions critiques sur les différentes valeurs attribuées aux langues et à leurs locuteurs dans la société ; (2) les enfants de diverses origines linguistiques sont repositionnés (et se repositionnent) en tant qu’experts langagiers dans les interactions de classe ; (3) dans les activités de groupe, les élèves puisent dans leurs connaissances linguistiques collectives (français, anglais, et langues d’origine) pour attribuer un sens à des langues inconnues et co-construire une représentation de celles-ci ; (4) les enfants interprètent la diversité des langues en fonction du paysage linguistique local et de leurs contacts avec divers groupes linguistiques ; et (5) la participation à ces activités est susceptible de stimuler le développement des capacités de réflexion sur les langues. CHIAPPE, P. et Siegel, L.S. « Phonological awareness and reading acquisition in English and Punjabi-speaking canadian children », Journal of Educational Psychology, vol. 91 (1999), p. 20-28. COMITÉ DE GESTION DE LA TAXE SCOLAIRE DE L’ÎLE DE MONTRÉAL. Portrait socioculturel des élèves inscrits dans les écoles publiques de l’île de Montréal, Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 2003. DAGENAIS, D. « Accessing imagined communities through multilingualism and immersion education », Language, Identity and Education, vol. 2, no 4 (2003), p. 269-283. FAIRCLOUGH, N. Critical language awareness, New York, Longman, 1992. GOMBERT, J.-E. « Activité de lecture et activités associées », dans M. Fayol, J.-E. Gombert, P. Lecocq, L. Sprenger-Charolles et D. Zagar (éds.), Psychologie cognitive de la lecture, Paris, Presses Universitaires de France, 1992. HAWKINS, E. Awareness of language. An introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 1987. 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Ainsi, une approche qui jumelle les activités d’éveil aux langues à la pédagogie critique (Fairclough, 1992) pourrait permettre aux citoyens de demain de prendre conscience des valeurs inégales accordées à diverses langues et à leurs locuteurs, de modifier leurs représentations linguistiques et, enfin, de définir les conditions qui permettront d’avancer, dans un monde de migrations et de plurilinguisme, vers l’égalité des hommes et des femmes face aux langues et à la communication. LEFRANÇOIS, P. et F. ARMAND. « The role of phonological and syntactic awareness in second-language reading: The Case of Spanishspeaking learners of French », Reading and Writing: An interdisciplinary Journal, vol. 16 (2003), p. 219-246. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION ET MINISTÈRE DES RELATIONS AVEC LES CITOYENS ET DE L’IMMIGRATION. Une école d’avenir. Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, Gouvernement du Québec, Québec, 1998. 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INTÉGRER LES NOUVEAUX ARRIVANTS AU MARCHÉ DU TRAVAIL CANADIEN CLARENCE LOCHHEAD Patrick MacKenzie est analyste principal à la Division des initiatives spéciales et partenariats de la Direction générale de l’intégration à Citoyenneté et Immigration Canada. Auparavant, il a travaillé pour le ministère du Patrimoine canadien ainsi que pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. PATRICK MACKENZIE Introduction et contexte L’immigration est une source de plus en plus importante de main-d’œuvre et de compétence pour le marché du travail canadien. La dépendance accrue du Canada à l’égard de l’immigration en tant que source de main-d’œuvre et de compétence se fait sentir à un moment où la population « prête à la retraite » croît rapidement et que tout est en place pour le départ à la retraite potentiellement rapide d’un grand nombre de travailleurs. Les compétences seront de plus en plus recherchées puisque les entreprises veulent être compétitives dans une économie du savoir1 et que 90 % des entreprises et des dirigeants syndicaux décrivent la pénurie de travailleurs qualifiés comme étant un problème modéré ou sérieux auquel l’économie et le marché du travail canadiens doivent faire face2. De nombreuses mesures sur divers fronts sont nécessaires pour répondre aux besoins actuels et futurs de l’économie et du marché du travail canadiens en matière de compétence. Les établissements d’enseignement continuent de fournir un nombre considérable de travailleurs créatifs et qualifiés, et les milieux de travail ont un rôle à jouer dans l’apprentissage et le perfectionnement continus de tous les employés. Comme elle l’a toujours fait pour le Canada, l’immigration a un important rôle à jouer pour aider à répondre aux besoins de la nation en matière de main-d’œuvre. La « bonne nouvelle » est que des immigrants très éduqués et très compétents viennent au Canada et peuvent contribuer à mettre en place une population active qualifiée. La « moins bonne nouvelle » est que de nombreux immigrants éprouvent des difficultés avec le processus et les résultats de l’intégration au marché au travail, desquels découle une sous-utilisation des compétences et de l’expérience. Dans le présent document, nous décrivons l’éducation et les compétences des nouveaux arrivants au Canada, examinons certains des obstacles et défis liés à l’intégration au marché du travail, et soulignons des exemples de mesures que les gouvernements, les employeurs, les syndicats et les organismes fournisseurs de services aux immigrants prennent pour faciliter l’intégration au marché du travail. L’immigration, une source de compétence Les immigrants sont admis au Canada au titre de l’une des trois catégories de base. Des 701 000 immigrants que le Canada a accueillis au cours d’une période de trois ans prenant fin en 2003, plus de la moitié (59 %) ont été admis au titre de la catégorie de l’immigration économique. Cette catégorie comprend les travailleurs qualifiés (et les personnes à leur charge) qui sont sélectionnés en fonction de leurs connaissances, compétences et expériences, qui sont jugées nécessaires et appropriées pour le marché du travail canadien. Elle comprend également les investisseurs, les entrepreneurs et les travailleurs autonomes. Quelque 201 000 immigrants (29 % du total) sont venus au Canada pour rejoindre des membres de leur famille immédiate. Les réfugiés représentaient environ 11 % des immigrants qui sont venus au Canada entre 2001 et 2003. CITC Clarence Lochhead est un chercheur principal œuvrant pour le Centre syndical et patronal du Canada, un centre pour le dialogue et la concertation entre les syndicats et les parties patronales. La mission du Centre est d’améliorer les pratiques patronales et syndicales au Canada et d’offrir des conseils d’intérêt public sur le marché du travail et les questions touchant les compétences et l’apprentissage. RÉSUMÉ La population canadienne étant vieillissante, l’immigration est perçue comme une composante de plus en plus importante de la stratégie du Canada pour mettre en place une économie durable de renommée internationale. Bien que les immigrants venant s’installer au Canada soient plus instruits que jamais, ces derniers éprouvent des difficultés avec le processus et les résultats de l’intégration au marché du travail, desquels découle une sous-utilisation des compétences et de l’expérience. Dans le présent document, nous décrivons l’éducation et les compétences des nouveaux arrivants au Canada, examinons certains des obstacles et défis liés à l’intégration au marché du travail, et soulignons des exemples de mesures que les gouvernements, les employeurs, les syndicats et les organismes fournisseurs de services aux immigrants prennent pour faciliter l’intégration au marché du travail. 114 Tableau 1 physiques ou en génie, ou d’avoir suivi une formation dans une école de métiers (43 % par rapport à 33 %). En plus des compétences et connaissances acquises pendant leurs études, de nombreux immigrants ont une expérience de travail pratique. C’est le cas pour 60 % des immigrants ayant l’intention de travailler dès leur arrivée au Canada. Si l’on applique les normes du système canadien de Classification nationale des professions, 84 % des nouveaux arrivants ayant une expérience de travail occupaient un poste qui exige habituellement un diplôme universitaire, un diplôme d’études collégiales ou une formation dans une école de métiers. Très peu d’immigrants ayant une expérience de travail – seulement 2 % – occupaient un poste n’exigeant aucune formation systématique. Pourcentage de demandeurs ayant fait des études postsecondaires, par catégorie d’immigrants, état de la demande et sexe* Catégorie d’immigrants État de la demande et sexe % avec des études postsecondaires TQ (Travailleurs qualifiés) Hommes demandeurs 94 TQ Femmes demandeures 90 TQ Femmes à charge 68 AF (Gens d’affaires) Hommes à charge 62 AF Femmes demandeures 62 TQ Hommes à charge 54 FAM (Regroupement familial) Femmes demandeures 44 Hommes nés au Canada 43 Femmes nées au Canada 43 FAM Hommes demandeurs AF Femmes à charge 34 RFG (Réfugiés) Hommes demandeurs 33 RFG Femmes demandeures 29 RFG Femmes à charge 19 FAM Hommes à charge 18 FAM Femmes à charge 18 AF Hommes à charge 17 RFG Hommes à charge 13 Nouveaux arrivants au sein de la population active Au cours des années 1990, la population active totale du Canada a augmenté de 1,4 million – 70 % de cette augmentation est attribuable aux 978 000 immigrants qui sont arrivés au Canada pendant cette décennie et qui ont joint les rangs de la population active du pays3. La dépendance du Canada à l’égard de l’immigration pour assurer la croissance de la population active s’est considérablement accrue depuis 1980 et on s’attend à ce que l’immigration compte pour la totalité de la croissance nette de la population active au cours de la prochaine décennie. Tous les secteurs d’activité comptent sur l’immigration en tant que source de main-d’œuvre, mais le degré de dépendance varie d’un secteur à l’autre. Le secteur le plus dépendant est certes celui de la fabrication. Des 19 principaux secteurs industriels, celui de la fabrication est le plus enclin à embaucher des travailleurs immigrants. Dans ce secteur, 27,4 % des employés sont nés à l’étranger, tandis que près d’un travailleur sur 10 (9,4 %) est un immigrant récemment arrivé au Canada (au cours des 10 dernières années). Pour ce qui est des secteurs d’activité plus spécialisés, comme la confection de vêtements ou la conception de matériel informatique ou électronique, les immigrants forment une plus grande part du nombre total d’employés (57 % et 39 % respectivement). La dépendance du Canada à l’égard de l’immigration pour assurer la croissance de la population active se fait également sentir dans chacun des secteurs d’activité. Par exemple, les nouveaux arrivants étaient responsables, entre 1991 et 2001, de la totalité de la croissance nette de la population active du secteur de la fabrication. D’autres secteurs, comme celui de la santé et des services sociaux, dans lequel 75 000 immigrants récemment admis comptaient pour 24 % de la croissance nette de la population active, dépendent moins de l’immigration, mais en ont tout de même bien besoin. Par ailleurs, dans d’autres secteurs, comme la construction, la population active totale a diminué d’environ 13 000, ou 1,4 %, même si près de 33 000 immigrants récemment admis se sont ajoutés à la population active de ce secteur. Compte tenu du rôle de plus en plus important que joue l’immigration comme source de main-d’œuvre et de compétence, il importe que les nouveaux arrivants au Canada soient en mesure de mettre pleinement à profit leurs compétences et leur expérience au bénéfice du 41 * Tableau basé sur le nombre d’immigrants admis en 2000, 2001 et 2002. Source : Citoyenneté et Immigration Canada, Faits et chiffres 2002. Données du Recensement de 2001 sur les hommes et les femmes nés au Canada. Les divers niveaux de scolarité chez les nouveaux immigrants reflètent en partie le processus de sélection et les objectifs de base du système canadien d’immigration. Pour être admissible à titre de travailleur qualifié, par exemple, le demandeur principal doit avoir, au minimum, une année d’expérience de travail à temps plein à titre de gestionnaire, de professionnel ou de technicien, ou dans une autre profession spécialisée énumérée par le système canadien de Classification nationale des professions. De plus, le demandeur est évalué à l’aide d’un système de points d’appréciation tenant compte du niveau de scolarité, des compétences linguistiques dans l’une ou l’autre des langues officielles, de l’expérience de travail, de l’âge, du fait que le demandeur a ou non un emploi réservé, et de l’adaptabilité, y compris le niveau de scolarité de l’époux. Compte tenu de ces exigences, il n’est pas surprenant que 90 % des demandeurs de la catégorie des travailleurs qualifiés soient titulaires d’un titre de compétences de niveau postsecondaire (Tableau 1). C’est plus du double de la proportion observée chez les hommes et les femmes nés au Canada. Même les personnes à la charge des travailleurs qualifiés ont un niveau de scolarité qui se situe au-dessus de la moyenne des hommes et des femmes nés au Canada. L’analyse des données du Recensement révèle que les immigrants récemment arrivés (au cours des dix dernières années) ayant fait des études de niveau postsecondaire sont plus susceptibles que les personnes nées au Canada d’avoir obtenu un diplôme en sciences 115 du Canada lors de leur arrivée, 66 % des employeurs4 indiquent que le manque de compétence linguistiques propres au domaine d’emploi est un obstacle à l’embauche d’immigrants. Ces derniers sont donc en mesure Obstacles à une pleine participation de communiquer dans un contexte social, mais ne peuvent Lors des discussions avec les immigrants, les pas mettre leurs compétences pleinement à profit dans le employeurs, les syndicats, les gouvernements et les cadre du travail. Les employeurs y voient également un organismes non gouvernementaux, trois principaux inconvénient lorsqu’ils tentent de trouver des employés obstacles sont encore et toujours identifiés : l’évaluation avec les compétences dont leur entreprise a besoin. et la reconnaissance des titres de compétences et de Certaines grandes entreprises ont la capacité d’offrir l’expérience acquis à l’étranger ; la nécessité d’avoir des des cours de langue de niveau avancé aux immigrants compétences linguistiques répondant davantage aux qui ont déjà les compétences techniques nécessaires – besoins liés à l’emploi ; et le manque de renseignemais la plupart n’en offrent pas. De ments détaillés, cohérents et faisant nombreux employeurs reconnaissent autorité sur le Canada et son marché Le gouvernement que l’embauche d’immigrants peut être du travail. avantageuse pour le milieu de travail – a accordé Bien que les immigrants venant la possibilité de servir les clients immis’installer au Canada soient plus instruits 68 millions grants dans leur langue maternelle, de se que jamais, les recherches révèlent que de dollars sur tailler une place dans de nouveaux ces derniers ont de plus en plus de diffimarchés d’exportation et d’apporter de culté à entrer sur le marché du travail. une période de nouvelles perspectives ne sont que Aussi, ceux qui y parviennent ne six ans pour quelques avantages énumérés par les mettent pas pleinement à profit les employeurs – mais le manque de compétences et les connaissances qu’ils mettre en place compétences techniques pour bien ont acquises à l’étranger. Par conle programme de communiquer fait en sorte qu’il est séquent, de nombreux immigrants au difficile d’intégrer les immigrants aux Canada ne sont pas en mesure de reconnaissance autres employés. se tailler une place satisfaisante au sein des titres de de l’économie canadienne et de la Nécessité d’offrir des renseignements société en général. compétence marché du travail canadien. Cependant, des obstacles se dressent souvent sur la route des nouveaux arrivants. Évaluation et reconnaissance des titres de compétences étrangers étrangers et pour financer les organismes qui ont pour mandat d’améliorer les processus de reconnaissance au Canada. justes et faisant autorité sur la société et le marché du travail canadiens Bien avant qu’un immigrant mette les pieds en sol canadien, il doit pouvoir avoir une bonne idée de ce qui l’attend ici. Nombreux sont les immigrants qui pensent que le marché du travail sera prêt à les accueillir parce qu’ils ont été sélectionnés en fonction de leurs compétences. Ce n’est malheureusement pas souvent le cas. Avec un marché du travail qui n’est pas en mesure de reconnaître leurs titres de compétences ou qui n’a peut-être plus besoin de leur expertise, les nouveaux arrivants peuvent se sentir marginalisés et avoir de la difficulté à bien s’intégrer à la société canadienne en général. Le fait de communiquer aux immigrants potentiels les exigences en matière d’immigration, des renseignements sur les régions où des emplois sont offerts dans leur domaine de compétence ainsi que les exigences précises en matière de réglementation professionnelle, aidera les immigrants à s’adapter au Canada. Après un long et difficile processus de relocalisation au Canada, certains immigrants ne sont pas en mesure de participer pleinement au sein de la société à laquelle ils se sont joints avec bien des efforts. L’évaluation et la reconnaissance des titres de compétences des professionnels formés et éduqués à l’étranger visent à déterminer si l’éducation et l’expérience de travail acquises à l’étranger correspondent aux normes établies pour les professionnels formés au Canada. Il s’agit d’une tâche complexe qui nécessite la collaboration des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux, des organismes de réglementation, des établissements d’enseignement postsecondaire et des employeurs. Si l’on multiplie ces variables par le nombre d’établissements qui émettent partout dans le monde des grades, des diplômes et des titres de compétences qui doivent être évalués, la charge de travail devient incommensurable. Pour les professions réglementées, cette tâche est généralement déléguée aux organismes de réglementation par les provinces et les territoires. Cela peut exacerber la frustration des immigrants qui peuvent ne pas être familiers avec la façon de faire des gouvernements et des organismes de réglementation du Canada, et ne pas être en mesure de tracer leur voie dans un système perçu comme étant inutilement complexe. Travail en cours Bien que le gouvernement du Canada ait un important rôle à jouer pour aider les immigrants à faire face aux obstacles qui les empêchent d’entrer sur le marché du travail, il ne peut y arriver seul. Lors d’une série de Capacités de communication dans l’une ou l’autre des langues officielles CITC Même si la plupart des nouveaux arrivants peuvent communiquer dans au moins une des langues officielles 116 pour les infirmières et d’autres professionnels de la santé formés à l’étranger, y compris des pharmaciens, des technologues de laboratoire médical, des technologues en radiation médicale, des physiothérapeutes et des ergothérapeutes. Pour ce qui est de l’ingénierie, le Conseil canadien des ingénieurs met en place des outils pour intégrer plus rapidement et plus efficacement au marché du travail canadien les ingénieurs formés à l’étranger. RHDCC joue également un rôle de premier plan pour faciliter la reconnaissance des titres de compétences étrangers pour ce qui est des professions non réglementées dans des secteurs comme la maintenance aéronautique et le tourisme. En 2003-2004, CIC a lancé l’initiative des cours de langue de niveau avancé (CLNA). Le Budget 2003 a accordé un montant de 5 millions de dollars par année à cette initiative et un montant supplémentaire de 15 millions de dollars par année a été accordé dans le cadre du Budget 2004, soit un montant total de 20 millions de dollars par année sur une période de cinq ans pour aider le Ministère à élargir cette initiative dans le but de l’offrir à environ 20 000 immigrants chaque année par l’entremise de partenariats avec les provinces, les territoires, les employeurs et les organismes non gouvernementaux. Les résidents permanents, les réfugiés acceptés et les personnes à qui un permis de séjour temporaire est délivré pour faciliter leur admission au Canada sont admissibles à une formation dans le cadre de cette initiative. Le financement accordé à l’initiative des CLNA aidera nos partenaires à élaborer et à offrir des cours de langue axés sur le marché du travail, y compris des cours de langue axés sur des professions en particulier. L’initiative permettra d’offrir des cours de langue de niveau plus avancé pour aider à répondre aux besoins des immigrants qui ont déjà des connaissances de base ou intermédiaires en français ou en anglais, mais qui doivent améliorer leurs compétences linguistiques pour être en mesure de se trouver et de garder un emploi correspondant à leurs compétences. De plus, des cours de langue de niveau intermédiaire et moins avancé seront élaborés et offerts dans les plus petits centres qui autrement n’auraient pas la capacité d’offrir de tels services. Le gouvernement du Canada est également déterminé à collaborer avec les provinces et les territoires dans le but de peaufiner le site Web Se rendre au Canada. Le portail de l’immigration Se rendre au Canada (SRC-PI) contiendra des renseignements et des services en ligne offerts par divers organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pour aider les immigrants éventuels à prendre des décisions éclairées au sujet de leur immigration au Canada et à mieux se préparer, avant leur arrivée, en vue de bien s’intégrer à la société et au marché du travail canadiens. Il facilitera également leur intégration après leur arrivée au Canada. Citoyenneté et Immigration Canada, Santé Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada, Commerce international Canada, Industrie Canada et Affaires étrangères Canada collaborent avec les provinces et les territoires dans le but de coordonner les renseignements et les services offerts par les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux, les collectivités, les consultations organisées par Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et le Centre syndical et patronal du Canada (CSPC), il a été clairement indiqué que les employeurs, syndicats, provinces, territoires, organismes de réglementation, établissements d’enseignement postsecondaire et organismes fournisseurs de services aux immigrants font des progrès pour éliminer les obstacles. La division ontarienne des Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC) a publié un document intitulé Take a Look at What’s Working5 dans le but d’aider ses membres à partager leurs expériences en ce qui a trait à l’embauche et à l’intégration d’employés formés à l’étranger. Des entreprises comme 3M Canada ont mis en place des processus pour évaluer les employés éventuels. Les examens, entrevues et jeux de rôles qu’elles ont élaborés aident à évaluer le niveau d’alphabétisation, les notions de calcul et d’autres compétences pertinentes des candidats. De plus, elles offrent un remboursement des frais de scolarité aux employés qui veulent améliorer leurs compétences linguistiques et se perfectionner. Bien que la responsabilité ultime en matière d’évaluation et de reconnaissance des titres de compétences étrangers ne relève pas de lui, le gouvernement du Canada joue un rôle de facilitateur auprès des provinces et des territoires, et offre une orientation stratégique pour l’élaboration d’approches nationales uniformes pour donner suite à cette importante question. Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC) est le ministère fédéral responsable du programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers du gouvernement du Canada. Le programme a pour but de collaborer avec tous les intervenants pour permettre aux travailleurs formés à l’étranger de mettre à profit leurs compétences au bénéfice du développement économique et social du Canada. L’amélioration des processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers aidera les immigrants à s’intégrer plus rapidement au marché du travail canadien et à acquérir l’expérience de travail canadienne dont ils ont besoin pour réussir au Canada. Par le fait même, les employeurs canadiens auront accès à un plus grand bassin de travailleurs compétents. Le gouvernement a accordé un montant de 68 millions de dollars sur une période de six ans pour mettre en place le programme de reconnaissance des titres de compétences étrangers et pour financer les organismes qui ont pour mandat d’améliorer les processus de reconnaissance au Canada. En bout de ligne, cet investissement permettra d’assurer que les processus de reconnaissance de partout au pays sont équitables, accessibles, reconnus à l’échelle nationale, transparents et respectent les normes élevées auxquelles les Canadiens s’attendent pour ce qui est de la main-d’œuvre. Des progrès sont réalisés relativement aux professions réglementées. En effet, les administrations fédérale et provinciales collaborent avec des intervenants clés de la communauté médicale dans le but d’améliorer les procédures d’octroi d’autorisations d’exercer aux médecins formés à l’étranger afin que nous puissions renforcer le système de santé et augmenter le nombre de médecins pratiquants. Des efforts semblables sont également déployés pour accélérer le processus de reconnaissance 117 organismes fournisseurs de services d’établissement, les associations d’apprentissage et d’éducation, la communauté des employeurs, les associations professionnelles et les organismes évaluant les titres de compétences étrangers. Le SRCPI offrira des renseignements, des services et des outils ciblés sur le marché du travail, le système d’éducation, la culture, les régions et les collectivités, les possibilités d’apprentissage pour combler les lacunes en matière de qualification, l’évaluation et la reconnaissance des titres de compétences étrangers, la recherche d’emploi et la formation en recherche d’emploi, l’évaluation des compétences linguistiques et les cours de langue, l’orientation canadienne et les récits d’immigrants et d’employeurs. Les provinces et les territoires ont déjà participé à l’élaboration d’un plan au sujet du contenu et de la structure du portail. Cela permettra d’adopter une approche coordonnée pour la diffusion des renseignements et la prestation des services afin d’offrir une image globale du marché du travail canadien. L’intégration au marché du travail est une question complexe qui nécessite une approche coordonnée de la part des gouvernements, des employeurs, des syndicats, des organismes de réglementation, des établissements d’enseignement postsecondaire et des immigrants. Même si des immigrants ont été en mesure de réussir, il reste beaucoup de travail à abattre. En investissant dans des solutions pour relever les défis ou pour évaluer et reconnaître les titres de compétences étrangers, pour répondre aux besoins en matière de cours de langue de niveau avancé et pour combler le manque de renseignements détaillés sur le marché du travail, le Canada sera davantage concurrentiel sur le marché international. L’immigration est une composante importante de la stratégie du Canada pour mettre en place une économie durable de renommée internationale en investissant dans les gens. Des politiques et des programmes qui aident les nouveaux arrivants à contribuer pleinement au marché du travail profitent aux immigrants et à tous les Canadiens. Notes 1 Les emplois en gestion ou professionnels exigeant des études universitaires ou collégiales, ou une formation en apprentissage, représentent 74 % des nouveaux emplois créés au cours de la dernière décennie. 2 Enquête Point de vue du CSPC : Compétences et pénuries de compétences. 3 La dépendance du Canada à l’égard de l’immigration pour assurer la croissance de la population active est plus grande – mais non différente – que celle des États-Unis. Entre 1990 et 2000, 50 % de la croissance de la population active était imputable à l’immigration. Voir Immigrant Workers and the Great American Job Machine : The Contributions of New Foreign Immigration to National and Regional Labour Force Growth in the 1990s, Andrew Sum, Neeta Fogg et Paul Harrington,. Northeastern University, Center for Labor Market Studies. 4 Tiré du Guide du CSPC sur l’immigration et les pénuries de compétences, p. 19. 5 www.cme-mec.ca/shared/upload/on/reference_piece.pdf (en anglais seulement) Forum étudiant de l’AEC : Les études canadiennes au 21e siècle Au Westin Edmonton Hotel and Conference Centre, les 29 et 30 octobre 2005 Ce forum donnera aux étudiants en études canadiennes l’occasion de prendre part à des séances portant sur divers aspects de la recherche en ce domaine, ainsi que de rencontrer des professeurs, fonctionnaires, journalistes et autres professionnels afin de discuter avec eux de la pertinence de la formation en études canadiennes. Aussi, les étudiants seront invités à présenter leurs propres travaux de recherche. Des renseignements additionnels sur ce forum étudiant et son programme préliminaire sont publiés sur le site Web www.acs-aec.ca Les étudiants qui veulent assister au forum sont priés de communiquer avec le directeur du programme d’études canadiennes de leur université, ou de communiquer directement avec l’AEC au (514) 925-3097. Tous les étudiants qui souhaitent soumettre une proposition de communication sont priés de transmettre les renseignements suivants par courriel à Carla Peck, représentante des étudiants à l’AEC : [email protected] 1. Nom, adresse, numéro de téléphone et courriel 2. Nom de l’établissement d’enseignement 3. Un résumé de 200 mots de la communication proposée CITC La date limite d’inscription est le 30 juin 2005 118 LES INTERSECTIONS DE LA DUALITÉ La relation entre l’identité ethnoculturelle et la langue minoritaire RÉSUMÉ Quelle est l’importance de la langue minoritaire au Canada, et quelles mesures contribuent à son entretien ? L’auteur explore l’intersection de l’identification linguistique et ethnique, ainsi que les questions relatives à la politique qui sont affectées par cette relation. De nombreuses données provenant du Recensement 2001 (Statistique Canada) et d’une étude Environics sont présentées tout au long du texte. L JACK JEDWAB Jack Jedwab est directeur général de l’Association d’études canadiennes. a langue est un véhicule important pour la transmission de la culture et un moyen de communication nécessaire pour l’État et la société. En 1969, le Canada adoptait une législation qui reconnaissait l’anglais et le français comme langues officielles du pays. L’intention principale du Canada était de favoriser une plus grande égalité entre ses deux communautés linguistiques, notamment en élargissant les possibilités d’offrir des services en français. Toutefois, l’instauration des langues officielles ne signifiait pas la création de cultures officielles. En fait, c’est en 1971 que le gouvernement fédéral a introduit une politique de multiculturalisme officiel dont le but était d’offrir davantage d’occasions d’expression et d’identification culturelles. Cependant, plusieurs francophones maintenaient que la politique multiculturelle risquait de mettre différentes minorités ethniques sur le même pied d’égalité que la culture française et aurait donc pour effet d’en diminuer l’importance, symboliquement et concrètement. Cette perception fut exacerbée par l’idée que puisque l’anglais était dominant à l’extérieur du Québec, la culture des minorités ethniques s’exprimerait donc à travers cette langue. Paradoxalement, les porte-parole de certains des groupes ethniques minoritaires insistaient que l’adoption des langues officielles compromettait significativement et symboliquement leur patrimoine, cette politique laissant entendre que les autres cultures pourraient s’épanouir sans le soutien linguistique dont joueraient l’anglais et le français. Reitz (1974) observait alors que [traduction] « la préservation des langues ethniques est l’élément clé des communautés ethniques elles-mêmes. L’échec de l’apprentissage de la langue ethnique mène à l’inhabileté de participer à la communauté ethnique, ce qui explique la diminution de la participation des deuxième et troisième générations. » Plusieurs maintiennent que l’identification ethnique peut persister sans la connaissance de la langue patrimoniale (bien que certains pourraient soutenir qu’une telle expression ethnique est une manifestation diluée ou hautement symbolique de l’identité). En tant que marqueurs d’identité, la connaissance et l’utilisation de la langue ont à la fois une dimension verticale et horizontale. Fishman perçoit la langue comme étant [traduction] « une référence pour les loyautés et les animosités, un indicateur de statut social et de relations interpersonnelles, un marqueur de situations et de sujets, ainsi qu’une arène d’interactions chargée de valeurs et d’objectifs qui caractérisent toutes les communautés linguistiques. Bien que les langues non officielles soient souvent une composante importante de l’identité ethnoculturelle, la connaissance des langues officielles est jugée cruciale à l’engagement des citoyens au Canada. En effet, la connaissance d’une langue officielle est de plus en plus considérée comme étant essentielle à l’intégration économique et sociale. En outre, la connaissance des deux langues – le bilinguisme officiel – est hautement valorisée par l’état fédéral et sa mise en valeur est considérée comme une priorité nationale. Bien qu’elles ne soient pas découragées, les autres formes de bilinguisme ne sont pas aussi valorisées que le bilinguisme officiel. La relation entre l’identité ethnoculturelle et le statut de minorité linguistique est complexe. Il a été généralement maintenu que l’adoption de l’anglais par la grande majorité des immigrants à l’extérieur du Québec et par un important nombre d’immigrants à l’intérieur de la province a nui aux langues non officielles et a réduit la pertinence de l’identification ethnique des groupes établis depuis plus longtemps. Les immigrants ont fourni un stimulus démographique significatif pour les communautés linguistiques majoritaires ainsi que pour les groupes linguistiques minoritaires au Québec. Comme l’anglais est la langue dominante de la plupart des institutions de santé et scolaires à l’extérieur du Québec (avec l’exception des organismes pour les minorités des langues officielles), les identités ethnoculturelles ont davantage tendance à être exprimées dans la société civile et dans le domaine des arts et de la culture. 119 Tableau 1 – Quel est l’élément le plus important de votre identité et de votre culture ? Le Canada et l’anglais et le français parlé à la maison (Première mention) Tous L’anglais parlé à la maison Le français parlé à la maison La langue 33 24 61 L’ascendance et l’origine ethnique 25 29 14 La religion 11 12 8 L’idéologie politique / orientation 11 12 7 Le sexe 9 11 4 Les classes sociales 7 7 5 Source : Environics Research Group pour l’Association d’études canadiennes, sondage sur les marqueurs de l’identité, mars 2003 Un sondage fait par l’Association d’études canadiennes et Environics demandait à 2000 Canadiens quel était l’élément le plus important de leur identité et de leur culture. Tel qu’observé dans le Tableau 1, un tiers des participants ont indiqué que la langue est l’élément le plus important de leur identité et de leur culture, tandis que le quart des participants ont répondu qu’il s’agissait de l’ascendance et de l’origine ethnique. En ce qui concerne les immigrants d’origine autre que britannique ou française, les répondants ont plus souvent identifié l’origine et l’identification ethnique en tant que marqueurs que d’autres expressions identitaires. Quant aux immigrants d’origine non européenne, ils sont davantage portés à identifier la langue en tant que principal marqueur d’identité. Cependant, les données ne fournissent pas de réponses à la question du degré de l’importance attribué à l’identification ethnique et linguistique. La compréhension du processus d’adaptation linguistique est facilitée par la disponibilité et par l’utilisation de données sur les origines ethniques. Nous pouvons constater dans le Tableau 2 une corrélation en 2001 entre l’origine ethnique, la langue maternelle, l’habileté de parler la langue non officielle correspondante et la langue parlée le plus souvent à la maison. Ceci s’applique tout particulièrement aux individus d’origine chinoise, grecque, portugaise et polonaise, mais moins pour les individus d’origine allemande, ukrainienne, néerlandaise et italienne, qui sont établis au Canada depuis plus longtemps. En ce qui concerne les individus d’origine russe et arabe, ceux qui identifient l’origine ethnique comme faisant partie des groupes d’origine ethnique mixte sont plus portés à conserver leur langue correspondante que les groupes établis depuis plus longtemps. La transmission de la langue La rétention des langues patrimoniales est le résultat de la combinaison de la période d’établissement, de l’âge et du mélange ethnique, ainsi que de la masse critique de la communauté, notamment en ce qui concerne la capacité institutionnelle et les occasions d’apprentissage et d’utilisation de la langue non officielle. Cependant, d’autres facteurs jouent aussi un rôle, comme l’influence des langues dominantes sur les personnes dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais. Le transfert de l’utilisation de la première langue apprise à l’utilisation d’une des langues officielles à la maison est généralement appelé un transfert linguistique. Le transfert linguistique varie selon les groupes en fonction de la période d’établissement au Canada, ainsi que de leur habileté et de leurs occasions de fonctionner dans leur langue maternelle (ainsi que de leur capacité à fonctionner en anglais dans le cas de ceux dont le français est la première ou la seconde langue). Le Tableau 3 fait état de certains groupes établis au Canada depuis longtemps (les Grecs et les Italiens) et d’autres qui sont arrivés au Canada récemment (les Arabes et les Espagnols) et qui n’utilisent plus la langue patrimoniale le plus souvent à la maison. Les individus les Tableau 2 – Les origines ethniques (total et simple), la langue maternelle et la capacité de parler la langue non officielle correspondante pour des groupes ciblés au Canada, 2001 Canada Allemande Néerlandaise (Pays-Bas) Polonaise Russe Ukrainienne Origines ethniques Total Origines ethniques unique Capacité de parler la langue non officielle Langue maternelle Langue parlée le plus fréquemment à la maison 2 704 760 705 600 494 325 455 540 118 100 923 315 316 220 128 835 133 040 14 345 817105 260 415 230 905 215 010 118 340 336 920 70 895 144 930 96 910 65 050 1 071 075 326 195 163 260 157 585 31 540 Grecque 215 105 143 785 135 310 126 370 71 165 Italienne 1 270 370 726 275 523 270 493 990 206 415 Portugaise Chinoise 357690 252 835 227 570 222 855 120 650 1 094 700 936 210 1 025 540 872 405 721 885 Japonaise 85 230 53 175 65 030 36 175 18 900 Espagnole1 447 825 213 475 610 575 260 785 288 455 Arabe 347 955 238 600 290 280 220 535 147 980 1 CITC Espagnole correspond à l’origine ethnique à la fois de l’Amérique latine et de l’Espagne. Source : Statistique Canada, Recensement 2001 120 plus portés à remplacer leur langue maternelle d’origine par une des deux langues officielles sont ceux dont la langue maternelle est l’italien, suivi de près par ceux dont les langues maternelles sont le japonais ou le grec. Cependant, cette tendance varie selon l’âge des individus concernés. En effet, les Grecs plus âgés sont davantage portés à utiliser une des langues officielles à la maison que les Italiens du même groupe d’âge. Cependant, la transmission de la langue maternelle aux nouvelles générations est plus forte chez les groupes grecs. En ce qui concerne ceux dont la langue maternelle est le japonais, les individus plus âgés sont davantage portés à transférer la langue d’usage que les plus jeunes. Ce phénomène serait dû à l’augmentation récente de l’immigration japonaise qui vient transformer la transmission linguistique du segment du groupe plus enraciné. Dans ce cas, l’importance de la transmission se basant sur le degré d’attachement ethnique pourrait y jouer un rôle. Dans le cas des groupes espagnols et arabes, le niveau de transfert linguistique semble ne pas être influencé par l’âge, comme le sont les groupes d’origine européenne. Quant à la jeune population du Québec, elle est moins portée que celle de l’Ontario et de la ColombieBritannique à remplacer une langue autre que le français et l’anglais, bien qu’en ce qui concerne la langue arabe, les trois langues sont également préservées en tant que langue parlée à la maison. Tableau 5 – Pourcentage de personnes ayant fait le transfert de langue maternelle toujours comprise à une des langues officielles comme langue la plus parlée à la maison, par province, âge 0-24, 2001 Italien Grec Espagnol Arabe 58,2 43,6 36,9 37,8 51,7 0-24 74,7 51,5 36,4 36,7 42,9 52,0 55,3 38,6 39,3 51,2 55 et plus 30,4 22,6 31,3 35,7 59,3 Espagnol Arabe 43,0 27,2 35,6 Japonais 45,2 Ontario 78,0 59,4 38,9 35,6 36,8 ColombieBritannique 77,9 62,7 42,0 38,7 42,6 Des données récentes provenant de l’enquête sur la diversité ethnique de Statistique Canada confirment que l’identification ethnique est valorisée par la plupart des groupes sauf ceux qui sont établis au Canada depuis longtemps (les communautés ukrainiennes, allemandes et néerlandaises). Le mélange ethnique ou l’exogamie mène potentiellement à l’érosion de la connaissance de la langue non officielle. Cependant, dans le cas des personnes d’origines multiples grecques et italiennes, la perte des langues patrimoniales est moins considérable au Québec et en Ontario (Jedwab, 2000). Il serait utile de comprendre pourquoi certains choisissent de préserver la langue patrimoniale dans des situations exogames. Japonais 25-54 Grec 70,9 Source : Statistique Canada, Recensement 2001 Tableau 3 – Pourcentage de personnes ayant fait le transfert de langue maternelle toujours comprise à une des langues officielles comme langue la plus parlée à la maison, par groupe d’âge, 2001 Total Italien Québec Source : Statistique Canada, Recensement 2001 Les immigrants, les groupes ethnoculturels et les minorités de langues officielles Au Québec, les groupes qui ont tendance à afficher les taux les plus bas de transfert linguistique sont ceux dont la langue maternelle est l’italien, le grec et l’espagnol. La Colombie-Britannique dispose du plus haut taux de transfert de ce type. Cela s’explique du fait de la présence de l’anglais ainsi que du français au Québec, ce qui n’exerce pas une influence aussi forte sur l’utilisation d’une langue officielle. Cela n’explique pas, cependant, l’écart entre l’Ontario et la ColombieBritannique et ni pourquoi c’est en Ontario que l’on retrouve le plus haut taux d’utilisation de la langue maternelle correspondante parmi les groupes arabes et japonais. À travers l’histoire, la migration des populations a façonné la communauté anglophone du Québec et a joué un rôle fondamental dans la formation de l’identité. C’est ainsi que la population anglophone est caractérisée par un degré significatif de diversité ethnoculturelle et ethnoraciale. Toutefois, il y a un débat à savoir si de tels individus peuvent être considérés comme étant anglophones, en raison des différents critères employés par les autorités fédérales et provinciales dans leur définition respective de l’« anglophone québécois ». Le Conseil du Trésor fédéral a tendance à utiliser la première catégorie de langue officielle pour estimer les exigences des institutions anglophones vis-à-vis la population qui a recours à ses services. Cette définition inclusive fait en sorte que les autorités fédérales créditent la population anglophone de 300 000 individus de plus que le font les autorités provinciales qui utilisent la langue maternelle comme critère. En 2001, selon le gouvernement fédéral, la population anglophone du Québec était constituée de 600 000 personnes, tandis que selon la définition provinciale, il y en avait plus de 900 000. La différence vient surtout des cas de personnes pour qui l’anglais est la principale langue officielle sans être leur première langue apprise et comprise. Les autorités québécoises sont plus portées à considérer plusieurs de Tableau 4 – Pourcentage de personnes ayant fait le transfert de langue maternelle toujours comprise à une des langues officielles comme langue la plus parlée à la maison, par province, 2001 Italien Grec Espagnol Arabe Québec 53,6 32,4 27,2 39,1 Japonais 45,3 Ontario 58,6 48,4 38,9 33,2 37,0 ColombieBritannique 69,5 55,2 42,0 47,2 42,6 Source : Statistique Canada, Recensement 2001 121 mais pour qui le français est la première langue officielle parlée. Ces termes sont mieux décrits comme étant des catégories hybrides qui émergent de l’intersection de l’ethnicité ou de l’identification raciale et de la langue. C’est ainsi que les individus qui se définissent comme étant ethnoraciaux ou ethnoculturels expriment par cette définition un attachement à des marqueurs d’identité culturelle multiples. Le système de classification fondé sur la connaissance et l’utilisation de la langue permet de déterminer le nombre d’individus appartenant aux communautés de langues officielles sur un territoire donné. Ceux qui remettent en question l’utilisation de la langue maternelle dans le cadre de cette évaluation préfèrent les résultats obtenus en vertu de la première langue officielle parlée (PLOP), une variable multiple introduite par Statistique Canada en 1991. Avant l’introduction de ces résultats, la langue maternelle, et parfois la langue parlée à la maison, servaient de baromètres permettant d’estimer le nombre de francophones. Quand la PLOP est utilisée, la proportion des immigrants parlant le français augmente dans la communauté francophone. En se basant sur la principale langue officielle parlée en 1996 et 2000, quelques 45 000 immigrants francophones étaient établis au Canada en dehors du Québec, ce qui est une différence de 4 000 d’individus avec le nombre calculé en utilisant la langue maternelle comme variable. Comme nous pouvons l’observer dans le Tableau 7, quand la PLOP est utilisée, la province de l’Ontario en 2001 disposait de 5 000 immigrants francophones de plus que lorsque la variable de la langue maternelle est utilisée. Il y a aussi 4 000 moins de francophones au total lorsque la PLOP est utilisée. ces immigrants et leurs descendants comme étant allophones et comme étant donc éligibles pour la désignation provinciale d’anglophone. Selon la déclaration d’origine ethnique simple, 37 % des répondants dont la principale langue officielle parlée est l’anglais sont de descendance canadienne, britannique, française ou autochtone. Un autre 37 % des répondants déclarent être de descendance autre que canadienne, britannique ou française, alors qu’environ un quart rapporte être de descendance non européenne. La composition ethnique de la population anglophone diffère si l’on compare la région de Montréal au reste du Québec. La portion de la population déclarant une origine ethnique canadienne, britannique, française ou autochtone représente, à Montréal, à peine plus d’un quart. En dehors de la région de Montréal, environ 84 % de la population anglophone est de descendance canadienne, britannique, française ou autochtone. Bien que le débat émotif sur les questions linguistiques ne tire pas une réaction qu’à ceux identifiant l’anglais comme langue maternelle, il est évident que la langue anglaise ne renforce pas les cultures ethniques (le taux de personnes de descendance britannique est en déclin au Québec). L’identification à la langue anglaise est devenue importante, et s’avère un élément fondamental des groupes divers que sont les anglophones ; de fait, la langue anglaise est essentielle à la promotion de l’expression de l’ethnicité non britannique. Cette situation tranche avec celle des francophones hors Québec, où le pourcentage de personnes n’ayant pas de descendance canadienne-française est relativement bas et où le lien entre langue et ethnicité demeure assez important malgré le faible lien à l’identité ethnique. La diversité ethnoculturelle fait l’objet d’une attention particulière dans les communautés francophones hors Québec. La grande majorité des immigrants qui s’établissent à l’extérieur du Québec adoptent l’anglais comme langue principale. Jusqu’à tout récemment, l’attraction des immigrants provenant des régions francophones hors Québec n’était pas une priorité. En 2000, 4,6 % de tous les immigrants s’établissant à l’extérieur du Québec connaissaient uniquement le français à leur arrivée au Canada, et un autre 4,3 % connaissaient l’anglais et le français. En 2004, ces deux pourcentages étaient de 4,5 % pour la connaissance du français seulement (1 359 individus) et de 7,3 % pour la connaissance du français et de l’anglais (5 762 individus). Une certaine inquiétude était causée par le fait que si de tels immigrants s’établissaient dans le reste du Canada, eux aussi choisiraient l’anglais comme langue principale. C’est à la lumière de cette vulnérabilité des communautés francophones hors Québec que les autorités se sont intéressées davantage sur les moyens d’augmenter le nombre d’immigrants parlant le français. Bien que l’immigration n’est pas vue comme étant le seul remède aux défis démographiques avec lesquels les francophones hors Québec sont aux prises, elle pourrait néanmoins grandement contribuer à renouveler la vitalité des communautés linguistiques minoritaires. Les termes ethnoculturel et ethnoracial sont de plus en plus utilisés pour décrire les personnes hors Québec qui ne sont pas de descendance canadienne-française, Tableau 6 Ontario Langue maternelle Première langue officielle parlée Total 493 630 489 910 Non immigrant 462 010 452 775 Né dans la province 319 490 312 745 Né ailleurs au Canada 142 520 140 020 29 800 34 725 Immigrant Caraïbes et Bermudes 2 370 3 340 Europe 13 285 14 135 Afrique 8 790 10 900 Asie 3 435 4 205 Immigrants arrivés entre 1990 et 2000 9 705 13 060 Source : Statistique Canada, Recensement 2001 CITC Bien que le véritable nombre d’immigrants francophones constitue moins de 4 % de la population de langue maternelle francophone hors Québec, les immigrants francophones sont fortement concentrés dans les centres urbains. Par exemple, à Toronto, les immigrants francophones comptent pour près d’une personne sur quatre de celles qui ont comme langue maternelle le français, tandis qu’à Vancouver environ un francophone sur cinq est né à l’extérieur du pays. À Toronto, en prenant compte de la 122 Tableau 7 – Certaines origines ethniques autres que canadiennes, britanniques, françaises et autochtones pour des groupes ciblés à l’extérieur du Québec, 2001 Le reste du Canada Allemandes Français PLOP Langue à la maison Connaissance du français et de l’anglais 24 650 765 990 665 Italiennes 1 720 2 620 1 190 44 360 Chinoises 1 375 2 050 770 31 675 Ukrainiennes 325 365 220 4 110 Néerlandaises 295 380 255 15 340 Polonaises 495 830 300 15 225 Indiennes de l’Est 890 1 260 555 29 395 Portugaises Juives 435 1 055 475 13 445 1 490 1 685 440 19 010 Source : Statistique Canada, Recensement 2001 Puisque les francophones ethnoculturels et ethnoraciaux ont des marqueurs d’identité doubles ou multiples, la notion de leurs communautés et d’appartenance évolue. Parmi les minorités de langues officielles, les attachements ethniques ont traditionnellement été liés à la langue. Avec la présence de francophones d’origines ethniques variées, la communauté devient de plus en plus diverse et, par ricochet, la relation entre l’ethnicité et la langue évolue aussi. Idéalement, la formation de l’identité se croise plutôt que de naître de la concurrence entre identité ethnique et identité linguistique. Il est nécessaire d’examiner le processus d’adaptation des francophones ethnoculturels et de leurs enfants pour mieux comprendre la nature, la pertinence et l’interrelation de leur identification ethnique et linguistique. Peu importe que l’on préfère, pour définir les franco-phones, les critères démographiques ou les critères fondés sur l’identité, la présence accrue des francophones ethnoculturels peut avoir des incidences de taille sur les politiques publiques, tant pour les langues officielles et que pour le multiculturalisme. L’intersection de l’identification linguistique et de l’identification ethnique mène à une intersection des politiques dans les domaines de l’immigration, de l’établissement, du multiculturalisme et des langues officielles. langue maternelle et de la PLOP, la population francophone est d’environ 33 000. Cependant, les francophones PLOP à Toronto représentent approximativement 10 900 personnes (32,7 %), tandis que les immigrants de langue maternelle francophone représentent environ 9 400 personnes qui sont nés à l’étranger (28,6 %). De plus, les nombres augmentent quand les déclarations multiples sont incluses. En effet, l’estimation du nombre de francophones est encore plus liée à la manière selon laquelle de telles déclarations sont réparties, c’est-à-dire la distribution de personnes qui identifient et le français et l’anglais comme première langue officielle parlée. Les analystes ont tendance à allouer la moitié de ces déclarations à la population anglophone et l’autre moitié aux communautés francophones. Il y a une différence considérable entre le nombre d’immigrants qui déclarent l’anglais et le français comme étant tous deux leur langue maternelle et ceux pour qui la langue officielle parlée est à la fois l’anglais et le français. En se basant sur la répartition égale de ces doubles déclarations, il y aurait 27 000 immigrants supplémentaires hors Québec dont la première langue parlée est le français. Lorsque la langue maternelle est le critère utilisé, un peu plus de 2 000 immigrants francophones viendraient s’ajouter à ce segment de la population. 123 LE DÉFI DE LA RÉGIONALISATION EN MATIÈRE D’IMMIGRATION L’immigration francophone au Nouveau-Brunswick RÉSUMÉ Depuis quelques années, l’immigration francophone à l’extérieur de la province du Québec devient une réalité de la régionalisation de l’immigration francophone au Canada. Ce texte examine les initiatives de la communauté acadienne du Nouveau-Brunswick et ses efforts en vue d’élaborer une stratégie qui attirera les immigrants dans les régions francophones du Nouveau-Brunswick. En conclusion, quelques éléments de réflexion sont proposés afin de mettre en place une politique durable en matière de régionalisation de l’immigration. A CITC CHEDLY BELKHODJA Chedly Belkhodja est professeur agrégé au Département de science politique de l’Université de Moncton. Détenteur de diplômes de l’Université MontesquieuBordeaux IV et de l’Université de Montréal, il s’intéresse dans ses travaux de recherche au phénomène du populisme et du déficit démocratique dans les sociétés occidentales et des nouvelles modalités du politique. u Canada, l’immigration demeure un phénomène fortement lié à la réalité urbaine du pays. De nombreuses études indiquent que la grande majorité des nouveaux arrivants se dirigent vers les grands centres urbains, soit Toronto, Vancouver et Montréal. En 2003, environ 75 % des nouveaux arrivants s’installent dans les trois métropoles : Toronto (97 476/44,0 %), Vancouver (30 766/13,9 %) et Montréal (33 732/15,2 %). Certains observateurs soulignent même le fossé grandissant entre les grandes villes et les régions rurales : en 2017, la ville de Toronto dépassera le 7 millions d’habitants avec plus de 50 % de la sa population constituée par l’immigration. Poser la question de la régionalisation de l’immigration au Canada revient donc à relever un défi à plusieurs niveaux, soit démographique, économique et de cohésion sociale. D’un point de vue théorique, il nous semble que la régionalisation de l’immigration s’inscrit dorénavant dans une perspective de reconfiguration des paramètres traditionnels du rôle de l’État-nation dans le contexte de l’après-guerre froide. D’une part, depuis les années 1990, les grands bouleversements provoqués par la mondialisation ont mis l’accent sur l’ouverture et la mobilité croissante des individus, des biens et des idées, comme les flux migratoires en forte augmentation (Castles et Miller, 2003). La mondialisation a également cet effet de provoquer un déplacement de la légitimité de l’acteur étatique vers de nouveaux acteurs en mesure de s’engager plus librement sur des enjeux comme l’immigration. D’autre part, l’évolution du système fédéral canadien vers une plus grande décentralisation facilite la participation de nouveaux acteurs comme les provinces et les villes, plus actives sur le plan des relations extérieures dans des domaines de compétence précis (Belkhodja, 2000). Les provinces canadiennes sont donc de plus en plus concernées par l’immigration et l’adaptation à la diversité culturelle et ethnique. Au-delà des accords signés entre le gouvernement fédéral et les provinces, l’accord le plus complet étant celui signé avec le Québec en 1991, les provinces prennent de plus en plus des initiatives afin de définir une politique générale en matière d’immigration1. Dans ce contexte, les provinces atlantiques cherchent à se positionner sur un terrain extrêmement compétitif et sont confrontées à des enjeux régionaux bien particuliers. Le premier est que la région attire un très faible pourcentage de la part annuelle de résidents permanents admis au Canada. Selon le rapport annuel au Parlement sur l’immigration 2003, les quatre provinces atlantiques ont reçu 2 655 nouveaux arrivants, soit 1,2 % sur un total de 221 352 immigrants en 2003 (Citoyenneté et Immigration, 2004). Plus spécifiquement, en 2003, la Nouvelle-Écosse est la province qui attire le plus de nouveaux arrivants, soit 1 476, qui s’installent essentiellement dans la région de Halifax (80 %). Pour sa part, le Nouveau-Brunswick a accueilli 667 immigrants alors que 359 nouveaux arrivants se sont installés à Terre-Neuve-et-Labrador. Les taux de rétention sont également très faibles, surtout en Nouvelle-Écosse (40 %) et au Nouveau-Brunswick (62 %). Le deuxième est lié aux questions démographiques, soit le taux de natalité faible, le vieillissement de la population et l’exode des populations jeunes vers les grands centres urbains du pays. Le troisième défi reste cette représentation bien ancrée d’une culture régionale traditionnelle et conservatrice toujours en retard sur le reste du pays en raison d’une économie moins performante et d’un taux de chômage plus élevé. Ce tableau n’incite pas la venue des immigrants à la recherche d’un emploi satisfaisant et permanent et d’une qualité de vie. Cependant, il nous semble important de prendre en considération deux nouvelles dynamiques. D’une part, la diversité croissante de la population canadienne est un fait de plus en plus évident et 124 les principales agences gouvernementales fédérales (Citoyenneté et Immigration Canada, Patrimoine canadien), qui encouragent une diversité culturelle à l’échelle nationale, une dynamique économique et sociale dans les petits milieux et une diminution de la forte pression démographique qui existe dans les grands centres urbains (Krahn, Derwing et Abu-Laban, 2003). Depuis 1999, une légère tendance à l’augmentation du nombre d’immigrants francophones s’établissant à l’extérieur du Québec se dessine plus clairement (Tableau 1). En mars 2002, Citoyenneté et Immigration Canada a mis sur pied un comité chargé d’examiner la situation de l’immigration francophone dans les communautés francophones en situation minoritaire. Rapidement, le comité a présenté un cadre stratégique avec un message clair : « Les communautés francophones et acadiennes doivent s’approprier le dossier de l’immigration francophone et reconnaître son importance pour leur rayonnement » (Citoyenneté et Immigration Canada, Cadre stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire, Gouvernement du Canada, novembre 2003, p. 4). Plusieurs objectifs ont été mis de l’avant : améliorer les capacités d’accueil des communautés francophones, assurer l’intégration économique des immigrants, assurer l’intégration sociale et culturelle des immigrants et, enfin, favoriser la régionalisation de l’immigration francophone à l’extérieur de Toronto et Vancouver. Au Nouveau-Brunswick, le porte-parole de la communauté acadienne, la Société des acadiens et des acadiennes du Nouveau-Brunswick (SAANB), a entamé un processus de réflexion autour de l’immigration, plus particulièrement sur la question de l’accueil et de l’intégration des nouveaux arrivants francophones. Cette stratégie s’inscrit dans un contexte national et provincial, les communautés francophones vivant à l’extérieur du Québec ont enclenché un vaste travail autour de tend à devenir le fondement discursif d’une nouvelle identité pan-canadienne. Dans une étude du Centre de recherche et d’information sur le Canada (CRIC), Andrew Parkin et Matthew Mendelsohn soulignent que les attitudes à la diversité sont acceptées et que l’écart entre les grandes villes et les régions est peu significatif. Les provinces atlantiques peuvent autant profiter de la diversité que les régions métropolitaines et doivent éviter d’être réduites à devenir une région blanche homogène et étrangère à la nouvelle réalité culturelle et ethnique du pays2. D’autre part, depuis quelques années, l’est du pays connaît un taux de croissance soutenu ainsi qu’une diversification de son économie vers des secteurs de pointe, permettant de cibler une main-d’œuvre qualifiée venant de différents pays. Des agglomérations comme Moncton, Halifax et St. John’s (T.-N.-L.) profitent de la nouvelle économie et commencent à développer leur capacité d’accueil. Devant un début de diversité, les politiques publiques sont amenées à s’adapter et à élaborer des stratégies innovatrices et capables de rassembler l’ensemble des acteurs locaux, publics et privés, qui participent au développement économique et social. L’immigration francophone au Nouveau-Brunswick L’immigration francophone hors Québec demeure pour l’instant un phénomène relativement limité : seulement 3,1 % des immigrants à l’extérieur du Québec étaient d’expression française (Citoyenneté et Immigration, 2003). Cependant, il faut noter une dynamique nouvelle qui s’inscrit dans un effort de régionalisation des flux migratoires au Canada. Le Québec a relancé en 2001 son cadre en matière de régionalisation, avec un plan triennal visant à faire passer le taux d’immigrants hors Montréal à 25 % et à tripler le nombre des nouveaux arrivants en Estrie (MRCI, 2002). Les autres provinces canadiennes inscrivent leurs actions dans une dynamique de régionalisation de l’immigration proposée par Tableau 1 – Immigrants francophones s’établissant ailleurs qu’au Québec 10 000 Total des immigrants au Canada 9 000 1999 : 161 000 2000 : 195 000 8 000 2001 : 214 000 7 000 6 000 6 756 (3,1 %) 5 000 5 570 (2,0 %) 4 000 Nombre total des nouveaux arrivants francophones à l’extérieur du Québec Établissement durable anticipé (50%) 3 000 2 000 1 000 3 220 (2,0 %) 1 610 (1,0 %) 3 361 (1,6 %) 2 785 (1,5 %) Source: Commissariat aux langues officielles (L’immigration et les langues officielles), 2002. 0 1999 161 000 *Comprend les immigrants connaissant les deux langues officielles 2000 195 000 2001 214 000 125 CITC sur deux principales préoccupations de la communauté l’immigration et plus particulièrement sur l’enjeu de la acadienne du Nouveau-Brunswick. D’une part, la dimension diversité culturelle. Entre 1999 et 2001, la Fédération des démographique domine largement le discours. En raison communautés francophones et acadiennes (FCFA) du du faible taux de natalité des Acadiens du N.-B., du fort Canada, organisme regroupant les associations francophones taux d’assimilation, de l’exode des jeunes francophones provinciales, a mené une réflexion sur l’avenir des vers d’autres régions et de la faible capacité de rétention communautés francophones en situation minoritaire. Des des immigrants francophones, l’immigration est souvent initiatives tels Dialogue et Vive la différence ont souligné présentée comme une solution au redressement démol’enjeu de l’immigration et de la diversité culturelle. Dans graphique de la population francophone. Les données du son rapport final, le groupe Dialogue propose l’élaborarecensement de 2001 sont en effet inquiétantes : la popution d’un plan d’action dans le dossier de l’immigration lation du Nouveau-Brunswick ne cesse de diminuer (FCFA, Parlons-nous ! Rapport du groupe de travail (-1,2 %) tandis que la population nationale augmente Dialogue, 2001). Vive la différence est présentée comme (+4 %). D’autre part, la dimension économique du la suite logique du processus d’adaptation des commudiscours limite l’apport de l’immigration à la question de nautés francophones et acadiennes à la diversité ethnique combler des manques de ressources dans des secteurs bien et culturelle. Lors d’une rencontre à Ottawa, les 20 et précis de l’activité économique. L’apport de l’immigration 21 novembre 2003, nous avons pu constater les différentes se réduit trop souvent à l’enjeu de l’emploi. perceptions des communautés francophones à l’endroit de l’immigration et de la diversité. Certains organismes francophones de l’Ouest, notamment le Manitoba et la Conclusion Colombie-Britannique, adoptent plus facilement le Au début du 21e siècle, la régionalisation de discours de la diversité, reconnaissant au sein de leur l’immigration au Canada s’inscrit dans un contexte global communauté l’apport des nouveaux arrivants. En caractérisé par la logique des flux migratoires de revanche, les associations acadiennes de Nouvelle-Écosse plus en plus mobiles et diversifiés. L’immigration devient et de l’Île-du-Prince-Edouard restent un également un facteur important de la peu méfiantes devant le principe d’une croissance économique et démograSelon le rapport nouvelle identité francophone plurielle. phique. C’est dans cette perspective que annuel au Parlement Il est important de noter que ces certaines régions du Canada souhaitent associations inscrivent leurs reven- sur l’immigration 2003, bénéficier davantage de l’immigration et dications dans le discours de la dualité, mettent sur pied des politiques d’accueil les quatre provinces qui leur a permis de consolider les et d’intégration. Nos recherches sur communautés francophones minoril’immigration francophone au Nouveauatlantiques ont reçu taires depuis les années 1960. Brunswick nous amènent à relever trois 2 655 nouveaux Au Nouveau-Brunswick, la SAANB éléments devant guider une politique en vise un dialogue entre la société matière de régionalisation d’immigration. arrivants, soit d’accueil et les nouveaux arrivants. Premièrement, un travail impor1,2 % sur un total de Dans un document intitulé : Plan de tant doit se faire au niveau de certaines développement global de l’Acadie du représentations de l’identité (Gallant 221 352 immigrants Nouveau-Brunswick, l’intégration des et Belkhodja, 2005). L’enjeu de l’immien 2003 (CIC, 2004). nouveaux arrivants se présente tel un gration francophone permet de voir une défi important pour la communauté nouvelle dynamique dans la construcacadienne confrontée à une constante assimilation de sa tion identitaire des communautés francophones du population et à un exode important des jeunes francoCanada. La plupart des acteurs élaborent des stratégies en phones vers les centres urbains. Par conséquent, la SAANB matière d’immigration et se confrontent dorénavant au souhaite développer une stratégie en matière d’immigradifficile arrimage entre la dualité linguistique et la divertion afin de « favoriser l’intégration des nouveaux arrivants sité culturelle. Dans le contexte bien différent des réalités et nouvelles arrivantes à la langue française et à la culture francophones du pays, le discours de la diversité culturelle acadienne à la vie communautaire et associative de est reçu différemment : il semble être mieux adopté par les l’Acadie du Nouveau-Brunswick ». Elle souhaite également communautés francophones minoritaires habituées à « favoriser l’intégration des nouveaux arrivants et noupartager un espace identitaire pluriel, notamment dans velles arrivantes à la vie communautaire et associative de l’Ouest canadien. En revanche, les communautés l’Acadie du N.-B. » (Plan de développement global de francophones bien ancrées dans le schéma de la dualité et l’Acadie du Nouveau-Brunswick, 2000). En créant une du biculturalisme craignent le discours de la diversité, Table de concertation provinciale sur l’immigration, la exprimant la crainte de la dilution dans un plus grand SAANB a enclenché un processus de rapprochement ensemble, la peur de perdre quelque chose. Il est imporentre les divers intervenants de la société acadienne et les tant de bien comprendre le parcours de la minorité associations des communautés culturelles. La table est francophone qui a longtemps lutté pour la reconnaissance formée des volets gouvernemental, communautaire et de droits linguistiques, négligés par la majorité anglouniversitaire. Dans ce contexte, une première étude a précisé phone. Depuis les années 1960, en misant sur la dualité les principaux enjeux de l’immigration francophone au linguistique canadienne, les minorité francophones ont Nouveau-Brunswick (Baccouche et Okana, 2002). L’étude ainsi consolidé leurs communautés. Un lieu de vie francosouligne que le discours sur l’immigration tend à se fixer phone s’est constitué par des gains importants dans 126 plusieurs secteurs, soit les droits linguistiques, l’accès à l’emploi et l’enseignement en français. Par conséquent, le discours de la diversité canadienne provoque certains remous car il annonce un réajustement de l’ensemble des communautés francophones minoritaires. Deuxièmement, il est important de sensibiliser et de préparer les sociétés d’accueil à l’immigration. On ne peut pas seulement se limiter au travail de recrutement et de promotion sans penser à l’autre versant, qui est d’encourager l’ouverture des communautés acadiennes et francophones à la diversité. Même si les chiffres restent faibles, il est intéressant de considérer l’apport de l’immigration en tant que nouvelle dynamique émergente, notamment dans les agglomérations urbaines3. L’immigration en région permet alors de dévoiler de nouvelles stratégies en matière d’intégration assez différentes des réalités métropolitaines. Dans des milieux trop souvent limités à l’image de l’homogénéité communautaire, l’immigration peut servir à la construction d’un espace public en mesure de favoriser les échanges entre cultures locales et immigrantes. Enfin, il ne faut pas faire de l’immigration une affaire strictement utilitariste laissée entre les mains d’entrepreneurs de l’immigration, faisant la promotion d’une logique sélective qui dépasse le seul critère économique. Il faut être prudent devant certains glissements, en ce qui a trait à une quelconque politique de sélection des « bons immigrants », visant à recréer le même type de milieu communautaire homogène et peu diversifié. Ce type de ciblage des immigrants n’encourage pas nécessairement la diversité culturelle, d’où l’importance des gouvernements à être impliqués dans un processus devant considérer les questions de l’éthique et de la citoyenneté au cœur de toute politique d’immigration durable. CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA. Regionalization of Immigration, Série de Conversations Metropolis 9, 2003. DENTON, T. « Canada’s Regionalization Challenge », communication présentée à la neuvième conférence internationale du centre Metropolis, Genève, 30 septembre 2004, (www.metropolis2004.ch/en/workshop_g.shtml). FÉDÉRATION DES COMMUNAUTÉS FRANCOPHONES ET ACADIENNE DU CANADA (FCFA). Évaluation de la capacité des communautés francophones en situation minoritaire à accueillir de nouveaux arrivants, mars 2004. GALLANT, N. et C. 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Faits et chiffres 2003, Aperçu de l’immigration, Gouvernement du Canada, 2004. 127 1 Nous pouvons noter plusieurs initiatives importantes, soit une conférence provinciale sur l’immigration au Nouveau-Brunswick en juin 2004, la création d’une politique provinciale en matière d’immigration en Nouvelle-Écosse. Les gouvernements de ces deux provinces font référence au succès de la politique du Manitoba, bien équilibrée entre la sélection d’immigrants économiques et une pratique unique de parrainage de réfugiés. D’ici 2010, cette province entend doubler le nombre d’arrivants, de 5 000 à 10 000 (Denton, 2004). 2 Certains articles publiés dans les grands journaux du pays insistent souvent sur cette dichotomie entre un Nouveau Canada et un Vieux Canada et une représentation communautaire et folklorique de la culture régionaliste de l’Atlantique. Un article en particulier, publié le 20 août 2004 dans le Globe and Mail par le journaliste John Ibbitson, intitulé « Why Atlantic Canada Remains White and Poor », a mis le feu aux poudres dans la région et suscité beaucoup de réactions autour de l’immigration. 3 Il faut également considérer des expériences d’intégration en milieu rural comme à Florenceville et Saint-Léonard au Nouveau-Brunswick et dans la région de Truro en Nouvelle-Écosse. TABLEAU DE L’IMMIGRATION PROPRE À L’OUEST CANADIEN RÉSUMÉ L’Ouest canadien, en raison du vieillissement de la main-d’œuvre et de la baisse du taux de natalité, mais aussi en raison d’une conjoncture qui lui est particulière, doit trouver des façons d’attirer des immigrants. Dans le cadre de l’initiative « Building the New West » de la Canada West Foundation, un certain nombre de tendances ont été dégagées en ce qui a trait l’immigration vers l’Ouest canadien : les répercussions négatives de la couverture médiatique des crimes et tensions raciales à Toronto, Vancouver et Montréal ; les problèmes générés par la proximité culturelle ; le déclin de l’immigration durant les deux dernières décennies ; la croissance de l’activité des immigrants sur le marché du travail ; l’augmentation du nombre de réfugiés ; et la non-reconnaissance de l’expérience et des titres de compétences étrangers, exacerbée chez les immigrants d’origine asiatique. L Consultations sur l’immigration Pour leur part, les intervenants œuvrant dans des domaines liés à l’immigration dans l’Ouest canadien comprennent le genre de changements qui sont nécessaires pour assurer à la région de meilleurs résultats en matière d’immigration. Lorsqu’on a réuni ces personnes dans le cadre de l’initiative « Building the New West » de la Canada West Foundation afin de discuter des préoccupations en matière d’immigration pour les provinces, un certain nombre de thèmes ont été dégagés. Bien que les niveaux d’immigration varient selon que l’on examine les grandes villes, les petites villes ou les régions rurales, les priorités fondamentales en matière d’immigration pour la région dans son ensemble s’avèrent sensiblement similaires. Les participants à nos consultations ont constaté la nécessité d’assurer les choses suivantes : une augmentation de la quantité et de l’exactitude des informations sur l’Ouest qui sont transmises aux immigrants éventuels et sur les possibilités qu’on y trouve ; des critères de sélection des immigrants plus efficaces et plus flexibles ; un investissement visant à renforcer les ressources de l’Ouest en matière d’établissement et d’intégration ; de plus grands efforts pour inciter les habitants de l’Ouest à être davantage accueillants à l’égard des immigrants ; et de meilleures possibilités de transition en milieu de travail et d’acquisition de compétences pour les immigrants de l’Ouest canadien. Les améliorations que l’on pourrait assurer dans ces domaines permettraient d’obtenir de meilleurs résultats pour les immigrants qui vivent déjà dans l’Ouest, et augmenteraient l’attrait de la région pour les nouveaux immigrants. Au delà des points communs constatés, on a pu évidemment aborder des problèmes hautement prioritaires se rapportant aux vastes écarts en matière de niveaux d’immigration entre les différentes CITC JASON AZMIER Jason Azmier est analyste principal en matière de politiques à la Canada West Foundation, à laquelle il s’est joint en 1995. e vieillissement de la main-d’œuvre et la baisse du taux de natalité constituent des défis dont on discute beaucoup à l’échelle internationale. Pour une majorité de gens qui habitent l’Ouest canadien, cette préoccupation est particulièrement vive étant donné les faibles taux de croissance démographique, la diminution du nombre de nouveaux immigrants, ainsi qu’un accroissement de la proportion des jeunes Autochtones au sein de la population régionale, dont les taux de participation à la population active sont faibles. Bien que l’immigration soit prometteuse pour l’Ouest, d’importants obstacles empêchent qu’on bénéficie au maximum de ses effets positifs. Il est nécessaire d’améliorer les approches en matière d’immigration au sein des divers paliers de gouvernement, ainsi que les attitudes des employeurs et du public de l’Ouest à l’égard des immigrants. Si l’Ouest veut attirer davantage d’immigrants, les employeurs doivent être davantage enclins à recruter des immigrants, les associations professionnelles doivent réévaluer le bien fondé de leurs normes, et le public doit être sensibilisé au rôle important que peuvent jouer les immigrants dans le succès économique de la région. Si l’on veut être réaliste, on doit admettre qu’il faudra peut-être plusieurs années pour modifier ces attitudes et régler ces problèmes, mais s’attacher à améliorer les politiques et les règlements en vigueur aujourd’hui peut jouer un rôle de catalyseur dans ce processus. 128 pour les participants, étant donné que les migrants villes de l’Ouest canadien. Les participants venant de secondaires ne peuvent obtenir de fonds pour l’établisVancouver, de Winnipeg et de Calgary – des villes sement. Le faible salaire minimum en vigueur en Alberta comptant des taux proportionnellement plus élevés a également été mentionné comme un problème auxquels d’immigration – ont identifié comme hautement font face les immigrants de Calgary. Un grand nombre prioritaires les questions liées à l’établissement et au d’immigrants occupent les emplois les moins bien financement. Les participants venant d’Edmonton et de rémunérés de la collectivité, et ils peuvent éprouver des Saskatoon – des villes relativement peu attirantes pour les difficultés à répondre à leurs besoins fondamentaux immigrants – ont mentionné la nécessité de créer une dans une ville où le coût de la vie est de plus en plus atmosphère accueillante et de faire de l’immigration une élevé. Comme problème également propre à l’Alberta, priorité au sein de leurs collectivités respectives. les participants ont mentionné que l’immigration souffre À Winnipeg, le succès associé à l’augmentation de perceptions négatives de la part du public et des rapide de l’immigration au cours des trois dernières représentants élus, ce qui donne de Calgary l’image d’une années a suscité un certain nombre de problèmes très collectivité peu accueillante. médiatisés ayant trait au financement des services Les participants d’Edmonton ont d’établissement, au logement et aux largement fait écho à ces préoccupations. listes d’attente pour la formation. La Les faibles salaires et les attitudes négaconcurrence entre provinces pour les Dans le cas tives constituent des obstacles encore immigrants, le climat, l’attrait qu’exercent plus importants pour attirer et conserver d’autres destinations canadiennes sont de Regina, la les immigrants à Edmonton, étant autant d’éléments qui influent sur l’imconcurrence interdonné que cette ville n’est pas un point migration. Les participants ont menprovinciale pour les d’entrée important pour les immitionné comme préoccupation la perte grants. Les répondants d’Edmonton d’immigrants au profit de l’Ontario et immigrants est estiment qu’une sensibilisation de de l’Alberta. Winnipeg doit également identifiée comme l’administration municipale à l’égard de répondre à un besoin d’égale envergure, la valeur que représentent les immisoit celle de régler le problème de un élément qui grants pour la ville ferait beaucoup l’emploi chez sa population autochtone. rend difficile, pour pour rendre celle-ci plus attirante. Dans le cas de Regina, la concurrence Les problèmes soulevés en priorité interprovinciale pour les immigrants est la Saskatchewan, par les participants de Vancouver identifiée comme un élément qui rend d’apparaître reflètent l’expérience acquise par cette difficile, pour la Saskatchewan, d’apparégion en matière de volumes élevés raître comme une destination attirante. comme une d’immigration. La présence d’un grand Les participants reconnaissent qu’il est destination nombre d’immigrants, particulièredifficile d’augmenter l’immigration étant ment en provenance du littoral du donné que la ville possède un certain attirante. Pacifique, engendre certaines tensions nombre de facteurs qui jouent contre en ce qui a trait aux services sociaux elle : le climat, une réputation internaet communautaires, accroît les perceptions de crimes tionale faible ou négative, les niveaux historiquement liés aux immigrants, et suscite davantage de tensions faibles d’immigration, ainsi que des possibilités raciales au sein de la collectivité. De plus, les immigrants économiques relativement limitées. Les participants de doivent composer avec un coût de la vie qui est élevé Regina ont indiqué que des politiques d’immigration dans cette région, bien que les possibilités économiques plus flexibles pourraient permettre à la région d’attirer qui s’offrent aux immigrants ne soient pas aussi plus facilement des immigrants. Par exemple, la venue abondantes que dans certains autres centres. Il est d’immigrants agriculteurs en milieu rural est rendue plus toutefois important de noter que la diminution de la difficile en raison des critères élevés imposés sur le plan concentration d’immigrants n’était pas considérée financier. L’allégement de certaines normes pourrait comme une priorité. La question prioritaire était plutôt encourager davantage d’immigrants à s’établir dans la répartition plus équitable des avantages de l’immides régions rurales et à apporter leur contribution à gration parmi les zones rurales qui entourent la région l’économie de ces régions. Un autre problème particulier à de Vancouver. la Ville de Regina est que le petit nombre d’immigrants que l’on y trouve actuellement rend difficile d’offrir la masse critique de services qui ferait de cette ville un lieu Tendances particulières de l’immigration accueillant pour les immigrants. Enfin, les priorités dans l’Ouest canadien urbaines reliées aux Autochtones et les difficultés à attirer Les opinions exprimées par les participants à la des immigrants constituent également des obstacles consultation sur l’immigration organisée par la Canada importants pour Regina. West Foundation reflètent la situation de l’immigration Calgary attire beaucoup plus d’immigrants que dans l’Ouest, sur le plan des politiques, des activités et sa part de la population nationale, et les participants à de l’histoire. En particulier, l’immigration à l’extérieur cette séance ont mis l’accent sur les problèmes liés à la des trois grandes destinations (Toronto, Montréal et concentration. En particulier, la migration secondaire Vancouver) permet de dégager un certain nombre de issue d’autres provinces constituait une préoccupation situations et de priorités. 129 CITC cette région constitue une quatrième importante D’abord, les attitudes du public à l’égard de l’immitendance, étant donné le nombre élevé d’immigrants gration dans l’Ouest sont influencées par la situation originaires d’Asie et du Moyen-Orient que l’on y trouve. constatée dans les trois grandes destinations – souvent Les problèmes linguistiques, les préoccupations en d’une manière négative. Les nouveaux immigrants à matière de reconnaissance des titres de compétences et la Toronto, Vancouver et Montréal font face aux plus grands dévalorisation des diplômes et des expériences de travail obstacles en matière d’emploi, associés à l’acquisition de des immigrants par rapport aux travailleurs nés au compétences linguistiques, à l’évaluation et à la reconnaisCanada semblent toucher le plus négativement les immisance de leurs expériences de travail et de leurs études à grants originaires d’Asie. La recherche indique que l’étranger, et aux efforts nécessaires pour effectuer des les immigrants asiatiques, tant ceux qui ont des titres de recherches d’emploi et établir des réseaux. Les reportages compétences que ceux qui n’en ont pas, semblent profiter publiés dans les médias concernant les crimes et les le moins de leurs expériences de travail et de leurs études tensions raciales dans les grands centres urbains peuvent antérieures, par comparaison avec les autres groupes également exercer une influence négative sur les d’immigrants (Najm, 2001 ; Ferrer et populations habitant dans des régions Riddell, 2003). Donc, bien qu’il ne où le taux de criminalité associé aux À Vancouver, la s’agisse pas d’un problème propre immigrants est négligeable. présence d’un uniquement à l’Ouest canadien, la Deuxièmement, alors que les nécessité de s’attaquer aux obstacles niveaux d’immigration du Canada grand nombre systémiques associés au sous emploi demeurent élevés, l’immigration dans d’immigrants, des immigrants asiatiques y est partil’Ouest a connu une période prolongée culièrement prononcée. de déclin durant la majeure partie des particulièrement en L’importance grandissante du deux dernières décennies (CIC, 2005). provenance du Programme des candidats des provinces Stimulé par les succès remportés par le littoral du Pacifique, (PCP) en tant que mécanisme provinManitoba, le taux d’immigration a cial visant à assurer la croissance et la repris une timide tendance à la hausse, engendre certaines répartition de la population est une bien que la part des immigrants qui tensions en ce qui cinquième tendance régionale signis’établissent dans l’Ouest demeure ficative. Le recours au PCP se fait le inférieure à la part de l’Ouest dans la a trait aux services plus par le Manitoba où la moitié population nationale. Des périodes sociaux et commudes immigrants manitobains est mainprolongées de relative faiblesse des taux tenant admise par le truchement d’immigration auront une incidence sur nautaires, accroît d’une procédure d’immigration provinles besoins en main-d’œuvre et sur la les perceptions de ciale intégrée à une stratégie de capacité de la région à attirer davantage crimes liés aux croissance démographique pour le d’immigrants. Ces données laissent Manitoba. Ces programmes constituent entendre que l’Ouest fait face à d’assez immigrants, et le nouveau mécanisme d’intervention grandes difficultés pour ce qui est de suscite davantage grâce auquel on peut intervenir en combler ces pénuries. matière de pénuries de main-d’œuvre, Une troisième tendance enregistrée de tensions raciales d’investissements commerciaux, de dans l’Ouest est le taux plus élevé d’acau sein de la régionalisation de l’immigration, de tivité des immigrants. Les immigrants collectivité. maintien des immigrants, et d’autres de sexe masculin âgés entre 25 et 54 ans enjeux politiques locaux. et habitant les villes de l’Ouest canadien Une dernière tendance déterminante dans l’Ouest est ont beaucoup plus de chances d’être employés à temps le niveau élevé de réfugiés que l’on trouve dans cette plein que les immigrants établis ailleurs au Canada. Les six région – en 2004, 38 % des immigrants appartenant à la villes où les taux de chômage des immigrants correspondent catégorie des réfugiés pris en charge par le gouvernement le plus étroitement à ceux enregistrés pour les citoyens nés ou parrainés par le secteur privé se sont établis dans au Canada sont toutes situées dans l’Ouest (Chui, 2003). l’Ouest, comparativement à 26 % seulement de la La situation plus favorable des immigrants de l’Ouest population immigrante dans son ensemble (CIC, 2005, en matière d’emploi reflète le taux d’activité de la région et données préliminaires). Soulignons le cas de la la plus faible concentration d’immigrants arrivés récemment Saskatchewan, où 27 % des immigrants qui s’y sont au pays. Réunies, ces données suggèrent qu’il peut être établis en 2004 appartenaient à la catégorie des réfugiés plus facile pour les immigrants qui s’établissent dans pris en charge par le gouvernement ou parrainés par le l’Ouest d’entrer dans la population active. Toutefois, on secteur privé, comparativement à la moyenne nationale de doit prendre note que ces données n’indiquent pas si les seulement 4,5 %. possibilités d’emploi des immigrants sont meilleures dans De telles données ont des conséquences diverses. La les domaines d’étude ou d’expérience de ces derniers, mais région des Prairies profite fortement des effets humanitaires uniquement que les immigrants ont davantage de chances de l’immigration, notamment la compassion favorisée d’obtenir un emploi. au sein des collectivités. Toutefois, la contribution Le problème de la non-reconnaissance des expériences économique des réfugiés peut s’avérer moins dynamique de travail et des études effectuées à l’étranger n’est que celle des immigrants de la catégorie économique. Les certainement pas propre à l’Ouest, mais sa présence dans 130 besoins des réfugiés imposent également un fardeau additionnel sur les services d’aide que l’on trouve dans les collectivités de l’Ouest, étant donné que les motifs d’ordre humanitaire qui ont justifié l’entrée au pays peuvent nécessiter des soutiens sociaux qui ne sont pas facilement créés ou rendus disponibles. Étant donné le nombre élevé d’immigrants appartenant à des catégories non économiques que l’on trouve dans l’Ouest, la double répercussion des obstacles en matière d’emploi et des besoins additionnels en matière de soutien fait des programmes d’aide aux réfugiés une préoccupation très médiatisée dans l’Ouest. En guise de conclusion, on peut affirmer que les immigrants dans l’Ouest apportent une foule de contributions de nature économique, culturelle, et humanitaire dans cette région, et qu’ils offrent des possibilités importantes en matière de croissance démographique, particulièrement dans des secteurs qui en ont grandement besoin. Il existe un certain nombre de réussite en matière d’immigration, particulièrement au Manitoba, qui font ressortir les contributions des immigrants à la production industrielle, au développement de la conscience communautaire, à la croissance démographique, à l’innovation, au développement de marchés d’exportation et à la diversité culturelle. Références CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA. Communication personnelle, 9 mars 2005. CHUI, Tina. Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada : le processus, les progrès et les perspectives, Statistique Canada : no 89 611 XIE au catalogue, Ottawa, 2003. FERRER, Ann et W. Craig RIDDELL. Education, Credentials and Immigrant Earnings, Département de sciences économiques, Université de la Colombie Britannique, Vancouver, mai 2003. NAJM, Nabila A. The Devaluation of Foreign Credentials in Canada, Recherche et analyse stratégiques, Planification stratégique et coordination des politiques, ministère du Patrimoine canadien, Ottawa, décembre 2001. Diversité canadienne / Canadian Diversity L’Association d’études canadiennes a produit un numéro spécial de la revue Diversité canadienne / Canadian Diversity (vol. 3, no 1, hiver 2004) portant sur les intersections de la diversité sous la direction de la rédactrice invitée Anneke Rummens (University of Toronto). Dans cette publication, des chercheurs, des responsables des politiques et des représentants d’organisations non gouvernementales explorent à l’aide d’exemples concrets les enjeux liés aux intersections. Ils font valoir l’importance de réfléchir aux conséquences des intersections afin d’éviter que les programmes et politiques ne produisent des résultats inéquitables. On peut commander un exemplaire de la revue en communiquant avec l’Association d’études canadiennes ([email protected]) ou avec le projet Metropolis ([email protected]). 131 LUTTE CONTRE L’INSTABILITÉ DES NOUVEAUX ARRIVANTS EN MATIÈRE DE LOGEMENT RÉSUMÉ Les exemples de plus en plus nombreux de l’insécurité économique à laquelle sont exposés les nouveaux immigrants au Canada coïncident avec les informations selon lesquelles les immigrants et les réfugiés seraient en voie de devenir l’une des deux sous-populations les plus importantes parmi les sans-abri au Canada. Les difficultés rencontrées avec l’attachement au marché du travail, les lacunes qu’accuse le système d’intégration et la discrimination constituent d’importants facteurs pouvant contribuer à l’augmentation du risque d’instabilité des nouveaux arrivants en matière de logement. L’article propose, en guise de conclusion, des pistes de recherche ainsi que certains principes de base, issus des connaissances actuelles, pouvant améliorer les politiques et les programmes. S CITC MICHAEL FARRELL Michael Farrell est analyste de la recherche au Secrétariat national pour les sans-abri et possède de l’expérience dans l’élaboration de politiques sociales en matière de droits de la personne. Le Secrétariat, par l’intermédiaire du Programme national de recherches, finance actuellement un certain nombre de projets de recherche axés sur les liens entre le sans-abrisme et les nouveaux arrivants au Canada. i les nouveaux arrivants au Canada contribuent grandement à la diversité sociale, économique et culturelle du pays, les études montrent qu’ils courent un risque accru d’instabilité au chapitre du logement ainsi qu’un risque accru de sans-abrisme. Le sans-abrisme, comme la plupart des questions de justice sociale, est un problème qui doit être abordé par divers secteurs (privé, public, sans but lucratif), et à tous les paliers par l’entremise des ordres des gouvernements fédéral, provinciaux, régionaux, par les organismes communautaires et par la société dans son ensemble. L’approche doit être plurielle puisque les personnes qui sont sans abri, ou qui risquent de le devenir, proviennent de divers milieux et possèdent des caractéristiques différentes. De plus, la voie qui les a menées au sans-abrisme ou qui les en a sorties reflète l’unicité des efforts que déploient ces individus à gérer les transitions dans leur vie et à lutter contre les injustices systémiques. Les nouvelles recherches commencent à fournir des renseignements sur les facteurs de risque, sur certaines des voies potentielles menant au sans-abrisme, ainsi que sur les principes qui devraient sous-tendre une réforme des politiques. Les résultats du Recensement de 2001 révèlent que le pourcentage de personnes nées à l’étranger et vivant au Canada actuellement est plus élevé qu’au cours des 70 dernières années. Toutefois, depuis quelques années, il semble que les nouveaux arrivants éprouvent davantage de difficultés à s’intégrer avec succès à la société canadienne. Des rapports ont indiqué que le bien-être économique des nouveaux immigrants au Canada se détériorait et qu’ils risquaient davantage de devenir sans abri. • Entre 1980 et 2000, le taux de faible revenu chez les nouveaux immigrants a augmenté, passant de 24,6 % à 35,8 %, alors qu’il a diminué chez les Canadiens, passant de 17,2 % à 14,3 %. Moins de la moitié de l’augmentation du taux de faible revenu peut être attribuable aux caractéristiques changeantes des immigrants1. • Entre 1980 et 2000, l’écart entre les gains des nouveaux immigrants de sexe masculin et ceux de leurs homologues nés au Canada a plus que doublé, et cet écart entre les nouvelles immigrantes et leurs homologues nées au Canada s’est aussi accentué2. • Entre 1984 et 1999, les nouveaux immigrants sont devenus plus vulnérables aux pertes de revenu et aux dépenses imprévues3. • Entre 1981 et 2001, le taux d’accession à la propriété chez les immigrants a diminué de façon constante, alors qu’il a augmenté de façon constante chez les Canadiens. • En 2001, dans les régions métropolitaines de recensement, où plus de 90 % des nouveaux immigrants s’établissent, les nouveaux immigrants locataires couraient presque 40 % plus de chances d’éprouver des « besoins impérieux de logement4 » que les non-immigrants locataires5. Le principal obstacle auquel se heurtent les ménages ayant un besoin de logement est le logement à prix abordable. • Bien qu’aucune donnée nationale ne soit disponible quant au nombre de nouveaux arrivants sans-abri, des études menées à Toronto et à Ottawa révèlent que les immigrants et les réfugiés représentent entre 13 % et 14 % de la population des sans-abri qui fréquentent les refuges dans ces villes. 132 arrivants ont tendance à retirer moins d’avantages des En général, le risque de sans-abrisme augmente en périodes de croissance économique rapide. Ce phénomène présence de certains facteurs (p. ex., chômage, migration peut être attribuable à un certain nombre d’obstacles économique, rupture de mariage, décès d’un membre de la particuliers pouvant nuire à l’intégration des nouveaux famille, apparition d’une maladie physique ou mentale arrivants sur le marché du travail, notamment : invalidante, violence familiale) empêchant les personnes ou • le manque de réseaux bien établis de personnesles familles de maintenir leur statut socioéconomique. En ressources ; d’autres mots, ces facteurs de risque ont une incidence sur la • le fait que leur expérience de travail au Canada soit capacité des personnes ou des familles à générer limitée et que les employeurs canadiens accordent en un revenu suffisant pour pouvoir s’offrir un logement général moins de valeur à leur expérience de travail adéquat. De plus, le risque de sans-abrisme augmente acquise à l’étranger ; lorsque ces facteurs de risque sont combinés aux pénuries de • le fait que certains d’entre eux possèdent des connaislogements convenables ou de services de soutien adéquats. sances limitées des langues officielles du Canada ; Chez les nouveaux arrivants, les défis associés à • le fait que leurs certificats d’études l’adaptation à un milieu politique, écoet leur accréditation professionnelle ne nomique, social et culturel différent soient pas reconnus à leur juste valeur ; peuvent entraîner l’apparition d’autres Des recherches • bien qu’il soit difficile de quantifier facteurs de risque. De plus, certains ont démontré et d’évaluer la discrimination et ses groupes de nouveaux arrivants, qui ne répercussions, les recherches démonsont peut-être pas représentés en grand que les problèmes trent que ce facteur joue un rôle dans nombre, sont d’autant plus vulnérables associés à l’égalité l’accès au marché du travail et la réussite du fait que leur sécurité est menacée ; il des nouveaux arrivants sur le marché s’agit notamment des groupes suivants : des chances sur le du travail. • les demandeurs d’asile, notamment marché du travail, ceux qui n’ont pas de permis de aux lacunes dans travail ; Comme ils ont des difficultés à • les femmes, parfois avec enfants, qui s’intégrer au marché du travail, les le processus sont victimes de violence familiale ; nouveaux arrivants connaissent une d’établissement et • les immigrants parrainés, parfois baisse de leur revenu et une détérioles parents d’enfants immigrés, qui ration de leurs conditions de travail, à la discrimination sont victimes d’abus. puisqu’ils sont plus susceptibles contribuent à d’accepter des emplois « non standards » offrant moins de sécurité économique et Les voies particulières menant au fragiliser la situation une moins bonne protection en vertu de sans-abrisme, après l’arrivée au Canada, des nouveaux la législation en matière de normes varient en fonction de la situation d’emploi. Les nouveaux immigrants, personnelle de chacun (y compris arrivants au hommes et femmes, qui travaillent à la catégorie officielle – ou l’étiquette – Canada en matière plein temps ont des gains beaucoup plus d’immigrant ou de réfugié). Cependant, faibles que ceux de leurs homologues des recherches ont démontré que de logement. canadiens. Cet écart se creuse encore les problèmes associés à l’égalité des davantage avec l’augmentation du chances sur le marché du travail, aux niveau de scolarité. lacunes du processus d’établissement et à la discriminaAuparavant, l’écart entre les gains initiaux des tion contribuent à fragiliser la situation des nouveaux nouveaux arrivants et ceux des Canadiens diminuait au fur arrivants au Canada en matière de logement. et à mesure que les nouveaux arrivants s’adaptaient aux normes sociales et culturelles du Canada. Toutefois, l’écart Marché du travail actuel entre les gains des nouveaux immigrants et des L’emploi constitue un facteur important facilitant réfugiés et ceux des Canadiens est si important que ce l’établissement et l’intégration des nouveaux arrivants dans phénomène soulève de sérieuses questions au sujet de la leur pays d’accueil. Les études portant sur la situation capacité des nouveaux arrivants actuels à rattraper leurs d’emploi des nouveaux arrivants ont révélé que les nouhomologues Canadiens dans un délai raisonnable. veaux arrivants actuels éprouvent davantage de difficultés Au cours des 20 dernières années, le revenu total que ceux qui sont arrivés précédemment – ou que les moyen des nouveaux immigrants a diminué de façon Canadiens – à entrer sur le marché du travail et à trouver constante par rapport à celui des Canadiens. Le manque un emploi correspondant à leur niveau de compétence, de possibilités de réaliser des gains plus élevés a mené à de scolarité et d’expérience. Les demandeurs d’asile sont une augmentation du taux de faible revenu chez les peut-être plus à risque en raison des retards signalés dans nouveaux arrivants. En effet, le taux de pauvreté de l’attribution de permis de travail. ce groupe est deux fois supérieur à celui des familles En général, l’accès à l’emploi est déterminé par un canadiennes. Parmi certains groupes d’immigrants, tels certain nombre de facteurs microéconomiques et macroque les Latino-Américains, les Africains, les Arabes et les économiques comportant des composantes structurelles immigrants des Caraïbes et de l’Asie occidentale, le taux et cycliques. Des études ont démontré que malgré la de faible revenu est environ trois fois plus élevé. présence de cycles économiques favorables, les nouveaux 133 CITC L’augmentation du niveau de pauvreté des nouveaux faire leur entrée sur le marché du travail, ce qui vient arrivants entraîne des répercussions importantes au palier confirmer les résultats d’autres études signalant des promunicipal, notamment dans les grandes villes, puisque plus blèmes sur le plan de l’intégration au marché du travail. de 70 % des nouveaux arrivants vont s’établir à Vancouver, De plus, 76 % des nouveaux immigrants ont dû se Toronto et Montréal. L’augmentation du taux de faible chercher un logement adéquat après leur arrivée (les revenu dans les trois grandes villes canadiennes en imporautres étant satisfaits du logement qu’ils avaient à leur tance découle en grande partie de l’augmentation du niveau arrivée) et de ce nombre, 38 % ont eu de la difficulté à en de pauvreté des nouveaux arrivants. obtenir un. Les prix élevés ou les difficultés financières, Compte tenu de la pénurie d’emplois et des faibles suivis de l’absence d’antécédents en matière de crédit, de revenus, les nouveaux arrivants dépendent davantage des garants ou de cosignataires, sont les raisons ayant été programmes de soutien du revenu pour subvenir à leurs invoquées le plus souvent pour expliquer ce problème. besoins. Le pourcentage de ménages recevant des paieEn effet, 42 % des ménages de nouveaux immigrants ments de transfert du gouvernement est plus élevé chez éprouvent des besoins impérieux de logement, comparaceux dont le chef est un nouvel immitivement à 17 % chez les ménages grant en âge de travailler que chez ceux canadiens8. Les difficultés observées dont le chef est un Canadien. De plus, le en ce qui a trait à l’intégration au Les services montant des transferts par ménagemarché du travail et à l’acquisition d’un généraux de bénéficiaire est plus élevé chez les logement adéquat ont mené à un soutien au ménages dont le chef est un nouvel certain nombre de demandes afin que immigrant que chez ceux dont le chef soient apportés des changements au logement ainsi est un Canadien. système d’établissement canadien dans que les services Le faible succès sur le marché du la deuxième étape du cadre précédent. travail et les faibles revenus qui s’y Il est plus difficile aujourd’hui pour de santé et les rattachent entraînent une augmentation les nouveaux immigrants et les réfugiés services sociaux, du risque d’instabilité en matière de que dans le passé et le système d’établislogement chez les nouveaux arrivants. sement n’est peut-être pas en mesure de qui n’ont pas Le système des services d’établissement leur fournir l’aide à long terme dont ils les ressources comprend un certain nombre de proont besoin à cet égard. Ainsi, les grammes et de services visant à faciliter nouveaux arrivants misent de plus en nécessaires pour l’intégration des nouveaux arrivants et à plus sur les services de soutien généraux, répondre aux réduire ce risque, mais il semble que ce qui ne sont pas conçus pour leur offrir système n’atteint pas ses objectifs. des services répondant à leurs besoins. besoins des Les services généraux de soutien au logeCanadiens, ne ment ainsi que les services de santé et les Établissement sont pas en services sociaux, qui n’ont pas les Une étude menée par Mwarigha6 ressources nécessaires pour répondre indique que le processus d’établissement mesure d’offrir aux besoins des Canadiens, ne sont pas des nouveaux arrivants comporte généaux nouveaux en mesure d’offrir aux nouveaux ralement trois étapes, caractérisées par arrivants les services multilingues, l’évolution de leurs besoins : arrivants les services multiculturels et personnalisés dont ils • première étape : les nouveaux multilingues, ont besoin. Les immigrants et les arrivants cherchent principalement réfugiés se tournent de plus en plus vers à combler leurs besoins immédiats multiculturels et d’autres ressources pour combler ce en nourriture, en vêtement et en personnalisés dont manque de soutien. Sur le plan de logement, à ce qu’on les dirige l’hébergement, ils misent sur des dans leur collectivité et à être ils ont besoin. solutions temporaires, telles que les dirigés vers les services linguislocations de courte durée dans des tiques de base ; maisons de chambres illégales ou peu sûres, ou • deuxième étape : les nouveaux arrivants doivent dans d’autres types de logements non sécuritaires qui accéder aux systèmes et institutions canadiens, font qu’ils comptent parmi les sans-abri « cachés ». notamment le marché du travail, les services Certains nouveaux arrivants alternent entre ces lieux communautaires en matière d’hébergement, les d’hébergement informels et les centres d’hébergement services de santé, l’aide juridique et les cours de pour sans-abri. langue de niveau avancé ; Les divers ordres de gouvernement, les organismes • troisième étape : les nouveaux arrivants cherchent communautaires spécialisés ainsi que les réseaux informels surtout à participer pleinement à la société de famille, d’amis et de communautés d’immigrants se canadienne et à surmonter les obstacles systémiques partagent la responsabilité en ce qui a trait à l’intégration et à une participation égalitaire à la société canadienne. à l’accueil des immigrants. Pour améliorer la qualité du soutien offert, il faudra améliorer la coordination D’après les données provenant de l’Étude longituet l’intégration des efforts de ces intervenants. Toutefois, dinale auprès des immigrants du Canada7, environ 70 % des au-delà de l’étendue et de la qualité des services, d’autres nouveaux immigrants ont éprouvé certaines difficultés à 134 comparativement à ceux qui sont arrivés dans les décennies antérieures. Ces nouveaux arrivants ont tendance à déclarer des niveaux plus élevés de discrimination perçue. Bien que la validité de la discrimination perçue en tant que mesure objective de la marginalisation soit parfois remise en question, il n’en demeure pas moins que cette Discrimination discrimination trahit la difficulté qu’a le Canada à créer Bien que la population de sans-abri au Canada soit un environnement où les nouveaux arrivants se sentent très diversifiée, l’un des facteurs communs que l’on en sécurité. En ce qui a trait aux résultats en matière de retrouve chez les personnes qui deviennent sans-abri est la logement, au moins une étude9 révèle que la discrimiprésence de caractéristiques qui augmentent le risque d’instabilité en matière de logement. nation peut mener à : Pour comprendre le lien entre le sans• une recherche de logement plus La discrimination a abrisme et la diversité au Canada, il faut longue ; analyser la façon dont les différentes • un logement plus coûteux ; des répercussions dimensions de la marginalisation et de • l’occupation d’un logement inadétant chez les la diversité de la population affectent quat dans un quartier moins recherché Canadiens que l’ampleur, les caractéristiques et les de la communauté ; causes du sans-abrisme. Ces dimen• un niveau d’instruction inférieur aux chez les nouveaux sions comprennent notamment le normes ; arrivants, mais les statut de citoyenneté, la race, l’origine • des perspectives d’emploi réduites et nationale ou ethnique, l’âge, le sexe, la moins attrayantes ; et nouveaux arrivants situation familiale, l’état matrimonial, • un accès réduit à un vaste éventail de sont encore plus la langue maternelle et la compétence services, notamment en matière de santé linguistique, l’éducation, la présence ou et de transport. vulnérables à l’absence d’un casier judiciaire, le statut l’instabilité en socio-économique, l’état de santé (p. ex., Bien entendu, la discrimination – personnes atteintes du VIH/SIDA ou tout comme les difficultés liées au matière de de maladie mentale), la déficience et marché du travail et la pénurie en logement en l’orientation sexuelle. services de santé et services sociaux – La discrimination fondée sur l’un sont des problèmes auxquels sont conraison de l’accumude ces motifs crée des obstacles systéfrontés tant les Canadiens que les noulation des facteurs miques formels et informels limitant veaux arrivants. Or, le système des de risque. Les l’accès aux programmes et services, ce services d’établissement et le système de qui mène à une augmentation du risque soutien au logement ne peuvent à eux nouveaux arrivants de sans-abrisme chez les membres de ces seuls résoudre ces problèmes ; il faut la qui sont arrivés au groupes. Ces derniers se heurtent à ces participation et la collaboration de tous obstacles, entre autres endroits, dans des les secteurs et ordres de gouvernement cours des années institutions comme les hôpitaux et les pour y parvenir. 1990 sont plus cliniques, les établissements de formation et d’enseignement, les institutions Coordination, lacunes au chapitre susceptibles d’avoir financières, le système judiciaire et les de la recherche et répercussions été visiblement services de ressources humaines des sur les politiques employeurs éventuels. Ils peuvent aussi On reconnaît de plus en plus que différents de la s’y heurter dans le cadre de certaines les nouveaux arrivants sont davantage population essenpratiques, telles que les procédures de à risque sur le plan de l’instabilité en demande d’emploi et les demandes ou matière de logement, mais les intertiellement blanche appels en matière de logement locatif ou venants, tant à l’échelle nationale que au Canada, de soutien du revenu. Les attitudes des communautaire, sont souvent contraints comparativement prestateurs des services de soutien et la d’agir uniquement dans leurs propres façon dont les plaintes de discriminasecteurs de responsabilité. Toute situaà ceux qui sont tion sont traitées sont également autant tion sur laquelle influe une gamme de arrivés dans les d’obstacles qu’ils doivent affronter. facteurs est certes difficile à résouLa discrimination a des réperdre, mais non impossible. Songeons, décennies cussions tant chez les Canadiens que par exemple, à la construction d’une antérieures. chez les nouveaux arrivants, mais ces maison. Ainsi, si tous les gens de métier derniers sont encore plus vulnérables (p. ex., plombier, couvreur, briqueteur, à l’instabilité en matière de logement en raison de électricien) font leur travail sans le coordonner avec celui l’accumulation des facteurs de risque. Les nouveaux des autres, il en résultera un amas d’éléments distincts, arrivants qui sont arrivés au cours des années 1990 comme la tuyauterie, la couverture, les briques et les fils, sont plus susceptibles d’avoir été visiblement différents de mais pas une maison. Dans le même ordre d’idées, si les la population essentiellement blanche au Canada, divers intervenants n’apportent des améliorations que questions systémiques demeurent et créent des obstacles empêchant les nouveaux arrivants de s’intégrer pleinement à la société canadienne. La discrimination est d’ailleurs l’un de ces principaux obstacles. 135 Ces « principes » ne correspondent peut-être pas aux propositions d’action concrètes que plusieurs recherchent, mais ces thèmes (meilleure coordination, possibilités de participation significative, élimination des obstacles à l’accès et possibilité d’occuper de bons emplois offrant un salaire suffisant) reviennent constamment dans le cadre des projets de recherche et des consultations publiques. Ces principes de base représentent peut-être la clé qui nous permettra de répondre avec succès aux besoins des nouveaux arrivants et de réduire le risque qu’ils ne deviennent sans-abri. dans leur propre secteur de responsabilité, les questions de justice sociale au Canada, qu’elles soient liées à l’établissement et à l’intégration des nouveaux arrivants ou qu’elle permette de réduire le sans-abrisme, ne peuvent être résolues adéquatement. La nature des questions sociales complexes exige que tous les intervenants planifient et coordonnent leurs activités, afin d’établir une infrastructure sociale solide offrant une sécurité à toutes les personnes vivant au Canada, à court et à long terme. Quant aux lacunes au chapitre de la recherche, nos connaissances de l’ampleur, des caractéristiques et des causes du sans-abrisme chez les diverses catégories de nouveaux arrivants au Canada (c’est-à-dire les immigrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés parrainés par le secteur privé et les réfugiés parrainés par le gouvernement) sont encore limitées (voir l’encadré). Des études ont démontré que l’efficacité du processus d’accueil et d’intégration ainsi que des services de soutien connexes peut s’avérer une condition essentielle d’inclusion sociale et donc de réduction du risque de sans-abrisme. Toutefois, nous ne savons pas encore comment les politiques et les programmes gouvernementaux, de même que les services d’aide à l’établissement, influent sur le risque de sans-abrisme que courent les nouveaux immigrants et les réfugiés, ni quelle est la meilleure façon d’enrayer ce problème. La recherche montre également que les abus dans les relations familiales et dans les relations avec les répondants peuvent déstabiliser la situation des nouveaux immigrants et des réfugiés en matière de logement, mais les solutions les plus efficaces pour régler ces problèmes ne sont pas encore au point. La recherche révèle également que les modèles d’établissement des nouveaux immigrants et des réfugiés peuvent être complexes et dynamiques et qu’ils aboutissent parfois à un établissement à l’extérieur des grands centres urbains ou précédé de plusieurs déplacements à l’intérieur et à l’extérieur d’une province. On connaît peu de choses concernant l’impact de ces dynamiques sur le risque de devenir sans abri et sur l’accès aux services. En ce qui a trait aux politiques, nous en savons suffisamment pour établir certains principes de base concernant l’approche à adopter : • l’élaboration des politiques et des programmes ainsi que la prestation des services doivent se faire de façon exhaustive et concertée entre tous les intervenants ; • les nouveaux arrivants doivent avoir la possibilité et le pouvoir d’influencer l’élaboration des politiques et des programmes ainsi que la prestation des services ; • l’ordre de priorité des initiatives visant à lutter contre la discrimination et à promouvoir l’équité doit être établi, et l’intégration de ces initiatives dans le cadre de l’élaboration des politiques et des programmes ainsi que de la prestation des services doit être assuré ; et • bien que certaines théories sur le comportement du marché laissent entendre que le marché du travail est plus efficace lorsqu’il y a moins d’interventions réglementaires, il arrive souvent que l’équilibre du marché du travail ne produise pas de résultats économiques et sociaux optimaux et qu’une intervention soit nécessaire. CITC Notes 136 1 PICOT, Garnett et Feng HOU. La hausse du taux de faible revenu chez les immigrants au Canada, Statistique Canada, Direction des études analytiques, Documents de recherche, no 198, no 11F0019 au catalogue, Ottawa, 2003. 2 FRENETTE, Marc et René MORISSETTE. Convergeront-ils un jour ? Les gains des travailleurs immigrants et de ceux nés au Canada au cours des deux dernières décennies, Statistique Canada, Direction des études analytiques, Documents de recherche, no 215, no 11F0019MIF au catalogue, Ottawa, 2003. 3 MORISSETTE, René. « Précarité financière des familles », L’emploi et le revenu en perspective, Statistique Canada, no 75-001-XIF au catalogue, vol. 3, no 7, juillet 2002. 4 Selon la Société canadienne d’hypothèques et de logement, « On dit d’un ménage qu’il (…) éprouve des besoins impérieux si 30 % de son revenu serait insuffisant pour payer le loyer médian des logements répondant aux trois critères ». 5 ENGELAND, John, Roger LEWIS, Steven EHRLICH (Société canadienne d’hypothèques et de logement) et Janet CHE (Statistique Canada), Évolution des conditions de logement dans les régions métropolitaines de recensement au Canada, 1991-2001, Tendances et conditions dans les régions métropolitaines de recensement no 005, Statistique Canada, no 89-613 au catalogue, Ottawa, 2005. 6 MWARIGHA, M.S. Towards a Framework for Local Responsibility : Taking action to end the current limbo in immigrant settlement-Toronto, commandé par la Maytree Foundation, janvier 2002. 7 CHUI, Tina, 2003. Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada : le processus, les progrès et les perspectives, Statistique Canada, no 89-611XIF au catalogue, Ottawa, 2003. 8 SOCIÉTÉ CANADIENNE D’HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT. Études spéciales sur les données du recensement de 1996 : conditions de logement des immigrants de la région métropolitaine de recensement de Toronto, Série socioéconomique no 55-12, Ottawa, octobre 2003. 9 DION, Kenneth L. « Immigrants’ Perceptions of Housing Discrimination in Toronto : The Housing New Canadians Project », Journal of Social Issues, vol. 57, no 3 (2001), p. 523-539. PANEL SUR LE SANS-ABRISME Analyse des données secondaires concernant les réponses données par les participants dont le pays d’origine n’est pas le Canada RÉSUMÉ Ce texte est extrait d’un rapport rédigé pour le Secrétariat national pour les sans-abri, intitulé The Panel Study on Homelessness: Secondary Data Analysis of Responses of Study Participants Whose Country of Origin is not Canada. Le Panel sur le sans-abrisme y présente les caractéristiques de différentes personnes sans domicile fixe à Ottawa au moment de la réalisation de son étude. Les auteurs terminent en faisant ressortir l’urgence de créer des logements permanents sécuritaires et abordables dans le cadre de la revitalisation du secteur de l’habitation sociale. Principales observations et conclusions Je ne parle pas anglais. En raison des prix du marché, je n’ai pas les moyens de louer un logement. Je n’ai pas d’emploi et je ne peux pas en trouver parce que je ne parle pas anglais. – Femme adulte dans une famille, âgée entre 30 et 39 ans Je n’aime pas ma vie parce que je suis seule au Canada. Toute ma famille est au Rwanda. Il m’est très difficile de trouver un emploi parce que je ne peux pas parler anglais. Les loyers sont très chers. L’aide sociale, ce n’est rien. J’ai besoin de plus d’argent. – Jeune femme âgée de moins de 20 ans FRAN KLODAWSKY Carleton University TIM AUBRY Université d’Ottawa La raison pour laquelle je suis ici, c’est que je ne pouvais pas trouver de loyer abordable. De plus, je suis nouveau dans ce pays, ce qui rend ma situation plus difficile. J’ai essayé de me trouver un logement à prix abordable mais je n’en ai pas trouvé. – Homme adulte dans une famille, âgé entre 30 et 39 ans Avant d’avoir mon premier enfant en septembre 2002, j’avais beaucoup de difficulté à trouver un logement abordable. Je partageais un appartement de trois chambres avec une famille de trois, et la vie n’y était pas facile. Il n’y avait pas assez de chambres pour tout le monde. – Femme adulte dans une famille, âgée entre 30 et 39 ans BEHNAM BEHNIA Carleton University CARL NICHOLSON Centre catholique pour immigrants C’est effrayant de n’avoir personne pour vous aider. Ville étrangère, pays étranger. Dans des circonstances particulières, on devrait permettre aux gens de travailler. – Homme adulte, âgé entre 30 et 39 ans. En septembre 2001, je suis allée rendre visite à ma famille et à mon mari à Djibouti. Avant de repartir, mon mari m’a demandé de rester avec lui à Djibouti. J’ai d’abord hésité, mais j’ai décidé de vivre avec lui. Après trois mois, il est devenu violent et je suis revenue au Canada. – Femme adulte dans une famille, âgée entre 20 et 29 ans. Il est difficile de s’en sortir dans une ville où vous ne connaissez personne et où vous êtes fauché – ça va mal. Les refuges sont très utiles – certaines règles et certaines politiques sont inéquitables, mais je peux comprendre parce que des gens utilisent abusivement des services. – Jeune homme âgé entre 20 et 29 ans1. MARTA YOUNG Université d’Ottawa Cette dernière partie du rapport renferme un résumé des principales observations, les conclusions, l’orientation future des recherches ainsi que les recommandations. Résumé des principales observations Caractéristiques de la population Scolarité, langue et emploi Difficultés familiales État physique et mental Utilisation des services sociaux et de santé Besoins les plus pressants 137 Caractéristiques de la population Dans l’ensemble, le groupe des personnes interrogées nées à l’étranger est moins diversifié que celui des personnes interrogées nées au Canada. Soixante-dix-neuf pour cent de toutes les personnes interrogées nées à l’étranger sont des femmes, dans 83 % des réfugiés et 74 % des immigrants. Dans les deux groupes, la majorité était des femmes chefs de famille ayant des enfants. En fait, au moins 53 % du sous-groupe « adultes dans une famille » de l’étude du Panel n’est pas né au Canada. De ce sousgroupe, 87 % sont des femmes. Les personnes interrogées nées à l’étranger étaient également plus susceptibles d’être en âge de travailler que le reste de l’échantillon. Toutefois, on observe deux exceptions dignes de mention – environ le quart des immigrants est âgé de moins de 20 ans, et l’échantillon des réfugiés comportait proportionnellement un plus grand nombre de personnes interrogées âgées de plus de 50 ans que tout autre groupe. Les réfugiés représentent à peine plus de la moitié des personnes interrogées nées à l’étranger et de ce groupe, plus de la moitié sont des femmes ayant des enfants. Alors que la plupart des mères nées à l’étranger ont tout au plus trois enfants vivant avec elles, 39 % des réfugiées ont au moins quatre enfants. Le plus grand nombre d’adultes vivant dans une famille permet d’expliquer pourquoi un plus grand nombre de personnes interrogées nées à l’étranger sont mariées, séparées, divorcées ou veuves que ce n’est le cas pour le reste des personnes interrogées de l’étude du Panel. Ces différences permettent également d’expliquer pourquoi le rapport de la Phase 1 indique que les caractéristiques des adultes dans une famille diffèrent souvent de celles des autres sous-groupes (Aubry et coll. 2003). Les personnes interrogées nées à l’étranger ont plus de chances que celles nées au Canada d’être sans-abri pour des raisons financières. Alors que bon nombre d’entre elles ne se sont retrouvées sans abri qu’une ou deux fois pour une courte période, d’autres ont signalé connaître de multiples phases du sans-abrisme. Le pays d’origine, la date d’arrivée et le statut au Canada sont les caractéristiques qui varient le plus. Les personnes interrogées nées à l’étranger proviennent de quarante différents pays d’origine, avec les pays africains en tête de liste dans le cas des personnes qui sont venues au Canada à titre de réfugiés. Environ le même nombre de personnes est arrivé au Canada au cours des années 1990 et au début du 21e siècle ; toutefois, au moins un tiers des immigrants (mais aucun réfugié) est arrivé avant 1990. Plus du tiers des personnes interrogées sont des citoyens canadiens, ce qui inclut 60 % d’immigrants et 25 % de réfugiés. Quarante pour cent des personnes classées parmi les réfugiés ont toujours le statut de demandeur d’asile. Scolarité, langue et emploi Difficultés familiales Un plus grand nombre de personnes interrogées nées à l’étranger que de personnes interrogées nées au Canada disent être sans-abri parce qu’elles sont en conflit avec un membre de leur famille. Fuir une situation d’abus est également un facteur important pour certains ménages. État physique et mental Comme il a été signalé plus haut, selon une analyse réalisée à l’aide des échelles SF-36, l’état physique et mental des nouveaux arrivants semble être considérablement meilleur que celui des personnes interrogées nées au Canada. D’autres résultats sur le plan de la santé concordent avec ces observations : par exemple, les seuls problèmes de santé chroniques signalés dans une proportion égale dans les deux groupes sont une pression artérielle élevée et des migraines, sans doute causées par le stress lié au fait d’être sans-abri. Utilisation des services sociaux et de santé Dans l’ensemble, les personnes interrogées qui sont des nouveaux arrivants ont moins tendance que les personnes interrogées nées au Canada à utiliser les services de santé et les services sociaux destinés aux personnes marginalisées ou à déclarer que certains de leurs besoins en matière de santé ne sont pas satisfaits. Bien que leur meilleur état physique et mental puisse en partie expliquer cette différence, l’utilisation relativement faible que font les nouveaux arrivants de certains services sociaux exige certainement une enquête plus approfondie, étant donné les difficultés d’intégration auxquelles ils sont confrontés. Besoins les plus pressants Les personnes interrogées nées à l’étranger sont assez différentes des autres personnes interrogées par le Panel. Elles expliquent leur sans-abrisme en évoquant une série d’obstacles extérieurs, tels que le nombre insuffisant de logements abordables, leur incapacité à se trouver un emploi, ou les services de garde d’enfants inappropriés. Le groupe des personnes nées au Canada, dans l’ensemble, paraît plus vulnérable sur le plan de la santé, de la scolarité et des problèmes liés à la toxicomanie. CITC Les personnes interrogées nées à l’étranger sont plus scolarisées que celles nées au Canada, un nombre important d’entre elles ayant obtenu un diplôme d’études supérieures. Les réfugiés sont légèrement plus susceptibles d’avoir un niveau inférieur de scolarité ou d’avoir interrompu leurs études ; toutefois, au moment des entrevues de la Phase 1, ils étaient également plus nombreux que tout autre groupe à suivre des cours. La plupart des immigrants et des réfugiés ont dit écrire et parler l’anglais couramment. Enfin, une minorité de personnes interrogées nées à l’étranger ne maîtrisaient ni l’une ni l’autre des langues officielles. La majorité des personnes interrogées qui sont de nouveaux arrivants ne touchent aucune rémunération bien qu’elles soient légèrement plus susceptibles de travailler que celles du groupe correspondant nées au Canada. Parmi les groupes appariés, environ le tiers des personnes interrogées nées à l’étranger et de celles nées au Canada a dit être à la recherche d’un emploi ; cette observation est légèrement moins valable pour les réfugiés que pour les immigrants. 138 [traduction] La difficulté de communiquer en anglais et les problèmes de communication interculturelle désavantagent les femmes dans leurs rapports avec les représentants du gouvernement, les enseignants et les propriétaires. Des problèmes comme le chômage et la préoccupation constante du bien-être de leur famille sont d’autres facteurs importants. Plus de la moitié des femmes sont des chefs de famille monoparentale et assument seules les responsabilités liées au budget familial et à la prise de décision, peut-être pour la première fois de leur vie. Une femme a déclaré que plusieurs Somaliennes se sentaient dévalorisées surtout parce qu’elles ne pouvaient pas subvenir adéquatement aux besoins de leur famille. Mais leur manque de maîtrise de l’anglais, l’accès restreint à l’enseignement supérieur et le peu d’emplois disponibles [parce qu’elles n’ont pas les documents requis, elles ont très peu accès aux programmes d’études et aux emplois, pendant jusqu’à cinq ans] font qu’il est difficile pour ces femmes de décrocher un emploi et d’intégrer la sphère économique (1999, p. 19-20). Conclusions et orientation future des recherches Il convient de commencer cette partie du rapport par un rappel : le Panel sur le sans-abrisme avait principalement pour objectif d’étudier les caractéristiques des différentes personnes sans-abri à Ottawa au moment de la réalisation de son étude. Afin d’atteindre cet objectif, la stratégie d’échantillonnage du Panel a été conçue de façon à constituer un échantillon représentatif à partir de chacun des cinq sous-groupes de sans-abri (hommes adultes, femmes adultes, jeunes hommes, jeunes femmes et adultes dans une famille). Par conséquent, différents critères ont été utilisés pour chaque sous-groupe, sur la base des données démographiques disponibles et des informations fournies. La citoyenneté a servi de critère de stratification dans seulement deux des cinq sous-groupes – les femmes célibataires et les adultes dans une famille. La raison pour laquelle ce critère n’a pas été retenu pour les trois autres sous-groupes (c’està-dire les hommes célibataires, les jeunes hommes, les jeunes femmes) est que les refuges desservant ces personnes ne disposent pas d’information sur la citoyenneté. Il importe de comprendre que cette stratégie a sans doute été un facteur qui a fait en sorte que la majorité des personnes interrogées dans ces deux groupes soient des femmes nées à l’étranger. Il ne faut pas perdre de vue non plus que les données disponibles et les informateurs principaux lui ont certainement ajouté foi. Il importera pour les recherches futures de déterminer la répartition des personnes nées à l’étranger dans tous les sous-groupes de la population sans abri. Les données recueillies par le Système d’information sur les personnes et les familles sans abri, qui est utilisé dans de nombreux refuges, dont ceux d’Ottawa, permettront peut-être de répondre à cette question. Malgré tout, il appert qu’un grand nombre de sans-abri nés à l’étranger vivant à Ottawa sont des femmes et surtout des réfugiées ayant des enfants. La répartition de ces personnes cadre mal avec le profil global des nouveaux arrivants par sexe et citoyenneté – en 1996, 52 % des nouveaux arrivants d’Ottawa étaient des femmes et 23 % des réfugiés (CIC, 2000, p. x). Néanmoins, les analystes des questions d’établissement doivent également tenir compte d’autres groupes de nouveaux arrivants, surtout en raison du nombre important d’immigrants sans abri qui sont arrivés au Canada avant 1990 mais aussi parce que l’on compte un nombre beaucoup plus grand de femmes parmi les nouveaux arrivants qui sont sans abri que parmi ceux qui ont un endroit où loger. La deuxième question est d’ordre financier. Étant donné qu’un si grand nombre de nouveaux arrivants sont sans-abri surtout parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer le loyer, il est clair que l’augmentation du nombre de logements sûrs, convenables et abordables et la diminution des obstacles à l’obtention d’un emploi décent contribueraient à réduire le risque d’itinérance. En ce qui concerne les logements, on doit également accorder une importance particulière aux critères de conception pour qu’ils répondent aux besoins des familles élargies et des familles comportant des personnes appartenant à différentes générations. Plusieurs nouveaux arrivants trouvent de tels modes d’habitation plus attrayants et familiers que le mode d’habitation type de la famille nucléaire. Malheureusement, il existe très peu de possibilités detrouver un logement abordable pour une famille de plusieurs générations sur le marché des logements locatifs abordables. Il est nécessaire de réaliser d’autres travaux de recherche pour évaluer la mesure dans laquelle les conflits familiaux causés par la non-concordance entre les modes d’habitation et la conception des logements entraînent le sans-abrisme de personnes appartenant à des ménages de nouveaux arrivants. La troisième question qui doit être étudiée concerne l’accessibilité et la convenabilité des services sociaux et de santé offerts aux nouveaux arrivants. Le meilleur état Étant donné leur caractère distinctif, trois questions ressortent lorsqu’on examine les conséquences de nos observations pour les politiques et les programmes. La première concerne les services d’établissement aux réfugiés. Comme il avait été signalé dans le séminaire intitulé Refugee Homelessness Prevention qui s’est tenu en 2001, « les demandeurs d’asile risquent tout particulièrement de se retrouver sans abri » (Murdie, 2001). Clairement, à Ottawa, on trouve une concentration de femmes réfugiées ayant des enfants, qui sont confrontées à un ensemble complexe de difficultés liées à la rapidité avec laquelle leur demande d’asile pourra être traitée, à leur profil scolaire et linguistique qui les défavorise et au fait qu’elles sont responsables d’un grand nombre d’enfants. Il est urgent d’examiner leurs différents problèmes liés à l’établissement dans une approche holistique et globale. Les observations d’Israelite et coll. portant sur la situation à Toronto peuvent également s’appliquer à la situation vécue à Ottawa : 139 CITC programmes touchant les besoins des nouveaux arrivants physique et mental des nouveaux arrivants laisse qui sont sans-abri ou qui risquent de le devenir. penser que leurs besoins sont assez différents de ceux des personnes interrogées nées au Canada. Toutefois, il est probable que la plupart des services offerts aux sans-abri Recommandations ou aux personnes qui risquent de le devenir sont élaborés Très brièvement, nous dégageons les conséquences en fonction des besoins des sans-abri nés au Canada, pour les politiques et les programmes dans quatre qui sont plus nombreux. Il se peut que le taux inférieur domaines. Premièrement, il est urgent que tous les paliers d’utilisation des services de santé des nouveaux arrivants de gouvernement s’investissent puisque a) les causes s’explique par leur meilleur état de santé, mais il est du sans-abrisme sont complexes, faisant intervenir de possible également que l’explication réside dans la façon nombreuses voies de cheminement ; b) certains sans-abri dont ces services sont promus ou offerts. se déplacent énormément, allant d’un endroit à l’autre D’une part, il n’est pas étonnant que les nouveaux sans se soucier des limites provinciales ou municipales ; arrivants aient un meilleur état physique et mental, c) des politiques et des programmes gouvernementaux compte tenu des critères rigoureux qu’impose le Canada de toutes les compétences jouent peut-être, indirectement, avant d’octroyer le droit de résidence un rôle dans le sans-abrisme de certains permanente. D’autre part, des résultats sans-abri mais peuvent également Un grand nombre similaires pour les réfugiés donnent à être une voie efficace de réparation. de sans-abri nés à penser qu’un autre facteur contribue au Par exemple, il est clair que le gouphénomène, ce qui met en évidence un vernement fédéral joue un rôle très l’étranger vivant à champ qui doit faire l’objet de recherches important dans les politiques d’immiOttawa sont des approfondies. Étant donné les difficultés gration. Pourtant, malgré leur portée importantes liées à l’établissement dans nationale, les incidences de ces polifemmes et surtout un nouveau pays, nous pouvons émettre tiques se font sentir de façon très des réfugiées ayant l’hypothèse que la capacité des personnes inégale d’une ville canadienne à des enfants. La et des familles à réussir au Canada l’autre, mais à certains endroits avec s’explique par le fait qu’elles ont des une acuité exceptionnelle, particurépartition de ces ressources personnelles considérables. lièrement dans les grandes régions personnes cadre Par ailleurs, il est bien possible que métropolitaines (Bourne, 2003). Les de nouveaux arrivants au Canada initiatives en matière d’installation mal avec le profil considèrent le sans-abrisme d’un point que le gouvernement fédéral négocie global des nouveaux de vue différent des personnes et des avec ses partenaires provinciaux et familles nées au Canada, compte tenu municipaux doivent prendre en compte arrivants par sexe de la situation, des risques et des cette inégalité. et citoyenneté – en conditions de vie auxquels ils ont pu Deuxièmement, il est nécessaire être confrontés dans leur pays d’origine. d’élaborer des politiques et des 1996, 52 % des Vu leur expérience différente, il se peut programmes qui visent à résoudre les nouveaux arrivants également qu’ils soient plus optimistes problèmes d’une façon qui soit sélecquant à l’avenir que les personnes et tive mais qui reconnaisse également d’Ottawa étaient les familles nées au Canada. L’importance que différents problèmes précis se des femmes et de la « résilience » chez les nouveaux recouvrent partiellement et, par un jeu 23 % des réfugiés. arrivants, par rapport aux personnes d’interactions complexes, font naître le interrogées nées au Canada, sera un point risque de sans-abrisme. Par exemple, de départ important dans l’examen des résultats de la les conflits familiaux, les violences familiales, la pauvreté Phase 2, compte tenu de la mesure dans laquelle et le stress causés par un logement inapproprié ont soudifférents sous-groupes auront réussi à se trouver un vent été des phénomènes associés (Lenon, 2002). Bien que logement stable, deux ans après l’entrevue initiale. Parmi les ressources visant à accroître le nombre de logements les autres questions devant faire l’objet de recherches abordables offerts (dans le cadre d’activités en matière de approfondies, figurent les suivantes. Dans quelle mesure revenu et d’infrastructure) relèvent clairement de la les seuls facteurs économiques peuvent-ils expliquer le responsabilité conjointe des administrations fédérale et sans-abrisme des immigrants et des réfugiés en comparaison provinciales, ce sont souvent les municipalités et les avec les sous-groupes nés au Canada ? Quel rôle joue organismes sans but lucratif qui en héritent. l’expérience de la monoparentalité dans le sans-abrisme Troisièmement, il est urgent de créer des logements des nouveaux arrivants en comparaison avec les femmes permanents sécuritaires et abordables dans le cadre de la nées au Canada ayant des enfants ? Le fait d’être une revitalisation du secteur de l’habitation sociale. Dans leur personne appartenant à une minorité visible a-t-il une dernier rapport sur les politiques sociales et les politiques incidence néfaste sur les nouveaux arrivants ? Enfin, il est en matière d’habitation, Carter et Polevychok (2004) ont important de comprendre les rôles des ministères des affirmé que : ordres de gouvernement fédéral et provinciaux ainsi que des départements des administrations municipales, [traduction] Avant tout, on peut affirmer que qui sont quelque peu différents mais qui se chevauchent les logements sociaux n’existent pas en nombre certainement, dans l’élaboration des politiques et des suffisant. Le portefeuille est trop peu important 140 pour permettre de loger efficacement les nombreuses personnes qui sont mal logées et trop peu important pour financer efficacement les autres initiatives en matière de politiques sociales. […] [P]roportionnellement le Canada possède l’un des portefeuilles les moins importants en matière d’habitation sociale parmi les pays développés. […] [L]’importance du portefeuille ne permet aucune « équité horizontale » pour les nombreuses personnes devant faire face à des problèmes de logement. Les personnes qui peuvent avoir accès à un logement social (généralement après une longue attente) sont dans une situation beaucoup plus avantageuse que celles qui trouvent un logement sur le marché privé (2004, p. 35). Références AUBRY, Tim, Fran KLODAWSKY, Elizabeth HAY et Sarah BIRNIE. Panel Study on Persons Who Are Homeless in Ottawa: Phase 1 Results, Ottawa, Centre de recherche sur les services communautaires, 2003. BOURNE, L. S. et J. SIMMONS. « New fault lines: recent trends in the Canadian urban system and their implications for planning and public policy », Canadian Journal of Urban Research, vol. 12, no 1 (2003), Supplément : 2247. CARTER, Tom et Chesya POLEVYCHOK. Housing Is Good Social Policy, Ottawa, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, Research Report F/50 Family Network, décembre 2004. CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA. Profil comparatif des nouveaux immigrants de la région métropolitaine d’Ottawa : d’après le recensement de 1996, Ottawa, Recherche et examen stratégiques, Citoyenneté et Immigration Canada, 2000. ISRAELITE, N. K., HERMAN, F. A. ALIM, H. A. MOHAMED et Y. KHAN. Settlement Experiences of Somali Refugee Women in Toronto, 7th International Congress of Somali Studies, Toronto, York University, 10 juillet 1999. Enfin, il est nécessaire que les administrations fédérale et provinciales affectent instamment des fonds à l’amélioration des services sociaux et de santé qui répondent aux besoins particuliers des nouveaux arrivants. C’est avec beaucoup de difficulté que les responsables des services offerts à l’ensemble de la population répondent également aux besoins changeants de leur clientèle, coincés qu’ils sont entre des budgets provinciaux et municipaux en diminution et une charge de travail de plus en plus importante. Il est certainement nécessaire que les ordres supérieurs des gouvernements accordent une attention plus grande au problème en question. LENON, Suzanne. « Living on the Edge: Women, Poverty and Homelessness in Canada », dans Katherine M. J. McKenna et June Larkin (éds.), Violence Against Women: New Canadian Perspectives, Toronto, Inanna Publications and Education Inc, 2002, p. 403-408. Note 1 141 Certaines réponses à la question posée au début de la Phase 1 de l’entrevue : « Avant de commencer à vous interroger, nous avons cru bon de vous donner l’occasion de dire d’abord ce que vous pensez du problème des sans-abri et quelles mesures pourraient être prises pour les aider. Y a-t-il une chose précise au sujet de votre situation que vous aimeriez nous dire? Ne vous en faites pas si rien ne vous vient à l’esprit tout de suite. Je reposerai cette question à la fin de l’entrevue. » (Panel sur le sans-abrisme, questionnaire de la Phase 1, 2 octobre 2002). MÉNAGES IMMIGRANTS ET SANS-ABRISME RÉSUMÉ Les données sur le nombre de personnes et de familles sans-abri au Canada sont difficiles à obtenir et on ne connaît pas les chiffres exacts. Le sans-abri absolu représente seulement une partie des personnes et des ménages sans-abri. Des définitions plus générales du sans-abrisme comprennent les sans-abri cachés ou les personnes qui ont un besoin impérieux de logement. Il est également difficile de dénombrer ces personnes car plusieurs sont en mesure de dénicher un logement temporaire ou sont hébergées par des amis et des membres de la famille, ce qui fait qu’elles échappent aux yeux du public. Le sans-abrisme absolu constitue le meilleur exemple de l’échec des politiques de logement actuelles et des stratégies du marché à fournir un logement adéquat et abordable à tous les citoyens, mais les politiques de logement doivent également tenir compte du sans-abri caché. Les nouveaux immigrants sont surreprésentés parmi les sans-abri cachés et leur situation semble s’aggraver en raison des revenus à la baisse et de la discrimination. Un logement adéquat est important pour un développement sain et il faut prendre des mesures pour aplanir les désavantages structurels auxquels les nouveaux immigrants sont de plus en plus confrontés. L CITC RICK ENNS, PH.D., TSI M. Enns est professeur adjoint à la Faculté de travail social (Edmonton and Access Divisions), University of Calgary, et adjoint à la recherche du Centre d’excellence des Prairies pour la recherche en immigration et en intégration. es données sur l’ampleur du sans-abrisme au Canada proviennent souvent de l’analyse du nombre de personnes qui se rendent dans les centres d’hébergement pour sans-abri au cours d’une année ou une journée donnée, alors que des profils instantanés sont réalisés. Dans un rapport présenté au Conseil municipal de Toronto en juin 1998, on estimait que 28 000 personnes différentes s’étaient rendues au centre d’hébergement d’urgence de Toronto au cours de l’année précédente (cité dans Hulchanski, 1998). En 2002, ce nombre a grimpé à 31 985, dont 4 779 étaient des enfants (Mayor’s Homelessness Action Task Force, 2003). La Ville de Calgary a procédé à un recensement semestriel des sans-abri depuis 1992. On a dénombré 2 597 sans-abri en 2004, soit une augmentation de 23 % par rapport à deux ans plus tôt, laquelle faisait suite à des augmentations de 30 % dans les années 1990 (Fédération canadienne des municipalités, 2004). D’après un bulletin publié récemment sur le sans-abrisme à Ottawa, 8 664 personnes se sont rendues dans les centres d’hébergement en 2004 (Alliance pour mettre fin au sans-abrisme, 2005). D’après le profil du 15 mai 2001, 14 145 personnes se trouvaient dans les centres d’hébergement pour sans-abri partout au Canada (Statistique Canada, 2005) et en juin 2003, la municipalité régionale d’Halifax a dénombré 234 sans-abri (Fédération canadienne des municipalités, 2004). Malgré qu’il soit difficile de mettre la main sur des chiffres définitifs à l’échelle nationale, les gens sont de plus en plus sensibilisés au problème du sans-abrisme au Canada. Le sans-abrisme fait partie d’un continuum qui comprend le sans-abri visible ou absolu à une extrémité et le sans-abri caché à l’autre. Les personnes qui ont besoin d’un logement mais qui choisissent de ne pas se rendre dans les centres d’hébergement d’urgence, et celles à qui on refuse l’accès aux centres ou qui en sont exclues pour diverses raisons peuvent être considérées comme des sans-abri cachés. En outre, les personnes qui ont besoin d’un logement peuvent recourir à diverses stratégies pour en trouver un, et il se peut qu’elles passent inaperçues si elles réussissent à se trouver un logement, même insalubre, à court terme. Par exemple, elles peuvent chercher à se loger chez des membres de la famille ou des amis, ou chercher refuge dehors ou dans des endroits impropres à l’habitation humaine. D’autres peuvent consacrer une partie disproportionnée de leurs ressources financières au logement et courir le risque d’être évincées, ou résider dans des logements insalubres qui devraient être réparés ou même démolis. Même si elles ne figurent pas dans les données officielles sur le sans-abrisme, ces personnes pourraient être inclues dans les données sur les sansabri visibles si elles se réfugient dans des centres financés par le gouvernement ou un programme donné, si leur stratégie de logement comprend le recours périodique au centre d’hébergement ou si d’autres stratégies ont échoué. Le nombre de sans-abri visibles ou absolus a été utilisé comme mesure indirecte de l’étendue du sans-abrisme au Canada et du succès des stratégies actuelles pour y remédier. Les définitions récentes du sans-abrisme comprennent le sans-abri caché et dressent un portrait plus juste des besoins en matière de logement et de la crise de logement au Canada. Les données sur le sans-abrisme qui tiennent compte des sans-abri visibles ou absolus permettent de mieux évaluer le succès de la politique canadienne en matière de logement. 142 ménages consacrant plus de 50 % de leur revenu avant La majorité des Canadiens vivent dans un logement impôt au paiement du loyer a augmenté de façon convenable et, de tout temps, l’expérience des immigrants dramatique. Les locataires semblaient être particulièrement en matière de logement a été comparable à celle de la vulnérables aux problèmes d’abordabilité du logement population non immigrante sur des périodes de 20 à 25 ans. pendant cette période alors que le nombre de locataires Toutefois, les nouveaux immigrants sont plus susceptibles qui utilisent plus de 50 % de leur revenu pour se loger de figurer parmi les sans-abri cachés que les cohortes a quadruplé. Les locataires ont été incapables d’absorber antérieures d’immigrants, et ils sont moins susceptibles de les coûts de logement exagérément élevés puisqu’ils surmonter leurs difficultés à trouver un logement. étaient surtout des personnes jeunes, moins susceptibles Certains groupes d’immigrants sont aux prises avec des d’avoir économisé une mise de fonds pour pouvoir problèmes de logement encore plus graves. Des obstacles profiter des programmes d’accession à la propriété primaires et secondaires au logement ont été relevés financés par le gouvernement, comme celui introduit ailleurs. Les obstacles primaires sont « des catégories de en 1990, qui s’adresse aux acheteurs d’une première différence socialement construites » qui tirent leur maison et qui exige une mise de fonds origine de la société dominante. Les de 5 %. Moore et Skaburskis ont conclu niveaux de revenu, les sources de revenu que les problèmes d’abordabilité du et la discrimination sont considérés logement pendant cette période étaient comme des obstacles primaires, tout D’après le profil liés à la baisse du revenu et que les comme le sexe, la culture, la religion du 15 mai 2001, ménages les plus gravement touchés et l’ethnicité. Il est plus facile de surpar ces problèmes étaient ceux au bas monter les obstacles secondaires, qui 14 145 personnes de l’échelle des revenus. comprennent les compétences linguisse trouvaient Moore et Skaburskis (2004) ont fait tiques, la connaissance des systèmes remarquer que la situation est surtout de logement locaux, les besoins en dans les centres critique pour les ménages consacrant matière de logement, l’accès à des d’hébergement plus de 50 % de leur revenu avant impôt garants et la connaissance des instituau paiement du loyer et qui sont sous le tions et cultures locales (Chera, 2004, pour sans-abri seuil de faible revenu1. De 1991 à 1996, le p. 21). L’expérience vécue par les partout au Canada nouveaux immigrants à la recherche nombre de ménages dans cette situation d’un logement sera abordée ci-dessous, a augmenté de 28 %, passant de 6,4 % à (Statistique Canada, du point de vue des niveaux de revenu 8,5 %. Ces ménages ont été aux prises 2005) et en juin 2003, avec des coûts de logement majorés et à la baisse, d’une plus grande pauvreté et de la discrimination sur le marché des revenus à la baisse, particulièrement la municipalité de l’habitation. Ces facteurs sont consientre 1991 et 1996, alors que les gourégionale d’Halifax dérés comme des obstacles primaires à vernements se sont retirés du secteur du a dénombré l’obtention d’un logement de bonne logement social et ont éliminé des qualité et abordable. programmes afin de réduire les coûts et 234 sans-abri les dettes. Le loyer moyen pour les (FCM, 2004). ménages dans cette catégorie a augmenté Besoins impérieux de logement de 3,5 % et les paiements des propriéet revenus à la baisse taires, de 17,4 % pendant cette période, Approximativement 15,8 % de alors que les niveaux de revenu pour ces tous les ménages, ou 1,7 million de mêmes ménages en 1996 ont chuté de 88 % par rapport à ménages, ont un besoin impérieux de logement (Carter et 1991. La baisse des revenus des ménages a été le résultat de Polevychok, 2004). Les besoins impérieux en matière de la marginalisation de la main-d’œuvre et d’une diminulogement surviennent lorsque les personnes sont incation du nombre de programmes de transfert du gouvernepables de trouver un logement adéquat, convenable ou ment. Les transferts du gouvernement à ces ménages ont abordable. Même si le chiffre est moindre qu’au cours chuté de 10 % de 1991 à 1996, alors que les transferts du des dernières années, le nombre total de personnes gouvernement à l’ensemble des ménages ont grimpé de ayant un besoin impérieux de logement est non néglige20 %. La chute des transferts du gouvernement touche able, et les familles monoparentales, les ménages gravement les ménages ayant les revenus les plus bas autochtones, les personnes âgées et les immigrants sont puisqu’ils tirent une grande partie de leur revenu des plus susceptibles de se trouver devant un besoin programmes de transfert du gouvernement. Les ménages impérieux de logement. composés de jeunes adultes, de personnes âgées, de L’aggravation des besoins impérieux de logement parents uniques et d’immigrants sont les plus susceptibles est liée à des problèmes d’abordabilité du logement de connaître des problèmes d’abordabilité de logement en plutôt qu’au déclin de la construction de nouveaux logeraison des revenus à la baisse. ments ou de la disponibilité de logements de qualité. Les nouveaux immigrants ont été particulièrement Les problèmes d’abordabilité du logement ont augmenté touchés par la baisse des revenus mentionnée plus haut. au cours des vingt dernières années, même si les prix Ce déclin est en grande partie attribuable à la difficulté de des logements sont demeurés relativement stables et que trouver un emploi à temps plein convenable et à la disparité le coût d’emprunt est remarquablement bas (Moore et des salaires en entrant sur le marché du travail. Moins de Skaburskis, 2004). De 1982 à 1999, la proportion des 143 CITC nouveaux immigrants ont réussi à décrocher un emploi à temps plein en 2000 que leurs pairs 20 ans plus tôt, et l’écart entre les salaires des immigrants et les travailleurs nés au Canada lorsqu’ils entrent sur le marché du travail à temps plein s’est creusé entre 1980 et 2000. De plus, les gains associés à des années d’études et d’expérience sur le marché du travail à l’étranger ont également diminué pour les immigrants au cours des dernières années. L’écart de revenu constaté à la fin des années 1990 s’est aggravé si l’on compare les nouveaux immigrants aux travailleurs nés au Canada qui possèdent une éducation et des compétences professionnelles semblables. Les immigrants arrivés au cours des 20 dernières années n’ont pas été en mesure de combler l’écart de revenu avec les travailleurs nés au Canada, et les chances que les nouveaux immigrants atteignent la parité salariale sont relativement minces (Picot, 2004, p. 30). Les revenus à la baisse et les occasions d’emploi restreintes ont contribué à une augmentation du nombre de ménages immigrants vivant dans une pauvreté extrême. Picot (2004) a noté que l’incidence du faible revenu a chuté pour les citoyens nés au Canada pendant les années 1990, mais a augmenté pour les immigrants, sans égard à l’âge et à l’éducation, et l’augmentation du nombre de ménages à faible revenu dans les principales villes canadiennes au cours des années 1990 a surtout touché les ménages immigrants. Approximativement 25 % des familles immigrantes se trouvaient sous le seuil de faible revenu en 1980. Ce nombre a grimpé à 35,8 % en 2000, même si le nombre de personnes nées au Canada et dont le revenu familial se situait sous le seuil de faible revenu est passé de 17,2 % en 1980 à 14,3 % en 2000. L’augmentation du nombre de ménages immigrants se situant sous le seuil de faible revenu s’est produite malgré des tentatives réussies d’attirer un plus grand nombre d’immigrants hautement instruits et de personnes admises dans la catégorie économique, et malgré la remontée de l’économie canadienne au cours de la seconde moitié des années 1990. Il convient de souligner que le taux de faible revenu parmi les nouveaux immigrants était plus élevé pour les immigrants détenant un diplôme universitaire. Le taux de faible revenu chez les titulaires de diplôme universitaire a grimpé de 44 %, passant de 19,1 % en 1990 à 27,5 % en 2000. Le taux de faible revenu chez les immigrants n’ayant pas complété leurs études secondaires a grimpé de 13,1 % au cours de la même période, passant de 34,3 % à 38,4 %. Les revenus qui vont en diminuant et une plus grande pauvreté ont touché les nouveaux immigrants plus gravement que les cohortes antérieures, et il a été plus difficile pour les nouveaux immigrants de trouver un logement adéquat, convenable et abordable. Par conséquent, beaucoup de nouveaux immigrants ont un besoin impérieux de logement, et ce besoin est plus grand que chez les citoyens non immigrants ou chez les immigrants arrivés dans les années 1970, et ils semblent moins susceptibles de surmonter ces difficultés à la longue. D’après un recensement effectué en 1996, 39 % des ménages immigrants arrivés au Canada entre 1991 et 1996, ou 91 000 des 231 000 ménages immigrants, ont un besoin impérieux de logement. Ce taux est sensiblement 144 plus élevé que le taux de 28 % pour les immigrants arrivés seulement quelques années plus tôt, entre 1986 et 1990, et le taux actuel de 16 % pour les familles d’immigrants arrivées au Canada avant 1976. En comparaison, 17 % de toutes les familles non immigrantes ont eu un besoin impérieux de logement entre 1991 et 1996 (Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), 2000). Semblable à la situation de la population générale, la situation des familles monoparentales immigrantes est particulièrement précaire. D’après les données du recensement de 1991 et avant la détérioration des conditions de logement au cours des années 1990, telle qu’elle a été indiquée ci-dessus, 65,1 % des familles monoparentales immigrantes ont eu un besoin impérieux de logement, par rapport à 39,7 % des familles monoparentales non immigrantes (SCHL, 1997). Besoins impérieux de logement et discrimination Les tendances en matière d’immigration ont beaucoup changé au cours du dernier quart de siècle, et il semble de plus en plus évident que les nouveaux immigrants de pays sources non traditionnels éprouvent davantage de difficultés à trouver un emploi et un logement adéquats que les cohortes antérieures ou que les nouveaux immigrants d’autres pays. Ces difficultés semblent découler de contraintes systémiques et de formes de discrimination plus évidentes. Dans le premier cas, des facteurs tels que la disparité salariale, le piètre rendement des études, la pertinence des études ou de l’expérience de travail antérieures, les politiques du gouvernement en matière de logement et de transfert gouvernementaux et des règlements de zonage municipaux donnent lieu à la ségrégation des ménages immigrants à faible revenu dans des quartiers précis où se trouvent des parcs de logements de qualité inférieure. Dans le dernier cas, les propriétaires peuvent refuser de louer un logement à certaines familles, ou prétendre que ses logements sont complets, et les promoteurs peuvent être portés à répondre aux besoins des ménages à revenu élevé plutôt que de bâtir des projets de logements mixtes ou de nouveaux parcs de logements pour les familles à faible revenu. Les ménages de nouveaux immigrants provenant de pays sources non traditionnels, comme les Noirs d’Afrique, ont éprouvé certaines difficultés à trouver un logement abordable de haute qualité en raison de la discrimination systémique et interpersonnelle. Danso et Grant (2000) ont interrogé 103 Africains noirs à Calgary, en 1991, qui ont été sélectionnés selon des stratégies d’échantillonnage multiple. Les participants étaient très éduqués ; en effet, près des deux tiers avaient fréquenté l’université. Soixante-treize pour cent d’entre eux avaient un emploi, bien que la plupart étaient sous-employés et travaillaient à temps partiel. Les participants gagnaient seulement 58 % du revenu annuel moyen des ménages à Calgary en 1991 et la majorité avait un besoin impérieux de logement. Même si leur faible revenu et leur position précaire au sein du marché du travail ont eu des répercussions négatives sur leur quête de logement, les participants ont déclaré avoir été victimes de discrimination dans leur recherche d’un logement adéquat. En effet, les auteurs ont reconnu que la discrimination est l’obstacle le plus important auquel sont confrontés les immigrants africains à Calgary. que les disparités dans les salaires et les occasions offertes Murdie (2003) a décrit les trajectoires résidentielles sont peu réjouissantes. Ces résultats appuient les constatades immigrants jamaïcains, polonais et somaliens à tions d’une étude antérieure, selon lesquelles les Noirs et Toronto. Trois groupes formés d’environ 60 participants les Blancs sont traités différemment dans la recherche ont été choisis à dessein pour étudier les expériences des d’un logement (Hulchanski, 1997) et que le marché de nouveaux arrivants jamaïcains et somaliens en tant que l’habitation tend à diriger les groupes ethniques vers des membres de minorités visibles et les immigrants polonais quartiers distincts et plus pauvres (Skaburskis, 1996). en tant que membres d’une minorité non visible. Les trajectoires résidentielles ont été étudiées au cours de trois déplacements, incluant le premier lieu de résidence et le Conclusion lieu de résidence actuel des participants, afin de voir si les L’accès à un logement abordable et de qualité est nouveaux arrivants étaient en mesure de changer de essentiel au développement sain des enfants et des adultes logement au gré des différents cycles de vie et des besoins et doit s’inscrire dans la politique sociale du gouverneconnexes. Murdie a indiqué que, dans ment afin de promouvoir la santé et le tous les aspects de l’expérience de logebien-être de tous les citoyens (Carter et Approximativement ment, les immigrants polonais sont ceux Polevychok, 2004). Le logement pour les qui ont le mieux réussi et les immigrants immigrants revêt une importance parti25 % des familles somaliens sont ceux qui ont le moins bien culière car, en plus de promouvoir le immigrantes se réussi. Sept à huit ans après s’être installés développement sain, il constitue une au Canada, la moitié de tous les ménages mesure d’intégration et d’inclusion posttrouvaient sous le somaliens consacrait plus de 50 % du migratoire. Même si, à travers l’histoire, seuil de faible revenu du ménage au paiement du loyer les immigrants ont réussi à acquérir un et 71 % y consacraient plus de 30 %. logement comparable à celui des citoyens revenu en 1980. Ce Approximativement 15 % des immigrants nés au Canada, les nouveaux immigrants nombre a grimpé polonais consacraient plus de 50 % du sont moins susceptibles de connaître revenu du ménage au paiement du loyer et autant de succès et sont surreprésentés à 35,8 % en 2000, 61 % y consacraient plus de 30 %. Alors parmi les personnes ayant un besoin même si le nombre que la situation des ménages polonais impérieux de logement. Ce besoin est ressemblait à celle de la population apparu malgré le prix des maisons relade personnes nées générale, les ménages somaliens ont tivement stable, un faible coût d’emprunt au Canada et dont éprouvé des besoins impérieux de logeet l’économie vigoureuse des dernières le revenu familial ment beaucoup plus graves, même si un années. L’abordabilité du logement est le Somalien sur cinq occupait un poste de plus grand problème des nouveaux se situait sous le gestionnaire ou de professionnel avant immigrants. Leur statut précaire sur le seuil de faible d’immigrer et qu’un tiers avaient commarché du travail et le fait qu’ils dépendent plété des études universitaires, contre financièrement des transferts gouvernerevenu est passé 23 % de la population générale de mentaux, ainsi que la discrimination de 17,2 % en 1980 Toronto. En outre, le revenu du ménage dont ils font l’objet sur le marché de somalien se situait sous la moyenne. l’habitation et du travail, les désavantaà 14,3 % en 2000. Soixante pour cent des Somaliens ont gent sérieusement. Il y a de fortes chances déclaré un revenu annuel de moins de que le nombre d’immigrants ayant un 20 000 $, et seulement 2 % ont déclaré un revenu annuel de besoin impérieux de logement et le nombre de sans-abri plus de 40 000 $, comparativement à 19 % et 57 % respecaugmentent, à moins que l’on ne remédie à ces problèmes. tivement pour tous les ménages torontois. En plus des disparités salariales, les immigrants somaliens et jamaïcains Références ont été victimes d’une plus grande discrimination que les ALLIANCE POUR METTRE UN TERME AU SANS-ABRISME. Être nouveaux arrivants polonais. Les Somaliens ont obtenu itinérant : premier bulletin sur le sans-abrisme à Ottawa en 2005, Ottawa, les pires résultats pour huit aspects sur neuf, dont la discriAlliance pour mettre un terme au sans-abrisme, 2005. mination fondée sur la source de revenu et la discrimination fondée sur l’immigration, le statut, la race CARTER, T. et C. POLEVYCHOK, C. Housing is good social policy, Research Report F50, Family Network, Ottawa, Canadian Policy et les antécédents ethniques. De plus, les immigrants Research Networks, 2004. somaliens et jamaïcains étaient ceux qui ont vécu le plus grand nombre d’expériences personnelles liées à la CHERA, S. (2004). The making of ‘home’: Housing as a vehicle for building discrimination et au racisme. community among newcomers to Edmonton, Edmonton, Edmonton Mennonite Centre for Newcomers, 2004. L’expérience de logement des immigrants et des réfugiés au Canada n’a pas fait l’objet d’une recherche DANSO, R. et M. GRANT, « Access to housing as an adaptive strategy for exhaustive. Si les résultats de la présente étude ne sont pas immigrant groups: Africans in Calgary », Études ethniques du Canada = nécessairement applicables à des populations entières ou à Canadian Ethnic Studies, vol. 32 (2000), p. 19-43. des villes différentes, les résultats ont quand même permis FÉDÉRATION CANADIENNE DES MUNICIPALITÉS. La qualité de vie d’avoir une meilleure compréhension des expériences de dans les municipalités canadiennes : revenus, logement et nécessités de la logement de certains groupes d’immigrants au Canada. vie, Rapport thématique n 1, Ottawa, Fédération canadienne des L’incidence du racisme sur le marché de l’habitation, ainsi municipalités, 2004. o 145 HULCHANSKI, J.D. Homelessness in Canada: 1998 report to the United Nations, Toronto, Rupert Community Residential Services, 1998. HULCHANSKI, J.D. Immigrants and access to housing: How welcome are newcomers to Canada? Présenté lors de la Conférence Metropolis, Montréal, 1997. MAYOR’S HOMELESSNESS ACTION TASK FORCE. The Toronto report card on housing and homelessness 2003, Toronto, City of Toronto, 2004. MOORE, E. et A. SKABURSKIS. « Canada’s increasing housing affordability burdens », Housing Studies, vol. 19 (2004), p. 395-413. 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Population dans les logements collectifs, par provinces et territoires, Recensement de 2001, Ottawa, recherché le 28 mars 2005, www.statcan.ca/francais/Pgdb/famil62a_f.htm Note Les ménages se situant sous le seuil de faible revenu et qui consacrent plus de 50 % de leur revenu avant impôt au paiement du loyer ont été exclus si le chef de famille est un étudiant à temps plein ou un propriétaire qui n’a pas d’hypothèque. CITC 1 146 73e Congrès de l’ACFAS 12 mai 2005 8 h 30 La capitale nationale du Québec pourra-t-elle maintenir sa place sur l’échiquier démographique du Québec ? 8 h 45 Le déclin démographique et l’offre de services d’Emploi-Québec 9 h 30 Expériences favorisant le retour des jeunes en régions périphériques 9 h 45 MigrAction, une stratégie globale d’intervention pour atteindre un bilan migratoire positif chez les jeunes au Saguenay-Lac-St-Jean Lumières sur la recherche • du 9 au 13 mai 2005 • www.acfas.ca/congres/ C-306 Les Amériques imaginées. Nouvelles sociabilités et communautés dans les Amériques (colloque) • Licia Soares DE SOUZA, UQAM • Raphaël CANET, INRS-UCS 12 mai 2005 9 h 30 Divers aspects des socialités propres aux Amériques : quelques propositions pour définir le concept de« socialité ». FISETTE, Jean, UQAM 10 h 00 L’affect comme fondement de la communauté : gage de solidité ou danger de dérive ? BERGERON, Gino, UQAM 11 h 00 Les contre-discours autochtones de la gouvernance globale de la biodiversité GOYETTE, Christian, INRS-UCS 11 h 30 Altermondialisation et recomposition identitaire : vers de nouvelles stratégies d’action dans les Amériques CANET, Raphaël, INRS-UCS 12 h 00 Mouvements sociaux globaux, discours et reconnaissance identitaire des Amériques au sein de la sphère publique transnationale SANTOS BOTELHO, Juliana UQAM 14 h 00 L’intégration continentale par le baseball dans The Great American Novel de Philip Roth NAREAU, Michel, UQAM 14 h 30 Espaces du littéraire et espaces romanesques : la littérature comme lieu d’une sociabilité transaméricaine 10 h 50 Des citoyen-ne-s et des saltimbanques : My Paris de Scott et O Cidadán de Mouré MOYES, Lianne, Université de Montréal 11 h 20 Ici et là (lecture déboussolée): Apikoros Sleuth de Robert Majzels IMBERT, Patrick, Université d’Ottawa HAREL, Simon, UQAM MORISSET, Jean, UQAM 17 h 30 Les pratiques de sociabilité comme facteur d’autonomisation de la littérature autochtone au Québec DESTREMPES, Hélène, Université de Moncton 13 mai 2005 9 h 00 Le Brésil et la lusophonie APPARECIDA DE ALMEIDA, Maria José, UQAM 9 h 30 Le changement dialogique : enjeux et contraintes de la pratique de la communication dans le domaine des conflits pour l’appropriation des ressources naturelles en Bolivie GONZALES, Norma, UQAM 10 h 00 La géopolitique métropolitaine à Mexico : les tendances d’un mouvement radical DE ALBA, Felipe, INRS-UCS 11 h 00 Americanidad, américanité, americanidade et l’absence d’ « americanity » : vers la cartographie d’un concept BAHIA, Marcio, Université d’Ottawa 12 h 00 Images contemporaines de l’américanité : Brésil, EEUU et Canada NEVES RAMOS, Ana Rosa, Universidade Federal da Bahia 12 h 30 Imaginer l’Amérique lors de son cinquième centenaire CYR, Claudine, INRS-UCS C-316 Autres voix du dedans : la littérature anglo-québécoise (colloque/atelier) • Martine-Emmanuelle LAPOINTE, Université McGill • Catherine LECLERC, Université Moncton 13 mai 2005 9 h 30 La mort à Montréal: bilinguisme et décadence dans Barney’s Version de Mordecai Richler HAMEL, Yan, Université de Montréal 10 h 00 Trahir l’histoire. Filiations et lieux de mémoire dans trois romans de David Homel : Electrical Storms, Sonya and Jack et The Speaking Cure LAPOINTE, Martine-Emmannuelle, Université McGill GIRARD, Patrick, Regroupement Action Jeunesse 02 10 h 45 Point de vue 1 DESROSIERS, Lawrence, Développement économique et régional Québec LANE-MERCIER, Gillian, Université McGill 15 h 00 Le théâtre anglo-montréalais : état des lieux, 2005 MALABORZA, Sonya, Université de Moncton 15 h 50 Le chant des médias et le chant des caisses enregistreuses: la réception des écrivains anglophones par le lectorat québécois HOMEL, David, UNEQ 10 h 55 Point de vue 2 DUFF, Hervé, Développement économique Canada 11 h 05 Point de vue 3 LECLERC, Yvon, Journal Réseaux 11 h 15 Point de vue 4 PROULX, Marc-Urbain, UQAC C-408 Aux frontières de la communauté : pratiques sociales, identités politiques et mobilisation au 21e siècle (colloque/atelier) 10 mai 2005 9 h 15 Comment penser l’individuation et la politisation des cultures après la critique de l’essentialisme ? MACLURE, Jocelyn, Université Laval 9 h 45 11 h 25 Point de vue 5 RINGUET, Michel, UQAR C-506 L’enseignement du français et l’approche culturelle : perspectives didactiques (colloque) • Pierre-André TREMBLAY, UQAC • Geneviève NOOTENS, UQAC • Noëlle SORIN, UQTR • Suzanne-G. CHARTRAND, Université Laval 09 mai 2005 8 h 45 La construction de compétences culturelles en lecture pour les élèves en difficultés : quelle didactique pour quelsapprentissages ? 9 h 15 Former un lecteur lettré : vecteur fondamental de l’intégration à la culture seconde 9 h 45 Le partage des savoirs, entre enseignant et stagiaire, sur l’approche culturelle de l’enseignement en contextede mise en œuvre d’une réforme du curriculum Intégration européenne et agrégation des demandes. Vers un nouveau modèle représentatif. DUTOIT, Laurent, UQAM CANVAT, Karl, IUFM de Lorraine 10 h 15 La difficile (ré)articulation du sujet politique THÉRIAULT, Joseph-Yvon, Université d’Ottawa 10 h 45 Design communautaire et revitalisation des identités personnelles et communautaires amérindiennes RICHARD, Suzanne, Université de Sherbrooke KAINE, Elisabeth, UQAC 16 h 30 Les espaces anachroniques de l’expérience américaine. À propos de V.S. Naipaul 17 h 00 Entre Franco-Amérique et Amérique créole... le rêve du Brésil dans une géopolitique de l’imaginaire à travers nos désirs de sociabilités partagés LEBLANC, Patrice, UQAT POIRIER, Christine,Université McGill 14 h 30 Le rôle des écrivains-traducteurs dans l’invention d’une littérature anglo-québécoise : Philip Stratford, Gail Scottet David Homel MARINHO, Marcelo, UQAM 16 h 00 Hybridités et caméléons : identités inachevées et désirs changeants ROULEAU, Louis-Mari, Emploi-Québec Bas St-Laurent LECLERC, Catherine, Université de Moncton 14 h 00 Abords d’une discipline : la littérature québécoise comparée MORENCY, Jean, Université de Moncton 15 h 00 Culture, communauté et identité chez Guimarães Rosa : variations autour du mythe du jagunço LETARTE, Georges, Gestion Georges Letarte C-419 L’avenir démographique des régions (colloque/atelier) • Pascale BEAUPRÉ, Statistique Canada • acques LEDENT, INRS-UCS DEMOUGIN, Patrick, IUFM de Montpellier 11 h 00 Le roman historique : lieu d’appropriation de la culture et de l’interculturel 11 mai 2005 9 h 00 PORTELANCE, Lilliane, Université du Québec à Trois-Rivières 10 h 30 Enseigner le français et la littérature : du linguistique à l’anthropologique Prospective régionale en l’absence de vitalité démographique démographique, un nouveau défi pour l’aménagementdes territoires des pays THUMERELLE, Pierre-Jean, Université des sciences et technologies Lille 10 h 30 La migration interrégionale au Québec : tendances récentes et impacts futurs GIRARD, Chantal, Institut de la statistique du Québec ANDRÉ, Dominique, Institut de la statistique du Québec THIBAULT, Normand, Institut de la statistique du Québec POULIOT, Suzanne, Université de Sherbrooke 11 h 30 Du texte au réel : la question des savoirs dans l’interprétation BEDOIN, Évelyne, IUFM d’AMIENS CENTRE DE LAON 13 h 30 L’approche culturelle et l’enseignement de la lecture: un modèle à redéfinir PIERRE, Régine, Université de Montréal 14 h 00 Le rapport à la culture des étudiants en enseignement du français : analyse et perspective SIMARD, Denis, Université Laval FALARDEAU, Érick, Université Laval 10 h 45 L’avenir démographique régional et l’offre de main-d’œuvre LÉTOURNEAU, Esther, Institut de la statistique du Québec THIBAULT, Normand, Institut de la statistique du Québec GIRARD, Chantal, Institut de la statistique du Québec 11 h 30 Nouvelle vue sur la géographie de la population en région périphérique : le cas du Saguenay LacSaint-Jean GAUTHIER, Majella, UQAC BRISSON, Carl, UQAC 11 h 45 La démographie estrienne, réalités et tendances 14 h 30 Le développement de la compétence culturelle dans la formation initiale des enseignants de français au secondaire: état d’une expérience à visée intégrative DEZUTTER, Olivier, Université de Sherbrooke MANSEAU, Sylvain, Université de Sherbrooke THOMAS, Jean-Pierre, Université de Sherbrooke 15 h 15 Langue et identité culturelle : représentations des futurs maîtres GERVAIS, Flore, Université de Montréal MOTTET, Martine, Université de Montréal BERNARD, Jacques, Emploi Québec Estrie 13 h 30 La dynamique spatiale de l’économie canadienne (1971-2001) et l’avenir des régions périphériques québécoises POLÈSE, Mario, INRS SHEAMUR, Richard, INRS 15 h 45 Étude des microprocessus d’élaboration d’une intersubjectivité entre une enseignante et desapprenants dans une situation de révision textuelle BALSLEV, Kristine, Université de Sherbrooke 13 h 45 État de santé et accès aux services de santé : dénote-t-on des disparités entre les régions du Québec ? CHOINIÈRE, Robert, Institut national de santé publique du Québec 14 h 30 Qui veut partir ? Qui veut rester ? Caractéristiques des adolescents selon leur désir d’enracinement au Saguenay-Lac-Saint-Jean GAUDREAULT, Marco, Cégep de Jonquière LABERGE, Luc, Cégep de Jonquière PERRON, Michel, Cégep de Jonquière BLACKBURN, Marie-Ève, Cégep de Jonquière VEILLETTE, Suzanne, Cégep de Jonquière 14 h 45 La réversibilité du phénomène migratoire chez les jeunes : possibilités et limites GAUTHIER, Madeleine, INRS CÔTÉ, Serge, UQAR 147 16 h 45 Didactique de la distance et de la proximité dans les acquisitions culturelles au collège et au lycée LANGLADE, Gérard, IUFM Midi-Pyrénées 10 mai 2005 8 h 45 Imaginaires collectifs et apprentissage du lire/écrire : que faire du stéréotype ? 9 h 15 L’harmonisation des cultures cible et source dans l’enseignement médiatisé du français langue seconde, que duvirtuel ? DUMONT-DEMOUGIN, Françoise, IUFM de Montpellier DE SERRES, Linda, Université du Québec à Trois-Rivières 9 h 45 Rapports à l’écriture, posture auctoriale et ouverture culturelle LEBRUN, Marlène, IUFM Aix - Marseilles 10 h 30 L’approche culturelle de l’enseignement du français et pratiques enseignantes au secondaire 14 h 20 Une tradition qui dure dans un French Heritage Community : Mardi gras à l’Anse Lejeune LARAOUI, R’kia, Université du Québec à Rimouski 11 h 00 Parler, penser : culture artistique et scientifique à l’école maternelle française LE CUNFF, Catherine, IUFM de Bretagne 11 h 30 Elèves nouveaux arrivants en France (ENAF) non ou peu francophones et l’acculturation à l’écrit dans les pratiqueset les instruments des maîtres de soutien linguistique • Michèle VATZ-LAAROUSSI, Université de Sherbrooke 9 h 00 L’immigration en région rurale : l’expérience récente de Trois Pistoles 9 h 20 Des immigrants à Thetford Mines : l’emploi oui, mais... 9 h 40 L’importance de la sensibilisation du milieu dans un projet de développement local d’accueil, d’intégration et derétention d’immigrants dans des zones semi rurales DRAINVILLE, Isabelle, Université de Sherbrooke LACELLE, Nathalie, Université du Québec à Montréal C-602 Durabilité de nos communautés : de nouvelles ressources et de nouveaux défis (colloque) • Dean LOUDER, Conseil de la vie française en Amérique • Rodrigue LANDRY, Université de Moncton 12 mai 2005 8 h 30 Apport de l’immigration internationale à la durabilité démographique des populations francophones du Canada 9 h 30 10 h 50 Regard sur des écrivains immigrants et leurs œuvres : des écrits porteurs d’histoires migratoires locales etinternationales RACHÉDI, Lilyane, Université de Sherbrooke 11 h 10 Québec-Haïti, littérature transculturelle et souffle d’oralité: la parole de Marie-Célie Agnant ROCHON, Hélène, Université Laval ÉTONGUÉ-MAYER, Aménophis, Université d’Ottawa GUIMOND, Laurie, Université d’Ottawa LEFEBVRE, Marie, Université d’Ottawa GILBERT, Anne, Université d’Ottawa 13 h 30 Femmes colombiennes et solidarités dans l’immigration PARENT, Roger Faculté Saint-Jean FORGUES, Eric, Université de Moncton GIRAUD, Sylvie, Université de Moncton PARIS, Mario, Université de Moncton 13 h 50 Le défi du revenu de travail : évolution des disparités entre francophones et anglophones au Nouveau-Brunswick, 1970-2000 LECLERC, André, UMCE 14 h 20 Appartenance et vitalité communautaire: le cas de Moncton LEFEBVRE, Marie, Université d’Ottawa GUIMOND, Laurie, Université d’Ottawa ÉTONGUÉ-MAYER, Aménophis Université d’Ottawa GILBERT, Anne, Université d’Ottawa 13 mai 2005 8 h 30 Enquête postcensitaire sur la vitalité des minorités de langue officielle (2006) : un outil utile pour aider à cer-ner les défis auxquels font face les minorités francophones MARMEN, Louise, Statistique Canada 9 h 00 L’enquête postcensitaire de 2006 sur la vitalité des minorités de langue officielle: son potentiel analytiquecomme outil de mesure et de compréhension des défis Au-delà de la résistance : un modèle conceptuel de la revitalisation ethnolangière LANDRY, Rodrigue, Université de Moncton 10 h 30 Le Carrefour des francophones d’Amérique (CVFA): réalisations récentes et projets d’avenir DESROCHERS, Jean-Louis, CVFA 11 h 00 Une ressource collective pour des communautés minoritaires francophones durables: le centre scolaire-communautaire en Acadie et ailleurs au Canada VELEZ, Beatriz, Université d’Antioquia 13 h 50 Être femme, être homme colombien-ne dans un contexte interculturel en Estrie ARANGO, Juan Ovidio, Université de Sherbrooke GIRALDO, Zanet Patricia, Université de Sherbrooke 14 h 10 Deux immigrantes racontent leur parcours de créatrices en musique CARIGNAN, Nicole, UQAM LEBLANC, France, UQAM-IREF 15 h 00 Les accords d’immigration fédéral-provincial et la régionalisation de l’immigration au Canada GARCEA, Joseph, University of Saskatchewan 15 h 20 Politique fédérale et réalité locale : critique du discours ambiant sur les Autochtones du Canada 15 h 40 Diversité ethnique, revendications identitaires et politiques municipales : un cadre d’analyse théorique et méthodologique POIRIER, Christian, Université Laval 16 h 00 Les étudiants étrangers dans diverses villes moyennes du Canada: politiques d’accueil et paradoxes ST-PIERRE, Stéphanie, Université Laurentienne 13 h 40 Représentation sociale du Canada français et des Canadiens français dans le discours médiatique enOntario français, de 1965 à 1998 MUNOZ, Marie, CLSC Côte-des-Neiges DONGIER, Pierre, CLSC Côte-des-Neiges RACINE, Guylaine, Université de Montréal HAGE, Merdad 13 h 20 L’identité assignée du statut d’immigration précaire et l’accès aux services publics de santé : la construction sociale de l’exclusion OXMAN-MARTINEZ, Jacqueline, Université McGill HANLEY, Jill, Université libre de Bruxelles 13 h 40 Emploi et précarité. Trajectoires différenciées de jeunes immigrants récemment arrivés au Québec MONGOMERY, Catherine, Université McGill FORTIN, Marie-Noëlle, CLSC Côte-des-Neiges FOURNIER, Barbara, CLSC Côte-des-Neiges ISSERI, Jean, Carrefour Jeunesse Emploi de Côte-desNeiges MCALL, Christopher, Université de Montréal 14 h 00 Table ronde TREMBLAY, Louise, Université du Québec à Montréal 14 h 40 Intervention en contexte interethnique : quand culture et limitation fonctionnelle s’en mêlent ! PENAFIEL, Teresa, Association multi-ethnique pour l’intégration 15 h 00 Représentations des femmes réfugiées : regard sur le travail fait au Centre international des femmes du Québec ADAM-VÉZINA,Émilie, CLSC Côte-des-Neiges 15 h 20 La « double étrangeté ». L’intervention interculturelle auprès des personnes vivant des problèmes en santémentale RODRIGUEZ, Lourdes, Université de Montréal DROLET, Marie, LEBLANC, Jocelyne, VEILLETTE, Annie, 15 h 40 Table ronde SAILLANT, Francine, Université Laval 16 h 00 Mot de la fin Première journée RHÉAUME, Jacques, Université du Québec à Montréal 17 h 00 Pièce de théâtre N’DEJURU, Radegonde, Solidarité femmes africaines CORMODE, Lisa, Trinity Western University 13 mai 2005 16 h 20 Les réseaux de soutien locaux et transnationaux des Maghrébins montréalais et sherbrookois : avantages et désavantages 8 h 30 Mot de bienvenue LENOIR, Annick, Immigration et métropoles 8 h 50 De la normalisation à la particularisation. Comment des pédiatres donnent sens à la différence (culturelle) et àleur activité professionnelle 17 h 20 Immigration et minorités : la nouvelle diversité de la Bulgarie RHÉAUME, Jacques, Université du Québec à Montréal KRASTEVA, Anna, Nouvelle Université Bulgare C-607 Les représentations de l’autre dans l’intervention : pour éthique de l’altérité (colloque/atelier) LEANZA, Yvan, Université McGill ROSENBERG, Ellen, Université McGill 9 h 10 L’altérité dans la rencontre de pédopsychiatrie transculturelle: réflexions sur les vécus d’altérité entreles membres d’une même famille et les échos de ces vécus en 9 h 30 L’espace clinique comme espace social : culture, ethnicité et jeu des représentations • Marguerite COGNET, CLSC Côte-des-Neiges • Spyridoula XENOCOSTAS, CLSC Côte-des-Neiges 12 mai 2005 8 h 30 8 h 50 Éthique et altérité : de quelle éthique et de quelle altérité ? RHÉAUME, Jacques, Université du Québec à Montréal 9 h 10 NADEAU, Lucie, Hôpital de Montréal pour enfants Mot de bienvenue COGNET, Marguerite, Centre de recherche et de formation, CLSC Côt XENOCOSTAS, Spyridoula, Centre de recherche et de formation, CLSC Côt MALENFANT, Valérie, Université Laurentienne 13 h 20 La femme gardienne de la tradition? Une étude comparative des pages féminines en Ontario et au Québec dans l’après-guerre 12 h 10 Accueil et santé : au-delà des frontières GÉLINAS, Claude, Université de Sherbrooke ALLAIN, Greg, Université de Moncton 11 h 30 Des politiques gouvernementales à l’écoute des nouvelles générations en Ontario français, 1969-1978 COGNET, Marguerite Centre de recherche et de formation, CLSC Côt GUZIN LUKIC, Nada, Université Laval CORBEIL, Jean-Pierre, Statistique Canada 9 h 30 MORISSETTE, Karine, Université Laval 11 h 50 Table ronde BOUCHER, Colette, Université Laval 11 h 30 Jean Éthier-Blais et le questionnement identitaire par rapport à l’oeuvre d’Alice Parizeau 11 h 50 L’inclusion culturelle : les immigrants dans l’espace muséal et patrimonial de la ville de Québec 13 h 20 La revitalisation économique des communautés de langue officielle en situation minoritaire : le cas de RDÉE Canada. 11 h 30 L’interprétariat : un espace possible de médiation interculturelle au carrefour des représentations VATZ LAAROUSSI, Michèle, Université de Sherbrooke L’immigration comme ressource de la francophonie torontoise L’échange interculturel: une approche interdisciplinaire TREMBLAY, Louise, Université du Québec à Montréal BROUILLET, MICHEL ISIS, RHÉAUME, Jacques, Université du Québec à Montréal LAQUERRE, Marie-Emmanuelle QUIMPER, Éric, Université de Sherbrooke 10 h 00 L’immigration en milieu rural : s’ouvrir à la différence ou chercher la ressemblance ? CASTONGUAY, Charles, Université d’Ottawa 9 h 00 11 h 10 Représentations de la relation à l’autre dans l’intervention interculturelle : quand la différence passe par le tiers TORO LARA,Juan Manuel, Université de Sherbrooke DUBOIS MARCOIN, Danielle, INRP 14 h 30 L’éducation cinématographique : culturelle et transdisciplinaire Québec-France-Belgique 10 h 50 Table ronde FORTIN, Sylvie, Université de Montréal 11 mai 2005 FOURTANIER, Marie-José, IUFM Midi-Pyrénées 14 h 00 Lire La petite Sirène à l’école, de la maternelle à l’université. Comment organiser le dialogue entre« culture de masse » et « culture lettrée » ? KANOUTÉ, Fasal, Université de Montréal HOHL, Janine, Université de Montréal XENOCOSTAS, Spyridoula, CLSC Côte-des-Neiges DUONG, Laetitia, Université de Montréal C-603 Immigration, mondialisation, localismes (colloque) COURALLY, Sylvie, IUFM d’Auvergne 13 h 30 Pratiques scolaires, pratiques culturelles des élèves : le lien intégrateur de la fiction 10 h 30 « Les mots pour le dire et pour intervenir » : expérience de formation interculturelle LOUDER, Dean, CVFA Éthiques, altérités et politiques de l’étranger SAILLANT, Francine, Université Laval 10 h 10 Au nom de la culture: réflexion sur un usage inflationniste du terme en intervention, en santé et en service social COGNET, Marguerite Centre de recherche et de formation, CLSC Côt LAFRENIÈRE, Sylvie, UQAM 14 h 00 Floribec, R.I.P CITC TREMBLAY, Rémy, INRS-UCS 148 FORTIN, Sylvie, Université de Montréal LAPRISE, Elisha, Hôpital Sainte-Justine 9 h 50 Table ronde MONGOMERY, Catherine, Université McGill 10 h 30 Synthèse des deux journées RACINE, Guylaine, Université de Montréal MONTGOMERY, Catherine, Université McGill COGNET, Marguerite, Centre de recherche et de formation, CLSC Côt XENOCOSTAS, Spyridoula, Centre de recherche et de formation, CLSC Côt 11 h 30 Mot de clôture RHÉAUME, Jacques, Université du Québec à Montréal Le Programme d’études sur la migration et la diversité fut lancé officiellement à l’automne 2002. Élaboré à partir des connaissances tirées de la recherche ainsi que de l’expérience des décideurs et des intervenants de la communauté, les cours sont offerts aux fonctionnaires des trois paliers de gouvernement et aux responsables d’ONG. Faisant appel à des méthodes confirmées de transfert de connaissances, ces cours permettent aux employés d’avoir accès à des experts, à du matériel didactique et à des occasions d’études adaptées à leurs besoins. www.institut.metropolis.net Nos diverses cités : migration et diversité en transit du 17 au 21 octobre 2005 Toronto, Canada Pour en savoir plus : www.international.metropolis.net