Le pèlerinage à Ste Julienne au cours des siècles
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Le pèlerinage à Ste Julienne au cours des siècles
L’EGLISE DU VAL ST GERMAIN En entrant dans l’église du Val St Germain on découvre des « trésors » : Une nef aux proportions imposantes de style gothique flamboyant (fin XVe début XVIe), la présence d’un reliquaire en bois peint de Ste Julienne (XIXe) et des bannières. Les visiteurs sont surtout étonnés par la présence, dans cette église, de curieux chandeliers (XIXe). Ces grands chandeliers sont appelés ici « souches » probablement du fait que la plupart ont été réalisés dans un morceau de bois Depuis le XVIe siècle, probablement bien avant mais aucun document n’en témoigne, un pèlerinage se déroulait au Val St germain, autour des reliques de Sainte Julienne et de sa fontaine miraculeuse .Saint Julienne de Nicomédie Le martyr D’après «La Légende dorée » de Jacques de Voragine (écrite vers1261-1266), Ste Julienne était une jeune fille chrétienne promise au gouverneur païen de Nicomédie (Asie Mineure) nommé Evilase. Celui-ci voulut, avant son mariage, lui faire abjurer sa foi. Julienne refusa. Dépité le gouverneur devint son bourreau. Le martyr de Ste Julienne est représenté dans l’église sur un tableau, sur un vitrail, en sculpture : Evilase fait plonger Julienne dans une bassine d’huile bouillante dont elle sort intacte. Et, comme après chaque immersion, elle ressort encore plus belle, il lui fait trancher le cou. Julienne est morte martyre vers l’an 311, pendant les persécutions de l’empereur Dioclétien Sainte Julienne à Naples Au début du moyen age, l’occident latin a adopté cette martyre originaire d’Asie Mineure. Ses reliques étaient vénérées à Naples depuis le XIIIème siècle. Le chevalier breton C’est dans un contexte très particulier et caractéristique du XIIIème siècle chrétien que Ste Julienne arriva au Val St Germain. D’après la légende, un chevalier breton, revenant de la 4ème croisade (1202-1204), acheta vers 1207, à Naples, des reliques de Ste Julienne. Au cours de son voyage de retour vers sa Bretagne natale, le chevalier, dont on ignore l’identité, tombe malade dans un lieu qui est, aujourd’hui le Val St Germain. Il demande alors à Ste Julienne de le guérir. C’est le 1er miracle au Val ; guéri, en remerciement, il construisit une église sur le lieu de sa guérison. Ste Julienne est évoquée par les pèlerins contre les maladies contagieuses (fièvres, peste), la stérilité, par les femmes « grosses dans les douleurs de l’enfantement », contre le mauvais temps. Les dates du pèlerinage Par lettres patentes du roi François 1er , Jean Hurault, seigneur du Marais, obtint le droit d’ouvrir un marché le lundi de chaque semaine ainsi que 2 foires annuelles, les 16 Février et 17 Août, jours officiels de pèlerinage, avec le 3ème lundi de Mars et le lundi de Pentecôte. Les pèlerins se donnaient rendez vous lors de ces 4 dates. Au XIXe siècle, le pèlerinage avait toujours lieu 3 fois par an : le 16 Février, pendant la semaine de la pentecôte et le 17Aout après la moisson. Le pèlerinage à Ste Julienne au cours des siècles Fin XVe début XVIe siècle On peut supposer que l’église dut être agrandie à cause du nombre important de pèlerins. Le chœur de l’église de style gothique flamboyant en est un témoignage. XVIIe siècle Lors des pèlerinages, chaque paroisse ou fidèle apportait et laissait une souche dans l’église du Val, en dévotion à la sainte. Cette coutume se faisait peut être dans les siècles précédents mais nous n’avons pas d’archives l’attestant. Chaque porte cierge pouvait être remporté pour une neuvaine dans sa paroisse d’origine ou pour être restaurée, d’où la mention sur certaines souches de : « renouvelée ». Ainsi en 1655, un pèlerin représentant la paroisse de St Cyr écrivit sur le registre paroissial du Val qu’il promettait de rapporter la souche l’année suivante. XVIIIe siècle Jusqu’à 30000 pèlerins par an venaient prier Ste Julienne. La révolution, L’église devint un lieu de réunion pour le conseil municipal. Le 23 Août 1790 le maire écrit : « Dans le moment, il arrivait très souvent des pèlerins dans ladite église qui interrompaient l’ordre et le travail de la municipalité ». Le 13 brumaire an II (3 Novembre 1793), le directoire du district de Dourdan demanda que toutes les argenteries conservées dans les églises fussent saisies. Comme le reliquaire de Ste Julienne était en partie en argent, les conseillers décidèrent alors « d’une unanime voix » de faire construire « un chef (buste) en bois pour y mettre les ossements de la sainte » C’est probablement le reliquaire qui se trouve aujourd’hui dans l’église. Le 19 Brumaire an II (9 Novembre1793) le reliquaire en argent fut remis aux délégués du directoire du district ainsi que des souches, des croix de procession et des vases. Le 1er Frimaire an II (21 Novembre 1793) l’assemblée municipale décide « qu’il était urgent de démonter tout ce qui était dans le temple de la Raison Victorieuse ». Le 2 Frimaire an II des maçons et des menuisiers « démontèrent » les souches. Une grande partie fut brûlée. Fermée de 1794 à 1795, l’église fut ensuite rendue au culte mais le pèlerinage ne retrouva pas la foule d’autrefois. Des 2 foires, seule celle du lundi de Pentecôte fut maintenue. XIXe siècle On constate une diminution du nombre de pèlerins mais l’ancienne tradition de porter et de laisser dans l’église une souche se perpétue. Il est intéressant de comparer les dates inscrites sur les souches avec les dates des grandes épidémies. Ainsi on retrouve inscrite sur les souches plusieurs fois la date de 1832, le cholera ayant frappé durement le pays : 100000 morts dont 20000 en région parisienne (souche de Chalo St Mars, Videlles, Egonvilles (sic), Guillerval, La Ferté Aleps (sic), Les Essart le Roi (sic), Palaiseau, Chevreuse), 1833 (souche de St Michel sur Orge, Bures, Rochefort), 1834 (Saulx les Chartreux). Une nouvelle épidémie se déclara en 1848 et 1849. Les fidèles de près de quatre-vingts paroisses vinrent prier Ste Julienne. XXe siècle Déclin et fin du pèlerinage. Les causes sont multiples : déchristianisation de la population, prise de conscience politique, fort anticléricalisme, puis montée de l’ère industrielle et du matérialisme, déracinement des populations vers le monde urbain, progrès de la médecine, arrivée du chemin de fer qui va permettre au croyants d’aller aux grands pèlerinages (Lourdes, Lisieux..) et d’abandonner les pèlerinages locaux. Dès 1905, les paroisses éloignées comme Meulan, St Cloud ne viennent plus. En 1919, seules les paroisses environnantes participent au pèlerinage. En 1963, le maire, Mr Briel, transforma la nef du XIIIe en salle communale. Il restaura la nef gothique ainsi que les souches et créa les présentoirs sur lesquelles nous pouvons aujourd’hui les admirer. A cette occasion, une grande fête eut lieu. L’office religieux fut présidé par Mgr Assemaine, vicaire général de Versailles, en présence des Petits Chanteurs à la Croix de Bois. La fête se poursuivit dans la salle communale avec des « vedettes » comme Franck Alamo, Mick Michel, Lino Ventura etc. XXIe Malgré les vicissitudes du temps, les changements d’affectation des bâtiments, Ste Julienne protège toujours le Val St Germain. Ste Julienne appartient autant au patrimoine culturel régional qu’aux chrétiens qui la prient. Ces souches sont également une expression artistique, parfois naïve, unique en France. C’est notre Héritage. Le pèlerinage La relique crée le pèlerinage. Mais il n’y a pas de pèlerinage sans lieu. Le lieu n’est pas anodin. On retrouve, souvent, sur ces lieux la présence de l’eau nourricière : sources, puits, fontaines. Au Val St Germain, derrière l’église, existe une fontaine dans laquelle de trouve le buste de Ste Julienne. Dans ces lieux s’accomplit la participation mystérieuse à une autre réalité que celle de l’existence profane habituelle ou du monde immanent. Entre pèlerinage et lieu apparaissent des charges de contenus affectif, historique, culturel. Le pèlerinage est une « prière debout », un cheminement collectif, invoquant et chantant. Le pèlerin « met ses pas » dans ceux d’un saint. Pour le pèlerin, aller vers la relique c’est aller vers une présence. Par la légende le chevalier breton fut le « premier pèlerin » du Val St Germain. Suivirent des milliers d’autres pas qui résonnent, encore, dans cette nef. Jean Paul VERNET