La certification ISO 9000 est

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La certification ISO 9000 est
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La certification ISO 9000
est-elle rentable ?
« La recherche d’une certification ISO 9000 est-elle rentable pour les entreprises ? » Si cette
question est aussi vieille qu’ISO 9000, elle n’en demeure pas moins essentielle et, dans une
large mesure, sans réponse ! La nouveauté vient, à notre connaissance, de la combinaison de
données et de méthodes adoptée par les auteurs de cet article, quatre universitaires qui enseignent dans des écoles de gestion des États-Unis et d’Espagne pour apporter une réponse.
Une étude américaine
analyse les données du
rendement
financier
PAR C HARLES J. C ORBETT,
M ARÍA J. M ONTES ,
D AVID A. K IRSCH
ET
M ARÍA J OSÉ
A LVAREZ-G IL
Nous établissons que
la certification semble
véritablement induire
une amélioration du
rendement financier,
Ils analysent les données du rendement financier d’entreprises certifiées ISO
9000 dans trois secteurs économiques américains sur une période de 10 ans
(1988-1997), par rapport à celles de groupes de contrôle, constitués par des
entreprises non certifiées des mêmes secteurs qui avaient une performance
économique comparable à celle des premières, avant le lancement de
programmes ISO 9000. ISO 9000 a-t-elle créé une différence positive en
matière de rendement financier ?...
mesuré par le
rendement de l’actif
(RA)
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Les auteurs
Charles J. Corbett
The Anderson School at UCLA,
États-Unis
E-mail charles.corbett@
anderson.ucla.edu
María J. Montes
Universidad Carlos III, Madrid,
Espagne
E-mail [email protected]
David A. Kirsch
R.H. Smith School of Business,
University of Maryland, États-Unis
E-mail [email protected]
María José Alvarez-Gil
Universidad Carlos III, Madrid,
Espagne
E-mail [email protected]
26
L
certification semble véritablement
a mise en œuvre d’un système de
induire une amélioration du rendement
management de la qualité et sa cerfinancier, mesuré par le rendement de
tification par rapport à l’une des normes
l’actif (ci-après le RA).
ISO 9000 n’est pas exactement chose
Plus précisément, nous établissons
aisée. Si les coûts réels diffèrent d’une
que les entreprises qui n’ont pas recherentreprise à l’autre, le processus de cerché une certification ont fait l’expérientification requiert inévitablement d’imce de dégradations substantielles du
portants efforts en matière de concepRA, de la productivité et des ventes,
tion, d’implantation et de documentation
alors que les entreprises certifiées ont
de processus appropriés, ce qui entraîne
en général fait en sorte d’éviter de tels
des coûts directs et indirects associés
phénomènes de déclin. En d’autres teraux honoraires de conseil et d’audit, à la
mes, les entreprises qui ont obtenu la
formation du personnel, etc.. Le jeu en
certification n’ont pas, en moyenne,
vaut-il la chandelle ?
connu une amélioration de leur rendePlus particulièrement, comment
ment absolu, mais ont vu leur rendel’investissement dans une certification
ment relatif s’améliorer substantielleISO 9000 peut-il être rentable ? Pour
ment, par comparaison
certains, elle engendre
avec leurs homologues
une amélioration des
non certifiés.
processus internes, qui
Les entreprises qui n’ont
Comment en sompermet à son tour une
pas recherché une
mes-nous arrivés à
productivité supérieucette conclusion? Nous
re et des coûts moincertification ont fait
décrivons ci-dessous
dres. Pour d’autres, les
clients exigent de plus l’expérience de dégradations nos données et méthodes puis nous présenen plus ISO 9000 et la
substantielles du RA,
tons et examinons nos
certification devrait
résultats plus en proaider à maintenir ou à
de la productivité
fondeur (voir Corbett
augmenter la part de
et al. [2002] pour une
marché d’une entreet des ventes,
description plus détailprise. D’autres encore
alors que les entreprises
lée des données et des
contestent ces avanméthodes adoptées).
tages, affirmant que la
certifiées ont en général
Nous avons eu
norme est trop générecours
à deux sources
rique pour produire
fait en sorte d’éviter de
principales
d’informades améliorations aution.
En
premier
lieu,
thentiques. De leur
tels phénomènes de déclin
WorldPreferred (www.
point de vue, une corworldpreferred.com)
rélation positive entre
nous a aimablement communiqué ses
la certification ISO 9000 et le rendedonnées sur 21 482 certifications ISO
ment financier ne ferait que refléter le
9000 délivrées aux États-Unis jusqu’en
fait que les entreprises qui sont mieux
1998. Ces données nous donnent le nom
dirigées rechercheront plus probableet la localisation du site certifié, la date
ment une certification ISO 9000. Quel
de la certification et d’autres informacamp a raison ?
tions qui ne jouent pas un rôle décisif
Il est surprenant qu’aucune réponse
dans notre étude.
franche à cette question n’ait encore été
En second lieu, nous avons utilisé la
donnée, bien que les normes existent
base de données Compustat donnant
depuis 1987 et que plus de 500 000 certides informations financières, telles
fications aient été délivrées dans le
qu’elles ont été rapportées à la
monde. Les faits anecdotiques abondent
Securities and Exchange Commission
à la fois pour conforter et contredire
(SEC), sur toutes les entreprises cotées
l’hypothèse d’un rendement financier
en bourse aux États-Unis, de 1988 à
amélioré en quelque manière grâce à
1997.
ISO 9000.
Pour mesurer les incidences finanDans cet article, nous examinons
cières de la certification ISO 9000, nous
l’effet de la certification ISO 9000 sur
avons dû fusionner ces deux ensembles
des entreprises cotées en bourse aux
de données. Pour toute entreprise figuÉtats-Unis et nous établissons que la
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rant dans notre base de données financières, il a fallu établir si elle avait reçu
une certification ISO 9000, et quand.
Cette mise en correspondance a été tout
sauf directe : les deux bases de données
n’ont pas la même méthode d’identification des entreprises ou des sites et nous
avons dû en fin de compte recourir à
divers processus manuels. Cet effort, qui
a duré de 1999 à 2001, a permis de
produire une base de données comprenant 7 598 entreprises figurant dans
Compustat qui avaient reçu un ou plusieurs certificats ISO 9000 avant 1998.
Nous nous sommes centrés sur les
trois secteurs industriels comptant le
plus grand nombre de certificats ISO
9000 et correspondant aux codes SIC 28
(produits chimiques et produits associés), 35 (machines industrielles et commerciales et équipements informatiques)
et 36 (équipements et composants
électroniques et autres équipements et
composants électriques, à l’exclusion des
équipements informatiques).
Le tableau 1 contient une répartition
détaillée de notre échantillon final. Pour
SIC 28, le résultat final est un ensemble
de 74 entreprises ayant reçu leur première certification ISO 9000 jusqu’en
1997; pour SIC 35 et 36, notre échantillon final comprend respectivement
132 et 167 entreprises certifiées.
Nous avons utilisé plusieurs mesures
de performance. L’analyse principale est
centrée sur le rendement financier, tel
qu’il est mesurée par le rendement de
l’actif (RA – quotient du bénéfice
d’exploitation avant dépréciation, par
le total de l’actif).
Une autre mesure de plus en plus
employée est le ratio de Tobin, ou rapport entre la valeur marchande de la
créance en cours et le coût de remplacement de l’actif, qui mesure la valeur de
remplacement de l’actif. Chung et Pruitt
(1994) proposent d’approximer le ratio
de Tobin par (MVE + PS + DEBT) / TA,
où MVE est la valeur marchande des
capitaux propres, PS la valeur liquidative du capital-actions privilégié, DEBT
la valeur du passif à court terme après
déduction des éléments de l’actif à court
terme plus la valeur comptable de la
dette à long terme, et TA la valeur
comptable du total de l’actif de l’entreprise. Des valeurs du ratio de Tobin
supérieures à 1 signifient que l’entreprise retire davantage de valeur de ses
actifs qu’elle n’en obtiendrait en les
vendant.
Nous cherchons aussi à savoir si la
certification conduit à des améliorations
internes en productivité ou à des améliorations externes en commercialisation. Pour examiner l’effet sur la productivité, nous comparons si le coût des
produits vendus exprimé en pourcentage des ventes (CPV/VENTES) s’est
amélioré après la certification, c’est-àdire s’il a diminué par rapport au groupe de contrôle.
Pour examiner l’effet sur la commercialisation, nous établissons par comparaison si le ratio de rotation de l’actif,
c’est-à-dire le quotient des ventes par
les actifs (VENTES/ACTIFS), a augmenté après la certification par rapport
au groupe de contrôle. Ces mesures sont
SIC
28
SIC
35
SIC
36
1990
4
2
0
1991
2
5
6
1992
14
15
11
1993
16
25
35
1994
15
16
32
1995
13
27
34
1996
4
23
26
1997
6
19
23
Total
74
132
167
Tableau 1 :
Nombre d’entreprises
certifiées ISO 9000
de notre échantillon,
par année de la
première certification, dans les trois
secteurs industriels
américains comptant
le plus grand nombre
de certifications
ISO 9000
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toutes deux étroitement liées au RA :
des améliorations de productivité ou de
la rotation de l’actif devraient immédiatement entraîner des améliorations du
RA.
Méthodologie de l’étude
d’évènement
Nous nous sommes
centrés sur les trois
secteurs industriels
comptant le plus grand
nombre de certificats
ISO 9000
28
Pour examiner les
effets de la certification
ISO 9000 sur le rendement, nous avons adopté
la méthodologie dite de
l’étude d’évènement pour
détecter les améliorations
dans la performance d’exploitation.
Pour l’essentiel, une
étude d’évènement compare le rendement d’un
groupe d’entreprises qui
ont fait l’objet d’un évènement particulier (en l’occurrence, une première
certification ISO 9000)
avec le rendement d’un
groupe comparable d’entreprises qui
n’ont pas connu cet évènement. Cette
méthode, d’usage courant en recherche
financière, a aussi été employée pour
montrer que le TQM (management total
de la qualité) améliore le rendement des
entreprises (Hendricks et Singhal, 1997).
Ce type d’étude exige que l’on spécifie la période de l’évènement, dans
notre cas la période durant laquelle ISO
9000 est mise en œuvre. Une mise en
œuvre type prenant entre 6 et 18 mois,
nous avons défini la période de l’évènement comme étant l’année de la première certification (année t) et l’année précédant immédiatement la certification
(année t – 1). La période précédant la
période de l’évènement (année t – 2)
sert à définir le groupe de contrôle.
Les années suivant la période de
l’évènement (années t + 1 à t + 3) sont
utilisées pour vérifier si les entreprises
certifiées ont connu un rendement supérieur (ou excédentaire) en comparaison
du groupe de contrôle. Par exemple, si
une entreprise a obtenu la certification
en 1994, nous utilisons son rendement
de 1992 pour sélectionner un groupe de
contrôle, puis nous comparons le rendement financier dans les années suivantes, c’est-à-dire l’année t – 1 (1993), l’année t (1994), etc..
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Explication des diagrammes
Les diagrammes des Figures 1, 2,
et 3 sont présentés pour résumer
les résultats d’une manière succincte et graphique. Pour construire
ces diagrammes, nous avons
compilé les changements annuels
progressifs du rendement des
entreprises certifiées et non certifiées. À strictement parler, cela
n’est pas exact car l’échantillon
des entreprises certifiées change
sur le plus long terme. Les chiffres
cités dans le texte sont les vrais
niveaux de rendement supérieur
des entreprises certifiées, donnés
dans l’étude complète; ils correspondent largement à ceux suggérés par les diagrammes, mais
sans y être absolument identiques.
Les diagrammes sont interprétés
comme suit. La ligne continue
montre le rendement des entreprises après l’obtention de leur
première certification ISO 9000,
comparé à celui d’un groupe
d’entreprises de contrôle, indiqué
par la ligne pointillée.
La certification a été délivrée l’année t. Le diagramme du rendement de l’actif (RA) montre que le
groupe de contrôle est sélectionné
de façon à avoir le même RA initial à l’année t – 2 que l’entreprise certifiée. La différence entre
les entreprises certifiées et non
certifiées dans la période t + 1,
par exemple, indique la différence
de rendement réalisée par les
entreprises certifiées l’année
suivant la certification, par rapport
à leur groupe de contrôle, sous
forme d’une moyenne de toutes
les entreprises certifiées.
Pour les trois autres mesures de
rendement (ratio de Tobin, rapports
CPV/VENTES et VENTES/ACTIFS),
nous laissons artificiellement
commencer les groupes de
contrôle au même point que les
entreprises certifiées, pour mettre
en relief les différences de rendement après la certification et
faciliter la comparaison avec le
diagramme du RA.
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Figure 1: La certification ISO 9000
dans l’industrie chimique (SIC 28)
Certifié
Non-certifié
En choisissant un groupe de contrôle sur la base de caractéristiques comparables avant l’évènement, c’est-à-dire
avant l’obtention de la certification ISO
9000, une étude d’évènement nous permet de vérifier si les entreprises certifiées ISO 9000 ont un rendement supérieur à celui d’entreprises par ailleurs
comparables mais qui n’ont pas été certifiées.
Résultats
Produits chimiques
Les résultats pour chacune des trois
industries sont indiqués dans les Figures
1, 2 et 3 respectivement – voir l’encadré
« Explication des diagrammes » en page
28. Le premier diagramme de la Figure 1
compare le RA des entreprises certifiées et non certifiées dans l’industrie
chimique (code SIC 28). La figure montre qu’en moyenne, les entreprises non
certifiées ont vu leur RA chuter alors
que le RA des entreprises certifiées
demeurait fort constant.
Une entreprise débutant avec un RA
de 17,9 % (moyenne des entreprises
SIC 28 certifiées à l’année t – 2) verra
en moyenne son RA demeurer plus ou
moins constant l’année avant la certification, alors que le RA chute pour les
entreprises non certifiées. La différence
entre les deux groupes est 0,9 point de
pourcentage, soit une différence relative
de RA de 5,0 %.
À l’année t + 3 , l’entreprise certifiée
aura vu l’écart de RA augmenter pour
passer à 2,1 points de pourcentage, soit
une différence relative de 12 %.
Pour le ratio de Tobin, le second diagramme de la Figure 1 indique une tendance largement comparable bien qu’il
1) Les résultats présentés ici sont tous
fondés sur un rendement excédentaire
médian; la médiane est définie par le fait
que les observations sont pour moitié
supérieures et pour moitié inférieures à la
médiane. Les médianes sont souvent
préférées aux moyennes car elles sont
moins sensibles aux valeurs aberrantes.
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Figure 2: La certification ISO 9000 dans
l’industrie des machines industrielles
et des ordinateurs (SIC 35)
Certifié
Non-certifié
faille attendre un an de plus, c’est-à-dire
l’année de la certification, pour que l’effet se concrétise.
À l’année t + 3, le ratio de Tobin
pour les entreprises certifiées est supérieur de 0,45 à celui des entreprises non
certifiées, une différence relative de
29 % par rapport à la valeur de départ
de 1,5.
Quelle est la cause de l’amélioration
du RA ? Immédiatement après avoir
décidé de rechercher la certification, les
entreprises connaissent une amélioration
de la productivité, contrairement aux
entreprises non certifiées, qui n’observent pas une telle amélioration et
connaissent finalement un déclin progressif de leur productivité, comme l’indique la chute du rapport CPV/VENTES
dans le troisième diagramme de la Figure
1. L’écart se creuse avec le temps. Les
entreprises certifiées ont en moyenne
des rapports CPV/VENTES inférieurs
de 1,5 point de pourcentage à ceux des
entreprises non certifiées à l’année t + 3,
soit une différence relative de 2,7 %.
Le quatrième diagramme de la
Figure 1 montre que les entreprises certifiées connaissent un déclin légèrement
plus faible du rapport VENTES/ACTIFS
dans les deux premières années suivant
la certification par rapport aux entreprises non certifiées bien qu’à long terme,
cet effet ne semble pas statistiquement
significatif. Pour résumer les résultats
du secteur SIC 28, il est clair que la
première certification ISO 9000 des
entreprises a réellement conduit à des
améliorations relatives du RA, principalement par une productivité accrue.
Machines industrielles et ordinateurs
Pour le secteur des machines industrielles et des ordinateurs (code SIC 35),
les effets sur le RA suivent une tendance similaire mais sont amplifiés. Une
fois de plus, certaines entreprises évitent la chute significative du RA que
connaissent les entreprises non certi-
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Figure 3: La certification ISO 9000
dans l’industrie des équipements et
composants électroniques (SIC 36)
Certifié
Non-certifié
fiées, et ces améliorations relatives persistent dans le temps.
À l’année t + 3, les entreprises certifiées ont un RA supérieur de 4,8 points
de pourcentage à celui des entreprises
non certifiées, soit une différence relative de 37 %. Il est intéressant d’observer
qu’il n’y a pas ici de fort effet correspondant sur le ratio de Tobin.
Les entreprises non certifiées
connaissent une importante perte de
productivité et de ventes en comparaison des entreprises certifiées. À l’année
t + 3, le rapport VENTES/ACTIFS des
entreprises certifiées est supérieur de
9,9 points de pourcentage à celui des
entreprises non certifiées, soit une différence relative de 7,6 %.
En résumé, les entreprises du secteur
SIC 35 connaissent également des améliorations significatives du RA, dues en
partie aux ventes et en partie à des
réductions relatives des coûts.
Équipements électroniques et
électriques
De façon comparable, les entreprises
non certifiées dans le secteur des équipements électroniques et électriques
(code SIC 36) connaissent une importante chute du RA alors que les entreprises certifiées conservent un RA plus
ou moins constant. À l’année t + 3, la
différence est de 8,7 points de pourcentage, soit une différence relative de 55
% en comparaison de l’année t – 2.
Ces améliorations relatives du RA se
traduisent par des différences significatives dans le ratio de Tobin. À l’année
t + 3, la différence est passée à 0,24, soit
une augmentation de 15 %. Les entreprises du secteur SIC 36 maintiennent
une productivité constante, alors que les
entreprises non certifiées connaissent
d’importantes augmentations des coûts.
À l’année t + 3, le rapport CPV/ VENTES des entreprises certifiées est inférieur de 2,9 points de pourcentage à celui
des entreprises non certifiées, soit une
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merciales, des équipements informatiques, des équipements électroniques et
autres équipements et composants électriques, on observe des effets à la fois
sur les ventes et sur les coûts.
Selon des analyses plus détaillées qui
sont toujours en cours, certains de ces
effets apparaissent plus forts pour les
entreprises qui avaient obtenu plusieurs
Les groupes de contrôle
dans l’étude d’évènement
Un article essentiel sur les méthodes
de l’étude d’évènement est celui de
Barber et Lyon (1996), qui établissent que le groupe de contrôle doit
être mis en correspondance avec
les entreprises certifiées sur la base
du rendement avant l’évènement.
Nos résultats suggèrent
que le fait de ne
pas rechercher une
certification ISO 9000
contribue à une
évolution défavorable
graduelle du rendement
32
différence relative de 4,9 %. Dans l’ensemble, elles connaissent aussi un déclin
beaucoup plus modeste du rapport VENTES/ACTIFS que les entreprises non
certifiées ; une analyse plus pointue révèle que c’est particulièrement le cas des
entreprises précocement certifiées.
En résumé, les entreprises du secteur
SIC 36 connaissent, par la certification,
des réductions des coûts et des bénéfices des ventes importants, engendrant
des améliorations claires du RA et du
ratio de Tobin.
En combinant les résultats obtenus
pour toutes ces catégories SIC, nous
parvenons à la conclusion que les entreprises qui avaient décidé de rechercher
la certification ISO 9000 ont maintenu
leur RA dans les trois industries, tandis
que les entreprises non certifiées ont vu
leur rendement décliner avec le temps.
Dans l’industrie chimique, les effets
sont principalement internes : ISO 9000
induit des réductions des coûts par une
productivité améliorée. Dans les secteurs des machines industrielles et com-
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Si l’on ne procède pas à une telle
mise en correspondance, un rendement post-certification supérieur
des entreprises certifiées ISO 9000
peut simplement répercuter un
rendement pré-certification déjà
supérieur. En sélectionnant un
groupe de contrôle à rendement
correspondant, il est probable
qu’une différence de rendement
positive reflétera plus une causalité
sous-jacente qu’une cause commune.
Cela signifie qu’un rendement
escompté Pi,t+l de l'entreprise i dans
toute période t + l (où la période t
est l’année de la certification) est
donné par l’équation E[Pi,t+l] = Pi,t–2
+ (Pli,t+l – Pli,t–2), où Pli,t dénote le
rendement du groupe de contrôle
de l’entreprise i. Le rendement
excédentaire (ou « anormal ») est le
rendement de l’entreprise certifiée
par rapport au référentiel défini
par le groupe de contrôle, à savoir
APi,t+l = Pi,t+l – E[Pi,t+l].
Suivant la recommandation de
Barber et Lyon, nous faisons correspondre chaque entreprise certifiée
avec un groupe de contrôle d’entreprises non certifiées du même
secteur industriel (au niveau de
code SIC à 2 chiffres) avec un RA
dans l’année t – 2 compris entre
90 % et 110 % du RA de l’entreprise
certifiée.
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Références
Barber, B.M. et J.D. Lyon.
1996. Detecting Abnormal
Operating Performance :
The Empirical Power and
Specification of Test Statistics.
Journal of Financial Economics
41 359-399.
Chung, K.H. et S.W. Pruitt.
1994. A Simple Approximation of
Tobin’s Q. Financial Management
23(3) 70-74.
Corbett, C.J. 2002. Diffusion of
ISO 9000 and ISO 14000 Through
Global Supply Chains.
Manuscript, UCLA. Disponible à
http://personal.anderson.ucla.
edu/charles.corbett/research.htm.
Cela suggère fortement qu’après
avoir décidé de rechercher leur première certification ISO 9000, les entreprises
ont procédé à des changements qui ont
conduit directement ou indirectement à
des améliorations relatives du RA, à la
fois par une meilleure maîtrise des coûts
et par des ventes accrues. Ces améliorations sont-elles un effet causal direct de
la décision d’être certifié ISO 9000 ? Il
est tout à fait possible que cette décision
soit positivement associée à d’autres
pratiques de « bon management », et que
ce soient ces dernières qui améliorent le
RA plutôt que le processus de mise en
œuvre et de certification ISO 9000 en
tant que tel.
Corbett, C.J., M.J. Montes
et D.A. Kirsch.
2002. The Financial Impact of
ISO 9000 in the US : An Empirical
Analysis. Manuscript, UCLA.
Disponible à partir d’octobre 2002
à http://personal.anderson.ucla.
edu/charles.corbett/research.htm.
Hendricks, K.B. et V.R. Singhal.
1997. Does Implementing an
Effective TQM Program Actually
Improve Operating Performance ?
Empirical Evidence from Firms
That Have Won Quality Awards.
Management Science 43(9)
1258-1274.
certifications jusqu’en 1997 que pour les
entreprises certifiées une seule fois, et
souvent plus forts pour les entreprises
certifiées précocement que pour celles
certifiées tardivement.
Interpréter les résultats
Comment interpréter ces résultats ?
À strictement parler, ils montrent que
« les entreprises connaissent un rendement significativement meilleur après
avoir décidé de rechercher leur première certification ISO 9000 par rapport
aux entreprises d’un groupe de contrôle
dont les rendements étaient similaires
avant cette décision ».
Toutefois, les groupes de contrôle
sont composés d’entreprises qui avaient
le même RA avant la décision de certification; quelque chose a donc spécifiquement changé dans les entreprises
certifiées dans l’année précédant la certification.
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Après avoir décidé
de rechercher leur
première certification
ISO 9000,
les entreprises ont
procédé à des
changements qui
ont conduit
directement ou
indirectement à des
améliorations relatives
du RA, par une
meilleure maîtrise
des coûts et par des
ventes accrues
34
Étant donnée l’amplitude des améliorations du rendement, il semble probable que d’autres effets que la seule
certification ISO 9000 sont intervenus.
Toutefois, en raison de l’utilisation de
groupes de contrôle à rendement équivalent et du caractère persistant des
améliorations relatives, nos résultats
suggèrent fortement que la préparation
de la première certification ISO 9000 a
aussi contribué à un rendement supérieur.
La bonne nouvelle est manifestement que, dans toutes nos analyses, nous
avons découvert des améliorations relatives significatives du RA. Dans cette
perspective, nous pouvons répondre à
notre question du début – « la certification ISO 9000 est-elle rentable ? » – par
un « OUI ! » clair et net (bien que, en
notre qualité de chercheurs, nous
devions immédiatement pondérer cette
assertion de plusieurs facteurs qui sont
examinés dans notre étude complète).
Il est toutefois intéressant de relever
que la certification ISO 9000 apparaît
plus souvent comme une condition
nécessaire pour maintenir le rendement
que comme un moyen infaillible de
l’améliorer. C’est tout à fait compréhensible : ISO 9000 étant une norme
publique, on voit mal comment telle ou
telle entreprise pourrait en retirer un
atout concurrentiel durable. Une entreprise doit disposer de ressources autres,
plus profondes et plus difficiles à imiter.
Toutefois, nos résultats suggèrent que le
fait de ne pas rechercher une certification ISO 9000 contribue à une évolution
défavorable graduelle du rendement.
En utilisant le RA comme mesure
de rendement, nous avons délibérément pris en compte un vaste éventail
de coûts et d’avantages, y compris ceux
qui sont indirects ou difficiles à quantifier et qui sont donc normalement
exclus d’une analyse coûts-avantages
étroite pour décider de rechercher ou
non la certification. Le fait que la certification ait induit des améliorations
relatives du RA ne se traduit pas
nécessairement par des améliorations
spécifiques susceptibles d’être prédites
et capturées dans une telle analyse
coûts-avantages.
Cela est encore accentué par le fait
que les améliorations du rendement ne
sont pas absolues, mais relatives, et
contribuent à maintenir plutôt qu’à
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améliorer le rendement financier. Dans
l’ensemble, nous sommes ainsi amenés
à une conclusion en apparence paradoxale : la décision de rechercher la certification ISO 9000 a réellement
conduit à de substantielles améliorations du rendement, mais elle est difficile à justifier à l’avance au moyen d’une
analyse coûts-avantages traditionnelle,
ce qui implique qu’une telle décision
doit être fondée, dans une certaine
mesure, sur un acte de foi.
Remerciements
Les auteurs sont reconnaissants
à WorldPreferred (www.
worldpreferred.com), la société
canadienne qui établit une base
de données internationale des
organisations certifiées selon des
normes de système de management, de leur avoir communiqué
ses données sur les certifications
ISO 9000 en Amérique du nord,
ainsi qu’à Marvin Lieberman,
Raghavendra Rau, et Lena Sernova
pour leurs utiles suggestions.
Une partie de ce travail a été
réalisée alors que le deuxième
auteur était Chercheur invité et le
troisième auteur Professeur invité
à Anderson School, UCLA,
Université de Californie,
Los Angeles, États-Unis.
Nous sommes reconnaissants du
soutien financier apporté par le
Programme de recherche Pacific
Rim de l’Université de Californie
et par le Harold Price Center for
Entrepreneurial Studies.
Le premier auteur a reçu un
soutien financier du Secrétariat
central de l’ISO pour une autre
étude, qui porte sur la diffusion
mondiale d’ISO 9000 et
ISO 14000.

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