Epreuve écrite de Résumé de Texte

Transcription

Epreuve écrite de Résumé de Texte
Banque Agro Veto. Session 2014
Rapport sur le concours B ENV
Epreuve écrite de Résumé de Texte
Conours
N.cand
Moyenne
Ecart-type
B ENV
395
9,5
3,7
Note la plus
basse
2
Note la plus
haute
19
Le texte proposé cette année est de la main de Hubert Grenier, éminent professeur de philosophie en Khâgne
au lycée Louis le Grand, élève de Jules Lagneau, qui fut lui-même élève d'Alain. Cet écrit, choisi pour la
session 2014, est un chapitre entier de La liberté heureuse, cours publié à titre posthume par l'un de ses
élèves, et constitue une totalité autarcique, intégrale et sans coupure, corrigé de dissertation sur la solitude. Il
avait la caractéristique intéressante de proposer les tenants et aboutissants d'une réflexion dialectique, d'un
seul tenant, qui produisait à mesure des contradictions à dépasser. Assise conceptuelle très cohérente et
homogène que les candidats se devaient d’appréhender.
Dès lors, se déployait une ligne démonstrative forte que les bonnes copies ont su manifester. La solitude,
d'abord repérée par l'auteur comme phénomène psychique et existentiel structurant, était progressivement
dénoncée comme faux-semblant. Apparemment humanisante, la solitude méconnaîtrait le malentendu qui est
en elle. Mais cette confusion doit être dépassée pour faire advenir le solitaire à lui-même et à la communauté
des sujets.
Cet exercice s’est avéré discriminant. L’éventail des notes est très ouvert : elles vont de 2 à 19, l’écart type
est de 3,7 et la moyenne générale est de 9,5.
Quelques copies, assez rares, ignoraient les règles du jeu les plus élémentaires de l’épreuve, et n'ont pas en
ce cas respecté le format attendu ni la chronologie du texte, ou ont confondu résumé et analyse. Un assez
grand nombre de copies ont reconduit passivement des expressions entières du texte initial, pensant ainsi
masquer leur difficulté à saisir l'argumentation.
Rares également ont été les résumés qui ont totalement rabattu le sémantique sur le syntaxique, se contentant
d'aligner des énoncés dont la succession ne faisait pas sens.
Oublieux du travail préalable de repérage des connecteurs logiques qui permettaient de délimiter des grands
moments dans le texte, certains étudiants ont émietté le texte en une multiplicité de paragraphes, allant
parfois à la ligne après chaque phrase, ou, inversement, ont écrit un résumé d'un seul tenant, sans scansion
logique minimale.
Certaines copies se caractérisaient par un usage massif de la juxtaposition, qu’il s'agisse du « de plus » ou du
« en outre ».
Quelques copies ont inventé au lieu de transposer.
« Celui qui apprend à se connaître dégage un charme qui attire les autres. »
« Une personne seule agit sur les autres comme un virus. »
« La déception engendrée par la disparition de l'unité familiale. »
S’est avérée également frappante la mauvaise qualité syntaxique et orthographique d’un certain nombre de
copies, qui a pesé lourdement sur leur évaluation.
Parfois, c'est le phonétique qui l'emporte :
« S’en pour autant », la » conscience de soit », « Là, née la conscience », « c'est multiples facettes... », « une
fin en soie », « la conscience s'épare. »
Certaines formulations se sont laissées emporter par un terme, sans en interroger le contexte :
La solitude, comme isolement, est devenue assez fréquemment la solitude comme isolation.
La solitude, non pas naturelle mais culturelle, non pas innée mais advenue, « arrive donc en seconde ». « L '
enfant ne se rend compte de sa solitude qu'après l'accouchement. »
Une formule, par contre, heureuse, a été tentée : « on ne nait pas seul, on le devient. »
Au début du texte, alors que Hubert Grenier dissocie une approche factuelle de la solitude d'une approche qui
fait intervenir un ressenti (devenu dans quelques copies un « ressentiment », et assez souvent un ressentit),
quelques candidats ont parlé de solitude sensorielle ou sensuelle.
La référence à la dimension aristocratique de la solitude a donné lieu aussi à des variantes étonnantes :
- « Dans l'aristocratie, quelqu'un de seul est quelqu'un de puissant. »
- La solitude « nous émancipe de la masse sociale ».
- « De nombreux nobles et philosophes se sont attachés à démêler ses énigmes. »
Quelques redondances :
« Cohabiter entre eux. » « L'isolement isole. »
Des néologismes, assez nombreux, se sont glissés dans les propositions des candidats :
Réflexionner, la dénigrance, l'imperception de soi, un endossement de responsabilité, l'attracteur, attrayer.
Quelques inadvertances dans la maîtrise du niveau de langue :
« L'intérêt que l'individu se porte le distingue par son m'enfoutisme à tout le reste, sa solitude l'élève sur un
pied d'estal. »
Quelques incohérences non aperçues, telles que :
« Il y a une volonté de solitude sans pour autant une envie d'être seul. »
Une tendance lourde est à signaler : le « ne » de la négation est souvent omis :
« Nul autre peut le savoir ».
Les candidats sont de plus en plus nombreux à méconnaître l'accentuation et la ponctuation.
Les fautes d'orthographe les plus fréquemment rencontrées ont été cette année :
existance, hypocryte, cercle viscieux, intrasèque, une vertue, un therme.
Le jury s'est réjoui de la maîtrise, grande, de certaines réalisations.
Nous avons eu le privilège de lire des résumés de texte qui prenaient des initiatives de réécriture très
intéressantes, encadrées par une analyse préalable des objectifs et des étapes du texte. Nous terminerons, par
exemple, ce compte rendu par une copie de candidat très bien notée qui manifeste simplicité et rigueur. La
ligne directrice est rendue, ainsi que les paradoxes rencontrés par l'auteur :
« La solitude se définit non pas comme le fait d'être seul, mais comme le sentiment d'être seul, elle n'a donc
pas d'existence matérielle. Chaque chose étant reliée aux autres, elle se caractérise par une communication
défectueuse.
La construction de la conscience se faisant par exclusion de soi par rapport au reste, la solitude est un
élément clé, et permet de mieux se découvrir. Ce faisant on s'élève au-dessus des autres en s'isolant de plus
en plus ; la quête de la solitude peut alors s'apparenter à celle de la toute-puissance.
La solitude, pour qu'on en ai[t] conscience, doit être imparfaite, car elle se définit uniquement par rapport
aux autres : l'état de solitude est de fait paradoxalement celui où la dépendance aux autres est la plus grande.
La conscience de la solitude la détruit donc, de même que la pensée, qui est un acte en rapport avec
l'extérieur. Puisque la conscience est solitude, nous sommes les seuls à connaître nos sentiments. La notion
de subjectivité de la vérité est alors tentante.
Mais [c]’est oublier que la pensée se formule grâce à des mots, héritage du non-soi, et que c'est une
recherche de la vérité pour tous. La solitude est donc l'animalité, et la pensée la brise.
La solitude n'est donc pas une sensation mais une absence de connaissance de soi et renier le rapport avec les
autres, c'est renier son humanité. Le thème de la solitude, résolu par la réflexion, est ainsi proche de la
réflexion philosophique. »
Le jury remercie très chaleureusement les collègues qui préparent les candidats à cette épreuve de réflexion
et de rigueur et salue la qualité de leur travail, dont certaines réalisations sont visiblement bénéficiaires.
Expert du jury 2014 : Julie Chalvignac.
Rapporteur : Véronique Bonnet.
Correcteurs: Muriel Bourgeois, Nathalie Chessé, Véronique Bonnet.