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05-a-Constant:Mise en page 1
20/07/09
10:09
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Le pouvoir, la solitude et… la mort
Fred Constant*
Il est bon de suivre sa pente
pourvu que ce soit en montant.
André Gide
À
L’ÉVIDENCE, la mort métamorphose la vie en destin. Prodigieux,
celui d’Aimé Césaire se paie de solitude. D’une immense solitude.
Celle de l’écrivain1 d’abord, dont elle est le lot quotidien, la compagne fidèle, le témoin exigeant. Poète reconnu mais guère célébré,
dramaturge inspiré mais de fait peu joué, pamphlétaire redouté mais
trop vite oublié. Quarante-trois années d’écriture2, de corps à corps
avec soi-même, à sculpter des mots neufs dans un langage unique.
Celle du politique3 ensuite, dont elle est l’une des dimensions du
pouvoir, l’interface de la responsabilité, la contrepartie paradoxale de
la popularité. Député adulé sans cesse combattu, maire populaire
mais souvent attaqué, leader tutélaire otage du parti. Cinquante-six
ans de vie publique, de combats électoraux, sublimes et dérisoires,
de déceptions et d’incompréhensions, de progrès notables et d’avancées réelles, d’échecs retentissants et de fidélité trahie. Un demisiècle à éviter les écueils, à tracer une route, à dénoncer les
impasses, à inventer demain4.
* Professeur des universités, détaché au ministère des Affaires étrangères.
1. Lire le discours de réception du prix Nobel de littérature de Jean-Marie G. Le Clézio
(« Dans la forêt des paradoxes », Stockholm, 2008) qui consacre de très belles pages à la solitude de l’écrivain.
2. Si l’on s’en tient aux dates de publication de ses première (1939) et dernière œuvres
(1982). Évidemment, Aimé Césaire a commencé à écrire bien avant et a sans doute continué
bien après.
3. Parmi d’autres biographies ou autobiographies, voir les témoignages d’Anthony Sampson,
Mandela. The Authorized Biography, Harper Collins Publisher, 1999 et de Nelson Mandela, A
Long Walk to Freedom, Abacus, 1995.
4. Dès 1956, dans sa célèbre Lettre à Maurice Thorez (Paris, Présence Africaine, 1956), le
député martiniquais devait écrire : « […] il nous faudra avoir la patience de reprendre
l’ouvrage ; la force de refaire ce qui a été défait ; la force d’inventer au lieu de suivre ; la force
d’inventer notre route et de la débarrasser des formes toutes faites, des formes pétrifiées qui
l’obstruent […] »
Août-septembre 2009
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