Les fonds alternatifs

Transcription

Les fonds alternatifs
PORTEFEUILLE
Les fonds alternatifs
Une assurance requise
dans un portefeuille
Greg N. Gregoriou
usqu’à maintenant, il faut
admettre que le monde
fascinant des hedge funds n’a
pas fait l’objet de beaucoup de
recherches universitaires. Bien que certaines publications spécialisées aient
scruté à la loupe des cas tels l’offensive de George Soros sur la Banque
d’Angleterre en 1992 et l’effondrement de LTCM (Long Term Capital
Management) en 1998, ce n’est que
depuis tout récemment que les revues
académiques ont commencé à s’intéresser vraiment aux hedge funds (ou
fonds alternatifs. Certains les appellent aussi fonds de couverture).
L’utilisation des fonds alternatifs
dans un portefeuille devrait pourtant
faire partie de toute stratégie visant à
réduire les risques inhérents à un placement dans un portefeuille tout en
augmentant le rendement. C’est pour
cette raison que les investisseurs avisés
tels les investisseurs institutionnels et
les gestionnaires de grandes fortunes
privées les incorporent dans leur stratégie de placement.
Pourtant, les médias critiquent fréquemment ces mêmes fonds alternatifs
en raison de leur réputation de fauteurs
de troubles et de leur incidence sur les
politiques économiques et monétaires.
J
Ces médias n’ont toutefois pas rapporté
le fait qu’au cours de la correction boursière d’août 1998, les hedge funds ont
enregistré de meilleurs résultats que
l’indice S&P 500 et la moyenne des
fonds communs de placement, et ce,
alors que la débâcle de LTCM faisait
la manchette des journaux.
Les fonds dits alternatifs sont souvent établis dans des juridictions
off-shore et ils sont gérés pour des investisseurs privés. Ces fonds ne sont donc
pas offerts au public. En utilisant un
fonds off-shore, un gestionnaire basé en
sol américain peut contourner les
cadres juridique et réglementaire en
vigueur dans ce pays et il peut donc
faire appel à diverses stratégies auxquelles les fonds communs n’ont pas
accès – les ventes à découvert, les instruments dérivés, les contrats à terme,
les options et les investissements dans
des paniers de titres, par exemple –
afin de profiter des replis du marché
pour ainsi rendre ces placements plus
attrayants auprès des investisseurs
étrangers.
En conséquence, leurs rendements ne
font pas l’objet d’un suivi par des firmes
d’évaluation de services comme
Morningstar. De plus, contrairement
à des fonds conventionnels qui sont
JUILLET-AOÛT 2000
27
alignés sur des indices ou des styles de
placement particuliers – comme la
croissance, les titres à revenu ou les
sociétés à petite ou moyenne capitalisation – les hedge funds ont, en soi, été
créés pour échapper aux mouvements
des marchés, d’où l’opération de se
«couvrir».
Les spécialistes des fonds alternatifs comprennent que les turbulences
qui secouent les marchés boursiers
mondiaux sont provoquées par les tendances sur les marchés financiers et la
dévaluation des devises.
Lorsqu’ils sont employés avec discernement, les hedge funds sont d’importants outils de gestion du risque,
capables de protéger un portefeuille
contre les pressions cycliques et les
événements fortuits.
Selon un sondage effectué en 1996
par Lee Hennessee Group, une firmeconseil new-yorkaise spécialisée en
opérations de couverture, c’est pour
cette raison que la plupart des fiducies
et des caisses de retraite protègent
leurs investissements en plaçant de
10 à 15 % de leur actif dans des
fonds alternatifs.
Les prévisions de cette firmeconseil indiquent qu’en 2004, 30 %
de l’actif des fonds alternatifs sera
FOND DE FONDS vs HEDGE FUNDS
vs FONDS MUTUELS vs INDICES
FIGURE 1
Test de stress, août 1998
%
Second pire mois du S& P 500 depuis 1960
0
-2
-4
Rendement
-6
-8
-10
-12
-14
-16
-18
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aux E 300 P 500
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Source : MAR Hedge, LaPorte, Globefund
FIGURE 2
Écart-type annualisé 1990-1999
16
14
12
10
8
6
4
2
0
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Source : Portfolio Analytics, MAR Hedge, LaPorte, Bloomberg
FIGURE 3
Ratio de Sharpe annualisé 1990-1999
1,2
1
0,8
0,6
0,4
0,2
0
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Source : Portfolio Analytics, MAR Hedge, LaPorte, Bloomberg
OBJECTIF CONSEILLER
28
détenu par des caisses de retraite, gonflant ainsi l’actif de ce secteur à un
total de 600 milliards $ US.
Une étude récente effectuée par
KPMG multiplie par dix cette montée vertigineuse, estimant à 1,7 milliard $ la somme placée dans les fonds
alternatifs en 2006. Se peut-il que les
hedge funds deviennent les fonds communs du futur et fassent partie intégrante de tout portefeuille?
Par ailleurs, ces fonds sont vendus
depuis peu sur la place publique, par
l’intermédiaire de la Financière
Banque Nationale, qui est la première
à offrir ce produit au Canada.
Qui investit dans les fonds alternatifs? Ce sont encore pour l’instant des
investisseurs chevronnés, des institutions (fondations, sociétés d’assurance-vie, fonds de dotation, banques
d’affaires et d’investissement) et l’élite
des très fortunés.
La plupart des fonds alternatifs
sont limités à des investisseurs enregistrés dont l’avoir net est supérieur à
1 million $. Toutefois, un fonds de
fonds (panier de hedge funds) permet
aux investisseurs moins fortunés ou
ayant une moindre tolérance au risque
de faire partie de ce club sélect. Les
fonds de fonds utilisent de 5 à 30
fonds alternatifs ayant des stratégies
de placement variées. Leur but est de
procurer un rendement constant en
équilibrant ces diverses stratégies.
Habituellement, les investisseurs au
sein de fonds alternatifs doivent acheter
des parts de plusieurs fonds pour obtenir la diversité que procure un fonds de
fonds. La structure des frais rattachés aux
fonds alternatifs diffère de celle des fonds
communs de placement, car les gestionnaires de fonds alternatifs et de fonds de
fonds sont rémunérés en partie en fonction de leur performance et non sur la
taille de l’actif du fonds, comme c’est
souvent le cas pour les fonds communs
de placement.
Les hedge funds à l’offensive
Le secteur des fonds alternatifs représente aujourd’hui presque 400 milliards $ US, et, selon Van Hedge Fund
International Advisors, une société du
Tennessee, le nombre de fonds de couverture est actuellement estimé à 5 500
fonds off-shore ou sur un territoire
donné, ce qui représente une force
importante sur la scène financière.
Comme catégorie, ce sont des fonds
sans (ou avec faibles) corrélations avec
les fluctuations habituelles sur les marchés obligataires et boursiers (pensons
aux fluctuations enregistrées par le
S&P 500). Hormis cela, il existe
cependant différents types de fonds
alternatifs. LTCM était un fonds avec
une forte proportion de placements à
effet de levier (à 96 % financés par
endettement) et avec arbitrage du différentiel de rendement sur des marchés
obligataires nationaux. En revanche, le
groupe de fonds Quantum, de
George Soros, l’un des plus importants
gestionnaires de hedge funds au monde
(en date du mois d’août 1998, il
dépassait les 20 milliards $), a bâti sa
réputation en tant qu’instrument sur
les marchés des changes. Certains le
comparent aux pétroliers géants qui ne
peuvent jamais accoster en raison de
leur taille mais qui sont à l’abri des
fluctuations marquées sur les marchés
obligataires ou boursiers.
Réducteurs de risques
Les fonds de fonds sont moins à risque
que l’indice S&P 500, l’indice TSE 300
ou l’indice de Morgan Stanley Capital
International (EAFE), et offrent une
protection sur les marchés volatils en
raison de leurs stratégies non corrélatives par rapport à des marchés boursiers turbulents.
Pour les conseillers en placement et
les planificateurs financiers, les fonds
alternatifs et les fonds de fonds sont un
instrument à privilégier. Et pour cause.
FIGURE 4
CORRÉLATION DE STYLES DE HEDGE FUNDS
VS INDICES DE RÉFÉRENCE
janvier 1990 – décembre 1999
STYLE
S & P 500
Fonds de fonds
0,39
Universel
0,51
Macroéconomique 0,47
Conjoncturel
0,64
Neutre au marché 0,24
Sectoriel
0,56
Position vendeur -0,74
Position acheteur 0,79
S & P 500
1,00
MSCI World
0,78
JP Morgan GBI 0,23
MSCI WORLD
0,33
0,46
0,44
0,53
0,16
0,46
-0,62
0,64
0,78
1,00
0,19
JP MORGAN GBI
0,002
0,27
0,21
0,01
0,14
0,03
-0,03
0,06
0,23
0,19
1,00
Source : Bloomberg, MAR Hedge, LaPorte
Ils procurent de la stabilité au portefeuille, sont de meilleurs outils de
diversification que les catégories traditionnelles d’actif (actions et obligations) et, historiquement, leurs rendements surpassent ceux des fonds
communs de placement au cours des
années maigres.
En effet, lorsqu’un fonds de fonds
est incorporé à un portefeuille traditionnel d’actions et d’obligations, le
ratio de Sharpe (rendement ajusté au
risque) augmente et le risque (écarttype) baisse.
Une des objections les plus communes soulevées à l’endroit des fonds
alternatifs est que contrairement à ce
qu’ils signifient (hedge = couvrir), ils
sont très spéculatifs et à risque.
«Risque» dans ce contexte sousentend perte ou possibilité de subir
une perte totale ou partielle de son
investissement. Ce devrait toutefois
être comparé à la définition habituelle
où le risque est mesuré selon la volatilité du rendement.
Au cours de la débâcle d’août 1998,
le deuxième pire mois du S&P 500
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depuis 1960, les fonds de fonds
moyens avaient un rendement de
- 6,4 % alors que le S&P 500 avait
chuté de -14,46 %, et le TSE, de près
de - 17 % (fig. 1), suivi de près par les
fonds communs de placement canadiens, américains et ailleurs à l’étranger. Cette figure montre également que
les investisseurs qui avaient dans leur
portefeuille un fonds de fonds ont
connu une baisse moins forte de la
valeur de leur portefeuille.
Les fonds alternatifs et les fonds de
fonds ont pour leur part eu un écarttype plus faible (donc un risque plus
bas) que certains indices et fonds
boursiers au cours des années 19901999, démontrant ainsi que ces investissements alternatifs pouvaient
contrôler les risques et fournir une
diversification efficace, alors que les
fonds de fonds offraient un risque
moindre pour un niveau donné de rendement anticipé (fig. 2).
La théorie moderne de portefeuille
soutient que l’actif devrait être comparé sur une base ajustée au risque et
non sur la base du rendement annuel
Les fonds comptant plusieurs gestionnaires ou de multiples stratégies
ont, de fait, des stratégies non corrélatives entre ces différents gestionnaires
et par conséquent, les fluctuations
enregistrées seront de moindre importance que celles enregistrées par un
fonds à stratégie unique. Le segment
des fonds de fonds est une composante
importante de l’univers de fonds
alternatifs (fig. 5).
En ventilant le risque auprès d’un
certain nombre de gestionnaires de
hedge funds par opposition
à un gestionnaire unique,
FIGURE 5
il y a moins de chances
que tous ces gestionnaires
POURCENTAGE DES ACTIFS
connaissent en même
SOUS GESTION
temps des résultats
Par style de hedge funds 1999
médiocres.
Selon LaPorte Asset
14 %
1 % 11 %
1%
Allocation Software (fig. 6),
20 %
les fonds de fonds ont de
façon régulière subi des
planchers moins accentués
28 %
(en pourcentage des pla4
%
21 %
fonds et des planchers des
Fond
Position
Universel
Sectoriel
cours boursiers) que
de fonds
acheteur
Neutre au
MacroPosition
Conjoncturel
l’indice S&P 500 au cours
marché
économique vendeur
de la période 1990-1999,
Source : MAR Hedge, La Porte
afin de déterminer la performance des
portefeuilles de gestionnaires comparativement aux indices des marchés. Au
cours de la période 1990-1999, les
fonds de fonds ont affiché des rendements supérieurs – facteurs de risque
ajustés – à ceux de plusieurs fonds
mutuels et d’indices (fig. 3).
Les fonds de fonds fournissent aux
investisseurs une corrélation plus faible
en comparaison des marchés boursiers
et obligataires traditionnels en réduisant
la volatilité des portefeuilles (fig. 4).
faisant en sorte d’éloigner les portefeuilles des chutes prononcées des
cours sur ces marchés.
Le recours à des investissements de
rechange (hedge funds, fonds de fonds)
peut rehausser les caractéristiques des
portefeuilles traditionnels des institutions, des fiducies et des caisses de
retraite et peut également fournir une
protection lors de corrections des marchés, ce qui en fait un outil de placement très attrayant.
Les fonds de fonds ont surpassé
l’indice S&P 500 durant les neuf trimestres baissiers de la période 19851999, illustrant ainsi qu’ils peuvent
fournir une protection (fig. 7) et agir
comme un «coussin gonflable» lors de
replis des marchés.
Plusieurs ont soutenu que pendant
les forts mouvements boursiers des
marchés américains, les hedge funds et les
fonds de fonds n’ont pas battu l’indice
S&P 500, et ce, depuis 1995, alors que
la moyenne des rendements à long
terme des fonds alternatifs oscillait
entre 17 % et 20 %, ce qui est pourtant supérieur aux rendements nominaux à long terme du S&P 500.
Selon la théorie moderne de por-
FIGURE 6
FONDS DE FONDS vs S & P 500
%
Baisses maximales 1990-1999
0
-2
-4
-6
Rendement
-8
-10
-12
-14
-16
1990
1991
Fond de fonds
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
S & P 500
Source : MAR Hedge, LaPorte
OBJECTIF CONSEILLER
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FIGURE 7
PERFORMANCE DES HEDGE FUNDS VS FONDS DE FONDS VS S&P 500
%
Baisses trimestrielles 1985 –1999 du S&P 500
+5
0
-5
-10
-15
-20
-25
3T85
3T86
4T87
S & P 500
1T90
3T90
2T91
1T92
hedge funds
1T94
4T94
3T98
3T99
fonds de fonds
Source : MAR Hedge, LaPorte
FIGURE 8
Les hedges funds : essentiels à un portefeuille diversifié
À la lumière de ces faits, il serait sage que les conseillers
en placement et les planificateurs financiers incluent des
hedge funds ou des fonds de fonds dans les portefeuilles de
leurs clients tant pour des raisons de diversification que
pour simplifier la gestion du risque.
Et, comme pour tout type d’investissement, il faudra
compter sur une période de détention de cinq à dix ans
quand on investit dans ces types de fonds.
Additions incrémentielles de hedge funds
dans un fonds de pension suivant l’indice
100 % hedge funds D
14,5
% Rendement
tefeuille développée par le Prix Nobel Harry
Markowitz en 1952, les portefeuilles qui se
situent le long de la frontière efficiente offrent
aux investisseurs une allocation optimale du
risque et du rendement (fig. 8). On peut voir
par ce graphique l’augmentation de l’actif ajusté
au risque en fonction du rendement des portefeuilles traditionnels grâce à des ajouts de fonds
alternatifs. Le portefeuille le plus optimal serait
B à cause du facteur risque (le plus bas) et du
pourcentage idéal de fonds alternatifs (20 %).
En se déplaçant du point A au point B, on
constate d’une part l’augmentation des rendements et d’autre part, la diminution de l’incidence du risque. Si l’on continue du point B au
point C, on note qu’avec le même niveau de risque qu’en
A, l’ajout de 40 % de fonds alternatifs augmente le rendement. La ligne pointillée représente une frontière inefficace et doit être ignorée.
FRONTIÈRE EFFICIENTE
C
14,0
13,5
B
40 % hedge funds
20 % hedge funds
13,0
A
Variance minimale
du portefeuille
8
0 % hedge funds
9
Écart-type
10
11
Greg N. Gregoriou est détenteur d’un MBA et fait des études doctorales en administration des affaires à l’Université du Québec à
Trois-Rivières. Il est aussi consultant chez Gestion d’Arbitrage
Cristallin Inc. à Montréal.
––––––––––––––––––––
Références
• Gregoriou, Greg et Michael Farrel, Hedge fund size and risk
adjusted returns, Canadian Business Economics Journal
(à paraître)
• LaPorte Asset Allocation Software, Hackettstown, New Jersey
(www.laportesoft.com)
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