Cours OB

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Cours OB
LE PRE-BARREAU
FORMATION ESTIVALE 2011
FASCICULE RECAPITULATIF DU COURS
DROIT DES OBLIGATIONS
DROIT DES CONTRATS
(EXTRAIT)
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TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................................................................... 3
INTRODUCTION : RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DES CONTRATS ........................................................... 4
§.1 : La notion de contrat ............................................................................................................................................... 4
A. un accord de volontés ........................................................................................................................................... 4
1. L’acte juridique unilatéral ................................................................................................................................. 4
2. L’engagement unilatéral de volonté ................................................................................................................. 4
a. La controverse doctrinale ............................................................................................................................ 4
a-1. Le rejet de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation .............................. 4
a-2. L’admission de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation ....................... 5
b. La position de la jurisprudence .................................................................................................................... 5
B. La création d’obligations ....................................................................................................................................... 6
1. La convention ................................................................................................................................................... 6
2. Les actes de courtoisie ou de complaisance ..................................................................................................... 6
3. Les engagements d’honneur ............................................................................................................................ 7
§.2 : Les classifications de contrats ................................................................................................................................ 8
A. Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux ................................................................................... 8
1. L’exposé de la distinction.................................................................................................................................. 8
a. Principe de distinction.................................................................................................................................. 8
b. Tempéraments ............................................................................................................................................. 8
2. L’intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 8
B. Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit .................................................................................... 9
1. L’exposé de la distinction.................................................................................................................................. 9
2. L’intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 9
C. Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires ............................................................................................. 9
1. L’exposé de la distinction................................................................................................................................ 10
2. Intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 10
3. Relativité de la distinction .............................................................................................................................. 10
D. Les contrats consensuels, solennels et réels ....................................................................................................... 11
E. Les autres classifications...................................................................................................................................... 11
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BIBLIOGRAPHIE
Ch. Atias, Le contentieux contractuel, PU Aix-Marseille, 4 éd., 2008.
A. Bénabent, Les obligations, Montchrestien, coll. “Domat”, 11e éd., 2007.
R. Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, coll. “Cours”, 8e éd., 2008.
J. Carbonnier, Les obligations, PUF, coll. “Thémis”, 22e éd., 2000.
M. Fabre-Magnan, Droit des obligations 1 – Contrat et engagement unilatéral, PUF, 1re éd.,
2008.
J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, t. 1, L’acte juridique, Armand Colin, coll. “U”,
13e éd., 2008 ; t. 3 (avec Y. Flour), Le rapport d’obligation, Armand Colin, coll. “U”, 6e éd., 2009.
J. Ghestin, La formation du contrat, LGDJ, 3e éd., 1993 ; J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les
effets du contrat, LGDJ, 3e éd., 2001.
Ch. Lapoyade Deschamps, L. Bloch et S. Moracchini-Zeidenberg, Droit des obligations, Ellipses, 2e éd., 2008
Ch. Larroumet, Les obligations – Le contrat, 1ère partie : Conditions de formation & 2ème partie : Effets,
Economica, 6e éd., 2007.
Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 7e éd., 2008.
Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 4e éd., 2009.
P. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, coll. “Manuels”, 10e éd., 2007.
F. Mélin, Droit des obligations, LGDJ, coll. “Systèmes”, 1ère éd., 2006.
J.-M. Mousseron, Technique contractuelle, éd. Francis Lefebvre, 3e éd. par P. Mousseron, J.
Raynard et J.-B. Seube, 2005.
S. Porchy-Simon, Les obligations, Dalloz, coll. “HyperCours”, 5e éd., 2008.
A. Sériaux, Manuel de droit des obligations, PUF, 3ème éd., 2006.
F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, coll. “Précis”, 10e éd., 2009.
Autres ouvrages utiles à la matière
F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz.
G. Cornu, Association Henri Capitant, Vocabulaire Juridique, PUF.
H. Roland et L. Boyer, Les adages du droit français, Litec.
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INTRODUCTION : RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DES CONTRATS
§.1 : La notion de contrat
Le contrat est défini à l’article 1101 C. civ. comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent,
envers un ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Au regard de ce texte, il apparaît que contrat
repose sur deux éléments. Pour qu’un contrat existe, il faut un accord de volonté (origine du contrat) conclu en
vue de créer des obligations (but du contrat).
Tout acte juridique qui ne repose pas sur un accord de volonté (A) et qui n’entraîne pas la création
d’obligation (B) ne peut pas être qualifié de contrat.
Ces deux éléments constitutifs de la notion de contrat sont autant de critères qui permettront de distinguer
celui-ci d’autres actes juridiques c'est-à-dire d’autres manifestations de volonté destinées à produire des effets de
droit. En effet, le contrat est une espèce d’acte juridique mais tout acte juridique n’est pas un contrat.
A. un accord de volontés
Parce qu’il ne repose pas sur un accord de volontés, l’acte juridique unilatéral (1) et, en particulier,
l’engagement unilatéral de volonté (2) ne sont pas qualifié de contrat. Ce sont bien des actes juridiques qui
produisent des effets de droit, mais ce ne sont pas des contrats.
1. L’acte juridique unilatéral
L’acte juridique unilatéral n’est pas un contrat, d’une part, parce que les effets de droit qu’il produit ne
sont pas des obligations, d’autre part et surtout, parce qu’il est l’œuvre d’une seule volonté. A titre d’exemple,
on peut citer le testament. Le testament est l’acte par lequel une personne organise unilatéralement la dévolution de
ses biens pour le jour de sa mort ; mais il n’en ressort aucune obligation pour le testateur qui est libre de son vivant
de modifier son testament comme bon lui semble.
2. L’engagement unilatéral de volonté
L’engagement unilatéral de volonté est l’acte juridique par lequel une personne s’oblige seule
envers une autre.
Par sa seule volonté, une personne fait naître une obligation civile à sa charge au profit d’un tiers.
Toute la question est donc de savoir si, en droit français, une volonté solitaire peut faire naître des
obligations à la charge de celui qui l’exprime sans qu’il soit besoin qu’une autre volonté se soit manifestée pour
l’accepter.
a. La controverse doctrinale
Face à cette question la doctrine n’apporte pas de réponse unique : elle est divisée. Certains rejettent
l’engagement unilatéral de volonté, d’autres l’admettent.
a-1. Le rejet de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation
De nombreux auteurs français rejettent l’engagement unilatéral comme source d’obligation. Leur
argumentation tient pour l’essentiel en trois points :
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• D’abord, le silence du Code civil français.
Il n’y est pas fait mention, il faut donc en conclure que ce silence exclut l’engagement unilatéral comme
source d’obligation.
• Ensuite, il n’y a pas de créancier.
En effet, par définition l’obligation est un lien entre un débiteur et un créancier. Or, avec la théorie de
l’engagement unilatéral de volonté, l’obligation ainsi créée aurait bien un débiteur mais n’aurait point de créancier…
ce qui va à l’encontre de la notion d’obligation.
• Enfin, il n’y a pas de caractère obligatoire.
L’obligation tire sa force de son irrévocabilité, de sa force obligatoire. En effet, une obligation ne peut être
supprimée ou disparaître par l’effet de la volonté unilatérale du débiteur. Or, avec l’engagement unilatéral de
volonté, puisque la volonté unilatérale est assez puissante pour obliger celui qui l’exprime, elle le serait
nécessairement aussi pour le libérer. Une telle obligation soumise au bon vouloir du soit disant débiteur ne serait
donc pas obligatoire.
C’est précisément cette argumentation que certains auteurs tentent de réfuter.
a-2. L’admission de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation
Cette doctrine peut de façon schématique être exposée en trois points :
• D’abord en ce qui concerne le silence du Code.
Cet argument procède d’une confusion entre Code civil et droit civil. Toutes les règles de droit, et plus
particulièrement de droit civil, ne sont pas que dans le Code civil. Il est certes un socle, mais il existe un droit civil
hors du Code civil.
• Ensuite, en ce qui concerne l’absence de créancier.
L’argument n’est pas forcément convaincant, il suffit de dire qu’il y a un créancier potentiel. Lorsque
quelqu’un réclamera l’exécution de l’obligation, il y aura bien un créancier.
• Enfin, quant à la question de la force obligatoire.
Là encore l’argument n’apparaît pas décisif. Si l’accord de deux volontés est obligatoire c’est grâce à la loi
qui lui donne cette force par le biais de l’article 1134 du Code civil. On pourrait tout aussi bien admettre que la
volonté unilatérale puisse créer une obligation dont le caractère obligatoire et irrévocable pour le débiteur serait
reconnu et consacré par le droit.
En définitive aucun argument ne peut fondamentalement être opposé à la reconnaissance de l’engagement
unilatéral de volonté. Mieux, certains exemples de notre droit positif démontrent que parfois il est consacré.
b. La position de la jurisprudence
Pour preuve de la vitalité de l’engagement unilatéral de volonté dans notre droit positif on citera deux
exemples jurisprudentiels où la Cour de cassation a explicitement visé la notion d’engagement unilatéral de volonté :
• La promesse faite par une personne d’exécuter une obligation naturelle la transforme en obligation
civile.
L’obligation naturelle n’est pas juridiquement obligatoire : le créancier ne peut contraindre le débiteur à
l’exécuter. Il s’agit de devoirs moraux que la loi n’impose pas et qui n’engagent que la conscience de chaque agent
(Ex : Il n’y a pas d’obligation légale d’assister ses frères et sœurs dans le besoin, mais il existe un devoir moral de le
faire donc une obligation naturelle).
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Il est cependant admis qu’une telle obligation naturelle devient obligatoire, se transforme en obligation
civile pure et simple, lorsque son débiteur l’exécute volontairement ou promet de l’exécuter. Comment l’expliquer ?
La jurisprudence utilise la notion d’engagement unilatéral de volonté : elle estime qu’en exécutant ou en promettant
d’exécuter l’obligation naturelle, son débiteur confère juridiquement une véritable force obligatoire au devoir moral.
C’est dire que pour la jurisprudence la volonté unilatérale peut être source d’obligations. A titre d’exemple, on peut
citer un arrêt de la 1er chambre civile du 10 octobre 1995. Dans cette affaire, un parieur au tiercé avait reconnu qu’il
avait gagné grâce à la contribution d’un collègue et lui avait promis, avant de se rétracter, une partie du gain. La
Haute juridiction a jugé que la somme promise devait être versée au motif explicite qu’il y avait eu transformation
d’une obligation naturelle en obligation civile du fait d’un engagement unilatéral de volonté.
• La source de l’obligation des entreprises organisant des loteries publicitaires.
Vous avez dû avoir connaissance de cette épopée jurisprudentielle, dans laquelle la Cour de cassation
cherchait à sanctionner les entreprises qui envoyaient une lettre par laquelle elles annonçaient au correspondant
qu’il avait gagné le « gros lot ». En réalité, rien n’était d’ores et déjà gagné ; le client avait simplement le droit de
participer à une loterie, mais les choses étaient présentées de façon fallacieuse.
La Cour de cassation, dans un arrêt important sur lequel nous reviendrons, a fini par créer un nouveau
quasi-contrat pour appréhender ce type de comportement (Ch. Mixte, 6 septembre 2002). Mais, elle y avait vu
auparavant un engagement unilatéral de volonté (Civ. 1re, 28 mars 1995), ce qui montre bien que cette notion existe
en droit positif.
Finalement on peut constater que le droit français, à l’image des droits allemand, suisse ou italien, fait une
place, ne serait-ce que modeste, à l’engagement unilatéral de volonté comme source autonome d’obligation.
Pour l’acte unilatéral, comme pour l’engagement unilatéral, ce qui les distingue du contrat, c’est l’absence
d’accord des volontés. D’autres actes s’opposent au contrat pour une autre raison : parce qu’ils ne sont pas
créateurs d’obligation.
B. La création d’obligations
Pour être qualifié de contrat, un accord de volonté doit avoir pour effet la création d’obligations. C’est
parce qu’ils ne créent pas d’obligations que la convention (1), les actes de complaisance (2) et les engagements
d’honneur (3) échappent en principe à la qualification de contrat.
1. La convention
La convention se distingue du contrat en théorie en raison de son objet. Alors que le contrat est un
acte juridique, un accord de volonté en vue de créer des obligations, la convention est elle aussi un acte juridique,
un accord de volonté qui peut être conclu, non seulement en vue de créer des obligations (et c’est alors un
contrat), mais aussi de les modifier, de les transmettre, et de les éteindre (et alors ce n’est pas un contrat à
proprement parler. V. par exemple : cession de créance, subrogation conventionnelle, remise de dette).
On comprend alors que le contrat est nécessairement une convention, mais que toute convention
n’est pas nécessairement un contrat. Le contrat est une espèce de conventions.
Notons néanmoins, qu’en pratique les deux termes apparaissent interchangeables. Cette confusion est
d’autant moins critiquable que le Code civil, lui-même, utilise parfois un terme pour l’autre.
2. Les actes de courtoisie ou de complaisance
Les actes de courtoisie ou de complaisance ne peuvent, en principe, être qualifiés de contrat parce
qu’ils n’ont pas été formés dans le but de créer des obligations.
• Il en va ainsi, d’une part, pour l’acte de courtoisie (c’est-à-dire pour les accords au titre de « rapports
mondains »). Si vous êtes invités par quelqu’un à dîner et que vous acceptez, et si, au dernier moment, cette
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personne annule sans vous prévenir vous ne pourrez pas la forcer à vous recevoir et à vous nourrir. Le juge
ne viendra pas sanctionner un tel comportement, aussi discourtois soit-il.
• N’est pas non plus un contrat, l’acte de complaisance (c’est-à-dire les prestations de services
ponctuelles et gratuites). Si vous êtes pris sur le porte-bagage d’une bicyclette au moment où vous faites du
stop, il ne se crée pas entre vous et le conducteur un contrat de transport. Par conséquent si par malheur
un accident survient à cause du conducteur vous ne pourrez pas agir contre lui en responsabilité
contractuelle, car il n’y a pas de contrat. En d’autres termes, la responsabilité ne peut être que d’ordre
délictuel.
Reste que dans quelques cas, la jurisprudence voit dans certains actes de courtoisie ou de complaisance des
contrats pour des raisons d’opportunité. C’est le cas notamment lorsqu’une personne aide spontanément une autre
en lui portant secours et subit un dommage à l’occasion de cet acte.
Pour permettre l’indemnisation de l’assistant, les juges inventent un contrat d’assistance prétendument
conclu entre l’assistant et l’assisté (par ex. : Civ. 1ere, 27 mai 1959 ; Civ. 1ere , 27 janv. 1993 ; Civ. 1ere, 16 juillet 1997)
.
Cette qualification est, dans un souci indemnitaire, bienvenue. Mais elle est théoriquement parfois bien
artificielle faute de pouvoir établir une réelle rencontre des volontés entre les deux personnes (c’est le cas,
notamment, lorsque l’assisté était inconscient au moment du sauvetage, v. par ex. : Civ. 1ere , 1er déc 1969).
Cet exemple montre la relativité des classifications académiques dont le juge s’affranchit pour des raisons
de pure opportunité.
3. Les engagements d’honneur
Lorsque deux personnes s’engagent sur l’honneur leur but est a priori de ne pas soumettre leur relation aux
règles de droit. Leur engagement n’a alors, dans leur esprit, aucune portée juridique et ne peut donc être sanctionné
par les tribunaux. Le terrain d’élection de ce type d’engagements est incontestablement le monde des affaires (on
parle alors souvent de Gentlemen’s Agreements). Ce monde a sa propre morale, ses propres règles : un simple
engagement d’honneur a parfois autant de valeur et de force qu’un engagement juridique. Certes, celui qui y
contreviendrait ne sera pas traîné devant les tribunaux, mais il sera désavoué par ses pairs et sa déloyauté sera
commercialement sanctionnée.
Il importe néanmoins de souligner qu’en dépit de la volonté de ceux qui ont souscrit un engagement
d’honneur de ne pas donner à leur engagement une valeur juridique, dans certains cas, les juges n’hésitent pas à
qualifier d’obligation juridique l’engagement qui avait été pris sur l’honneur et d’y voir finalement un contrat.
L’exemple type en la matière est ce que l’on appelle la lettre de confort ou lettre d’intention. Il s’agit
d’une lettre adressée par une société de grande renommée, et dont la surface financière est très importante, à un
banquier auquel une de ses filiales souhaite emprunter de l’argent. Pour rassurer le banquier, créancier potentiel, la
société-mère, plutôt que de s’engager juridiquement en tant que caution, se contente de prendre l’engagement
d’honneur de garantir l’exécution de la dette par sa filiale.
A priori un tel engagement, puisqu’il n’est qu’un engagement pris sur l’honneur, ne peut être juridiquement
sanctionné. Concrètement le banquier créancier ne peut pas exiger en justice que la société ayant souscrit un simple
engagement moral soit condamnée à exécuter la dette à la place de sa filiale.
Pourtant les juges ne se considèrent pas toujours comme liés par la qualification donnée par les parties à
leur engagement et franchissent parfois allègrement la frontière qui sépare l’engagement d’honneur et l’engagement
juridique puisqu’ils reconnaissent souvent que la lettre d’intention engendre une véritable obligation à la charge de
la société mère (Com, 21 déc. 1987 ; Com, 26 fev 2002). Le législateur lui-même a commis la même confusion
puisque l’article 2322 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, prévoit également que la lettre
d’intention fait naître un véritable engagement à la charge de son auteur.
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§.2 : Les classifications de contrats
On s’en tiendra ici aux principales classifications.
A. Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
1. L’exposé de la distinction
a. Principe de distinction
Est synallagmatique le contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la
charge des contractants (art. 1102) : chacun est à la fois débiteur et créancier. C’est le cas par exemple du contrat
de bail : le bailleur est créancier du loyer mais doit en contrepartie assurer la jouissance paisible du bien loué au
locataire. De son coté le locataire est créancier de l’obligation de jouissance paisible de la chose et s’engage en
contre partie à payer le loyer.
Au contraire, le contrat unilatéral ne crée d’obligation qu’à la charge d’un seul des contractants (art
1103). Pour autant, il ne faut pas confondre le contrat unilatéral avec l’acte juridique unilatéral. Alors que celui-ci est
l’œuvre d’une seule volonté, le contrat unilatéral, tout en ne faisant naître d’obligation qu’à la charge d’une seule des
parties, est le résultat d’un accord de volonté.
L’exemple-type du contrat unilatéral est la donation. On peut également citer le contrat de prêt non
rémunéré ; contrat où seul l’emprunteur est tenu d’une obligation de restituer la chose prêtée. Ou encore le dépôt
non rémunéré où seul le dépositaire souscrit les obligations de conserver et de restituer la chose.
b. Tempéraments
D’une part, la volonté des contractants peut modifier le caractère du contrat. Ainsi, si un salaire est
prévu au profit du dépositaire, le contrat de dépôt est alors synallagmatique puisque le déposant a souscrit
l’obligation de verser un salaire au dépositaire en contrepartie des obligations souscrites par celui-ci.
D’autre part, certains auteurs considèrent qu’un contrat unilatéral lors de sa formation peut devenir
synallagmatique au cours de son exécution. Il s’agit alors d’une catégorie intermédiaire, le contrat
synallagmatique imparfait.
Il en serait ainsi du contrat de dépôt lorsque, pendant son exécution, le dépositaire se voit contraint, par
suite de certains événements indépendants de la volonté des contractants, d’engager des frais pour assurer la
conservation du bien déposé. Unilatéral à l’origine, le dépôt deviendrait synallagmatique pendant son exécution, car,
dans une telle hypothèse, le déposant a l’obligation d’indemniser le dépositaire. Il existe bien alors des obligations
réciproques.
La majorité des auteurs s’oppose à cette mutation du contrat en cours d’exécution et dénie toute valeur à la
catégorie des contrats synallagmatiques imparfaits. Ils soutiennent, à l’appui de leur thèse, d’une part que la nouvelle
obligation ne trouve pas sa source dans le contrat mais dans un fait qui lui est postérieur ; d’autre part, que les deux
obligations -si elles sont bien réciproques - ne sont néanmoins pas interdépendantes. Elles n’ont pas été, et pour
cause, souscrites en considération l’une de l’autre.
2. L’intérêt de la distinction
La distinction des contrats synallagmatiques et des contrats unilatéraux commande le jeu de
règles importantes.
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Il en va ainsi pour les règles de preuve. Les contrats synallagmatiques doivent être établis en autant
d’exemplaires qu’il y a de parties : c’est la formalité du double original posée par l’article 1325 du Code civil. Les
contrats unilatéraux, quant à eux, peuvent n’être constatés que par un seul exemplaire remis au créancier. Toutefois,
lorsque l’engagement porte sur le paiement d’une somme d’argent ou sur la livraison d’un bien fongible, le titre doit
comporter la mention, par le débiteur, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (art. 1326 C.
civ.).
Mais surtout, la réciprocité des obligations dans les contrats synallagmatiques entraîne des conséquences
relatives à la force obligatoire de la convention : si l’un n’a pas exécuté son obligation, l’autre peut en faire autant
en invoquant l’exception d’inexécution ; et si la situation persiste, il peut demander la résolution du contrat et des
dommages et intérêts. Toutes ces règles fondées sur la réciprocité des obligations, ne sauraient être transposées aux
contrats unilatéraux, du moins en l’état du droit positif.
B. Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit
Deuxième classification traditionnelle des contrats, celle qui oppose les contrats à titre onéreux (art. 1106
C. civ.) et les contrats de bienfaisance (art. 1105 C. civ.).
Il faut, en premier lieu, s’arrêter sur l’exposé de la distinction (1) et, en second lieu, sur l’intérêt de cette
distinction (2).
1. L’exposé de la distinction
Le contrat est dit à titre onéreux lorsque les contractants se consentent des avantages réciproques.
Autrement dit, chacun n’a accepté de s’engager qu’en considération de l’avantage qu’il reçoit de son cocontractant.
C’est le cas, par exemple, de la vente : le vendeur ne s’oblige à transférer la propriété et à livrer la chose que parce
qu’il reçoit, en échange, le prix.
Au contraire, le contrat est de bienfaisance lorsqu’un contractant veut procurer un avantage à son
contractant, tout en acceptant délibérément de ne rien recevoir en contrepartie.
Ces contrats se divisent eux-mêmes en :
- contrats à titre gratuit dans lesquels le contractant qui s’engage le fait en vue d’enrichir le patrimoine d’autrui.
L’exemple classique de ce type de contrat est la donation.
- contrats de services gratuits dans lesquels le contractant qui s’engage le fait en vue, non d’enrichir autrui, mais
de lui rendre service. Tel est le cas du prêt à usage ou encore du mandat non salarié.
2. L’intérêt de la distinction
L’intérêt de la distinction varie dans une large mesure suivant le contrat considéré si bien qu’il est difficile
d’en présenter une synthèse. On se limitera donc aux idées générales. C’est ainsi que les actes à titre gratuit sont
souvent encadrés par un formalisme tendant à protéger celui qui se dépouille (voire sa famille ou ses créanciers)
contre les entraînements irréfléchis. De même, dans les contrats de bienfaisance, les obligations de celui qui consent
un avantage sans contrepartie sont moindres si bien que sa responsabilité sera appréciée moins sévèrement. Par
exemple, le donateur, contrairement au vendeur, n’est pas astreint à la garantie des vices cachés de la chose
transférée.
C. Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires
Troisième grande classification des contrats, celle qui consiste à distinguer les contrats commutatifs (art.
1104 C. civ.) et les contrats aléatoires (art. 1104 al. 2). Cette classification est une subdivision du titre onéreux.
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1. L’exposé de la distinction
Le contrat commutatif est un contrat dans lequel la contrepartie que chaque contractant reçoit est
d’ores et déjà certaine et déterminée ; les parties connaissant dès la conclusion de l’acte l’étendue des prestations
de chacun. Par exemple, la vente est un contrat commutatif car pour être valable elle suppose, dès sa conclusion, que
la chose et le prix soient déterminés ou au moins déterminables.
Le contrat est aléatoire lorsque les parties ne s’engagent pas à procurer à l’autre un avantage qui
est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit mais acceptent une chance de gain ou un risque de
perte, pour chacune ou l’une d’entre elles, d’après un événement incertain.
Par exemple, le contrat de rente viagère, en vertu duquel le vendeur vend son immeuble en contrepartie
d’une rente périodique qui lui est versée jusqu’à son décès par l’acquéreur. Le contrat est aléatoire car, au jour de sa
conclusion, l’importance de la prestation due par l’acquéreur n’est pas déterminée, n’est pas quantifiée dès l’origine.
Elle dépend d’un événement futur, incertain quant à sa date, à savoir le décès du vendeur.
Autre exemple de contrat aléatoire : le contrat d’assurance vie en cas de vie. Une personne souscrit un
contrat d’assurance, aux termes duquel, en contrepartie du paiement d’une prime l’assureur s’engage à lui verser un
capital ou rente s’il est encore en vie au-delà d’une date fixée par le contrat. Cette assurance permet à l’assuré de se
constituer un complément de retraite. Ce contrat est aléatoire car les chances de gains ou de perte de l’assuré
dépendent du fait de savoir s’il sera en vie au-delà de la date fixée par le contrat. Ainsi, si l’assuré décède avant cette
date, il subit une perte, car l’assureur ne devra rien alors qu’il aura versé la prime d’assurance. Si l’assuré est encore
en vie au-delà de cette date, il perçoit un gain puisque l’assureur lui verse la somme prévue au contrat, somme qui
sera souvent supérieure à la prime versée.
Dernier exemple : le contrat d’assurance en cas de décès : une personne souscrit un contrat aux termes
duquel en contrepartie d’une prime qu’il verse à l’assureur, celui-ci devra verser une somme à une personne qu’il a
désigné s’il décède avant la date fixée dans le contrat. Ce contrat est aléatoire car les chances de gain ou de perte de
l’assureur et de l’assuré dépendent de la date du décès de l’assuré. Ainsi, si l’assuré est toujours en vie à la date fixée
dans le contrat, l’assureur réalise un gain car il ne doit rien verser au bénéficiaire de l’assurance. L’assuré subit une
perte, car il perd la prime qu’il avait versée. Si l’assuré est mort avant cette date, l’assureur subit une perte, car il doit
verser la somme prévue au contrat aux bénéficiaires de l’assurance, somme souvent supérieure à la prime versée.
Une fois encore, la volonté des contractants peut conduire à nuancer la distinction exposée. L’aléa peut
être, en effet, d’origine contractuelle ; un contrat commutatif par nature peut devenir, en raison de la volonté des
contractants, aléatoire. L’amateur d’art qui achète à ses risques et périls un tableau à propos duquel il existe un
doute sur l’authenticité conclut un contrat aléatoire alors qu’en principe la vente est, par nature, un contrat
commutatif.
2. Intérêt de la distinction
L’intérêt essentiel de cette distinction réside dans le contrôle qui est parfois exceptionnellement ouvert aux
juges pour vérifier, et éventuellement sanctionner, le déséquilibre excessif du contrat au moment de sa formation.
Si ce contrôle est envisageable pour les contrats commutatifs et permet parfois au juge de protéger, dans
une certaine mesure, celui des contractants qui a été lésé par l’autre ; en revanche il est exclu en matière de contrat
aléatoire (« l‘aléa chasse la lésion »). Il serait en effet anormal de sanctionner ici par la nullité du contrat le
déséquilibre entre les prestations réciproques : la chance de gain ou de perte ayant été voulue, on ne saurait se
plaindre de ce qu’elle se réalise (en acceptant de jouer, on accepte de perdre). A cela s’ajoute que, de par sa nature,
une prestation affectée d’un aléa est rebelle à toute évaluation si bien qu’on pourrait difficilement apprécier s’il y a
ou non déséquilibre entre les prestations.
3. Relativité de la distinction
Pour des raisons de pure opportunité, le juge va parfois retenir la qualification de contrat aléatoire malgré
l’absence de tout aléa.
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C’est ce qu’a fait, semble-t-il, la Cour de cassation dans plusieurs arrêts rendus en Chambre mixte le 23
novembre 2004.
Il s’agissait de savoir si peuvent être qualifiés de contrats aléatoires, les contrats par lesquels, moyennant le
versement de sommes périodiques par une personne, une compagnie d’assurance s’engage à reverser lesdites
sommes capitalisées à l’échéance fixée au contrat, soit à cette personne si elle est encore en vie, soit à ses héritiers si
elle est décédée.
En toute rigueur, ce contrat qui constitue une opération de placement, une opération d’épargne, n’est pas
un contrat aléatoire.
En effet, ce que détermine ici la survie du souscripteur à la date fixée dans le contrat, ce n’est pas l’existence
ou le montant d’un gain ou d’une perte à son égard, mais seulement le destinataire de la somme que devra payer la
compagnie d’assurance. Autrement dit, l’importance de la prestation due par l’assureur ne dépend en rien de la date
du décès de l’assuré. En effet, l’assureur versera exactement la même somme à la date fixée au contrat que le
souscripteur soit encore en vie ou déjà décédée ; simplement il le versera à une personne différente. Ce n’est donc
pas techniquement un contrat aléatoire.
Pourtant, la Cour de cassation en a jugé autrement parce que si elle avait décidé que les contrats de
capitalisation n’étaient pas des contrats aléatoires, cela aurait abouti, pour des raisons tenant aux règles du droit
successoral, à une remise en cause potentielle de centaine de milliers de ces contrats et à une fragilisation des
marchés financiers.
Ce sont donc des raisons d’ordre économique et financier qui ont conduit la Cour de cassation à retenir
une qualification plutôt qu’une autre.
D. Les contrats consensuels, solennels et réels
Cette classification est simplement sous-entendue par le Code civil.
Le contrat consensuel est un contrat qui se conclut par le seul accord de volonté et dont la validité
n’est subordonnée à aucune condition de forme. C’est la règle selon le Code civil : tout contrat est en principe
consensuel, sauf lorsque la loi en dispose autrement. Ainsi le veut le principe du consensualisme qui est un aspect
du principe de l’autonomie de la volonté.
Le contrat solennel doit pour être valablement formé, outre l’accord des volontés, remplir des
conditions de formes spécifiques. Par exemple, la donation pour être valable suppose, en principe, la rédaction
d’un acte authentique.
Enfin le contrat réel est celui dont la formation - et donc la validité - requièrent non seulement un
accord de volontés mais encore la remise matérielle de la chose qui en constitue l’objet. Par exemple, le
contrat de dépôt ou de prêt.
On relèvera que cette catégorie connaît actuellement un certain déclin. Au-delà du fait que le contrat
de gage n’est plus un contrat réel depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 relative à la réforme du droit des sûretés,
des arrêts relativement récents de la Cour de cassation ont, en effet, décidé que les contrats de prêt d’argent
consentis par un professionnel du crédit ne sont pas des contrats réels (Civ. 1re, 28 mars 2000 ; 27 novembre 2001 ;
27 juin 2006), à la différence de ceux consentis par un non professionnel (Civ. 1re, 7 mars 2006).
Pourquoi la jurisprudence décide-t-elle aujourd’hui que les prêts consentis par un professionnel
sont des contrats consensuels ? C’est principalement pour obliger le professionnel qui a promis de prêter de
l’argent à verser les fonds promis. Avant le revirement de 2000, c’est, en effet, la solution inverse qui était retenue.
Au motif que le prêt d’argent consenti par un professionnel était un contrat réel ne se réalisant que par la remise de
la chose prêtée, l’inexécution de la promesse de prêt ne pouvait donner lieu à exécution du prêt (qui, par hypothèse
n’était pas encore formé) mais seulement au paiement de dommages-intérêts (Civ. 1re, 20 juillet 1981).
E. Les autres classifications
Les classifications qui viennent d’être évoquées sont les classifications traditionnelles. D’autres sont
aujourd’hui proposées en doctrine, je me contenterais de les passer très rapidement en revue.
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Tout d’abord la doctrine distingue les contrats nommés et les contrats innommés.
Le contrat nommé est un contrat dont le régime a été prévu par le Code civil, comme la vente ou le
bail, ou par une loi postérieure, comme le crédit-bail ou la location-accession.
Le contrat innommé est celui qui n’est réglementé par aucune loi sous une dénomination propre.
Il est crée par la pratique et on ne peut le faire entrer dans aucune des catégories légales préétablies, c’est le cas par
exemple du contrat de déménagement, ou d’entretien d’un ascenseur. La difficulté, pour ce type de contrat est de
déterminer leur régime juridique ; c’est au juge que revient, par voie d’interprétation de la volonté des parties, cette
tâche délicate.
On oppose encore les contrats à exécution instantanée et ceux à exécution successive. Comme leur
nom l’indique, ces contrats se distinguent en raison du rôle différent joué par le temps dans leur exécution.
Lorsqu’il est à exécution instantanée, le contrat s’exécute dans l’instant, plus exactement il crée une
obligation qui s’exécute en une seule fois. C’est l’hypothèse de la vente d’un corps certain. Quand il est à
exécution successive, le contrat crée une obligation qui s’exécute dans la durée, laquelle peut être
déterminée ou indéterminée. Le cas typique de ce genre de contrat est le contrat de travail dont l’exécution
repose sur des prestations successives. L’intérêt de la distinction apparaît quand il s’agit de régler les modalités et les
conséquences de l’anéantissement d’un contrat (on aura l’occasion d’y revenir).
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