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LE PRE-BARREAU FORMATION ESTIVALE 2011 FASCICULE RECAPITULATIF DU COURS DROIT DES OBLIGATIONS DROIT DES CONTRATS (EXTRAIT) ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau TABLE DES MATIERES BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................................................................... 3 INTRODUCTION : RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DES CONTRATS ........................................................... 4 §.1 : La notion de contrat ............................................................................................................................................... 4 A. un accord de volontés ........................................................................................................................................... 4 1. L’acte juridique unilatéral ................................................................................................................................. 4 2. L’engagement unilatéral de volonté ................................................................................................................. 4 a. La controverse doctrinale ............................................................................................................................ 4 a-1. Le rejet de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation .............................. 4 a-2. L’admission de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation ....................... 5 b. La position de la jurisprudence .................................................................................................................... 5 B. La création d’obligations ....................................................................................................................................... 6 1. La convention ................................................................................................................................................... 6 2. Les actes de courtoisie ou de complaisance ..................................................................................................... 6 3. Les engagements d’honneur ............................................................................................................................ 7 §.2 : Les classifications de contrats ................................................................................................................................ 8 A. Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux ................................................................................... 8 1. L’exposé de la distinction.................................................................................................................................. 8 a. Principe de distinction.................................................................................................................................. 8 b. Tempéraments ............................................................................................................................................. 8 2. L’intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 8 B. Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit .................................................................................... 9 1. L’exposé de la distinction.................................................................................................................................. 9 2. L’intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 9 C. Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires ............................................................................................. 9 1. L’exposé de la distinction................................................................................................................................ 10 2. Intérêt de la distinction .................................................................................................................................. 10 3. Relativité de la distinction .............................................................................................................................. 10 D. Les contrats consensuels, solennels et réels ....................................................................................................... 11 E. Les autres classifications...................................................................................................................................... 11 […] ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau BIBLIOGRAPHIE Ch. Atias, Le contentieux contractuel, PU Aix-Marseille, 4 éd., 2008. A. Bénabent, Les obligations, Montchrestien, coll. “Domat”, 11e éd., 2007. R. Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz, coll. “Cours”, 8e éd., 2008. J. Carbonnier, Les obligations, PUF, coll. “Thémis”, 22e éd., 2000. M. Fabre-Magnan, Droit des obligations 1 – Contrat et engagement unilatéral, PUF, 1re éd., 2008. J. Flour, J.-L. Aubert et E. Savaux, Les obligations, t. 1, L’acte juridique, Armand Colin, coll. “U”, 13e éd., 2008 ; t. 3 (avec Y. Flour), Le rapport d’obligation, Armand Colin, coll. “U”, 6e éd., 2009. J. Ghestin, La formation du contrat, LGDJ, 3e éd., 1993 ; J. Ghestin, Ch. Jamin et M. Billiau, Les effets du contrat, LGDJ, 3e éd., 2001. Ch. Lapoyade Deschamps, L. Bloch et S. Moracchini-Zeidenberg, Droit des obligations, Ellipses, 2e éd., 2008 Ch. Larroumet, Les obligations – Le contrat, 1ère partie : Conditions de formation & 2ème partie : Effets, Economica, 6e éd., 2007. Ph. Le Tourneau, Droit de la responsabilité et des contrats, Dalloz, 7e éd., 2008. Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Les obligations, Defrénois, 4e éd., 2009. P. Malinvaud, Droit des obligations, Litec, coll. “Manuels”, 10e éd., 2007. F. Mélin, Droit des obligations, LGDJ, coll. “Systèmes”, 1ère éd., 2006. J.-M. Mousseron, Technique contractuelle, éd. Francis Lefebvre, 3e éd. par P. Mousseron, J. Raynard et J.-B. Seube, 2005. S. Porchy-Simon, Les obligations, Dalloz, coll. “HyperCours”, 5e éd., 2008. A. Sériaux, Manuel de droit des obligations, PUF, 3ème éd., 2006. F. Terré, P. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, coll. “Précis”, 10e éd., 2009. Autres ouvrages utiles à la matière F. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz. G. Cornu, Association Henri Capitant, Vocabulaire Juridique, PUF. H. Roland et L. Boyer, Les adages du droit français, Litec. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau INTRODUCTION : RAPPEL DES PRINCIPES GENERAUX DU DROIT DES CONTRATS §.1 : La notion de contrat Le contrat est défini à l’article 1101 C. civ. comme « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers un ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Au regard de ce texte, il apparaît que contrat repose sur deux éléments. Pour qu’un contrat existe, il faut un accord de volonté (origine du contrat) conclu en vue de créer des obligations (but du contrat). Tout acte juridique qui ne repose pas sur un accord de volonté (A) et qui n’entraîne pas la création d’obligation (B) ne peut pas être qualifié de contrat. Ces deux éléments constitutifs de la notion de contrat sont autant de critères qui permettront de distinguer celui-ci d’autres actes juridiques c'est-à-dire d’autres manifestations de volonté destinées à produire des effets de droit. En effet, le contrat est une espèce d’acte juridique mais tout acte juridique n’est pas un contrat. A. un accord de volontés Parce qu’il ne repose pas sur un accord de volontés, l’acte juridique unilatéral (1) et, en particulier, l’engagement unilatéral de volonté (2) ne sont pas qualifié de contrat. Ce sont bien des actes juridiques qui produisent des effets de droit, mais ce ne sont pas des contrats. 1. L’acte juridique unilatéral L’acte juridique unilatéral n’est pas un contrat, d’une part, parce que les effets de droit qu’il produit ne sont pas des obligations, d’autre part et surtout, parce qu’il est l’œuvre d’une seule volonté. A titre d’exemple, on peut citer le testament. Le testament est l’acte par lequel une personne organise unilatéralement la dévolution de ses biens pour le jour de sa mort ; mais il n’en ressort aucune obligation pour le testateur qui est libre de son vivant de modifier son testament comme bon lui semble. 2. L’engagement unilatéral de volonté L’engagement unilatéral de volonté est l’acte juridique par lequel une personne s’oblige seule envers une autre. Par sa seule volonté, une personne fait naître une obligation civile à sa charge au profit d’un tiers. Toute la question est donc de savoir si, en droit français, une volonté solitaire peut faire naître des obligations à la charge de celui qui l’exprime sans qu’il soit besoin qu’une autre volonté se soit manifestée pour l’accepter. a. La controverse doctrinale Face à cette question la doctrine n’apporte pas de réponse unique : elle est divisée. Certains rejettent l’engagement unilatéral de volonté, d’autres l’admettent. a-1. Le rejet de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation De nombreux auteurs français rejettent l’engagement unilatéral comme source d’obligation. Leur argumentation tient pour l’essentiel en trois points : ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau • D’abord, le silence du Code civil français. Il n’y est pas fait mention, il faut donc en conclure que ce silence exclut l’engagement unilatéral comme source d’obligation. • Ensuite, il n’y a pas de créancier. En effet, par définition l’obligation est un lien entre un débiteur et un créancier. Or, avec la théorie de l’engagement unilatéral de volonté, l’obligation ainsi créée aurait bien un débiteur mais n’aurait point de créancier… ce qui va à l’encontre de la notion d’obligation. • Enfin, il n’y a pas de caractère obligatoire. L’obligation tire sa force de son irrévocabilité, de sa force obligatoire. En effet, une obligation ne peut être supprimée ou disparaître par l’effet de la volonté unilatérale du débiteur. Or, avec l’engagement unilatéral de volonté, puisque la volonté unilatérale est assez puissante pour obliger celui qui l’exprime, elle le serait nécessairement aussi pour le libérer. Une telle obligation soumise au bon vouloir du soit disant débiteur ne serait donc pas obligatoire. C’est précisément cette argumentation que certains auteurs tentent de réfuter. a-2. L’admission de l’engagement unilatéral de volonté au rang des sources d’obligation Cette doctrine peut de façon schématique être exposée en trois points : • D’abord en ce qui concerne le silence du Code. Cet argument procède d’une confusion entre Code civil et droit civil. Toutes les règles de droit, et plus particulièrement de droit civil, ne sont pas que dans le Code civil. Il est certes un socle, mais il existe un droit civil hors du Code civil. • Ensuite, en ce qui concerne l’absence de créancier. L’argument n’est pas forcément convaincant, il suffit de dire qu’il y a un créancier potentiel. Lorsque quelqu’un réclamera l’exécution de l’obligation, il y aura bien un créancier. • Enfin, quant à la question de la force obligatoire. Là encore l’argument n’apparaît pas décisif. Si l’accord de deux volontés est obligatoire c’est grâce à la loi qui lui donne cette force par le biais de l’article 1134 du Code civil. On pourrait tout aussi bien admettre que la volonté unilatérale puisse créer une obligation dont le caractère obligatoire et irrévocable pour le débiteur serait reconnu et consacré par le droit. En définitive aucun argument ne peut fondamentalement être opposé à la reconnaissance de l’engagement unilatéral de volonté. Mieux, certains exemples de notre droit positif démontrent que parfois il est consacré. b. La position de la jurisprudence Pour preuve de la vitalité de l’engagement unilatéral de volonté dans notre droit positif on citera deux exemples jurisprudentiels où la Cour de cassation a explicitement visé la notion d’engagement unilatéral de volonté : • La promesse faite par une personne d’exécuter une obligation naturelle la transforme en obligation civile. L’obligation naturelle n’est pas juridiquement obligatoire : le créancier ne peut contraindre le débiteur à l’exécuter. Il s’agit de devoirs moraux que la loi n’impose pas et qui n’engagent que la conscience de chaque agent (Ex : Il n’y a pas d’obligation légale d’assister ses frères et sœurs dans le besoin, mais il existe un devoir moral de le faire donc une obligation naturelle). ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau Il est cependant admis qu’une telle obligation naturelle devient obligatoire, se transforme en obligation civile pure et simple, lorsque son débiteur l’exécute volontairement ou promet de l’exécuter. Comment l’expliquer ? La jurisprudence utilise la notion d’engagement unilatéral de volonté : elle estime qu’en exécutant ou en promettant d’exécuter l’obligation naturelle, son débiteur confère juridiquement une véritable force obligatoire au devoir moral. C’est dire que pour la jurisprudence la volonté unilatérale peut être source d’obligations. A titre d’exemple, on peut citer un arrêt de la 1er chambre civile du 10 octobre 1995. Dans cette affaire, un parieur au tiercé avait reconnu qu’il avait gagné grâce à la contribution d’un collègue et lui avait promis, avant de se rétracter, une partie du gain. La Haute juridiction a jugé que la somme promise devait être versée au motif explicite qu’il y avait eu transformation d’une obligation naturelle en obligation civile du fait d’un engagement unilatéral de volonté. • La source de l’obligation des entreprises organisant des loteries publicitaires. Vous avez dû avoir connaissance de cette épopée jurisprudentielle, dans laquelle la Cour de cassation cherchait à sanctionner les entreprises qui envoyaient une lettre par laquelle elles annonçaient au correspondant qu’il avait gagné le « gros lot ». En réalité, rien n’était d’ores et déjà gagné ; le client avait simplement le droit de participer à une loterie, mais les choses étaient présentées de façon fallacieuse. La Cour de cassation, dans un arrêt important sur lequel nous reviendrons, a fini par créer un nouveau quasi-contrat pour appréhender ce type de comportement (Ch. Mixte, 6 septembre 2002). Mais, elle y avait vu auparavant un engagement unilatéral de volonté (Civ. 1re, 28 mars 1995), ce qui montre bien que cette notion existe en droit positif. Finalement on peut constater que le droit français, à l’image des droits allemand, suisse ou italien, fait une place, ne serait-ce que modeste, à l’engagement unilatéral de volonté comme source autonome d’obligation. Pour l’acte unilatéral, comme pour l’engagement unilatéral, ce qui les distingue du contrat, c’est l’absence d’accord des volontés. D’autres actes s’opposent au contrat pour une autre raison : parce qu’ils ne sont pas créateurs d’obligation. B. La création d’obligations Pour être qualifié de contrat, un accord de volonté doit avoir pour effet la création d’obligations. C’est parce qu’ils ne créent pas d’obligations que la convention (1), les actes de complaisance (2) et les engagements d’honneur (3) échappent en principe à la qualification de contrat. 1. La convention La convention se distingue du contrat en théorie en raison de son objet. Alors que le contrat est un acte juridique, un accord de volonté en vue de créer des obligations, la convention est elle aussi un acte juridique, un accord de volonté qui peut être conclu, non seulement en vue de créer des obligations (et c’est alors un contrat), mais aussi de les modifier, de les transmettre, et de les éteindre (et alors ce n’est pas un contrat à proprement parler. V. par exemple : cession de créance, subrogation conventionnelle, remise de dette). On comprend alors que le contrat est nécessairement une convention, mais que toute convention n’est pas nécessairement un contrat. Le contrat est une espèce de conventions. Notons néanmoins, qu’en pratique les deux termes apparaissent interchangeables. Cette confusion est d’autant moins critiquable que le Code civil, lui-même, utilise parfois un terme pour l’autre. 2. Les actes de courtoisie ou de complaisance Les actes de courtoisie ou de complaisance ne peuvent, en principe, être qualifiés de contrat parce qu’ils n’ont pas été formés dans le but de créer des obligations. • Il en va ainsi, d’une part, pour l’acte de courtoisie (c’est-à-dire pour les accords au titre de « rapports mondains »). Si vous êtes invités par quelqu’un à dîner et que vous acceptez, et si, au dernier moment, cette ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau personne annule sans vous prévenir vous ne pourrez pas la forcer à vous recevoir et à vous nourrir. Le juge ne viendra pas sanctionner un tel comportement, aussi discourtois soit-il. • N’est pas non plus un contrat, l’acte de complaisance (c’est-à-dire les prestations de services ponctuelles et gratuites). Si vous êtes pris sur le porte-bagage d’une bicyclette au moment où vous faites du stop, il ne se crée pas entre vous et le conducteur un contrat de transport. Par conséquent si par malheur un accident survient à cause du conducteur vous ne pourrez pas agir contre lui en responsabilité contractuelle, car il n’y a pas de contrat. En d’autres termes, la responsabilité ne peut être que d’ordre délictuel. Reste que dans quelques cas, la jurisprudence voit dans certains actes de courtoisie ou de complaisance des contrats pour des raisons d’opportunité. C’est le cas notamment lorsqu’une personne aide spontanément une autre en lui portant secours et subit un dommage à l’occasion de cet acte. Pour permettre l’indemnisation de l’assistant, les juges inventent un contrat d’assistance prétendument conclu entre l’assistant et l’assisté (par ex. : Civ. 1ere, 27 mai 1959 ; Civ. 1ere , 27 janv. 1993 ; Civ. 1ere, 16 juillet 1997) . Cette qualification est, dans un souci indemnitaire, bienvenue. Mais elle est théoriquement parfois bien artificielle faute de pouvoir établir une réelle rencontre des volontés entre les deux personnes (c’est le cas, notamment, lorsque l’assisté était inconscient au moment du sauvetage, v. par ex. : Civ. 1ere , 1er déc 1969). Cet exemple montre la relativité des classifications académiques dont le juge s’affranchit pour des raisons de pure opportunité. 3. Les engagements d’honneur Lorsque deux personnes s’engagent sur l’honneur leur but est a priori de ne pas soumettre leur relation aux règles de droit. Leur engagement n’a alors, dans leur esprit, aucune portée juridique et ne peut donc être sanctionné par les tribunaux. Le terrain d’élection de ce type d’engagements est incontestablement le monde des affaires (on parle alors souvent de Gentlemen’s Agreements). Ce monde a sa propre morale, ses propres règles : un simple engagement d’honneur a parfois autant de valeur et de force qu’un engagement juridique. Certes, celui qui y contreviendrait ne sera pas traîné devant les tribunaux, mais il sera désavoué par ses pairs et sa déloyauté sera commercialement sanctionnée. Il importe néanmoins de souligner qu’en dépit de la volonté de ceux qui ont souscrit un engagement d’honneur de ne pas donner à leur engagement une valeur juridique, dans certains cas, les juges n’hésitent pas à qualifier d’obligation juridique l’engagement qui avait été pris sur l’honneur et d’y voir finalement un contrat. L’exemple type en la matière est ce que l’on appelle la lettre de confort ou lettre d’intention. Il s’agit d’une lettre adressée par une société de grande renommée, et dont la surface financière est très importante, à un banquier auquel une de ses filiales souhaite emprunter de l’argent. Pour rassurer le banquier, créancier potentiel, la société-mère, plutôt que de s’engager juridiquement en tant que caution, se contente de prendre l’engagement d’honneur de garantir l’exécution de la dette par sa filiale. A priori un tel engagement, puisqu’il n’est qu’un engagement pris sur l’honneur, ne peut être juridiquement sanctionné. Concrètement le banquier créancier ne peut pas exiger en justice que la société ayant souscrit un simple engagement moral soit condamnée à exécuter la dette à la place de sa filiale. Pourtant les juges ne se considèrent pas toujours comme liés par la qualification donnée par les parties à leur engagement et franchissent parfois allègrement la frontière qui sépare l’engagement d’honneur et l’engagement juridique puisqu’ils reconnaissent souvent que la lettre d’intention engendre une véritable obligation à la charge de la société mère (Com, 21 déc. 1987 ; Com, 26 fev 2002). Le législateur lui-même a commis la même confusion puisque l’article 2322 du Code civil, issu de l’ordonnance du 23 mars 2006, prévoit également que la lettre d’intention fait naître un véritable engagement à la charge de son auteur. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau §.2 : Les classifications de contrats On s’en tiendra ici aux principales classifications. A. Les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux 1. L’exposé de la distinction a. Principe de distinction Est synallagmatique le contrat qui crée des obligations réciproques et interdépendantes à la charge des contractants (art. 1102) : chacun est à la fois débiteur et créancier. C’est le cas par exemple du contrat de bail : le bailleur est créancier du loyer mais doit en contrepartie assurer la jouissance paisible du bien loué au locataire. De son coté le locataire est créancier de l’obligation de jouissance paisible de la chose et s’engage en contre partie à payer le loyer. Au contraire, le contrat unilatéral ne crée d’obligation qu’à la charge d’un seul des contractants (art 1103). Pour autant, il ne faut pas confondre le contrat unilatéral avec l’acte juridique unilatéral. Alors que celui-ci est l’œuvre d’une seule volonté, le contrat unilatéral, tout en ne faisant naître d’obligation qu’à la charge d’une seule des parties, est le résultat d’un accord de volonté. L’exemple-type du contrat unilatéral est la donation. On peut également citer le contrat de prêt non rémunéré ; contrat où seul l’emprunteur est tenu d’une obligation de restituer la chose prêtée. Ou encore le dépôt non rémunéré où seul le dépositaire souscrit les obligations de conserver et de restituer la chose. b. Tempéraments D’une part, la volonté des contractants peut modifier le caractère du contrat. Ainsi, si un salaire est prévu au profit du dépositaire, le contrat de dépôt est alors synallagmatique puisque le déposant a souscrit l’obligation de verser un salaire au dépositaire en contrepartie des obligations souscrites par celui-ci. D’autre part, certains auteurs considèrent qu’un contrat unilatéral lors de sa formation peut devenir synallagmatique au cours de son exécution. Il s’agit alors d’une catégorie intermédiaire, le contrat synallagmatique imparfait. Il en serait ainsi du contrat de dépôt lorsque, pendant son exécution, le dépositaire se voit contraint, par suite de certains événements indépendants de la volonté des contractants, d’engager des frais pour assurer la conservation du bien déposé. Unilatéral à l’origine, le dépôt deviendrait synallagmatique pendant son exécution, car, dans une telle hypothèse, le déposant a l’obligation d’indemniser le dépositaire. Il existe bien alors des obligations réciproques. La majorité des auteurs s’oppose à cette mutation du contrat en cours d’exécution et dénie toute valeur à la catégorie des contrats synallagmatiques imparfaits. Ils soutiennent, à l’appui de leur thèse, d’une part que la nouvelle obligation ne trouve pas sa source dans le contrat mais dans un fait qui lui est postérieur ; d’autre part, que les deux obligations -si elles sont bien réciproques - ne sont néanmoins pas interdépendantes. Elles n’ont pas été, et pour cause, souscrites en considération l’une de l’autre. 2. L’intérêt de la distinction La distinction des contrats synallagmatiques et des contrats unilatéraux commande le jeu de règles importantes. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau Il en va ainsi pour les règles de preuve. Les contrats synallagmatiques doivent être établis en autant d’exemplaires qu’il y a de parties : c’est la formalité du double original posée par l’article 1325 du Code civil. Les contrats unilatéraux, quant à eux, peuvent n’être constatés que par un seul exemplaire remis au créancier. Toutefois, lorsque l’engagement porte sur le paiement d’une somme d’argent ou sur la livraison d’un bien fongible, le titre doit comporter la mention, par le débiteur, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres (art. 1326 C. civ.). Mais surtout, la réciprocité des obligations dans les contrats synallagmatiques entraîne des conséquences relatives à la force obligatoire de la convention : si l’un n’a pas exécuté son obligation, l’autre peut en faire autant en invoquant l’exception d’inexécution ; et si la situation persiste, il peut demander la résolution du contrat et des dommages et intérêts. Toutes ces règles fondées sur la réciprocité des obligations, ne sauraient être transposées aux contrats unilatéraux, du moins en l’état du droit positif. B. Les contrats à titre onéreux et les contrats à titre gratuit Deuxième classification traditionnelle des contrats, celle qui oppose les contrats à titre onéreux (art. 1106 C. civ.) et les contrats de bienfaisance (art. 1105 C. civ.). Il faut, en premier lieu, s’arrêter sur l’exposé de la distinction (1) et, en second lieu, sur l’intérêt de cette distinction (2). 1. L’exposé de la distinction Le contrat est dit à titre onéreux lorsque les contractants se consentent des avantages réciproques. Autrement dit, chacun n’a accepté de s’engager qu’en considération de l’avantage qu’il reçoit de son cocontractant. C’est le cas, par exemple, de la vente : le vendeur ne s’oblige à transférer la propriété et à livrer la chose que parce qu’il reçoit, en échange, le prix. Au contraire, le contrat est de bienfaisance lorsqu’un contractant veut procurer un avantage à son contractant, tout en acceptant délibérément de ne rien recevoir en contrepartie. Ces contrats se divisent eux-mêmes en : - contrats à titre gratuit dans lesquels le contractant qui s’engage le fait en vue d’enrichir le patrimoine d’autrui. L’exemple classique de ce type de contrat est la donation. - contrats de services gratuits dans lesquels le contractant qui s’engage le fait en vue, non d’enrichir autrui, mais de lui rendre service. Tel est le cas du prêt à usage ou encore du mandat non salarié. 2. L’intérêt de la distinction L’intérêt de la distinction varie dans une large mesure suivant le contrat considéré si bien qu’il est difficile d’en présenter une synthèse. On se limitera donc aux idées générales. C’est ainsi que les actes à titre gratuit sont souvent encadrés par un formalisme tendant à protéger celui qui se dépouille (voire sa famille ou ses créanciers) contre les entraînements irréfléchis. De même, dans les contrats de bienfaisance, les obligations de celui qui consent un avantage sans contrepartie sont moindres si bien que sa responsabilité sera appréciée moins sévèrement. Par exemple, le donateur, contrairement au vendeur, n’est pas astreint à la garantie des vices cachés de la chose transférée. C. Les contrats commutatifs et les contrats aléatoires Troisième grande classification des contrats, celle qui consiste à distinguer les contrats commutatifs (art. 1104 C. civ.) et les contrats aléatoires (art. 1104 al. 2). Cette classification est une subdivision du titre onéreux. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau 1. L’exposé de la distinction Le contrat commutatif est un contrat dans lequel la contrepartie que chaque contractant reçoit est d’ores et déjà certaine et déterminée ; les parties connaissant dès la conclusion de l’acte l’étendue des prestations de chacun. Par exemple, la vente est un contrat commutatif car pour être valable elle suppose, dès sa conclusion, que la chose et le prix soient déterminés ou au moins déterminables. Le contrat est aléatoire lorsque les parties ne s’engagent pas à procurer à l’autre un avantage qui est regardé comme l’équivalent de celui qu’elle reçoit mais acceptent une chance de gain ou un risque de perte, pour chacune ou l’une d’entre elles, d’après un événement incertain. Par exemple, le contrat de rente viagère, en vertu duquel le vendeur vend son immeuble en contrepartie d’une rente périodique qui lui est versée jusqu’à son décès par l’acquéreur. Le contrat est aléatoire car, au jour de sa conclusion, l’importance de la prestation due par l’acquéreur n’est pas déterminée, n’est pas quantifiée dès l’origine. Elle dépend d’un événement futur, incertain quant à sa date, à savoir le décès du vendeur. Autre exemple de contrat aléatoire : le contrat d’assurance vie en cas de vie. Une personne souscrit un contrat d’assurance, aux termes duquel, en contrepartie du paiement d’une prime l’assureur s’engage à lui verser un capital ou rente s’il est encore en vie au-delà d’une date fixée par le contrat. Cette assurance permet à l’assuré de se constituer un complément de retraite. Ce contrat est aléatoire car les chances de gains ou de perte de l’assuré dépendent du fait de savoir s’il sera en vie au-delà de la date fixée par le contrat. Ainsi, si l’assuré décède avant cette date, il subit une perte, car l’assureur ne devra rien alors qu’il aura versé la prime d’assurance. Si l’assuré est encore en vie au-delà de cette date, il perçoit un gain puisque l’assureur lui verse la somme prévue au contrat, somme qui sera souvent supérieure à la prime versée. Dernier exemple : le contrat d’assurance en cas de décès : une personne souscrit un contrat aux termes duquel en contrepartie d’une prime qu’il verse à l’assureur, celui-ci devra verser une somme à une personne qu’il a désigné s’il décède avant la date fixée dans le contrat. Ce contrat est aléatoire car les chances de gain ou de perte de l’assureur et de l’assuré dépendent de la date du décès de l’assuré. Ainsi, si l’assuré est toujours en vie à la date fixée dans le contrat, l’assureur réalise un gain car il ne doit rien verser au bénéficiaire de l’assurance. L’assuré subit une perte, car il perd la prime qu’il avait versée. Si l’assuré est mort avant cette date, l’assureur subit une perte, car il doit verser la somme prévue au contrat aux bénéficiaires de l’assurance, somme souvent supérieure à la prime versée. Une fois encore, la volonté des contractants peut conduire à nuancer la distinction exposée. L’aléa peut être, en effet, d’origine contractuelle ; un contrat commutatif par nature peut devenir, en raison de la volonté des contractants, aléatoire. L’amateur d’art qui achète à ses risques et périls un tableau à propos duquel il existe un doute sur l’authenticité conclut un contrat aléatoire alors qu’en principe la vente est, par nature, un contrat commutatif. 2. Intérêt de la distinction L’intérêt essentiel de cette distinction réside dans le contrôle qui est parfois exceptionnellement ouvert aux juges pour vérifier, et éventuellement sanctionner, le déséquilibre excessif du contrat au moment de sa formation. Si ce contrôle est envisageable pour les contrats commutatifs et permet parfois au juge de protéger, dans une certaine mesure, celui des contractants qui a été lésé par l’autre ; en revanche il est exclu en matière de contrat aléatoire (« l‘aléa chasse la lésion »). Il serait en effet anormal de sanctionner ici par la nullité du contrat le déséquilibre entre les prestations réciproques : la chance de gain ou de perte ayant été voulue, on ne saurait se plaindre de ce qu’elle se réalise (en acceptant de jouer, on accepte de perdre). A cela s’ajoute que, de par sa nature, une prestation affectée d’un aléa est rebelle à toute évaluation si bien qu’on pourrait difficilement apprécier s’il y a ou non déséquilibre entre les prestations. 3. Relativité de la distinction Pour des raisons de pure opportunité, le juge va parfois retenir la qualification de contrat aléatoire malgré l’absence de tout aléa. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau C’est ce qu’a fait, semble-t-il, la Cour de cassation dans plusieurs arrêts rendus en Chambre mixte le 23 novembre 2004. Il s’agissait de savoir si peuvent être qualifiés de contrats aléatoires, les contrats par lesquels, moyennant le versement de sommes périodiques par une personne, une compagnie d’assurance s’engage à reverser lesdites sommes capitalisées à l’échéance fixée au contrat, soit à cette personne si elle est encore en vie, soit à ses héritiers si elle est décédée. En toute rigueur, ce contrat qui constitue une opération de placement, une opération d’épargne, n’est pas un contrat aléatoire. En effet, ce que détermine ici la survie du souscripteur à la date fixée dans le contrat, ce n’est pas l’existence ou le montant d’un gain ou d’une perte à son égard, mais seulement le destinataire de la somme que devra payer la compagnie d’assurance. Autrement dit, l’importance de la prestation due par l’assureur ne dépend en rien de la date du décès de l’assuré. En effet, l’assureur versera exactement la même somme à la date fixée au contrat que le souscripteur soit encore en vie ou déjà décédée ; simplement il le versera à une personne différente. Ce n’est donc pas techniquement un contrat aléatoire. Pourtant, la Cour de cassation en a jugé autrement parce que si elle avait décidé que les contrats de capitalisation n’étaient pas des contrats aléatoires, cela aurait abouti, pour des raisons tenant aux règles du droit successoral, à une remise en cause potentielle de centaine de milliers de ces contrats et à une fragilisation des marchés financiers. Ce sont donc des raisons d’ordre économique et financier qui ont conduit la Cour de cassation à retenir une qualification plutôt qu’une autre. D. Les contrats consensuels, solennels et réels Cette classification est simplement sous-entendue par le Code civil. Le contrat consensuel est un contrat qui se conclut par le seul accord de volonté et dont la validité n’est subordonnée à aucune condition de forme. C’est la règle selon le Code civil : tout contrat est en principe consensuel, sauf lorsque la loi en dispose autrement. Ainsi le veut le principe du consensualisme qui est un aspect du principe de l’autonomie de la volonté. Le contrat solennel doit pour être valablement formé, outre l’accord des volontés, remplir des conditions de formes spécifiques. Par exemple, la donation pour être valable suppose, en principe, la rédaction d’un acte authentique. Enfin le contrat réel est celui dont la formation - et donc la validité - requièrent non seulement un accord de volontés mais encore la remise matérielle de la chose qui en constitue l’objet. Par exemple, le contrat de dépôt ou de prêt. On relèvera que cette catégorie connaît actuellement un certain déclin. Au-delà du fait que le contrat de gage n’est plus un contrat réel depuis l’ordonnance du 23 mars 2006 relative à la réforme du droit des sûretés, des arrêts relativement récents de la Cour de cassation ont, en effet, décidé que les contrats de prêt d’argent consentis par un professionnel du crédit ne sont pas des contrats réels (Civ. 1re, 28 mars 2000 ; 27 novembre 2001 ; 27 juin 2006), à la différence de ceux consentis par un non professionnel (Civ. 1re, 7 mars 2006). Pourquoi la jurisprudence décide-t-elle aujourd’hui que les prêts consentis par un professionnel sont des contrats consensuels ? C’est principalement pour obliger le professionnel qui a promis de prêter de l’argent à verser les fonds promis. Avant le revirement de 2000, c’est, en effet, la solution inverse qui était retenue. Au motif que le prêt d’argent consenti par un professionnel était un contrat réel ne se réalisant que par la remise de la chose prêtée, l’inexécution de la promesse de prêt ne pouvait donner lieu à exécution du prêt (qui, par hypothèse n’était pas encore formé) mais seulement au paiement de dommages-intérêts (Civ. 1re, 20 juillet 1981). E. Les autres classifications Les classifications qui viennent d’être évoquées sont les classifications traditionnelles. D’autres sont aujourd’hui proposées en doctrine, je me contenterais de les passer très rapidement en revue. ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau Tout d’abord la doctrine distingue les contrats nommés et les contrats innommés. Le contrat nommé est un contrat dont le régime a été prévu par le Code civil, comme la vente ou le bail, ou par une loi postérieure, comme le crédit-bail ou la location-accession. Le contrat innommé est celui qui n’est réglementé par aucune loi sous une dénomination propre. Il est crée par la pratique et on ne peut le faire entrer dans aucune des catégories légales préétablies, c’est le cas par exemple du contrat de déménagement, ou d’entretien d’un ascenseur. La difficulté, pour ce type de contrat est de déterminer leur régime juridique ; c’est au juge que revient, par voie d’interprétation de la volonté des parties, cette tâche délicate. On oppose encore les contrats à exécution instantanée et ceux à exécution successive. Comme leur nom l’indique, ces contrats se distinguent en raison du rôle différent joué par le temps dans leur exécution. Lorsqu’il est à exécution instantanée, le contrat s’exécute dans l’instant, plus exactement il crée une obligation qui s’exécute en une seule fois. C’est l’hypothèse de la vente d’un corps certain. Quand il est à exécution successive, le contrat crée une obligation qui s’exécute dans la durée, laquelle peut être déterminée ou indéterminée. Le cas typique de ce genre de contrat est le contrat de travail dont l’exécution repose sur des prestations successives. L’intérêt de la distinction apparaît quand il s’agit de régler les modalités et les conséquences de l’anéantissement d’un contrat (on aura l’occasion d’y revenir). ________________ Copyright © 2011 Pré-Barreau