Dissertation sur l`existence d`une sous culture jeune
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Dissertation sur l`existence d`une sous culture jeune
DANS QUELLE MESURE PEUT-ON DIRE QU’IL EXISTE UNE SOUS CULTURE JEUNE ? DOCUMENT 1 : LES PRATIQUES POLITIQUES DES JEUNES En quoi les attitudes et les comportements politiques des jeunes diffèrent-ils de ceux des autres classes d'âge? Les jeunes sont moins inscrits sur les listes électorales, plus abstentionnistes. La participation est liée au degré d'insertion sociale: les jeunes de milieu urbain, à faible qualification, avec des difficultés d'insertion professionnelle, sont, dans l'ensemble, plus abstentionnistes et moins inscrits sur les listes électorales. Aux élections régionales de mars 1992, on compte, parmi les 18-24 ans, 32% d'abstentionnistes et, parmi l'ensemble de la population, 25%. Il Y a donc un abstentionnisme bien plus marqué chez les jeunes. Les 18-20 ans sont moins inscrits sur les listes électorales que les 20-25 ans. En revanche, quand ils sont inscrits, ils sont plus participationnistes. On observe entre 20 et 25 ans une sorte de plage, de « moratoire» caractérisé par un retrait de la participation électorale, même lorsque le seuil symbolique de l'inscription sur les listes électorales est franchi. Si on analyse leur vote dans le temps, ils apparaissent plus instables dans leurs choix, leur volatilité électorale s'avère plus forte. (...) De nouvelles formes de mobilisation, plus autonomes et plus ponctuelles, s'exercent chez les jeunes comme dans les autres classes d'âge (Coordination des cheminots, Coordination des infirmières, Coordination lycéenne et étudiante). Pour les jeunes, ces mobilisations autonomes constituent leurs premières expériences politiques, alors que les plus anciens gardent la mémoire du langage syndical, des mobilisations traditionnelles. Ces nouvelles formes de mobilisation ont une portée différente chez les jeunes. Malgré ce retrait, cette distance critique par rapport au jeune politicien, il n'y a pas de dépolitisation des jeunes ; les mouvements lycéens ont montré qu'ils pouvaient faire pression, porter leurs revendications au plus haut niveau de responsabilité politique. Les jeunes ont introduit dans le débat social des questions de politique par excellence, alors que les adultes ne se les posaient plus, ou pas de la même façon. La politisation ne s'articule plus autour de l'opposition entre les classes sociales, ni du clivage droite-gauche, mais sur un autre registre de référence : « les questions concrètes d'abord » (avoir du travail ou pas est une question existentielle pour eux), mais aussi leur sensibilisation aux grandes causes: la lutte contre le racisme, la défense des droits de l'homme, l'entraide humanitaire, la différence de la liberté d'opinion. Il y a un aspect émotionnel qui peut les mobiliser . Anne Muxel, «De nouvelles mobilisations » Le Monde de l'éducation, mars 1993. DOCUMENT 2 : LA « JEUNESSE » N'EST QU'UN MOT Le réflexe professionnel du sociologue est de rappeler que les divisions entre les âges sont arbitraires. C'est le paradoxe de Pareto disant qu'on ne sait pas à quel âge commence la vieillesse, comme on ne sait pas où commence la richesse. En fait, la frontière entre jeunesse et vieillesse est dans toutes les sociétés un enjeu de lutte. Q. Par vieux, qu'entendez-vous ? Les adultes ? Ceux qui sont dans la production ? Ou le troisième âge ? Quand je dis jeunes/ vieux, je prends la relation dans sa forme la plus vide. On est toujours le vieux ou le jeune de quelqu'un. C'est pourquoi les coupures soit en classes d'âge, soit en générations, sont tout à fait variables et sont un enjeu de manipulations. Ce que je veux rappeler, c'est tout simplement que la jeunesse et la vieillesse ne sont pas des données mais sont construites socialement, dans la lutte entre les jeunes et les vieux. Les rapports entre l'âge social et l'âge biologique sont très complexes. Si l'on comparait les jeunes des différentes fractions de la classe dominante, par exemple tous les élèves qui entrent à l'École Normale, l'ENA, l'X, etc., la même année, on verrait que ces « jeunes gens » ont d'autant plus les attributs de l'adulte, du vieux, du noble, du notable, etc., qu'ils sont plus proches du pôle du pouvoir. Pierre Bourdieu Entretien avec Anne-Marie Métailié, paru dans Les jeunes et le premier emploi, Paris, Association des Ages, 1978, pp. 520-530. Repris in Questions de sociologie, Éditions de Minuit, 1984. Ed. 1992 pp.143-154. DOCUMENT 3: QUELQUES EXEMPLES DE PRATIQUES CULTURELLES SELON LE SEXE ET L'ORIGINE SOCIALE. R'n'B Rock Rap Reggae Classique Variétés Pop Hip Hop Jazz Ensemble 27 22 21 12 11 11 9 7 6 Utilise son portable tous les jours n.d Garde des liens par lettre postale avec des amies qu'elle/il ne voit plus n.d Garçons 25 21 26 12 1l 8 6 10 8 59 30 Filles 28 22 16 12 11 13 11 5 5 Origine favorisée Origine moyenne Origine populaire 8 31 44 31 23 15 9 25 28 11 15 12 22 7 3 13 9 10 11 9 9 2 9 13 12 5.5 2 70 n.d n.d n.d 72 n.d n.d n.d Ensemble 15-17 ans +18 ans Origine favorisée Origine moyenne Origine populaire Participent à des « Chats » jamais 41 38 52 51 Parfois. 29.5 30 22 27 Souvent 18 20 16 22 SOURCE : D.PASQUIER « CULTURES LYCEENNES, LA TYRANNIE DE LA MAJORITE" AUTREMENT 2005 39 27 22 30 31 27 DOCUMENT 4 : LYCEENS: LA CULTURE DES PAIRS La variable « génération» serait-elle alors devenue un facteur explicatif plus puissant que l'origine sociale ou le niveau de diplôme? Certes, D. Pasquier pointe tout au long de son enquête des différences sensibles entre les lycéens selon leur origine familiale. La lecture, par exemple, reste une pratique fortement corrélée au milieu social ainsi qu'à l'exigence des études (et bien d'avantage pratiquée par les filles). L'usage de la télévision et du téléphone semble plus contrôlé par les milieux cultivés, où les parents .transmettent des codes d'usage et de politesse. (...) . Pour D. Pasquier, à l'heure où la plupart des 15-21 ans sont réunis sur les bancs de l'école, il existe beaucoup plus de points communs entre les jeunes des différents milieux sociaux qu'auparavant: « La cartographie des cultures communes s'élabore aujourd'hui moins sur la base d'un découpage entre l'origine sociale que par l'âge et par le sexe». (...) Qu'on en juge: les milieux favorisés transmettent à leurs enfants une culture consacrée, disaient [P. Bourdieu et JC Passeron]. Aujourd'hui la transmission verticale des parents aux enfants est confrontée à une « culture des pairs », qui circule horizontalement et neutralise les anciennes hiérarchies culturelles. Second constat: l'école faisait office d'instance de légitimation de ces classements culturels. Mais la culture scolaire, maintenant concurrencée par les médias (télé et radio) et par la « société des pairs », a plus en plus de mal à imposer ses normes. Enfin, affirme D. Pasquier, la culture de l'élite ne fait plus référence: « Chez les lycéens la culture dominante n'est pas la culture de la classe dominante mais la culture populaire ». Il resterait à vérifier si ce modèle s'applique aussi aux étudiants d'aujourd'hui. (...). Tout se passe, selon l'auteure, comme si de nouveaux clivages avaient remplacé les anciens. Le clivage sexuel, particulièrement, serait entrain de se durcir. Une nouvelle hiérarchie s'établirait dans laquelle les garçons affichent dédain et mépris pour les goûts des filles: eux, fervents de sport et de jeux vidéos, elles, davantage attirées par ce que l'auteure avait appelé (...) « une culture des sentiments» à travers les romans, les fictions télévisuelles et autres « Star Academy, ou encore les sites de fans sur Internet. Si le modèle masculin parait tenir le devant de la scène, l'auteure note cependant que les filles, plus tournées sur la sphère de l'intime, de la famille et de petits groupes d'amies proches, y gagnent en authenticité et en liberté de se construire une identité plus personnelle. Extrait de la présentation du livre de D.Pasquier « Cultures lycéennes, la tyrannie de la majorité », publié dans Sciences Humaines, n°158, 03/2005. DOCUMENT 5 : ACTIVITES SPORTIVES ET CULTURELLES SELON L'AGE * théâtre, concert, spectacle de danse, son et lumière, spectacle historique, spectacle comique, cirque ** musées, expositions, monuments historiques *** dessin, peinture, sculpture, instrument de musique, chant, théâtre, photographie, vidéo Champ : personnes de 15 ans ou plus. Source : Enquête « Participation culturelle et sportive » (mai 2003 ), Insee DOCUMENT 6 : “DEVENIR ADULTE EST PLUS COMPLIQUE POUR LES JEUNES D’AUJOURD’HUI” Label France : Vos travaux nous rappellent que la jeunesse n’a pas toujours été distinguée des autres âges - enfance et âge adulte -, et qu’elle ne l’est pas, aujourd’hui encore, dans certaines sociétés traditionnelles. Quand la jeunesse est-elle apparue comme une catégorie sociale et culturelle ? O.Galland : De même que pour l’enfance, la naissance du sentiment de l’identité juvénile résulte d’une évolution sociale et culturelle en Europe. L’invention de la jeunesse, en tant que catégorie de pensée, est liée à l’émergence de l’individu et de l’intimité familiale comme valeur, ainsi qu’à l’idée, développée par la philosophie des Lumières, que l’éducation peut permettre à la personne de sortir de sa condition sociale d’origine. LF : Quelles ont été les grandes étapes, dans les sciences humaines, des progrès dans la compréhension de cet âge particulier ? OG : (…) une nouvelle génération de sociologues, (..) aborde, avec un certain bon sens, la jeunesse comme un passage entre d’autres âges de la vie, comme une portion du cycle de vie. Les questions sociologiques qui se posent alors sont de savoir comment est découpée, à la fois réellement et dans les représentations, cette période du cycle de vie, comment elle est définie, quels sont les seuils qui la caractérisent, de quelle manière ils s’articulent entre eux et varient dans le temps, selon les générations, comment se fait l’entrée dans la vie adulte, etc. LF : Quels sont les grands points communs de la génération actuelle des 15-25 ans en France ? OG : Il apparaît que quels que soient leur niveau d’études et leur condition sociale, les jeunes partagent les mêmes valeurs libérales en ce qui concerne les mœurs (ce que l’on peut résumer par l’idée que chacun peut choisir librement sa manière de vivre).(…) L’autre grand point commun à cette génération, ce sont les modes de sociabilité, leur façon d’être ensemble. Ils attachent énormément d’importance, dans leur définition d’eux-mêmes, aux rapports qu’ils entretiennent avec leurs proches, et surtout avec leurs amis. Cela devient une valeur en soi. LF : Quand devient-on vraiment adulte, aujourd’hui, dans la société française ? En quoi les conditions d’accession à ce statut ont-elles changé ces dernières années ? OG : L’étape majeure est devenue celle d’avoir un enfant. Les autres phases, qui marquaient auparavant le passage à l’âge adulte, sont devenues plus floues et progressives, qu’il s’agisse de l’accès au travail, avec la multiplication des formes d’activités et les aléas de l’entrée dans la vie active, ou du départ de chez ses parents.(..) Tous ces seuils, très nets autrefois et qui n’autorisaient pas de retour en arrière, sont aujourd’hui plus incertains. Tandis qu’avoir un enfant reste un tournant décisif, puisque l’individu est alors confronté à des responsabilités irréversibles qui changent profondément son statut. (…) Ainsi, entre la fin de l’adolescence, la fin des études et le premier enfant, s’intercale une nouvelle période de plusieurs années, variable selon les parcours évidemment. Auparavant, il y avait une simultanéité de toutes les étapes introduisant le jeune au statut d’adulte, qui rendait les frontières et les définitions des âges beaucoup plus claires. Entretien avec Olivier Galland réalisé par Anne Rapin Source : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/france_829/label-france_5343/les-numeros-label-france_5570/lf51-lesjeunes_10104/france-nouvelle-generation_10107/devenir-adulte-est-plus-complique-pour-les-jeunes-aujourdhui_20116.html