Gestion fiscale
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DICTIONNAIRE PERMANENT Bulletin n os 293/294 Décembre 2014Janvier 2015 Gestion fiscale L’essentiel de la veille permanente d’ELnet.fr© DÉTOURNEMENT DE FONDS : des chèques en blanc mais pas de provision PAGE 5 LES INDEMNITÉS DE STAGE intègrent l’assiette du CIR PAGE 6 RETOUR DE LA DISPENSE de déclaration de CVAE PAGE 7 Activation des redevances : parce que vos marques le valent bien Zoom sur... Le caractère pérenne d’une sous-licence de droits incorporels s’analyse en fonction de la durée initiale, des modalités de renouvellement et de résiliation de la licence principale. PLAFONDS 2015 d’exonération de CFE dans les zones urbaines PAGE 7 BAISSE DES TARIFS 2015 de la taxe d’aménagement PAGE 9 DROIT DE COPIE DE L’ADMINISTRATION : transmettez en toute sécurité PAGE 10 DERNIER APPEL pour postuler à la « relation de confiance » PAGE 10 AGENDA JANVIER-FÉVRIER : Les trois conditions requises pour l’activation Un arrêt du 24 septembre 2014 « SAS Beauté Créateurs » (no 348214) a rappelé les critères traditionnellement requis pour l’activation des redevances mais sans en tirer toutes les conséquences. Alors que les juges ont tenté de remettre en cause la déductibilité des charges constatées par le sous-licencié, ils semblent avoir apprécié les critères de l’immobilisation en se basant uniquement sur les termes de la licence initiale. Les redevances acquittées par un licencié correspondent à des charges d’exploitation normalement déductibles de l’impôt, au même titre qu’un loyer correspondant à l’utilisation d’un bien. Ce n’est en principe qu’exceptionnellement qu’elles ont vocation à être soumises au régime des éléments d’actif immobilisés. En effet, le Conseil d’État a retenu dans dates limites des principales obligations fiscales à accomplir aux mois de janvier et février 2015 PAGE 12 Suite p. NOUVEAU POUR LES RESPONSABLES JURIDIQUES www.elnet-direction-juridique.fr avec Consulter aussi : www.elnet.fr © Éditions Législatives ISSN 1638-2242 - Publication mensuelle - 14e année - Envoi n° 13 2 Zoom sur... Activation des redevances : parce que vos marques le valent bien vances versées devaient être immobilisées (◆ CAA Paris, 5 mars 2007, no 04PA00659). suite de la page 1 un arrêt très remarqué (◆ CE, 21 août 1996, no 154488) que « ne doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l’actif immobilisé que les droits constituant une source régulière de profits, dotés d’une pérennité suffisante et susceptibles de faire l’objet d’une cession ». Mais le 30 décembre 2009, le Conseil d’État a estimé que la cour administrative d’appel avait commis une erreur de droit (◆ CE, 30 déc. 2009, no 305449). En effet, pour déterminer si les licences d’utilisation de diverses marques en litige étaient des immobilisations incorporelles, les juges du fond n’ont analysé que la seule durée des contrats sans apprécier les autres critères énoncés par la jurispruLe critère dence, à savoir les modalités de renouvellement, de de la cessibilité résiliation ou de dénonciation des marques, autresemble aujourd’hui ment dit « le coefficient de précarité du contrat ». Le premier de ces trois critères cumulatifs n’est que rarement évoqué ; de manière générale, un contrat a vocation à être source de profits pour celui qui l’a conclu. En revanche, comme nous le verrons, la pérennité est la condition clé en matière d’activation des charges. Enfin, le critère de la cessibilité semble être mis à l’écart » aujourd’hui être mis à l’écart. : en effet, au cas d’espèce, la société avait fait valoir que la cessibilité des contrats était limitée. Mais les juges ont considéré que la société Beauté Créateurs n’en avait pas apporté la preuve et que sa société mère lui avait sous-concédé les licences pour une durée indéterminée. REMARQUE Le support contractuel au cœur de la réflexion L’arrêt « SAS Beauté Créateurs » rappelle une nouvelle fois l’importance de l’analyse contractuelle pour déterminer s’il doit y avoir activation des redevances ou non. Le Conseil d’État se réfère aux seules stipulations du contrat pour apprécier la pérennité des droits concédés, comme il l’avait déjà fait dans d’autres affaires auparavant (◆ CE, 16 oct. 2009, no 308494 ◆ CE, 23 déc. 2011, no 341217). En l’espèce, les faits concernaient des contrats de licence exclusive conclus entre la société L’Oréal et des sociétés et personnes physiques tierces. L’Oréal a sous-concédé les droits qui lui avaient été consentis à sa filiale, la société Beauté Créateurs, qui exerce une activité de vente par correspondance de produits cosmétiques. A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration a notamment réintégré les charges exposées par la filiale au titre des marques déposées qui devaient selon elle être regardées comme des éléments de son actif immobilisé et donc être « activées ». L’affaire a donc été portée au contentieux. La demande de la société a été rejetée par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel de Paris. Cette dernière a retenu qu’eu égard à la régularité non contestée des profits tirés des contrats, à leurs durées estimées à l’origine qui assuraient une pérennité suffisante entre les cocontractants et à leur caractère cessible, les rede- 2 Décembre 2014-Janvier 2015 © DICTIONNAIRE PERMANENT Gestion fiscale - Bulletin L’affaire a donc été renvoyée devant la cour administrative d’appel de Paris qui a retenu qu’à la lecture des clauses de résiliation de chacun des contrats, le licencié avait entendu se ménager une liberté de résiliation sans grande contrainte. Par conséquent, les droits concédés n’étaient pas dotés d’une pérennité suffisante pour constituer des éléments incorporels d’actif immobilisés (◆ CAA Paris, 3 févr. 2011, no 10PA00278). Cet arrêt est censuré. La délicate appréciation du critère de pérennité L’appréciation de la pérennité s’effectue en fonction de la durée du contrat et de son “coefficient de précarité” » La Haute juridiction administrative rappelle les trois critères d’activation posés par la jurisprudence en se focalisant toutefois sur le critère de pérennité ; elle précise que les droits ne peuvent être regardés comme dotés d’une pérennité suffisante si le concédant peut, à tout moment, résilier le contrat sans indemnité. S’il est difficile de tirer une règle générale de la jurisprudence rendue sur ce critère, il en ressort une grille d’analyse réaffirmée par la décision « SAS Beauté Créateurs ». En effet, l’appréciation de la pérennité d’un droit s’effectue non seulement en fonction de la durée du contrat mais aussi en fonction de son « coefficient de précarité ». Durée initiale du contrat suffisamment longue Le Conseil d’État souligne que les droits qui découlaient des contrats étaient « d’une durée initiale suffisante ». Le critère de pérennité suppose en effet que le contrat soit conclu pour une durée suffisamment longue. S’agissant de contrats à durée déterminée renouvelables par tacite reconduction, le caractère bref de la durée initiale exclut le caractère pérenne du contrat ; c’est le cas pour un contrat renouvelable Zoom sur... annuellement ab initio (◆ CE, 13 déc. 1978, no 6920) ou pour un contrat conclu pour une durée initiale de 2 ans tacitement reconductible par périodes d’un an (◆ CE, 26 févr. 2001, no 221351). En revanche, les redevances afférentes à des contrats de longue période sont activables. Une durée initiale de neuf ans a été considérée comme suffisante pour considérer que les droits attachés à ce contrat sont dotés d’une pérennité suffisante (◆ CE, 16 févr. 2007, no 288531). Plus récemment, il a été décidé que la durée initiale du contrat était suffisamment longue lorsque celui-ci confère le droit Les facultés exclusif d’exploiter une marque pour 5 ans (◆ CE, de résiliations offertes doivent 23 déc. 2011, no 341217). En application de ces principes, les juges considèrent donc que les droits qui découlaient des contrats étaient « d’une durée initiale suffisante ». En l’espèce, trois des contrats étaient conclus pour une durée initiale de 5 à 6 ans tandis que les deux autres étaient conclus pour une durée initiale de 10 à 12 ans. Notons toutefois que la durée initiale du contrat n’est pas un élément suffisant, à lui seul, pour conclure à la pérennité du contrat. En effet, la jurisprudence refuse traditionnellement de reconnaître que des droits à caractère précaire aient la nature d’immobilisations même si, en pratique, l’entreprise qui les détient a pu en bénéficier pendant une longue période (◆ CE, 2 déc. 1988, no 57546). : le Conseil d’État, dans son premier arrêt en date du 30 décembre 2009, avait confirmé ce principe en retenant que la seule durée des cinq contrats de licence conclus par la société L’Oréal, mère de la société Beauté Créateurs, ne suffisait pas pour que les droits qui en résultent soient dotés d’une pérennité suffisante. Il est nécessaire d’examiner les modalités de renouvellement, de résiliation et de dénonciation des contrats (« coefficient de précarité », selon l’expression consacrée de Gilles Bachelier). REMARQUE Nécessaire analyse du « coefficient de précarité » L’analyse du « coefficient de précarité » du contrat constitue la deuxième étape indispensable pour déterminer si le critère de pérennité est rempli. L’arrêt « SAS Beauté Créateurs » reprend les indices classiques de la précarité du contrat à savoir, d’une part, l’existence de possibilités de résiliation par le concédant avant l’échéance stipulée, d’autre part, l’existence d’une indemnité de résiliation due par le concédant et, enfin, la durée du préavis. L’appréciation du caractère précaire du contrat est une pure question de fait. Ainsi, les redevances ne peuvent être activées si le contrat, bien qu’à durée indéterminée, est résiliable à tout moment sans indemnité et avec un préavis de 60 jours (◆ CE, 16 oct. 2009, no 308494). N’est pas non plus doté d’une pérennité suffisante, un contrat d’une durée indéterminée qui peut être résilié à tout moment à l’initiative du titulaire de la marque, moyennant un préavis limité de 4 mois (◆ CE, 23 juin 2000, no 188297). Le Conseil d’État réaffirme donc cette jurisprudence en jugeant que les facultés de résiliations offertes doivent s’apprécier contrat par contrat au niveau du concédant. Au cas particulier, les trois contrats conclus pour une durée de 5 à 6 ans étaient renouvelables par tacite reconduction pour une période de 5 ans et pouvaient être dénoncés à l’échéance du terme avec un préavis de 6 mois. Les deux premiers renouvellements étaient automa- s’apprécier tiques si les redevances versées au titre des deux contrat par contrat dernières années de la période considérée dépasau niveau saient le montant minimum des redevances garandu concédant » ties par le licencié au concédant pour ces deux années. Les deux autres contrats portaient sur des durées de 10 et 11 ans et étaient renouvelables pour une période de 5 ans sur accord écrit des parties 6 mois avant la fin de la période. Pour l’un de ces deux contrats, les deux premiers renouvellements étaient également automatiques dès lors que le chiffre d’affaires plaçait la marque parmi les trois premières marques de produits capillaires vendus par correspondance aux États-Unis et dans trois pays mentionnés par le contrat. Impact des clauses de résiliation anticipée Les contrats analysés en l’espèce contenaient des clauses de résiliation anticipée dans des délais très courts pour les cas où, notamment, l’une ou l’autre des parties ne respectait pas ses obligations, en cas de décès ou d’incapacité de l’un des cocontractants ou d’insolvabilité. A cet égard, l’arrêt souligne que, outre ces clauses « de droit commun », aucune clause ne permettait une résiliation anticipée des contrats. Ainsi, en considérant que la clause de résiliation anticipée n’affecte pas la pérennité du contrat, la décision « SAS Beauté Créateurs » s’inscrit dans la Des conditions de renouvellement droite ligne de la jurisprudence. En effet, il a été automatique liées décidé par le passé qu’une clause de résiliation antiau chiffre d’affaires cipée n’affectait pas la pérennité du contrat dès lors n’affectent pas que la clause restait limitée à la seule hypothèse où la pérennité l’une des parties ne respectait pas ses obligations du contrat » (◆ CE, 23 déc. 2011, no 341217). En outre, selon la Haute juridiction, des conditions de renouvellement automatique liées au chiffre d’affaires et donc à un événement aléatoire ne dépendant de la volonté d’aucune des parties n’affectent pas la pérennité du contrat. Dans une autre affaire récente (◆ CE, 12 déc. 2012, no 334516), un contrat contenait une clause de résiDécembre 2014-Janvier 2015 © DICTIONNAIRE PERMANENT Gestion fiscale - Bulletin 3 Zoom sur... minée et étaient révocables à tout moment, sans délai de préavis, ni indemnité de résiliation. liation anticipée avec le constat de la fin automatique du contrat au terme de toute année au cours de laquelle le concessionnaire n’aurait pas réalisé au moins 66 % de son objectif de vente. Il a été décidé que les droits attachés au contrat ne pouvaient être constitutifs d’une immobilisation, au motif, notamment, que cette fin automatique figurait au nombre des diverses hypothèses de résiliation anticipée. Cette solution nous semble parfaitement justifiée dès lors que la pérennité requise de la relation contractuelle semble bien faire défaut, cette clause étant totalement indépendante de la volonté de l’une ou l’autre des parties. Sous réserve des précisions qui peuvent être apportées par les conclusions du rapporteur public, il est probable que le Conseil d’État ait considéré que la sous-licence était pérenne par nature pour se focaliser sur l’analyse de la licence principale. L’arrêt « SAS Beauté Créateurs » constituerait alors une forme de remise en cause des principes dégagés par la jurisprudence car il est évident que la souslicence en elle-même n’était pas pérenne au regard des critères jusqu’alors requis. Les juges n’ont pas considéré dans l’arrêt « SAS Beauté Créateurs » que les clauses de renouvellement automatique (semblables aux clauses de résiliations automatiques évoquées ci-dessus) consti- Les juges tuaient un obstacle à la pérennité des droits. n’ont pas considéré selon nous, cela peut résulter du fait que la durée initiale des contrats était de 5 ans et que cette durée est considérée par la jurisprudence comme étant suffisante. Il en allait différemment dans l’arrêt du 12 décembre 2012 car la résiliation automatique était annuelle et ne pouvait incidemment permettre d’atteindre avec certitude le seuil de 5 ans. Cette interprétation nous semble quoi qu’il en soit source d’insécurité juridique pour le concessionnaire. REMARQUE : que les clauses de renouvellement automatique constituaient un obstacle à la pérennité des droits » Une décision source d’incertitudes pour le sous-licencié Tout au long de la procédure contentieuse, les juges ont semblé se focaliser sur les caractéristiques de la licence principale et non pas sur la sous-licence pour juger de l’activation des redevances pourtant versées au titre de la sous-licence. Dans un arrêt du 16 octobre 2009 précité (◆ CE, 16 oct. 2009, no 308494), il a été décidé que la condition de pérennité n’était pas satisfaite dès lors que le contrat de sous-licence exclusive par la société mère à sa fille, bien qu’à durée indéterminée, était résiliable à tout moment, sans indemnité, avec un préavis de soixante jours. Les juges avaient ici analysé les termes de la licence principale et de la sous-licence, qui étaient rédigées de manière identique, de sorte que la question du « niveau contractuel » d’analyse des critères d’activation ne se posait pas. Il conviendra donc d’apporter une attention accrue à la rédaction des licences pour éviter l’activation La société Beauté Créateurs soutenait qu’elle ne des redevances » pouvait être regardée comme partie aux contrats en litige conclus entre la société L’Oréal et les concédants initiaux dans la mesure où elle est un partenaire commercial de L’Oréal sans que cela ne lui donne des droits pérennes. En effet, les droits lui avaient été sous-concédés pour une durée indéter- Par ailleurs dans l’hypothèse où la Haute Juridiction aurait implicitement pris en compte la notion de groupe pour l’appréciation du critère de pérennité et pour retenir que la sous-licence était pérenne, il s’agirait d’une remise en cause de la jurisprudence du 16 octobre 2009 susmentionnée, ce qui nous semble fort discutable. Dans cette décision, les juges ont retenu qu’une licence, même au sein d’un groupe de sociétés, n’est pas réputée pérenne de ce simple fait, quelle qu’en soit l’antériorité, dès lors qu’elle est résiliable à tout moment, sans indemnité et avec un bref préavis. S’il nous semble juridiquement fondé d’écarter une analyse approfondie de la pérennité de la souslicence au motif que celle-ci est résiliée de plein droit en cas de résiliation de la licence principale, il aurait été utile que ce motif soit indiqué dans l’arrêt. Plus généralement, la jurisprudence devrait clarifier la question de savoir à quel niveau les critères cumulatifs requis pour l’immobilisation doivent être analysés lorsque les droits ont été sous-concédés. Il semble juridiquement fondé d’apprécier le respect des critères aux deux niveaux : licence principale et sous-licence. En effet, la seule prise en compte de la licence principale serait source d’insécurité juridique pour le sous-licencié, ce dernier n’était pas partie au contrat. Surtout, il n’a pas toujours accès à l’intégralité des termes de celle-ci (principalement lorsque le cocontractant est un tiers). Pour conclure, il conviendra donc d’apporter une attention accrue à la rédaction des licences pour éviter l’activation des redevances, tant au niveau de la licence que de la sous-licence. Cet objectif ne sera pas toujours simple à atteindre, le concédant initial cherchant à se ménager une source régulière de revenus. Le sous-licencié devra également veiller à ce que la licence principale soit mise à sa disposition pour apprécier si les redevances de sousconcession doivent ou non être immobilisées à son niveau. Julien Monsenego et Charlotte Robert Avocats à la Cour - Cabinet Olswang Paris Étude « Fiscalité de la propriété industrielle » 4 Décembre 2014-Janvier 2015 © DICTIONNAIRE PERMANENT Gestion fiscale - Bulletin