Politique Bockel : trajectoire revendiquée de Mitterrand à Sarkozy
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Politique Bockel : trajectoire revendiquée de Mitterrand à Sarkozy
Région DIMANCHE (712 ö JANVIER $)D7 2014 üĎÃü 36 èí À l’Élysée, Jean-Marie Bockel avec François Mitterrand, dont il a été un des ministres de 1984 à 1986. DR Nicolas Sarkozy salue son secrétaire d’État, le 10 mai 2010, à Colmar. Photo J.-F. F. Avec le président de l’UDI, Jean-louis Borloo, en septembre 2012 à Mulhouse. Photo J.-F. F. Politique Bockel : trajectoire revendiquée de Mitterrand à Sarkozy… et Borloo Il a été, à la fois ministre de François Mitterrand et de Nicolas Sarkozy. Dans un ouvrage à paraître jeudi, consacré à cette « trajectoire plurielle », l’ancien maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, persiste et signe. « Il y a beaucoup de sectarisme à droite. Il y a en a plus encore à gauche… » constate, avec le recul, Jean-Marie Bockel, qui sait de quoi il parle. Seul maire de grande ville à avoir été à la fois ministre de gauche et de droite, il est aussi le seul ministre d’ouverture de Nicolas Sarkozy à toujours être présent en politique… Dans l’opposition. Eric Besson s’est retiré, les autres ont choisi de voter pour François Hollande. Depuis la victoire de la gauche, Jean-Marie Bockel – qui avait créé la Gauche moderne – s’est inscrit dans la refondation du centre, au côté de Jean-Louis Borloo. Et ce n’est pas une sinécure, à voir les discussions entre l’UDI – dont il est l’un des vice-présidents et le président haut-rhinois – et le MoDem. Mais il persiste à vouloir « porter une sensibilité d’un centre gauche moderne ». D’ailleurs, il compte « muscler » la Gauche moderne, son club, pour en faire « une machine à produire des idées ». Dans un ouvrage politique, évoquant peu l’Alsace, Mulhouse et les municipales – même si tout est lié – le sénateur UDI du HautRhin a tenu à s’expliquer sur son itinéraire. « Ce ne sont pas des mémoires », précise-t-il, car il veut croire que la fin de l’histoire n’est pas écrite. pas le dire clairement », lui glisse DSK. Tous le décevront… Mais surtout, dès 1996, il s’intéresse au travailliste Tony Blair, plaidant alors pour une « 3e gauche ». Une incongruité pour la gauche du PS. Malgré le regard qu’il porte sur la stratégie de Ségolène Royal et « les appels le pressant à rallier Sarkozy », il soutient la candidate jusqu’au bout. Pour certains de ses amis, ce sera l’incompréhension lorsqu’il rompra avec le PS pour entrer au gouvernement Fillon. Malgré son malaise exprimé régulièrement… « À Paris, les socialistes ne m’ont fait aucun cadeau. Pour autant, les Hollande, Aubry et autres ne m’ont jamais traité de traître. J’étais plutôt le soldat perdu, qui s’est fourvoyé. Le thème de la trahison a été utilisé à Mulhouse, à des fins électorales », observe-t-il. Le soldat perdu Ce n’est pas un scoop. Bockel – presque 64 ans – se passionne depuis toujours pour la politique. À l’image des siens, il aurait pu devenir centriste. « Adhérer au PS (en 1973) a été une première forme de transgression », note-t-il. Il y en aura d’autres. Plutôt que Mitterrand, il choisit Chevènement, et à l’époque Forni, « séduit par la sincérité de leurs convictions ». Il se séparera de son mentor en politique tardivement, en 1991, en raison de l’admiration et respect qu’il avait – et a toujours – pour lui. Entre-temps, il aura été ministre du président Mitterrand, entre 1984 et 1986, avec comme chef du gouvernement Laurent Il en rêvait, de ce retour Un social-libéralisme assumé… Fabius. « Un social-libéral avant l’heure », relève-t-il. Lorsqu’il a écrit ces pages, c’était avant que François Hollande ne revendique ce virage, lors de ses vœux. Dans ce récit, qui n’est pas linéaire, Jean-Marie Bockel explique son évolution au sein du PS. Et Photo Jean-François Frey ses apparentements successifs avec ceux qui auraient pu faire du PS un parti social-démocrate. Après Martine Aubry – même s’il s’oppose à sa loi sur les 35 heures – il se rapproche de Jacques Delors et de Dominique Strauss-Kahn. « Tu as raison, mais on ne peut Lorsqu’il rencontre le nouveau président, en 2007, deux jours avant les législatives, Sarkozy se dit « plus proche de Blair que de Thatcher ». « Je suis un homme de droite, mais je ne suis pas conservateur », assure-t-il, s’engageant à « rompre avec l’immobilisme ». De juin 2007 à novembre 2010, Jean-Marie Bockel sera successi- vement secrétaire d’État à la Coopération, à la Défense et aux Anciens Combattants, et enfin à la Justice. Il en rêvait, de ce retour aux affaires ! Il n’en revient pas moins sur l’affaire calamiteuse de la Françafrique. « Même si l’histoire de mon limogeage reste à écrire », note-t-il. Il y a aussi quelques portraits savoureux de ses collègues du gouvernement (lire cidessous). Enfin, Bockel évoque le fameux discours de Grenoble, qui le conduit à proposer à Sarkozy d’« envisager un départ ». Le président lui demande de rester et lui confie une mission. N’aurait-il pas dû claquer la porte ? Il sera d’autant plus surpris de son éviction du gouvernement. Même s’il analyse lucidement la fin de l’ouverture… Mais cela ne le découragera pas de faire campagne pour Sarkozy ! S’il garde de « la sympathie » pour l’ancien président, il se dit « libre de ses choix ». « Je ne détesterai pas être dans la bataille de 2017 », admet-il, croyant « l’alternance possible ». Il veut « continuer le combat… » Mais son avenir dépend aussi des municipales – il sera « en bonne place » sur la liste de Jean Rottner – et des sénatoriales. Textes : Yolande Baldeweck LIRE Trajectoire plurielle, Ed. Alpharès, 207 pages, 18 €. Hollande est-il social-libéral ? Petits règlements de compte Dans votre ouvrage, vous écrivez : « La politique de François Hollande est vouée à l’échec. » N’est-ce pas un jugement sévère au moment le président prend un virage social-libéral ? J’ai terminé ce livre à la Toussaint ! Si je décrypte ses vœux, il est clairement en train de s’inscrire dans une perspective sociale - l i b é ra le. J e p e n s e q u e François Hollande, quoi qu’il dise aujourd’hui et quelles que soient ses intentions, souffre de ne pas avoir dit ce qu’il ferait, une fois au pouvoir. Dès lors, toute clarification divise son camp et perturbe les Français. Je suis de ceux qui pensent qu’il faut dire ce qu’on va faire et essayer de le faire. C’est une forme d’éthique en politique. Vous n’y croyez pas ? S’il devait s’engager sur une ligne sociale-libérale, alors je le supplie de le dire clairement. Sinon, il perdra en route ceux qui soutiennent cette politique à gauche. Mais c’est plus compliqué qu’il n’y paraît. S’il avait assumé cette ligne en 2007, je serais encore au PS ! Et maintenant ? Je suis dans l’opposition et je le resterai. Mais on peut être dans François Hollande à Mulhouse, en 2006. Avec aussi les deux socialistes Patricia Schillinger et Jo Spiegel. Photo Darek Szuster une opposition constructive. Je l’ai montré en soutenant la politique de défense du gouvernement et en faisant voter les crédits par le groupe UDI. Car il s’agit de soutenir l’armée et de lui assurer les moyens lui permettant d’être présente sur les théâtres d’opération, au Mali et en Centrafrique. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian m’avait invité à l’accompagner à Gao, au réveillon. Plutôt que l’ouverture, vous préfériez une coalition… L’ouverture, ce sont des signes qu’on donne et cela ne va ja- mais loin. Une coalition sur des bases claires, pour une période donnée, passe par un Parlement fort. Il s’agit de faire avancer le pays. Mais ce n’est pas la tradition de la Ve République. Hollande est-il social-libéral ? L’ayant connu à l’époque de Delors, je ne mettrai pas en cause sa capacité à porter le social-libéralisme. En devenant 1er secrétaire du PS, il était devenu l’homme de la synthèse… Hollande a la capacité intellectuelle d’assumer ce changement. A-t-il la capacité politique de fendre l’armure ? C’est à lui de le dire. À propos de Manuel Valls : « J’ai même vaguement cru en Manuel Valls. Je l’avais connu en petit marquis de Jospin. Il était toujours inexplicablement agressif envers moi (NDLR – dans les années 2000) et ce n’est qu’après son élection à la mairie d’Évry qu’il a changé de ton. Son discours était devenu plus sécuritaire, plus actuel, ce qui peut prouver que le contact avec la réalité peut rendre plus réaliste au point d’accepter le ministère de l’Intérieur et d’incarner une image très droitière au sein du PS. » L’ouverture : « J’ai pu constater que les ministres d’ouverture, Bernard Kouchner, Martin Hirsch et Fadela Amara, n’avaient aucunement l’intention de s’inscrire dans une démarche partisane. Avec Eric Besson c’était autre chose. […] J’eus d’emblée une relation compliquée avec lui […]», écrit Bockel, évoquant « menaces » et « séduction ». Besson lui disant : « Je suis proche du président de la République, je pourrais te soutenir… » Mais aussi « Tu as tort de me tenir à distance. Le président n’aime pas du tout cela… » IRE04 Le refus de Fabienne Keller : « Faire rentrer au gouvernement un des rares parlementaires de gauche d’une région très majoritairement à droite était assez gonflé. Nicolas Sarkozy m’avait rassuré, en m’indiquant qu’il comptait faire entrer au gouvernement la maire de Strasbourg, Fabienne Keller, en même temps que moi. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu… » Bockel entend Sarkozy dire à Kosciusko-Morizet : « Tu te rends compte, Fabienne Keller a exigé l’environnement, alors que je te l’avais promis… » Bernard Kouchner : « J’avais une bonne image de Bernard Kouchner avec qui je me trouvais des points communs de socialistes iconoclastes et indépendants. J’appréciais son humour et son côté bon vivant et j’avais de l’admiration pour son parcours. Au gouvernement, j’ai découvert un autre Kouchner, mué en patron (la Coopération dépendait des Affaires étrangères), égocentrique, jaloux, colérique et dans l’ensemble plutôt antipathique ». Hervé Morin : « Mon action à la Défense fut bien perçue. Je m’entendais bien avec mon ministre de tutelle, Hervé Morin. Nous avons entretenu une relation cordiale, tout au long de notre parcours commun. Morin est intelligent, structuré, mais peu chaleureux et peu charismatique… » Michèle Alliot-Marie : À la Justice, « j’ai vite compris que les arbitrages me seraient défavorables, le président s’amusant de mes déconvenues, alors même qu’il tient MAM en piètre estime. MAM est surtout une politicienne bien ordinaire, rigide et formatée, attachée aux apparences, une fausse valeur de la droite dont l’image est factice et la compétence insuffisante… » Nicolas Sarkozy : « Un Sarkozy aimable pouvait en cacher un autre, moins délicat, voire même un Sarkozy furibard et explosif, avec rapidement un changement d’attitude, et à nouveau un Sarkozy attentionné et aimable. J’ai été le témoin (et le sparring-partner involontaire) de ce changement d’humeur instantané… »