INTROSEMCours du 230310
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INTROSEMCours du 230310
Cours du 23/03/2010 Les relations converses dans le lexique Nous avons introduit la notion de relations converses à partir de l’observation des antonymes scalaires (grand/petit, faible/fort, intelligent/bête). En effet, le comparatif de supériorité appliqué à ces termes donne en général des équivalences du type suivant : 1a. 1b. La chambre est plus grande que la cuisine. La cuisine est plus petite que la chambre. 2a. 2b. Marie est plus forte que Pierre. Pierre est plus faible que Marie. c-à-d., en remplaçant l’un des antonymes par l’autre dans la construction comparative, et en permutant les arguments de la comparaison, on obtient des énoncés équivalents (qui sont soit tous les deux vrais soit tous les deux faux par rapport à la même situation). Nous avons donc estimé que le comparatif de supériorité d’un terme est la relation converse du comparatif de supériorité de son antonyme. Définition des relations converses : Deux relations R et R’ sont dites converses si l’on obtient toujours des énoncés équivalents en remplaçant R par R’ et en permutant les arguments de la relation, soit : 3. a R b ⇔ b R’ a On constate qu’un verbe transitif à l’actif et un verbe transitif au passif illustrent également le phénomène des relations converses : 4a. 4b. Pierre aime Marie. Marie est aimé par Pierre. 5a. 5b. Le chasseur a tué le lapin. Le lapin a été tué par le chasseur. Il s’agit dans ce cas de relations converses déterminées par la grammaire. NB : Parfois la nature converse de ces relations est obscurcie par des phénomènes parasitaires de pertinence ou par des « sous-entendus » différents (on verra en détail la notion technique de « sous-entendus » plus tard dans le cours). Par exemple, tout le monde ne s’accorderait pas à dire que les exemples suivants sont équivalents : 6a. 6b. Pierre est plus intelligent que Marie. Marie est plus bête que Pierre. 7a. 7b. Pierre a quitté l’armée. L’armée a été quittée par Pierre. La raison en (6a-b) est que intelligent, terme positif, ne présuppose pas nécessairement l’intelligence (lorsque vous dites que une barrière à 1 mètre de haut, vous n’affirmez pas qu’elle soit haute), alors que bête, terme négatif, présuppose que la personne est bête. Pour les exemples (7a-b), l’effet se produit parce qu’une prédication doit être pertinente, caractérisante, pour son sujet. Le fait que Pierre ait quittée l’armée a normalement peu de conséquences pour l’armée, donc la phrase au passif est ressentie comme bizarre. Les relations converses constituent un type particulier des oppositions de sens, et leur importance va bien au delà de ce qui se passe avec le comparatif des antonymes scalaires. En général, on trouve la plupart des paires de converses dans le domaine temporel ou spatial. Par exemple, précéder et suivre sont des converses : 8 A précède B B suit A D’autres relations converses dites « pures » dans le domaine des prépositions : après / avant devant / derrière sur / sous 9a. 9b. Marie est arrivée avant Pierre. Pierre est arrivé après Marie. 10a. 10b. La chaise est devant le tabouret. Le tabouret est derrière la chaise. Cependant, dans de nombreux cas ces équivalences ne sont pas de mise, p.ex. (11b) semble une phrase bizarre par rapport à (11a) : 11a. 11b. Le chien est devant la maison. #La maison est derrière le chien. Nous avons ici à nouveau un problème de pertinence, qui concerne la façon normale d’exprimer une localisation. Lorsqu’on localise, on le fait toujours par rapport à un repère, la « localisation », l’objet à localiser est appelé le « locatum ». La permutation des arguments, dans ces cas, revient à changer le locatum et la localisation. Et on a des préférences : par exemple, les objets mobiles sont en général localisés par rapport à des objets immobiles, et non pas à l’inverse, et les objets plus petits sont localisés par rapport aux plus grands, et non pas à l’inverse. C’est pourquoi (11b) est bizarre et (11a) tout a fait normal. Dans le domaine des verbes, on trouve des nombreux cas de paires de sens « opposé » qu’on appelle des converses indirectes. Elles reçoivent ce nom du fait que c’est la permutation du Sujet avec le Complément d’objet indirect (COI) qui donne des énoncés équivalents : donner / recevoir vendre / acheter prêter / emprunter 12a. 12b. PierreSUJET a acheté un ordinateur à MarieCOI MarieSUJET a vendu un ordinateur à PierreCOI « Louer » est un verbe particulier en ceci, qu’il dénote deux relations qui sont des converses indirectes : prendre et donner en location 13a. 13b. Marie loue cet appartement à Pierre pour un prix dérisoire. Pierre loue cet appartement à Marie pour un prix dérisoire. Dans le domaine des noms, nous trouvons aussi des « contraires » qui peuvent être classifiés comme des converses, comme p. ex. prédateur / proie parents / enfants Si les chasseurs sont les prédateurs du renard, alors le renard est la/une proie des chasseurs, si Karim et Sophie sont les parents de Naomi, alors Naomi est l’enfant de Karim et Sophie. Dans le domaine des noms, la plupart des converses sont des converses dites « impures ». Elles sont ainsi appelées parce que seul un des deux termes est pleinement relationnel : l’autre est primairement classificatoire, et ne fonctionne pas comme unique converse du premier. Par exemple, un patient est toujours patient par rapport à quelqu’un d’autre, à un médecin, mais aussi à un dentiste, à un kiné, à un hôpital etc. Patient est un terme relationnel, mais ses converses ne le sont pas : on est médecin, dentiste ou kiné parce qu’on a fait des études et qu’on exerce le métier, non pas parce qu’on a des patients. Le même type de relation existe entre le terme relationnel client (qui est toujours client de quelqu’un ou de quelque chose) et banque, avocat, magasin, vendeur, coiffeur, etc. Noms classificatoires et noms relationnels Parmi les noms, il est important de distinguer ceux qui sont classificatoires (qui définissent de classes de personnes ou de choses) et ceux qui sont relationnels (qui nomment des relations). Les premiers sont dits « noms à un seul argument », les derniers « noms à deux arguments » : 14a 14b table (x) : x est une table client (x,y) : x est client par rapport à y Les termes de parenté (oncle, grand-mère, frère…), ceux des parties du corps (genoux, bras, main…) sont intrinsèquement relationnels. Parfois on a des noms dont la polysémie consiste à avoir un sens relationnel et un sens classificatoire : enfant : (a) classificatoire : être humain entre la naissance et l’adolescence (b) relationnel : fils ou fille de, descendant direct en 1ère génération femme : (a) classificatoire : être humain du sexe qui met au monde les enfants (b) relationnel : épouse EXERCICES 1. Formulez trois questions (ou trois commentaires, ou trois observations) sur les notes que vous venez de lire. 2. Cherchez le (ou les) contraires des termes suivants. Déterminez par la suite si ce sont des complémentaires (relation de contradiction), des antonymes scalaires (relation d’incompatibilité, possibilité de gradation) ou des converses : abondant - ancêtre - célibataire – disciple - honnête - laid 3. Le comparatif (plus…que, moins..que, aussi…que) et la combinaison avec des adverbes de degré (très, trop, peu, vachement…) jouent un rôle important dans la définition des antonymes scalaires. Essayez de construire des phrases en utilisant ces formes avec les adjectifs jeune – vivant – rouge – provincial et commentez les différences d’interprétation que vous pouvez constater.