Louis Calaferte - Bibliothèque d`Olivet

Transcription

Louis Calaferte - Bibliothèque d`Olivet
Il y eut une époque où, dans les livres, le sens d’une bonne partie des mots m’échappait. Grâce au
seul moyen de la lecture, je me suis lentement familiarisé avec un vocabulaire élargi que je n’avais
jamais employé ni entendu employer autour de moi. Cette façon ardue d’appréhender la langue
m’a laissé un immense amour des mots. Amour presque physique de l’image. Riche. Pleine.
Charnelle.
Le mot est avant tout un cri. C’est par un cri que nous nous manifestons au monde​
. Expression !
C’est‐à‐dire besoin incontrôlable de faire entendre sa voix. Les mots sont faits pour scintiller de
tout leur éclat. Il n’y a pas de limite concevable à leur agencement parce que il n’y a pas de limite
à la couleur, à la lumière. Il n’y a pas de mesure à la mesure des mots. Il ne viendrait à personne
l’idée de mettre un frein à la clarté nue de midi en été. Les mots. Silex et diamant. Votre rôle est
de fouiller là‐dedans à pleines mains au petit bonheur. Pourvu que ça rende le son qui est en vous
au moment où vous écrivez.
Vous rencontrerez toujours un de ces singes maniaques pour vous expliquer gravement que ce que
vous prenez ordinairement pour des lustres de Venise ne sont que de vulgaires chandelles usagées.
Devant ces démonstrations savantes empreintes de ​
mesure​
, pétez‐lui au nez d’un air jovial et bon
enfant – qu’il comprenne que la leçon a porté !
In " Septentrion »
Louis Calaferte
(http://oceania55.canalblog.com/)

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