87 L`ORGANISATION DU CONTROLE FISCAL EN ESPAGNE Juan
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87 L`ORGANISATION DU CONTROLE FISCAL EN ESPAGNE Juan
L'organisation du contrôle fiscal en Espagne L’ORGANISATION DU CONTROLE FISCAL EN ESPAGNE Juan José BAYONA-GIMENEZ Profesor titular de Derecho Financiero y Tributario Université d’Alicante Pendant longtemps la doctrine en droit fiscal a dirigé son intérêt, de façon quasi exclusive, aux aspects matériels de la régulation des impôts. Cependant, l’analyse de n’importe quel système fiscal exige, non seulement une étude des contributions qui le comportent mais aussi, un regard sur les procédures administratives qui permettent son application. Dans ce sens, un colloque international sur le contrôle fiscal constitue une merveilleuse initiative pour mettre en valeur l’importance des aspects formels de notre discipline, ainsi qu’une splendide occasion pour confronter les solutions adoptées par différents États pour parvenir à l’application des impôts. Nos remerciements vont donc « Centre d’Etudes Fiscales de la Faculté de Droit de Sfax » et notamment le Professeur BACCOUCHE, qui le dirige, pour nous avoir permis de bénéficier de ces regards croisés sur le contrôle fiscal. INTRODUCTION Le système fiscal espagnol a subit une profonde transformation suite aux reformes engagées après le changement du régime politique. L’adoption d’une Constitution en 1978 marque le début d’une révision du système qui visera non seulement les normes établissant les différents impôts, mais aussi celles qui se réfèrent aux procédures permettant leur application. La norme fondamentale du système juridique espagnol prend soin de fixer les principes de justice qui doivent présider le nouveau système fiscal. À cet effet, l’article 31.1 de la Constitution espagnole dispose que : « Toute personne contribuera aux dépenses publiques, en fonction de sa capacité économique, par un système fiscal juste fondé sur des principes d’égalité et de progressivité qui ne revêtira, en aucun cas, le caractère d’une confiscation ». 87 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne Tenant compte de ces principes, une réforme fiscale est mise en place et des nouveaux impôts sont établis. La généralisation des contributions qui en découle exige alors une révision des mécanismes nécessaires à l’application des impôts. L’ancien système qui prévoyait une intervention obligatoire de l’administration, seule responsable de la liquidation des impôts, est substitué par un modèle où les assujettis déterminent par eux-mêmes le montant de la dette et la versent directement à l’Etat. L’« autoliquidation » des impôts par le contribuable devient la règle en Espagne, ce qui entraîne des devoirs complémentaires pour les assujettis. En effet, le nouveau système de gestion des impôts exige au contribuable, non seulement le devoir de présenter une déclaration au moyen de laquelle il communique à l’administration la réalisation du fait imposable, mais aussi le devoir de qualifier les revenus déclarés, les quantifier et procéder au calcul de la dette qui en résulte. Du point de vue constitutionnel, ceci va poser certains problèmes car il va falloir déterminer le fondement qui permet de justifier la prise en charge de ces devoirs par le contribuable. La contribution aux dépenses publiques, prévue par la Constitution, n’entraînant pas nécessairement un devoir de collaboration illimité de la part des assujettis. Quoi qu’il en soit, le nouveau système suppose l’adoption d’un modèle basé sur l’accomplissement « volontaire » des obligations fiscales par le contribuable. Pour aboutir à ce paiement « volontaire », il sera nécessaire de mettre en place un système de contrôle efficace dont nous devons connaître, non seulement le déroulement, mai aussi, les préparatifs ainsi que les droits et les garanties du contribuable face à l’Administration fiscale. I- LES PREPARATIFS DU CONTROLE FISCAL A- L’identification du contribuable Avant de contrôler, l’Administration doit, tout d’abord, identifier le contribuable. Pour cela, un code d’identification fiscale est assigné à toute personne physique ou morale qui, par la suite, aura l’obligation de le communiquer lors de toutes ses relations ayant un contenu économique. 88 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne Le NIF (numéro d’identification fiscale pour les personnes physiques) ou le CIF (code d’identification fiscale pour les personnes morales) permettent à l’Administration de déterminer, en tout moment, quel est le titulaire des revenus dont elle est informée. B- Le recensement des contribuables L’identification des contribuables est une mesure nécessaire au contrôle mais qui ne suffit pas à l’Administration. En vue de pouvoir assurer le correct accomplissement de ces devoirs par les assujettis, elle doit connaître à l’avance quelles sont les déclarations que ceux-ci doivent déposer. À cet effet, un recensement des contribuables exerçant une activité économique est mis en place de façon à ce que l’Administration puisse contrôler si les déclarations attendues sont effectivement déposées. Les entrepreneurs et les professionnels, ainsi que les sujets obligés à réaliser des retenues à la source sur ses versements, sont obligés de répondre à un questionnaire visant différents aspects de l’activité qu’ils envisagent initier. Les réponses fournies permettent à l’Administration de connaître à l’avance quelles seront les déclarations dont ils seront obligés de déposer. Afin de maintenir à jour les données enregistrées, toute variation des circonstances du contribuable, par rapport à la déclaration initiale, devra être communiquée à l’Administration. C- Les déclarations informatives Une fois identifié le contribuable et sachant le genre et le nombre des déclarations qu’il devra déposer, l’intérêt de l’Administration est de connaître à l’avance quel doit être le contenu de celles-ci. A cet effet, un système de déclarations informatives est mis en place afin d’obtenir les informations des tiers qui permettront de prévoir le contenu de la déclaration qui doit être déposée par le contribuable. Ainsi, par exemple, les entrepreneurs sont obligés de communiquer à l’Administration l’identité de ses fournisseurs et de ses clients du moment que leurs opérations au cours de l’année dépassent les 3.000 euros. De la même façon, les opérations intracommunautaires font l’objet de déclarations informatives qui 89 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne permettent à l’Administration de connaître l’identité des sujets impliqués et la base imposable qui en résulte. D- La retenue à la source Parmi les moyens dont se sert l’Administration pour obtenir l’information qui servira au contrôle fiscal des déclarations déposées par le contribuable, la retenue à la source joue un rôle fondamental. Il est vrai, cependant, que l’implantation de ce mécanisme sert aussi d’autres intérêts. Tout d’abord, la retenue à la source permet à l’État d’avoir une disponibilité d’effectif dont il peut se servir pour faire face à ses dépenses. En quelque sorte, l’État obtient un financement de ses dépenses au taux le plus avantageux possible, puisque nul intérêt n’est prévu sur les montants délivrés à l’avance par le contribuable. Les retenues à la source permettent aussi de garantir le recouvrement de l’impôt. Il est clair que la retenue s’applique à un moment où la dette du contribuable n’est pas encore connue. Lorsque la liquidation sera pratiquée, l’Administration pourra effectuer le recouvrement sur les montants retenus, sans avoir à se soucier de la disponibilité d’effectif de la part du contribuable. Les risques d’insolvabilité de l’assujetti sont limités du moment où la retenue à la source constitue un gage que l’Administration peut saisir. Les caractéristiques de la retenue à la source que l’on vient de signaler, étant communes aux prélèvements anticipés que doivent supporter les entrepreneurs et les professionnels, ne permettent pas d’apprécier la véritable spécificité de ce cas de figure. Les éléments différentiels présents dans la retenue à la source se réfèrent aussi bien au niveau de son rôle, au niveau de l’obtention d’information qu’au niveau de la génération d’une illusion fiscale. Bien que les retenues doivent faire l’objet de versements périodiques qui ne sont accompagnés que d’une information générale (trimestriels ou mensuels en fonction de la dimension de l’obligé au paiement), une déclaration contenant le détail des retenues appliquées est déposée à la fin de l’année. Grâce à cette information, l’administration, lors du recouvrement des impôts personnels, connaît à l’avance les revenus qui ont était perçus par les contribuables, 90 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne d’autant plus que, étant fournie par des tiers, l’information est normalement d’une qualité exceptionnelle. Le système est tellement répandu en Espagne que l’Administration se trouve, dans de nombreux cas, en situation d’envoyer un brouillon de déclarations aux assujettis qui, si aucune précision ne doit être ajoutée, peuvent confirmer la liquidation qui leur est proposée. Pour les contribuables qui obtiendraient des revenus non soumis à retenue, la possibilité de connaître l’information dont dispose le fisc est toujours ouverte bien que, dans ces cas, l’Administration ne peut pas formuler une proposition de liquidation. En tout cas, l’importance de cette figure en Espagne, est la conséquence de son très large champ d’application qui englobe, entre autres, les revenus du travail, les revenus du capital mobilier, certains revenus fonciers, les revenus des activités professionnelles, les revenus agricoles, et les prix. Seuls les revenus des entrepreneurs et certaines variations patrimoniales sont à l’abri de ce système d’anticipation de l’impôt. Un effet « mineur » associé à la retenue à la source est la génération d’une illusion fiscale. Les contribuables espagnols tolèrent mieux le système d’imposition du moment que sa portée est dissimulée par l’application de ces prélèvements anticipés. Le montant à verser lors de la liquidation de l’impôt est diminué par les sommes retenues ce qui suppose même, pour un nombre important de contribuables, la génération d’un droit au remboursement. Pour bien comprendre l’effet psychologique que provoque la retenue à la source il suffit d’imaginer deux contribuables au moment de la liquidation. On comprend facilement que l’un d’entre eux qui aurait le droit à être remboursé serait bien plus content que celui qui devrait payer. Et pourtant, si la différence ne tenait qu’à l’application des retenues à la source, cela voudrait dire que, bien qu’il ait supporté des prélèvements obligatoires sans pour autant avoir le droit à percevoir des intérêts, bien que son argent ait été pris en gage quand personne ne pouvait savoir s’il allait effectivement avoir une dette à payer, bien qu’il ait été contrôlé à tout moment par l’Administration grâce à l’information fournie par des tiers, le contribuable, malgré tout, se réjouit. L’illusion est tellement puissante que l’on arrive même à trouver des assujettis qui vous confessent ne pas payer des impôts 91 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne pour ajouter, très fièrement, que dans leurs cas, c’est l’Administration qui les rembourse. II- LES MODALITES DU CONTROLE Le contrôle fiscal en Espagne peut se présenter sous différentes modalités. L’administration peut réaliser une inspection pour déterminer si le contribuable a accompli correctement ses obligations fiscales mais, suite aux préparatifs que nous avons précédemment indiqués, elle est aussi en situation de pouvoir réaliser, de façon effective, ce que l’on appelle une vérification. Essayant de faire l’équivalence avec les modalités françaises on pourrait dire que l’inspection consisterait en un contrôle approfondi qui permettrait au fisc de détecter les faits imposables qui n’ont pas été déclarés par les contribuables ou qui ont été faites de façon incorrecte. Tandis que la vérification servirait à examiner si les données déclarées par les assujettis coïncident avec celles obtenues au préalable par l’administration, ce qui équivaudrait à un contrôle sur pièces. Un des problèmes qui se pose en Espagne est que le contrôle peut être réalisé par deux types d’organismes différents. Les organismes de « gestion » fiscale ont le pouvoir de réaliser des vérifications, tandis que les organismes d’ « inspection » peuvent réaliser aussi bien des vérifications que des enquêtes fiscales approfondies. Cette situation a provoqué une importante polémique autour des interventions qui peuvent être réalisées par les différents organismes ainsi que par la valeur que l’on doit attribuer à celles-ci. Pour essayer de résoudre le problème, la règle que l’on adopte généralement consiste à dire que la vérification porte sur les faits déclarés tandis que l’enquête porterait sur les non déclarés. Une limite absolue semblerait ainsi être établie : l’absence totale de déclarations ne permettrait de laisser intervenir que les inspecteurs. Cependant la solution présente de nombreuses zones grises. Tour d’abord, tenant compte des préparatifs du contrôle que nous avons signalé, l’inexistence de toute déclaration qui pourrait se 92 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne référer à la situation fiscale du contribuable ne semble pas être le cas le plus fréquent. En fait, les déclarations relatives aux fichiers de recensement ainsi que les déclarations informatives fournies par des tiers pourraient permettre de détecter l’absence d’une concrète déclaration de la part du contribuable. Il est rare que le contribuable ou les tiers, n’aient présenté aucune déclaration permettant de soulever, ou même de soupçonner, des incorrections dans la situation fiscale du premier. L’examen de la conformité des déclarations au cours d’une vérification pourrait permettre de détecter des faits qui ont été: - Déclarés de façon incorrecte - Déclarés de façon incomplète - Ou non déclarés La question que l’on devrait alors se poser serait : Quand estce que les organismes de gestion doivent s’arrêter ? A notre avis, la gestion se termine lorsqu’il est nécessaire d’exercer des compétences attribuées de façon exclusive à l’inspection. C'est-à-dire, les organismes de gestion devront arrêter le contrôle s’il est nécessaire de réaliser : - des demandes d’information aux entités de crédit - des demandes d’informations spécifiques aux tiers - un examen de la comptabilité - des interventions en dehors des dépendances de l’administration Le problème n’est pas, cependant, une simple question d’attribution de compétences entre différents organismes de l’Administration fiscale. Le véritable souci vient du fait qu’en fonction de la valeur que l’on attribue aux actes administratifs de gestion, le contribuable peut se voir exposé à des vérifications successives. En effet, le contribuable, après avoir déposé son « autoliquidation », peut avoir à supporter une vérification de la part des organismes de gestion. Ce premier type de contrôle se fait initialement de façon massive par l’Administration au moyen de puissants recours informatiques. Si lors de cette intervention l’Administration détecte des problèmes de conformité entre les 93 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne données fournies par le contribuable et celles qu’elle avait obtenues à l’avance, une procédure de gestion commence pour déterminer s’il est nécessaire de proposer la correction de la situation fiscale de l’assujetti. Lors de cette procédure, le contribuable peut être obligé à donner des informations supplémentaires et l’Administration qualifie les faits résultants et procède à la liquidation des obligations fiscales. Bien qu’un contrôle ait été réalisé, les organismes d’« inspection » peuvent initier une nouvelle procédure pour vérifier, une fois de plus, que la situation fiscale du contribuable est en ordre. Le contribuable alors subit un deuxième contrôle au cours duquel des informations pourraient être à nouveau demandées et l’administration pourrait procéder à qualifier, de façon différente, les faits déclarés. Une fois le problème dénoncé, le législateur a essayé de résoudre le problème au moyen d’une réforme de la norme applicable. À cet effet, l’article 140 de la Ley General Tributaria (Loi fiscale générale) semble apporter une solution: « après une vérification par les organismes de gestion, une nouvelle régularisation ne peut se produire que si des nouveaux faits ou circonstances sont connus au cours d’actes nouveaux lors d’une vérification ou d’une inspection postérieure ». L’article cité a été initialement très bien reçu par la doctrine espagnole mais son interprétation a bientôt soulevé des problèmes. En effet, bien qu’une première lecture pourrait nous emmener à accorder une valeur définitive aux actes des organismes de gestion, il est nécessaire d’accorder qu’une nouvelle activité administrative n’est pas interdite. Une interprétation littérale du précepte permet d’envisager que la vérification par les organismes de gestion soit suivie d’un nouveau contrôle par les organismes d’inspection qui, cependant, ne pourraient proposer la régularisation de la situation fiscale du contribuable que si des nouveaux faits ou circonstances sont connus au cours d’actes nouveaux. Il en résulte que la limitation ne vise que le résultat (la régularisation), sans empêcher que la duplicité des activités de contrôle. La situation est d’autant plus injuste que le contribuable n’a pas le droit de demander que la vérification soit totale (possibilité qui l’assiste lors d’un contrôle réalisé par les organismes d’inspection). 94 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne Pour essayer de profiter au maximum du potentiel que présente l’article 140 LGT le contribuable devrait exiger que le dossier de la vérification supportée détaille toutes les activités qui ont été réalisés lors de celle-ci. L’idéal étant, naturellement, que les organismes de gestion certifient que toutes les activités nécessaires ont été réalisées pour aboutir à la régularisation. Ce genre de mentions aurait pour but de limiter les activités que pourraient être proposées par l’inspection des impôts lors s’un deuxième contrôle. III- LA POSITION DU CONTRIBUABLE FACE A L’ADMINISTRATION FISCALE Les successives réformes subies par le système fiscal ont permis une évolution de la situation du contribuable face à l’Administration fiscale. La situation initiale où le pouvoir de l’Administration pour parvenir au recouvrement des impôts était quasi illimité a été modifiée par l’établissement, à côté des obligations et des devoirs, d’un important nombre de droits et de garanties pour les assujettis. A- Les obligations des contribuables La situation du contribuable continue à être caractérisée par des obligations qui découlent de son devoir constitutionnel à contribuer au financement des dépenses publiques. Ce devoir exige le versement de certaines sommes d’argent par les assujettis, ce qui constitue le contenu typique des obligations, mais aussi l’accomplissement d’un certain nombre de devoirs (qui n’auraient pas de contenu économique direct). Il faut aussi signaler que la relation fiscale n’a plus comme sujets exclusifs l’Administration et le contribuable mais que d’autres personnes sont impliquées aussi bien comme titulaires d’obligations et de devoirs, que de droits et de garanties. Parmi toutes ces relations, le paiement de l’impôt continue à être considéré comme l’obligation principale bien qu’un nombre de plus en plus important d’autres situations l’accompagnent. Il en est ainsi pour l’obligation d’anticiper le paiement de certains impôts qui peut exiger un versement de la part du contribuable même (ça serait le cas des entrepreneurs dont les revenus ne sont pas retenus à la source), mais aussi de la part d’un tiers par rapport à l’obligation principale (ce 95 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne qui se produit, par exemple, pour les personnes obligées à appliquer la retenue à la source). Evidement, le fait de faire intervenir pour le recouvrement de l’impôt des sujets autres que le contribuable et l’Administration génère des relations entre l’assujetti et des tiers dont il est difficile de nier tout caractère fiscal. A côté de l’obligation principale des obligations accessoires peuvent aussi se présenter. La note qui les caractérise est leur totale dépendance d’une obligation principale, au point qu’elles ne peuvent pas exister à son défaut. À titre d’exemple, on peut citer comme obligation accessoire celle qui se réfère au paiement d’intérêts moratoires ou l’application de surcharges que peut provoquer la présentation tardive d’une autoliquidation. B- Les devoirs du contribuable L’application du système fiscal entraîne de nos jours un nombre important de devoirs à accomplir par les obligés fiscaux (soient-ils contribuables ou non). Bien que certains d’entre eux aient déjà fait l’objet de nos commentaires, il faut signaler quelques uns de ces devoirs formels qui s’imposent à titre de la collaboration exigible à tout sujet pour assurer le recouvrement des impôts. Les sujets sont tout d’abord contraints à procurer à l’Administration fiscale toute information pertinente à la tâche que celle-ci doit accomplir : la correcte application du système fiscal. Ceci implique la nécessité d’obtenir un NIF et de le communiquer dans toutes les relations qui auraient un contenu économique, ainsi que le devoir de présenter différentes déclarations portant sur la propre situation fiscale ou sur celle des personnes avec lesquelles ont a une relation économique. Les déclarations mensuelles, les déclarations informatives et les déclarations nécessaires à la liquidation des impôts constitueraient une application de ce vaste devoir d’information. Il faut tout de même signaler que l’obtention d’information par l’Administration n’est pas toujours le résultat de déclarations périodiques. L’administration peut aussi, au cours de n’importe quelle procédure fiscale, interroger les sujets qui pourraient avoir une information utile à son actuation. Ce pouvoir d’enquête est soumis à 96 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne des limites concernant la nature de l’information sollicitée ainsi qu’au secret professionnel. Faudrait-il cependant remarquer qu’en Espagne le secret bancaire n’existe pas, bien que les procédures pour obtenir l’information des entités financières présentent certaines spécialités. Ce dernier devoir d’information ponctuelle pourrait s’inscrire dans celui plus générique de faciliter les activités de contrôle de l Administration. Ce contrôle pouvant exiger l’inspection directe des locaux où l’activité taxée se déroule et même, sous l’autorisation du juge, du domicile du contribuable. Pour faciliter le contrôle fiscal d’autres devoirs sont exigés, tels que des devoirs comptables, des devoirs de facturation, ou le devoir de faciliter des certificats des retenues à la source pratiquées. C- Les droits et garanties du contribuable L’ensemble des prérogatives dont dispose l’Administration est compensé par les droits et les garanties que la législation accorde aux obligés fiscaux. Il est évident que lorsque ces droits sont instaurés dans la propre constitution les limites visent, non seulement l’Administration mais aussi le pouvoir législatif. Sur ce point, les principes constitutionnels peuvent jouer un rôle important, spécialement lorsqu’ils peuvent être l’objet d’un recours du contribuable devant la Cour Constitutionnelle. Un exemple de la portée dont jouissent ces principes peut se trouver dans la réforme de l’impôt sur les revenus des personnes physiques suite à un recours d’un contribuable dénonçant l’atteinte du principe d’égalité que comportait l’imposition des noyaux familiaux. À côté des principes de justice fiscale, la constitution établit d’autres droits qui assistent au citoyen, même lorsqu’il est contribuable. C’est le cas, par exemple du droit au juge. Sur ce point, il faut signaler que l’Administration, tenant compte de l’intérêt qu’elle protège, est pourvue d’une certaine prérogative du moment que le contribuable doit plaider devant des tribunaux administratifs avant de pouvoir saisir la juridiction ordinaire. Le texte constitutionnel ne pouvant pas aborder de façon détaillée le statut du contribuable, le législateur a décidé, depuis 1991, de réunir dans une même norme les droits et les garanties qui assistent 97 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne les assujettis. Une réforme ultérieure de la Loi Fiscale Générale a permis d’intégrer dans l’article 34 de cette norme les lignes fondamentales du statut du contribuable. D’après l’article 34 de la LGT, les contribuables ont le droit : - A l’information et l’assistance pour l’accomplissement de ses obligations : De grands efforts sont réalisés par l’Administration dans ce domaine. Elle répond aux questions qui lui sont formulées par les contribuables, elle distribue gratuitement des logiciels qui aident le contribuable à présenter ses déclarations ou « autoliquidations », elle permet la présentation on-line des déclarations, elle prévoit les recours humains nécessaires pour aider personnellement les contribuables à confectionner ses déclarations (pour l’impôt sur les revenus des personnes physiques), etc. - A obtenir les remboursements pertinents avec la liquidation d’intérêts : L’administration, d’office ou à demande du contribuable, doit procéder à rembourser les sommes qu’elle aurait encaissé de façon incorrecte, ainsi que les excès d’encaissement qui pourraient être conséquence du système de liquidation ou d’anticipation adopté pour certains impôts. Les remboursements seront accompagnés du versement d’intérêts dans les mêmes conditions qui sont appliquées aux contribuables. - Au remboursement des coûts des garanties : l’exécution des actes administratifs, notamment quand ceux-ci vont faire l’objet d’un recours, peut être ajournée si l’obligé apporte des garanties suffisantes de façon à ce que le futur recouvrement soit assuré. Si le recours prospère il est évident que l’exécution de l’acte aurait été injuste et qu’il ne faut pas que le contribuable en souffre les conséquences économiques d’avoir eu à protéger ses droits. Lorsque le recours ne prospère que partiellement le remboursement des garanties doit aussi être partiel. - A l’usage des différentes langues officielles : La constitution reconnaît l’existence de plusieurs langues dans le territoire espagnol et les Statuts des différentes Communautés Autonomes peuvent déclarer leur co-officialité. Le contribuable a le droit d’utiliser ces langues lors de ses relations avec toute administration, y compris, bien évidement, 98 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne l’Administration fiscale. Pour préserver ce droit, les modèles de déclarations sont rédigés dans toutes les langues officielles de l’État. - A connaître l’état du dossier : Le contribuable doit être informé des gestions qui sont réalisées au cours de n’importe quelle procédure. Cette information est importante pour pouvoir apprécier la caducité ou la prescription de la procédure si l’administration arrêtait sans justification son déroulement. - A connaître l’identité du fonctionnaire responsable du dossier : ce droit doit permettre la récusation des fonctionnaires qui pourraient être suspects de partialité ainsi que l’exigence des responsabilités qui pourraient en découler de son intervention dans la procédure. - A obtenir un certificat ou une copie des documents présentés : Ce droit est en connexion avec le suivant puisque pour pouvoir démontrer que certains documents ont été déjà présentés il est nécessaire d’obtenir un certificat témoignant cet aspect. - A ne pas présenter des documents qui appartiennent à l’administration : à ces effets, il n’est pas nécessaire que les documents appartiennent à un organisme de l’Administration fiscale. - Au caractère réservé des données : ce qui entraîne un devoir de secret pour les fonctionnaires qui travaillent dans l’Administration fiscale. - A être traité avec respect - A ce que l’activité administrative se déroule de la façon la moins gênante : le contribuable peut proposer une façon alternative de réaliser les opérations du contrôle si le résultat de celles-ci peut demeurer le même. Par exemple, il pourrait offrir la possibilité de permettre l’examen des documents comptables dans son établissement si la présentation de ceux-ci dans les bureaux des contrôleurs pouvait être considérée gênante. - A présenter des allégations et des documents : le contribuable doit disposer d’une totale liberté pour défendre sa position devant les contrôleurs fiscaux. 99 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne - A être écouté : une proposition de liquidation découlant d’un contrôle ne peut être réalisée sans permettre au contribuable de fournir les explications qui justifient sa position. - A être informé au préalable de la valeur de l’immeuble objet d’une transmission : cette mesure cherche à réduire les litiges que provoque le contrôle. La transmission d’immeubles peut générer des augmentations patrimoniales qui pourraient être objet d’une taxation. L’application de l’impôt exigera une déclaration du contribuable attribuant une valeur à l’immeuble transmis. La révision de la valeur par l’Administration pouvait alors faire l’objet d’une discussion. Ayant été informé au préalable de la valeur accordée à l’immeuble le sujet peut déclarer une valeur qui ne sera pas objet de discussion et, par ailleurs, il sera en condition de calculer le coût de l’impôt qu’il devra satisfaire. - A être informé de la nature et la porté de la vérification prétendue : tenant compte que le contrôle fiscal peut présenter des modalités diverses, il est nécessaire au contribuable, pour respecter son droit à la défense, de connaître exactement quelle est la procédure que l’Administration prétend poursuivre. Il est évident aussi que les impôts et les périodes visés par le contrôle doivent être communiqués à l’avance, notamment en relation avec le droit suivant. - Au respect des délais : l’administration, comme n’importe quel autre sujet, doit exercer ses devoirs dans des délais raisonnables. La prescription des droits et la caducité des procédures jouent sur ce point un rôle fondamental dans la protection de la sécurité juridique. - A l’application des avantages fiscaux : les avantages fiscaux font partie de la législation qui est applicable et, par conséquent, son application ne peut pas être limitée de façon arbitraire par l’Administration. Cependant, certains régimes optionnels ne sont applicables que lorsque le contribuable a communiqué son choix dans les délais que la norme prévoit. - A porter plainte et déposer des suggestions : ce qui confirme la liberté du contribuable pour défendre ses points de vue. - A inclure dans le dossier ses manifestations : dans la mesure où le contribuable pourrait présenter un recours contre l’acte 100 L'organisation du contrôle fiscal en Espagne administratif résultant du contrôle, il est important de pouvoir prouver les manifestations qui ont été réalisées au cours de la procédure. - A présenter des documents pertinents même si ceux-ci n’auraient pas étés demandés : une fois de plus la liberté avec laquelle le contribuable peut exercer son droit à la défense est confirmée. - A obtenir une copie de n’importe quel document faisant partie du dossier (à ses dépenses). CONCLUSION Après avoir analysé les conditions dans lesquelles se déroule le contrôle fiscal en Espagne, il est évident que celui-ci comporte une relation complexe entre l’Administration et le contribuable. Les pouvoirs que le système concède aux pouvoirs publics pour assurer le correct accomplissement du devoir de contribution sont limités par les droits et les garanties qui assistent les citoyens. Une relation équilibrée entre l’Administration et le contribuable, qui cherche même la mutuelle coopération pour le recouvrement des impôts augmente sans doute la « conscience fiscale ». Cependant, en Espagne, comme ailleurs, les sujets essayent de ne payer que les impôts qu’ils ne peuvent pas éviter. Le contrôle fiscal demeure, de ce fait, indispensable. 101