1 REQUETE PRESENTEEE DEVANT LA COUR EUROPEENNE
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1 REQUETE PRESENTEEE DEVANT LA COUR EUROPEENNE
REQUETE PRESENTEEE DEVANT LA COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME Présentée en application de l’article 34 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que des articles 45 et 47 du règlement de la Cour. I-/Les Parties : POUR Monsieur PEILLEX Jean-Claude, né le 15 mars 1968 à LA TRONCHE (ISERE) de Nationalité française, domicilié au 18 rue Audric 13012 Marseille exerçant la profession de forain, Requérant, Ayant pour avocat Maître Olivier LE MAILLOUX, avocat au barreau de Marseille dont le cabinet est sis 56 Rue Grignan-F-13001 Marseille-France-Téléphone 33.6.49.68.81.96- Fax 33 4 .27.50.26.28. CONTRE la Haute Partie contractante : -La France Plaise à Leurs Excellences Mesdames et Messieurs les Juges siégeant par-devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme II- /Exposé des faits : 1. M.Jean-Claude PEILLEX, citoyen français qui exerce la profession de forain est titulaire d'un « livret de circulation spécial de type A »,dont le numéro est 204541 délivré le 7 janvier 2002 par la préfecture des Bouches-du-Rhône sur le fondement de la loi française du 3 janvier 1969 et du décret du 31 juillet 1970 règlementant le statut des « nomades et caravaniers ». 2. Ce « livret de circulation est un document »imposé par la législation française à ceux qu’elle dénomme « gens du voyage »,au regard de leur itinérance et de leur absence de résidence fixe. Pour M.PEILLEX qui est marié et père de deux enfants, qui sont adolescents ,l’obligation de détenir un tel document est particulièrement stigmatisante et douloureuse. 3. Le 23 Février 2012,M.PEILLEX a demandé, par lettre recommandée avec avis de réception à M.le ministre de l'intérieur de bien vouloir abroger le décret 70-708 du 31 juillet 1970 en ce que ledit décret apparaît manifestement illégal et inconventionnel, au regard des engagements internationaux dont la France est Haute Partie contractante. 4. M.le Ministre de l’intérieur n’a jamais apporté de réponse à ce courrier. 5. Ce silence gardé par le ministre de l'intérieur s'analysait en décision implicite de rejet 1 et cette décision a été déférée à la censure du Conseil d’Etat,seule juridiction compétente en droit français pour connaître de ce litige. 6. De surcroît,le requérant a soulevé,au cours de l’instance, une question prioritaire de constitutionnalité(QPC) afin que soit examinée la conformité de la loi du 3 janvier 1969 relative au statut des gens du voyage aux droits et libertés fondamentaux tels que garantis par la Constitution. 7. Cette question a été formulée de la façon suivante : « La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est elle contraire à la liberté d’aller et venir, au principe d’égalité et à l’exercice des droits civiques et politiques tels que garantis par la Constitution ? » 8. Dans sa décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 instaurant un carnet de circulation ainsi que celles imposant aux personnes sans domicile ni résidence fixe, trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrites sur les listes électorales. 9. Il a, pour le surplus, déclaré les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 conformes à la Constitution. 10. Cela signifie que selon le Conseil constitutionnel l’existence et les règles de visa de titres de circulation applicables aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe ne sont pas, en elles-mêmes, contraires au principe d’égalité et à la liberté d’aller et de venir. 11. En outre, le Conseil a jugé que la distinction opérée par la loi entre les personnes qui ont un domicile ou une résidence fixe de plus de six mois et celles qui en sont dépourvues repose sur une différence de situation et n’est donc pas contraire à la Constitution. 12. Enfin, le Conseil a jugé que l’obligation de rattachement à une commune ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire. De plus, il a estimé qu’elle ne restreint pas leur faculté de déterminer un domicile ou un lieu de résidence fixe pendant plus de six mois et qu’elle n’emporte pas davantage obligation de résider dans la commune dont le rattachement est prononcé par l’autorité administrative. L’obligation d’avoir une commune de rattachement est une obligation purement administrative qui ne porte pas,selon le Conseil constitutionnel français,une atteinte aux libertés invoquées par le requérant. 13. Cette décision rendue par la plus Haute jurisdiction française est insusceptible de recours devant les juridictions françaises. 14. En maintenant dans le droit positif français un titre de circulation, cette décision génère pour le requérant et sa famille, une atteinte aux libertés fondamentales 2 garanties par la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et ses Protocoles additionnels. 15. Enfin, il convient d’ajouter qu’aucune autre juridiction internationale n’a été saisie . III-/Exposé des violations alléguées: 1. A titre liminaire, il convient de préciser qu'en sa qualité de forain, auquel on impose la détention d'un livret de circulation, M.PEILLEX dispose d'un intérêt direct et personnel à agir dans la présente instance. La doctrine estime en effet que : « Le livret de circulation (L. 3 janv. 1969, art. 3 et 4) est destiné aux personnes âgées de plus de16 ans qui, logeant de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre abri mobile, établissement qu'elles exercent régulièrement et habituellement une activité salariée, ou qu'elles disposent de ressources régulières au sens de l'article 4 de la loi de 1969 ou encore qu'elles sont à la charge de l'une de ces personnes. Ces dispositions visent essentiellement les caravaniers, terme qui ne désigne pas les estivants qui usent de ce mode de locomotion et d'hébergement pour passer leurs vacances, mais les ouvriers-monteurs et les techniciens qui, se déplaçant de chantier en chantier, préfèrent vivre dans un abri mobile. Avant la loi du 3 janvier 1969, ils étaient parfois, pour une durée illimitée, sans contact avec l'Administration. On les recherchait vainement dans l'intérêt des familles ou pour le versement des cotisations à la Sécurité sociale. Il s'y ajoute des salariés appartenant à d'autres professions, certains voyageurs de commerce, ainsi que des personnes qui n'exercent pas - ou n'exercent plus - d'activité professionnelle mais qui, en tout état de cause, disposent de ressources régulières. La loi n'impose aucune origine particulière aux ressources. Celles-ci peuvent sans doute provenir de salaires, ce qui sera le cas normal des ouvriers des entreprises allant de chantier en chantier. Seront également titulaires du livret - et non du carnet - de circulation, les personnes disposant de revenus mobiliers ou immobiliers suffisamment importants, de pensions d'invalidité ou autres, le critère étant que la régularité des ressources apparaisse. » Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Editions Dalloz 2012 2. En outre, la Haute Autorité de Lutte Contre les Discriminations et pour l'Egalité a ainsi estimé, dans une recommandation 2007-372 du 17 décembre 2007,réitérée par une recommandation 2009-143 du 6 avril 2009 qu'un tel régime apparaissait discriminatoire. 3. Malheureusement, en dépit des avis émis par les autorités indépendantes de l’Etats,des jurisconsultes,français et internationaux et des diligences accomplies par M.PEILLEX et la communauté des Gens du voyage,une partie importante de cette législation perdure. M.PEILLEX est toujours dans l’obligation de détenir ce livret de circulation. 3 A-/Sur la violation de l'article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales combinée avec l'article 2 du Protocole 4: 1. L'article 14 de la Convention susmentionnée prohibe toute discrimination en affirmant que: « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. » 2. L'article 2 du protocole 4 de la Convention prévoit que : « 1/Quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence. 2/Toute personne est libre de quitter n'importe quel pays, y compris le sien. 3/L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au maintien de l'ordre public, à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. 4/Les droits reconnus au paragraphe 1 peuvent également, dans certaines zones déterminées, faire l'objet de restrictions qui, prévues par la loi, sont justifiées par l'intérêt public dans une société démocratique" 3. En l'espèce, en imposant un livret de circulation à une catégorie de personnes, pudiquement qualifiées de « caravaniers »,alors même que ces derniers sont des citoyens français,la France génère une inégalité de traitement et une discrimination telle que définie par la Cour selon une jurisprudence constante. 4. Imposer à certains de ses citoyens la détention d’un document particulièrement stigmatisant,qui s’analyse comme un « passeport intérieur »n’est pas sans rappeler les heures les plus sombres de l’Histoire contemporaine. 5. La Cour de céans a jugé en effet que « discriminer, c’est traiter de façon inégale des situations semblables ou traiter de façon égale des situations dissemblables, sans justification objective ou raisonnable ». CEDH 28 mai 1985,Abdulaziz,Cabales,,Balkandali/Royaume-Uni CEDH 29 avril 2002,Pretty/Royaume-Uni 2 346/02 4 6. En l’espèce,M.PEILLEX a bien été discriminé,c’est à dire traité d’une façon inégale dans une situation semblable sans que l’on ne puisse lui opposer une justification objective ou raisonnable . 7. C’est pourquoi la France sera condamnée pour violation de l’article 14 de la convention combiné à l’article 2 du protocole 4. b-/Sur la violation de l’article 14 de la Convention combinée avec l’article 3 du Protocole additionnel : 1. M.Peillex a été victime d’une discrimination dans l’exercice de son droit de vote dès lors qu’il a été placé dans l’obligation d’être rattaché administrativement à une commune depuis trois ans comme en dispose la loi 69-3 du 3 janvier 1969,pour pouvoir l’exercer. 2. Il convient donc d'observer qu'une telle inégalité de traitement est de nature à générer une rupture d'égalité entre citoyens français. 3. Cette inégalité de traitement constitue bien une discrimination prohibée par la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales puisque l’article 3 du protocole additionnel dispose que : « Les hautes Parties contractantes s’engagent à organiser à des intervalles raisonnables des élections libres au scrutin secret dans des conditions qui assurent la libre expression du Peuple sur le choix du corps législatif ». 4. Or, en imposant d’être rattaché durant au moins trois ans, à une commune, exigence édictée par loi du 3 janvier 1969,M.PEILLEX a été dans l’impossibilité, à de nombreuses reprises,d’exercer son droit de vote. 5. Il convient de rappeler que le Commissaire chargé des Droits de l’Homme auprès du Conseil de l’Europe,M.Alvaro Robles,,s’est ému du sort réservé en France à la communauté des Gens du Voyage. 6. M.Alvaro Roblès a constaté,de prime abord qu’ « (…) un autre problème concerne le niveau des sanctions imposées pour campement illégal, qui semble souvent être disproportionnellement élevé, en particulier lorsque les municipalités n’ont pas fourni un nombre suffisant de sites de campement autorisés. Par exemple, en 2000, la France a adopté une loi relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du voyage1 qui prévoit que toutes les communes de plus de 5 000 habitants doivent disposer d’aires d’accueil pour les Gens du voyage ainsi que d’aires de repos pour 50 à 200 familles. Toutefois, la majorité des municipalités ne s'est pas encore conformée à cette obligation ; le nombre d’aires d’accueil est donc clairement insuffisant pour la population itinérante du pays. En conséquence, de nombreux Gens du voyage n’ont d’autres possibilités que de camper illégalement et d’être passibles d’expulsions et de lourdes peines au titre de la loi de 2003 sur la sécurité 1 Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000. 5 intérieure2. Mais que surtout « Une anomalie à laquelle les Gens du voyage doivent faire face m’a interpellé au cours de ma récente visite dans ce pays. Il semblerait que les Gens du voyage français soient aussi victimes de discrimination dans l’exercice de leur droit de vote, car ce droit ne leur est accordé que s’ils sont rattachés administrativement à une commune depuis trois ans alors que l’obligation de résidence imposée aux autres citoyens n’est que de six mois3. » 7. La Haute Juridiction de céans constatera que M.PEILLEX est victime d'une limitation importante dans l'exercice de son droit de vote .Cette limitation ne saurait s’analyser comme étant raisonnable, légitime ou proportionnée dans une société démocratique. 8. C’est pourquoi la France sera condamnée pour violation de l’article 3 du Protocole additionnel de la convention combinée. 9. L’ensemble de ces violations ont généré,pour le requérant,un préjudice moral qu’il convient de chiffrer à…. PAR CES MOTIFS Vu la Convention Européenne des droits de l'Homme, notamment en ses articles 14 et 2 protocole additionnel 4 combinés,ainsi qu’en ses articles 14 et 3 du protocole additionnel combinés, -Vu la jurisprudence de la Cour, -Vu le rapport de M.Alvaro ROBLES remis au Conseil de l’Europe le 15 février 2006, -Dire et juger que la France a méconnu l’article 14 de de la convention,combiné à l’article 2 du protocole additionnel 4, -Dire et juger que la France a méconnu,dans le cas d’espèce,l’article 14 de la convention combinée à l’article 3 du premier protocole additionnel, -Condamner la France à verser à M.PEILLEX la somme d Dix mille Euros en réparation du préjudice subi, 2 Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003. Cette loi envisage une peine de six mois d’emprisonnement et une amende de 3 750 euros pour stationnement ou campement illégal ainsi que la confiscation du véhicule et la suspension du permis de conduire du conducteur. Le Irish Housing Miscellaneous Act (Loi irlandaise sur divers aspects relatifs au logement) interdit aux Gens du voyage de stationner leurs véhicules dans des lieux non réglementés, sous peine d’amendes allant jusqu’à 3 000 euros ou d’une peine de prison de six mois. 3 Rapport sur la visite du Commissaire en France, 5-21 septembre 2005, CommDH(2006)2. 6 -Condamner la France à payer au requérant le somme de 5000 Euros,au titre des frais exposés pour la présente instance. Sous toutes réserves. Pour le requérant Maître Olivier Le Mailloux Avocat Bordereau de pièces : -Décision du conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 -Demande d’abrogation du décret 70-08 du 31 juillet 1970 auprès du ministre de l’intervenir -Livret de circulation spécial de type A »,dont le numéro est 204541 délivré le 7 janvier 2002 par la Préfecture des Bouches-du-Rhône. -Délibérations de la Halde 7