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Lille 2, université du droit et de la santé
Ecole doctorale n° 74
Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
LES CONSEQUENCES DU DIVORCE SUR LES
LIBERALITES ENTRE EPOUX ET LES AVANTAGES
MATRIMONIAUX
Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master Droit Recherche,
mention droit des personnes et de la famille
par Vincent DELVART
Sous la direction de Madame le Professeur Françoise DEKEUWERDEFOSSEZ
2004-2005
Mémoire publié après autorisation du jury sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr
Sommaire
Introduction......................................................................................................... 3
CHAPITRE PRELIMINAIRE –L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE
LA LOI DU 26 MAI 2004................................................................................. 13
TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES DU DIVORCE SUR LES
LIBERALITES ET AVANTAGES MATRIMONIAUX...............................27
TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA VOLONTE DES EPOUX............ 66
Conclusion générale........................................................................................ 104
Bibliographie....................................................................................................106
2
Introduction
L’union des époux rapproche leur patrimoine et rend propices les transferts volontaires de
biens de l’un vers l’autre. Le mariage engendre en effet une certaine solidarité entre les
conjoints qui s’exprime, sur le plan patrimonial, à différents titres. Par exemple, l’un d’entre
eux peut souhaiter faire participer l’autre à son enrichissement réalisé pendant le mariage, en
lui offrant les deniers pour qu’il achète un appartement à son nom. Souvent les époux
prévoient la protection du conjoint survivant en organisant à son profit une transmission des
biens du prédécédé afin qu’il garde son niveau de vie. L’affection conjugale explique aussi les
cadeaux plus ou moins fréquents, plus ou moins importants que les époux se font durant leur
mariage. Ils sont alors animés par un esprit de générosité ou de prévoyance qui se concrétise
au moyen de libéralités ou d’avantages matrimoniaux.
La libéralité n’est définie dans le code civil que d’une manière implicite et imparfaite1.
La doctrine s’accorde pour la définir comme « un acte à titre gratuit, soit entre vifs, soit à
cause de mort par lequel une personne dispose de tout ou partie de ses biens au profit
d’autrui »2. Elle réunit en elle deux critères : un élément matériel, l’appauvrissement du
disposant et l’enrichissement corrélatif de son ayant cause, et un élément moral, l’intention
libérale3. Sont classés parmi les actes de disposition à titre gratuit, la donation entre vifs et le
testament4. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement
et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte5. Elle produit son
effet translatif de propriété au moment de l’acceptation du donataire.
1
GRIMALDI (M.), Droit civil. Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000, n°1000.
LUCET (F.) et VAREILLE (B.), Droit civil – régimes matrimoniaux, libéralités, successions, Dalloz, 4ème éd., 2001,
p. 106.
3
V. GRIMALDI (M.), op. cit. n°1006 à 1009.
4
Art. 893 c. civ.
5
Art. 894 c. civ.
2
3
Par dérogation au droit commun, les libéralités matrimoniales peuvent porter sur des biens à
venir6. La donation de biens à venir est faite sous une condition simplement potestative de la
part du donateur, qui donne les biens qu’il laissera à son décès s’il n’en a pas disposé à titre
onéreux de son vivant7. Elle ne prend effet qu’au moment du décès du disposant. Cette
caractéristique la rapproche du testament, défini comme l’acte par lequel le testateur dispose,
pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer8.
Le régime des libéralités entre époux est assez favorable car celles-ci marquent l’expression
naturelle de l’affection conjugale9. Les conjoints peuvent ainsi se consentir des libéralités dans
la limite d’une quotité disponible spéciale qui est plus large que la quotité disponible
ordinaire10. Les droits de mutations entre époux sont plus faibles qu’entre concubins ou
partenaires d’un PACS11. Par faveur également, les donations de biens à venir sont valables
entre époux.
C’est dans cette logique de bienveillance que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce12 a levé
la prohibition des donations déguisées entre époux et abrogé la libre révocabilité des
donations de biens présents entre époux.
On retrouve la même logique dans le régime des avantages matrimoniaux. Ce sont les
avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté
conventionnelle13, ou plus largement, le profit résultant de dispositions du régime
matrimonial, qui écartent les règles participant, dans chaque régime de référence, à la
répartition des richesses14. Ils ne sont pas considérés comme des donations15, ce qui leur
6
L’article 943 du code civil sanctionne de nullité les donations de biens à venir mais l’article 947 écarte
l’application de ce texte aux donations matrimoniales. L’article 1093 valide la donation de biens à venir entre
époux faite par contrat de mariage et le nouvel article 1096 celles consenties pendant l’union.
7
RIEUBERNET (C.), Les donations entre époux, étude critique, thèse Toulouse I, Defrénois, 2003, n° 130, p.104.
8
Art. 895 c. civ.
9
MALAURIE (Ph.) & AYNES (L.) :Droit civil. Les successions, les libéralités, Defrénois 2004, n°689 : « La
libéralité et surtout la donation sont souvent liées au mariage, au moins pour trois raisons : le mariage est lié à
l’affection (…), à la durée et aux besoins familiaux ».
10
En présence d’ascendant, l’article 1094 du code civil autorise les époux à se gratifier de la quotité disponible
ordinaire et en outre de la nue propriété de la portion réservée aux ascendants à l’article 914. En présence de
descendants, l’article 1094-1 leur laisse le choix entre la quotité disponible ordinaire en pleine propriété, le quart
en pleine propriété et les trois quarts en usufruit ou de la totalité des biens en usufruit.
11
Les libéralités entre époux sont taxables selon un barème progressif, qui n’excède pas 40%, après un
abattement de 76000 euros. Les libéralités entre partenaires d’un PACS sont soumises à un taux de 40% pour la
fraction n’excédant pas 15000 euros et à un taux de 50% pour le surplus ( CGI, art. 777 bis). Entre concubins, le
tarif est celui des personnes non parentes de 60%.
12
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004, JO 27 mai 2004, p. 9319
13
Art. 1527 al. 1er c. civ.
14
LUCET (F.), Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, th. Paris II, 1987, t. 2, n° 503.
15
Art. 1527 al. 1er c. civ.
4
confère un régime encore plus favorable. Au plan civil, ils échappent aux opérations
successorales de rapport et de réduction pour atteinte à la réserve, ce qui permet aux époux, en
présence d’héritiers réservataires, de se gratifier au-delà des limites de la quotité disponible
spéciale16. Au plan fiscal les avantages matrimoniaux ne sont pas soumis aux droits de
mutation à titre gratuit.
Cependant, le régime des avantages matrimoniaux rejoint exceptionnellement celui des
libéralités lorsqu’il s’agit de protéger les enfants qui ne sont pas issus des deux époux par
l’action en retranchement17, et lorsqu’il s’agit de déterminer leur sort au moment du divorce.
Dans ce dernier cas, l’identité de régime peut s’expliquer par le fait que ces dispositions sont
liées au contexte matrimonial que le divorce vient détruire. Le divorce est en effet la
dissolution du mariage du vivant des époux. La question qui apparaît alors immédiatement est
celle de savoir si ces libéralités et avantages, qui avaient été consentis à un moment où
l’entente régnait au sein du couple, seront maintenus ou révoqués au moment de la séparation.
Nous nous intéresserons uniquement aux dispositions que se sont faites les époux eux-mêmes.
Celles qu’ils ont reçues de tiers restent soumises à leur régime propre.
Ce problème est délicat et la politique d’encouragement en leur faveur multiplie les
hypothèses de procédure de divorce où il faudra le régler. Le disposant aura une tendance
naturelle à vouloir revenir sur ce qu’il a consenti alors que le bénéficiaire, dans ce contexte de
mésentente, ne sera généralement pas prêt à lui faire de concession.
Leur révocation satisferait sans doute le disposant mais pourrait porter atteinte à la sécurité
juridique du bénéficiaire et de ses ayants cause. Leur maintien risque de contredire la politique
de faveur car l’éventualité d’un divorce serait alors un frein à l’accomplissement de tels actes
pour le disposant. Les intérêts des époux sont évidemment contradictoires sur cette question et
ce problème peut facilement devenir une source de contentieux qui en entraînerait d’autres
pour le règlement des autres conséquences du divorce.
Sous l’empire de la loi Naquet de 1884 du 27 juillet 1884, le divorce ne pouvait être prononcé
que pour cause de faute de l’un des époux constituant un manquement à ses obligations
conjugales et rendant intolérable le maintien du lien conjugal. Cette conception du divorcesanction avait des répercussions sur le traitement de ses conséquences. Le divorce était
prononcé contre l’époux fautif ou aux torts réciproques des époux. L’époux qui se voyait
attribuer des torts dans la rupture subissait des sanctions sur le terrain des conséquences
16
Par exemple, la clause d’attribution intégrale de la communauté universelle au survivant permet à l’époux
avantagé de recevoir la totalité du patrimoine du conjoint prédécédé, en présence d’enfants communs.
17
Art. 1527 al. 2 c. civ.
5
pécuniaires du divorce. Il perdait notamment les donations et les avantages matrimoniaux dont
il avait pu bénéficier et risquait d’être condamné à verser à l’époux innocent une pension
alimentaire et des dommages et intérêts spécifiques.
Cette politique législative avait un triple objectif18. Elle avait un but prophylactique19, elle
visait à freiner20 le divorce et elle permettait de réparer le dommage subi par l’innocent.
Mais elle avait des effets secondaires néfastes. Elle excitait les époux à la belligérance21
pendant la procédure, pour échapper aux sanctions financières ou pour les obtenir. Il en
résultait une mauvaise exécution du jugement, notamment pour le versement de la pension
alimentaire et un après-divorce tendu, dommageable pour les enfants.
Pour remédier à ces inconvénients et pour adapter le droit du divorce à l’évolution des mœurs
avec l’émergence de la liberté individuelle, le législateur a dû reconsidérer la question du
divorce22.
La grande réforme a été réalisée par une loi du 11 juillet 1975, entrée en vigueur le 1er janvier
1976. Elle entendait « libéraliser » le divorce et l’adapter aux nouvelles aspirations de la
société23.
A côté du divorce pour faute, de nouveaux cas ont donc été ouverts : divorce sur requête
conjointe, divorce sur double aveu et divorce pour rupture de la vie commune.
Le divorce sur requête conjointe est prononcé par le juge qui constate l’accord des époux non
seulement sur le principe du divorce mais aussi sur le règlement de ses conséquences24.
Le divorce sur double aveu était « un divorce à torts réciproques fondé sur l’aveu concordant,
par les époux, d’un échec conjugal résultant indivisiblement du fait de l’un et de l’autre »25.
Dans ces deux nouveaux cas, il n’y avait aucune idée de faute. Il s’agit plutôt d’un constat de
l’échec du mariage reconnu et assumé par les deux époux.
Le divorce pour rupture de la vie commune pouvait être obtenu par l’un des époux qui voulait
recouvrer sa liberté sans avoir de faute à reprocher à son conjoint, ni l’accord de celui-ci. Il
devait alors démontrer la séparation de fait depuis plus de six ans ou l’altération grave et
18
MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.) : Droit civil, la famille, Defrénois 2004, n°672 p. 274.
MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), ibid. : « la perspective d’une sanction attachée à une faute aurait dû
dissuader le conjoint de la commettre ».
20
MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), ibid. : « la perspective de perdre des libéralités et de payer une pension
alimentaire et des dommages et intérêts aurait dû inciter le défendeur à défendre son mariage et éviter le
divorce ».
21
CARBONNIER (J.), « La question du divorce, Mémoire à consulter », D. 1975, chron. 116.
22
CARBONNIER (J.), ibid.
23
CARBONNIER (J.), ibid.
24
Anciens articles 230 à 232 du code civil.
19
25
CORNU (G.) : Droit civil. La famille, Montchrestien, Précis Domat, 8ème éd. 2002, n°343, p.537.
6
prolongée des facultés mentales de son conjoint. Le demandeur supportait alors les charges du
divorce et la loi organisait la protection du conjoint qui le subissait.
Sur le plan des conséquences, le législateur voulait dédramatiser le divorce. Pour cela, il a
tenté d’une part, de dissocier la cause des effets pécuniaires du divorce, et d’autre part, de
concentrer le règlement des ces effets au moment de son prononcé.
Dans les nouveaux cas, où l’idée de faute est absente, il n’y avait plus lieu à organiser les
conséquences autour de l’idée de sanction. Ainsi, par exemple, pour le divorce sur requête
conjointe le règlement de l’ensemble des conséquences a pu être laissé à l’initiative des époux
eux-mêmes. La logique de sanction a aussi été abandonnée lorsque le divorce était prononcé
aux torts partagés. Plutôt que de pénaliser les deux époux, mutuellement responsables de la
rupture, le législateur a choisi de n’en pénaliser aucun. Dans ces hypothèses, l’époux le plus
démuni pouvait notamment se faire attribuer une prestation compensatoire, destinée à
compenser les disparités financières dues au divorce. Cette prestation compensatoire a
remplacé l’ancienne pension alimentaire qui reposait sur l’attribution des torts dans le divorce.
Mais le législateur de l’époque a voulu garder, par exception et pour des considérations
morales26, un système de pénalisation lorsque le divorce était dû au fait exclusif de l’un des
époux27. Ainsi, l’époux coupable dans le divorce pour faute, prononcé à ses torts exclusifs, et
l’époux demandeur du divorce pour rupture de la vie commune, ne pouvaient pas, par
exemple, bénéficier d’une prestation compensatoire ni demander le report des effets du
jugement dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens.
C’est dans cet esprit que le sort des donations et avantages matrimoniaux était organisé. Il
dépendait de la forme du divorce et de la répartition des torts en cas de divorce pour faute.
Dans le divorce sur requête conjointe, où les époux doivent être d’accord sur la cause et le
règlement des conséquences, l’article 268 du code civil laissait aussi les époux décider euxmêmes du sort des donations et avantages qu’ils s’étaient consentis. En cas de silence, ils
étaient alors censés les avoir maintenus.
Dans les divorces sur double aveu et pour faute, aux torts partagés, les articles 268-1 et 267-1
du code civil permettaient à chacun des époux de révoquer tout ou partie des donations et
avantages qu’il avait consentis à l’autre.
On retrouvait le principe de déchéance quand le divorce était prononcé pour faute ou pour
rupture de la vie commune. L’époux aux torts exclusifs duquel le divorce était prononcé
26
MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), op. cit., n°673, p. 275.
CARBONNIER (J.), art. préc., « l’opinion publique comprendrait mal qu’un conjoint exclusivement coupable pût
prétendre à des droits pécuniaires pour lui même, à l’encontre d’un conjoint entièrement innocent ».
27
7
perdait de plein droit, en vertu de l’article 267 du code civil, toutes les donations et avantages
qui lui avaient été consentis par son conjoint. L’époux innocent les conservait. L’article 269
organisait la même répartition en faveur de l’époux innocent dans le divorce pour rupture de
la vie commune. Ce système était assez complexe et pas très efficace pour les donations de
biens présents qui étaient révocables librement à tout moment.
La déconnexion incomplète des conséquences de la répartition des torts entraînait encore des
stratégies contentieuses car le divorce pour faute pouvait être financièrement plus intéressant.
Elle incitait encore souvent les conjoints à « plaider » les griefs en raison des avantages
pécuniaires qui pouvaient résulter d’un divorce prononcé aux torts exclusifs de l’un des
époux28.
Pour dédramatiser le divorce, le législateur de 1975 a aussi tenté de concentrer ses effets lors
de son prononcé en essayant d’obtenir un règlement définitif de tous les rapports entre époux.
Il a notamment remplacé la pension alimentaire par une prestation compensatoire dont la
préférence était donnée au règlement par le versement d’un capital29. Mais la réforme n’est pas
allée jusqu’au bout de sa logique laissant apparaître quelques incohérences. Comme l’a
résumé Monsieur Bénabent, ce système « va trop loin ou pas assez : d’un côté, il impose au
juge du divorce de fixer cette prestation, au point que la Cour de cassation interdit toute
demande ultérieure ; mais d’un autre côté on rejette à plus tard (sauf dans le divorce sur
requête conjointe) la liquidation du régime matrimonial et le sort de quelques autres actions
(révocation ou annulation des donations, voire action de in rem verso) alors qu’il s’agit là
d’éléments qu’il faudrait connaître pour fixer la prestation et qui sont susceptibles de venir
ensuite fausser les bases du règlement initial sans pour autant autoriser sa remise en
question »30. Le régime des libéralités entre époux perturbait en effet l’application correcte de
ce principe de concentration. La révocation des donations de biens présents ou la nullité des
donations déguisées pouvait être demandée et obtenue par le disposant après le prononcé du
divorce. Or, ces dispositions étaient prises en compte dans le patrimoine du donataire lors du
jugement de divorce pour fixer la prestation compensatoire. Grâce à elles, le patrimoine des
époux pouvait s’équilibrer, de sorte que le juge pouvait refuser au donataire l’attribution d’une
prestation compensatoire ou lui en accorder une mais d’un montant réduit. Avec la révocation
28
V. Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale :
Doc. AN n° 1513 (2003-2004).
29
CARBONNIER (J.), art. préc., « le règlement de ces droits sera le plus souvent possible concentré autour du
prononcé du divorce, à un moment où les époux sont encore sous la dépendance psychologique du jugement –
cela afin de combattre l’effet de dégradation (…) que l’écoulement du temps exerce sur l’exécution des
pensions ».
30
BÉNABENT (A.), « Plaidoyer pour quelques réformes du divorce, I – Sur les effets », D. 1997, chron. p. 225.
8
a posteriori, le déséquilibre n’apparaissait qu’après le règlement de cette question. Le conjoint
victime de ce système ne pouvait alors plus demander la modification du jugement car la
prestation compensatoire a un caractère forfaitaire et non révisable. L’injustice qui en résultait
amplifiait le contentieux d’après divorce31 32.
La jurisprudence a tenté de limiter ce problème par plusieurs moyens. Elle rejetait souvent
l’existence de l’intention libérale lorsque la soi-disant donation avait pu être faite pour
rémunérer la participation du conjoint, soit à l’activité professionnelle de l’époux donateur33,
soit au travail fourni dans la vie ménagère34 lorsque cette collaboration ou ce travail ménager
avait excédé sa contribution aux charges du ménage35. Cette absence d’intention libérale
excluait la qualification de donation et donc l’application des anciens articles 1096 et 1099 du
code civil. Les tribunaux ont aussi multiplié les difficultés de la preuve de l’intention libérale.
Elle pesait sur le donateur qui devait établir qu’il n’avait pas entendu rémunérer l’activité du
conjoint mais qu’il était animé d’une intention libérale36. A défaut, le caractère rémunératoire
était reconnu. Pour cantonner la nullité des donations déguisées, la Cour de cassation ne
reconnaissait le déguisement qu’en présence d’une affirmation mensongère dans l’acte
d’acquisition sur la provenance des fonds. Et si l’acte d’acquisition ne contenait aucune
précision sur cette origine, la qualification de donation déguisée n’était pas retenue37.
Mais ces artifices n’étaient pas satisfaisants et ne dissuadaient pas les donateurs à intenter les
actions en nullité ou en révocation. Une modification du régime des libéralités entre époux
était demandée sur ce point38.
31
Le même problème se rencontrait aussi avec la liquidation du régime matrimonial qui intervenait souvent
longtemps après la fixation de la prestation compensatoire. Or des disparités pouvaient apparaître à ce moment-là
du fait du mécanisme des récompenses ou de la demande de report des effets du divorce entre les époux.
32
BÉNABENT (A.), art. préc.: « Tous ces contretemps (…) conduisent au résultat absurde de fixer une prestation
irrévocable sur des bases qui demeurent quant à elles modifiables ».
33
Ex.: Cass. civ. 1ère, 24 octobre 1978, Bull. civ. I, n°316 ; JCP, 1979, II, 19220, note PATARIN (J.) ; Defrénois
1979, art. 32038, n°40, p. 945, obs. CHAMPENOIS (G.) ; Cass. civ. 1ère, 23 janvier 1980, Defrénois, 1980, art.
32448, p. 1298, obs. CHAMPENOIS (G.) ; Cass. civ. 1ère , 16 juin 1981, Bull. civ. I, n° 217, p. 178.
34
Ex.: Versailles, 7 janvier 1980, Defrénois 1981, art. 32552, p. 206, note BRETON (A.) ; Cass. civ. 1ère, 20 mai
1981, Bull. civ. I, n° 175, p. 42.
35
Cass. civ. 1ère , 2 octobre 1985, Bull. civ. I, n°244 ; D. 1986, 325, note BRETON (A.) ; Defrénois 1987, art.
33846, « l’activité de l’époux séparé de biens dans la gestion du ménage et la direction du foyer peut, quand, en
raison de son importance excédant la contribution aux charges du mariage et de sa qualité, elle a été pour son
conjoint une source d’économie, constituer la cause de versements de fonds faits par celui-ci audit époux à
l’occasion d’achats de biens faits indivisément par les deux ».
36
Ex.: Cass. civ. 1ère, 20 mai 1981, Bull. civ. I, n° 175, p. 42
37
Ex.: Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1987, Bull. civ. I, n°4 p.4 ; 8 novembre 1988, Bull. civ., n°311 p. 212.
38
V. RIEUBERNET (C.), Les donations entre époux, étude critique, thèse Toulouse I, Defrénois, 2003 ; BERTHET (P),
Petites affiches, 1er février 2000 ; les travaux du 84è Congrès des notaires de France (La Baule, 1988) et du 95è
Congrès (Marseille, 1999) ; voir aussi CARBONNIER (J.), CATALA (P.), MORIN (G.) et de SAINT-AFFRIQUE (J.), Des
libéralités, Une offre de loi, Defrénois, 2003.
9
L’objectif de pacification n’était pas vraiment atteint. Le divorce était trop conflictuel ce qui
engendrait un coût immense 39. Le contentieux du divorce prenait une part de plus en plus
lourde dans l’activité des juridictions civiles. En 2001, 50% des affaires introduites devant les
tribunaux de grande instance avaient trait au divorce, à la séparation de corps ou étaient des
demandes postérieures à ces ruptures d’union40.
Une réforme des effets du divorce était
nécessaire.
Elle était aussi demandée sur le terrain des causes. Les mentalités ont encore évoluées depuis
1975. La liberté individuelle s’affirme de plus en plus. Le divorce s’est normalisé. 128971
divorces ont été prononcés en 2002 et le taux de divortialité était de près de 38% en 200141. La
reconnaissance d’un véritable droit au divorce et la suppression du divorce pour faute étaient
par exemple réclamées. La lourdeur des procédures était également critiquée par les
justiciables et par les professionnels. La loi de 1975 ne correspondait plus aux aspirations de
la société française.
Par une loi du 26 mai 200442, le législateur est venu adapter le droit du divorce à ces
évolutions et corriger les imperfections de la réglementation antérieure. L’élaboration de cette
loi a pu s’appuyer sur les rapports, menés sur l’évolution du droit de la famille, de Madame
Irène Théry43 et du groupe de travail animé par Madame Françoise Dekeuwer-Défossez44. Elle
a aussi bénéficié des débats de la proposition de loi du député François Colcombet qui
proposait notamment de supprimer le divorce pour faute45. Cette proposition a été abandonnée
lors du changement de législature en 2002. En janvier 2003, une commission pluraliste de 22
parlementaires, universitaires et praticiens a été installée par le Garde des sceaux et le ministre
délégué à la famille pour travailler sur la réforme du droit de la famille, dont le divorce
constituait la première étape46. Grâce à ces réflexions, le projet de réforme du divorce présenté
en conseil des ministres le 9 juillet 2003 a pu être adopté rapidement par le parlement47.
39
V. GANANCIA (D.), « Pour un divorce du XXIè siècle », Gaz. Pal. 19 avril 1997, p. 662. L’auteur mesure les
coûts des séparations mal réglées : « coût individuel et psychologique (dépression, maladies, chômage), coût
familial (guerre d’usure payée par les enfants avec le déséquilibre psychologique, l’échec scolaire, la coupure
avec l’un des parents et la perte des repères), coût économique (pensions non réglées, marginalisation sociale),
coût judiciaire (durée et surtout retour des contentieux) et, plus globalement, coût collectif du fait de la prise en
charge par la société de tous ces déséquilibres ».
40
Rapport P. DELNATTE, préc.
41
Rapport P. DELNATTE, préc.
42
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, JO 27 mai 2004, p. 9319.
43
Couple, Filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, éd. O.
Jacob, Doc. fr., 1998.
44
Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre
temps, Doc. fr., coll. « Rapports officiels », 1999.
45
Proposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2001.
46
Sont attendues les réformes du droit de la filiation, des successions, des incapacités et des libéralités.
47
Le texte a suivi la procédure d’urgence de l’article 44 de la Constitution.
10
Pour l’essentiel, cette nouvelle loi redéfinit les cas de divorce pour offrir aux époux un choix
correspondant à leur situation48. Le divorce peut désormais être prononcé en cas soit de
consentement mutuel, soit d’acceptation du principe de la rupture du mariage, soit d’altération
définitive du lien conjugal, soit de faute49. La nouveauté la plus marquante est sans doute le
divorce pour altération définitive du lien conjugal qui succède au divorce pour rupture de la
vie commune. Il peut être demandé par l’un des époux lorsqu’ils vivent séparés depuis plus de
deux ans lors de l’assignation. Avec ce cas d’ouverture, c’est un véritable droit au divorce qui
est consacré50. On comprend alors que toutes les dispositions qui tendaient à faire du divorce
pour rupture de la vie commune un divorce à charge ont dû être supprimées. La loi ne doit en
effet pas mettre d’obstacle à l’exercice de ce droit.
La loi nouvelle vise surtout à pacifier le divorce sur le plan procédural et sur le traitement de
ses effets.
S’agissant de la procédure, elle tente de réduire la durée des divorces par consentement
mutuel en supprimant la deuxième comparution. La procédure du nouveau divorce pour
acceptation du principe de la rupture du mariage est simplifiée par rapport à celle de l’ancien
divorce sur double aveu. Une procédure plus rapide devrait ainsi réduire le risque de conflit.
Un tronc commun procédural est également organisé pour les trois divorces contentieux. Les
époux n’auront alors plus d’intérêt à choisir tel type de divorce pour espérer bénéficier d’un
avantage procédural.
A l’intérieur de ce tronc commun, les accords entre époux sont encouragés, notamment par le
recours à la médiation ou avec la multiplication des passerelles vers un divorce moins
contentieux.
Concernant le traitement des conséquences du divorce, la pacification est recherchée par une
déconnexion complète avec la cause et par une meilleure concentration des effets au jour du
jugement. La concentration des effets du divorce se traduit par une plus forte intégration de la
liquidation du régime matrimonial dans la procédure et une limitation dans le temps de ces
opérations lorsqu’elles n’ont pas pu être terminées au jour du jugement. Elle explique aussi la
modification du régime des libéralités entre époux. La libre révocabilité des donations de
biens présents et la nullité des donations déguisées entre époux ont en effet été abrogées.
48
Sur la question, V. en particulier : FULCHIRON (H), « Les métamorphoses des cas de divorce », Defrénois 2004,
art. 37999, p. 1103 ; HAUSER (J.), « La nouvelle conception des cas de divorce », Rev. Lamy dr. civil oct. 2004,
p. 51 ; GRANET (F.), « Les nouveaux cas de divorce », AJ Famille, juin 2004, p. 204.
49
Art 229 c. civ.
50
MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), op. cit., n° 438, p. 200.
11
La dissociation des conséquences de la répartition des torts impliquait un réaménagement du
règlement des effets du divorce. Désormais, quel que soit le type de divorce, la loi permet à
chacun des époux de demander par exemple une prestation compensatoire ou le report des
effets du jugement. Le choix des époux entre telle ou telle procédure ne devrait donc plus être
motivé pour les avantages pécuniaires qu’il est susceptible d’entraîner, ni par la volonté de
nuire aux intérêts de l’autre époux. Le législateur espère ainsi un redéploiement des
procédures vers les divorces moins contentieux.
Pour éviter le conflit entre les époux dans ce contexte de mésentente qu’est le divorce, le
législateur a donc opté pour une méthode logique : la suppression des armes de combat. Par
conséquent, la répartition des libéralités entre époux et des avantages matrimoniaux a dû être
réaménagée dans un système où la cause du divorce n’a plus aucune interférence, où toute
idée de sanction a disparu.
La question de leur sort s’intègre dans le règlement de l’ensemble des effets du divorce, lequel
doit être concentré au maximum lors de son prononcé. Ce règlement doit aussi être juste pour
ne pas susciter le contentieux.
Le problème que nous soulevons alors est celui de savoir si ces principes de justice et de
concentration peuvent être appliqués au traitement des conséquences du divorce sur les
libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux. Ces deux principes semblent en effet
être le gage d’un règlement pacifique du divorce, du moins sur le plan patrimonial.
Le législateur a organisé un système qui pose un nouveau critère de répartition de ces
dispositions. Il est établi dans un seul texte, l’article 265 du code civil, au lieu des cinq de la
loi de 1975, et s’applique de la même façon pour chaque type de divorce. Un premier titre sera
consacré à l’étude de la mise en œuvre de ce critère légal.
Il est possible que les solutions proposées par ce nouveau système ne conviennent pas aux
époux. Ces derniers peuvent souhaiter adapter le règlement des conséquences du divorce à
leur propre situation et régler eux-même le sort des libéralités ou des avantages matrimoniaux.
Il faudra étudier dans quelle mesure ils peuvent déroger au régime légal. Cela fera l’objet d’un
titre second.
Mais la nouveauté de la réforme justifie l’étude préalable de son application dans le temps.
12
CHAPITRE PRELIMINAIRE –
L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE LA
LOI DU 26 MAI 2004.
L’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 a été fixée au 1er janvier 200551. En ce qui
concerne le sort des libéralités et des avantages matrimoniaux à la suite du divorce, il sera
déterminé par le nouvel article 265 du code civil si la procédure est engagée après le 1er
janvier 2005. Qu’en est-il pour les procédures en cours au 1er janvier 2005 ?
Des dispositions transitoires ont été prévues pour organiser le passage de la loi ancienne à la
loi nouvelle. L’article 33-II pose en principe que la loi nouvelle « s’appliquera aux procédures
en divorce introduites avant son entrée en vigueur », sous réserve de deux séries d’exceptions.
A priori, le législateur, et les travaux préparatoires le confirment52, a donc souhaité son
application immédiate aux situations en cours afin de « permettre au plus grand nombre de
bénéficier de ces nouvelles dispositions législatives ». Mais la portée de ce principe semble
être aussitôt contredite par les larges exceptions qui le suivent53 et qui réservent des cas de
survie de la loi ancienne après le 1er janvier 200554. L’application de l’article 265 nouveau à
ces procédures en cours, qui peuvent encore durer plusieurs années avec les voies de recours,
dépend de l’interprétation de ces dispositions transitoires. Ce texte ne doit-il s’appliquer
uniquement lorsque la loi nouvelle a réglementé l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire, pour
les actions en cours au 1er janvier 2005, en dehors des exceptions ou par les passerelles
transitoires ? Ou alors peut-il s’appliquer immédiatement, dès le 1er janvier 2005, à tous les
divorces qui sont prononcés depuis cette date, quelle que soit la loi qui a régi la procédure ?
51
Article 33-I.
Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale : Doc.
AN n° 1513 (2003-2004), p 125.
53
V. G. LACOSTE et V. LARRIBAU-TERNEYRE , « Les dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le
divorce », Dr. Fam. Janvier 2005, p. 8, qui se demandent si le contenu des exceptions ne va pas aboutir à un
renversement du principe ; et A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p. 17 n°5
qui dénonce l’art de l’affiche creuse car « les exceptions absorbent purement et simplement ce principe
apparent. »
54
Article 33-II a) et b). Pour le divorce sur demande conjointe, la loi ancienne continue à s’appliquer si la
convention temporaire a été homologuée avant le 1er janvier 2005. Pour les autres types de divorces, la loi
ancienne continue à s’appliquer si l’assignation a été délivrée avant le 1er janvier 2005. Dans ce dernier cas, des
passerelles transitoires vers la loi nouvelle sont possibles.
52
13
Les dispositions transitoires n’apportent pas de réponse claire et certaine à l’application dans
le temps du nouvel article 265 du code civil. Elles n’apportent pas de réponse du tout en ce
qui concerne le nouveau régime des libéralités entre époux, qui a des répercussions en cas de
divorce, le nouvel article 1096 du code civil étant complémentaire avec le nouvel article 265.
Les donations de biens présents entre époux conclues après le 1er janvier 2005 sont
irrévocables. Celles conclues avant cette date sont-elles encore révocables en vertu de l’ancien
article 1096 ? Si oui, le seront-elles encore quand leur sort en cas de divorce aura été
déterminé par le nouvel article 265 ? Pour résoudre ce conflit transitoire entre l’ancien et le
nouvel article 1096, il faut se référer aux indications de l’article 2 du code civil et au système
de solutions élaboré par la jurisprudence et la doctrine. Mais il est nécessaire de rappeler
qu’en matière de droit transitoire, la doctrine a dégagé de simples directives qui peuvent
expliquer après coup les solutions, mais qui ne suffisent pas à les prévoir avec certitude55. Et
l’étude de la jurisprudence révèle sa méthode pragmatique56. Nous ne pouvons donc que
proposer un pronostic en fonction de l’opportunité des différentes solutions envisageables.
Quatre combinaisons sont possibles pour déterminer le sort, en cas de divorce, des donations
de biens présents entre époux conclues avant le 1er janvier 200557.
La première est celle du maintien de la révocabilité ad nutum combiné avec la non-application
immédiate du nouvel article 265. Il s’agirait alors de maintenir les solutions antérieures, c’està-dire de définir le sort de ces donations en fonction de la répartition des torts du divorce. Les
donations qui seront maintenues seraient toujours révocables.
La seconde est celle de l’application immédiate de l’irrévocabilité à partir du 1er janvier 2005
combinée avec la non-application immédiate du nouvel article 265. Cette solution permettrait,
pour les donations qui seraient maintenues en vertu de l’ancien système, d’empêcher leur
remise en cause après le prononcé du divorce.
La troisième est celle du maintien de la révocabilité ad nutum combiné avec l’application
immédiate du nouvel article 265. Le divorce n’aurait aucune incidence sur ces donations et les
époux donateurs, quels que soient leurs torts reconnus dans le divorce, décideraient euxmêmes du sort de ces donations, en choisissant d’utiliser ou non leur droit de révocation avant
le prononcé du divorce ou même après.
55
J. GHESTIN, G.GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, Introduction générale, LGDJ, 1994, n° 364
L.BACH, Répertoire civil Dalloz , V. « Conflit de loi dans le temps », 1996, n°419 : « les tribunaux sont appelés
à porter un jugement tantôt de légalité (au cas de volonté même seulement implicite du législateur) tantôt
d’opportunité sur l’application de la loi nouvelle (en l’absence de toute indication à ce sujet de la part de celuici), qu’il est bien difficile, voire impossible de ramener les solutions jurisprudentielles à des principes
rationnels ».
57
Pour les donations de biens présents conclues après le 1er janvier 2005, leur sort en cas de divorce sera
déterminé par le nouvel article 265 qui sera étudié dans la suite du mémoire.
56
14
La dernière est celle de l’application immédiate des nouvelles dispositions des articles 265 et
1096 du code civil afin de les faire bénéficier au plus grand nombre.
Reste à démontrer lesquelles de ces solutions sont juridiquement possibles et parmi celles-ci,
laquelle serait la plus opportune.
Pour cela, il est nécessaire d’étudier, d’une part, l’application dans le temps du nouveau
régime des libéralités entre époux puis, d’autre part, celle du nouvel article 265 du code civil.
15
Section 1 – L’application dans le temps du
nouveau régime des libéralités entre époux
La révocabilité ad nutum des donations de biens présents entre époux est supprimée depuis le
1er janvier 2005. Il est important de déterminer si les donations conclues avant cette date
gardent leur caractère révocable car, en cas de divorce, le donateur pourrait toujours décider
de les maintenir ou de les révoquer, et ce quelle que soit la loi qui décide de leur sort (§ 1).
Corrélativement, le législateur a mis fin à la nullité des donations déguisées entre époux ou
par personne interposée. Cette sanction permettait de préserver le libre jeu de la révocabilité et
n’était alors plus justifiée compte tenu de la nouvelle irrévocabilité58. La nouvelle validité de
ces donations devrait notamment limiter le contentieux de l’achat pour autrui entre époux, au
moment du divorce. Il faut également déterminer si les donations déguisées passées avant le
1er janvier 2005 seront encore annulables après cette date (§ 2).
§ 1 – La nouvelle irrévocabilité des donations entre
époux de biens présents
En l’absence de dispositions transitoires, on se réfère au système de conflit de lois dans le
temps établi par Roubier59 qui nous conduit à une double démarche : veiller à ne pas faire une
application rétroactive de la loi nouvelle (A), puis choisir entre la survie de la loi ancienne ou
l’application immédiate de la loi nouvelle (B). Et si les deux solutions sont juridiquement
envisageables, il faudra voir laquelle serait la plus opportune (C).
A – La non rétroactivité de la loi nouvelle.
L’article 2 du code civil proclame le principe de non rétroactivité des lois. En l’absence de
dispositions transitoires, le juge est tenu par ce principe.
58
Rapport P. DELNATTE préc. p120 : cette sanction marquait, par son automaticité, une défiance dépassée à l’égard
des donations entre époux.
59
P. ROUBIER, Les conflits de lois dans le temps, 1ère éd., 1929-1933 ; Le droit transitoire, 2è éd., 1960.
16
Selon la définition de Bach, il y a rétroactivité toutes les fois qu’il y a report de l’applicabilité
d’une loi, de son caractère obligatoire à l’égard des sujets de droit, à une date antérieure à
sa publication ou au report de son application à une date antérieure à la date différée fixée
par le législateur pour son applicabilité60.
L’application rétroactive du nouvel article 1096 conduirait à priver d’effet les révocations de
donations effectuées avant le 1er janvier 2005 sous prétexte que cet article interdit les
révocations.
Les lois qui gouvernent l’extinction d’une situation juridique ne pourraient, sans rétroactivité,
infirmer l’extinction régulièrement opérée de cette situation juridique61. Les donations
conclues avant le 1er janvier 2005 et révoquées avant cette date sont donc définitivement
éteintes62 même si désormais le nouvel article 1096 du code civil interdit ces révocations. Pour
celles conclues avant le 1er janvier 2005 qui n’ont pas été révoquées, le maintien de leur
caractère révocable dépend du choix entre l’effet immédiat de la loi nouvelle ou de la survie
de la loi ancienne.
B – Le choix entre l’effet immédiat ou la survie de la
loi ancienne
A la différence du principe de l’application non rétroactive des lois, aucun texte de portée
générale ne règle la question63. Les critères de choix ne sont donc pas intangibles.
D’un côté, les principes traditionnels, en matière contractuelle, tendent vers la survie de la loi
ancienne.
Ainsi, pour Roubier, les causes de résolution d'un contrat « doivent être déterminées par la loi
en vigueur au jour du contrat, parce que c'est sur la foi de cette loi que le contrat a été
passé64 ». L’ancienne révocabilité ad nutum étant une cause de résolution du contrat de
60
61
62
L. BACH, préc., n°127
ROUBIER, préc. p. 197
Concrètement, un testament en date du 1er décembre 2004 qui révoque, expressément ou implicitement une
donation de biens présents entre époux, sera exécuté conformément à la volonté du défunt, quelle que soit la date
du décès.
63
64
J. GHESTIN, Traité de droit civil, préc. n° 383 ; L. Bach préc n°109
P. ROUBIER, préc., p. 367
17
donation de biens présents entre époux, elle devrait, suivant cette théorie, être maintenue pour
les donations conclues avant le 1er janvier 2005. La doctrine majoritaire suit cette analyse65.
La jurisprudence rejette parfois la solution de la survie de la loi ancienne en matière de
contrats66. La doctrine explique ce rejet lorsque la loi nouvelle est dictée par des motifs
impérieux d’ordre public67. Le nouvel article 1096 est peut-être d’ordre public, comme l’était
l’ancien, mais la doctrine doute de son caractère suffisamment impérieux pour justifier une
application immédiate68. D’autres auteurs expliquent l’application immédiate aux contrats en
cours lorsque la loi est relative à un statut légal69. La révocabilité ad nutum se justifiait par le
contexte matrimonial dans lequel intervient la libéralité. Elle intéressait les relations entre
époux et pouvait se rattacher au statut de la personne mariée. On ne la rencontrait d’ailleurs
que pour les donations entre époux. Ce rattachement au statut légal, plutôt qu’à la nature
contractuelle de la clause conduirait donc à supprimer la libre révocabilité des donations
conclues avant 200570.
D’un autre côté, on peut relever que la donation entre époux de biens présents était un contrat
particulier. En effet, ce contrat n’était pas soumis aux deux principes de l’article 1134 du code
civil, à savoir celui de l’irrévocabilité et celui de la force obligatoire71. C’était un engagement
sous condition purement potestative qui n’engageait à rien72. Dans ces conditions, le principe
traditionnel de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle, qui est fondé sur l’idée de
65
F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux »,
Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 note 20 ; et « L’application dans le temps de la loi n° 2004-439 du
26 mai 2004 relative au divorce », JCP éd. N 2004, n° 1505, p. 1588, spéc n°5 ; A. DELFOSSE et J.-F. PÉNIGUEL, «
Divorce , libéralités entre époux et avantages matrimoniaux », Defrénois, Supplément Rapide, no 21 du 16
novembre 2004, p. 8 et 9 ; C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi
du 26 mai 2004 relative au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 10 ; S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des
libéralités entre époux par la loi du 26 mai 2004 », D. 2004, 2512, spéc. n°5 ; J.-L. PUYGAUTHIER, « Les libéralités
et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », JCP éd. N 2004, no 45, 1538 (1re
partie) et no 46, 1548 (2e partie) ; J. CASEY, « Les incidences de la loi du 26 mai 2004 en droit patrimonial de la
famille », RJPF 2004/10, p. 6 et suiv., spéc. p. 9 ; G.Lacoste et V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Les dispositions
transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce », Dr. Fam. Janvier 2005, p. 8 spéc. n°34 et s. ; J. COMBRET,
« Les aspects patrimoniaux de la réforme », préc., spéc. p. 59 ; J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du
divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26.
66
notamment en matière de baux ou de société.
MAZEAUD et CHABAS, Leçons de droit civil, t. 1, 1er vol., n°148.
68
En ce sens,V. F. SAUVAGE, art. préc.
69
En ce sens, V. notamment P. ROUBIER, op. cit., n°82 et s.
70
En ce sens, V.B. BEIGNIER et M. NICOD, « Donations entre époux : d'un droit à l'autre... » ; Defrénois 2005, art.
38104, p. 265 et suiv.
71
M. GRIMALDI, Libéralités . Partages d'ascendants, Litec, 2000, no 1599.
72
J. FLOUR et H. SOULEAU, Les libéralités , Armand Colin, coll. U, 1982, no 446.
67
18
prévisibilité et de sécurité juridique, pourrait être légitimement écarté73. Pour ce contrat, c’est
au contraire l’application immédiate de la loi nouvelle qui apporterait sa stabilisation pour les
parties et pour les tiers74.
On peut aussi relever que la jurisprudence applique de façon générale et immédiate les lois qui
modifient les effets légaux des contrats, lesquels procèdent directement de la loi75, plutôt que
de la volonté des parties76. Il est permis de penser que la révocabilité dépend d’une clause
légale détachable de la loi d’autonomie77.
Il est également admis que le mode d’exercice des droits et obligations découlant d’une
situation contractuelle est régi par la loi du jour de cet exercice78. L’exercice du droit de
révocation après 2005 serait alors régi par la loi en vigueur, donc la loi du 26 mai 2004. Or le
nouvel article 1096 ne permet plus cet exercice. La mise en œuvre de la révocation des
donations de biens présents entre époux ne serait donc plus possible depuis le 1er janvier 2005.
Monsieur Bénabent suit cette idée et propose de se placer au jour de l’acte de révocation pour
choisir la loi applicable, plutôt que celui de la donation79.
L’ensemble de ces arguments permet de contrebalancer celui en faveur de l’application du
principe traditionnel de droit transitoire en matière contractuelle. Le choix devra donc se faire
en considération de l’opportunité80 et nous pensons que celle-ci nous dirige vers une
application immédiate de l’irrévocabilité des donations entre époux de biens présents.
73
V. F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ , Les dispositions transitoires dans la législation civile contemporaine, thèse Lille,
1977, LGDJ, préface M. GOBERT, p.231 : « Il est certainement possible d’appliquer à toutes les lois nouvelles le
nouveau principe selon lequel la loi produit immédiatement effet sur les contrats en cours d’exécution lors de
son entrée en vigueur : la survie de la loi ancienne ayant perdu son fondement et son utilité, il n’y a plus lieu de
conserver une exception au principe d’effet immédiat qui ne se justifie plus, eu égard aux caractères de la
législation moderne ».
74
En ce sens, V.B. BEIGNIER et M. NICOD, « Donations entre époux : d'un droit à l'autre... » ; Defrénois 2005, art.
38104, p. 265 et suiv.
75
ceux visés par l’article 1135 du code civil, c’est à dire les suites que la loi donne à l’obligation d’après sa
nature.
76
V. L. BACH, op. cit. n°524
77
M. GRIMALDI, op. cit., no 1599 : « pour les donations de biens présents, qui dépouillent immédiatement le
donateur, il est permis de penser que leur révocabilité n’est pas un élément déterminant du consentement ».
78
L. BACH, op. cit. n°476 à propos de la mise en demeure.
79
A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p. 34.
80
L BACH, op. cit., n°535: « La solution de la survie de la loi ancienne, (…), ne peut procéder et ne procède
effectivement pour l’interprète, en l’absence d’indication de la part du législateur sur la solution à adopter, que
d’un jugement d’opportunité sur le point de savoir si la sécurité des sujets de droit fondée sur les légitimes
prévisions de ceux-ci, face à l’intérêt général, commande ou non le maintien de la loi ancienne ».
19
C – L’opportunité d’une application immédiate de
l’irrévocabilité ?
L’effet immédiat assure une application rapide de la loi nouvelle qui est en principe
considérée comme meilleure que l’ancienne. La loi nouvelle met fin à la suspicion qui était
portée sur ces donations et confirme la tendance du droit actuel à se montrer favorable à leur
égard. Il permet aussi une unité de législation qui est facteur d’égalité entre les sujets de droit.
Il serait peu logique d’avoir, pour un même couple, des donations révocables et d’autres
irrévocables en fonction de leur date de conclusion. Cela reviendrait à dire que les premières
devraient garder leur régime dérogatoire car elles sont présumées être passées sous la crainte
ou la passion du donateur, alors que les secondes, intervenues quelques temps plus tard, ne
devraient plus bénéficier de cette fragilité, bien que le contexte matrimonial soit toujours le
même. La survie de la libre révocabilité entraînerait une dualité de régime qui pourrait durer
plusieurs dizaines d’années, ce qui n’est pas favorable à la sécurité juridique des parties ou
des tiers acquéreurs.
L’irrévocabilité générale des donations entre époux de biens présents aurait en outre
l’avantage d’annihiler le contentieux lié aux révocations tardives de ces libéralités, après un
divorce, qui remettaient en cause l’équilibre de son règlement patrimonial.
Au contraire, la survie de la loi ancienne risque de complexifier et d’allonger les procédures
de divorce car un nouveau contentieux pourrait apparaître concernant la preuve de la date des
donations non solennelles81.
Nous estimons par conséquent que les donations conclues avant 2005, auxquelles la loi avait
assorti une condition résolutoire, sont stabilisées depuis le 1er janvier 2005 car, après cette
date, la condition ne pourra plus se réaliser. La révocation pourrait peut être alors être
négociée entre les époux au moment du divorce82. Mais le résultat n’est pas certain pour le
donateur83.
81
En ce sens, V. B. BEIGNIER et M. NICOD, art. préc. pour qui la survie des règles de 1804 est aussi déraisonnable
qu’impraticable : « il est probable que toutes ces donations dont la localisation dans le temps restera indécise
seront soumises à la loi nouvelle. On se trouvera, par suite, face à un beau paradoxe : les donations notariées
conclues avant 2005 seront juridiquement plus fragiles, puisque sujettes à révocabilité, que nombre de
donations non notariées réalisées dans la même période. » Par ailleurs l’application de la loi nouvelle simplifie
la question de l’imputation de ces libéralités dans un sens plus favorable au conjoint.
82
Cf. infra Titre 2, Chapitre 1, section 1.
Sur le plan fiscal, la révocation sera constatée judiciairement et ne devrait alors pas donner lieu au paiement de
droit de mutation à titre gratuit (art. 1961 al. 3 CGI).
83
20
La nullité des donations déguisées passées avant le 1er janvier 2005 est-elle alors, encore
justifiée après cette date ?
§ 2 – La nouvelle validité des donations déguisées
Peut-on dire que les donations déguisées qui étaient nulles avant le 1er janvier 2005 sont
devenues valides depuis cette date ? La réponse de principe est négative à cause de la non
rétroactivité de la loi (A). Cependant, des considérations d’opportunité pourraient peut-être
encore conduire à faire une exception à ce principe (B).
A – Le principe de non-rétroactivité
Comme l’affirmait Roubier, la loi en vigueur au moment de la constitution d’une situation
juridique est seule compétente pour en déterminer la validité84. Quand la loi nouvelle est plus
libérale, l’acte antérieur nul doit demeurer nul. Par conséquent, la donation déguisée conclue
avant 2005 était nulle et devrait le rester.
Mais on a fait remarquer que les lois nouvelles procèdent presque toujours à une confirmation
expresse des actes antérieurs nuls85 86. L’auteur en déduit que le caractère systématique de ces
dispositions incite à repenser le problème de la confirmation législative tacite, et se demande
si l’on ne peut pas admettre que le champ d’application de la loi nouvelle s’élargisse aux
actes antérieurs nuls qui deviennent valable par son effet87. Même si la jurisprudence n’a
encore jamais appliqué cette théorie, car contraire à l’article 2 du code civil, des arguments
d’opportunité semblent pourtant militer en sa faveur.
84
P. ROUBIER, op. cit. p.191
En ce sens, V. F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit. p. 171
86
Par exemple, la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a abrogé l'ancien article 1100 du
Code civil qui édictait, pour les donations entre époux, une présomption irréfragable d'interposition de personnes.
Les dispositions transitoires ont prévu une application immédiate aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu
à une décision passée en force de chose jugée.
87
F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, préc. voir aussi l’analogie faite avec la rétroactivité in mitius des sanctions pénales
p.185 et s.
85
21
B – L’opportunité d’une application rétroactive d’une
loi confirmative ?
Tout d’abord, en décidant que les donations déguisées entre époux ne sont plus annulables
depuis le 1er janvier, on ne porte pas atteinte à la sécurité juridique. Au contraire, on la
renforce en évitant les perturbations causées par l’annulation. La menace d’une annulation
laisse le donataire dans l’incertitude et nuit à la sécurité du commerce juridique. D’ailleurs, la
jurisprudence se montre peu favorable à l’annulation des donations déguisées. Elle est très
exigeante dans la qualification de ces donations, notamment dans le domaine des achats pour
autrui. Elle considère souvent que la remise des fonds par un époux ne constituait pas un acte
à titre gratuit, mais une rémunération. Et si l’intention libérale est démontrée, il faut encore
prouver l’existence d’une dissimulation mensongère sur l’origine des fonds88. Il est fort
probable que, compte tenu des nouveaux textes, elle accentue sa réticence à l’accueil des
actions en nullité. Cette réticence serait un moyen de contourner le principe de nonrétroactivité des lois pour aboutir au même résultat de non annulation de la donation.
Ensuite, il semble injuste et absurde d’annuler un acte que les parties pourraient recommencer
le lendemain du jugement89 90. Cela favoriserait le donateur qui ne veut plus respecter son
engagement lors du divorce et surtout après. On retrouve donc les arguments liés à la
diminution des contentieux lors du règlement du divorce et d’après divorce, mais aussi ceux
en faveur d’une unité de législation et donc d’une simplification. La possibilité d’annuler des
donations déguisées encore après 2005 conduirait aussi à des litiges concernant la preuve de la
date de l’acte.
Nous pronostiquons donc une application immédiate de l’irrévocabilité des donations de biens
présents entre époux et de la validité des donations déguisées. Cela nous permet maintenant
d’envisager la combinaison de ce nouveau régime propre aux donations entre époux avec le
nouvel article 265 du code civil qui détermine leur sort en cas de divorce.
88
S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des libéralités entre époux par la loi du 26 mai 2004 », D. 2004, 2512
F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, préc. p.184 : le rôle du juge en paraît dégradé.
90
En ce sens, V. B. BEIGNIER et M. NICOD, art. préc. : L'annulation d'une donation simulée entre époux réalisée
avant le 1er janvier 2005 dépasserait immanquablement son but : le rétablissement de la légalité.
89
22
Section 2 – L’application dans le temps du
nouvel article 265 du code civil
Ce nouvel article règle le sort, en cas de divorce, de l’ensemble des libéralités et avantages
matrimoniaux que les époux ont pu se faire durant leur mariage. Son application dans le temps
est-elle régie par les dispositions transitoires de l’article 33-II de la loi, ou peut-on l’appliquer
immédiatement aux divorces soumis à l’ancienne procédure ? Etudions les deux hypothèses.
§ 1 – 1ère hypothèse : l’article 265 entre dans le cadre
des dispositions transitoires de l’article 33-II
On considère que la loi qui régit le prononcé du divorce règle aussi ses conséquences. Dans ce
cas, le nouvel article 265 ne s’appliquera pas lorsque le divorce continu à être soumis à la loi
ancienne (A). Son application est en effet liée avec l’application de la nouvelle procédure (B).
A – Inapplication de l’article 265 aux procédures
régies par la loi ancienne.
L’ancien système de la loi du 11 juillet 197591 continue à régler le sort des donations entre
époux et des avantages matrimoniaux lorsque cette même loi continue à s’appliquer aux
procédures en cours. Il s’agit des deux exceptions prévues à l’article 33-II a) et b) de la loi du
26 mai 2004. Lorsque la convention temporaire du divorce sur requête conjointe a été
homologuée avant le 1er janvier 2005, les époux décideront eux même du sort des donations et
avantages qu’ils s’étaient consentis92. Et lorsque, dans les autres cas, l’assignation a été
délivrée avant le 1er janvier 2005, le sort de ces libéralités et avantages matrimoniaux
dépendra encore de la répartition des torts.
91
92
Anciens articles 265 à 269 du code civil.
En sachant que l’on considère les donations de bien présents désormais irrévocables.
23
B – Application du nouvel article 265 aux seules
procédures régies par la loi nouvelle.
Il s’agit des procédures en divorce introduites avant le 1er janvier 2005 dont la convention
temporaire n’a pas été homologuée ou l’assignation n’a pas été délivrée à cette date. La survie
de la loi ancienne peut, en outre, être écartée si les époux choisissent de recourir aux
passerelles des articles 247 et 247-1 du code civil, c’est-à-dire les passerelles vers les
nouveaux divorces par consentement mutuel et accepté. Elle est aussi écartée, lorsque malgré
une assignation délivrée avant le 1er janvier 2005, les époux décident de modifier le
fondement de leur demande au profit du nouveau divorce pour altération définitive du lien
conjugal93.
Cette interprétation est celle proposée par la circulaire du garde des sceaux du 23 novembre
200494. Elle entraîne une dualité de régimes pour plusieurs années encore car il est aussi prévu
que l’appel et le pourvoi en cassation sont formés, instruits, et jugés selon les règles
applicables lors du prononcé de la décision de première instance95. Il faudra en tenir compte
pour les liquidations des régimes matrimoniaux car les règles définissant le sort des avantages
matrimoniaux dépendront de la loi qui a régi le prononcé du divorce. Une autre interprétation
est envisageable.
§ 2 – 2e hypothèse : l’article 265 n’entre pas dans le
cadre des dispositions transitoires
En interprétant strictement les exceptions de survie de la loi ancienne, on peut, peut être,
dissocier la loi qui régit le prononcé du divorce de celle qui régira le règlement de ses
conséquences (A). Nous avons vu dans l’introduction que la loi de 1975, n’était pas parvenue
à concentrer les effets du divorce lors de son prononcé, notamment en ce qui concerne le sort
des libéralités et avantages matrimoniaux. La séparation dans le temps du prononcé du
divorce du traitement de ses conséquences pourrait conduire à l’application de la loi nouvelle
93
Ces exceptions à l’exception de la survie de la loi ancienne sont prévues à l’article 33-II b) in fine. Pour une
étude d’ensemble des dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004, V. F. SAUVAGE, « L’application dans le
temps de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce », JCP éd. N 2004, n° 1505, p. 1588 ; Lacoste
(G.) et LARRIBAU-TERNEYRE (V.), « Les dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce », Dr. Fam.
Janvier 2005, p. 8 ; A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p.13 et s. ;
« Dispositions transitoires » in Les nouveaux divorces : AJ famille 2004, p. 232
94
Circ. n° 0420849 C, du 23 nov. 2004 spéc. n°115.
95
Article 33-IV de la loi du 26 mai 2004.
24
lorsque son entrée en vigueur s’est produite entre les deux opérations. L’action en divorce est
soumise à la loi ancienne conformément aux dispositions transitoires, tandis que ses
conséquences relèvent immédiatement de la loi nouvelle (B).
A – La dissociation du prononcé du divorce du
règlement de ses conséquences.
Un auteur a démontré que normalement, les règles réglementant les causes, la procédure et
les effets du divorce s’appliquent à toutes les instances en cours, et à tous les jugements
postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En effet, le jugement de divorce est
constitutif de droit donc la loi qui régit les règles de cette constitution doit s’appliquer
immédiatement à toutes les procédures en cours96. Mais le législateur de 2004, comme celui
de 1975, malgré sa volonté d’appliquer rapidement la loi nouvelle, a préféré prévoir la survie
de la loi ancienne quand la procédure était déjà bien avancée afin d’éviter d’allonger sa durée
et d’aggraver les différends entre les époux.
L’article 33-II pose pourtant le principe que la loi nouvelle « s’appliquera aux procédures en
divorce introduites avant son entrée en vigueur sous les exceptions qui suivent ». Ces
exceptions ne devraient donc concerner que la procédure et non les conséquences du divorce.
Il a prévu dans ces hypothèses que « l’action en divorce est poursuivie et jugée conformément
à la loi ancienne ». Il est possible d’interpréter cette exception de la manière suivante : le juge
doit décider de prononcer le divorce en fonction des anciens cas et en suivant l’ancienne
procédure. Puis, conformément à l’ancien article 264-1 issu de la loi du 23 décembre 1985, en
prononçant le divorce, il ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des
époux. Or, c’est à l’occasion de ces opérations que se met en œuvre le maintien ou la
révocation des avantages matrimoniaux. Si cet ordre intervient après le 1er janvier 2005, le
règlement de ces intérêts patrimoniaux se fera selon les nouvelles règles de l’article 265 du
code civil. Cette interprétation stricte de l’exception de la survie de la loi ancienne permet une
application générale du nouvel article 26597.
96
F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit. p. 133.
Pour une interprétation contraire, V. A. BÉNABENT « Dispositions transitoires » in Les nouveaux divorces : AJ
famille 2004, p. 232.
97
25
B – L’application générale du nouvel article 265
Dans l’hypothèse envisagée, l’ancien système de prise en compte des torts dans la
détermination du sort des donations et avantages matrimoniaux n’est donc plus applicable et
se trouve remplacé par le nouvel article 265 du code civil, dès le 1er janvier 2005. Par
conséquent, dans les divorces sur requête conjointe dont la convention temporaire a été
homologuée avant le 1er janvier 2005, la convention définitive qui interviendra après cette date
pourra tenir compte des nouvelles règles. Pour ces divorces le changement n’est pas
important, car nous verrons que le nouveau système laisse aussi une place importante pour le
règlement conventionnel de ces questions.
Dans les autres cas, lorsque l’assignation a été délivrée avant le 1er janvier 2005, et le
jugement prononcé après cette date, la répartition des torts n’aura plus d’incidence sur le sort
des donations et avantages matrimoniaux. Les liquidations de régimes matrimoniaux qui
interviennent après un jugement postérieur au 1er janvier 2005, quelle que soit la loi qui a régi
la procédure, se feront en considération du nouvel article 265, en maintenant les avantages qui
ont pris effet au cours du mariage et en révoquant ceux qui prennent effet à la dissolution du
régime ou au décès de l’un des époux. Cette interprétation serait conforme à la volonté du
législateur d’appliquer rapidement les nouvelles dispositions98.
Nous pensons donc qu’il est possible d’appliquer dès le 1er janvier 2005 la nouvelle
irrévocabilité des donations de biens présents et la nouvelle validité des donations déguisées
pour celles conclues avant cette date. Ce nouveau régime des libéralités est à combiner avec le
nouvel article 265 qui organise leur sort en cas de divorce, ainsi que celui des avantages
matrimoniaux. Nous pensons que ce dernier pourra également s’appliquer de façon générale
dès le 1er janvier 2005.
Nous pouvons maintenant commencer l’étude des nouvelles conséquences légales du divorce
sur les donations et avantages matrimoniaux.
98
A priori, rien n’empêche d’étendre cette interprétation aux articles 265-1 et 265-2 du code civil.
26
TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES
DU DIVORCE SUR LES LIBERALITES ET
AVANTAGES MATRIMONIAUX.
Bien que les avantages matrimoniaux ne sont point regardés comme des donations99, ce qui
entraîne des conséquences civiles et fiscales différentes, le sort de ces deux types de
dispositions, en cas de divorce, dépend d’un même régime. La réforme de 2004 n’a pas remis
en cause ce principe. Il est fixé dans le même texte : le nouvel article 265 du code civil.
Dans la logique de séparation des causes du divorce de ses conséquences, le législateur a
complètement réorganisé les conséquences du divorce sur les donations et les avantages
matrimoniaux. Tandis qu’auparavant, leur sort variait en fonction du type de divorce et de la
répartition des torts, aujourd’hui les mêmes règles s’appliquent, quel que soit le type de
divorce. Il est donc inutile de choisir telle ou telle procédure pour essayer d’orienter le
résultat. Le maintien ou la révocation de ces dispositions dépend d’un nouveau critère qui est
plus objectif, et qui ne prend pas en compte les motifs du divorce.
Il s’agit d’un critère chronologique : la prise d’effet de la disposition en cause. Si elle a déjà
pris effet au cours du mariage, elle sera maintenue, dans le cas contraire, elle sera révoquée de
plein droit.
L’idée est la suivante : il est des dispositions qui confèrent au conjoint avantagé ou gratifié un
droit acquis sur un ou plusieurs biens. Le divorce ne remet pas en cause ses droits. Il s’agit des
dispositions qui prennent effet au cours du mariage. La neutralité100 du divorce à leur égard
sera étudiée dans le premier chapitre.
D’autres dispositions ne confèrent à ce même conjoint que de simples expectatives. Il s’agit
souvent d’actes de prévoyance qui ne prendront effet qu’après la dissolution du mariage. Le
divorce entraîne, on le verra dans le second chapitre, leur révocation de plein droit.
99
Article 1527 du code civil.
Terme utilisé par F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages
matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce
atteindra-t-elle ses objectifs ? », 2è partie : Dr. famille juill.-août 2004, Étude n° 16, p. 6 ; J. HAUSER et Ph.
DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? »,
Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357.
100
27
Dans ces deux chapitres, l’analyse sera limitée aux donations et avantages qui ont été
consentis par les époux sans avoir envisagé, dans l’acte, l’hypothèse d’un éventuel divorce
postérieur.
28
CHAPITRE 1 – La neutralité du divorce sur les
dispositions ayant pris effet durant le mariage.
L’étude concerne ici le premier alinéa de l’article 265 du code civil qui prévoit que « le
divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du
mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme ». A la lecture de cet
alinéa, deux finalités transparaissent : la simplicité et la sécurité.
Pour les deux types de dispositions visés, l’idée est la même : le conjoint avantagé ou gratifié
a pu en tirer un profit concret durant le mariage. En considérations de ces dispositions, il a pu
s’engager vis à vis des tiers ou accomplir des actes de gestion ou de disposition. Le divorce ne
vient pas perturber la sécurité juridique de ce conjoint car le divorce n’entraîne pas la nullité
du régime matrimonial ou du mariage. Ces avantages ou donations ne doivent donc pas être
remis en cause rétroactivement. Quel que soit le type de divorce, le législateur a décidé qu’ils
ne seront pas révoqués. Ce système objectif, simple, constitue un changement important par
rapport à l’ancien. On remarque, au passage, que le texte n’impose pas le maintien ou la
conservation de ces dispositions. C’est néanmoins à ce résultat qu’il abouti lorsque les époux
ne parviennent pas à régler le problème à l’amiable.
Analysons d’abord les avantages matrimoniaux, puis les donations concernés.
Section 1 – Les avantages matrimoniaux non
révoqués par le divorce.
Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du
mariage. Il s’agit des avantages « qui s’appliquent dès l’entrée en mariage101 », ceux qui ont
participé durant le mariage à la qualification des biens qu’ils visent en biens propres ou
communs, et à la répartition des pouvoirs de gestion sur ces biens. Les tiers ont pu s’y fier
pour déterminer le patrimoine actuel d’un époux. Le divorce ne revient alors pas sur eux.
101
J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire », Dr. & Pat. n°134, février 2005
p. 35
29
Malgré l’absence de définition de l’avantage qui prend effet au cours du mariage102, on devine
que l’article 265 alinéa 1er vise les avantages résultant de la composition du régime
matrimonial et écarte ceux qui proviennent de la liquidation ou du partage du régime. Sont
ainsi concernés les avantages résultant du choix du régime matrimonial (§1) ou d’une clause
du contrat de mariage modifiant la qualification de certains biens particuliers (§2).
§1 – Les avantages résultant du choix du régime
matrimonial
Le code civil paraît supposer, dans son article 1527, que l’avantage matrimonial n’existe que
dans le cadre d’une communauté conventionnelle. Deux types de communautés
conventionnelles sont génératrices d’avantages matrimoniaux au profit d’un conjoint durant le
mariage. Elles ne seront par conséquent pas révoquées au moment du divorce. Il s’agit de la
communauté de meubles et d’acquêts (A) et de la communauté universelle (B). En effet, elles
confèrent à l’époux bénéficiaire, au cours du mariage, des droits sur certains biens, qu’il
n’aurait pas eu en régime de communauté légale.
A – La communauté de meubles et d’acquêts
Ce régime est proposé aux articles 1498 et suivant du code civil. La communauté est élargie,
par rapport au régime légal, de tous les meubles présents, au moment du contrat de mariage,
ou acquis par succession ou par libéralité pendant le mariage, sauf ceux qui ont une nature
propre en raison de leur caractère personnel ou dont le disposant aurait écarté l’entrée en
communauté.
Par exemple, si un époux reçoit des valeurs mobilières provenant d’une succession, elles
tomberont en communauté. Elles seront soumises à la gestion concurrente des deux époux
pendant le mariage. Au moment du divorce, cet héritage restera dans la communauté à
102
V. A. TISSERAND, « Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial », Mélanges J. BEGUIN : Litec
2005, p. 753 qui dénonce la rédaction maladroite du nouvel article 265 : « Le critère ainsi retenu par le
législateur repose sur une conception très particulière de l’avantage matrimonial, qui suscite une certaine
perplexité. (…) un avantage matrimonial ne peut se concrétiser véritablement qu’au moment du partage. (…)
Dès lors, on peine à imaginer quels seront les avantages maintenus à l’occasion du divorce sous prétexte qu’ils
auront pris effet au cours du mariage. Dans ces conditions, la révocation de plein droit deviendra la règle (…)
Pour éviter de vider de tout contenu la catégorie des avantages maintenus à la suite du divorce, on pourrait être
tenté de considérer qu’un avantage matrimonial prend effet dès qu’il devient irrévocable, soit au jour de la
convention matrimoniale des époux, ou bien encore au jour de leur convention modificative. Mais cette date est
pareillement identique pour tous les avantages matrimoniaux, de telle sorte que c’est alors la catégorie des
avantages qui ne prennent effet qu’à la dissolution que l’on ne parvient plus à définir. En réalité, le problème
est inextricable car le critère distinctif adopté par le législateur n’en est pas un. »
30
partager et l’autre conjoint en bénéficiera, même si le divorce est prononcé à ses torts
exclusifs.
Dans le système antérieur, ces valeurs auraient toujours été soumises à la gestion concurrente,
pendant le mariage, mais si le divorce était prononcé aux torts exclusifs de l’autre conjoint, il
en aurait été déchu. Elles auraient été reprises par l’époux innocent (en l’espèce, l’héritier) et
donc exclues de la masse commune à partager.
Si le divorce était prononcé aux torts exclusifs du conjoint héritier, l’époux innocent aurait
conservé l’avantage. Elles auraient alors été maintenues dans la masse commune à partager,
comme dans le système actuel.
En cas de divorce sur requête conjointe, elles auraient pu être maintenues volontairement par
l’époux héritier, par exemple à titre compensatoire.
Le nouveau système apporte une solution unique, quel que soit le type de divorce, ce qui
présente l’avantage de la simplicité. Avantage que l’on apprécie aussi pour ce qui concerne le
régime de la communauté universelle.
B – La communauté universelle
Nous étudierons d’abord l’application de l’article 265 alinéa 1er à ce régime pour en faire une
appréciation critique ensuite.
1 – L’application de l’article 265 alinéa 1 e r à la communauté universelle
Elle est proposée à l’article 1526 du code civil. C’est le régime communautaire le plus large.
Tous les biens présents et à venir des époux, sans tenir compte de leur nature ou de leur
origine, accroissent la masse commune. Corrélativement, l’ensemble des dettes, présentes et
futures des époux, est supporté par la communauté, tant sur le plan de l’obligation que de la
contribution. Elle confère un avantage matrimonial, en cas d’apport inégal, à l’époux qui a
apporté le moins. Chaque époux peut, pendant le mariage, administrer ou disposer,
conjointement ou concurremment, les biens qui en régime légal seraient propres à l’autre.
Pendant le mariage, le droit de gage des créanciers d’un époux s’étend à l’ensemble de la
communauté. On voit donc que cet avantage prend effet au cours du mariage. En cas de
divorce, il sera alors maintenu. La communauté sera partagée par moitié, au détriment de
l’époux qui était au départ le plus fortuné, même si c’est l’autre qui a par exemple demandé le
divorce pour altération définitive du lien conjugal.
31
2 – Appréciation critique.
Cette solution risque de ne pas correspondre à la volonté des époux. Comme l’affirme le
Doyen Cornu, la communauté universelle est « un régime matrimonial à cause de mort »103.
Monsieur Grimaldi explique aussi qu’elle est devenue « un instrument usuel de la
transmission successorale»104. Elle n’est pas adoptée dans l’optique d’un probable divorce.
Dans l’esprit des époux, les avantages matrimoniaux qu’elle confère sont liés au statut
conjugal. Si celui-ci prend fin par un divorce, ils n’ont plus de raison d’être105. Pour obtenir ce
résultat il leur appartiendra d’insérer, dans le contrat de mariage, une clause permettant la
reprise des apports par chaque époux en cas de divorce.
Mais elle a le mérite d’être moins inégalitaire que le système antérieur. La Cour de cassation
avait admis que l' (ancien) article 267, alinéa 1er, du Code civil, étant rédigé en termes
généraux s'appliquait à tous les avantages que l'un des époux peut tirer des clauses d'une
communauté conventionnelle, et notamment de l'adoption, tant au moment du mariage que
postérieurement du régime de la communauté universelle106. Ainsi, l’époux innocent reprenait,
ses apports alors que l’époux coupable les laissait dans la masse commune qui est à partager
suivant les règles du régime légal107. Un problème est apparu lorsqu’un bien qui tombe en
communauté était grevé d’un passif. Dans une affaire récente, l’épouse avait apporté une
maison d’habitation, à charge pour la communauté d’acquitter le solde des emprunts y
afférents. Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du mari. La Cour de cassation a laissé
l’épouse reprendre sa maison sans devoir de récompense à la communauté résultant des
remboursements d’emprunt effectués par elle108. Elle a ainsi effectué une dissociation entre
l’actif et le passif. Le mari fautif a perdu l’avantage que représentait pour lui l’apport de
l’immeuble effectué par son épouse, mais la femme innocente a conservé celui résultant du
103
G. CORNU, Les Régimes matrimoniaux, P.U.F., p. 669.
M. GRIMALDI, « L’avantage matrimonial : remarques d’ordre pratique sur la communauté universelle », JCP
(éd. N) 1999, I, p. 1083.
105
En ce sens, V. N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th.
Limoge 2000, Presses universitaires de Limoges, préface B. VAREILLE, p.445.
106
Cass. 1re civ., 19 oct. 1983 : Juris-Data n° 002150,D. 1984, p. 229, note J. MASSIP ; Cass. 1re civ., 26 janv.
1988 : Juris-Data n° 000369 Bull. civ. I, n° 24.
107
Cass. 1re civ.,28 oct. 2003: AJ famille févr. 2004, p.65, obs. S. DAVID ; RJPF, févr. 2004, p.20
108
Cass. 1re civ., 12 juin 2001, Juris-Data n° 2001-010071 ; Bull. civ. I, n°168 ; D. 2002, 1713, note SÉNÉCHAL ;
Defrénois 2001, p.1516, obs. G. CHAMPENOIS, RJPF 2001-10/20, note F.VAUVILLÉ ; RTD civ. 2001, 863, obs. J.
HAUSER ; ibid. 2002, 134, obs. B. VAREILLE. : « il résulte des dispositions de l’article 267 du Code civil que le
conjoint aux torts duquel le divorce a été prononcé ne peut invoquer à son profit la révocation des avantages
matrimoniaux et que l’autre conjoint conserve ceux qui lui avaient été consentis et qui peuvent résulter
notamment de l’adoption, au moment du mariage, du régime de la communauté universelle ; qu’il ressort des
constatations des juges du fond que le remboursement par la communauté des emprunts ayant servi à
l’acquisition et à la conservation de l’immeuble apporté, ainsi que l’admission au passif de la communauté des
dettes présentes et futures des époux constituaient pour la femme des avantages nés du régime adopté ; qu’il en
résulte qu’en l’absence de preuve par le mari d’actes frauduleux (l’épouse) pouvait conserver ses avantages et
que (le mari) ne pouvait en réclamer la révocation ».
104
32
remboursement des emprunts par la communauté. Par cette dissymétrie résultant du maintien
pour l’un et de la révocation pour l’autre des avantages matrimoniaux, l’époux fautif était
doublement sanctionné. Le nouvel article 265 rétablit la symétrie : l’avantage est maintenu
pour les deux époux. L’irréversibilité de cet avantage apporte une sécurité au conjoint
avantagé qui se répercute sur les tiers.
On retrouve cet effet dans le maintien des avantages résultant d’une clause du contrat de
mariage.
§2 – Les avantages résultant d’une clause du contrat
de mariage.
Ils procèdent traditionnellement d’un aménagement du régime de communauté. Les
aménagements visés ici sont ceux qui modifient la composition de la masse commune. Ils
peuvent soit l’augmenter (A), soit la réduire (B).
Précisons qu’une clause qui attribue un bien propre sans indemnité au patrimoine propre de
l’autre n’est pas un avantage matrimonial mais une libéralité qui sera donc maintenue si le
bien est présent.
A – Les clauses d’apport en communauté
L’apport peut être fait à titre gratuit ou moyennant une contrepartie lors de la liquidation ou le
partage. Des problèmes peuvent alors apparaître pour déterminer l’étendue de l’avantage
maintenu.
1 – L’apport à titre gratuit
La clause d’apport en communauté a pour objet de faire entrer dans la communauté un bien
qui, suivant le régime légal, serait demeuré propre. Elle peut être introduite dans le contrat de
mariage initial ou à l’occasion d’un changement de régime matrimonial. La Cour de cassation
a admis en effet que la modification d’un régime matrimonial pouvait se limiter au
changement de statut d’un seul bien, sans pour autant qu’un changement complet de régime
ne soit nécessaire109.
109
Cass. 1re civ., 21 janvier 1992, Defrénois 35303, obs. G. CHAMPENOIS.
33
L’apport peut concerner un bien présent ou un bien futur. Le mari, par exemple, peut apporter
à la communauté un terrain propre pour y faire construire pendant le mariage une maison. Il
aura alors perdu la gestion exclusive de ce terrain et l’épouse aura un droit de gage vis à vis de
ses créanciers qui comprendra ce terrain lorsqu’elle engagera la communauté. Cet avantage
prend bien effet au cours du mariage. Il sera maintenu lors du divorce.
Il est généralement stipulé à titre gratuit. La communauté restera liquidée selon les règles
légales. Dans ce cas, l’ensemble de l’avantage prend effet au cours du mariage. Son maintien
ne pose pas de problème particulier. La situation est différente lorsque l’apport est stipulé
moyennant contrepartie dans la liquidation ou le partage.
2 – L’apport stipulé moyennant contrepartie dans la liquidation ou le
partage.
L’apport peut en effet être stipulé à charge de récompense. Lors de la liquidation, la
communauté sera redevable d’une récompense égale à la valeur du bien. L’avantage
matrimonial ne résulte alors plus d’un profit chiffrable. Mais il existera encore un avantage.
Dans l’exemple précédent, il résultera pour l’épouse d’un pouvoir de gestion sur le bien
pendant le mariage et d’une chance de se voir attribuer le terrain et la maison en nature au jour
du partage. Sans la clause d’apport, le terrain et la maison auraient été repris dans les propres
du mari.
Un problème apparaît alors. L’apport prend effet pendant le mariage alors que la stipulation
de récompense n’apparaît qu’au moment de la liquidation. En cas de divorce, doit-on dissocier
l’avantage et ne maintenir que l’apport sans les récompenses ? Cela ne semble pas conforme à
la volonté des époux car on transformerait cet apport en un apport à titre gratuit. Or
l’apporteur avait justement prévu une contrepartie. Il serait logique de garder l’unité de
l’avantage et de le maintenir dans son ensemble, apport et récompense. Ainsi, le terrain sera
maintenu dans la masse commune à partager mais la communauté devra la récompense prévue
dans la clause, au mari. La stipulation de récompense peut être considérée comme l’accessoire
de la clause d’apport en communauté. Ce raisonnement est transposable lorsque des apports
en communauté ont pour contrepartie une stipulation de parts inégales dans la liquidation. Le
maintien de la stipulation de récompense ou de parts inégales, étant l’accessoire du maintien
de l’apport, ne serait alors possible que dans la limite maximale de la valeur de l’apport. Audelà il s’agira d’un avantage matrimonial, pour le bénéficiaire des récompenses ou des parts
inégales, qui prendra effet au jour de la liquidation ou du partage et donc révoqué en cas de
divorce.
34
B – Les clauses restrictives de la masse commune
Elles ont pour objet d’exclure certains biens d’une communauté, quel que soit le type de
régime choisi : communauté d’acquêts, communauté de meubles et acquêts, communauté
universelle. Elle peut porter sur un bien présent, par exemple sur l’exclusion d’un fonds de
commerce acquis avant le mariage d’une communauté de meubles et d’acquêts, ou sur un bien
futur comme l’exclusion d’un office ministériel dont l’époux diplômé pourrait devenir
acquéreur durant le mariage. Elle équivaut à une stipulation de propre pour celui qui a acquis
le bien en question avant ou durant le mariage. Elle est maintenue en cas de divorce, donc le
bien, souvent relatif à la profession de l’époux, lui restera propre. Le divorce n’aura ainsi
aucune incidence sur l’exercice de la profession de cet époux.
Mais cette clause est souvent assortie d’une dispense de récompense. On retrouve alors le
même problème que précédemment, à propos des apports en communauté à charge de
récompense. La dispense de récompense devrait tomber en cas de divorce sauf si on la
considère comme l’accessoire de la clause d’exclusion maintenue. Cette dernière solution
semble possible110. Si une disparité apparaissait suite à ce double maintien, elle pourrait être
compensée autrement, notamment par une prestation compensatoire.
Il ressort de cette analyse que le nouveau système simplifie le règlement de ces avantages
matrimoniaux. Il n’est plus besoin d’attendre le prononcé du divorce pour connaître la
répartition des torts et pouvoir en déduire leur sort. Il est désormais connu dès la requête
introductive d’instance et même dès la conclusion du contrat de mariage. Cela permet alors
d’intégrer sans problème la liquidation du régime matrimonial à la procédure de divorce et de
concentrer ainsi le règlement des effets patrimoniaux au moment du prononcé111.
On retrouve cette idée de prévisibilité en ce qui concerne le sort des donations de biens
présents.
Section 2 – Le maintien des donations de biens
présents
Le nouvel article 265 alinéa premier pose un principe clair de non-incidence du divorce sur les
donations de biens présents et ce quel que soit le type de divorce. Ces donations ont pris effet
110
Ce problème sera analysé dans la première section du chapitre suivant.
Sauf peut être la remise en cause de l’avantage ainsi maintenu par une action en retranchement intentée après
le divorce.
111
35
durant le mariage car elles transfèrent immédiatement au donataire la propriété du bien donné.
Elles sont liées au passé du couple que le divorce ne peut remettre en cause112 (§1).
En combinant ce principe avec celui de l’irrévocabilité du nouvel article 1096, le législateur a
posé un système simple et cohérent qui devrait mettre un terme aux controverses concernant le
caractère de ces donations maintenues après le divorce (§2).
§1 –Le principe de non-incidence du divorce sur les
donations de biens présents.
Ce nouveau principe constitue un changement important par rapport au droit antérieur.
Désormais, comme le concubin qui ne peut pas reprendre à l’occasion de la séparation ce qu’il
a donné, l’époux ne peut plus remettre en cause une donation lors de la rupture du mariage.
Mais de nouveaux problèmes de qualification de certaines libéralités risquent d’apparaître. Il
convient donc d’analyser, dans un premier temps, les donations qui sont concernées (A).
Par ailleurs, la prise en compte d’une cause légale de révocation au moment du divorce peut
venir perturber le principe du maintien de ces donations (B).
A –Analyse des donations concernées
Il s’agit de toutes les donations de biens présents, quelle que soit leur forme. Etudions d’abord
celles pour lesquelles la solution est certaine, puis nous verrons celles qui sont susceptibles de
poser quelques problèmes de qualification.
1. Les donations maintenues sans controverses
L’article 265 alinéa 1, en ce qui concerne le sort des donations de biens présents, a une portée
générale. Il ne distingue pas les donations consenties avant le mariage de celles consenties
pendant.
En ce sens, V. Ch. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26
mai 2004 relative au divorce » LPA, 21 juillet 2004 n° 145, p. 10 : « En consacrant la rupture sentimentale et
patrimoniale des époux, le divorce brise certes la perspective d'un avenir commun mais n'efface pas le passé. Or
la donation de biens présents entre époux est essentiellement liée à la vie vécue du couple. L'intention libérale
du donateur a existé et il n'est pas certain qu'elle soit implicitement subordonnée à la durée du mariage. Ces
libéralités ont en outre pu participer à un équilibre matrimonial voulu par les époux, dans leur contrat de
mariage ou en dehors, et qui a vécu pendant le mariage ».
112
36
Ainsi, les donations propter nuptias de biens présents, c’est à dire les donations que les futurs
époux se sont consenties en vue du mariage, sont maintenues, quel que soit le type de divorce.
Pour ces donations, il n’y a pas non plus de distinctions entre celles intégrées dans le contrat
de mariage113 et celles qui sont restées en dehors.
Pour les donations consenties en cours de mariage, le texte s’applique quelle que soit la forme
de ces donations. Il s’agit donc des donations solennelles, des dons manuels de somme
d’argent, par exemple pour acheter un bien au non de l’autre conjoint, des donations indirectes
résultant, par exemple, du paiement de la dette du conjoint dans une intention libérale ou des
donations déguisées, aujourd’hui valables.
Enfin, s’agissant des présents d’usages, très fréquents entre époux, qui sont souvent exclus du
régime des donations114 en faveur de leur maintien au profit du donataire, entrent ici dans le
cadre de l’article 265 puisque ce texte assure leur maintien115.
Ce nouveau système pose des règles claires qui permettent d’éviter tout débat, négociation ou
chantage sur le maintien ou la révocation d’une donation. Combiné avec les nouveaux articles
1096 et 1099 du code civil, il devrait mettre un terme à la jurisprudence relative aux donations
rémunératoires116
117
. De plus, il permet de sécuriser les droits que les tiers se sont vus
consentir par l’époux donataire sur ces biens118.
Néanmoins quelques doutes sont permis à propos de la qualification de certaines libéralités.
2 - Le problème de qualification de certaines libéralités
Deux types de libéralités particulières posent un problème de qualification dont l’enjeu a pris
une dimension supplémentaire avec le nouveau critère de distinction entre les dispositions
maintenues et les dispositions révoquées en cas de divorce. Il s’agit de l’usufruit successif au
profit du conjoint et de la souscription d’une assurance vie par un époux au bénéfice de
113
Ce type de disposition est devenu rare en pratique, les époux préfèrent plutôt y inclure des avantages
matrimoniaux qui sont civilement et fiscalement plus avantageux que les donations.
114
L’article 852 du code civil les dispense du rapport ; la jurisprudence les excluait de la révocation en cas de
divorce : Req. 18 juillet 1933, R.T.D.civ. 1933, 1254, obs. R. SAVATIER ; Cass. 1ère civ., 19 décembre 1979, D.
1981. 449, note C-L FOULON-PLAGNOL.
115
Sauf pour la bague de fiançailles, lorsqu’il est prouvée qu’elle constitue un bijou de famille. Dans ce cas, la
femme doit la restituer au mari : Cass. 1ère civ., 20 juin 1961, D. 1961, 641, note R. SAVATIER ; JCP(éd. G.) 1961,
II, 12352, obs. A. PONSARD.
116
V. cependant J.-L. PUYGAUTHIER, « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du
26 mai 2004 », JCP éd. N 2004, no 45, 1538 (1re partie) et no 46, 1548 (2e partie) spéc. p. 1732, pour qui le
problème ne sera que déplacé, l’époux qui a apporté les deniers pour financer l’acquisition pourra tenter
d’invoquer à l’encontre de son conjoint l’existence d’une créance entre époux.
117
En étant qualifiées judiciairement de donations rémunératoires, ces dispositions n’étaient pas soumises aux
droits de mutation. Reste à savoir si le caractère rémunératoire pourra être attribué volontairement par le
disposant sans être soupçonner de fraude.
118
V. J.-L. PUYGAUTHIER, préc. spec. p. 1678.
37
l’autre. Sont-elles des donations de biens présents, maintenues, ou des donations de biens à
venir, révoquées ?
L’usufruit successif se rencontre assez souvent entre époux. Techniquement, le constituant
aliène la nue propriété d’un bien et se réserve par rétention l’usufruit viager ou temporaire
du bien donné. Concomitamment, il constitue un second usufruit au profit de son conjoint,
dont l’exercice est différé au décès de l’usufruitier en premier119. Concrètement, à l’occasion
d’une donation à leurs enfants, les parents se réservent l’usufruit du bien donné et stipulent
une réversion de l’usufruit au profit du conjoint survivant. La nature juridique de l’usufruit
successif fait l’objet d’une controverse.
D’un côté, certains auteurs y voient une donation de biens à venir120, considérant que la
naissance du second usufruit est soumise à la condition suspensive de la survie de son
bénéficiaire à l’usufruitier actuel. La première Chambre civile de la Cour de cassation a , dans
un premier temps, retenu cette analyse121. Elle a été reprise par la Chambre commerciale122.
Elle conduirait à interdire cette libéralité pour les couples non mariés. Mais dans ce cas, elle
serait révocable et révoquée en cas de divorce.
D’un autre côté, certains y voient une donation de biens présents à terme123. La première
Chambre civile de la Cour de cassation a tranché en ce sens, opérant ainsi un revirement de
jurisprudence124. Elle considère en effet que le droit d’usufruit du bénéficiaire lui est acquis
dès le jour de l’acte et que seul l’exercice de ce droit s’en trouve différé au décès du donateur.
Cette jurisprudence semble avoir été confirmée depuis125. Dans ces conditions, cette libéralité
doit être considérée comme irrévocable et maintenue en cas de divorce. Ce qui peut poser un
problème en cas de vente ultérieure du bien donné. Il faudra faire intervenir le bénéficiaire de
la réversion sans que son auteur puisse la révoquer pour passer outre son refus126.
119
M. IWANESKO, « Le danger des donations de biens présents entre époux », B.PAT. 2004 n°5 p.3 et s.
V. F.ZENATI, « Propriété et droits réels », RTD civ. Oct.-déc. 1998.
121
Cass. 1ère civ. 20 avril 1983 : Juris-Data n° 1983-700954 ; Bull. civ. 1983, I, n°124 ;JCP (éd. N.) 1984, II p.
116 note Ph. RÉMY, RTD civ. 1984 p. 349 obs. J. PATARIN, Defrénois 1985 art. 33609 note M. GRIMALDI.
122
Cass. com. 2 décembre 1997 : Bull. civ. IV n°318, RJF 3/1998 n°335, Defrénois 1998 art. 36782 p. 477 obs.
CHAPERT, D. 1998 p.963 note TIXIER.
123
M GRIMALDI, Defrénois 1985 art. 33609 note précitée ; « Les donations à terme », Le droit privé français à la fin
du XXè siècle, Etudes offertes à Pierre CATALA, Litec 2001 p. 341.
124
Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997 : Juris-data n°1997-004159 ; Bull. civ. I n° 291, JCP (éd. G) 1999, I, 132, obs.
R. Le GUIDEC ; JCP (éd. N) 1998 p. 397 note I. HAREL-DUTIROU ; RTD civ. 1998 p. 721, obs. J. PATARIN ; RTD civ.
1998, p. 937, obs. F. ZÉNATI.
125
Cass. 3ème civ., 6 novembre 2002 : Juris-Data n°2002-016238 ; Bull. civ. 2002, III, n°220 ; JCP (éd. N) 2003,
n°29, 1448, obs. M. DAGOT ; AJF 2003, p32, obs. S.D.B. ; Defrénois 2003, art 37752, obs. S. PIEDELIÈVRE.
120
126
M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit & Patrimoine
mars 2005, n°135 p. 32
38
La désignation du conjoint en tant que bénéficiaire d’une assurance vie est-elle maintenue en
cas de divorce ? La majorité de la doctrine qualifie le contrat d’assurance vie, lorsqu’il est
dépourvu de contrepartie, de libéralité127
128
. Mais c’est une libéralité particulière car elle est
soustraite, par la loi, aux principales règles de fond du droit des libéralités129 130. Il s’agit d’une
donation indirecte de biens présents, le souscripteur se dépouillant immédiatement131. La
jurisprudence retient également cette qualification132. Le droit des assurances est alors à
concilier avec le droit des libéralités entre époux. Ainsi, l’assurance vie entre dans le cadre du
nouvel article 265 en cas de divorce133. Deux hypothèses sont, cependant, à exclure du champ
d’application de ce dernier texte.
D’une part, lorsque le conjoint bénéficiaire de l’assurance n’a pas encore accepté au moment
du divorce, les règles de la stipulation pour autrui, reprises par le code des assurances,
devraient pouvoir s’appliquer sans problème134. L’article L. 132-9 prévoit en effet que la
stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire
déterminé devient irrévocable par l’acceptation expresse ou tacite du bénéficiaire. Mais tant
127
M. PICARD et A. BESSON, Les assurances terrestres, L.G.D.J., t. I, n°524 et s. : « en dehors des solutions légales
expresses, l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie constitue, dans les rapport entre le
stipulant et le bénéficiaire, une libéralité soumise comme telle au droit commun »
128
N. JACOB, Les assurances terrestre, 2è éd., 1974, n°385 ; Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, n°690 ; J.
FLOUR et J.-L. AUBERT, Les obligations, vol. 1, L’acte juridique, n°480 ; F. LUCET, Des rapports entre régime
matrimonial et libéralités entre époux, thèse, Paris-II, 1987, n°156 et s. ; Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les
successions. Les libéralités., n°417 ; F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Régimes matrimoniaux, n°323 ; H. Le Roy, L'
assurance et le droit pécuniaire de la famille, L.G.D.J., 1985, pp. 51 et s., nos 48 et s.
129
à savoir la réduction et le rapport : article L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances.
130
Même s’il s’agit d’un contrat de capitalisation: Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004 (4 arrêts) , Juris-Data n°2004-
025781, Juris-Data n°2004-025782, Juris-Data n°2004-025783 Juris-Data n°2004-025784; J. GHESTIN, « La Cour
de cassation s’est prononcée contre la requalification des contrats d’assurance vie en contrat de capitalisation »,
JCP G 2005, I, 111 ; Ph. GROSJEAN, « Les nouvelles frontières de l'assurance vie » , JCP N 2005, n° 1-2, 1003 ;
Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, « Assurance vie et chambre mixte : alea jacta est », RJPF,2005 n°2 ; A. BÉNABENT,
« Contrats de capitalisation : la vision de la Cour de cassation », Revue des Contrats, 01 avril 2005 n° 2, p. 297 ;
Revue Générale du Droit des Assurances, 01 janvier 2005 n° 2005-1, p. 110 note L. MAYAUX ; Defrénois, 15 avril
2005 n° 7, p. 607, note J.-L.AUBERT ; F. BERTOUT, « Les arrêts de la Cour de cassation de novembre 2004 sur la
qualification des contrats d'assurance », RD bancaire et fin. janv.-févr. 2005, p. 36.
131
V. A. DEPONDT, « Pot-pourri sur l’actualité civile et fiscale des donations », in dossier « Transmission de
patrimoine », Dr. & Pat. n°129, sept. 2004, p. 63 qui distingue selon que le bénéficiaire a accepté ou non : si le
bénéficiaire a accepté, la stipulation pour autrui devient irrévocable, et on est en présence d’une libéralité entre
vifs ; en revanche, tant qu’il n’y a pas eu acceptation, il s’agit d’une libéralité à cause de mort.
132
V. par exemple, Cass. 1ère civ., 10 décembre 1969, Bull. civ. I, n° 386 : Nîmes, 20 décembre 1978, R.G.A.T.
1979, 355 : « L’assurance sur la vie contractée par l’épouse au profit de son conjoint a le caractère de libéralité,
même si les primes ont été payées avec des fonds communs, car le capital attribué l’est en vertu d’un droit
personnel au bénéficiaire ».
133
ou l’article 265-1 dont le régime est identique.
134
article 1121 du code civil in fine a contrario : celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer, si le
tiers a déclaré vouloir en profiter.
39
que l’acceptation n’a point eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation appartient au
stipulant. Le conjoint souscripteur peut donc, dans cette hypothèse, révoquer l’attribution du
bénéfice à son conjoint, au moment du divorce. On comprend ici l’avantage de la désignation
du bénéficiaire par testament car pour être sûr que le bénéficiaire n’ait pas accepté par
surprise, le meilleur moyen est de garder le secret135.
D’autre part, lorsque le conjoint souscripteur a désigné pour bénéficiaire son conjoint en cette
qualité, l’article L.132-8 du code des assurances devrait trouver à s’appliquer. Il prévoit que
l’assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de
l’exigibilité. Ainsi, le contrat non dénoué au jour du divorce sera maintenu mais ne profitera
plus au conjoint divorcé. L’attribution bénéficiaire est donc révoquée à son égard par le
divorce. Elle se reportera sur le nouveau conjoint du souscripteur s’il se trouve remarié au jour
du dénouement du contrat.
Dans ces deux situations, ou le divorce peut entraîner la révocation de l’attribution
bénéficiaire au conjoint, par la volonté du souscripteur ou par application de l’article L. 132-8
du code des assurances, la prise en compte des sommes versées au moyen de deniers
communs devrait avoir lieu au moment de la liquidation de la communauté136.
Le maintien du bénéfice de l’assurance vie au profit du conjoint risque de se rencontrer dans
la seule hypothèse où le souscripteur a nommément désigné son conjoint, lequel a accepté le
bénéfice avant le divorce. Avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, cette situation
ne posait pas de problème grâce à l’ancienne révocabilité ad nutum. En effet, la doctrine137 et
la jurisprudence138 admettaient que l’article 1096 (ancien) du code civil était applicable à
135
L’avantage de ce mode de désignation est qu’en cas de divorce, elle est révoquée de plein droit (cf. infra.
Chapitre 2 section 2) mais l’inconvénient est que l’assureur peut rester dans l’ignorance du testament et de la
désignation qu’il comporte quand il n’y a pas eu de divorce.
136
Si le contrat comporte une valeur de rachat, celle-ci est à porter à l’actif commun à partager, en application de
la jurisprudence Praslika : Cass. 1re civ., 31 mars 1992, Bull. civ. I, n° 95 ; Defrénois 1992, art. 35349, p. 1159,
obs. CHAMPENOIS ; R.G.A.T. 1993.136 et s., note AUBERT et KULLMANN ; J.C.P. 1993. éd. G.II.22059, note AUBRY ;
et sur renvoi, Versailles (Aud. Solennelle), 21 juin 1993 : R.G.A.T. 1994.202 et s., note MAURY ; J.C.P.N. 1993,
Prat. p. 679, obs. LUCET ; Rev. Not. Assurance-vie 1993, n° 97, p. 42.
Si le contrat ne comporte pas de valeur de rachat, une récompense est due à la communauté à hauteur des primes
payées au moyen de deniers communs, en application de la jurisprudence Daignan : Cass. 1re civ., 10 juill. 1996,
Bull. civ. I, n° 309; Defrénois 1997, art. 36640, p. 1480, n° 126, obs. G. CHAMPENOIS, JCP éd. N 1997, p. 1321,
n° 15, obs. A. TISSERAND, D. 1998, jur., p. 26, obs. F. SAUVAGE.
137
V.M. PICARD et A. BESSON, Les assurances terrestres en droit français, p.764 et s. ; L. MAYAUX, « Les relations
entre le droit des assurances et le droit de la famille : questions d'actualité », R.G.A.T. 1994.435 ; G.-L.
BEAUQUIER, « Contrat d' assurance - vie entre époux. Changement de bénéficiaire. Dévolution de bénéfice de l'
assurance - vie en cas de divorce », R.G.A.T. 1982.585 ; F. SAUVAGE, « L' assurance - vie et le patrimoine de la
famille », R.G.D.A. 1997.40, n° 71 ; A. FAVRE ROCHEX et G. COURTIEU, Le droit du contrat d' assurance terrestre,
L.G.D.J., 1998, p. 421, n° 3-79. Contra v. Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, Dalloz, p. 803, n° 963 ; 84è
congrès des notaires de France, La Baule, 1988, p.77, n°88.
138
Par exemple, V Nîmes 20 décembre 1978, R.G.A.T. 1979.355 ; G.-L. BEAUQUIER, art. préc., p. 584 : qui a jugé
que l'article 1096 du Code civil prévalait sur les dispositions de l'article L. 132-9 du Code des assurances et qu'«
40
l’assurance vie souscrite par un époux au profit de son conjoint, sans que l’acceptation par le
bénéficiaire de la stipulation ne puisse y faire obstacle. Désormais, l’attribution bénéficiaire
qui est acceptée ne pourra plus être révoquée. Et en cas de divorce, le bénéfice est maintenu à
ce conjoint nommément désigné qui a accepté. Le souscripteur se retrouve alors « pieds et
poings liés »139. L’admission d’un droit de rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire paraît
opportune dans cette hypothèse. La doctrine réclame, en ce sens, une intervention du
législateur pour permettre ce type de rachat140 141. Mais dans ces conditions, la qualification de
libéralité pourrait difficilement être encore soutenue, car le souscripteur ne se dépouillerait pas
irrévocablement. La doctrine et la jurisprudence contestent d’ailleurs parfois cette
qualification libérale, en y voyant plutôt un acte de prévoyance. Ce point sera étudié dans le
chapitre suivant qui est consacré à la révocation des actes de prévoyance.
Toutes ces donations de biens présents sont donc maintenues en cas de divorce, sans avoir à
distinguer selon le type de divorce ou selon la répartition des torts. En cela, cette nouvelle
solution est plus simple que la précédente. Mais l’époux donateur, qui souhaite récupérer les
biens qu’il a donnés peut être tenté d’invoquer une des causes légales de révocation des
libéralités, au moment du divorce.
B – L’incidence des causes légales de révocation
Ces causes légales peuvent bien sûr être invoquées durant le mariage. Mais c’est surtout à
l’occasion du divorce et même après que le contentieux risque d’apparaître.
en conséquence, et bien que le bénéfice de l' assurance faite par l'épouse au profit de son mari ait été accepté
par celui-ci, l'épouse est en droit de révoquer cette désignation et d'y substituer une autre désignation » ; Cass.
ass. plén., 12 décembre 1986, Pelletier, JCP (éd. G) 1987, II, 20760, concl. CABANNES, note BOYER; D. 1987, p.
269, note J . GHESTIN. : ou les juges ont admis qu’indépendamment du fait de savoir si la désignation opérée au
profit de l’épouse avait été ou non acceptée, cette désignation devait être considérée comme tombant sous le
coup de l’article 1096 du code civil.
139
M. IWANESKO art. préc.
V. par exemple KULLMANN, « Pour le maintien du droit au rachat en dépit de l’acceptation du bénéficiaire », in
Mélanges GAVALDA, Dalloz, 2001, p.199 ; 96e Congrès des notaires de France, Le patrimoine au XXIe siècle, 28
et 31 mai 2000, Paris, 2000 : proposant un second alinéa à l’article L. 132-9 du Code des assurances.
L’acceptation par le bénéficiaire n’a pas pour effet de priver le souscripteur de sa faculté de rachat, sauf
renonciation expresse de ce dernier portée à la connaissance de l’assureur.
141
Récemment, la Cour d’appel de Rennes a admis cette faculté, CA Rennes, 1er ch. B, 4 mars 2004,
n° 02/05248, Dr & Pat. n°135, 03-2005 note M. LEROY.
140
41
1 - La prise en compte des causes légales de révocation au moment du
divorce
Selon l’article 1096 alinéa 2 du code civil, la donation de biens présents faite entre époux ne
sera révocable que pour cause d’inexécution des charges, en application des articles 953 et
954 du Code civil et pour ingratitude du donataire, en application des articles 955 à 958. Cette
règle est importante compte tenu de la nouvelle irrévocabilité de ces donations.
La révocation pour cause d'ingratitude permet de couvrir pratiquement tous les cas dans
lesquels le maintien de la donation serait choquant en raison du comportement du donataire142.
Elle atténue ainsi la rigueur du principe de non-incidencee du divorce.
Le donateur, au moment du divorce, pourra notamment invoquer des manquements aux
devoirs conjugaux : violation des devoirs de fidélité143 ou de cohabitation144. Dans une
conception large de la notion d’ingratitude, les manquements aux devoirs de secours et
assistance pourraient aussi être invoqués145. Cette perspective risque d’encourager les divorces
pour fautes que le législateur souhaite pourtant voir diminuer146. Cependant, comme il a été
relevé, les juges ont tendance à minorer la gravité des fautes commises pendant l’instance et
pour les délits antérieurs à la procédure de divorce, l’article 957 du code civil limite la
demande en révocation pour cause d’ingratitude à un délai d’un an, à compter du jour du délit
imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le
donateur147. Cette résurgence de l’idée de sanction ne provient pas du droit du divorce mais du
droit des libéralités.
Lorsqu’elle est demandée au moment du divorce, la révocation de la donation pourra être
prise en compte dans le règlement pécuniaire du divorce. Mais encore faut-il que le juge aux
affaires familiales se voit reconnaître la compétence pour recevoir cette action. Sinon, le
contentieux risque de durer après le prononcé du divorce, et alors, l’équilibre trouvé dans son
règlement sera perturbé. Un auteur préconisait d’ailleurs, afin d’éviter tout contentieux
142
C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative
au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 10.
143
La jurisprudence admet que les injures graves peuvent être constituées par toute atteinte offensante pour le
donateur, comme l’adultère : Cass. civ., 16 février 1874, D.P. 1874. 1. 197 ; Cass. req. , 19 octobre 1927, S.
1927. 1. 382 ; Cass. civ. 1re, 19 mars 1985, J. Not. 1985, article 58256, no 6, note E.-S. de La MARNIERRE ;
Defrénois 1986, article 33676, note A. BRETON ; R.T.D. Civ. 1986. 626, obs. J. PATARIN.
144
Cass., req., 22 mars 1869, DP 1870, 1, 292.
145
En ce sens, V.C. RIEUBERNET, art. préc.
146
En ce sens, V. P.-J. CLAUX, « Le rôle du notaire » in « les nouveaux divorces », AJ Famille, n°6/2004, p.227.
147
C. BRENNER, « Brèves observations sur la révocation des donations entre époux après la loi du 26 mai 2004 »,
Defrénois 2005, art. 38084, p. 93 et suiv. pour qui, les possibilités de révocation pour cause d’ingratitude, sans
être inconcevables devraient rester très limitées.
42
d’après divorce, de déclarer irrecevable l’action en révocation postérieurement au divorce148.
Cette proposition n’a pas été retenue.
2 – Les demandes en révocation après le divorce
Aucun texte ne leur fait obstacle. Il n’est pas choquant que le conjoint donataire, comme tout
donataire, soit sanctionné en cas d’ingratitude ou d’inexécution des charges, même après le
divorce. L’équilibre du règlement du divorce risque, certes, d’être remis en cause, mais ce sera
au détriment de ce dernier. Reste à savoir si les juges admettront la révocation lorsque le
conjoint donataire a demandé et obtenu le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
ou lorsque le conjoint donateur a obtenu le divorce aux torts exclusifs du conjoint donataire.
Cette admission ne serait pas opportune.
Un problème n’a pas été résolu par la loi de 2004. Le nouvel alinéa 3 de l’article 1096 du code
civil, prévoit toujours que la révocation pour survenance d’enfants au donateur ne s’applique
pas aux donations entre époux, qu’elles soient de biens présents ou de biens à venir. Cette
règle vaut lorsque l’enfant est commun au donateur et au donataire car il retrouvera,
normalement, le bien dans la succession du donataire.
La solution est incertaine si l’enfant n’est pas commun au donateur et au donataire. Cette
hypothèse est bien sûr fréquente après le divorce du donateur et du donataire. La Cour de
cassation a autrefois exclu la révocation aux motifs que la loi n’avait pas distingué entre ces
deux hypothèses149. Mais plus récemment, la cour d’appel de Paris a déclaré que « l’exception
est inapplicable et la révocation de droit si l’enfant né après la donation n’est pas issu du
mariage de l’époux donateur avec le donataire ; qu’en effet, dans ce dernier cas, l’enfant est
dépourvu de vocation héréditaire à l’égard du donataire et la donation le dépouille de tout
droit sur les biens donnés »150. Si cette solution venait à se confirmer, le maintien de la
donation qui a pu servir de base au règlement du divorce, sera remis en question a posteriori,
situation que le législateur avait voulu éviter.
Il a en effet voulu donner un caractère irrévocable à ces donations maintenues.
148
C. RIEUBERNET, Les donations entre époux, étude critique, Defrénois, Coll. Doctorat et notariat, T. 3, 2003.
p.54
149
Cass. civ. 11 mai 1857, D.P. 1857, I, 215.
150
Paris, 23 juin 1986, JCP (éd. G) 1987, II, 20785, obs. J.-F. MONTREDON.
43
§ 2 – Le caractère des donations maintenues
L’ancien système des articles 267 à 269 du code civil posait des difficultés d’interprétation,
lorsqu’il était combiné avec l’ancien article 1096. En effet, la question de savoir si les
donations maintenues au moment du divorce étaient encore révocables postérieurement,
suscitait de nombreuses controverses et une insécurité juridique pour le donataire (A).
La nouvelle irrévocabilité des donations de biens présents devrait mettre un terme à ces
problèmes et clarifier la situation du donataire (B).
A – Les controverses et l’insécurité du système antérieur
Le problème ne concernait que les donations maintenues151. Celles-ci pouvaient l’être soit par
l’effet de la loi, soit par la volonté des époux.
1 – Les donations maintenues par l’effet de la loi
Au cas de divorce pour faute ou pour rupture de la vie commune, l’époux innocent conservait
les donations que son conjoint lui avait consenties152. L’utilisation du verbe « conserver »
empêchait-elle ou non le donateur de faire valoir son droit de révocation après le divorce ? La
question a été discutée153 et la Cour de cassation a tranché, en estimant qu’il résultait de la
combinaison des articles 1096 et 267 du code civil, que si l’époux innocent conservait, en
principe, les donations qui lui ont été faites, c’était avec les caractères qu’elles présentaient, de
sorte que celles qui lui ont été faites pendant le mariage restaient révocables154. La sanction
recherchée de l’époux (donateur) coupable était par conséquent inefficace.
Cette solution laissait le donataire dans l’incertitude et entraînait des injustices lorsque la
révocation intervenait après que le juge ait statué sur la prestation compensatoire155.
151
Sauf les donations par contrat de mariage qui sont irrévocables.
Ancien article 267 et 269 du code civil.
153
V. par exemple A. DEPONDT, « Le sort des libéralités maintenues en après le divorce », Defrénois 1986, art.
33778 ; C. SAUJOT, « Les articles 267 à 269 du code civil : une apparente simplicité », Defrénois 1989, art. 34566.
152
154
Cass. civ. 1re, 4 février 1992, Bull. civ. I, no 40 ; R.T.D. Civ. 1992, 371, obs. J. Hauser et D. HUET-WEILLER ;
J.C.P. 1992. I. 3604, n o 5, chron. F.-X. TESTU ; J.C.P. éd. N. 1993. II. 45, note J. HERAIL.
155
On a pu parler de « bombe à retardement » : BÉNABENT (A.), « Assainir l’après divorce », Mélanges HUETWEILLER (D.), Presse universitaire de Strasbourg, L.G.D.J., 1994, p. 23.
44
2 – Les donations maintenues par la volonté des époux
Certaines l’étaient expressément, d’autres implicitement. En cas de divorce sur demande
conjointe, si la donation était expressément maintenue ou si l'attitude du donateur manifestait
sans équivoque son intention de la maintenir, la plupart des auteurs estimaient qu'elle devenait
irrévocable. La solution retenue était la même en cas de divorce aux torts partagés ou sur
demande acceptée, si le donateur manifestait sans équivoque son intention de maintenir la
donation156. Mais la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur ce point.
La controverse était plus marquée pour les donations consenties pendant le mariage lesquelles
étaient réputées maintenues du fait du silence des époux157. La Cour de cassation semblait
admettre qu'elles étaient maintenues avec leur caractère révocable158. Comme l’a fait
remarquer un auteur, cette solution était inopportune car elle constituait un piège redoutable
pour le conjoint donataire qui a cru pouvoir compter sur le maintien de la donation et se
trouvait désarmé lorsque le donateur, après le règlement des intérêts pécuniaires du divorce,
révoquait la donation159.
Dans l’ensemble, une grande incertitude planait autour de ces donations maintenues.
L’admission, dans certains cas, de leur révocabilité après le divorce était contraire au principe
du règlement global et concentré des effets du divorce et facilitait les fraudes. Le législateur
de 2004 a mis fin à toute discussion et a clarifié la situation du donataire.
B – La clarification apportée par le nouveau système
Le nouveau système apporte, dans l’ensemble, de nombreuses améliorations, principalement
en faveur du donataire. Ce constat peut cependant être nuancé.
156
V. en ce sens, M. GRIMALDI, Libéralités. Partages d'ascendants, Litec, 2000, no 1597, p.447 et 448 : « d’une
part, une volonté de la maintenir qui est formellement exprimée doit être comprise comme contenant une
renonciation, désormais permise, à la faculté de la révoquer ; d’autre part, une révocation ultérieure pourrait
modifier gravement les données économiques sur les bases desquelles les suites pécuniaires du divorce ont été
irrévocablement arrêtées ». ; J.MASSIP, La réforme du divorce, T. 1, Defrénois, 2è éd. 1986, n° 171 ; A. SERIAUX,
Les succession, les libéralités, P.U.F., 2è éd. 1993, n° 99 ; contra. V. J.-M. BEZ, « La réforme du divorce et la
pratique notariale », JCP (éd. N), 1976, 2787.
157
V. M. GRIMALDI, préc. n°1597, notamment note 239.
158
Cass. civ. 1re, 16 juin 1993, Bull. civ. I, no 218, Defrénois 1993, article 35663, no 120, note J. MASSIP ; R.T.D.
Civ. 1994, 88, obs. J. HAUSER. Adde Lyon, 18 mars 1999, Dr. famille 2000, no 5, note H. LÉCUYER.
159
C. RIEUBERNET, op.cit. p.40, n°47.
45
1 – Les améliorations
La logique est la même : les donations maintenues après le divorce conservent leur caractère,
mais le résultat est différent car ces donations sont désormais irrévocables. La combinaison
des nouveaux articles 265 et 1096 sur ce point est cohérente. Comme le fait remarquer un
auteur, la conservation par le donataire, en cas de divorce, des donations de biens présents que
son conjoint lui a consenties en cours du mariage serait stérilisée, si ces donations pouvaient
être, ultérieurement, librement révoquées par le donateur160. Comme les autres donations de
biens présents, celle qui est faite entre époux sont irrévocables, même s’il y a divorce. Le sort
de ces libéralités, au moment du divorce, est donc certain et définitif161. La transparence et
l'équité des règlements pécuniaires entre ex-époux se trouvent ainsi améliorées, car il n’y aura
plus de révocation a posteriori. La suppression de la nullité des donations déguisées contribue
également à cette amélioration. Cette solution participe de la volonté du législateur de
concentrer tous les effets du divorce au moment de son prononcé.
Elle présente l’avantage d’être d’une grande simplicité et d’assurer une prévisibilité qui
permet de prendre en compte une base plus stable pour la fixation de la prestation
compensatoire. Deux nuances sont à préciser.
2 – Les nuances
Tout d’abord, dans son objectif de pacification, le législateur a complètement dissocié le sort
des donations de la cause du divorce. Désormais, même l’époux auteur de violences
conjugales peut conserver les donations de biens présents que le conjoint (victime) lui avait
consenties162. Cela pourrait envenimer le confit. Cette dissociation se fait au détriment du
donateur dont on peut penser qu’il n’aurait jamais été aussi généreux s’il avait su qu’un jour
son mariage serait dissous par un divorce. Certains auteurs critiquent ainsi cette neutralité163.
Cependant, lorsqu’une injustice résulte du maintien d'une libéralité, elle pourra être
160
F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux »,
Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 n° 12.
161
Ne restera que la révocation de droit commun pour inexécution des charges ou pour ingratitude du donataire
dans les cas les plus graves.
162
Sauf si celui ci intente une action en révocation pour ingratitude.
163
V. notamment C. BRENNER, art. préc. n°4 : « Il y a fort à parier que ces solutions ne satisferont pas les époux.
Manifestement, il a été perdu de vue (ou délibérément occulté) que les donations qu'ils se font - et pas seulement
les donations à cause de mort - reposent sur une intention libérale à laquelle se mêle étroitement l'affection
conjugale ; qu'ainsi, il entre naturellement dans leur logique de ne pas survivre au mariage » ; H. LÉCUYER,
« Libéralités et chausse-trappes de la loi », Revue Lamy Droit Civil, 2005, n°13 Supplément ; J.VASSAUX, «Les
incidences de la réforme sur le rôle du notaire », Dr & Pat. n°134 fév. 2005 p. 26 et s.
46
compensée notamment par une prestation compensatoire, et ce d’autant plus facilement, que
cette injustice apparaîtra au moment divorce.
L’ancien système entraînait, lui aussi, des injustices, mais souvent après le divorce, quand il
n’était plus possible de les réparer. En outre, nous verrons que si le donateur souhaite
récupérer le bien qu’il a donné, il pourra, peut être prévoir une clause à cet effet dans le
contrat de donation164.
Ensuite, si les donations maintenues conservent leur caractère, elles restent réductibles pour
atteinte à la réserve du donateur. L’action en réduction qui interviendra après le divorce, aura
le même effet que les révocations a posteriori. Elle pourrait ainsi compromettre le règlement
du divorce. Cependant, compte tenu de leur nouvelle irrévocabilité, ces donations seront
désormais traitées comme les donations faites à un tiers. Elles seront imputées avant les
donations postérieures sur le disponible, et réduites après les donations postérieures si la
réserve a été touchée165. Ce qui diminue un peu le risque pour le donataire.
La neutralité du divorce sur les dispositions qui ont pris effet durant le mariage constitue un
changement important par rapport au droit antérieur. Le législateur a organisé des solutions
claires et définitives qui rendent inutiles toute revendication au moment du divorce. La
révocation ne peut pas être demandée au juge au moment du divorce. Cela devrait limiter le
contentieux et pacifier les procédures.
Elles sont respectueuses des droits acquis par le conjoint avantagé ou gratifié, ce qui préserve
ainsi sa sécurité, avant, mais aussi et surtout, après le divorce. La sécurité des tiers se trouve
par conséquent renforcée.
Le divorce ne remet donc pas en cause ce qui a servi au passé du couple. Il efface cependant
les dispositions qui ont été faites en prévision de l’avenir.
164
Cf. infra, Titre 2, Chapitre 1, section 1.
Lorsque ces donations étaient révocables, on admettait qu’elle pouvaient être réduites avant les donations
postérieures, en considérant que le donateur les avait tacitement révoquées.
165
47
CHAPITRE 2 – La révocation des dispositions
de prévoyance
Il est maintenant question de l'article 265, alinéa second du Code civil qui dispose que « le
divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet
qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à
cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant
l'union, (…) ». Les dispositions visées par ce texte sont des dispositions qui ont certes été
consenties durant le mariage mais dont l’effet est différé à la dissolution du régime. Il s’agit
d’actes de prévoyance quant au sort du conjoint survivant. Ils ont été voulus à un moment où
l’entente régnait dans le couple pour augmenter la vocation successorale de ce conjoint. Ce
dernier n’a ici qu’une simple expectative. Le besoin de sécurité juridique se ressent moins. On
peut penser que la volonté du disposant est liée au maintien du statut matrimonial et qu’en cas
de divorce il souhaite revenir sur ces dispositions. C’est cette logique que semble avoir suivi
le législateur en prévoyant leur révocation de plein droit.
Reste à analyser quels sont les avantages matrimoniaux (Section1) et les libéralités concernées
(Section 2).
Section 1 – Les avantages matrimoniaux révoqués
Traditionnellement, l’avantage matrimonial résulte d’un profit chiffrable en faveur d’un
conjoint qui est retiré des clauses d’un contrat de mariage. L’avantage révocable en cas de
divorce est alors le même que l’avantage retranchable. Celui ci entre sans problème dans le
cadre de l’article 265 alinéa 2. (§1).
Mais certains auteurs estimaient, avant la réforme, que la notion d’avantage matrimonial est
différente lorsqu’il est question de retranchement ou lorsqu’il s’agit de révocation en cas de
divorce. Dans ce dernier cas, elle est alors plus large. Nous verrons si l’extension de cette
notion est encore utile aujourd’hui (§2).
48
§1 – Les avantages matrimoniaux traditionnels
Au départ, le projet de réforme du divorce prévoyait que le divorce n’aurait plus d’incidence
sur les avantages qui ne sont pas subordonnés au prédécès d’un époux, tandis que toutes
dispositions à cause de mort, y compris les avantages matrimoniaux, seraient révoquées de
plein droit lors du divorce, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consenties166. Ce
principe a été maintenu (B).
La commission des lois du Sénat a ensuite proposé un « amendement de clarification » afin de
préciser que les avantages matrimoniaux appelés à jouer en cas de dissolution du régime
matrimonial du vivant des époux sont aussi perdus de plein droit dans la mesure où ils n’ont
pas commencé à produire effet167. Cet amendement a été adopté (A), ce qui explique la
distinction des deux types d’avantages matrimoniaux que l’on retrouve dans l’article 265 al. 2
du code civil.
A – Les avantages prenant effet à la dissolution du régime
matrimonial
Il s’agit principalement des clauses de récompense (1) ou de partage inégal (2).
1 – Les clauses de récompense
Les clauses qui modifient les règles légales des récompenses peuvent constituer un avantage
matrimonial, lequel n’apparaîtra qu’au moment de la liquidation de la communauté. La
communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de ses
biens propres168, et inversement les époux doivent récompense à la communauté lorsqu'ils
prennent sur elle une somme pour acquitter des dettes ou charges personnelles169.
L’avantage peut résulter d’une clause qui écarte le droit à récompense de la communauté,
d’une manière générale ou pour certaine dette, ou d’une clause aménageant des règles plus
favorables que celles résultant des dispositions de l’article 1469170.
Par exemple, il peut être prévu dans la convention matrimoniale, que le remboursement d’un
emprunt pendant le mariage (donc avec des deniers communs) pour financer l’acquisition
166
Projet de loi relatif au divorce n° 289, déposé au Sénat le 9 juillet 2003.
V. Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 141.
168
art. 1433, al. 1 er du code civil.
169
art. 1437 du code civil.
170
F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Précis Dalloz, 3è éd. 2001, p587 n°762.
167
49
d’un bien propre ne donnera pas lieu à récompense en faveur de la communauté.
Concrètement, un pharmacien contacte un emprunt pour acquérir sa pharmacie. Puis il se
marie sous le régime de communauté. L’emprunt continuera à être remboursé pendant le
mariage. Le contrat de mariage peut prévoir que le mari ne devra pas récompense à la
communauté. Cette prévision ne jouera qu’en cas de dissolution de la communauté par décès
car si un divorce intervient avant la clause sera révoquée et le mari devra une récompense à la
communauté qui sera calculée en fonction des règles de l’article 1469 du code civil.
De même, si la convention de mariage, prévoit que l'emprunt ne donnera lieu à récompense
que pour le montant du seul capital remboursé par la communauté, sans référence au profit
subsistant, cette clause ne produira pas effet en cas de dissolution par divorce et le calcul de la
récompense se fera par retour à l’article 1469.
Cependant, lorsque la clause de récompense est la contrepartie de l’apport d’un bien à la
communauté, nous avons vu qu’elle pourrait être considérée comme l’accessoire de l’apport
du bien, lequel est maintenu en cas de divorce, et ainsi suivre le même sort171. La révoquer
reviendrait à maintenir un avantage matrimonial (l’apport) dans une étendue plus large que
celle qui avait été voulue. En effet, l’apport à titre onéreux se transformerait en apport à titre
gratuit en cas de divorce. Or, le divorce n’a aucune incidence sur les avantages matrimoniaux
prenant effet au cours du mariage. Cette transformation n’est donc pas envisagée par le texte.
Pour maintenir l’avantage dans sa consistance initiale, il faut que la récompense à la charge de
la communauté soit maintenue au profit de l’apporteur.
Ce raisonnement nous semble transposable lorsque le contrat de mariage stipule l’exclusion
d’un bien de la communauté, donc la constitution d’un propre, sans récompense au profit de
cette dernière. L’exclusion de la masse commune et la dispense de récompense paraissent
liées. Ici, la suppression de la dispense de récompense reviendrait à réduire l’ampleur de
l’avantage matrimonial maintenu (l’exclusion du bien de la communauté). Or le divorce n’a
pas ce pouvoir de transformation.
L’analyse nous semble enfin transposable lorsqu’une stipulation de parts inégales est la
contrepartie d’un apport ou de l’exclusion d’un bien commun.
2 – Les clauses de partage inégal
Nous bornerons l’étude aux stipulations qui n’ont pas pour but de corriger une inégalité dans
les apports à la masse commune.
171
Cf. supra. Chapitre 1, section 1, § 2, A).
50
Les époux peuvent, aux termes de leur contrat de mariage, avoir convenu de recevoir chacun
une fraction inégale des biens communs. Le mari par exemple ne recevra qu’un quart ou
qu’un tiers de la communauté. Ou il a pu être envisagé d’attribuer des meubles à l’un et des
immeubles à l’autre, ou encore un partage par moitié de la communauté avec attribution à l’un
des époux, en plus de sa part, de la totalité de l’actif mobilier. La clause de partage inégal peut
être stipulée en faveur d’un époux déterminé ou en faveur du survivant des époux. Dans ce
dernier cas elle entre dans le cadre des gains de survie, donc dans les dispositions qui ne
prennent effet qu’au décès de l’un des époux, mais le résultat est le même en cas de divorce :
l’avantage est révoqué.
L’intérêt de cette révocation de plein droit des avantages qui prennent effet lors de la
dissolution du régime matrimonial, les clauses d’aménagement des récompenses ou de partage
inégal, est de ramener à application les règles du régime légal. Or, ces règles organisent un
rééquilibrage des patrimoines, par le mécanisme des récompenses, puis un partage égalitaire
de moitié. Par conséquent, l’attribution d’une prestation compensatoire sera souvent inutile ou
du moins son montant sera réduit. Cela favorise encore le règlement des effets patrimoniaux
du divorce au moment de son prononcé.
Mais l’inconvénient est que ce système n’est pas adapté pour le régime de la participation aux
acquêts172. La doctrine majoritaire étend la notion d’avantage matrimonial à ce régime quand
son aménagement profite à l’un des époux173. Comme l’expose l’article 1569 du code civil,
pendant la durée du mariage, il fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime
de la séparation de biens. Ce n’est qu’à la dissolution que son aspect communautaire
apparaît174, et avec lui, les avantages matrimoniaux résultant de son aménagement. C’est le cas
de la clause prévoyant l'omission d’un ou plusieurs biens du patrimoine final, notamment
l’entreprise d’un époux175. Cette clause a pour conséquence de réduire la créance de
participation au profit de l’entrepreneur. L'application des règles légales aboutirait à alourdir
172
en ce sens, V. par exemple M.P. MURAT-SEMPIETRO, « réforme du divorce et pratique notariale », JCP (éd. N),
n° 1-2, 14 janvier 2005, aperçu rapide, p.1 : « le législateur de 2004 a vraisemblablement mis en place ce
procédé de maintien ou de révocation des avantages matrimoniaux en ayant à l’esprit les communautés
conventionnelles assorties de modalités de partage particulières ».
173
M. STROCK, « Avantages matrimoniaux et régime de participation aux acquêts, détermination de la nature des
stipulations permises par l’article 1582 al. 2 », JCP (éd. N) 1981, I, 355, G. CORNU, Les régimes matrimoniaux,
9è éd., 1997, PUF, coll. Thémis, p.819 ; Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., n° 704 et 862 ; F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER,
op. cit., n° 857; Ph. SIMLER, « Participation aux acquêts et avantages matrimoniaux (a propos de la réponse
ministérielle n° 601 du 17 octobre 1988) », JCP (éd. N), 1989, prat. 788, p. 1.
174
A. COLOMER, Droit civil, Régimes matrimoniaux, 12è éd. Litec 2004, n° 1248 : « c’est au moment ou le régime
prend fin que l’idée communautaire supplante le principe séparatiste ; chacun des ex-conjoints ou ses héritiers
voient se concrétiser leur espérance de participation aux enrichissements réciproques réalisé au cours du
régime ».
175
V. J.F.PILLEBOUT, « Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts avec exclusion des
biens professionnels », JCP (éd. N) 1987, I, p. 93.
51
considérablement le poids de la dette éventuelle de ce dernier, car la valeur de l’entreprise
serait prise en compte. Les époux, et notamment l’entrepreneur, ont souhaité par cette
exclusion du calcul de la créance de participation ne pas avoir une charge trop importante en
cas de divorce qui mettrait en péril l’instrument de travail. Il en va de même pour les clauses
de partage inégal ou d'attribution intégrale des acquêts prévues par l'article 1581, alinéa 2, du
Code civil. L’aménagement peut enfin concerner le patrimoine originaire. Les époux peuvent
avoir voulu exclure de ce patrimoine originaire un ou plusieurs biens déterminés ou même
tenir pour nul ce patrimoine. L’avantage résultera alors d’une augmentation des acquêts nets.
Selon l’article 265 al. 2, ces avantages matrimoniaux devraient être révoqués. Ainsi, la
liquidation de ce régime en cas de divorce devrait se faire systématiquement selon les règles
prévues à cet effet par le code civil, sauf la volonté contraire au moment du divorce. Le
maintien de ces aménagements sera à négocier au moment du divorce, bien que l’hypothèse
ait pu être envisagée lors de la conclusion du contrat de mariage. On voit que ce texte n’est
pas adapté à la participation aux acquêts. A moins, peut être de considérer que les clauses qui
aménagent la composition du patrimoine originaire ou final puissent être maintenues car elles
organisent un patrimoine qui va se créer au cours du mariage. La jurisprudence devra
trancher176.
B – Les avantages prenant effet au décès de l’un des époux
Ces dispositions visent à améliorer le sort du conjoint survivant. Le divorce faisant perdre la
qualité de conjoint, ces avantages n’ont plus lieu d’être après. Elles sont fréquentes car elles
bénéficient d'un régime fiscal d'exonération de droit de mutation et, étant considérées comme
des conventions à titre onéreux, elles échappent aux règles de fond du droit des libéralités
comme le rapport et la réduction pour atteinte à la réserve. Il s’agit de la clause d’attribution
intégrale de la communauté et de la clause de préciput.
1 – La clause d’attribution intégrale de la communauté
Elle est le prolongement de la clause de partage inégal puisque ici, le conjoint prémourant ne
recevra rien et le survivant aura tout. Mais contrairement à la stipulation de parts inégales,
l’attribution intégrale est impérativement un gain de survie. Elle ne peut bénéficier qu’à
176
Nous essaierons de voir quels sont les remèdes qui pourraient être apportés à ce problème dans le 2è chapitre
du titre 2.
52
l’époux survivant ou à un époux désigné sous condition de survie177. Elle entre donc
parfaitement dans le cadre du deuxième alinéa de l’article 265.
Par ailleurs, l’article 1524 du code civil assimile à l’attribution intégrale de la communauté, la
clause en vertu de laquelle l’un des époux recevra, outre la moitié des biens communs en
pleine propriété, l’autre moitié en usufruit. Ces dispositions sont révoquées de plein droit au
moment du divorce.
Cette clause est souvent combinée avec une communauté universelle. En cas de divorce, on
l’a vu, la communauté universelle est maintenue, tandis que l’attribution intégrale est
révoquée.
2 – La clause de préciput
C’est celle qui autorise le prélèvement d’un bien de la communauté avant son partage et sans
indemnisation. Il s’agit aussi d’un gain de survie. Il doit être stipulé au profit du survivant ou
de l’un des époux sous condition de survie. Par exemple, les époux ont pu, dans le contrat de
mariage, accorder au survivant d'entre eux la faculté de prélever, avant tout partage, sans
indemnité, les droits par lesquels est assuré le logement de la famille à l'époque du décès. Le
préciput peut aussi porter sur l’ensemble des meubles meublants pour éviter qu’ils ne fassent
l’objet d’un partage avec les héritiers.
L’article 1518 du code civil a été modifié à l’occasion de la réforme du 26 mai 2004 et prévoit
maintenant que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas lieu à la
délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour
le cas de survie sous réserve de l’article 265. Ainsi, en cas de dissolution du régime par
divorce, la clause est révoquée de plein droit. Cette révocation entraîne un rétablissement du
principe de l’égalité dans le partage.
On peut se demander si une clause prévoyant aussi le prélèvement d’un bien commun mais
moyennant une indemnité serait également révoquée en cas de divorce. Il faut voir si une
extension de la notion d’avantage matrimonial est possible.
177
Article 1524 du code civil.
53
§ 2 – L’extension de la notion d’avantage
matrimonial révocable
Au sens large, un avantage matrimonial est constitué par l’enrichissement que le seul
fonctionnement du régime matrimonial procure à un époux par rapport à son conjoint178. Il a
ainsi pour objet un enrichissement et trouve sa source dans les dispositions du régime
matrimonial179. Il est parfois proposé d’élargir la notion à des dispositions qui ne procurent pas
de profit chiffrable (A) ou qui ne trouvent leur source dans des conventions hors du contrat de
mariage (B). L’enjeu de la qualification est important car elle déclenche l’application ou non
du régime de l’article 265 du code civil.
A – Les avantages procurant un profit non chiffrable
Il a été proposé, sous l’empire de l’ancien système, d’avoir une approche différente de la
notion d’avantage matrimonial lorsqu’il s’agit de retranchement ou de révocation ou
déchéance en cas de divorce (1). Il faudra voir si cette distinction est encore applicable avec le
nouvel article 265 (2).
1 – La distinction entre avantage révocable et avantage retranchable
L’action en retranchement vise à assurer la protection de la réserve héréditaire des enfants
d’un autre lit. L’avantage matrimonial consenti au second conjoint qui dépasse la quotité
disponible est susceptible d’être réduit180. Il est mis en évidence par un calcul mathématique
objectif. En pratique, on procède à une double liquidation. La première se fait en tenant
compte du contrat de mariage, la seconde en appliquant les règles du régime type
(communauté légale ou participation aux acquêts légale). L’avantage consiste en la
différence181. C’est ici que la notion de profit chiffrable apparaît. La doctrine est d’accord pour
que ce qui pourrait être retranché à la demande des enfants d’un autre lit soit aussi soumis aux
règles de la révocation en cas de divorce. Les avantages matrimoniaux étudiés jusqu’à présent
procurent à l’un des époux un profit chiffrable. Les règles de l’article 265 leur sont ainsi
applicables.
178
V. J. CARBONNIER, Le régime matrimonial. Sa nature juridique sous le rapport des notions de société et
d’association : Thèse, Bordeaux, 1932, p. 665.
179
M. STORCK, J.-Cl. Civil, Art. 1527, n°1.
180
Article 1527 al. 2 du code civil.
181
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les régimes matrimoniaux, n° 709.
54
Mais un auteur a fait remarquer qu’ « il est des clauses qui ne procurent aucun bénéfice
chiffrable tout en conférant manifestement un avantage. Si celles-ci ne prêtent pas le flanc au
retranchement, elles doivent toutefois pouvoir être révoquées ou soumises à déchéance en cas
de divorce »182. La notion d’avantage matrimonial, au sens du droit du divorce serait ainsi plus
étendue que celle soumise au retranchement. Dans le cadre du divorce, l’avantage ne serait
pas nécessairement chiffrable. Il peut consister en un droit conféré à l’un des époux, placé
dans une situation avantageuse. L’auteur cite deux exemples d’avantages non chiffrables qui
seraient révocables : la clause de prélèvement moyennant indemnité réglementée aux articles
1511 et suivants du code civil et la clause d’ameublissement qui aurait pour contrepartie une
reprise forfaitaire égale à la valeur du bien tombé en communauté, estimée au jour ou cette
faculté sera exercée.
2 – Application
S’agissant de la clause d’ameublissement, nous avons vu que, selon nous, elle devrait être
maintenue dans son ensemble183. La contrepartie maintenue doit être plafonnée à la valeur
réelle du bien prélevé. Au-delà, un avantage apparaîtrait au jour du prélèvement, celui ci serait
chiffrable, et serait révoqué. Ainsi la clause citée en exemple, qui aurait pour contrepartie une
reprise forfaitaire égale à la valeur du bien tombé en communauté, estimée au jour ou cette
faculté sera exercée, ne devrait plus être soumise au régime de révocation en cas de divorce.
Cette analyse vaut si ce profit non chiffrable était qualifié d’avantage matrimonial184. Et même
si cette qualification n’était pas retenue, le résultat serait identique. La disposition n’entrerait
alors plus dans le cadre de l’article 265 du code civil.
Concernant maintenant la clause de prélèvement moyennant indemnité, l’hypothèse envisagée
est celle ou l’indemnité est représentative de la valeur réelle des biens prélevés, c’est à dire
qu’il n’y a pas de profit chiffrable. Deux situations sont encore à distinguer. Comme le permet
l’article 1511 du code civil, cette clause peut être stipulée au profit du survivant des époux. Ce
dernier aura par exemple la faculté de prélever les droits par lesquels est assuré le logement
familial, ainsi que tous les meubles meublant ledit logement, à charge d'en tenir compte à la
communauté d'après la valeur que ces biens auront au jour du partage. Cette clause ne prenant
effet qu’au moment du décès, le divorce devrait entraîner sa révocation.
182
F. LUCET, « L’avantage matrimonial, Retranchement ou révocation (a propos de l’arrêt de la première Chambre
civile de la Cour de cassation du 10 juillet 1990) », JCP (éd. N), 1992, I, p. 145.
183
Cf. supra. Chapitre 1, section 1, § 2, A) et Chapitre 2, section 1, § 1, A).
184
Contra V. A. TISSERAND, Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial, Mélanges J. BEGUIN : Litec
2005, p. 761. Cet auteur propose d’opérer une distinction entre les différentes clauses du contrat de mariage,
plutôt que de procéder à une approche globale de l’avantage.
55
Mais lorsque les époux ont prévu, comme le permet le même article, que la clause jouera en
cas de divorce, le problème est différent. Ainsi, les époux ont pu envisager qu'au cas de
divorce, chacun d'eux pourrait reprendre les droits grâce auxquels il exerce sa profession, à
charge d'en tenir compte à la communauté. Il serait dommage de révoquer cette clause de
plein droit sous prétexte qu’elle prend effet après la dissolution du régime, et de devoir
renégocier son maintien au moment du divorce alors que les époux avaient anticipé le
problème.
M. Lucet justifiait l’application des anciens articles 267 et suivants du code civil à cette clause
à cause du traitement préférentiel dont profiterait un époux185. Cette proposition pouvait se
comprendre avec l’idée de sanction du conjoint fautif et de protection de l’innocent qui
inspirait la philosophie de l’ancien système. Dès lors que le nouvel article 265 organise un
système objectif du sort des avantages matrimoniaux, il ne paraît plus nécessaire de vouloir
étendre la notion d’avantage révocable. La qualification d’avantage matrimonial de cette
clause est d’ailleurs discutée186. Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un avantage matrimonial
révocable187, sauf lorsqu’elle profite au conjoint survivant. La jurisprudence devra trancher.
En conclusion, il semble que l’avantage matrimonial révocable au sens du nouvel article 265
du code civil doive correspondre à l’avantage matrimonial révocable au sens de l’article 1527.
La notion peut-elle toutefois être étendue aux avantages qui ne résultent pas du contrat de
mariage ?
B – Les avantages issus de conventions entre époux en
dehors du contrat de mariage
Une explication s’impose avant d’en voir l’application concrète.
185
F. LUCET, art. préc.
V. F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER, Les régimes matrimoniaux, op. cit, n° 762 et spéc. note 4 avec les références citées.
Ces auteurs proposent une distinction : « Au sens de l’article 1527, une telle clause ne peut être traitée comme
un avantage réductible, les droits des enfants du précédent mariage étant intégralement sauvegardés en valeur.
Au contraire, le traitement préférentiel résultant de la clause justifie la déchéance ou la révocation prévue aux
articles 267 et suivants ».
187
Contra, V. A. TISSERAND, art. préc. : « S’agissant du partage de communauté, la révocation de plein droit
devrait concerner tous les aménagements conventionnels qui avantagent l’un des conjoints, indépendamment de
l’existence d’un profit chiffrable. La révocation pourrait ainsi atteindre, par exemple, (…), une clause de
prélèvement à titre onéreux, même si l’indemnité stipulée est représentative de la valeur exacte des biens
prélevés ».
186
56
1 – Explication
Il s’agit de redécouvrir la proposition de P. Hébraud188. Cet auteur proposait d’étendre la
notion d’avantage matrimonial à toute convention conclue entre époux, même si elle ne
résulte pas d’un contrat de mariage, avantageant l’un d’entre eux, dès lors qu’elle est relative à
un bien sur lequel le régime étend son empire, c’est à dire tous les biens des époux, même
leurs biens personnels ou propres. Il prenait l’exemple de l’acquisition d’un bien avec clause
de tontine faite par des époux séparés de biens, qui équivaut à la reconstitution d’une
communauté avec clause d’attribution au survivant. Sa qualification d’avantage matrimonial
la soumettrait alors à l’article 265 en cas de divorce. La clause devrait par conséquent tomber
et l’acquisition serait faite en indivision.
Cette idée a été reprise par Mme Pétroni-Maudière, dans sa thèse sur le déclin du principe de
l’immutabilité des régimes matrimoniaux189, a propos de certains contrats entre époux qui
répondent à un objectif de participation ou de prévoyance conjugale. Elle montre que, dans
ces contrats, l’époux disposant n’est pas vraiment animé par une intention libérale mais
« plutôt par un sentiment de solidarité conjugale s’exprimant, tantôt par une volonté de
partager les « acquêts » avec son conjoint, en l’associant à la prospérité du ménage (achat
pour autrui), tantôt par une volonté de protection patrimoniale du conjoint survivant, à la
dissolution du mariage (assurance sur la vie, réversion de rente viagère ou d’usufruit,
tontine) »190. La fonction de ces contrats l’amène à proposer une extension de la notion
d’avantage matrimonial. En effet, même s’ils n’ont pas leur source dans le régime
matrimonial, à cause de leur identité de fonction le rapprochement de ces contrats conjugaux à
vocation protectrice du conjoint et du régime matrimonial des époux est possible, les premiers
venant compléter le second, dans le but de préserver le mariage lui-même. Elle explique que
« c’est précisément parce que les régimes matrimoniaux sont défaillants dans la réalisation
d’objectifs matrimoniaux fondamentaux aujourd’hui (idée de participation et de prévoyance
conjugale) que les accords de volonté des époux qui en permettent la réalisation viennent se
substituer à eux, ou plus précisément les compléter, afin de les rendre conformes à l’idée
même du mariage. Dans cette perspective, l’extension de la qualification d’avantages
matrimoniaux aux avantages résultant des contrats conclus entre époux à caractère
essentiellement protecteur du conjoint semble non seulement naturelle mais utile »191.
188
P. HÉBRAUD, Des contrats passés entre un futur époux et son héritier présomptif, Et. R. SAVATIER, Dalloz, 1960,
p. 341, cité par Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les régimes matrimoniaux, n° 705.
189
N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th. Limoge 2000.
190
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°118, p. 154.
191
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 139, p.178.
57
En substituant la qualification d’avantage matrimonial à celle de donation, l’auteur justifie
l’irrévocabilité des ces contrats pendant le mariage192. Mais en raison du particularisme de ces
avantages à caractère correcteur, elle propose de les soumettre à un régime original par rapport
aux avantages traditionnels. Ces avantages, qu’elle appelle alors quasi-avantages
matrimoniaux, ne seraient en effet ni soumis à l’action en retranchement193, ni aux règles
relatives aux déchéances du droit du divorce194. Cette dernière exclusion était faite en
considération des anciens articles 267 et suivants du code civil. Il est peut être possible de leur
appliquer les nouvelles règles de l’article 265.
2 – Application
L’enjeu de cette nouvelle qualification est faible pour les achats pour autrui. En admettant
qu’ils soient considérés comme des « quasi-avantages matrimoniaux », leur soumission à
l’article 265 les rangerait dans le 1er alinéa car ils prennent effet au cours du mariage. Donc le
résultat est le même que celui de la qualification libérale195.
En revanche, pour les actes de prévoyance, l’intérêt est plus important. Les contrats
d’assurance vie, de réversion de rente viagère ou d’usufruit qualifiés de donations de biens
présents sont maintenus. Ces contrats visent essentiellement à avantager le conjoint survivant.
Les avantages qu’ils procurent ressemblent, pour la réversion à une clause d’attribution
intégrale de communauté, pour l’assurance vie à une clause de préciput196. Par exemple, pour
l’assurance vie, le conjoint bénéficiaire se voit attribuer un capital constitué grâce à des
deniers communs sans devoir de récompense197 (sauf si les primes sont manifestement
excessives). L’assimilation de ces actes à des avantages matrimoniaux les ferait certainement
tomber en cas de divorce.
Cette analyse semble séduisante, mais la rédaction de l’article 265 permet difficilement de la
consacrer.
192
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 156, p.199.
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 158, p.200 : « L’action en retranchement (…) doit logiquement être écartée ici,
le caractère essentiellement compensatoire de ces transferts matrimoniaux excluant a priori qu’ils puissent
intervenir dans la réalisation d’une fraude».
194
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°158, p.202.
195
L’enjeu était plus important avec l’ancien article 1096. Cette qualification les aurait exclus de son champ
d’application, sans avoir à utiliser la notion de donation rémunératoire.
196
En ce sens, V. N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°135 p. 174 et n°167 p. 211. C’est ce qui explique, selon l’auteur,
l’arrêt Noguer de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 13 mai 1998 ou la Cour avait jugé qu’un
contrat d’assurance vie souscrit réciproquement par deux époux n’était pas constitutif d’une libéralité et qu’en
conséquence, la désignation bénéficiaire du conjoint ayant accepté le bénéfice du contrat, ne pouvait être
révoquée en application de l’article 1096.
197
Article L. 132-16 du code des assurances.
193
58
Hormis ces quelques problèmes de qualification, il ressort de cette analyse que le sort de ces
avantages matrimoniaux est connu avant le prononcé du divorce. Leur révocation permet
d’éviter tout problème d’après divorce, notamment pour les avantages qui prennent effet au
moment du décès. En effet, leur maintien laisserait les époux liés pendant de nombreuses
années ce qui pourrait entraîner des blocages et des risques de contentieux surtout en cas de
remariage. La révocation redonne ainsi la liberté de ses biens au disposant. Cette solution
paraît logique avec la fonction de protection du conjoint survivant qu’assurent avantages, et
conforme à la volonté de la majorité des époux, sauf pour quelques dispositions particulières.
Et si la volonté des époux s’avérerait différente, l’article 265 leur permet toujours de la faire
valoir au moment du prononcé du divorce.
La même logique explique le principe de la révocation des dispositions à cause de mort.
Section 2 – La révocation des dispositions à cause
de mort
Ces dispositions manifestent l’affection légitime des conjoints et leur désir d’assurer l’avenir
du survivant. Ce sont des actes de prévoyance conjugale. Leur justification tient au fait que le
mariage aura duré jusqu'à la mort de l'époux qui les a consenties198. Il semble logique qu’elles
disparaissent si le mariage se dissout du vivant des époux, car la qualité de conjoint survivant
disparaît aussi. Elles ne procurent aucun droit acquis à leur bénéficiaire car le transfert entre
les deux patrimoines ne se fait pas aux moment où elles sont consenties. Le disposant reste le
propriétaire des biens concernés. La plupart sont par essence révocables à tout moment donc a
fortiori au moment du divorce aussi.
Une analyse des dispositions concernées (§1) précèdera l’étude de la mise en œuvre de la
révocation (§2).
§ 1 – Analyse des dispositions concernées
L’article 265 alinéa 2 parle de dispositions à cause de mort. Il s’agit donc des donations de
biens à venir (A) et des legs (B). Ces dispositions sont souvent rapprochées l’une de l’autre au
198
Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale : Doc.
AN n° 1513 (2003-2004), sous article 16, p. 79.
59
niveau de leurs effets199. Elles ne produisent effet qu’au décès du donateur ou du testateur. Ce
critère ayant été retenu pour décider de leur sort en cas de divorce, il n’est pas étonnant
qu’elles soient soumises au même texte.
A – Les donations de biens à venir
Comme l’a fait remarquer un auteur, « la fonction dévolutive des donations de biens à venir
s'accorde mal avec leur maintien au cas de divorce. Cet événement retire au donataire sa
qualité de conjoint survivant, en considération de laquelle la donation de biens à venir a été
réalisée. Ce type de libéralité est implicitement subordonné à la dissolution du mariage par le
décès du donateur. Ce raisonnement vaut que la donation soit faite par contrat de mariage ou
pendant le mariage »200.
1 – Les donations par contrat de mariage
Tout d’abord, nous pouvons évoquer ici le sort de la clause commerciale201. C’est la clause du
contrat de mariage qui permet au survivant des deux époux de conserver le fonds de
commerce (ou un autre bien professionnel) qu’ils exploitaient ensemble lorsqu’ils vivaient
tous les deux202. Lorsque le bien est commun, et que l’attribution est à titre gratuite, il s’agit,
on l’a vu, d’un avantage matrimonial révoqué en cas de divorce tandis que si l’attribution est à
titre onéreux, sa qualification et son sort en cas de divorce sont discutée. Lorsque le bien est
propre à l’un des époux, et que l’attribution est gratuite, elle constitue une institution
contractuelle qui est naturellement révoquée en cas de divorce. Si elle est faite à titre onéreux,
elle ne peut plus être qualifiée de libéralité mais elle doit quand même être considérée comme
révoquée car elle est stipulée au profit du conjoint survivant, qualité que le divorce fait
disparaître.
S’agissant, ensuite, des donations de biens à venir par contrat de mariage, on a constaté que
cette pratique était en déclin203. Diverses raisons ont été avancées pour expliquer ce
phénomène204. La première est que depuis la réforme de 1965, le besoin d’établir un contrat de
199
Cass. civ. 1ère, 10 février 1998, Bull. civ. I, n°52, JCP (éd. G) 1999, I, 132, obs. CHAMPENOIS (G.) ; JCP (éd.
N.), 1998, p. 1409, note CASEY (J.): « Mais attendu que les donations de biens à venir que se font les époux au
cours du mariage parce qu’elles sont révocables, sont, quant à leurs effets, soumises aux règles des legs ».
200
C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative
au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 13.
201
Articles 1390, 1391 et 1392 du code civil.
202
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les successions, Les libéralités, éd. Defrénois 2004, n°571, p. 298.
203
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les successions, Les libéralités, préc. n° 708 p. 352.
204
V. par exemple, Ch. RIEUBERNET, Les donations entre époux étude critique, thèse Toulouse I, 1997, Defrénois
2003, n°153 et s., p. 127.
60
mariage se fait moins ressentir, et lorsque les époux y ont recours, ils préfèrent y intégrer des
avantages matrimoniaux. La seconde, et la plus importante, est que ces libéralités sont
irrévocables205. Ce principe était un inconvénient en cas de divorce. En effet, on l’a vu,
lorsqu’en vertu des anciens articles 267 et suivant, la libéralité se trouvait maintenue, la
jurisprudence estimait qu’elle l’était avec ses caractères antérieurs206, donc l’époux fautif, par
exemple, risquait de rester lié à son ex-conjoint définitivement par cette libéralité. Ce système
n’était pas satisfaisant207. Aujourd’hui, le disposant peut être rassurer car ces dispositions
seront révoquées de plein droit en cas de divorce. L’article 265 al.2 vise en effet les
dispositions à cause de mort accordées par un époux à son conjoint par contrat de mariage.
Peut être retrouveront elles un regain d’intérêt en pratique grâce à ce nouveau principe.
Les donations de bien à venir sont en revanche beaucoup plus fréquentes pendant le mariage.
2 – Les donations consenties pendant l’union
Comme celles consenties par contrat de mariage, elles ont pour objet des biens à prendre dans
la succession du donateur ou une fraction de celle-ci. Elles ont donc pour but d'organiser la
transmission de la succession du donateur.
Elles n’étaient pas prévues par le code civil mais ont été consacrées très tôt par la
jurisprudence208. Elles sont aujourd’hui très fréquentes et souvent réciproques. Le législateur
de 2004 en a pris acte et a consacré cette pratique dans le nouvel article 1096 du code civil qui
prévoit que la donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours
révocable209. Cette révocabilité est une des raisons de son succès. Elle n’est pas contraignante
en cas de divorce puisqu’elle est révoquée de plein droit. Cette solution est logique car très
souvent cette donation perd sa raison d’être si le mariage prend fin avant le décès du donateur.
On retrouve la même démarche avec les legs.
205
Article 1083 du code civil.
Cass. 1ère civ., 4 février 1992, Bull/ civ. I, n° 40.
207
En ce sens, Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°128, p. 100 : « L’irrévocabilité des donations de biens à venir faites
par contrat de mariage maintenues malgré le divorce est inopportune. Elle prive le donateur de sa faculté de
disposer à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort, des biens objets de l’institution contractuelle, notamment
au profit d’un éventuel nouveau conjoint, d’une concubine ou d’enfants ».
208
Civ. 22 juillet 1807, S. 1807, I, 414.
209
V. Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 140 :
« cette donation au dernier vivant étant véritablement entrée dans les mœurs, le Sénat proposait de garder un
caractère révocable aux donations entre époux de biens à venir et de consacrer dans le code civil la pratique de
la donation au dernier vivant ».
206
61
B – Les legs
Comme pour la donation de biens à venir, les droits du bénéficiaire d’un legs ne s’ouvrent
qu’au décès du disposant. Le conjoint légataire n’a donc qu’une simple expectative dont il
peut même ignorer l’existence. Le principe de la révocation des legs en cas de divorce ne pose
pas de problème particulier. Il relève pratiquement de l’évidence. La révocabilité est de la
nature des dispositions testamentaires et on ne voit pas comment le divorce aurait permis d’y
déroger. Elle ne touche cependant que les legs consentis au conjoint. Les autres dispositions
du testament demeurent valables. L’article 265 al. 2 ne visant que les dispositions consenties
pendant l’union, un auteur a fait remarquer que les legs qui sont portés dans un testament
rédigé avant le mariage ne sont pas concernés par la révocation de plein droit. Mais ils
demeurent quand même librement révocables210.
Le principe de la révocation des dispositions qui viennent d’être analysées, quel que soit le
type de divorce est une solution adaptée à leur nature et à leur fonction. La mise en œuvre de
ce principe au moment du divorce est automatique, ce qui est facteur de simplicité.
§ 2 – La mise en œuvre de la révocation
Révocables par nature, la mise en œuvre de cette révocation peut se faire à tout moment (A).
Elle est même présumée en cas de divorce, ce qui permet d’éviter les oublis (B).
A – Le moment de la révocation
La révocation est libre pendant le mariage (1). Si elle n’a pas joué avant, elle est de plein droit
au moment du divorce (2).
1 – La libre révocabilité pendant l’union
Avant la réforme, l’ancien article 1096 du code civil affirmait ce principe. Les donations de
biens présents entre époux dérogeaient alors au principe de l’irrévocabilité spéciale des
donations, lequel servait de fondement à la prohibition des donations de biens à venir. En
effet, la donation de biens à venir équivaut à une donation assortie d’une condition résolutoire
potestative211. Cette caractéristique servait donc aussi à justifier la validité des donations de
biens à venir entre époux.
210
211
F. SAUVAGE, art. préc. n°23 p. 1436.
Sur cette question, V. Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°162 p. 133, spéc. note 502 et les références citées.
62
La proposition de loi relative au divorce de M. Colcombet prévoyait l’abrogation de cet article
1096. Le Sénat s’était inquiété de cette abrogation qui aboutirait à rendre irrévocables les
donations au dernier vivant, supprimant tout intérêt pour les époux d’y recourir212. La
proposition n’a finalement pas abouti et le nouvel article 1096 prévoit, en son premier alinéa,
que la donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours révocable.
On remarque au passage que ce texte ne concerne pas les donations de biens à venir faites par
contrat de mariage, lesquelles restent irrévocables. Ainsi, le donateur peut revenir à tout
moment sur son engagement si, par exemple la situation patrimoniale du couple évolue ou si
un divorce est envisagé. Mais dans ce cas, l’époux donateur doit manifester son intention par
un acte révocatoire.
Les choses sont différentes au moment du divorce.
2 – La révocabilité de plein droit au moment du divorce
Si la donation n’a pas été révoquée par une manifestation du donateur avant le prononcé du
divorce, elle le sera de plein droit après. La révocation s’opère du seul fait du divorce. Elle est
automatiquement attachée au jugement qui prononce le divorce213. Le législateur présume, en
quelque sorte, que cette révocation est conforme à la volonté du disposant. Si ce dernier n’est
pas satisfait par ce principe il peut toujours, on le verra, déclarer maintenir la disposition au
moment du prononcé du divorce ou refaire son testament après le divorce. Mais dans la
majorité des cas ce principe va satisfaire le disposant, en particulier celui qui aurait la
mémoire courte.
B – Une précaution contre les oublis éventuels
A lui seul, l’article 1096 aurait pu permettre au donateur de révoquer la libéralité avant ou
après le divorce. De même, l’article 895 aurait toujours permis au testateur de revenir sur son
legs. Mais l’intérêt de l’article 265 al. 2 est de trancher avec certitude le sort de ces
dispositions. Sauf volonté contraire, les époux ne seront plus liés par elles. Cela a un grand
intérêt lorsqu’un époux oublie au moment du divorce les dispositions qu’il avait consenties
quelques années auparavant à son conjoint. Sous l’ancien système, on pouvait rencontrer des
situations où un époux, qui aurait pu révoquer sa disposition à la suite d’un divorce, oublie de
le faire et décède après s’être remarié. Dans ce cas, la première épouse pouvait évincer la
212
213
Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 139.
F. SAUVAGE, art. préc. n° 25 p.1437
63
nouvelle214. Ce problème était dénoncé en doctrine215. L’article 265 y apporte un remède.
Désormais, il n’est plus nécessaire de procéder à un acte révocatoire en cas de divorce. La
révocation n’a pas à être demandée au juge et pourra être invoquée ensuite par toute personne
qui en aurait intérêt après le divorce. En revanche, si le disposant souhaite maintenir son acte,
il faut qu’il le manifeste.
En définitive, la révocation de plein droit des dispositions à cause de mort, accordées par un
époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, est logique dans son
principe et doit être approuvée pour sa mise en œuvre.
Le principe de révocation de plein droit de ces actes de prévoyance analysés dans ce chapitre
est conforme à la fonction qu’ils remplissent. Elle ne porte pas atteinte à des droits acquis par
le bénéficiaire car au moment où elle joue, ces actes n’ont pas encore produit leur effet. Par
conséquent, les tiers ne risquent pas d’en subir le contre coup. Le nouvel article 265 al. 2
propose ainsi une solution claire et définitive qui permet de lever toute incertitude après le
divorce. La négociation de leur maintien et certes possible pendant la procédure mais elle doit
aboutir avant le prononcé. C’est encore une manifestation de la volonté du législateur de
concentrer les effets du divorce au moment de son prononcé.
Conclusion du titre premier
Quel que soit le cas de divorce, le régime des libéralités et des avantages matrimoniaux est
uniforme. Le nouveau critère de détermination de leur sort ne prend plus en compte les causes
du divorce, ce qui est propice à la pacification des procédures. Il dépend, en toute objectivité,
du type de disposition qui est en cause.
Il est bilatéral, ce qui devrait limiter les rancœurs et les sentiments d’injustice. Il est favorable
au conjoint avantagé si la disposition a déjà pris effet au cours de l’union car elle est alors
maintenue à son profit. En revanche, lorsqu’elle n’a pas encore produit d’effet au moment du
divorce, elle est révoquée dans l’intérêt du disposant. Dans les deux cas, il ne porte pas
atteinte à la sécurité des tiers.
L’article 265 permet de fixer rapidement et définitivement le sort des ces dispositions, ce qui
donne au juge une base réaliste et stable pour la fixation d’une éventuelle prestation
214
Par exemple : Cass. 1ère civ., 16 juin 1993, D. 1994, 165, note J. MASSIP.
Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°178 p. 150 ; Rapport F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Rénover le droit de la famille :
propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Doc. fr., coll. « Rapports
officiels », 1999 : « Il est en effet particulièrement malsain de voir une personne divorcée venir à la succession
d'un ancien conjoint, au motif qu'elle bénéfice d'une libéralité qui n'a jamais été révoquée ».
215
64
compensatoire. Toutefois avec l’apparition d’un nouveau critère, des problèmes de
qualification de certains actes ont inévitablement surgis, ce qui pourrait perturber
provisoirement ce résultat. Ils devront être résolus au plus vite par la jurisprudence.
Mais pour connaître au plus tôt le sort de ces dispositions, le législateur a dû organiser un
système assez directif. La place laissée à la volonté des époux n’apparaît dans l’article 265
que pour les actes de prévoyance. Cela signifie-t-il que la liberté des époux est limitée à ces
actes ?
65
TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA
VOLONTE DES EPOUX
Le régime légal que nous venons de présenter permet de clarifier le sort des donations et des
avantages matrimoniaux au moment du divorce sans avoir à demander l’avis des époux car
celui-ci risque d’être souvent contradictoire.
Mais les solutions de l’article 265 ne seront peut être pas toujours justes ou opportunes.
Les époux pourraient souhaiter adapter ce régime légal à leur propre cas particulier. La
question qui se pose alors est la suivante : dans quelle mesure les conjoints peuvent-ils
organiser eux-mêmes les conséquences patrimoniales de leur divorce ?
L’article 265 alinéa 2 organise l’hypothèse d’une manifestation de volonté, de la part des
époux, de maintien des dispositions qui sont normalement révoquées. Mais l’alinéa premier
ne prévoit rien de semblable pour les dispositions qui ne sont pas révoquées. Nous verrons
dans le premier chapitre si leur révocation volontaire peut quand même être envisagée.
Le second chapitre sera consacré au maintien volontaire des dispositions légalement
révoquées.
66
Chapitre 1 – La révocation volontaire des
dispositions légalement maintenues
La possibilité de révoquer des dispositions légalement maintenues divise actuellement la
doctrine. Le problème vient du fait que l’article 265 alinéa 1 n’organise pas expressément
l’hypothèse. Or, la législation du divorce est traditionnellement d’ordre public et la volonté
des époux a souvent une place bien délimitée.
Pourtant, il paraît nécessaire de laisser un peu de souplesse dans l’accomplissement d’actes
qui relèvent de la générosité. Un système trop contraignant risque de dissuader le disposant de
concrétiser son intention libérale. Comme l’a fait remarquer un auteur, « chaque fois que le
législateur a posé la règle de l’irrévocabilité des donations, les Français s’en sont
détournés »216. Nombreux sont aujourd’hui ceux qui craignent que le phénomène se
reproduise avec les donations de biens présents ou le régime de la communauté universelle si
des dérogations n’étaient pas autorisées217.
Mais la question relève-t-elle vraiment encore du droit du divorce qui ne pose qu’un simple
principe de non-incidence ? Le droit des libéralités et celui des régimes matrimoniaux
permettent-ils alors d’organiser une incidence volontaire du divorce sur les donations de biens
présents (section 1) et sur les avantages matrimoniaux qui ont pris effet au cours du mariage
(section 2) ? C’est à ces deux questions que nous allons essayer de répondre maintenant.
216
Tel est le cas des donations par contrat de mariage ou de l’institution contractuelle consentie par contrat de
mariage : en ce sens J.G. MAHINGA, « Les libéralités entre époux après la loi n°2004-439 du 26 mai 2004
réformant le divorce », JCP (éd. G), 2005, I, 104.
217
V. par exemple : M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit &
Patrimoine, mars 2005, n°135 p. 32 et s ; F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre
époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425, no 11 ; J. VASSAUX, « Les incidences
de la réforme du divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26.
67
Section 1 – L’incidence volontaire du divorce sur les
donations de biens présents.
Le maintien des donations de biens présents en cas de divorce comporte des inconvénients
pour le donateur. Par exemple, sa quotité disponible sera réduite d’autant, ce qui va limiter les
dispositions ultérieures en faveur d’un nouveau conjoint218.
Or, la question de savoir si l’époux donateur peut subordonner la donation de biens présents
au maintien du lien matrimonial n’avait pas beaucoup d’intérêt auparavant, compte tenu de
l’ancien principe de l’irrévocabilité ad nutum qui permettait au donateur de révoquer
discrétionnairement à tout moment la donation. Ainsi, si ce dernier ne souhaitait pas que la
donation survive au divorce, il pouvait la révoquer, avant, pendant ou même après la
procédure sur « un simple signe de la tête ». Il n’avait pas besoin d’aménager la donation pour
être certain de pouvoir parvenir à ce résultat.
Aujourd’hui, la question a pris une autre dimension avec le nouvel article 265 alinéa 1 et la
suppression de leur libre révocabilité. Il est désormais nécessaire de se demander si le
nouveau régime légal, que l’on a étudié dans le titre 1, interdit de façon absolue au donateur
de reprendre ce qu’il avait donné au cours du mariage à son conjoint, au moment du divorce
(§ 1) ou si quelques aménagements sont envisageables (§2).
§ 1 – La possibilité d’une révocation des donations
de biens présents en cas de divorce
Une telle étude doit se faire à la fois au regard du droit du divorce (A) et du droit des
libéralités (B).
A – Au regard du droit du divorce
Il s’agit ici de se demander quelle est la nature du principe de non-incidence du divorce sur les
donations de biens présents posé à l’article 265 alinéa 1 (1). Car si ce principe est d’ordre
public, alors aucun aménagement ne permettrait d’y déroger. Dans le cas contraire il faudra
vérifier si les aménagements ne viennent pas entraver la liberté de divorcer (2).
218
en ce sens : J. COMBRET, « Les aspects patrimoniaux de la réforme », Rev. Lamy droit civil, oct. 2004, p. 54.
68
1 – La nature de l’article 265 alinéa 1
Le caractère d'ordre public de cet article n'est pas établi. Tant que la Cour de cassation n’aura
pas tranché, les deux thèses peuvent être soutenues.
D’un coté, on pourrait penser que l’article 265, étant issu du droit du divorce, doit être
impératif219. On peut également rappeler que les anciens articles 267 et suivants du code civil,
qui organisaient le sort des donations, étaient d’ordre public pour en déduire que pareillement,
le nouvel article 265 ne pourrait admettre aucune dérogation220. En faveur de cette thèse, il a
aussi été mis en évidence le fait que le nouvel article 1096 suffisait à lui seul à maintenir les
donations de biens présents en cas de divorce et que le rappel du principe à l’article 265 al.1
renforçait son caractère impératif221. Enfin, et surtout, on remarque que le législateur n’a pas
organisé la constatation par le juge d’une volonté contraire pour ces dispositions alors qu’il l’a
fait pour celles de l’alinéa 2. Ce silence est sans doute volontaire et signifierait que le
législateur n’admettait aucune exception à la règle222.
Si cette thèse se trouve consacrée, le donateur ne pourrait pas faire renoncer à l’avance le
donataire à son droit au maintien de la donation en cas de divorce. En revanche, le donataire
aurait la faculté de renoncer à ce droit une fois que celui-ci est ouvert, c’est-à-dire au moment
du divorce223. La renonciation sera alors à négocier entre les époux mais le donataire restera
dans une position de force.
D’un autre côté, la tendance générale à la contractualisation du droit de la famille, que la
réforme de 2004 a confirmée en montrant sa faveur pour les accords entre époux et en leur
donnant plus d’effets224, conduit à un déplacement « des frontières du pouvoir de la volonté et
de l’ordre public »225. L’esprit général de la réforme laisse penser que l’article 265 alinéa 1 est
supplétif226. Par exemple, l’article 267 du code civil prévoit qu’à défaut d’un règlement
219
F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux »,
Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425, no 11
220
J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26
221
J. COMBRET, « Les aspects patrimoniaux de la réforme », Rev. Lamy droit civil, oct. 2004, p. 54, mais l’auteur
soutient la thèse du caractère supplétif de l’article 265.
222
J. VASSAUX, art. préc. spéc. p. 36.
223
D. MONTOUX, J. LAFOND et J.-F. PILLEBOUT, « Divorce par consentement mutuel », JCP éd. N 2004, I, n°1597,
p. 1866.
224
Par exemple les articles 265-2 ou 268 du code civil ou l’encouragement de la médiation familiale marquent
l’essor du « négocié familial ».
225
J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel
? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°2.
226
En ce sens, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, art. préc. n°4 : « (…) il ne serait pas moins regrettable
que l'interprétation du texte, sur les inévitables points la nécessitant, se fasse dans un esprit délibérément
décalé, oublieux du recul voulu de l'ordre public et de l'entrée du divorce dans le champ à la fois de la
prévisibilité conventionnelle et de la transaction homologuée » ; A. DELFOSSE et J.-F. PENIGUEL, « Libéralités entre
époux, avantages matrimoniaux et réforme du divorce », JCP (éd. N) 2004, I, n° 1588, p. 1822 ; J. COMBRET, art.
préc.: « à aucun moment n’apparaît une volonté de limiter la liberté contractuelle ».
69
conventionnel entre les époux, le juge en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le
partage de leurs intérêts patrimoniaux. Ce règlement conventionnel devrait pouvoir se faire
en dérogation de l’article 265 du code civil.
De plus, on ne retrouve plus l’idée de sanction de l’époux fautif et de protection du conjoint
innocent qui inspirait l’ancien système et qui permettait de justifier son caractère d’ordre
public227. En effet, le nouvel article 265 du code civil contribue à la volonté du législateur de
pacifier les divorces. Toute idée de sanction a, pour cela, été exclue du règlement des
conséquences patrimoniales du divorce. Alors que l’ancien article 267 prévoyait expressément
la conservation pour l’époux innocent des donations qui lui avaient été consenties, et que les
articles suivants organisaient précisément le maintien ou la révocation des libéralités, le
nouvel article 265 al. 1 ne pose qu’un simple principe général d’absence d’incidence du
divorce sur ces dispositions. Le législateur de 2004 n’a pas exprimé catégoriquement une
volonté de maintien de ces libéralités en cas de divorce228.
Dans ces conditions, rien ne semble empêcher le donateur de prévoir volontairement
l’incidence du divorce sur la donation. Ce qui compte, c’est que l’on puisse déterminer avec
certitude le sort de ces dispositions au moment du divorce, sans avoir à en discuter. Les époux
ont pu anticiper eux-mêmes la question et leur volonté est respectée. Ou alors, ils n’ont rien
prévu et l’article 265 règle le problème. Si la révocation joue au moment du divorce, le juge
pourra toujours la prendre en compte dans l’attribution éventuelle de la prestation
compensatoire. Le principe de concentration des effets du divorce au moment de son prononcé
est ainsi respecté.
La renonciation du donateur à invoquer, au moment du divorce, son droit à renonciation qu’il
s’était contractuellement réservé serait toujours possible. Mais cette fois, ce serait lui qui
serait en position de force. Cela pourrait contribuer à rassurer les donateurs et donc, au
développement de ces donations.
La rédaction de l’article 265 al. 1 ainsi que l’esprit général de la réforme nous font penser,
comme la doctrine majoritaire, que ce texte est supplétif. Une clause contractuelle peut donc
écarter le jeu de cet article pour déterminer elle-même le sort de la donation en cas de divorce.
Cette dérogation ne doit toutefois pas compromettre la liberté de divorcer.
227
J.G. MAHINGA, « Les libéralités entre époux après la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 réformant le divorce »,
JCP (éd. G), 2005, I, 104.
228
M.P. MURAT-SEMPIETRO, « Réforme du divorce et pratique notariale », JCP (éd. N.) 2005, aperçu rapide, p.1.
70
2 – La sauvegarde de la liberté de divorcer
Une clause de révocation de plein droit de la donation en cas de dissolution du mariage par
divorce constituerait-elle un empêchement au droit fondamental de divorcer ? Selon Monsieur
Grimaldi, « nul, si bien intentionné soit-il, ne doit pouvoir user d’un levier patrimonial pour
tenter d’imposer l’idée qu’il se fait des intérêts matrimoniaux d’autrui »229. Il n’y a pas de
jurisprudence sur la question à propos des donations de biens présents mais le problème a déjà
été porté devant les tribunaux pour d’autres dispositions. La Cour de cassation a eu l’occasion
de se prononcer en faveur de la validité d’une clause de non-divorce stipulée dans un avantage
matrimonial230. La doctrine ne conteste plus sa licéité et la pratique l’utilise aujourd’hui
couramment231.
Une telle clause était aussi valide dans les donations de biens à venir entre époux si elle n’était
pas inspirée par la volonté de limiter la liberté du conjoint de demander le divorce232. Elle ne
présente plus d’intérêt aujourd’hui dans ces donations de biens à venir233, de la même façon
qu’elle ne présentait pas d’intérêt avant la réforme dans les donations de biens présents. Pour
ces dernières, la question peut maintenant être posée. Il ne semble pas que la clause soit plus
contraignante pour le donataire que celle qui était stipulée dans un avantage matrimonial ou
une donation de biens à venir. De plus, sous l’ancienne législation, la perspective de perdre
ses donations à cause de la révocabilité ad nutum, n’empêchait pas le donataire de demander
le divorce. La démarche serait la même aujourd’hui sauf que cette perspective de perte
résulterait d’une clause contractuelle. Et si une injustice pouvait résulter de la perte des
donations, elle apparaîtrait au moment du divorce et pourrait toujours être compensée, ce qui
devrait réduire les inquiétudes du donataire. Cette compensation ne serait peut être pas
envisageable si la libéralité avec la clause de non-divorce ne provenait pas de l’époux mais
d’un tiers. Mais ce n’est pas l’hypothèse étudiée.
En réalité, ces clauses relatives à l’état matrimonial sont réputées objectivement licites par la
Cour de cassation qui apprécie in concreto le mobile qui animait le disposant234. Elles ne
seront annulées que si ce mobile était répréhensible235. Or, la volonté de l’époux de
conditionner sa donation au maintien du lien matrimonial ne relève pas forcément d’une
229
M. GRIMALDI, Libéralités, Partages d’ascendants, Litec 2000, n°1204, p.146.
Cass. civ., 10 mai 1937, DH 1937, p. 361.
231
V. M. GRIMALDI, op. cit., note 268, p. 145.
232
Rép. min. à QE no 46334, JO AN Q. 2 juill. 1984, p. 3072 ; J.-F. SAGAUT, « La clause de révocation de
l’institution contractuelle post nuptias entre époux en cas de dissolution de l’union par divorce », Mélanges
Georges DAUBLON, éd. Defrénois, mars 2001, p. 275.
233
Puisque l’objet de la clause a été repris à l’alinéa 2 de l’article 265 du code civil.
234
Cass. civ., 22 déc. 1896, DP 1898, I, p. 537, concl. Desjardins.
235
Sur la question, V. M. GRIMALDI, op. cit., n°1204, p. 142 et s.
230
71
intention malveillante. Elle s’accorde même avec la nature de cette libéralité matrimoniale où
l’intention libérale trouve sa cause dans le statut matrimonial. L’objectif du donateur n’est pas
de nuire à la liberté du donataire mais plutôt de protéger ses propres intérêts patrimoniaux.
Cette clause ne semble donc pas pouvoir être considérée comme un instrument de chantage
qui limiterait la liberté du donataire pour demander le divorce.
Les obstacles à sa validité ne sont pas issus du droit du divorce. On pouvait le deviner avec
l’utilisation du concept d’absence d’incidence du divorce dans l’article 265 alinéa 1. L’idée
est que le divorce n’interfère pas automatiquement sur le droit des libéralités. La libéralité
continue à produire ses effets même s’il y a divorce, sauf si le donateur en a décidé autrement
dans le contrat. Dès lors, les obstacles pourraient peut-être provenir du droit des libéralités.
B – Au regard du droit des libéralités
Avec la modification de l’article 1096 du code civil, le régime des donations entre époux de
biens présents a été dérangé. Si celles-ci demeurent exclues du principe de l’irrévocabilité
spéciale des donations (1), elles ont en revanche été réintégrées dans le principe ordinaire
d’irrévocabilité des contrats (2). L’étude de ces deux points fera peut être apparaître quelques
obstacles à la validité de la clause étudiée.
1 – Des libéralités exclues de l’irrévocabilité spéciale des donations
Cette règle est annoncée à l’article 894 du code civil qui définit la donation entre vifs comme
un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose
donnée, en faveur du donataire qui l’accepte. Mais elle est énoncée clairement à l’article 944
du code civil selon lequel : « toute donation entre vifs faite sous des conditions dont
l’exécution dépend de la seule volonté du donateur sera nulle »236. Elle pose, concrètement,
« l’interdiction pour le donateur de se réserver dans l’acte, donc par avance et avec l’accord
du donataire, le moyen de reprendre, directement ou indirectement, ce qu’il donne »237. Cette
236
237
V. M. GRIMALDI, op. cit., n° 1208 et s. p. 151.
M. GRIMALDI, préc.
72
règle, parfois contestée dans son principe238 et dans sa sanction239, fonde une « irrévocabilité
renforcée »240, qui s’opposerait à la validité de la clause résolutoire en cas de divorce.
Cependant, aux termes de l'article 947 du Code civil, il est prévu que « les quatre articles
précédents ne s'appliquent point aux donations dont est mention aux chapitres VIII et IX du
présent titre » . Cela signifie que les donations matrimoniales sont exclues de la règle de
l’irrévocabilité spéciale des donations. Cette dérogation vise les donations consenties par
contrat de mariage241, pour lesquelles le régime n’a pas été modifié par la réforme. Elle
concerne aussi les donations entre époux consenties pendant le mariage. Du fait de l’ancien
article 1096, on admettait que ces donations ne dérogeaient pas en soi à l’irrévocabilité
spéciale mais plus généralement à l’irrévocabilité des contrats de l’article 1134242. Mais le
nouvel article 1096 réintègre, on le verra, les donations de biens présents dans le principe
général d’irrévocabilité des contrats. Ce retour au droit commun doit se faire dans la limite de
l’irrévocabilité spéciale des donations. Comme celles consenties par contrat de mariage, les
donations faites pendant le mariage dérogent toujours à cette irrévocabilité spéciale des
donations243. Cette dérogation, qui « constitue une marque de faveur législative aux donations
matrimoniales »244, dont le législateur de 2004 n’a pas eu l’intention de remettre en cause,
permet de justifier la validité des donations de biens à venir entre époux. Elle nous permet
aussi d’envisager la clause résolutoire dans les conditions du droit commun des contrats.
238
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit civil. Les successions, les libéralités, Defrénois, 2004, no 431 pour qui la règle
est anachronique et devrait être abrogée; contra : H.LÉCUYER, « L’irrévocabilité spéciale des donations », in
Mélanges P. CATALA, Litec, p. 405.
239
G. CHAMPENOIS, note sous Cass. 1re civ., 25 nov. 1986, no 84-12.796, Bull. civ. I, no 280, Defrénois 1987,
art. 34056, p. 1119 : « La sanction de la prohibition des donations sous condition potestative ne joue qu’en
faveur du donateur. En effet, de deux choses l’une. Ou bien nul n’invoque la nullité de la condition potestative
insérée dans la donation. Le donateur est alors libre de reprendre le bien donné par la simple exécution de la
condition. Ou bien – est cela paraît a priori plus probable – l’annulation de l’acte est demandée et obtenue et le
résultat pratique est le même ». Mais même si le résultat est identique pour le donateur, l’intérêt de reconnaître la
validité de la clause est pour le donataire d’éviter que la nullité de la donation soit invoquée par un tiers, par
exemple un héritier, si le divorce n’a pas lieu.
240
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit. n°430.
241
CA Pau, 9 sept. 1997, inédit.
242
H.LÉCUYER, art. préc. p.415 ; M. GRIMALDI, op. cit., n°1209, p. 153 : « soustraites par la loi, qui les déclare
révocables ad nutum, à l’irrévocabilité ordinaire des contrats, ces donations le sont a fortiori à l’irrévocabilité
spéciale des donations ».
243
En ce sens, V. C. BRENNER, « Brèves observations sur la révocation des donations entre époux après la loi du
26 mai 2004 », Defrénois 2005, art. 38084, p. 96 et suiv., spéc. n° 24. Contra : C. RIEUBERNET, « Le nouveau
régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce », L.P.A., 21 juillet
2004, no 145, p. 10 et suiv. ; S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des libéralités entre époux par la loi du 26 mai
2004 », D. 2004, chron. 2512, spéc. no 11 ; F. SAUVAGE, art. préc. spec. n° 11; J. VASSAUX, art. préc., sépc. 38.
244
H.LÉCUYER, art. préc. p.415.
73
2 – Des libéralités réintégrées dans le principe ordinaire d’irrévocabilité
des contrats
Les donations entre époux étaient soustraites de ce principe, proclamé à l’article 1134 du code
civil, à cause de leur libre révocabilité245. Aujourd’hui, elles sont retombées sous son empire
avec la modification de l’article 1096.
Tout d’abord, l'irrévocabilité ordinaire des contrats interdit à une partie, après qu'une
convention a été conclue, de la rompre unilatéralement. Ainsi, une clause qui aurait pour objet
de rétablir l’ancienne révocabilité ad nutum serait contraire à cet article. Ce n’est pas ce type
de clause que nous envisageons. Ensuite, selon l’article 1134 alinéa 2, les conventions
peuvent être révoquées pour les causes que la loi autorise, en l’espèce les articles 953 à 958
déjà étudiés, ou par consentement mutuel. Cette possibilité est susceptible d’être envisagée au
moment d’un divorce par consentement mutuel par exemple.
Aussi, conformément au droit commun des contrats, l’obligation peut être affectée d’une
modalité l’inscrivant dans le temps. On peut penser au terme qui est un événement futur et
certain dont dépend l’exigibilité ou l’extinction de l’obligation. Mais pour l’hypothèse qui
nous intéresse, la stipulation d’un terme n’est pas adaptée car si la dissolution du mariage est
bien un événement futur et certain, sa dissolution par divorce est un événement incertain. Le
recours à la stipulation d’une condition est plus adéquat246. L’avantage est que « le mécanisme
de la condition permet aux parties à un acte juridique d’anticiper en toute sécurité un
événement futur, dont elles espèrent ou même sont convaincues qu’il se réalisera ou ne se
réalisera pas, sans cependant pouvoir en être certaines »247.
La condition ne doit toutefois pas être potestative248, c’est à dire dépendre de la volonté du
donateur. Ce n’est pas le cas lorsque l’action en divorce est intentée par le donataire. La
condition serait mixte, et donc valable, si l’action était intentée par les deux époux ensemble.
La potestativité pourrait apparaître lorsque c’est le donateur qui demande le divorce249. Mais le
prononcé du divorce fait toujours intervenir un juge, donc un tiers. Et s’il apparaissait
vraiment que la demande de divorce était uniquement motivée par l’intention de faire jouer la
245
V. M. GRIMALDI, op. cit., n° 1599, p. 449.
Article 1168 du code civil : « L’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur
et incertain, soit en la suspendant jusqu’à ce que l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement
arrivera ou n’arrivera pas ».
247
F. TÉRRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligation, précis Dalloz, 8è éd., 2002, n° 1218, p. 1131.
248
Article 1174 du code civil.
249
D’autant plus que la loi de 2004 consacre quasiment un droit au divorce avec le divorce pour altération
définitive du lien conjugal.
246
74
clause résolutoire, il y aurait certainement violation de l’article 1134 alinéa 3 qui prévoit que
les conventions doivent être exécutées de bonne foi.
Enfin, il faut rappeler que la condition accomplie a un effet rétroactif. Cela peut être
intéressant pour le donateur mais dangereux pour les tiers. Il faudra garantir leur sécurité
juridique.
A l’issue de cette étude, il résulte que la révocation conventionnelle des donations de biens
présents en cas de divorce peut être théoriquement envisagée, sous réserve de quelques
précautions. Il faut maintenant voir quels sont les moyens concrètement envisageables pour
parvenir à ce résultat.
§2 – Les moyens concrètement envisageables
Le donateur peut toujours tenter de négocier une révocation au moment du divorce (B). Mais
pour que l’organisation volontaire de la révocation soit pleinement efficace, il ne faut pas
qu’elle dépende de la volonté du donataire250. Le donateur doit pour cela avoir anticipé
conventionnellement la question du divorce (A).
A – L’anticipation du divorce par le donateur.
Elle peut se faire dans le contrat de donation (1), et peut-être même dans le contrat de mariage
(2).
1 – Dans le contrat de donation
Le divorce n’est plus un phénomène sociologiquement marginal. Par conséquent, il n’est plus
malsain de l’envisager au moment du consentement d’une libéralité251. Ainsi, la stipulation de
l’usufruit successif pourrait être faite sous condition résolutoire du prononcé du divorce au
jour du décès du disposant. Si la condition ne se réalise pas, le conjoint survivant pourra en
profiter, dans le cas contraire, la libéralité serait anéantie rétroactivement252. Cette clause
n’aurait aucune incidence fiscale pour ce cas particulier de l’usufruit successif. En effet, les
droits de mutation du bénéficiaire du second usufruit seront déterminés et payables au jour du
décès du premier usufruitier253. Mais si un divorce est intervenu avant, la clause résolutoire va
250
V. C. BRENNER, art. préc. n°22.
En ce sens, V. J.-F. SAGAUT, art. préc. p. 287.
252
Pour une étude complète des conséquences de cette clause V. M. IWANESKO, « Le danger des donations de
biens présents entre époux », B.PAT. 2004 n°5 p.3 et s.
253
art. 676 CGI.
251
75
jouer et le second bénéficiaire va perdre ses droits. Il n’a encore payé aucun droit de mutation
à ce moment-là.
En revanche, la stipulation d’une condition résolutoire dans une donation de biens présents
peut avoir de lourdes conséquences fiscales. Cette donation donne en effet lieu à la perception
immédiate des droits de mutation à titre gratuit. Et en cas de réalisation de la condition,
l’effacement rétroactif de la donation ne donne pas lieu à la restitution des droits
antérieurement perçus254. Cet inconvénient peut néanmoins être nuancé du fait de l’abattement
de 76000 euros dont bénéficient les donations entre époux.
La rétroactivité pourrait porter atteinte aux droits que le donataire a consentis aux tiers sur le
bien donné255. Pour éviter tout problème ultérieur, il faudrait faire renoncer le donateur à la
clause de non divorce, au moment de la cession des droits sur le bien par le donataire à un
tiers. Il serait peut être aussi opportun d’ajouter à la clause résolutoire une clause
d’inaliénabilité c’est-à-dire une stipulation par laquelle le disposant interdit au gratifié
d'aliéner le bien donné256.
L’inconvénient de cette technique de la condition est qu’il faut un acte support, donc un
contrat de donation qui est en principe un contrat solennel257. Or, en pratique, la plupart des
donations entre époux échappent aux règles de forme. Le domaine d’application de ce procédé
est donc très réduit. Cela va peut-être encourager les donateurs à recourir à l’acte authentique.
Il faut néanmoins préciser que des pactes adjoints peuvent être apposés aux dons manuels. Or,
il est admis que ces pactes peuvent contenir une clause de retour258. De la même façon, ils
devraient pouvoir renfermer une clause de non divorce. Dans les autres cas, le remède est
peut-être à rechercher dans le contrat de mariage.
2 – Dans le contrat de mariage
L’idée est la suivante : les époux prévoient dans leur contrat de mariage que toutes les
donations, quelle que soit leur forme, qu’ils vont pouvoir se consentir pendant l’union seront
révoquées en cas de divorce, par dérogation à l’article 265 du code civil259. Sous réserve de la
254
Art. 1961 al. 1 CGI.
Les droits des tiers sont quand même garantis pour les meubles, par l'article 2279 du Code civil et, pour les
immeubles, par l'opposabilité de la clause, liée à sa publication sur les registres de la publicité foncière (D. no 5522, 4 janv. 1955, art. 28,2o, portant réforme de la publicité foncière, JO 7 janv., p. 346)
256
Les conditions de validité de cette clause sont strictes. Elle doit être temporaire et justifiée par un intérêt
légitime et sérieux. V. sur la question M. GRIMALDI, op. cit., n°1221, p. 167. Mais en l’espèce sa validité ne
devrait pas poser de difficulté.
257
L’article 931 du code civil impose l’acte notarié à peine de nullité de la donation.
258
M. GRIMALDI, op. cit., n° 1307, p. 234.
259
J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel
? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°3 : « A ceux qu’étonnerait ou choquerait cette idée de prévoir une
255
76
protection des droits des tiers, cette clause ne devrait pas poser de problème de validité. Il est
admis que le contrat de mariage puisse contenir des dispositions étrangères au régime
matrimonial et nous avons démontré que l’article 265 alinéa 1 était supplétif. La
contractualisation du divorce aurait ainsi des répercussions en amont dans l’organisation ab
initio du mariage260.
Mais on retrouve le même problème que précédemment. Dans une très grande majorité des
cas, les futurs mariés n’établissent pas de contrats de mariage.
Aussi, pour les personnes qui ont conclu un contrat de mariage avant la réforme, et pour les
donations qui ont été consenties avant 2005, aucune clause d’anticipation n’a pu être prévue.
Dans toutes ces situations, la dernière possibilité pour le donateur de récupérer son bien est la
négociation.
B – La négociation pendant la procédure de divorce
Le donateur peut obtenir la révocation par un mutuus dissensus qui sera constaté par le juge261.
Mais le donataire est en position de force. Il n’est pas obligé d’accepter et son accord risque
d’être subordonné à une contrepartie. En aucun cas, le donateur ne pourrait demander la
révocation de la donation au juge262. Le résultat est donc incertain pour lui.
Par ailleurs, cette méthode peut avoir des conséquences fiscales lourdes si elle était qualifiée
de donation en sens inverse263.
En définitive, même si une place existe pour la volonté des époux d’organiser eux- mêmes le
sort des donations de biens présents en cas de divorce, en pratique, la plupart de ces libéralités
risque d’être toujours régie par l’article 265 alinéa 1. Car le moyen le plus efficace est
l’anticipation. Or, seules les donations importantes, conclues par acte authentique,
bénéficieront de la dérogation anticipée. Mais pour éviter tout litige, il faut bien que la clause
soit incontestable. L’acte authentique permet de garantir cette sécurité.
Les notaires seront également appelés pour l’anticipation du divorce sur les avantages
matrimoniaux de l’article 265 alinéa 1.
séparation, il peut être répondu que prévoir n’est pas réaliser, que ce n’est pas parce que l’on fait son testament
qu’on meurt ».
260
Pour le développement de cette idée, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, art. préc.
261
Par exemple, dans le cadre des conventions de l’article 268.
262
Hormis les causes légales.
263
C. BRENNER, art. préc. n°22
77
Section 2 – L’incidence volontaire du divorce sur les
avantages matrimoniaux de l’article 265 alinéa 1 du
code civil
Le règlement du sort des avantages matrimoniaux touche à la liquidation du régime
matrimonial. A ce moment précis, le régime est déjà dissout et les époux peuvent aménager
librement les modalités de cette liquidation car le principe d’immutabilité du régime
matrimonial ne joue plus. Le nouvel article 265-2 du code civil prévoit dans ce sens que les
époux peuvent, pendant l’instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et
le partage de leur régime matrimonial. Dans le cadre de ces conventions, il est possible qu’ils
reviennent, d’un commun accord, par exemple sur l’apport d’un bien à la communauté264.
Mais l’accord entre les époux au moment du divorce sera souvent difficile à obtenir. L’époux
avantagé n’est pas obligé d’accepter la négociation d’autant qu’il sait que l’article 265 alinéa 1
le protège dans ses droits.
Dans ces conditions, la solution la plus sûre pour le gratifiant est d’anticiper le problème en
utilisant le mécanisme de la condition. De la même façon que pour les donations de biens
présents, ce n’est pas le droit du divorce qui s’oppose à d’éventuelles clauses de révocation.
Les obstacles pourraient plutôt venir du droit des régimes matrimoniaux (§ 1). Mais ces
obstacles ne sont pas absolus et le principe de la liberté des conventions matrimoniales
autorise à proposer quelques aménagements permettant de répondre à la volonté des époux (§
2).
§ 1 – Les obstacles à la révocation par anticipation
des avantages matrimoniaux en cas de divorce
Les époux peuvent-ils adopter un régime de communauté universelle sous condition
résolutoire de la survenance d’un divorce ? Pour la doctrine, un tel contrat de mariage
conditionnel est prohibé en raison de deux principes issus du droit des régimes matrimoniaux.
Il s’agit du principe général d’immutabilité du régime matrimonial (A) et du principe, encore
plus général, d’unicité du régime (B).
264
Pour une formule, V. D. MONTOUX, J. LAFOND et J.-F. PILLEBOUT, « Divorce par consentement mutuel », JCP (éd.
N) 2004, I, n°1597, p. 1866.
78
A – Le principe d’immutabilité du régime matrimonial
Ce principe signifie que, contrairement au droit commun où les parties peuvent modifier ou
anéantir leur convention d’un commun accord, « les époux sont dans l’impuissance de
toucher, par leur seule volonté commune, à leur statut matrimonial »265. Depuis la réforme du
13 juillet 1965, le changement de régime matrimonial est toutefois permis mais sous le
contrôle du juge266. Mais cet assouplissement du principe d’immutabilité ne permet pas
d’autoriser une mutabilité par anticipation du régime où les époux auraient adopté une
communauté universelle en prévoyant un retour à la communauté réduite aux acquêts en cas
de divorce. Néanmoins, ce principe est en constant déclin (1) et ce déclin a même été précipité
avec la réforme du 26 mai 2004 qui a supprimé la libre révocabilité des donations entre époux
(2). Cette considération permettra peut être un jour de valider l’hypothèse proposée.
1 – Un principe en constant déclin
Trois fondements expliquent le principe d’immutabilité du régime matrimonial267 : l’idée que
le contrat de mariage est un pacte de famille ; la protection du conjoint contre l’influence
prépondérante de l’autre ; la protection des tiers. On peut se demander s’ils sont encore
justifiables aujourd’hui.
Par ailleurs, il a été montré que les atteintes indirectes à ce principe se multiplient268. L’auteur
a ainsi démontré que désormais « tout un pan des rapports pécuniaires des époux entre eux
lui échappe269 » : celui des transferts patrimoniaux onéreux ( avec les ventes270 et les sociétés
entre époux271) et celui des transferts de valeurs motivés par l’idée de solidarité conjugale
( avec le développement des achats pour autrui des époux séparés en biens, de l’assurance vie
entre époux, de la réversion de rente viagère ou d’usufruit, de la tontine).
Messieurs Malaurie et Aynès reconnaissent aussi que « les idées en la matière évoluent
lentement mais fortement »272. Un pas supplémentaire a d’ailleurs été franchi par la loi du 26
mai 2004.
265
A. COLOMER, Droit civil – Régimes matrimoniaux : Lexis Nexis Litec, 2004, 12è éd., n° 336.
Article 1396 du code civil.
267
V. A. COLOMER, op. cit. n° 338 p. 157.
268
N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th. Limoge 2000,
Presses universitaires de Limoges, préface B. Vareille
269
N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc., n°376, p. 484.
270
Qui portent atteinte à la composition des patrimoines.
271
Qui portent atteinte à la composition des patrimoines et aux règles de gestion.
272
Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux : éd. Defrénois 2004, p. 99.
266
79
2 – Un déclin précipité avec la suppression de la libre révocabilité des
donations entre époux
L’immutabilité était aussi justifiée parce qu’une modification aurait permis de rendre
irrévocables des donations entre époux alors que leur libre révocabilité, principe d’ordre
public, visait à protéger les abus d’influence entre époux.
Comme on avait pu le prédire, « la suppression de l’article 1096 entraînerait nécessairement
la disparition du principe d’immutabilité du régime matrimonial en tant qu’il prohibe le
changement de qualification d’un bien sans contrepartie »273. C’est aujourd’hui chose faite.
Ce bouleversement va sans doute réveiller le débat sur l’opportunité du maintien de
l’homologation judiciaire de l’article 1397 du code civil274. L’évolution tend vers la libre
mutabilité des régimes matrimoniaux, ce qui ouvrirait la porte à la validité des régimes
matrimoniaux conditionnels, très utiles pour les époux qui souhaitent anticiper à la fois la
protection du conjoint survivant et la protection de leurs propres intérêts en cas de divorce.
Mais avant de pouvoir envisager de tels avantages matrimoniaux ou régimes matrimoniaux
conditionnels, il faut aussi tenir compte de la force du principe d’unicité du régime
matrimonial.
B – Le principe d’unicité du régime matrimonial
Ce principe condamne les contrats de mariages affectés d’un terme ou d’une condition. Mais
son fondement est contesté (1) et les règles du droit international privé affaiblissent sa portée
(2).
273
LUCET (F.), Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, thèse Paris II, 1987, n°314, note
44.
274
Sur ce points, V. notamment : Ph. MALAURIE « Changement conventionnel de régime matrimonial et
suppression de l'homologation judiciaire », Defrénois 1998, art. 36845, p. 913, qui trouvait que le débat sur
l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial s’était endormi ; voir aussi LANGLADE-O'SUGHRUE,
« Pour la liberté totale de changer de régime matrimonial », J.C.P. 1992. I, p. 251 ; S. FRÉMEAUX, « L'avenir de
l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial », Defrénois 2000, art. 37166 ; et le Voeu du
75e Congrès des notaires, La Baule,1978 ainsi que la proposition de la commission présidée par F. DEKEUWERDÉFOSSEZ (Rénover le droit de la famille) de supprimer le contrôle judiciaire sur le changement de régime
matrimonial.
80
1 – Un fondement contesté.
Comme le reconnaît Monsieur Colomer, « en théorie pure, la stipulation d’une condition,
qu’elle soit suspensive ou résolutoire, ne porte assurément aucune atteinte au principe de
l’immutabilité du régime matrimonial, puisque l’événement mis en condition opère avec
rétroactivité : les époux sont censés n’avoir été soumis qu’à un seul et même régime »275. Pour
renforcer la prohibition des contrats de mariage conditionnels, qui pourraient être en pratique
dangereux pour les tiers, il a fallu faire appel à ce principe d’unicité. On peut ici rappeler la
démonstration de Boulanger : « pour justifier la nullité de la stipulation d’un terme, il faut
faire appel à un principe encore plus général que le principe de l’immutabilité des conventions
matrimoniales, et dont celui-ci contribue, pour sa part, à assurer le respect : le principe
informulé, mais impliqué par l’ensemble de la réglementation légale, de l’unicité du régime
matrimonial. La volonté de la loi est que, pendant le mariage, il n’y ait qu’un seul régime. Un
changement ne peut résulter que d’une décision du juge, lorsque la loi le permet. Il ne peut
être la conséquence de la simple volonté des parties, même lorsque celle-ci s’est exprimée
dans le contrat de mariage »276. Mais depuis la réforme du 13 juillet 1965 les époux peuvent
être soumis à plusieurs régimes différents au cours de leur mariage, en ayant recours à la
procédure de changement de régime matrimonial. La réglementation légale contient désormais
un texte, l’article 1397, qui contredit ce principe277. Cette contradiction est renforcée depuis
l’entrée en vigueur en France de La Convention de la Haye, du 14 mars 1978 sur la loi
applicable aux régimes matrimoniaux.
2 – Un principe menacé par les règles du D.I.P.
La Convention de la Haye, du 14 mars 1978, entrée en vigueur le 1er septembre 1992
s’applique aux couples qui présentent un élément d’extranéité et bouleverse les grands
principes du droit interne des régimes matrimoniaux 278 279.
Elle offre d’abord la possibilité à ces couples de changer à tout moment de loi applicable à
leur régime et l'article 1397-3 du code civil retient qu’à cette occasion, les époux peuvent
désigner la nature du régime matrimonial choisi par eux. Ces règles permettent ainsi aux
275
A. . COLOMER, op. cit., n°378, p. 178.
BOULANGER, sur PLANIOL et RIPPERT, t. 8, n°61-2, cité par A. COLOMER, op. cit. n°378 note 115.
277
Contra : A. COLOMER, op. cit., n°377 note 115.
278
Complétée par la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997modifiant le Code civil pour l'adapter aux stipulations de
la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement
de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère, publiée au J. O.du 29 Octobre 1997.
279
Sur cette Convention, V. G. DROZ , « Les nouvelles règles de conflit françaises en matière de régimes
matrimoniaux », Rev. crit. DIP 1992, p. 631 ; M. REVILLARD, « Entrée en vigueur de la Convention de La Haye
sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux », Defrénois 1992, p. 270.
276
81
époux de changer de régime matrimonial sans passer par l’homologation judiciaire. De plus,
l’article 6 de la convention pose le principe de la rétroactivité de ce changement280.
Ensuite, l’article 7 de la convention organise des changements automatiques de loi applicable
au régime (et donc des changements automatiques de régimes) en fonction des déplacements
des époux. Avec cette mutabilité automatique, les époux peuvent être soumis à différents
régimes sans s’en rendre compte281.
Enfin, elle autorise, en dérogation au principe d’unité du régime matrimonial, de soumettre
certains immeubles à la lex rei sitae et donc à un régime matrimonial différent du régime
principal des époux282. Ainsi, un Français et une Allemande peuvent établir en France un
contrat de mariage en choisissant à titre principal le régime de la séparation de biens du droit
français et la communauté différée des augments du droit allemand pour les immeubles qu'ils
ont en Allemagne.
De ce constat, on pourrait déduire que le principe de l’unicité a été évincé par la Convention
de La Haye283. Mais les textes du code civil n’ont pas encore changé. Toutefois l’évolution se
dirige dans ce sens. Comme le relève un auteur, « c’est l’attraction du traité qui sera
observée, traité modèle, traité aimant qui attirera à lui le droit interne et imposera la
métamorphose de ce dernier »284. Avant d’envisager les aménagements du contrat de mariage
permettant de déroger au maintien de certains avantages matrimoniaux en cas de divorce, il
faut donc considérer que les obstacles au régime matrimonial conditionnel existent toujours,
même s’ils seront sans doute levés bientôt.
§ 2 – Les aménagements autorisés par le principe de
la liberté des conventions matrimoniales.
La pratique utilise déjà une clause de reprise par chaque époux des biens apportés en
communauté universelle, en cas de divorce. Cette clause est très controversée mais devrait
280
Même si l’article 1397-4 du code civil ne l’a pas repris, ce qui crée un conflit entre la loi interne et la
convention internationale, V. sur ce point D. BOULANGER «Premier regard sur la loi n° 97-987 du 28 octobre
1997 » JCP (éd. N) 1997 n° 50, p. 1525.
281
Sur cette mutabilité automatique de l’article 7 de la convention, V. par exemple : M. RÉVILLARD, « Premier
bilan d’application de la convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes
matrimoniaux » in mélanges G. DROZ 1996, p.386 ; R.CRÔNE, « Le changement automatique de loi applicable au
régime matrimonial : une bombe à retardement », Defrénois 2001, art. 37396, p. 1026.
282
Article 3 de la Convention.
283
N. PETRONI-MAUDIÈRE, op. cit., n°359, p. 464 : « Un principe général (implicite) du droit interne peut-il
survivre lorsque la France adhère à une convention internationale de valeur supérieure au droit interne, qui le
réfute ? »
284
H. LECUYER, « Les régimes matrimoniaux : le droit international privé modèle du droit interne ? », LPA 2001,
n°62 p. 49.
82
toujours pouvoir satisfaire la volonté des époux (A). Nous verrons ensuite si d’autres
techniques permettraient d’éviter qu’un époux profite encore après le divorce d’un avantage
qui avait pris effet en cours d’union (B).
A – La clause controversée de reprise des biens apportés à la
communauté universelle.
Le régime de communauté universelle est adopté dans la perspective d’une dissolution du
mariage par décès pour protéger le conjoint survivant. Il est en revanche inadapté au divorce.
Or, il paraît normal que les époux ne souhaitent pas que le règlement de leurs intérêts
pécuniaires prenne la même consistance en cas de décès ou de divorce. On leur conseille
alors souvent d’y inclure une clause de sauvegarde en vertu de laquelle chaque époux pourra
reprendre les biens apportés à la communauté et les biens advenus à titre personnel, le surplus
étant partagé par moitié entre eux285. Cette clause écarterait ainsi le maintien de la
communauté universelle prévu à l’article 265 alinéa 1. Il faut donc voir si elle est valide au
regard du droit des régimes matrimoniaux (1) et si elle est efficace au regard du droit du
divorce (2).
1 – La validité de la clause de reprise au regard du droit des régimes
matrimoniaux
Ce qui pose problème avec cette clause c’est qu’elle a pour objet de revenir sur un régime
matrimonial qui a déjà produit ses effets. La question de sa nature et de sa validité s’est posée
devant les tribunaux. Le premier à en connaître fut le tribunal de grande instance de
Strasbourg. Il a déclaré la clause nulle comme étant contraire au principe d’immutabilité des
conventions matrimoniales au motif qu’elle réalise une succession de deux régimes
matrimoniaux et en raison de son caractère rétroactif, portant atteinte aux droits des tiers286.
Cette décision qui remettait en cause une pratique courante a été très critiquée, notamment par
M. le Doyen Simler287. Cet auteur relève d’abord que la clause n’a pas pour effet de revenir
rétroactivement sur la communauté universelle, les époux ayant pris soins d’écarter toute
remise en question des droits acquis par les tiers avant la dissolution du régime. Il démontre
ensuite que la clause ne joue qu’après que le régime soit dissous, donc à un moment où la
285
Cette clause s’est développée en Alsace et en Moselle et est ainsi souvent dénommée « clause alsacienne ».
TGI Strasbourg, 17 sept. 1987 : JCP (éd. N) 1989, II, p. 109, note Ph. SIMLER.
287
Ph. SIMLER, note sous TGI Strasbourg, 17 sept. 1987, préc. ; note sous Colmar, 16 mai 1990, JCP (éd. N)
1991, II, p. 17.
286
83
liberté des époux n’est plus limitée par le principe d’immutabilité, pour changer les modalités
de la liquidation. Il aboutit à la qualification d’opération de partage ayant pour objet une
reprise à titre de biens commun. Cette analyse a été suivie par la Cour d’appel de Colmar qui a
validé la clause288.
La Cour de cassation a, à son tour, validé cette clause mais en l’analysant en une reprise à titre
de propres289. Cette analyse signifierait que le bien apporté en communauté, donc commun,
change rétroactivement de nature au moment de la reprise pour devenir un propre. La Cour de
cassation aurait ainsi implicitement validé le régime matrimonial alternatif290. Certains auteurs
pensent qu’il s’agit d’une inadvertance rédactionnelle291, d’autres estiment que l’arrêt est bien
rendu292.
Un auteur a aussi analysé cette clause comme une révocation anticipée d’un avantage
matrimonial293. Elle en déduit qu’elle est illicite car elle porte atteinte à l’immutabilité du
régime.
En réalité, la technicité de ces débats peut sans doute s’expliquer par le besoin de valider une
pratique qui répond à la demande des époux. Pour l’heure, elle est considérée comme licite
par la jurisprudence et pour le justifier, la doctrine majoritaire considère qu’il s’agit d’une
clause de liquidation alternative294. Cette analyse pourrait avoir des conséquences néfastes sur
l’efficacité de la clause au moment voulu, compte tenu du nouveau critère de l’article 265 du
code civil.
2 – L’efficacité de la clause de reprise au regard du droit du divorce
Cette clause prend effet au moment de la liquidation du régime. On pourrait penser qu’elle
tombe alors sous le coup de l’article 265 alinéa 2 et est révoquée de plein droit295. Elle serait
donc licite mais inefficace.
288
CA Colmar, 16 mai 1990 : Defrénois 1990, art. 34917, p. 1361, obs. G. CHAMPENOIS ; JCP (éd. N) 1991, II, p.
17 note SIMLER ; RTD civ. 1992, p. 171, obs. LUCET et VAREILLE.
289
Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 181 ; JCP (éd. G) 1993, II, 22108 ; JCP (éd. N) 1994, II, p.
38, note SIMLER ; D. 1993, somm. p. 220, obs. M. GRIMALDI ; Defrénois 1993, art. 35416, p. 34, note M.C.
FORGEARD ; RTD civ. 1993, p. 187, obs. LUCET et VAREILLE.
290
A. COLOMER, op. cit., n°318 note 117.
291
P. CATALA, « Variations autour de la communauté universelle » : Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ,
1994, p. 45 ; Ph. SIMLER, « La validité de la clause de liquidation alternative de la communauté universelle
menacée par le nouvel article 265 du code civil », JCP (éd. N) 2005, I, 1264, p. 888.
292
M. Grimaldi, obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 , D. 1993, somm. p. 220.
293
M.F. SALLE, « La communauté universelle et la clause de reprise en nature des biens tombés en communauté »,
D. 1994, chron. p. 34.
294
Compte tenu de l’évolution envisagée du droit des régimes matrimoniaux, la prise en compte des autres
analyses est possible sans forcément déboucher sur une prohibition de la clause.
295
En ce sens, V. F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages
matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 ; J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur
le rôle du notaire », Dr. et patrimoine févr. 2004, p. 26.
84
Mais peut-on considérer qu’elle constitue vraiment un avantage matrimonial ? M. le Doyen
Simler objecte qu’il s’agit de son contraire : elle empêche qu’un avantage ne se réalise. Elle
n’est dès lors pas concernée par l’article 265 du code civil296. Pourtant, la communauté
universelle a bien produit ses effets jusqu’au divorce. La clause ressemble plus à une
révocation de cet avantage. Dès lors, elle serait efficace en cas de divorce mais ne serait, pour
l’instant, pas valide au regard du droit des régimes matrimoniaux.
En réalité, quelle que soit l’analyse retenue pour admettre sa validité, les époux ont voulu, par
cette clause, organiser eux-mêmes les conséquences du divorce sur cet avantage, par
dérogation à l’article 265. Elle n’est en effet expressément envisagée en cas de divorce. Or,
nous avons vu que ce texte est supplétif297. Il ne s’applique qu’à défaut de volonté contraire
des époux. Il n’y a donc plus lieu de le faire jouer au moment où la clause prend effet.
L’anticipation produit ici ses fruits et la volonté des époux est respectée. On peut même dire
que son efficacité est renforcée avec la nouvelle législation car son action sera étendue à tous
les types de divorces298. Ce n’est plus le droit du divorce qui s’oppose à la liberté des époux
d’organiser ses conséquences patrimoniales.
La clause de reprise des apports en cas de divorce, que nous venons d’analyser, se rencontre
fréquemment dans les contrats de communauté universelle. Mais elle est transposable aux
contrats de communauté de meubles et d’acquêts ou aux apports à titre particulier. Elle
demeure un moyen efficace pour les époux qui souhaitent contrer les dispositions de l’article
265 alinéa 1, même si d’autres techniques sont envisageables.
B – Les autres techniques envisageables.
Pour les époux qui ne souhaitent pas qu’au moment du divorce le conjoint reste avantagé, il
peut également leur être proposé d’aménager le mécanisme des récompenses (1) ou de différer
les apports au jour du décès (2).
1 – L’aménagement du mécanisme des récompenses.
Un auteur299 propose de stipuler que les apports à la communauté donneront lieu à récompense
à la charge de la communauté et au profit de l’apporteur. Ces apports, on l’a vu dans le titre 1,
296
Ph. SIMLER, « La validité de la clause de liquidation alternative de la communauté universelle menacée par le
nouvel article 265 du code civil », JCP (éd. N) 2005, I, 1264, p. 888.
297
Voir supra, section 1 § 1.
298
Sous la loi de 1975, elle la clause était tenue en échec par les articles 267 et 269 du code civil : V. P. CATALA,
« Variations autour de la communauté universelle » : Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45.
299
M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit & Patrimoine
mars 2005, n°135 p. 32 et s.
85
seront maintenus, en cas de divorce, avec la clause de récompense qui les accompagne. Cela
permettra à chaque conjoint de récupérer ses apports en valeur ou en nature selon les
modalités de l’article 1471 du code civil.
Mais pour que l’avantage profite quand même au conjoint survivant en cas de dissolution du
mariage par décès, une autre stipulation peut prévoir une dispense de récompense dans cette
hypothèse de dissolution. Cette stipulation, qui constitue un avantage matrimonial pour le
conjoint survivant, sera révoquée de plein droit en cas de divorce en vertu de l’article 265
alinéa 2.
C’est donc une autre hypothèse de liquidation alternative, valide et efficace.
2 – Des apports sous condition suspensive de dissolution de l’union par
décès.
L’idée serait de proposer une composition alternative de la communauté en fonction de la
cause de sa dissolution. Celle-ci pourrait être élargie, en cas de décès, grâce à des apports de
biens propres, et être réduite aux acquêts en cas de divorce. Il faudrait pour cela que les
apports envisagés se fassent sous condition suspensive de dissolution pour cause de décès. Ils
seraient différés à cette date.
Si un divorce intervient avant, la condition ne se réalisera jamais et par conséquent l’apport ne
sera jamais effectué, ce qui ne pose pas de problème de rétroactivité et donc de validité de la
clause.
En revanche en cas de décès, la condition se réalise et les biens propres, objet de l’apport,
seront rétroactivement considérés comme des biens communs. La communauté sera ainsi
élargie et il pourrait alors être prévu un partage inégal en faveur du survivant ou même son
attribution intégrale à son profit. Mais le problème de la rétroactivité apparaît et pourrait
entraîner l’annulation de la clause pour atteinte aux principes d’immutabilité et d’unicité du
régime matrimonial. L’efficacité de cette clause en cas de divorce est certaine mais sa validité
en cas de décès reste pour le moment douteuse.
La réforme du divorce aura peut-être le mérite de redonner une impulsion à la jurisprudence
qui reconnaîtra certainement un jour la validité des régimes matrimoniaux alternatifs. Il
faudrait pour cela que la Cour de cassation confirme explicitement son arrêt du 16 juin
1992300. Les conséquences d’un éventuel divorce devraient en effet pouvoir être envisagées à
300
Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 181, préc.
86
un moment où les époux sont en accord. Le droit du divorce ne s’y oppose pas. Le droit des
régimes matrimoniaux devrait leur en offrir les moyens.
Avec ces clauses d’anticipation, dans les donations ou les contrats de mariage, l’esprit du
nouveau système n’est pas atteint. Le sort de ces dispositions peut toujours être connu avant le
prononcé du divorce avec certitude. Seul le résultat change, mais la base qui servira de
référence pour l’attribution d’une éventuelle prestation compensatoire pourra toujours être
connue aussi rapidement et elle sera aussi stable qu’avec l’application de l’article 265. Les
effets du divorce restent concentrés au moment de son prononcé. C’est cet esprit qui doit aussi
être conservé lorsque l’on envisage la dérogation au principe de l’alinéa 2 de l’article 265 du
code civil, à savoir le maintien des dispositions légalement révoquées de plein droit.
87
Chapitre 2 – Le maintien volontaire des dispositions légalement
révoquées
Jusqu’à présent nous avons essayé de chercher des techniques pour contrer l’application de
l’article 265 alinéa 1 et ainsi obtenir la révocation de dispositions légalement maintenues,
dans un souci de satisfaire les intérêts du disposant. Ici, la révocation est organisée
légalement. Et on ne voit pas immédiatement ce qui pourrait motiver le disposant à demander
un maintien volontaire. Dès lors, les solutions proposées par l’article 265 du code civil
paraissent paradoxales. En effet, tandis que l’intérêt d’obtenir une révocation conventionnelle
est évident, l’article 265 al. 1 n’organise pas la situation ; en revanche, l’intérêt de s’opposer à
l’article 265 al. 2 est peu flagrant et pourtant, le texte a prévu l’hypothèse.
En réalité, cette hypothèse pourrait quand même s’avérer utile pour certaines dispositions qui
prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial par divorce (Section 1).
Cependant, elle semble inopportune et même dangereuse pour les dispositions qui ne vont
produire leurs effets qu’au jour du décès de disposant (Section 2).
On peut relever, au passage, que dans le cadre de l’organisation volontaire d’une révocation
des dispositions visées à l’article 265 alinéa 1, le disposant peut toujours renoncer à invoquer
son droit et ainsi maintenir volontairement ces dispositions qui étaient conventionnellement
révoquées301.
Section 1 – L’intérêt du maintien de certaines
dispositions prenant effet à la dissolution du régime
matrimonial par le divorce.
La dissolution du régime matrimonial est liée au divorce. Les opérations de liquidation et de
partage du régime peuvent être terminées au moment du prononcé du divorce302, sinon, la loi
301
Cette volonté pourra s’exprimer dans le cadre des conventions de l’article 265-2 ou 268 du code civil. Ce
maintien est alors irrévocable compte tenu de l’article 1096 du code civil pour les donations de biens présents et
de la liquidation de la communauté pour les avantages matrimoniaux.
302
Ces opérations sont obligatoirement terminées au moment du prononcé du divorce par consentement mutuel
(article 230 et 232 du code civil). Elles sont encouragées et mieux intégrées dans la procédure pour les autres cas.
Par exemple, dès le stade de la conciliation, le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce
que ses conséquences (article 252 du code civil), il les incite à régler ces conséquences à l’amiable (article 252
88
du 26 mai 2004 organise un calendrier afin d’accélérer le processus et de limiter sa durée à un
an voire 18 mois après le prononcé303. Dans ces conditions, le maintien des avantages
matrimoniaux qui prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial sera mis
en œuvre rapidement et le conjoint bénéficiaire pourra en profiter définitivement. Ce maintien
ne va pas créer de lien patrimonial entre les époux après le divorce. Les inconvénients sont
alors réduits. Mais les avantages d’un tel maintien existent-ils ?
Nous allons montrer qu’une réponse positive peut être apportée à cette question que ce soit
pour le régime de la participation aux acquêts (§ 1) ou les régimes communautaires (§ 2).
§ 1 – Le maintien volontaire et le régime de la
participation aux acquêts
Nous avons vu que le régime de la participation aux acquêts est un régime matrimonial dont
l’aspect communautaire n’apparaît qu’au moment de sa dissolution, en l’occurrence au
moment du divorce. C’est à cet instant là aussi que les avantages matrimoniaux résultant de
l’aménagement des modalités de sa liquidation prennent effet. Or l’article 265 alinéa 2 prévoit
leur révocation de plein droit.
Mais souvent, les époux organisent dans leur contrat de mariage une liquidation de ce régime
qui protège au maximum le conjoint survivant en cas de dissolution du mariage par le décès,
et alternativement une liquidation a minima en cas de divorce. Ils organisent ainsi eux-mêmes
les conséquences d’un divorce sur les avantages matrimoniaux qui en résultent. Avec le
nouvel article 265 du code civil cette prévision sera-t-elle respectée au moment voulu ?
La possibilité de déroger à l’article 265 alinéa 2 ne fait aucun doute. Le problème éventuel qui
pourrait surgir est celui de savoir si l’on peut renoncer à l’avance à la révocation de plein
droit. Rien ne semble s’y opposer. Comme l’ont justement relevé Messieurs les Professeurs
Hauser et Delmas-Saint-Hilaire, « le texte de l’article 265 ne dit pas que la volonté de l’époux
qui veut maintenir doit être exprimée au moment du divorce, mais seulement constatée à ce
du code civil). Dans le cadre des mesures provisoires, le juge peut désigner un notaire en vue d’élaborer un projet
de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager (article 255 10°). Enfin, la demande
introductive d’instance doit comporter, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts
pécuniaires et patrimoniaux des époux (article 257-2).
303
Au moment du prononcé du divorce, si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire
désigné sur le fondement du 10° de l’article 255 contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de
l’un ou l’autre des époux, statue sur les désaccords persistant entre eux (article 267 du code civil). Et si les
opérations de liquidation et de partage ne sont pas achevées dans le délai d’un an après que le jugement de
divorce est passé en force de chose jugée, le tribunal pourra éventuellement accorder un délai supplémentaire
d’une durée maximale de six mois, à l’expiration duquel, il pourra statuer sur les dernières contestations
subsistantes (article 267-1).
89
moment là, ce qui préserve l’hypothèse d’une volonté antérieurement exprimée »304. Le nouvel
article 265 alinéa 2 ne remet donc pas en cause les modalités de la liquidation de la créance de
participation voulue par les époux en cas de divorce (A). Cette liquidation implique le
maintien d’avantages matrimoniaux pour le conjoint qui en bénéficie et risque alors de faire
apparaître un déséquilibre significatif qui sera à compenser au profit du conjoint qui la subit
(B).
A – La liquidation conventionnelle de la créance de
participation
L’hypothèse étudiée est celle ou les époux ont aménagé la liquidation de la créance de
participation pour le cas spécifique du divorce. La dérogation à l’article 265 alinéa 2 voulue
par les époux doit alors être respectée305. Ces aménagements peuvent porter sur le calcul de la
créance de participation (1) ou même sur l’exclusion de sa liquidation (2).
1 – Le calcul conventionnel de la créance de participation
Nous pensons principalement à la clause qui prévoit, sous ce régime de participation aux
acquêts, l’exclusion des biens professionnels de la masse de biens servant de base au calcul de
la créance de participation en cas de dissolution du régime autrement que par le décès de
l’époux professionnel306. Cette clause permet de réduire la créance de participation au profit de
l’entrepreneur. Sans elle, cette créance due par l’entrepreneur pourrait être telle que ce dernier
serait obligé d’emprunter ou de vendre son instrument de travail pour supporter cette charge.
Elle procure ainsi un avantage matrimonial à l’époux qui détient le patrimoine professionnel
le plus important307. Les époux ont stipulé cet avantage pour le cas de divorce. Il ne doit pas
304
J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel
? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 spéc. n°8 ; contra : H. LECUYER, « Libéralités et chausse-trappes de la
loi », Revue Lamy Droit Civil, 2005, n°13 Supplément qui pense que : « l’article 265 exige en effet, pour le
maintien de l’avantage, un consentement de l’époux au moment même du prononcé du divorce » ; F. SAUVAGE,
« Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004,
art. 38038, p. 1425, no 27 : la volonté contraire « ne peut être exprimée à l’avance, par exemple dans le contrat
de mariage, en vertu du caractère d’ordre public de la révocation légale ».
305
En revanche, les aménagements prévus en cas de décès sont normalement révoqués sauf volonté contraire : cf
infra section 2.
306
Clause proposée par J.F.PILLEBOUT, « Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts
avec exclusion des biens professionnels », JCP (éd. N) 1987, I, p. 93.. - Adde, « Formules particulières de contrat
de mariage. Une séparation de biens limitée », JCP (éd. N) 1993, I, p. 141. et N. DUCHANGE et J.F.PILLEBOUT, « La
clause d’ exclusion des biens professionnels de la participation aux acquêts- un correctif nécessaire », JCP (éd.
N.) 1995, I, p.487.
307
comparé à la liquidation d’une participation aux acquêts type.
90
être révoqué de plein droit à ce moment là car ces derniers ont manifesté une volonté
contraire308. Cette clause peut désormais être efficace dans tous les cas de divorce. Il en va de
même pour celle qui exclurait le calcul de la créance de participation dans toutes les
hypothèses de dissolution du régime autrement que par le décès d’un des époux.
2 – L’exclusion conventionnelle de la liquidation de la créance de
participation en cas de divorce.
Il s’agit ici de la clause, plus radicale, qui exclue la créance de participation en cas de
dissolution du régime par divorce. Son auteur propose une liquidation du régime comme sous
un régime de participation aux acquêts en cas de décès, et comme sous un régime de
séparation de biens en cas de divorce309. Si un divorce survient, la clause profitera à l’époux
qui a accumulé le plus d’acquêts et qui n’aura pas à en partager avec son conjoint. Elle doit
être respectée et la liquidation du régime se fera selon les règles de la séparation de bien. Il
s’agit d’un premier pas vers l’admission des régimes matrimoniaux alternatifs (ou
conditionnels).
Le but de ces deux types de clause est de préserver à la fois les droits du conjoint survivant en
cas de dissolution par décès et ceux de l’époux disposant en cas de divorce. Les époux ont
voulu aménager eux-mêmes les conséquences d’un éventuel divorce en prévoyant une
liquidation alternative selon la cause de dissolution du mariage. Les avantages matrimoniaux
qui pourraient résulter de tels aménagements ne doivent pas être remis en question par
l’article 265 du code civil qui est supplétif. La volonté des époux, exprimée dans le contrat de
mariage, doit être constatée par le juge et respectée au moment du divorce.
En définitive, il faut reconnaître qu’il est normal que les époux ne souhaitent pas que le
divorce produise les mêmes conséquences, quant à leurs biens, que le décès de l'un d'eux.
L’admission des régimes matrimoniaux conditionnels pourrait apporter une réponse générale à
ce souhait, quitte à corriger au moment du divorce les déséquilibres significatifs qui
pourraient apparaître.
308
Sinon le risque est qu’à l’avenir, les conjoints entrepreneurs se tournent vers la séparation de biens pure et
simple pour obtenir ce résultat en cas de divorce. Or ce régime est moins protecteur du conjoint survivant que la
participation d’acquêt même aménagée.
309
V. FLAMENT, « Observations sur un régime matrimonial à liquidation alternative (a propos du régime de
participation aux acquêts) », Defrénois 1993, art. 35575, p. 737.
91
B – Le risque d’apparition d’un déséquilibre significatif à
corriger
La volonté de ne rien perdre sur le plan patrimonial après un divorce peut être envisagée par
l’aménagement du contrat de mariage mais cet objectif peut être anéanti par un mécanisme du
droit du divorce qui est la prestation compensatoire (1). Néanmoins, nous verrons que même
si le résultat espéré n’est pas toujours atteint, la clause demeure intéressante (2).
1 – Un objectif anéanti par la prestation compensatoire.
Comme l’avaient relevés les auteurs de ces clauses, l’octroi d’une prestation compensatoire
par le juge du divorce au profit de l’époux qui a subi patrimonialement le fonctionnement de
la clause pourrait fausser le résultat recherché310. Cette prestation sert en effet à compenser
autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie
respectives311. Elle vise à réaliser un rééquilibrage entre les patrimoines des époux pour
réduire les inégalités entraînées par la liquidation du régime312. Ainsi, « l'époux privé de la
créance de participation pourrait en quelque sorte bénéficier de cette créance par
équivalent »313. Cette éventualité est maintenant envisageable dans tous les types de divorce
puisque l’imputation des torts n’a plus d’influence sur le principe de l’octroi de la prestation
compensatoire314.
On pourrait alors douter de l’intérêt pour le disposant de prévoir un maintien conventionnel de
la clause puisque ce qu’il gagne d’un côté, grâce au maintien d’une liquidation à son avantage,
il doit le redonner de l’autre, à cause de la prestation compensatoire. Néanmoins, deux
nuances peuvent être apportées.
2 – Les nuances
Tout d’abord, la prestation compensatoire est déterminée d'après les besoins du demandeur et
les ressources de l'autre époux, en tenant compte non seulement de la situation au moment du
310
J.F.PILLEBOUT, art. préc., et V. FLAMENT, art. préc..
Article 270 du code civil.
312
Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, La Famille, op. cit. n°686 : « sa raison d’être est d’atténuer la disparité que le
divorce a pu provoquer ».
313
V. FLAMENT, art. préc. n° 29.
314
Compte tenu de la suppression de l’ancien article 280-1 du code civil. Sur le nouveau régime de la prestation
compensatoire après la réforme, V. par exemple : J.L. PUYGAUTHIER, « La prestation compensatoire après la
réforme du divorce par la loi du 26 mai 2004, JCP (éd. N) 2005, I, 1001 ; H. POIVEY-LECLERCQ, « La nouvelle
prestation compensatoire après la réforme du 26 mai 2004 », Dossier : Le nouveau divorce : enjeux
patrimoniaux, Droit & Patrimoine, avril 2005.
311
92
divorce mais aussi de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible315. Elle n'est pas
accordée automatiquement à l'époux qui a réalisé les acquêts les moins importants. Ce dernier
peut avoir un patrimoine personnel suffisant.
Ensuite, on peut remarquer que, quelle que soit la solution retenue, le divorce ne doit pas
entraîner une injustice patrimoniale316. Si l’époux bénéficiaire de la clause en question
demandait sa révocation au moment du divorce, il n’aurait peut être pas à verser de prestation
compensatoire puisque le partage de la créance sera égalitaire. Et si cet époux souhaite
bénéficier de la clause, il risque de devoir verser en contrepartie une prestation compensatoire.
Mais dans les deux cas, il verra son patrimoine s’appauvrir pour enrichir celui de son conjoint.
Or, dans le second cas, il pourra profiter d’un avantage fiscal lié au versement d’une
prestation compensatoire, et pas dans le premier, bien que l’appauvrissement puisse être
identique. Par exemple, en cas de versement de la prestation en une seule fois ou de façon
échelonnée, mais sur une période maximale de douze mois, il bénéficiera d’une réduction
d’impôt égale à 25 % du montant des versements effectués dans la limite de 30500 euros317.
Puisque l’époux qui dispose d’un patrimoine plus important risque très souvent de devoir
subir un rééquilibrage par le divorce, l’intérêt de la clause serait alors de provoquer
l’attribution d’une prestation compensatoire pour bénéficier de l’avantage fiscal.
La possibilité de maintenir volontairement des avantages matrimoniaux qui prennent effet au
moment de la dissolution du régime matrimonial peut aussi s’avérer utile dans les régimes
communautaires.
§ 2 – Le maintien volontaire et les régimes
communautaires
Nous pensons ici au maintien volontaire d’une clause de partage inégal de la communauté ou
d’aménagement du mécanisme des récompenses. La volonté du maintien n’apparaît pas dans
le contrat de mariage. Elle s’exprimera et sera constatée au moment du divorce. Ce maintien
volontaire pourrait peut être ainsi constituer une alternative intéressante à la prestation
315
Article 271 du code civil.
Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, La Famille, op. cit. n°670 : « Certes, l’objectivation et la banalisation du
divorce pourraient conduire un jour à une séparation sèche, sans pension ni prestation. Mais la tradition
française reste dans un autre sens : le mariage a créé entre époux une solidarité qui oblige le riche à aider le
pauvre et le fort à secourir le faible ».
317
Article 199 octodecies C.G.I. sur le régime fiscal de la prestation compensatoire, V. par exemple F.LEFEBVRE,
Réforme du divorce Loi du 26 mai 2004, Procédures, conséquences patrimoniales et fiscales, dossiers pratiques,
éd. F. LEFEBVRE, 2005.
316
93
compensatoire (A). Cette possibilité offre aussi à l’époux qui a le pouvoir d’en décider, un
élément de négociation pour les autres conséquences du divorce (B).
A – Une alternative à la prestation compensatoire.
La révocation de ces avantages matrimoniaux a pour effet d’entraîner un retour au régime
légal. Or la liquidation du régime légal se fait de façon juste, grâce au mécanisme légal des
récompenses, et égalitaire puisque les acquêts sont partagés par moitié. Cet équilibre ne
suffira pas à éviter au mari de devoir verser une prestation compensatoire à son épouse qui,
par exemple, a sacrifié sa carrière pour le suivre à l’étranger ou pour élever les enfants318. Le
partage inégal de la communauté en faveur de l’épouse, grâce au maintien d’un avantage
matrimonial qui prend effet à la dissolution du régime, pourrait éviter au mari de verser cette
prestation compensatoire, ou au moins de réduire son montant. Cette solution n’est pas
inintéressante, ni pour le conjoint bénéficiaire du maintien (1), ni pour le disposant (2).
1 –Une solution intéressante pour le bénéficiaire du maintien
Le conjoint avantagé par le partage inégal de la communauté profite rapidement de son
bénéfice. Il lui suffit d’attendre la fin des opérations de partage du régime matrimonial qui,
rappelons le, ont été accélérées par la réforme du 26 mai 2004. En revanche, si on lui attribue
une prestation compensatoire, celle-ci pourrait par exemple être exécutée en partie sous forme
de capital et en partie sous forme de rente319. Les inconvénients pour lui seraient alors les
risques de révision de la rente320. De plus, cela crée un lien patrimonial entre les ex-époux qui
peut durer plusieurs années et qui est source de contentieux.
Cette solution alternative permet aussi, et surtout, au bénéficiaire du maintien d’éviter les
problèmes de transmission de la charge de la prestation aux héritiers du débiteur décédé. Les
règles en la matière ont été clarifiées par la nouvelle loi321. L’article 280 pose le principe que
le paiement de la prestation compensatoire « est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont
pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral ». Avec ce principe de
318
Parmi les critères d’octroi d’une prestation compensatoire, fixés à l’article 271 du code civil, figure
notamment la considération des conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie
commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière
de son conjoint au détriment de la sienne.
319
Article 274, 275 et 275-1 du code civil.
320
Article 276-3 : La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou
supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties.
321
Sur ce point, V. F.VAUVILLÉ, « La transmission de la charge de la prestation compensatoire après la réforme du
divorce du 26 mai 2004 », Dr. et patrimoine févr. 2005, p. 41.
94
transmission intra vires, le créancier de la prestation compensatoire ne recevra jamais le
montant initialement fixé, si l’actif successoral n’est pas suffisant322.
La rapidité et la quasi-certitude du contenu du profit sont les deux intérêts pour le bénéficiaire
d’accepter le maintien de l’avantage matrimonial à la place d’une prestation compensatoire ou
en échange d’une prestation d’un montant moins élevé.
2 – Une solution intéressante pour le disposant
Le disposant qui a le pouvoir d’accepter un maintien volontaire de l’avantage matrimonial qui
jouera à son détriment est, par hypothèse, celui qui devra verser une prestation compensatoire.
Il pourrait faire jouer les arguments de l’avantage de la rapidité et de la certitude du contenu
du profit pour son conjoint, évoqués précédemment, pour le faire renoncer à demander une
prestation compensatoire supplémentaire. Concrètement, si la prestation compensatoire
s’élève à 100 avec la révocation du partage inégal de la communauté, et qu’elle descend à 10
suite à son maintien, le bénéficiaire pourrait se contenter du profit immédiat et certain de 90
obtenu par le partage inégal et renoncer à la prestation compensatoire de 10. Le disposant a
ainsi réduit son appauvrissement de 10. Mais le créancier pourrait refuser de renoncer à la
prestation compensatoire de 10. Le débiteur pourrait alors faire valoir le fait que, quitte à
devoir s’appauvrir de 100, mieux vaut pour lui que cela passe entièrement par le biais de la
prestation compensatoire car il bénéficiera alors d’avantages fiscaux. Il refusera de maintenir
l’avantage. Et le conjoint retombe sur les inconvénients de la prestation compensatoire. Il est
libre de les accepter.
Pour le cas où le conjoint accepterait de renoncer à demander une prestation compensatoire, sa
volonté pourra s’exprimer dans le cadre des conventions homologuées de l’article 268 du code
civil323. Le juge vérifiera si les intérêts de chacun des époux sont préservés.
Ainsi, dans certains cas particulier, le maintien volontaire d’avantages matrimoniaux qui
prennent effet au moment de la dissolution du régime, peuvent constituer une alternative
intéressante à la prestation compensatoire pour les deux époux. Cette faculté offre aussi plus
généralement à l’époux qui en est titulaire un élément de négociation pour les autres
conséquences du divorce.
322
Sauf volonté contraire unanime des héritiers : article 280-1 du code civil.
En ce sens, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le
champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°17.
323
95
B – Un élément de négociation pour les autres conséquences
du divorce.
Puisque la volonté des époux se voit reconnaître une place de plus en plus importante pour
régler les conséquences du divorce, il est intéressant pour eux d’avoir des éléments de
négociation de leur coté. Ainsi le maintien volontaire d’un avantage matrimonial pourrait
servir, par exemple, de contrepartie pour l’autorisation à la conservation du nom après le
divorce324. Il peut aussi être une forme de contribution à l’entretien et l’éducation des enfants
(1), ou servir de compensation avec une condamnation à des dommages et intérêts (2).
1 – Une forme de contribution à l’entretien et l’éducation des enfants
Un époux pourrait accepter le maintien d’un avantage matrimonial en réponse à une prise en
charge plus accrue des enfants par l’autre. L’organisation des modalités d’exercice de
l’autorité parentale et la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants,
peuvent en effet faire l’objet d’une convention entre les époux qui sera homologuée par le
juge325.
L’essor du négocié familial sera ainsi facilité si un époux peut faire une concession sur un
point en échange d’une concession de son conjoint sur un autre point. Les moyens d’une
pacification des divorces existent, il ne reste qu’à les mettre en œuvre intelligemment.
2 – Une compensation à une condamnation à des dommages et intérêts
Selon l’article 266 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux
en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution
du mariage soit lorsqu’il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du
lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le
divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint.
Cet époux pourrait alors demander à l’autre le maintien d’un avantage matrimonial en
échange d’une renonciation à sa demande de dommages et intérêts. L’autre pourrait aussi
proposer le maintien d’un avantage matrimonial en compensation de sa condamnation à des
dommages et intérêts.
324
Selon l’article 264 du code civil, l’un des époux peut conserver l’usage du nom de l’autre avec l’accord de
celui-ci.
325
Article 373-2-7 du code civil. Le juge vérifie si la convention préserve suffisamment l’intérêt de l’enfant et si
le consentement des parents a été donné librement.
96
Dans certaines situations, la possibilité de maintenir des avantages matrimoniaux qui prennent
effet au moment de la dissolution du régime matrimonial peut être intéressante pour les
époux. Cela relève du cas par cas. Cette volonté de maintien pourrait aussi être motivée par
une intention généreuse ou par des remords à avoir demandé le divorce pour altération
définitive du lien conjugal.
On peut retrouver les mêmes motivations pour la volonté de maintenir des dispositions qui ne
prennent effet qu’au décès d’un époux. Mais dans ce cas, le maintien est à déconseiller.
Section 2 – L’inopportunité du maintien volontaire
de dispositions qui prennent effet jour du décès
Cette inopportunité vient du fait qu’entre le moment où la décision de maintenir la disposition
est prise et le moment où celle ci prend effet, plusieurs années peuvent s’écouler. Alors que
les époux seront divorcés, un lien patrimonial va continuer de les unir. L’inconvénient pour le
disposant est que le maintien est irrévocable (§1) et pour le bénéficiaire, que l’écoulement du
temps entraîne une incertitude sur le contenu final de la disposition (§2).
§ 1 – Un maintien irrévocable.
L’article 265 alinéa 2 in fine du code civil prévoit expressément que la volonté de l’époux est
constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la
disposition maintenus. Ce principe s’explique par l’objectif de concentration des effets du
divorce au moment de son prononcé. Le maintien de la disposition sera pris en compte pour
l’attribution d’une éventuelle prestation compensatoire. Le disposant ne doit pas promettre
une libéralité pour éviter la prestation compensatoire et ensuite revenir sur sa promesse une
fois le divorce prononcé326. Mais il s’accorde mal avec les dispositions qui ne prennent effet
qu’au décès du disposant. Pour les libéralités, il a pour conséquence de réduire ou même de
supprimer la liberté de disposer à titre gratuit (A). Et pour les avantages matrimoniaux, il
provoque des difficultés de liquidation du régime (B).
326
En ce sens, V. Ch. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26
mai 2004 relative au divorce » LPA, 21 juillet 2004 n° 145, p. 10
97
A – L’atteinte à la liberté de disposer à titre gratuit
Nous étudierons le problème d’abord pour les donations de biens à venir puis pour les legs.
1 – Des donations de biens à venir irrévocables.
Le maintien volontaire des donations de biens à venir les rend irrévocables après le divorce.
On retrouve ce principe pour les institutions contractuelles consenties par contrat de
mariage327. Cette solution est dangereuse pour le disposant, surtout si elle est à titre universel.
Il ne pourra plus par la suite léguer ses biens ou les donner à titre gratuit à des tiers ou à son
nouveau conjoint. L’ex-époux pourra en effet s’opposer à l’exécution du legs ou revendiquer
les biens donnés en se prévalant du jugement de divorce. Il faudra plutôt conseiller à l’époux,
qui persiste dans sa volonté de maintenir sa donation, de la cantonner à un ou plusieurs biens
déterminés. Cela lui ménagera un peu de liberté pour disposer du reste de son patrimoine
après le divorce.
2 – La contradiction avec la liberté de tester
L’article 895 du code civil définit le testament comme un acte par lequel le testateur dispose,
pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer. Le
testament est par essence révocable. Le principe de l’article 265 est incompatible avec l’article
895 du code civil. Certains proposent de considérer que la manifestation de volonté des époux
constatée par le juge transforme le legs en institution contractuelle328, d’autres estiment que la
disposition de l’article 265 in fine ne devrait pas s’appliquer aux legs329. Ce qui est certain,
c’est qu’en pratique le problème se rencontrera très rarement. Le divorce n’est en effet pas un
moment propice pour la générosité. Si un époux envisage la situation, il faudrait lui conseiller
de laisser jouer la révocation de plein droit et de refaire le testament le lendemain. Ainsi, en
cas de remords ultérieurs il pourra librement revenir sur la disposition.
327
Article 1083 du code civil.
C. PHILIPPE, « La liquidation du régime matrimonial après la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » : RLDC
2004/8, n° 349, et 2004/9, n° 384.
328
329
J.L.PUYGAUTHIER : « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai
2004 », JCP (éd. N) 2004, no 45, 1538 et no 46, 1548.
98
B – Les difficultés résultant du maintien des gains de survie
Le préciput ou la clause d’attribution intégrale de la communauté peuvent être stipulés au
profit d’un époux désigné ou du conjoint survivant. Dans les deux cas le maintien volontaire
est à déconseiller330.
1 – Le maintien au profit d’un époux désigné.
L’article 1518 prévoit que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas
lieu à la délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses
droits pour le cas de survie sous réserve de l’article 265. Cette réserve est ici volontairement
écartée. C’est au décès du disposant, donc après un délai plus ou moins long, que le
bénéficiaire de la clause pourra réclamer son gain de survie. Des difficultés peuvent alors
surgir si le bien objet de la clause a été aliéné. L’aliénation doit-elle être résolue ? Le préciput
peut-il s’exercer en valeur ?
Lorsqu’il s’agit de la clause d’attribution intégrale, le problème est encore plus complexe. Le
bénéficiaire de la clause va recevoir sa moitié de la communauté lors du partage et l’autre
moitié au décès de son ex-conjoint. Mais après le divorce, le disposant pourra avoir fait
prospérer son patrimoine et la fraction de communauté sera mélangée avec les nouveaux
biens. Il se pourrait aussi qu’il se soit remarié et pourquoi pas en adoptant à nouveau la
communauté universelle. Le conflit entre le nouveau et l’ancien conjoint sera inévitable.
Un niveau de difficulté supplémentaire est encore franchi si l’avantage est maintenu au profit
du conjoint survivant.
2 – Le maintien au profit du conjoint survivant
Les deux époux pourraient s’accorder pour maintenir irrévocablement la clause d’attribution
intégrale de la communauté au survivant. Il y aura alors un partage par moitié des biens
existants au moment du divorce et l’un des conjoints recevra l’autre moitié au jour du décès
de l’autre. Mais bien sûr on ne sait pas quel conjoint en profitera ni à quelle date. Ce maintien
volontaire pourra difficilement être pris en compte pour la fixation de la prestation
330
Les inconvénients du maintien de tels avantages en cas de divorce ont été mis en évidence par P. CATALA,
« Variations autour de la communauté universelle », Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45 qui
proposait pour y remédier de les subordonner à la condition expresse de dissolution du mariage par décès. Cette
solution est aujourd’hui la solution légale.
99
compensatoire. Et normalement, aucun des époux ne pourra disposer des biens qu’il a reçu du
partage de la communauté331. Une aliénation pourrait en effet s’analyser en une révocation de
l’avantage maintenu.
Bien que ce maintien irrévocable aboutisse à geler une partie ou l’ensemble du patrimoine du
disposant, cela ne suffit pas à rendre le contenu de la disposition certain pour le gratifier.
§ 2 – Un contenu incertain au jour du décès
Au jour où le maintien de la libéralité est décidé, le gratifié ne peut pas savoir avec précision
sur quoi elle portera car, après le décès du disposant, les règles du droit successoral vont jouer
notamment pour garantir les droits des héritiers réservataires. La combinaison de ces règles
avec le principe de l’article 265 alinéa 2 in fine risque de réduire les espérances du gratifié
(A). La même incertitude plane sur la gestion postérieure au divorce du patrimoine du
disposant. Celui-ci peut en effet l’avoir dilapidé avant son décès (B).
A – La combinaison difficile avec les règles du droit
successoral
L’article 281 du code civil prévoit que les transferts et abandons prévus au paragraphe relatif
aux prestations compensatoires sont, quelles que soient leurs modalités de versement,
considérés comme participant du régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des
donations. Mais même si le maintien de la donation de biens à venir peut être décidé dans le
cadre de la prestation compensatoire, il n’opère pas de transfert car le disposant reste
propriétaire des biens concernés jusqu’à son décès. De plus, l’article 281 vise plutôt les
prestations compensatoires judiciairement fixées. Ce texte n’est donc pas applicable au
maintien volontaire des donations de biens à venir qui restent soumises au régime des
libéralités. Elles sont alors fragiles en présence d’héritiers réservataires.
Ces héritiers réservataires peuvent être connus par le gratifié au moment du maintien de la
donation. Mais ils peuvent aussi naître après le divorce. De même, si le disposant meurt sans
avoir laissé de descendant ni d’ascendant mais après s’être remarié, le nouveau conjoint
devient héritier réservataire pour le quart de la succession332. Au moment de l’acceptation du
maintien, le bénéficiaire ne sait donc pas si le disposant laissera en mourant des héritiers
331
P.J. CLAUX, « Avantages matrimoniaux et divorce », dossier : Liquidation du régime matrimonial dans le cadre
d’un divorce, AJF avril 2005, p. 135.
332
Article 914-1 du code civil.
100
réservataires ni combien ils seront, ce qui rend ses espérances aléatoires. Par exemple, au jour
du divorce le mari accepte de maintenir au profit de son ex-épouse une donation portant sur la
quotité disponible la plus large. A ce moment là, il n’avait pas d’enfant ni d’ascendant. L’exépouse pouvait alors espérer recueillir tout le patrimoine du disposant. Mais ce dernier se
remarie après le divorce et laisse au jour de son décès, trois enfants issus de cette union. Son
ex-épouse ne pourra faire valoir la libéralité maintenue le jour du divorce que sur le quart du
patrimoine du défunt.
Le maintien volontaire des libéralités à cause de mort a une efficacité incertaine à cause des
règles d’ordre public de protection des héritiers réservataires. Et même en l’absence de tels
héritiers, le bénéficiaire reste dans le doute concernant la consistance du patrimoine laissé par
le défunt.
B – La consistance inconnue du patrimoine laissé par le
disposant au jour de son décès.
Le disposant peut avoir dilapidé son patrimoine après le divorce par des actes à titre gratuits
ou en s’endettant. Contre les actes à titre gratuits postérieurs au divorce, le bénéficiaire du
maintien volontaire pourrait faire valoir ses droits. Le maintien volontaire la rendant
irrévocable, la donation de biens à venir ne sera plus réduite, en cas de dépassement de la
quotité disponible, comme un legs mais comme une donation333. Elle prendra rang à la date où
elle est irrévocable, c’est à dire au jour du prononcé de divorce. Les libéralités postérieures
seront donc réduites avant elle.
En revanche, le disposant reste libre de dépenser son patrimoine de son vivant. Il peut laisser,
volontairement ou involontairement un passif plus important que l’actif successoral. Le
bénéficiaire du maintien n’a pas de garantie contre l’insolvabilité du disposant. Dans ces
conditions, le maintien volontaire et irrévocable de la donation de biens à venir ne produira
aucun effet. Et s’il reste quelques biens dans la succession du défunt sur lesquels pourrait
s’exercer la libéralité, il restera encore à payer les droits de mutation. Mais à quel tarif : celui
applicable aux étrangers ou celui applicable aux époux ? La solution du maintien d’une
disposition qui ne produira ses effets qu’au décès du gratifiant, à la place d’une prestation
compensatoire ou d’une prestation compensatoire plus élevée n’est donc pas intéressante pour
333
On retrouve la même solution pour les institutions contractuelles par contrat de mariage. M. GRIMALDI, Droit
civil. Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000, n° 1652 : « Parce qu’elle est irrévocable, l’institution par
contrat de mariage est, quoique de biens à venir, réductible au rang d’une donation ».
101
le bénéficiaire. Elle est même dangereuse, quelles que soient les motivations qui l’ont
inspirées.
Le bilan du maintien volontaire de dispositions qui sont légalement révoquées par le divorce
est mitigé. Cette faculté peut être intéressante, dans certains cas, pour les dispositions qui
produisent leur effet au moment de la liquidation du régime matrimonial, donc dans un laps de
temps assez court après le prononcé du divorce. Il faut déconseiller son exercice lorsque la
disposition est appelée à s’exercer longtemps après le divorce, au jour du décès du disposant.
Le respect du principe de concentration des conséquences du divorce au moment de son
prononcé demeure la meilleure solution pour éviter les contentieux d’après divorce. C’est
pour cela que le principe légal de révocation de plein droit des dispositions appelées à jouer
après le divorce, est satisfaisant.
102
Conclusion du titre second
Le nouveau droit du divorce ne détermine plus le sort des avantages matrimoniaux et des
libéralités entre époux en fonction de l’idée de sanction de l’époux coupable et de protection
de l’époux innocent. Leur sort dépend aujourd’hui d’un critère neutre et objectif. De ce fait,
une place peut être reconnue à la volonté des époux qui souhaitent moduler cette neutralité.
Ce n’est plus le droit du divorce qui s’oppose à la répartition volontaire par les époux de ces
dispositions qu’ils ont pu se consentir pendant l’union. Les obstacles proviennent du droit des
régimes matrimoniaux, des libéralités ou des successions. Mais ils ne sont pas insurmontables.
Cette répartition volontaire peut s’organiser de deux façons.
Par l’anticipation, les époux profitent du moment où l’entente règne dans le couple, c’est à
dire le jour où la disposition est consentie, pour prévoir son sort en cas de divorce.
Par la négociation, lorsque le divorce n’avait pas été envisagé, les époux peuvent décider du
maintien ou de la révocation de tel ou tel avantage, en contrepartie de concessions faites sur
d’autres conséquences du divorce. Cette négociation est possible dans tous les types de
divorces, du moins lorsque la situation n’est pas trop tendue.
Dans les deux hypothèses, le sort des avantages et des libéralités est scellé définitivement au
moment du prononcé du divorce, ce qui offre une base stable au juge pour éventuellement
fixer ou apprécier la prestation compensatoire déterminée par les époux. Le principe de
concentration des effets du divorce est toujours respecté.
103
Conclusion générale
Le nouveau régime légal des conséquences du divorce sur les libéralités et les avantages
matrimoniaux s’applique à défaut de règlement conventionnel des époux. Dans les cas où
ceux-ci n’avaient pas anticipé l’hypothèse d’un divorce et lorsqu’ils ne parviennent pas à
s’entendre lors de la procédure, il tranche la question de la façon la moins conflictuelle. Le
maintien ou la révocation s’effectue en fonction d’un critère bilatéral qui ne tient pas compte
des griefs. L’intérêt est qu’il n’est alors plus nécessaire d’attendre le jugement pour connaître
le sort d’un avantage matrimonial. La liquidation du régime matrimonial peut donc s’intégrer
de la meilleure façon dans la procédure de divorce. Au jour du jugement, le juge connaîtra
également avec certitude le sort des libéralités. Il pourra ainsi s’appuyer sur une base réaliste
et stable pour se prononcer sur la question de la prestation compensatoire. L’objectif de
concentration semble par conséquent atteint.
Dans le cadre de la pacification des procédures, le nouveau système laisse une plus grande
place à la répartition volontaire des libéralités et des avantages matrimoniaux par les époux
eux-mêmes. Ils peuvent améliorer ce système légal pour l’adapter à leur situation particulière.
Leur accord peut intervenir pendant l’instance.
Le nouveau droit du divorce ne pose également plus d’obstacle à l’efficacité d’une répartition
anticipée de ces libéralités et avantages. A une époque où un tiers des mariages se soldent par
un divorce, voire près de la moitié en région parisienne, où il y a plus de cent mille divorces
annuellement, il paraît justifié qu'au moment de se marier ou de se remarier, les futurs époux
se préoccupent des conséquences patrimoniales d'un éventuel divorce. Il est souhaitable qu’ils
puissent valablement organiser, au moment où ils s’entendent, à la fois une dissolution du
mariage en cas de décès qui avantage au mieux le conjoint survivant, et une dissolution en cas
de divorce qui avantage au minimum l’un des époux. Les conséquences pécuniaires du
divorce seront ainsi réglées comme les époux l’avaient voulu, ce qui devrait tarir une source
de contentieux.
Cette nouvelle orientation prépare peut être le terrain à l’assouplissement du droit des régimes
matrimoniaux et l’admission des contrats de mariage alternatifs. Les notaires pourraient
104
proposer aux époux des contrats qui règlent à la fois l’organisation patrimoniale de leur
mariage, de leur décès ou de leur divorce.
Dans tous les cas, le principe de concentration des effets du divorce est respecté. Le Doyen
Carbonnier expliquait que les douleurs du divorce, pour une part considérable, sont celles de
l’après divorce334. Avec la loi du 26 mai 2004 le divorce doit pouvoir être envisagé au moins
sur le plan patrimonial comme un traité de paix, imposé ou négocié, entre les époux avec
l’espoir de répercussions bénéfiques sur le plan personnel.
334
CARBONNIER (J.), « La question du divorce, Mémoire à consulter », D. 1975, chron. 116.
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IV – Notes, observations et conclusions sous
décisions
BRETON (A.), note sous Versailles, 7 janvier 1980, Defrénois 1981, art. 32552, p.
206 ; note sous Cass. civ. 1ère , 2 octobre 1985, D. 1986, 325.
CHAMPENOIS (G.), obs. sous Cass. civ. 1ère, 24 octobre 1978, Defrénois 1979, art.
32038, n°40, p. 945 ; obs. sous Cass. civ. 1ère, 23 janvier 1980, Defrénois, 1980, art.
32448, p. 1298 ; obs. sous CA Colmar, 16 mai 1990 : Defrénois 1990, art. 34917, p.
1361 ;obs. Cass. 1re civ., 21 janvier 1992, Defrénois 1992, art. 35303 ;obs. sous
Cass. 1re civ., 12 juin 2001, Defrénois 2001, p.1516
FORGEARD (M.C.): note sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992, Defrénois 1993, art.
35416, p. 34
GHESTIN (J.), La Cour de cassation s'est prononcée contre la requalification des
contrats d'assurance-vie en contrats de capitalisation : JCP G 2005, I, 111
GRIMALDI (M.), note sous Cass. 1ère civ. 20 avril 1983, Defrénois 1985 art.
336 ; obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992, D. 1993, somm. p. 220
HAREL-DUTIROU (I.), note sous Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997, JCP (éd. N) 1998
p. 397
HAUSER (J), obs. sous Cass. civ. 1re, 16 juin 1993, R.T.D. Civ. 1994, 88 ; obs. sous
Cass. 1re civ., 12 juin 2001,RTD civ. 2001, 863
HAUSER (J.) et HUET-WEILLER (D.) : obs. sous Cass. civ. 1re, 4 février 1992,
R.T.D. Civ. 1992, 371 ; obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992
LE GUIDEC (R.), obs sous Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997 :, JCP (éd. G) 1999, I, 132
LUCET (F.) et VAREILLE (B.), obs. sous CA Colmar, 16 mai 1990, RTD civ. 1992, p.
171; obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992, RTD civ. 1993, p. 187
114
MASSIP (J.), note sous Cass. 1re civ., 19 oct. 1983, D. 1984, p. 229; note sous
Cass. civ. 1re, 16 juin 1993, Defrénois 1993, article 35663
PATARIN (J.), note sous Cass. civ. 1ère, 24 octobre 1978, JCP, 1979, II, 19220 ; obs.
sous Cass. 1ère civ. 20 avril 1983, RTD civ. 1984 p. 349 ; obs. sous Cass. 1ère civ. 21
octobre 1997, RTD civ. 1998 p. 721
REMY (Ph.), note sous Cass. 1ère civ. 20 avril 1983, JCP (éd. N.) 1984, II p. 116
SALLE (M.F.), La communauté universelle et la clause de reprise en nature des
biens tombés en communauté, D. 1994, chron. p. 34.
Sénéchal (J.P.), note sous Cass. 1re civ., 12 juin 2001, Juris-Data n° 2001-010071 ;
Bull. civ. I, N°168 ; D. 2002, 1713,
SIMLER (PH.), note sous TGI Strasbourg, 17 sept. 1987, JCP (éd. N) 1989, II, p.
109 ; note sous Colmar, 16 mai 1990, JCP (éd. N) 1991, II, p. 17 ; note sous Cass.
1ère civ., 16 juin 1992 JCP (éd. N) 1994, II, p. 38.
TESTU (F.X.), Cass. civ. 1re, 4 février 1992, chron. J.C.P. 1992. I. 3604.
VAREILLE (B.), obs sous Cass. 1re civ., 12 juin 2001,RTD civ. 2002, 134.
VAUVILLÉ (F.), note sous Cass. 1re civ., 12 juin 2001, RJPF 2001-10/20.
ZÉNATI (F.), obs. sous Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997 RTD civ. 1998, p. 937.
115
Table des matières
Introduction......................................................................................................... 3
CHAPITRE PRELIMINAIRE –L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE
LA LOI DU 26 MAI 2004................................................................................. 13
TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES DU DIVORCE SUR LES
LIBERALITES ET AVANTAGES MATRIMONIAUX...............................27
TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA VOLONTE DES EPOUX............ 66
Conclusion générale........................................................................................ 104
Bibliographie....................................................................................................106
I – Traités, ouvrages et manuels généraux :........................................................................ 106
II- Thèses, ouvrages spéciaux et collectifs.......................................................................... 107
III - Articles, chroniques et études...................................................................................... 108
IV – Notes, observations et conclusions sous décisions..................................................... 114
116