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Lille 2, université du droit et de la santé Ecole doctorale n° 74 Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales LES CONSEQUENCES DU DIVORCE SUR LES LIBERALITES ENTRE EPOUX ET LES AVANTAGES MATRIMONIAUX Mémoire présenté en vue de l’obtention du Master Droit Recherche, mention droit des personnes et de la famille par Vincent DELVART Sous la direction de Madame le Professeur Françoise DEKEUWERDEFOSSEZ 2004-2005 Mémoire publié après autorisation du jury sur http://edoctorale74.univ-lille2.fr Sommaire Introduction......................................................................................................... 3 CHAPITRE PRELIMINAIRE –L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE LA LOI DU 26 MAI 2004................................................................................. 13 TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES DU DIVORCE SUR LES LIBERALITES ET AVANTAGES MATRIMONIAUX...............................27 TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA VOLONTE DES EPOUX............ 66 Conclusion générale........................................................................................ 104 Bibliographie....................................................................................................106 2 Introduction L’union des époux rapproche leur patrimoine et rend propices les transferts volontaires de biens de l’un vers l’autre. Le mariage engendre en effet une certaine solidarité entre les conjoints qui s’exprime, sur le plan patrimonial, à différents titres. Par exemple, l’un d’entre eux peut souhaiter faire participer l’autre à son enrichissement réalisé pendant le mariage, en lui offrant les deniers pour qu’il achète un appartement à son nom. Souvent les époux prévoient la protection du conjoint survivant en organisant à son profit une transmission des biens du prédécédé afin qu’il garde son niveau de vie. L’affection conjugale explique aussi les cadeaux plus ou moins fréquents, plus ou moins importants que les époux se font durant leur mariage. Ils sont alors animés par un esprit de générosité ou de prévoyance qui se concrétise au moyen de libéralités ou d’avantages matrimoniaux. La libéralité n’est définie dans le code civil que d’une manière implicite et imparfaite1. La doctrine s’accorde pour la définir comme « un acte à titre gratuit, soit entre vifs, soit à cause de mort par lequel une personne dispose de tout ou partie de ses biens au profit d’autrui »2. Elle réunit en elle deux critères : un élément matériel, l’appauvrissement du disposant et l’enrichissement corrélatif de son ayant cause, et un élément moral, l’intention libérale3. Sont classés parmi les actes de disposition à titre gratuit, la donation entre vifs et le testament4. La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte5. Elle produit son effet translatif de propriété au moment de l’acceptation du donataire. 1 GRIMALDI (M.), Droit civil. Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000, n°1000. LUCET (F.) et VAREILLE (B.), Droit civil – régimes matrimoniaux, libéralités, successions, Dalloz, 4ème éd., 2001, p. 106. 3 V. GRIMALDI (M.), op. cit. n°1006 à 1009. 4 Art. 893 c. civ. 5 Art. 894 c. civ. 2 3 Par dérogation au droit commun, les libéralités matrimoniales peuvent porter sur des biens à venir6. La donation de biens à venir est faite sous une condition simplement potestative de la part du donateur, qui donne les biens qu’il laissera à son décès s’il n’en a pas disposé à titre onéreux de son vivant7. Elle ne prend effet qu’au moment du décès du disposant. Cette caractéristique la rapproche du testament, défini comme l’acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer8. Le régime des libéralités entre époux est assez favorable car celles-ci marquent l’expression naturelle de l’affection conjugale9. Les conjoints peuvent ainsi se consentir des libéralités dans la limite d’une quotité disponible spéciale qui est plus large que la quotité disponible ordinaire10. Les droits de mutations entre époux sont plus faibles qu’entre concubins ou partenaires d’un PACS11. Par faveur également, les donations de biens à venir sont valables entre époux. C’est dans cette logique de bienveillance que la loi du 26 mai 2004 relative au divorce12 a levé la prohibition des donations déguisées entre époux et abrogé la libre révocabilité des donations de biens présents entre époux. On retrouve la même logique dans le régime des avantages matrimoniaux. Ce sont les avantages que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle13, ou plus largement, le profit résultant de dispositions du régime matrimonial, qui écartent les règles participant, dans chaque régime de référence, à la répartition des richesses14. Ils ne sont pas considérés comme des donations15, ce qui leur 6 L’article 943 du code civil sanctionne de nullité les donations de biens à venir mais l’article 947 écarte l’application de ce texte aux donations matrimoniales. L’article 1093 valide la donation de biens à venir entre époux faite par contrat de mariage et le nouvel article 1096 celles consenties pendant l’union. 7 RIEUBERNET (C.), Les donations entre époux, étude critique, thèse Toulouse I, Defrénois, 2003, n° 130, p.104. 8 Art. 895 c. civ. 9 MALAURIE (Ph.) & AYNES (L.) :Droit civil. Les successions, les libéralités, Defrénois 2004, n°689 : « La libéralité et surtout la donation sont souvent liées au mariage, au moins pour trois raisons : le mariage est lié à l’affection (…), à la durée et aux besoins familiaux ». 10 En présence d’ascendant, l’article 1094 du code civil autorise les époux à se gratifier de la quotité disponible ordinaire et en outre de la nue propriété de la portion réservée aux ascendants à l’article 914. En présence de descendants, l’article 1094-1 leur laisse le choix entre la quotité disponible ordinaire en pleine propriété, le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit ou de la totalité des biens en usufruit. 11 Les libéralités entre époux sont taxables selon un barème progressif, qui n’excède pas 40%, après un abattement de 76000 euros. Les libéralités entre partenaires d’un PACS sont soumises à un taux de 40% pour la fraction n’excédant pas 15000 euros et à un taux de 50% pour le surplus ( CGI, art. 777 bis). Entre concubins, le tarif est celui des personnes non parentes de 60%. 12 L. n° 2004-439 du 26 mai 2004, JO 27 mai 2004, p. 9319 13 Art. 1527 al. 1er c. civ. 14 LUCET (F.), Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, th. Paris II, 1987, t. 2, n° 503. 15 Art. 1527 al. 1er c. civ. 4 confère un régime encore plus favorable. Au plan civil, ils échappent aux opérations successorales de rapport et de réduction pour atteinte à la réserve, ce qui permet aux époux, en présence d’héritiers réservataires, de se gratifier au-delà des limites de la quotité disponible spéciale16. Au plan fiscal les avantages matrimoniaux ne sont pas soumis aux droits de mutation à titre gratuit. Cependant, le régime des avantages matrimoniaux rejoint exceptionnellement celui des libéralités lorsqu’il s’agit de protéger les enfants qui ne sont pas issus des deux époux par l’action en retranchement17, et lorsqu’il s’agit de déterminer leur sort au moment du divorce. Dans ce dernier cas, l’identité de régime peut s’expliquer par le fait que ces dispositions sont liées au contexte matrimonial que le divorce vient détruire. Le divorce est en effet la dissolution du mariage du vivant des époux. La question qui apparaît alors immédiatement est celle de savoir si ces libéralités et avantages, qui avaient été consentis à un moment où l’entente régnait au sein du couple, seront maintenus ou révoqués au moment de la séparation. Nous nous intéresserons uniquement aux dispositions que se sont faites les époux eux-mêmes. Celles qu’ils ont reçues de tiers restent soumises à leur régime propre. Ce problème est délicat et la politique d’encouragement en leur faveur multiplie les hypothèses de procédure de divorce où il faudra le régler. Le disposant aura une tendance naturelle à vouloir revenir sur ce qu’il a consenti alors que le bénéficiaire, dans ce contexte de mésentente, ne sera généralement pas prêt à lui faire de concession. Leur révocation satisferait sans doute le disposant mais pourrait porter atteinte à la sécurité juridique du bénéficiaire et de ses ayants cause. Leur maintien risque de contredire la politique de faveur car l’éventualité d’un divorce serait alors un frein à l’accomplissement de tels actes pour le disposant. Les intérêts des époux sont évidemment contradictoires sur cette question et ce problème peut facilement devenir une source de contentieux qui en entraînerait d’autres pour le règlement des autres conséquences du divorce. Sous l’empire de la loi Naquet de 1884 du 27 juillet 1884, le divorce ne pouvait être prononcé que pour cause de faute de l’un des époux constituant un manquement à ses obligations conjugales et rendant intolérable le maintien du lien conjugal. Cette conception du divorcesanction avait des répercussions sur le traitement de ses conséquences. Le divorce était prononcé contre l’époux fautif ou aux torts réciproques des époux. L’époux qui se voyait attribuer des torts dans la rupture subissait des sanctions sur le terrain des conséquences 16 Par exemple, la clause d’attribution intégrale de la communauté universelle au survivant permet à l’époux avantagé de recevoir la totalité du patrimoine du conjoint prédécédé, en présence d’enfants communs. 17 Art. 1527 al. 2 c. civ. 5 pécuniaires du divorce. Il perdait notamment les donations et les avantages matrimoniaux dont il avait pu bénéficier et risquait d’être condamné à verser à l’époux innocent une pension alimentaire et des dommages et intérêts spécifiques. Cette politique législative avait un triple objectif18. Elle avait un but prophylactique19, elle visait à freiner20 le divorce et elle permettait de réparer le dommage subi par l’innocent. Mais elle avait des effets secondaires néfastes. Elle excitait les époux à la belligérance21 pendant la procédure, pour échapper aux sanctions financières ou pour les obtenir. Il en résultait une mauvaise exécution du jugement, notamment pour le versement de la pension alimentaire et un après-divorce tendu, dommageable pour les enfants. Pour remédier à ces inconvénients et pour adapter le droit du divorce à l’évolution des mœurs avec l’émergence de la liberté individuelle, le législateur a dû reconsidérer la question du divorce22. La grande réforme a été réalisée par une loi du 11 juillet 1975, entrée en vigueur le 1er janvier 1976. Elle entendait « libéraliser » le divorce et l’adapter aux nouvelles aspirations de la société23. A côté du divorce pour faute, de nouveaux cas ont donc été ouverts : divorce sur requête conjointe, divorce sur double aveu et divorce pour rupture de la vie commune. Le divorce sur requête conjointe est prononcé par le juge qui constate l’accord des époux non seulement sur le principe du divorce mais aussi sur le règlement de ses conséquences24. Le divorce sur double aveu était « un divorce à torts réciproques fondé sur l’aveu concordant, par les époux, d’un échec conjugal résultant indivisiblement du fait de l’un et de l’autre »25. Dans ces deux nouveaux cas, il n’y avait aucune idée de faute. Il s’agit plutôt d’un constat de l’échec du mariage reconnu et assumé par les deux époux. Le divorce pour rupture de la vie commune pouvait être obtenu par l’un des époux qui voulait recouvrer sa liberté sans avoir de faute à reprocher à son conjoint, ni l’accord de celui-ci. Il devait alors démontrer la séparation de fait depuis plus de six ans ou l’altération grave et 18 MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.) : Droit civil, la famille, Defrénois 2004, n°672 p. 274. MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), ibid. : « la perspective d’une sanction attachée à une faute aurait dû dissuader le conjoint de la commettre ». 20 MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), ibid. : « la perspective de perdre des libéralités et de payer une pension alimentaire et des dommages et intérêts aurait dû inciter le défendeur à défendre son mariage et éviter le divorce ». 21 CARBONNIER (J.), « La question du divorce, Mémoire à consulter », D. 1975, chron. 116. 22 CARBONNIER (J.), ibid. 23 CARBONNIER (J.), ibid. 24 Anciens articles 230 à 232 du code civil. 19 25 CORNU (G.) : Droit civil. La famille, Montchrestien, Précis Domat, 8ème éd. 2002, n°343, p.537. 6 prolongée des facultés mentales de son conjoint. Le demandeur supportait alors les charges du divorce et la loi organisait la protection du conjoint qui le subissait. Sur le plan des conséquences, le législateur voulait dédramatiser le divorce. Pour cela, il a tenté d’une part, de dissocier la cause des effets pécuniaires du divorce, et d’autre part, de concentrer le règlement des ces effets au moment de son prononcé. Dans les nouveaux cas, où l’idée de faute est absente, il n’y avait plus lieu à organiser les conséquences autour de l’idée de sanction. Ainsi, par exemple, pour le divorce sur requête conjointe le règlement de l’ensemble des conséquences a pu être laissé à l’initiative des époux eux-mêmes. La logique de sanction a aussi été abandonnée lorsque le divorce était prononcé aux torts partagés. Plutôt que de pénaliser les deux époux, mutuellement responsables de la rupture, le législateur a choisi de n’en pénaliser aucun. Dans ces hypothèses, l’époux le plus démuni pouvait notamment se faire attribuer une prestation compensatoire, destinée à compenser les disparités financières dues au divorce. Cette prestation compensatoire a remplacé l’ancienne pension alimentaire qui reposait sur l’attribution des torts dans le divorce. Mais le législateur de l’époque a voulu garder, par exception et pour des considérations morales26, un système de pénalisation lorsque le divorce était dû au fait exclusif de l’un des époux27. Ainsi, l’époux coupable dans le divorce pour faute, prononcé à ses torts exclusifs, et l’époux demandeur du divorce pour rupture de la vie commune, ne pouvaient pas, par exemple, bénéficier d’une prestation compensatoire ni demander le report des effets du jugement dans les rapports entre époux en ce qui concerne leurs biens. C’est dans cet esprit que le sort des donations et avantages matrimoniaux était organisé. Il dépendait de la forme du divorce et de la répartition des torts en cas de divorce pour faute. Dans le divorce sur requête conjointe, où les époux doivent être d’accord sur la cause et le règlement des conséquences, l’article 268 du code civil laissait aussi les époux décider euxmêmes du sort des donations et avantages qu’ils s’étaient consentis. En cas de silence, ils étaient alors censés les avoir maintenus. Dans les divorces sur double aveu et pour faute, aux torts partagés, les articles 268-1 et 267-1 du code civil permettaient à chacun des époux de révoquer tout ou partie des donations et avantages qu’il avait consentis à l’autre. On retrouvait le principe de déchéance quand le divorce était prononcé pour faute ou pour rupture de la vie commune. L’époux aux torts exclusifs duquel le divorce était prononcé 26 MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), op. cit., n°673, p. 275. CARBONNIER (J.), art. préc., « l’opinion publique comprendrait mal qu’un conjoint exclusivement coupable pût prétendre à des droits pécuniaires pour lui même, à l’encontre d’un conjoint entièrement innocent ». 27 7 perdait de plein droit, en vertu de l’article 267 du code civil, toutes les donations et avantages qui lui avaient été consentis par son conjoint. L’époux innocent les conservait. L’article 269 organisait la même répartition en faveur de l’époux innocent dans le divorce pour rupture de la vie commune. Ce système était assez complexe et pas très efficace pour les donations de biens présents qui étaient révocables librement à tout moment. La déconnexion incomplète des conséquences de la répartition des torts entraînait encore des stratégies contentieuses car le divorce pour faute pouvait être financièrement plus intéressant. Elle incitait encore souvent les conjoints à « plaider » les griefs en raison des avantages pécuniaires qui pouvaient résulter d’un divorce prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux28. Pour dédramatiser le divorce, le législateur de 1975 a aussi tenté de concentrer ses effets lors de son prononcé en essayant d’obtenir un règlement définitif de tous les rapports entre époux. Il a notamment remplacé la pension alimentaire par une prestation compensatoire dont la préférence était donnée au règlement par le versement d’un capital29. Mais la réforme n’est pas allée jusqu’au bout de sa logique laissant apparaître quelques incohérences. Comme l’a résumé Monsieur Bénabent, ce système « va trop loin ou pas assez : d’un côté, il impose au juge du divorce de fixer cette prestation, au point que la Cour de cassation interdit toute demande ultérieure ; mais d’un autre côté on rejette à plus tard (sauf dans le divorce sur requête conjointe) la liquidation du régime matrimonial et le sort de quelques autres actions (révocation ou annulation des donations, voire action de in rem verso) alors qu’il s’agit là d’éléments qu’il faudrait connaître pour fixer la prestation et qui sont susceptibles de venir ensuite fausser les bases du règlement initial sans pour autant autoriser sa remise en question »30. Le régime des libéralités entre époux perturbait en effet l’application correcte de ce principe de concentration. La révocation des donations de biens présents ou la nullité des donations déguisées pouvait être demandée et obtenue par le disposant après le prononcé du divorce. Or, ces dispositions étaient prises en compte dans le patrimoine du donataire lors du jugement de divorce pour fixer la prestation compensatoire. Grâce à elles, le patrimoine des époux pouvait s’équilibrer, de sorte que le juge pouvait refuser au donataire l’attribution d’une prestation compensatoire ou lui en accorder une mais d’un montant réduit. Avec la révocation 28 V. Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale : Doc. AN n° 1513 (2003-2004). 29 CARBONNIER (J.), art. préc., « le règlement de ces droits sera le plus souvent possible concentré autour du prononcé du divorce, à un moment où les époux sont encore sous la dépendance psychologique du jugement – cela afin de combattre l’effet de dégradation (…) que l’écoulement du temps exerce sur l’exécution des pensions ». 30 BÉNABENT (A.), « Plaidoyer pour quelques réformes du divorce, I – Sur les effets », D. 1997, chron. p. 225. 8 a posteriori, le déséquilibre n’apparaissait qu’après le règlement de cette question. Le conjoint victime de ce système ne pouvait alors plus demander la modification du jugement car la prestation compensatoire a un caractère forfaitaire et non révisable. L’injustice qui en résultait amplifiait le contentieux d’après divorce31 32. La jurisprudence a tenté de limiter ce problème par plusieurs moyens. Elle rejetait souvent l’existence de l’intention libérale lorsque la soi-disant donation avait pu être faite pour rémunérer la participation du conjoint, soit à l’activité professionnelle de l’époux donateur33, soit au travail fourni dans la vie ménagère34 lorsque cette collaboration ou ce travail ménager avait excédé sa contribution aux charges du ménage35. Cette absence d’intention libérale excluait la qualification de donation et donc l’application des anciens articles 1096 et 1099 du code civil. Les tribunaux ont aussi multiplié les difficultés de la preuve de l’intention libérale. Elle pesait sur le donateur qui devait établir qu’il n’avait pas entendu rémunérer l’activité du conjoint mais qu’il était animé d’une intention libérale36. A défaut, le caractère rémunératoire était reconnu. Pour cantonner la nullité des donations déguisées, la Cour de cassation ne reconnaissait le déguisement qu’en présence d’une affirmation mensongère dans l’acte d’acquisition sur la provenance des fonds. Et si l’acte d’acquisition ne contenait aucune précision sur cette origine, la qualification de donation déguisée n’était pas retenue37. Mais ces artifices n’étaient pas satisfaisants et ne dissuadaient pas les donateurs à intenter les actions en nullité ou en révocation. Une modification du régime des libéralités entre époux était demandée sur ce point38. 31 Le même problème se rencontrait aussi avec la liquidation du régime matrimonial qui intervenait souvent longtemps après la fixation de la prestation compensatoire. Or des disparités pouvaient apparaître à ce moment-là du fait du mécanisme des récompenses ou de la demande de report des effets du divorce entre les époux. 32 BÉNABENT (A.), art. préc.: « Tous ces contretemps (…) conduisent au résultat absurde de fixer une prestation irrévocable sur des bases qui demeurent quant à elles modifiables ». 33 Ex.: Cass. civ. 1ère, 24 octobre 1978, Bull. civ. I, n°316 ; JCP, 1979, II, 19220, note PATARIN (J.) ; Defrénois 1979, art. 32038, n°40, p. 945, obs. CHAMPENOIS (G.) ; Cass. civ. 1ère, 23 janvier 1980, Defrénois, 1980, art. 32448, p. 1298, obs. CHAMPENOIS (G.) ; Cass. civ. 1ère , 16 juin 1981, Bull. civ. I, n° 217, p. 178. 34 Ex.: Versailles, 7 janvier 1980, Defrénois 1981, art. 32552, p. 206, note BRETON (A.) ; Cass. civ. 1ère, 20 mai 1981, Bull. civ. I, n° 175, p. 42. 35 Cass. civ. 1ère , 2 octobre 1985, Bull. civ. I, n°244 ; D. 1986, 325, note BRETON (A.) ; Defrénois 1987, art. 33846, « l’activité de l’époux séparé de biens dans la gestion du ménage et la direction du foyer peut, quand, en raison de son importance excédant la contribution aux charges du mariage et de sa qualité, elle a été pour son conjoint une source d’économie, constituer la cause de versements de fonds faits par celui-ci audit époux à l’occasion d’achats de biens faits indivisément par les deux ». 36 Ex.: Cass. civ. 1ère, 20 mai 1981, Bull. civ. I, n° 175, p. 42 37 Ex.: Cass. civ. 1ère, 6 janvier 1987, Bull. civ. I, n°4 p.4 ; 8 novembre 1988, Bull. civ., n°311 p. 212. 38 V. RIEUBERNET (C.), Les donations entre époux, étude critique, thèse Toulouse I, Defrénois, 2003 ; BERTHET (P), Petites affiches, 1er février 2000 ; les travaux du 84è Congrès des notaires de France (La Baule, 1988) et du 95è Congrès (Marseille, 1999) ; voir aussi CARBONNIER (J.), CATALA (P.), MORIN (G.) et de SAINT-AFFRIQUE (J.), Des libéralités, Une offre de loi, Defrénois, 2003. 9 L’objectif de pacification n’était pas vraiment atteint. Le divorce était trop conflictuel ce qui engendrait un coût immense 39. Le contentieux du divorce prenait une part de plus en plus lourde dans l’activité des juridictions civiles. En 2001, 50% des affaires introduites devant les tribunaux de grande instance avaient trait au divorce, à la séparation de corps ou étaient des demandes postérieures à ces ruptures d’union40. Une réforme des effets du divorce était nécessaire. Elle était aussi demandée sur le terrain des causes. Les mentalités ont encore évoluées depuis 1975. La liberté individuelle s’affirme de plus en plus. Le divorce s’est normalisé. 128971 divorces ont été prononcés en 2002 et le taux de divortialité était de près de 38% en 200141. La reconnaissance d’un véritable droit au divorce et la suppression du divorce pour faute étaient par exemple réclamées. La lourdeur des procédures était également critiquée par les justiciables et par les professionnels. La loi de 1975 ne correspondait plus aux aspirations de la société française. Par une loi du 26 mai 200442, le législateur est venu adapter le droit du divorce à ces évolutions et corriger les imperfections de la réglementation antérieure. L’élaboration de cette loi a pu s’appuyer sur les rapports, menés sur l’évolution du droit de la famille, de Madame Irène Théry43 et du groupe de travail animé par Madame Françoise Dekeuwer-Défossez44. Elle a aussi bénéficié des débats de la proposition de loi du député François Colcombet qui proposait notamment de supprimer le divorce pour faute45. Cette proposition a été abandonnée lors du changement de législature en 2002. En janvier 2003, une commission pluraliste de 22 parlementaires, universitaires et praticiens a été installée par le Garde des sceaux et le ministre délégué à la famille pour travailler sur la réforme du droit de la famille, dont le divorce constituait la première étape46. Grâce à ces réflexions, le projet de réforme du divorce présenté en conseil des ministres le 9 juillet 2003 a pu être adopté rapidement par le parlement47. 39 V. GANANCIA (D.), « Pour un divorce du XXIè siècle », Gaz. Pal. 19 avril 1997, p. 662. L’auteur mesure les coûts des séparations mal réglées : « coût individuel et psychologique (dépression, maladies, chômage), coût familial (guerre d’usure payée par les enfants avec le déséquilibre psychologique, l’échec scolaire, la coupure avec l’un des parents et la perte des repères), coût économique (pensions non réglées, marginalisation sociale), coût judiciaire (durée et surtout retour des contentieux) et, plus globalement, coût collectif du fait de la prise en charge par la société de tous ces déséquilibres ». 40 Rapport P. DELNATTE, préc. 41 Rapport P. DELNATTE, préc. 42 L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, JO 27 mai 2004, p. 9319. 43 Couple, Filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, éd. O. Jacob, Doc. fr., 1998. 44 Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Doc. fr., coll. « Rapports officiels », 1999. 45 Proposition adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 10 octobre 2001. 46 Sont attendues les réformes du droit de la filiation, des successions, des incapacités et des libéralités. 47 Le texte a suivi la procédure d’urgence de l’article 44 de la Constitution. 10 Pour l’essentiel, cette nouvelle loi redéfinit les cas de divorce pour offrir aux époux un choix correspondant à leur situation48. Le divorce peut désormais être prononcé en cas soit de consentement mutuel, soit d’acceptation du principe de la rupture du mariage, soit d’altération définitive du lien conjugal, soit de faute49. La nouveauté la plus marquante est sans doute le divorce pour altération définitive du lien conjugal qui succède au divorce pour rupture de la vie commune. Il peut être demandé par l’un des époux lorsqu’ils vivent séparés depuis plus de deux ans lors de l’assignation. Avec ce cas d’ouverture, c’est un véritable droit au divorce qui est consacré50. On comprend alors que toutes les dispositions qui tendaient à faire du divorce pour rupture de la vie commune un divorce à charge ont dû être supprimées. La loi ne doit en effet pas mettre d’obstacle à l’exercice de ce droit. La loi nouvelle vise surtout à pacifier le divorce sur le plan procédural et sur le traitement de ses effets. S’agissant de la procédure, elle tente de réduire la durée des divorces par consentement mutuel en supprimant la deuxième comparution. La procédure du nouveau divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage est simplifiée par rapport à celle de l’ancien divorce sur double aveu. Une procédure plus rapide devrait ainsi réduire le risque de conflit. Un tronc commun procédural est également organisé pour les trois divorces contentieux. Les époux n’auront alors plus d’intérêt à choisir tel type de divorce pour espérer bénéficier d’un avantage procédural. A l’intérieur de ce tronc commun, les accords entre époux sont encouragés, notamment par le recours à la médiation ou avec la multiplication des passerelles vers un divorce moins contentieux. Concernant le traitement des conséquences du divorce, la pacification est recherchée par une déconnexion complète avec la cause et par une meilleure concentration des effets au jour du jugement. La concentration des effets du divorce se traduit par une plus forte intégration de la liquidation du régime matrimonial dans la procédure et une limitation dans le temps de ces opérations lorsqu’elles n’ont pas pu être terminées au jour du jugement. Elle explique aussi la modification du régime des libéralités entre époux. La libre révocabilité des donations de biens présents et la nullité des donations déguisées entre époux ont en effet été abrogées. 48 Sur la question, V. en particulier : FULCHIRON (H), « Les métamorphoses des cas de divorce », Defrénois 2004, art. 37999, p. 1103 ; HAUSER (J.), « La nouvelle conception des cas de divorce », Rev. Lamy dr. civil oct. 2004, p. 51 ; GRANET (F.), « Les nouveaux cas de divorce », AJ Famille, juin 2004, p. 204. 49 Art 229 c. civ. 50 MALAURIE (Ph.) & FULCHIRON (H.), op. cit., n° 438, p. 200. 11 La dissociation des conséquences de la répartition des torts impliquait un réaménagement du règlement des effets du divorce. Désormais, quel que soit le type de divorce, la loi permet à chacun des époux de demander par exemple une prestation compensatoire ou le report des effets du jugement. Le choix des époux entre telle ou telle procédure ne devrait donc plus être motivé pour les avantages pécuniaires qu’il est susceptible d’entraîner, ni par la volonté de nuire aux intérêts de l’autre époux. Le législateur espère ainsi un redéploiement des procédures vers les divorces moins contentieux. Pour éviter le conflit entre les époux dans ce contexte de mésentente qu’est le divorce, le législateur a donc opté pour une méthode logique : la suppression des armes de combat. Par conséquent, la répartition des libéralités entre époux et des avantages matrimoniaux a dû être réaménagée dans un système où la cause du divorce n’a plus aucune interférence, où toute idée de sanction a disparu. La question de leur sort s’intègre dans le règlement de l’ensemble des effets du divorce, lequel doit être concentré au maximum lors de son prononcé. Ce règlement doit aussi être juste pour ne pas susciter le contentieux. Le problème que nous soulevons alors est celui de savoir si ces principes de justice et de concentration peuvent être appliqués au traitement des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux. Ces deux principes semblent en effet être le gage d’un règlement pacifique du divorce, du moins sur le plan patrimonial. Le législateur a organisé un système qui pose un nouveau critère de répartition de ces dispositions. Il est établi dans un seul texte, l’article 265 du code civil, au lieu des cinq de la loi de 1975, et s’applique de la même façon pour chaque type de divorce. Un premier titre sera consacré à l’étude de la mise en œuvre de ce critère légal. Il est possible que les solutions proposées par ce nouveau système ne conviennent pas aux époux. Ces derniers peuvent souhaiter adapter le règlement des conséquences du divorce à leur propre situation et régler eux-même le sort des libéralités ou des avantages matrimoniaux. Il faudra étudier dans quelle mesure ils peuvent déroger au régime légal. Cela fera l’objet d’un titre second. Mais la nouveauté de la réforme justifie l’étude préalable de son application dans le temps. 12 CHAPITRE PRELIMINAIRE – L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE LA LOI DU 26 MAI 2004. L’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 a été fixée au 1er janvier 200551. En ce qui concerne le sort des libéralités et des avantages matrimoniaux à la suite du divorce, il sera déterminé par le nouvel article 265 du code civil si la procédure est engagée après le 1er janvier 2005. Qu’en est-il pour les procédures en cours au 1er janvier 2005 ? Des dispositions transitoires ont été prévues pour organiser le passage de la loi ancienne à la loi nouvelle. L’article 33-II pose en principe que la loi nouvelle « s’appliquera aux procédures en divorce introduites avant son entrée en vigueur », sous réserve de deux séries d’exceptions. A priori, le législateur, et les travaux préparatoires le confirment52, a donc souhaité son application immédiate aux situations en cours afin de « permettre au plus grand nombre de bénéficier de ces nouvelles dispositions législatives ». Mais la portée de ce principe semble être aussitôt contredite par les larges exceptions qui le suivent53 et qui réservent des cas de survie de la loi ancienne après le 1er janvier 200554. L’application de l’article 265 nouveau à ces procédures en cours, qui peuvent encore durer plusieurs années avec les voies de recours, dépend de l’interprétation de ces dispositions transitoires. Ce texte ne doit-il s’appliquer uniquement lorsque la loi nouvelle a réglementé l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire, pour les actions en cours au 1er janvier 2005, en dehors des exceptions ou par les passerelles transitoires ? Ou alors peut-il s’appliquer immédiatement, dès le 1er janvier 2005, à tous les divorces qui sont prononcés depuis cette date, quelle que soit la loi qui a régi la procédure ? 51 Article 33-I. Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale : Doc. AN n° 1513 (2003-2004), p 125. 53 V. G. LACOSTE et V. LARRIBAU-TERNEYRE , « Les dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce », Dr. Fam. Janvier 2005, p. 8, qui se demandent si le contenu des exceptions ne va pas aboutir à un renversement du principe ; et A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p. 17 n°5 qui dénonce l’art de l’affiche creuse car « les exceptions absorbent purement et simplement ce principe apparent. » 54 Article 33-II a) et b). Pour le divorce sur demande conjointe, la loi ancienne continue à s’appliquer si la convention temporaire a été homologuée avant le 1er janvier 2005. Pour les autres types de divorces, la loi ancienne continue à s’appliquer si l’assignation a été délivrée avant le 1er janvier 2005. Dans ce dernier cas, des passerelles transitoires vers la loi nouvelle sont possibles. 52 13 Les dispositions transitoires n’apportent pas de réponse claire et certaine à l’application dans le temps du nouvel article 265 du code civil. Elles n’apportent pas de réponse du tout en ce qui concerne le nouveau régime des libéralités entre époux, qui a des répercussions en cas de divorce, le nouvel article 1096 du code civil étant complémentaire avec le nouvel article 265. Les donations de biens présents entre époux conclues après le 1er janvier 2005 sont irrévocables. Celles conclues avant cette date sont-elles encore révocables en vertu de l’ancien article 1096 ? Si oui, le seront-elles encore quand leur sort en cas de divorce aura été déterminé par le nouvel article 265 ? Pour résoudre ce conflit transitoire entre l’ancien et le nouvel article 1096, il faut se référer aux indications de l’article 2 du code civil et au système de solutions élaboré par la jurisprudence et la doctrine. Mais il est nécessaire de rappeler qu’en matière de droit transitoire, la doctrine a dégagé de simples directives qui peuvent expliquer après coup les solutions, mais qui ne suffisent pas à les prévoir avec certitude55. Et l’étude de la jurisprudence révèle sa méthode pragmatique56. Nous ne pouvons donc que proposer un pronostic en fonction de l’opportunité des différentes solutions envisageables. Quatre combinaisons sont possibles pour déterminer le sort, en cas de divorce, des donations de biens présents entre époux conclues avant le 1er janvier 200557. La première est celle du maintien de la révocabilité ad nutum combiné avec la non-application immédiate du nouvel article 265. Il s’agirait alors de maintenir les solutions antérieures, c’està-dire de définir le sort de ces donations en fonction de la répartition des torts du divorce. Les donations qui seront maintenues seraient toujours révocables. La seconde est celle de l’application immédiate de l’irrévocabilité à partir du 1er janvier 2005 combinée avec la non-application immédiate du nouvel article 265. Cette solution permettrait, pour les donations qui seraient maintenues en vertu de l’ancien système, d’empêcher leur remise en cause après le prononcé du divorce. La troisième est celle du maintien de la révocabilité ad nutum combiné avec l’application immédiate du nouvel article 265. Le divorce n’aurait aucune incidence sur ces donations et les époux donateurs, quels que soient leurs torts reconnus dans le divorce, décideraient euxmêmes du sort de ces donations, en choisissant d’utiliser ou non leur droit de révocation avant le prononcé du divorce ou même après. 55 J. GHESTIN, G.GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil, Introduction générale, LGDJ, 1994, n° 364 L.BACH, Répertoire civil Dalloz , V. « Conflit de loi dans le temps », 1996, n°419 : « les tribunaux sont appelés à porter un jugement tantôt de légalité (au cas de volonté même seulement implicite du législateur) tantôt d’opportunité sur l’application de la loi nouvelle (en l’absence de toute indication à ce sujet de la part de celuici), qu’il est bien difficile, voire impossible de ramener les solutions jurisprudentielles à des principes rationnels ». 57 Pour les donations de biens présents conclues après le 1er janvier 2005, leur sort en cas de divorce sera déterminé par le nouvel article 265 qui sera étudié dans la suite du mémoire. 56 14 La dernière est celle de l’application immédiate des nouvelles dispositions des articles 265 et 1096 du code civil afin de les faire bénéficier au plus grand nombre. Reste à démontrer lesquelles de ces solutions sont juridiquement possibles et parmi celles-ci, laquelle serait la plus opportune. Pour cela, il est nécessaire d’étudier, d’une part, l’application dans le temps du nouveau régime des libéralités entre époux puis, d’autre part, celle du nouvel article 265 du code civil. 15 Section 1 – L’application dans le temps du nouveau régime des libéralités entre époux La révocabilité ad nutum des donations de biens présents entre époux est supprimée depuis le 1er janvier 2005. Il est important de déterminer si les donations conclues avant cette date gardent leur caractère révocable car, en cas de divorce, le donateur pourrait toujours décider de les maintenir ou de les révoquer, et ce quelle que soit la loi qui décide de leur sort (§ 1). Corrélativement, le législateur a mis fin à la nullité des donations déguisées entre époux ou par personne interposée. Cette sanction permettait de préserver le libre jeu de la révocabilité et n’était alors plus justifiée compte tenu de la nouvelle irrévocabilité58. La nouvelle validité de ces donations devrait notamment limiter le contentieux de l’achat pour autrui entre époux, au moment du divorce. Il faut également déterminer si les donations déguisées passées avant le 1er janvier 2005 seront encore annulables après cette date (§ 2). § 1 – La nouvelle irrévocabilité des donations entre époux de biens présents En l’absence de dispositions transitoires, on se réfère au système de conflit de lois dans le temps établi par Roubier59 qui nous conduit à une double démarche : veiller à ne pas faire une application rétroactive de la loi nouvelle (A), puis choisir entre la survie de la loi ancienne ou l’application immédiate de la loi nouvelle (B). Et si les deux solutions sont juridiquement envisageables, il faudra voir laquelle serait la plus opportune (C). A – La non rétroactivité de la loi nouvelle. L’article 2 du code civil proclame le principe de non rétroactivité des lois. En l’absence de dispositions transitoires, le juge est tenu par ce principe. 58 Rapport P. DELNATTE préc. p120 : cette sanction marquait, par son automaticité, une défiance dépassée à l’égard des donations entre époux. 59 P. ROUBIER, Les conflits de lois dans le temps, 1ère éd., 1929-1933 ; Le droit transitoire, 2è éd., 1960. 16 Selon la définition de Bach, il y a rétroactivité toutes les fois qu’il y a report de l’applicabilité d’une loi, de son caractère obligatoire à l’égard des sujets de droit, à une date antérieure à sa publication ou au report de son application à une date antérieure à la date différée fixée par le législateur pour son applicabilité60. L’application rétroactive du nouvel article 1096 conduirait à priver d’effet les révocations de donations effectuées avant le 1er janvier 2005 sous prétexte que cet article interdit les révocations. Les lois qui gouvernent l’extinction d’une situation juridique ne pourraient, sans rétroactivité, infirmer l’extinction régulièrement opérée de cette situation juridique61. Les donations conclues avant le 1er janvier 2005 et révoquées avant cette date sont donc définitivement éteintes62 même si désormais le nouvel article 1096 du code civil interdit ces révocations. Pour celles conclues avant le 1er janvier 2005 qui n’ont pas été révoquées, le maintien de leur caractère révocable dépend du choix entre l’effet immédiat de la loi nouvelle ou de la survie de la loi ancienne. B – Le choix entre l’effet immédiat ou la survie de la loi ancienne A la différence du principe de l’application non rétroactive des lois, aucun texte de portée générale ne règle la question63. Les critères de choix ne sont donc pas intangibles. D’un côté, les principes traditionnels, en matière contractuelle, tendent vers la survie de la loi ancienne. Ainsi, pour Roubier, les causes de résolution d'un contrat « doivent être déterminées par la loi en vigueur au jour du contrat, parce que c'est sur la foi de cette loi que le contrat a été passé64 ». L’ancienne révocabilité ad nutum étant une cause de résolution du contrat de 60 61 62 L. BACH, préc., n°127 ROUBIER, préc. p. 197 Concrètement, un testament en date du 1er décembre 2004 qui révoque, expressément ou implicitement une donation de biens présents entre époux, sera exécuté conformément à la volonté du défunt, quelle que soit la date du décès. 63 64 J. GHESTIN, Traité de droit civil, préc. n° 383 ; L. Bach préc n°109 P. ROUBIER, préc., p. 367 17 donation de biens présents entre époux, elle devrait, suivant cette théorie, être maintenue pour les donations conclues avant le 1er janvier 2005. La doctrine majoritaire suit cette analyse65. La jurisprudence rejette parfois la solution de la survie de la loi ancienne en matière de contrats66. La doctrine explique ce rejet lorsque la loi nouvelle est dictée par des motifs impérieux d’ordre public67. Le nouvel article 1096 est peut-être d’ordre public, comme l’était l’ancien, mais la doctrine doute de son caractère suffisamment impérieux pour justifier une application immédiate68. D’autres auteurs expliquent l’application immédiate aux contrats en cours lorsque la loi est relative à un statut légal69. La révocabilité ad nutum se justifiait par le contexte matrimonial dans lequel intervient la libéralité. Elle intéressait les relations entre époux et pouvait se rattacher au statut de la personne mariée. On ne la rencontrait d’ailleurs que pour les donations entre époux. Ce rattachement au statut légal, plutôt qu’à la nature contractuelle de la clause conduirait donc à supprimer la libre révocabilité des donations conclues avant 200570. D’un autre côté, on peut relever que la donation entre époux de biens présents était un contrat particulier. En effet, ce contrat n’était pas soumis aux deux principes de l’article 1134 du code civil, à savoir celui de l’irrévocabilité et celui de la force obligatoire71. C’était un engagement sous condition purement potestative qui n’engageait à rien72. Dans ces conditions, le principe traditionnel de la survie de la loi ancienne en matière contractuelle, qui est fondé sur l’idée de 65 F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 note 20 ; et « L’application dans le temps de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce », JCP éd. N 2004, n° 1505, p. 1588, spéc n°5 ; A. DELFOSSE et J.-F. PÉNIGUEL, « Divorce , libéralités entre époux et avantages matrimoniaux », Defrénois, Supplément Rapide, no 21 du 16 novembre 2004, p. 8 et 9 ; C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 10 ; S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des libéralités entre époux par la loi du 26 mai 2004 », D. 2004, 2512, spéc. n°5 ; J.-L. PUYGAUTHIER, « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », JCP éd. N 2004, no 45, 1538 (1re partie) et no 46, 1548 (2e partie) ; J. CASEY, « Les incidences de la loi du 26 mai 2004 en droit patrimonial de la famille », RJPF 2004/10, p. 6 et suiv., spéc. p. 9 ; G.Lacoste et V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Les dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce », Dr. Fam. Janvier 2005, p. 8 spéc. n°34 et s. ; J. COMBRET, « Les aspects patrimoniaux de la réforme », préc., spéc. p. 59 ; J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26. 66 notamment en matière de baux ou de société. MAZEAUD et CHABAS, Leçons de droit civil, t. 1, 1er vol., n°148. 68 En ce sens,V. F. SAUVAGE, art. préc. 69 En ce sens, V. notamment P. ROUBIER, op. cit., n°82 et s. 70 En ce sens, V.B. BEIGNIER et M. NICOD, « Donations entre époux : d'un droit à l'autre... » ; Defrénois 2005, art. 38104, p. 265 et suiv. 71 M. GRIMALDI, Libéralités . Partages d'ascendants, Litec, 2000, no 1599. 72 J. FLOUR et H. SOULEAU, Les libéralités , Armand Colin, coll. U, 1982, no 446. 67 18 prévisibilité et de sécurité juridique, pourrait être légitimement écarté73. Pour ce contrat, c’est au contraire l’application immédiate de la loi nouvelle qui apporterait sa stabilisation pour les parties et pour les tiers74. On peut aussi relever que la jurisprudence applique de façon générale et immédiate les lois qui modifient les effets légaux des contrats, lesquels procèdent directement de la loi75, plutôt que de la volonté des parties76. Il est permis de penser que la révocabilité dépend d’une clause légale détachable de la loi d’autonomie77. Il est également admis que le mode d’exercice des droits et obligations découlant d’une situation contractuelle est régi par la loi du jour de cet exercice78. L’exercice du droit de révocation après 2005 serait alors régi par la loi en vigueur, donc la loi du 26 mai 2004. Or le nouvel article 1096 ne permet plus cet exercice. La mise en œuvre de la révocation des donations de biens présents entre époux ne serait donc plus possible depuis le 1er janvier 2005. Monsieur Bénabent suit cette idée et propose de se placer au jour de l’acte de révocation pour choisir la loi applicable, plutôt que celui de la donation79. L’ensemble de ces arguments permet de contrebalancer celui en faveur de l’application du principe traditionnel de droit transitoire en matière contractuelle. Le choix devra donc se faire en considération de l’opportunité80 et nous pensons que celle-ci nous dirige vers une application immédiate de l’irrévocabilité des donations entre époux de biens présents. 73 V. F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ , Les dispositions transitoires dans la législation civile contemporaine, thèse Lille, 1977, LGDJ, préface M. GOBERT, p.231 : « Il est certainement possible d’appliquer à toutes les lois nouvelles le nouveau principe selon lequel la loi produit immédiatement effet sur les contrats en cours d’exécution lors de son entrée en vigueur : la survie de la loi ancienne ayant perdu son fondement et son utilité, il n’y a plus lieu de conserver une exception au principe d’effet immédiat qui ne se justifie plus, eu égard aux caractères de la législation moderne ». 74 En ce sens, V.B. BEIGNIER et M. NICOD, « Donations entre époux : d'un droit à l'autre... » ; Defrénois 2005, art. 38104, p. 265 et suiv. 75 ceux visés par l’article 1135 du code civil, c’est à dire les suites que la loi donne à l’obligation d’après sa nature. 76 V. L. BACH, op. cit. n°524 77 M. GRIMALDI, op. cit., no 1599 : « pour les donations de biens présents, qui dépouillent immédiatement le donateur, il est permis de penser que leur révocabilité n’est pas un élément déterminant du consentement ». 78 L. BACH, op. cit. n°476 à propos de la mise en demeure. 79 A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p. 34. 80 L BACH, op. cit., n°535: « La solution de la survie de la loi ancienne, (…), ne peut procéder et ne procède effectivement pour l’interprète, en l’absence d’indication de la part du législateur sur la solution à adopter, que d’un jugement d’opportunité sur le point de savoir si la sécurité des sujets de droit fondée sur les légitimes prévisions de ceux-ci, face à l’intérêt général, commande ou non le maintien de la loi ancienne ». 19 C – L’opportunité d’une application immédiate de l’irrévocabilité ? L’effet immédiat assure une application rapide de la loi nouvelle qui est en principe considérée comme meilleure que l’ancienne. La loi nouvelle met fin à la suspicion qui était portée sur ces donations et confirme la tendance du droit actuel à se montrer favorable à leur égard. Il permet aussi une unité de législation qui est facteur d’égalité entre les sujets de droit. Il serait peu logique d’avoir, pour un même couple, des donations révocables et d’autres irrévocables en fonction de leur date de conclusion. Cela reviendrait à dire que les premières devraient garder leur régime dérogatoire car elles sont présumées être passées sous la crainte ou la passion du donateur, alors que les secondes, intervenues quelques temps plus tard, ne devraient plus bénéficier de cette fragilité, bien que le contexte matrimonial soit toujours le même. La survie de la libre révocabilité entraînerait une dualité de régime qui pourrait durer plusieurs dizaines d’années, ce qui n’est pas favorable à la sécurité juridique des parties ou des tiers acquéreurs. L’irrévocabilité générale des donations entre époux de biens présents aurait en outre l’avantage d’annihiler le contentieux lié aux révocations tardives de ces libéralités, après un divorce, qui remettaient en cause l’équilibre de son règlement patrimonial. Au contraire, la survie de la loi ancienne risque de complexifier et d’allonger les procédures de divorce car un nouveau contentieux pourrait apparaître concernant la preuve de la date des donations non solennelles81. Nous estimons par conséquent que les donations conclues avant 2005, auxquelles la loi avait assorti une condition résolutoire, sont stabilisées depuis le 1er janvier 2005 car, après cette date, la condition ne pourra plus se réaliser. La révocation pourrait peut être alors être négociée entre les époux au moment du divorce82. Mais le résultat n’est pas certain pour le donateur83. 81 En ce sens, V. B. BEIGNIER et M. NICOD, art. préc. pour qui la survie des règles de 1804 est aussi déraisonnable qu’impraticable : « il est probable que toutes ces donations dont la localisation dans le temps restera indécise seront soumises à la loi nouvelle. On se trouvera, par suite, face à un beau paradoxe : les donations notariées conclues avant 2005 seront juridiquement plus fragiles, puisque sujettes à révocabilité, que nombre de donations non notariées réalisées dans la même période. » Par ailleurs l’application de la loi nouvelle simplifie la question de l’imputation de ces libéralités dans un sens plus favorable au conjoint. 82 Cf. infra Titre 2, Chapitre 1, section 1. Sur le plan fiscal, la révocation sera constatée judiciairement et ne devrait alors pas donner lieu au paiement de droit de mutation à titre gratuit (art. 1961 al. 3 CGI). 83 20 La nullité des donations déguisées passées avant le 1er janvier 2005 est-elle alors, encore justifiée après cette date ? § 2 – La nouvelle validité des donations déguisées Peut-on dire que les donations déguisées qui étaient nulles avant le 1er janvier 2005 sont devenues valides depuis cette date ? La réponse de principe est négative à cause de la non rétroactivité de la loi (A). Cependant, des considérations d’opportunité pourraient peut-être encore conduire à faire une exception à ce principe (B). A – Le principe de non-rétroactivité Comme l’affirmait Roubier, la loi en vigueur au moment de la constitution d’une situation juridique est seule compétente pour en déterminer la validité84. Quand la loi nouvelle est plus libérale, l’acte antérieur nul doit demeurer nul. Par conséquent, la donation déguisée conclue avant 2005 était nulle et devrait le rester. Mais on a fait remarquer que les lois nouvelles procèdent presque toujours à une confirmation expresse des actes antérieurs nuls85 86. L’auteur en déduit que le caractère systématique de ces dispositions incite à repenser le problème de la confirmation législative tacite, et se demande si l’on ne peut pas admettre que le champ d’application de la loi nouvelle s’élargisse aux actes antérieurs nuls qui deviennent valable par son effet87. Même si la jurisprudence n’a encore jamais appliqué cette théorie, car contraire à l’article 2 du code civil, des arguments d’opportunité semblent pourtant militer en sa faveur. 84 P. ROUBIER, op. cit. p.191 En ce sens, V. F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit. p. 171 86 Par exemple, la loi no 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale a abrogé l'ancien article 1100 du Code civil qui édictait, pour les donations entre époux, une présomption irréfragable d'interposition de personnes. Les dispositions transitoires ont prévu une application immédiate aux instances en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision passée en force de chose jugée. 87 F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, préc. voir aussi l’analogie faite avec la rétroactivité in mitius des sanctions pénales p.185 et s. 85 21 B – L’opportunité d’une application rétroactive d’une loi confirmative ? Tout d’abord, en décidant que les donations déguisées entre époux ne sont plus annulables depuis le 1er janvier, on ne porte pas atteinte à la sécurité juridique. Au contraire, on la renforce en évitant les perturbations causées par l’annulation. La menace d’une annulation laisse le donataire dans l’incertitude et nuit à la sécurité du commerce juridique. D’ailleurs, la jurisprudence se montre peu favorable à l’annulation des donations déguisées. Elle est très exigeante dans la qualification de ces donations, notamment dans le domaine des achats pour autrui. Elle considère souvent que la remise des fonds par un époux ne constituait pas un acte à titre gratuit, mais une rémunération. Et si l’intention libérale est démontrée, il faut encore prouver l’existence d’une dissimulation mensongère sur l’origine des fonds88. Il est fort probable que, compte tenu des nouveaux textes, elle accentue sa réticence à l’accueil des actions en nullité. Cette réticence serait un moyen de contourner le principe de nonrétroactivité des lois pour aboutir au même résultat de non annulation de la donation. Ensuite, il semble injuste et absurde d’annuler un acte que les parties pourraient recommencer le lendemain du jugement89 90. Cela favoriserait le donateur qui ne veut plus respecter son engagement lors du divorce et surtout après. On retrouve donc les arguments liés à la diminution des contentieux lors du règlement du divorce et d’après divorce, mais aussi ceux en faveur d’une unité de législation et donc d’une simplification. La possibilité d’annuler des donations déguisées encore après 2005 conduirait aussi à des litiges concernant la preuve de la date de l’acte. Nous pronostiquons donc une application immédiate de l’irrévocabilité des donations de biens présents entre époux et de la validité des donations déguisées. Cela nous permet maintenant d’envisager la combinaison de ce nouveau régime propre aux donations entre époux avec le nouvel article 265 du code civil qui détermine leur sort en cas de divorce. 88 S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des libéralités entre époux par la loi du 26 mai 2004 », D. 2004, 2512 F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, préc. p.184 : le rôle du juge en paraît dégradé. 90 En ce sens, V. B. BEIGNIER et M. NICOD, art. préc. : L'annulation d'une donation simulée entre époux réalisée avant le 1er janvier 2005 dépasserait immanquablement son but : le rétablissement de la légalité. 89 22 Section 2 – L’application dans le temps du nouvel article 265 du code civil Ce nouvel article règle le sort, en cas de divorce, de l’ensemble des libéralités et avantages matrimoniaux que les époux ont pu se faire durant leur mariage. Son application dans le temps est-elle régie par les dispositions transitoires de l’article 33-II de la loi, ou peut-on l’appliquer immédiatement aux divorces soumis à l’ancienne procédure ? Etudions les deux hypothèses. § 1 – 1ère hypothèse : l’article 265 entre dans le cadre des dispositions transitoires de l’article 33-II On considère que la loi qui régit le prononcé du divorce règle aussi ses conséquences. Dans ce cas, le nouvel article 265 ne s’appliquera pas lorsque le divorce continu à être soumis à la loi ancienne (A). Son application est en effet liée avec l’application de la nouvelle procédure (B). A – Inapplication de l’article 265 aux procédures régies par la loi ancienne. L’ancien système de la loi du 11 juillet 197591 continue à régler le sort des donations entre époux et des avantages matrimoniaux lorsque cette même loi continue à s’appliquer aux procédures en cours. Il s’agit des deux exceptions prévues à l’article 33-II a) et b) de la loi du 26 mai 2004. Lorsque la convention temporaire du divorce sur requête conjointe a été homologuée avant le 1er janvier 2005, les époux décideront eux même du sort des donations et avantages qu’ils s’étaient consentis92. Et lorsque, dans les autres cas, l’assignation a été délivrée avant le 1er janvier 2005, le sort de ces libéralités et avantages matrimoniaux dépendra encore de la répartition des torts. 91 92 Anciens articles 265 à 269 du code civil. En sachant que l’on considère les donations de bien présents désormais irrévocables. 23 B – Application du nouvel article 265 aux seules procédures régies par la loi nouvelle. Il s’agit des procédures en divorce introduites avant le 1er janvier 2005 dont la convention temporaire n’a pas été homologuée ou l’assignation n’a pas été délivrée à cette date. La survie de la loi ancienne peut, en outre, être écartée si les époux choisissent de recourir aux passerelles des articles 247 et 247-1 du code civil, c’est-à-dire les passerelles vers les nouveaux divorces par consentement mutuel et accepté. Elle est aussi écartée, lorsque malgré une assignation délivrée avant le 1er janvier 2005, les époux décident de modifier le fondement de leur demande au profit du nouveau divorce pour altération définitive du lien conjugal93. Cette interprétation est celle proposée par la circulaire du garde des sceaux du 23 novembre 200494. Elle entraîne une dualité de régimes pour plusieurs années encore car il est aussi prévu que l’appel et le pourvoi en cassation sont formés, instruits, et jugés selon les règles applicables lors du prononcé de la décision de première instance95. Il faudra en tenir compte pour les liquidations des régimes matrimoniaux car les règles définissant le sort des avantages matrimoniaux dépendront de la loi qui a régi le prononcé du divorce. Une autre interprétation est envisageable. § 2 – 2e hypothèse : l’article 265 n’entre pas dans le cadre des dispositions transitoires En interprétant strictement les exceptions de survie de la loi ancienne, on peut, peut être, dissocier la loi qui régit le prononcé du divorce de celle qui régira le règlement de ses conséquences (A). Nous avons vu dans l’introduction que la loi de 1975, n’était pas parvenue à concentrer les effets du divorce lors de son prononcé, notamment en ce qui concerne le sort des libéralités et avantages matrimoniaux. La séparation dans le temps du prononcé du divorce du traitement de ses conséquences pourrait conduire à l’application de la loi nouvelle 93 Ces exceptions à l’exception de la survie de la loi ancienne sont prévues à l’article 33-II b) in fine. Pour une étude d’ensemble des dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004, V. F. SAUVAGE, « L’application dans le temps de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce », JCP éd. N 2004, n° 1505, p. 1588 ; Lacoste (G.) et LARRIBAU-TERNEYRE (V.), « Les dispositions transitoires de la loi du 26 mai 2004 sur le divorce », Dr. Fam. Janvier 2005, p. 8 ; A. BÉNABENT, La réforme du divorce article par article, Defrénois, 2004, p.13 et s. ; « Dispositions transitoires » in Les nouveaux divorces : AJ famille 2004, p. 232 94 Circ. n° 0420849 C, du 23 nov. 2004 spéc. n°115. 95 Article 33-IV de la loi du 26 mai 2004. 24 lorsque son entrée en vigueur s’est produite entre les deux opérations. L’action en divorce est soumise à la loi ancienne conformément aux dispositions transitoires, tandis que ses conséquences relèvent immédiatement de la loi nouvelle (B). A – La dissociation du prononcé du divorce du règlement de ses conséquences. Un auteur a démontré que normalement, les règles réglementant les causes, la procédure et les effets du divorce s’appliquent à toutes les instances en cours, et à tous les jugements postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. En effet, le jugement de divorce est constitutif de droit donc la loi qui régit les règles de cette constitution doit s’appliquer immédiatement à toutes les procédures en cours96. Mais le législateur de 2004, comme celui de 1975, malgré sa volonté d’appliquer rapidement la loi nouvelle, a préféré prévoir la survie de la loi ancienne quand la procédure était déjà bien avancée afin d’éviter d’allonger sa durée et d’aggraver les différends entre les époux. L’article 33-II pose pourtant le principe que la loi nouvelle « s’appliquera aux procédures en divorce introduites avant son entrée en vigueur sous les exceptions qui suivent ». Ces exceptions ne devraient donc concerner que la procédure et non les conséquences du divorce. Il a prévu dans ces hypothèses que « l’action en divorce est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ». Il est possible d’interpréter cette exception de la manière suivante : le juge doit décider de prononcer le divorce en fonction des anciens cas et en suivant l’ancienne procédure. Puis, conformément à l’ancien article 264-1 issu de la loi du 23 décembre 1985, en prononçant le divorce, il ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux. Or, c’est à l’occasion de ces opérations que se met en œuvre le maintien ou la révocation des avantages matrimoniaux. Si cet ordre intervient après le 1er janvier 2005, le règlement de ces intérêts patrimoniaux se fera selon les nouvelles règles de l’article 265 du code civil. Cette interprétation stricte de l’exception de la survie de la loi ancienne permet une application générale du nouvel article 26597. 96 F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, op. cit. p. 133. Pour une interprétation contraire, V. A. BÉNABENT « Dispositions transitoires » in Les nouveaux divorces : AJ famille 2004, p. 232. 97 25 B – L’application générale du nouvel article 265 Dans l’hypothèse envisagée, l’ancien système de prise en compte des torts dans la détermination du sort des donations et avantages matrimoniaux n’est donc plus applicable et se trouve remplacé par le nouvel article 265 du code civil, dès le 1er janvier 2005. Par conséquent, dans les divorces sur requête conjointe dont la convention temporaire a été homologuée avant le 1er janvier 2005, la convention définitive qui interviendra après cette date pourra tenir compte des nouvelles règles. Pour ces divorces le changement n’est pas important, car nous verrons que le nouveau système laisse aussi une place importante pour le règlement conventionnel de ces questions. Dans les autres cas, lorsque l’assignation a été délivrée avant le 1er janvier 2005, et le jugement prononcé après cette date, la répartition des torts n’aura plus d’incidence sur le sort des donations et avantages matrimoniaux. Les liquidations de régimes matrimoniaux qui interviennent après un jugement postérieur au 1er janvier 2005, quelle que soit la loi qui a régi la procédure, se feront en considération du nouvel article 265, en maintenant les avantages qui ont pris effet au cours du mariage et en révoquant ceux qui prennent effet à la dissolution du régime ou au décès de l’un des époux. Cette interprétation serait conforme à la volonté du législateur d’appliquer rapidement les nouvelles dispositions98. Nous pensons donc qu’il est possible d’appliquer dès le 1er janvier 2005 la nouvelle irrévocabilité des donations de biens présents et la nouvelle validité des donations déguisées pour celles conclues avant cette date. Ce nouveau régime des libéralités est à combiner avec le nouvel article 265 qui organise leur sort en cas de divorce, ainsi que celui des avantages matrimoniaux. Nous pensons que ce dernier pourra également s’appliquer de façon générale dès le 1er janvier 2005. Nous pouvons maintenant commencer l’étude des nouvelles conséquences légales du divorce sur les donations et avantages matrimoniaux. 98 A priori, rien n’empêche d’étendre cette interprétation aux articles 265-1 et 265-2 du code civil. 26 TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES DU DIVORCE SUR LES LIBERALITES ET AVANTAGES MATRIMONIAUX. Bien que les avantages matrimoniaux ne sont point regardés comme des donations99, ce qui entraîne des conséquences civiles et fiscales différentes, le sort de ces deux types de dispositions, en cas de divorce, dépend d’un même régime. La réforme de 2004 n’a pas remis en cause ce principe. Il est fixé dans le même texte : le nouvel article 265 du code civil. Dans la logique de séparation des causes du divorce de ses conséquences, le législateur a complètement réorganisé les conséquences du divorce sur les donations et les avantages matrimoniaux. Tandis qu’auparavant, leur sort variait en fonction du type de divorce et de la répartition des torts, aujourd’hui les mêmes règles s’appliquent, quel que soit le type de divorce. Il est donc inutile de choisir telle ou telle procédure pour essayer d’orienter le résultat. Le maintien ou la révocation de ces dispositions dépend d’un nouveau critère qui est plus objectif, et qui ne prend pas en compte les motifs du divorce. Il s’agit d’un critère chronologique : la prise d’effet de la disposition en cause. Si elle a déjà pris effet au cours du mariage, elle sera maintenue, dans le cas contraire, elle sera révoquée de plein droit. L’idée est la suivante : il est des dispositions qui confèrent au conjoint avantagé ou gratifié un droit acquis sur un ou plusieurs biens. Le divorce ne remet pas en cause ses droits. Il s’agit des dispositions qui prennent effet au cours du mariage. La neutralité100 du divorce à leur égard sera étudiée dans le premier chapitre. D’autres dispositions ne confèrent à ce même conjoint que de simples expectatives. Il s’agit souvent d’actes de prévoyance qui ne prendront effet qu’après la dissolution du mariage. Le divorce entraîne, on le verra dans le second chapitre, leur révocation de plein droit. 99 Article 1527 du code civil. Terme utilisé par F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce atteindra-t-elle ses objectifs ? », 2è partie : Dr. famille juill.-août 2004, Étude n° 16, p. 6 ; J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357. 100 27 Dans ces deux chapitres, l’analyse sera limitée aux donations et avantages qui ont été consentis par les époux sans avoir envisagé, dans l’acte, l’hypothèse d’un éventuel divorce postérieur. 28 CHAPITRE 1 – La neutralité du divorce sur les dispositions ayant pris effet durant le mariage. L’étude concerne ici le premier alinéa de l’article 265 du code civil qui prévoit que « le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage et sur les donations de biens présents quelle que soit leur forme ». A la lecture de cet alinéa, deux finalités transparaissent : la simplicité et la sécurité. Pour les deux types de dispositions visés, l’idée est la même : le conjoint avantagé ou gratifié a pu en tirer un profit concret durant le mariage. En considérations de ces dispositions, il a pu s’engager vis à vis des tiers ou accomplir des actes de gestion ou de disposition. Le divorce ne vient pas perturber la sécurité juridique de ce conjoint car le divorce n’entraîne pas la nullité du régime matrimonial ou du mariage. Ces avantages ou donations ne doivent donc pas être remis en cause rétroactivement. Quel que soit le type de divorce, le législateur a décidé qu’ils ne seront pas révoqués. Ce système objectif, simple, constitue un changement important par rapport à l’ancien. On remarque, au passage, que le texte n’impose pas le maintien ou la conservation de ces dispositions. C’est néanmoins à ce résultat qu’il abouti lorsque les époux ne parviennent pas à régler le problème à l’amiable. Analysons d’abord les avantages matrimoniaux, puis les donations concernés. Section 1 – Les avantages matrimoniaux non révoqués par le divorce. Le divorce est sans incidence sur les avantages matrimoniaux qui prennent effet au cours du mariage. Il s’agit des avantages « qui s’appliquent dès l’entrée en mariage101 », ceux qui ont participé durant le mariage à la qualification des biens qu’ils visent en biens propres ou communs, et à la répartition des pouvoirs de gestion sur ces biens. Les tiers ont pu s’y fier pour déterminer le patrimoine actuel d’un époux. Le divorce ne revient alors pas sur eux. 101 J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire », Dr. & Pat. n°134, février 2005 p. 35 29 Malgré l’absence de définition de l’avantage qui prend effet au cours du mariage102, on devine que l’article 265 alinéa 1er vise les avantages résultant de la composition du régime matrimonial et écarte ceux qui proviennent de la liquidation ou du partage du régime. Sont ainsi concernés les avantages résultant du choix du régime matrimonial (§1) ou d’une clause du contrat de mariage modifiant la qualification de certains biens particuliers (§2). §1 – Les avantages résultant du choix du régime matrimonial Le code civil paraît supposer, dans son article 1527, que l’avantage matrimonial n’existe que dans le cadre d’une communauté conventionnelle. Deux types de communautés conventionnelles sont génératrices d’avantages matrimoniaux au profit d’un conjoint durant le mariage. Elles ne seront par conséquent pas révoquées au moment du divorce. Il s’agit de la communauté de meubles et d’acquêts (A) et de la communauté universelle (B). En effet, elles confèrent à l’époux bénéficiaire, au cours du mariage, des droits sur certains biens, qu’il n’aurait pas eu en régime de communauté légale. A – La communauté de meubles et d’acquêts Ce régime est proposé aux articles 1498 et suivant du code civil. La communauté est élargie, par rapport au régime légal, de tous les meubles présents, au moment du contrat de mariage, ou acquis par succession ou par libéralité pendant le mariage, sauf ceux qui ont une nature propre en raison de leur caractère personnel ou dont le disposant aurait écarté l’entrée en communauté. Par exemple, si un époux reçoit des valeurs mobilières provenant d’une succession, elles tomberont en communauté. Elles seront soumises à la gestion concurrente des deux époux pendant le mariage. Au moment du divorce, cet héritage restera dans la communauté à 102 V. A. TISSERAND, « Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial », Mélanges J. BEGUIN : Litec 2005, p. 753 qui dénonce la rédaction maladroite du nouvel article 265 : « Le critère ainsi retenu par le législateur repose sur une conception très particulière de l’avantage matrimonial, qui suscite une certaine perplexité. (…) un avantage matrimonial ne peut se concrétiser véritablement qu’au moment du partage. (…) Dès lors, on peine à imaginer quels seront les avantages maintenus à l’occasion du divorce sous prétexte qu’ils auront pris effet au cours du mariage. Dans ces conditions, la révocation de plein droit deviendra la règle (…) Pour éviter de vider de tout contenu la catégorie des avantages maintenus à la suite du divorce, on pourrait être tenté de considérer qu’un avantage matrimonial prend effet dès qu’il devient irrévocable, soit au jour de la convention matrimoniale des époux, ou bien encore au jour de leur convention modificative. Mais cette date est pareillement identique pour tous les avantages matrimoniaux, de telle sorte que c’est alors la catégorie des avantages qui ne prennent effet qu’à la dissolution que l’on ne parvient plus à définir. En réalité, le problème est inextricable car le critère distinctif adopté par le législateur n’en est pas un. » 30 partager et l’autre conjoint en bénéficiera, même si le divorce est prononcé à ses torts exclusifs. Dans le système antérieur, ces valeurs auraient toujours été soumises à la gestion concurrente, pendant le mariage, mais si le divorce était prononcé aux torts exclusifs de l’autre conjoint, il en aurait été déchu. Elles auraient été reprises par l’époux innocent (en l’espèce, l’héritier) et donc exclues de la masse commune à partager. Si le divorce était prononcé aux torts exclusifs du conjoint héritier, l’époux innocent aurait conservé l’avantage. Elles auraient alors été maintenues dans la masse commune à partager, comme dans le système actuel. En cas de divorce sur requête conjointe, elles auraient pu être maintenues volontairement par l’époux héritier, par exemple à titre compensatoire. Le nouveau système apporte une solution unique, quel que soit le type de divorce, ce qui présente l’avantage de la simplicité. Avantage que l’on apprécie aussi pour ce qui concerne le régime de la communauté universelle. B – La communauté universelle Nous étudierons d’abord l’application de l’article 265 alinéa 1er à ce régime pour en faire une appréciation critique ensuite. 1 – L’application de l’article 265 alinéa 1 e r à la communauté universelle Elle est proposée à l’article 1526 du code civil. C’est le régime communautaire le plus large. Tous les biens présents et à venir des époux, sans tenir compte de leur nature ou de leur origine, accroissent la masse commune. Corrélativement, l’ensemble des dettes, présentes et futures des époux, est supporté par la communauté, tant sur le plan de l’obligation que de la contribution. Elle confère un avantage matrimonial, en cas d’apport inégal, à l’époux qui a apporté le moins. Chaque époux peut, pendant le mariage, administrer ou disposer, conjointement ou concurremment, les biens qui en régime légal seraient propres à l’autre. Pendant le mariage, le droit de gage des créanciers d’un époux s’étend à l’ensemble de la communauté. On voit donc que cet avantage prend effet au cours du mariage. En cas de divorce, il sera alors maintenu. La communauté sera partagée par moitié, au détriment de l’époux qui était au départ le plus fortuné, même si c’est l’autre qui a par exemple demandé le divorce pour altération définitive du lien conjugal. 31 2 – Appréciation critique. Cette solution risque de ne pas correspondre à la volonté des époux. Comme l’affirme le Doyen Cornu, la communauté universelle est « un régime matrimonial à cause de mort »103. Monsieur Grimaldi explique aussi qu’elle est devenue « un instrument usuel de la transmission successorale»104. Elle n’est pas adoptée dans l’optique d’un probable divorce. Dans l’esprit des époux, les avantages matrimoniaux qu’elle confère sont liés au statut conjugal. Si celui-ci prend fin par un divorce, ils n’ont plus de raison d’être105. Pour obtenir ce résultat il leur appartiendra d’insérer, dans le contrat de mariage, une clause permettant la reprise des apports par chaque époux en cas de divorce. Mais elle a le mérite d’être moins inégalitaire que le système antérieur. La Cour de cassation avait admis que l' (ancien) article 267, alinéa 1er, du Code civil, étant rédigé en termes généraux s'appliquait à tous les avantages que l'un des époux peut tirer des clauses d'une communauté conventionnelle, et notamment de l'adoption, tant au moment du mariage que postérieurement du régime de la communauté universelle106. Ainsi, l’époux innocent reprenait, ses apports alors que l’époux coupable les laissait dans la masse commune qui est à partager suivant les règles du régime légal107. Un problème est apparu lorsqu’un bien qui tombe en communauté était grevé d’un passif. Dans une affaire récente, l’épouse avait apporté une maison d’habitation, à charge pour la communauté d’acquitter le solde des emprunts y afférents. Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du mari. La Cour de cassation a laissé l’épouse reprendre sa maison sans devoir de récompense à la communauté résultant des remboursements d’emprunt effectués par elle108. Elle a ainsi effectué une dissociation entre l’actif et le passif. Le mari fautif a perdu l’avantage que représentait pour lui l’apport de l’immeuble effectué par son épouse, mais la femme innocente a conservé celui résultant du 103 G. CORNU, Les Régimes matrimoniaux, P.U.F., p. 669. M. GRIMALDI, « L’avantage matrimonial : remarques d’ordre pratique sur la communauté universelle », JCP (éd. N) 1999, I, p. 1083. 105 En ce sens, V. N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th. Limoge 2000, Presses universitaires de Limoges, préface B. VAREILLE, p.445. 106 Cass. 1re civ., 19 oct. 1983 : Juris-Data n° 002150,D. 1984, p. 229, note J. MASSIP ; Cass. 1re civ., 26 janv. 1988 : Juris-Data n° 000369 Bull. civ. I, n° 24. 107 Cass. 1re civ.,28 oct. 2003: AJ famille févr. 2004, p.65, obs. S. DAVID ; RJPF, févr. 2004, p.20 108 Cass. 1re civ., 12 juin 2001, Juris-Data n° 2001-010071 ; Bull. civ. I, n°168 ; D. 2002, 1713, note SÉNÉCHAL ; Defrénois 2001, p.1516, obs. G. CHAMPENOIS, RJPF 2001-10/20, note F.VAUVILLÉ ; RTD civ. 2001, 863, obs. J. HAUSER ; ibid. 2002, 134, obs. B. VAREILLE. : « il résulte des dispositions de l’article 267 du Code civil que le conjoint aux torts duquel le divorce a été prononcé ne peut invoquer à son profit la révocation des avantages matrimoniaux et que l’autre conjoint conserve ceux qui lui avaient été consentis et qui peuvent résulter notamment de l’adoption, au moment du mariage, du régime de la communauté universelle ; qu’il ressort des constatations des juges du fond que le remboursement par la communauté des emprunts ayant servi à l’acquisition et à la conservation de l’immeuble apporté, ainsi que l’admission au passif de la communauté des dettes présentes et futures des époux constituaient pour la femme des avantages nés du régime adopté ; qu’il en résulte qu’en l’absence de preuve par le mari d’actes frauduleux (l’épouse) pouvait conserver ses avantages et que (le mari) ne pouvait en réclamer la révocation ». 104 32 remboursement des emprunts par la communauté. Par cette dissymétrie résultant du maintien pour l’un et de la révocation pour l’autre des avantages matrimoniaux, l’époux fautif était doublement sanctionné. Le nouvel article 265 rétablit la symétrie : l’avantage est maintenu pour les deux époux. L’irréversibilité de cet avantage apporte une sécurité au conjoint avantagé qui se répercute sur les tiers. On retrouve cet effet dans le maintien des avantages résultant d’une clause du contrat de mariage. §2 – Les avantages résultant d’une clause du contrat de mariage. Ils procèdent traditionnellement d’un aménagement du régime de communauté. Les aménagements visés ici sont ceux qui modifient la composition de la masse commune. Ils peuvent soit l’augmenter (A), soit la réduire (B). Précisons qu’une clause qui attribue un bien propre sans indemnité au patrimoine propre de l’autre n’est pas un avantage matrimonial mais une libéralité qui sera donc maintenue si le bien est présent. A – Les clauses d’apport en communauté L’apport peut être fait à titre gratuit ou moyennant une contrepartie lors de la liquidation ou le partage. Des problèmes peuvent alors apparaître pour déterminer l’étendue de l’avantage maintenu. 1 – L’apport à titre gratuit La clause d’apport en communauté a pour objet de faire entrer dans la communauté un bien qui, suivant le régime légal, serait demeuré propre. Elle peut être introduite dans le contrat de mariage initial ou à l’occasion d’un changement de régime matrimonial. La Cour de cassation a admis en effet que la modification d’un régime matrimonial pouvait se limiter au changement de statut d’un seul bien, sans pour autant qu’un changement complet de régime ne soit nécessaire109. 109 Cass. 1re civ., 21 janvier 1992, Defrénois 35303, obs. G. CHAMPENOIS. 33 L’apport peut concerner un bien présent ou un bien futur. Le mari, par exemple, peut apporter à la communauté un terrain propre pour y faire construire pendant le mariage une maison. Il aura alors perdu la gestion exclusive de ce terrain et l’épouse aura un droit de gage vis à vis de ses créanciers qui comprendra ce terrain lorsqu’elle engagera la communauté. Cet avantage prend bien effet au cours du mariage. Il sera maintenu lors du divorce. Il est généralement stipulé à titre gratuit. La communauté restera liquidée selon les règles légales. Dans ce cas, l’ensemble de l’avantage prend effet au cours du mariage. Son maintien ne pose pas de problème particulier. La situation est différente lorsque l’apport est stipulé moyennant contrepartie dans la liquidation ou le partage. 2 – L’apport stipulé moyennant contrepartie dans la liquidation ou le partage. L’apport peut en effet être stipulé à charge de récompense. Lors de la liquidation, la communauté sera redevable d’une récompense égale à la valeur du bien. L’avantage matrimonial ne résulte alors plus d’un profit chiffrable. Mais il existera encore un avantage. Dans l’exemple précédent, il résultera pour l’épouse d’un pouvoir de gestion sur le bien pendant le mariage et d’une chance de se voir attribuer le terrain et la maison en nature au jour du partage. Sans la clause d’apport, le terrain et la maison auraient été repris dans les propres du mari. Un problème apparaît alors. L’apport prend effet pendant le mariage alors que la stipulation de récompense n’apparaît qu’au moment de la liquidation. En cas de divorce, doit-on dissocier l’avantage et ne maintenir que l’apport sans les récompenses ? Cela ne semble pas conforme à la volonté des époux car on transformerait cet apport en un apport à titre gratuit. Or l’apporteur avait justement prévu une contrepartie. Il serait logique de garder l’unité de l’avantage et de le maintenir dans son ensemble, apport et récompense. Ainsi, le terrain sera maintenu dans la masse commune à partager mais la communauté devra la récompense prévue dans la clause, au mari. La stipulation de récompense peut être considérée comme l’accessoire de la clause d’apport en communauté. Ce raisonnement est transposable lorsque des apports en communauté ont pour contrepartie une stipulation de parts inégales dans la liquidation. Le maintien de la stipulation de récompense ou de parts inégales, étant l’accessoire du maintien de l’apport, ne serait alors possible que dans la limite maximale de la valeur de l’apport. Audelà il s’agira d’un avantage matrimonial, pour le bénéficiaire des récompenses ou des parts inégales, qui prendra effet au jour de la liquidation ou du partage et donc révoqué en cas de divorce. 34 B – Les clauses restrictives de la masse commune Elles ont pour objet d’exclure certains biens d’une communauté, quel que soit le type de régime choisi : communauté d’acquêts, communauté de meubles et acquêts, communauté universelle. Elle peut porter sur un bien présent, par exemple sur l’exclusion d’un fonds de commerce acquis avant le mariage d’une communauté de meubles et d’acquêts, ou sur un bien futur comme l’exclusion d’un office ministériel dont l’époux diplômé pourrait devenir acquéreur durant le mariage. Elle équivaut à une stipulation de propre pour celui qui a acquis le bien en question avant ou durant le mariage. Elle est maintenue en cas de divorce, donc le bien, souvent relatif à la profession de l’époux, lui restera propre. Le divorce n’aura ainsi aucune incidence sur l’exercice de la profession de cet époux. Mais cette clause est souvent assortie d’une dispense de récompense. On retrouve alors le même problème que précédemment, à propos des apports en communauté à charge de récompense. La dispense de récompense devrait tomber en cas de divorce sauf si on la considère comme l’accessoire de la clause d’exclusion maintenue. Cette dernière solution semble possible110. Si une disparité apparaissait suite à ce double maintien, elle pourrait être compensée autrement, notamment par une prestation compensatoire. Il ressort de cette analyse que le nouveau système simplifie le règlement de ces avantages matrimoniaux. Il n’est plus besoin d’attendre le prononcé du divorce pour connaître la répartition des torts et pouvoir en déduire leur sort. Il est désormais connu dès la requête introductive d’instance et même dès la conclusion du contrat de mariage. Cela permet alors d’intégrer sans problème la liquidation du régime matrimonial à la procédure de divorce et de concentrer ainsi le règlement des effets patrimoniaux au moment du prononcé111. On retrouve cette idée de prévisibilité en ce qui concerne le sort des donations de biens présents. Section 2 – Le maintien des donations de biens présents Le nouvel article 265 alinéa premier pose un principe clair de non-incidence du divorce sur les donations de biens présents et ce quel que soit le type de divorce. Ces donations ont pris effet 110 Ce problème sera analysé dans la première section du chapitre suivant. Sauf peut être la remise en cause de l’avantage ainsi maintenu par une action en retranchement intentée après le divorce. 111 35 durant le mariage car elles transfèrent immédiatement au donataire la propriété du bien donné. Elles sont liées au passé du couple que le divorce ne peut remettre en cause112 (§1). En combinant ce principe avec celui de l’irrévocabilité du nouvel article 1096, le législateur a posé un système simple et cohérent qui devrait mettre un terme aux controverses concernant le caractère de ces donations maintenues après le divorce (§2). §1 –Le principe de non-incidence du divorce sur les donations de biens présents. Ce nouveau principe constitue un changement important par rapport au droit antérieur. Désormais, comme le concubin qui ne peut pas reprendre à l’occasion de la séparation ce qu’il a donné, l’époux ne peut plus remettre en cause une donation lors de la rupture du mariage. Mais de nouveaux problèmes de qualification de certaines libéralités risquent d’apparaître. Il convient donc d’analyser, dans un premier temps, les donations qui sont concernées (A). Par ailleurs, la prise en compte d’une cause légale de révocation au moment du divorce peut venir perturber le principe du maintien de ces donations (B). A –Analyse des donations concernées Il s’agit de toutes les donations de biens présents, quelle que soit leur forme. Etudions d’abord celles pour lesquelles la solution est certaine, puis nous verrons celles qui sont susceptibles de poser quelques problèmes de qualification. 1. Les donations maintenues sans controverses L’article 265 alinéa 1, en ce qui concerne le sort des donations de biens présents, a une portée générale. Il ne distingue pas les donations consenties avant le mariage de celles consenties pendant. En ce sens, V. Ch. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » LPA, 21 juillet 2004 n° 145, p. 10 : « En consacrant la rupture sentimentale et patrimoniale des époux, le divorce brise certes la perspective d'un avenir commun mais n'efface pas le passé. Or la donation de biens présents entre époux est essentiellement liée à la vie vécue du couple. L'intention libérale du donateur a existé et il n'est pas certain qu'elle soit implicitement subordonnée à la durée du mariage. Ces libéralités ont en outre pu participer à un équilibre matrimonial voulu par les époux, dans leur contrat de mariage ou en dehors, et qui a vécu pendant le mariage ». 112 36 Ainsi, les donations propter nuptias de biens présents, c’est à dire les donations que les futurs époux se sont consenties en vue du mariage, sont maintenues, quel que soit le type de divorce. Pour ces donations, il n’y a pas non plus de distinctions entre celles intégrées dans le contrat de mariage113 et celles qui sont restées en dehors. Pour les donations consenties en cours de mariage, le texte s’applique quelle que soit la forme de ces donations. Il s’agit donc des donations solennelles, des dons manuels de somme d’argent, par exemple pour acheter un bien au non de l’autre conjoint, des donations indirectes résultant, par exemple, du paiement de la dette du conjoint dans une intention libérale ou des donations déguisées, aujourd’hui valables. Enfin, s’agissant des présents d’usages, très fréquents entre époux, qui sont souvent exclus du régime des donations114 en faveur de leur maintien au profit du donataire, entrent ici dans le cadre de l’article 265 puisque ce texte assure leur maintien115. Ce nouveau système pose des règles claires qui permettent d’éviter tout débat, négociation ou chantage sur le maintien ou la révocation d’une donation. Combiné avec les nouveaux articles 1096 et 1099 du code civil, il devrait mettre un terme à la jurisprudence relative aux donations rémunératoires116 117 . De plus, il permet de sécuriser les droits que les tiers se sont vus consentir par l’époux donataire sur ces biens118. Néanmoins quelques doutes sont permis à propos de la qualification de certaines libéralités. 2 - Le problème de qualification de certaines libéralités Deux types de libéralités particulières posent un problème de qualification dont l’enjeu a pris une dimension supplémentaire avec le nouveau critère de distinction entre les dispositions maintenues et les dispositions révoquées en cas de divorce. Il s’agit de l’usufruit successif au profit du conjoint et de la souscription d’une assurance vie par un époux au bénéfice de 113 Ce type de disposition est devenu rare en pratique, les époux préfèrent plutôt y inclure des avantages matrimoniaux qui sont civilement et fiscalement plus avantageux que les donations. 114 L’article 852 du code civil les dispense du rapport ; la jurisprudence les excluait de la révocation en cas de divorce : Req. 18 juillet 1933, R.T.D.civ. 1933, 1254, obs. R. SAVATIER ; Cass. 1ère civ., 19 décembre 1979, D. 1981. 449, note C-L FOULON-PLAGNOL. 115 Sauf pour la bague de fiançailles, lorsqu’il est prouvée qu’elle constitue un bijou de famille. Dans ce cas, la femme doit la restituer au mari : Cass. 1ère civ., 20 juin 1961, D. 1961, 641, note R. SAVATIER ; JCP(éd. G.) 1961, II, 12352, obs. A. PONSARD. 116 V. cependant J.-L. PUYGAUTHIER, « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », JCP éd. N 2004, no 45, 1538 (1re partie) et no 46, 1548 (2e partie) spéc. p. 1732, pour qui le problème ne sera que déplacé, l’époux qui a apporté les deniers pour financer l’acquisition pourra tenter d’invoquer à l’encontre de son conjoint l’existence d’une créance entre époux. 117 En étant qualifiées judiciairement de donations rémunératoires, ces dispositions n’étaient pas soumises aux droits de mutation. Reste à savoir si le caractère rémunératoire pourra être attribué volontairement par le disposant sans être soupçonner de fraude. 118 V. J.-L. PUYGAUTHIER, préc. spec. p. 1678. 37 l’autre. Sont-elles des donations de biens présents, maintenues, ou des donations de biens à venir, révoquées ? L’usufruit successif se rencontre assez souvent entre époux. Techniquement, le constituant aliène la nue propriété d’un bien et se réserve par rétention l’usufruit viager ou temporaire du bien donné. Concomitamment, il constitue un second usufruit au profit de son conjoint, dont l’exercice est différé au décès de l’usufruitier en premier119. Concrètement, à l’occasion d’une donation à leurs enfants, les parents se réservent l’usufruit du bien donné et stipulent une réversion de l’usufruit au profit du conjoint survivant. La nature juridique de l’usufruit successif fait l’objet d’une controverse. D’un côté, certains auteurs y voient une donation de biens à venir120, considérant que la naissance du second usufruit est soumise à la condition suspensive de la survie de son bénéficiaire à l’usufruitier actuel. La première Chambre civile de la Cour de cassation a , dans un premier temps, retenu cette analyse121. Elle a été reprise par la Chambre commerciale122. Elle conduirait à interdire cette libéralité pour les couples non mariés. Mais dans ce cas, elle serait révocable et révoquée en cas de divorce. D’un autre côté, certains y voient une donation de biens présents à terme123. La première Chambre civile de la Cour de cassation a tranché en ce sens, opérant ainsi un revirement de jurisprudence124. Elle considère en effet que le droit d’usufruit du bénéficiaire lui est acquis dès le jour de l’acte et que seul l’exercice de ce droit s’en trouve différé au décès du donateur. Cette jurisprudence semble avoir été confirmée depuis125. Dans ces conditions, cette libéralité doit être considérée comme irrévocable et maintenue en cas de divorce. Ce qui peut poser un problème en cas de vente ultérieure du bien donné. Il faudra faire intervenir le bénéficiaire de la réversion sans que son auteur puisse la révoquer pour passer outre son refus126. 119 M. IWANESKO, « Le danger des donations de biens présents entre époux », B.PAT. 2004 n°5 p.3 et s. V. F.ZENATI, « Propriété et droits réels », RTD civ. Oct.-déc. 1998. 121 Cass. 1ère civ. 20 avril 1983 : Juris-Data n° 1983-700954 ; Bull. civ. 1983, I, n°124 ;JCP (éd. N.) 1984, II p. 116 note Ph. RÉMY, RTD civ. 1984 p. 349 obs. J. PATARIN, Defrénois 1985 art. 33609 note M. GRIMALDI. 122 Cass. com. 2 décembre 1997 : Bull. civ. IV n°318, RJF 3/1998 n°335, Defrénois 1998 art. 36782 p. 477 obs. CHAPERT, D. 1998 p.963 note TIXIER. 123 M GRIMALDI, Defrénois 1985 art. 33609 note précitée ; « Les donations à terme », Le droit privé français à la fin du XXè siècle, Etudes offertes à Pierre CATALA, Litec 2001 p. 341. 124 Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997 : Juris-data n°1997-004159 ; Bull. civ. I n° 291, JCP (éd. G) 1999, I, 132, obs. R. Le GUIDEC ; JCP (éd. N) 1998 p. 397 note I. HAREL-DUTIROU ; RTD civ. 1998 p. 721, obs. J. PATARIN ; RTD civ. 1998, p. 937, obs. F. ZÉNATI. 125 Cass. 3ème civ., 6 novembre 2002 : Juris-Data n°2002-016238 ; Bull. civ. 2002, III, n°220 ; JCP (éd. N) 2003, n°29, 1448, obs. M. DAGOT ; AJF 2003, p32, obs. S.D.B. ; Defrénois 2003, art 37752, obs. S. PIEDELIÈVRE. 120 126 M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit & Patrimoine mars 2005, n°135 p. 32 38 La désignation du conjoint en tant que bénéficiaire d’une assurance vie est-elle maintenue en cas de divorce ? La majorité de la doctrine qualifie le contrat d’assurance vie, lorsqu’il est dépourvu de contrepartie, de libéralité127 128 . Mais c’est une libéralité particulière car elle est soustraite, par la loi, aux principales règles de fond du droit des libéralités129 130. Il s’agit d’une donation indirecte de biens présents, le souscripteur se dépouillant immédiatement131. La jurisprudence retient également cette qualification132. Le droit des assurances est alors à concilier avec le droit des libéralités entre époux. Ainsi, l’assurance vie entre dans le cadre du nouvel article 265 en cas de divorce133. Deux hypothèses sont, cependant, à exclure du champ d’application de ce dernier texte. D’une part, lorsque le conjoint bénéficiaire de l’assurance n’a pas encore accepté au moment du divorce, les règles de la stipulation pour autrui, reprises par le code des assurances, devraient pouvoir s’appliquer sans problème134. L’article L. 132-9 prévoit en effet que la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l’acceptation expresse ou tacite du bénéficiaire. Mais tant 127 M. PICARD et A. BESSON, Les assurances terrestres, L.G.D.J., t. I, n°524 et s. : « en dehors des solutions légales expresses, l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance sur la vie constitue, dans les rapport entre le stipulant et le bénéficiaire, une libéralité soumise comme telle au droit commun » 128 N. JACOB, Les assurances terrestre, 2è éd., 1974, n°385 ; Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, n°690 ; J. FLOUR et J.-L. AUBERT, Les obligations, vol. 1, L’acte juridique, n°480 ; F. LUCET, Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, thèse, Paris-II, 1987, n°156 et s. ; Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les successions. Les libéralités., n°417 ; F. TERRÉ et Ph. SIMLER, Régimes matrimoniaux, n°323 ; H. Le Roy, L' assurance et le droit pécuniaire de la famille, L.G.D.J., 1985, pp. 51 et s., nos 48 et s. 129 à savoir la réduction et le rapport : article L. 132-12 et L. 132-13 du code des assurances. 130 Même s’il s’agit d’un contrat de capitalisation: Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004 (4 arrêts) , Juris-Data n°2004- 025781, Juris-Data n°2004-025782, Juris-Data n°2004-025783 Juris-Data n°2004-025784; J. GHESTIN, « La Cour de cassation s’est prononcée contre la requalification des contrats d’assurance vie en contrat de capitalisation », JCP G 2005, I, 111 ; Ph. GROSJEAN, « Les nouvelles frontières de l'assurance vie » , JCP N 2005, n° 1-2, 1003 ; Ph. DELMAS SAINT-HILAIRE, « Assurance vie et chambre mixte : alea jacta est », RJPF,2005 n°2 ; A. BÉNABENT, « Contrats de capitalisation : la vision de la Cour de cassation », Revue des Contrats, 01 avril 2005 n° 2, p. 297 ; Revue Générale du Droit des Assurances, 01 janvier 2005 n° 2005-1, p. 110 note L. MAYAUX ; Defrénois, 15 avril 2005 n° 7, p. 607, note J.-L.AUBERT ; F. BERTOUT, « Les arrêts de la Cour de cassation de novembre 2004 sur la qualification des contrats d'assurance », RD bancaire et fin. janv.-févr. 2005, p. 36. 131 V. A. DEPONDT, « Pot-pourri sur l’actualité civile et fiscale des donations », in dossier « Transmission de patrimoine », Dr. & Pat. n°129, sept. 2004, p. 63 qui distingue selon que le bénéficiaire a accepté ou non : si le bénéficiaire a accepté, la stipulation pour autrui devient irrévocable, et on est en présence d’une libéralité entre vifs ; en revanche, tant qu’il n’y a pas eu acceptation, il s’agit d’une libéralité à cause de mort. 132 V. par exemple, Cass. 1ère civ., 10 décembre 1969, Bull. civ. I, n° 386 : Nîmes, 20 décembre 1978, R.G.A.T. 1979, 355 : « L’assurance sur la vie contractée par l’épouse au profit de son conjoint a le caractère de libéralité, même si les primes ont été payées avec des fonds communs, car le capital attribué l’est en vertu d’un droit personnel au bénéficiaire ». 133 ou l’article 265-1 dont le régime est identique. 134 article 1121 du code civil in fine a contrario : celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré vouloir en profiter. 39 que l’acceptation n’a point eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation appartient au stipulant. Le conjoint souscripteur peut donc, dans cette hypothèse, révoquer l’attribution du bénéfice à son conjoint, au moment du divorce. On comprend ici l’avantage de la désignation du bénéficiaire par testament car pour être sûr que le bénéficiaire n’ait pas accepté par surprise, le meilleur moyen est de garder le secret135. D’autre part, lorsque le conjoint souscripteur a désigné pour bénéficiaire son conjoint en cette qualité, l’article L.132-8 du code des assurances devrait trouver à s’appliquer. Il prévoit que l’assurance faite au profit du conjoint profite à la personne qui a cette qualité au moment de l’exigibilité. Ainsi, le contrat non dénoué au jour du divorce sera maintenu mais ne profitera plus au conjoint divorcé. L’attribution bénéficiaire est donc révoquée à son égard par le divorce. Elle se reportera sur le nouveau conjoint du souscripteur s’il se trouve remarié au jour du dénouement du contrat. Dans ces deux situations, ou le divorce peut entraîner la révocation de l’attribution bénéficiaire au conjoint, par la volonté du souscripteur ou par application de l’article L. 132-8 du code des assurances, la prise en compte des sommes versées au moyen de deniers communs devrait avoir lieu au moment de la liquidation de la communauté136. Le maintien du bénéfice de l’assurance vie au profit du conjoint risque de se rencontrer dans la seule hypothèse où le souscripteur a nommément désigné son conjoint, lequel a accepté le bénéfice avant le divorce. Avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004, cette situation ne posait pas de problème grâce à l’ancienne révocabilité ad nutum. En effet, la doctrine137 et la jurisprudence138 admettaient que l’article 1096 (ancien) du code civil était applicable à 135 L’avantage de ce mode de désignation est qu’en cas de divorce, elle est révoquée de plein droit (cf. infra. Chapitre 2 section 2) mais l’inconvénient est que l’assureur peut rester dans l’ignorance du testament et de la désignation qu’il comporte quand il n’y a pas eu de divorce. 136 Si le contrat comporte une valeur de rachat, celle-ci est à porter à l’actif commun à partager, en application de la jurisprudence Praslika : Cass. 1re civ., 31 mars 1992, Bull. civ. I, n° 95 ; Defrénois 1992, art. 35349, p. 1159, obs. CHAMPENOIS ; R.G.A.T. 1993.136 et s., note AUBERT et KULLMANN ; J.C.P. 1993. éd. G.II.22059, note AUBRY ; et sur renvoi, Versailles (Aud. Solennelle), 21 juin 1993 : R.G.A.T. 1994.202 et s., note MAURY ; J.C.P.N. 1993, Prat. p. 679, obs. LUCET ; Rev. Not. Assurance-vie 1993, n° 97, p. 42. Si le contrat ne comporte pas de valeur de rachat, une récompense est due à la communauté à hauteur des primes payées au moyen de deniers communs, en application de la jurisprudence Daignan : Cass. 1re civ., 10 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 309; Defrénois 1997, art. 36640, p. 1480, n° 126, obs. G. CHAMPENOIS, JCP éd. N 1997, p. 1321, n° 15, obs. A. TISSERAND, D. 1998, jur., p. 26, obs. F. SAUVAGE. 137 V.M. PICARD et A. BESSON, Les assurances terrestres en droit français, p.764 et s. ; L. MAYAUX, « Les relations entre le droit des assurances et le droit de la famille : questions d'actualité », R.G.A.T. 1994.435 ; G.-L. BEAUQUIER, « Contrat d' assurance - vie entre époux. Changement de bénéficiaire. Dévolution de bénéfice de l' assurance - vie en cas de divorce », R.G.A.T. 1982.585 ; F. SAUVAGE, « L' assurance - vie et le patrimoine de la famille », R.G.D.A. 1997.40, n° 71 ; A. FAVRE ROCHEX et G. COURTIEU, Le droit du contrat d' assurance terrestre, L.G.D.J., 1998, p. 421, n° 3-79. Contra v. Y. LAMBERT-FAIVRE, Droit des assurances, Dalloz, p. 803, n° 963 ; 84è congrès des notaires de France, La Baule, 1988, p.77, n°88. 138 Par exemple, V Nîmes 20 décembre 1978, R.G.A.T. 1979.355 ; G.-L. BEAUQUIER, art. préc., p. 584 : qui a jugé que l'article 1096 du Code civil prévalait sur les dispositions de l'article L. 132-9 du Code des assurances et qu'« 40 l’assurance vie souscrite par un époux au profit de son conjoint, sans que l’acceptation par le bénéficiaire de la stipulation ne puisse y faire obstacle. Désormais, l’attribution bénéficiaire qui est acceptée ne pourra plus être révoquée. Et en cas de divorce, le bénéfice est maintenu à ce conjoint nommément désigné qui a accepté. Le souscripteur se retrouve alors « pieds et poings liés »139. L’admission d’un droit de rachat malgré l’acceptation du bénéficiaire paraît opportune dans cette hypothèse. La doctrine réclame, en ce sens, une intervention du législateur pour permettre ce type de rachat140 141. Mais dans ces conditions, la qualification de libéralité pourrait difficilement être encore soutenue, car le souscripteur ne se dépouillerait pas irrévocablement. La doctrine et la jurisprudence contestent d’ailleurs parfois cette qualification libérale, en y voyant plutôt un acte de prévoyance. Ce point sera étudié dans le chapitre suivant qui est consacré à la révocation des actes de prévoyance. Toutes ces donations de biens présents sont donc maintenues en cas de divorce, sans avoir à distinguer selon le type de divorce ou selon la répartition des torts. En cela, cette nouvelle solution est plus simple que la précédente. Mais l’époux donateur, qui souhaite récupérer les biens qu’il a donnés peut être tenté d’invoquer une des causes légales de révocation des libéralités, au moment du divorce. B – L’incidence des causes légales de révocation Ces causes légales peuvent bien sûr être invoquées durant le mariage. Mais c’est surtout à l’occasion du divorce et même après que le contentieux risque d’apparaître. en conséquence, et bien que le bénéfice de l' assurance faite par l'épouse au profit de son mari ait été accepté par celui-ci, l'épouse est en droit de révoquer cette désignation et d'y substituer une autre désignation » ; Cass. ass. plén., 12 décembre 1986, Pelletier, JCP (éd. G) 1987, II, 20760, concl. CABANNES, note BOYER; D. 1987, p. 269, note J . GHESTIN. : ou les juges ont admis qu’indépendamment du fait de savoir si la désignation opérée au profit de l’épouse avait été ou non acceptée, cette désignation devait être considérée comme tombant sous le coup de l’article 1096 du code civil. 139 M. IWANESKO art. préc. V. par exemple KULLMANN, « Pour le maintien du droit au rachat en dépit de l’acceptation du bénéficiaire », in Mélanges GAVALDA, Dalloz, 2001, p.199 ; 96e Congrès des notaires de France, Le patrimoine au XXIe siècle, 28 et 31 mai 2000, Paris, 2000 : proposant un second alinéa à l’article L. 132-9 du Code des assurances. L’acceptation par le bénéficiaire n’a pas pour effet de priver le souscripteur de sa faculté de rachat, sauf renonciation expresse de ce dernier portée à la connaissance de l’assureur. 141 Récemment, la Cour d’appel de Rennes a admis cette faculté, CA Rennes, 1er ch. B, 4 mars 2004, n° 02/05248, Dr & Pat. n°135, 03-2005 note M. LEROY. 140 41 1 - La prise en compte des causes légales de révocation au moment du divorce Selon l’article 1096 alinéa 2 du code civil, la donation de biens présents faite entre époux ne sera révocable que pour cause d’inexécution des charges, en application des articles 953 et 954 du Code civil et pour ingratitude du donataire, en application des articles 955 à 958. Cette règle est importante compte tenu de la nouvelle irrévocabilité de ces donations. La révocation pour cause d'ingratitude permet de couvrir pratiquement tous les cas dans lesquels le maintien de la donation serait choquant en raison du comportement du donataire142. Elle atténue ainsi la rigueur du principe de non-incidencee du divorce. Le donateur, au moment du divorce, pourra notamment invoquer des manquements aux devoirs conjugaux : violation des devoirs de fidélité143 ou de cohabitation144. Dans une conception large de la notion d’ingratitude, les manquements aux devoirs de secours et assistance pourraient aussi être invoqués145. Cette perspective risque d’encourager les divorces pour fautes que le législateur souhaite pourtant voir diminuer146. Cependant, comme il a été relevé, les juges ont tendance à minorer la gravité des fautes commises pendant l’instance et pour les délits antérieurs à la procédure de divorce, l’article 957 du code civil limite la demande en révocation pour cause d’ingratitude à un délai d’un an, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur147. Cette résurgence de l’idée de sanction ne provient pas du droit du divorce mais du droit des libéralités. Lorsqu’elle est demandée au moment du divorce, la révocation de la donation pourra être prise en compte dans le règlement pécuniaire du divorce. Mais encore faut-il que le juge aux affaires familiales se voit reconnaître la compétence pour recevoir cette action. Sinon, le contentieux risque de durer après le prononcé du divorce, et alors, l’équilibre trouvé dans son règlement sera perturbé. Un auteur préconisait d’ailleurs, afin d’éviter tout contentieux 142 C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 10. 143 La jurisprudence admet que les injures graves peuvent être constituées par toute atteinte offensante pour le donateur, comme l’adultère : Cass. civ., 16 février 1874, D.P. 1874. 1. 197 ; Cass. req. , 19 octobre 1927, S. 1927. 1. 382 ; Cass. civ. 1re, 19 mars 1985, J. Not. 1985, article 58256, no 6, note E.-S. de La MARNIERRE ; Defrénois 1986, article 33676, note A. BRETON ; R.T.D. Civ. 1986. 626, obs. J. PATARIN. 144 Cass., req., 22 mars 1869, DP 1870, 1, 292. 145 En ce sens, V.C. RIEUBERNET, art. préc. 146 En ce sens, V. P.-J. CLAUX, « Le rôle du notaire » in « les nouveaux divorces », AJ Famille, n°6/2004, p.227. 147 C. BRENNER, « Brèves observations sur la révocation des donations entre époux après la loi du 26 mai 2004 », Defrénois 2005, art. 38084, p. 93 et suiv. pour qui, les possibilités de révocation pour cause d’ingratitude, sans être inconcevables devraient rester très limitées. 42 d’après divorce, de déclarer irrecevable l’action en révocation postérieurement au divorce148. Cette proposition n’a pas été retenue. 2 – Les demandes en révocation après le divorce Aucun texte ne leur fait obstacle. Il n’est pas choquant que le conjoint donataire, comme tout donataire, soit sanctionné en cas d’ingratitude ou d’inexécution des charges, même après le divorce. L’équilibre du règlement du divorce risque, certes, d’être remis en cause, mais ce sera au détriment de ce dernier. Reste à savoir si les juges admettront la révocation lorsque le conjoint donataire a demandé et obtenu le divorce pour altération définitive du lien conjugal, ou lorsque le conjoint donateur a obtenu le divorce aux torts exclusifs du conjoint donataire. Cette admission ne serait pas opportune. Un problème n’a pas été résolu par la loi de 2004. Le nouvel alinéa 3 de l’article 1096 du code civil, prévoit toujours que la révocation pour survenance d’enfants au donateur ne s’applique pas aux donations entre époux, qu’elles soient de biens présents ou de biens à venir. Cette règle vaut lorsque l’enfant est commun au donateur et au donataire car il retrouvera, normalement, le bien dans la succession du donataire. La solution est incertaine si l’enfant n’est pas commun au donateur et au donataire. Cette hypothèse est bien sûr fréquente après le divorce du donateur et du donataire. La Cour de cassation a autrefois exclu la révocation aux motifs que la loi n’avait pas distingué entre ces deux hypothèses149. Mais plus récemment, la cour d’appel de Paris a déclaré que « l’exception est inapplicable et la révocation de droit si l’enfant né après la donation n’est pas issu du mariage de l’époux donateur avec le donataire ; qu’en effet, dans ce dernier cas, l’enfant est dépourvu de vocation héréditaire à l’égard du donataire et la donation le dépouille de tout droit sur les biens donnés »150. Si cette solution venait à se confirmer, le maintien de la donation qui a pu servir de base au règlement du divorce, sera remis en question a posteriori, situation que le législateur avait voulu éviter. Il a en effet voulu donner un caractère irrévocable à ces donations maintenues. 148 C. RIEUBERNET, Les donations entre époux, étude critique, Defrénois, Coll. Doctorat et notariat, T. 3, 2003. p.54 149 Cass. civ. 11 mai 1857, D.P. 1857, I, 215. 150 Paris, 23 juin 1986, JCP (éd. G) 1987, II, 20785, obs. J.-F. MONTREDON. 43 § 2 – Le caractère des donations maintenues L’ancien système des articles 267 à 269 du code civil posait des difficultés d’interprétation, lorsqu’il était combiné avec l’ancien article 1096. En effet, la question de savoir si les donations maintenues au moment du divorce étaient encore révocables postérieurement, suscitait de nombreuses controverses et une insécurité juridique pour le donataire (A). La nouvelle irrévocabilité des donations de biens présents devrait mettre un terme à ces problèmes et clarifier la situation du donataire (B). A – Les controverses et l’insécurité du système antérieur Le problème ne concernait que les donations maintenues151. Celles-ci pouvaient l’être soit par l’effet de la loi, soit par la volonté des époux. 1 – Les donations maintenues par l’effet de la loi Au cas de divorce pour faute ou pour rupture de la vie commune, l’époux innocent conservait les donations que son conjoint lui avait consenties152. L’utilisation du verbe « conserver » empêchait-elle ou non le donateur de faire valoir son droit de révocation après le divorce ? La question a été discutée153 et la Cour de cassation a tranché, en estimant qu’il résultait de la combinaison des articles 1096 et 267 du code civil, que si l’époux innocent conservait, en principe, les donations qui lui ont été faites, c’était avec les caractères qu’elles présentaient, de sorte que celles qui lui ont été faites pendant le mariage restaient révocables154. La sanction recherchée de l’époux (donateur) coupable était par conséquent inefficace. Cette solution laissait le donataire dans l’incertitude et entraînait des injustices lorsque la révocation intervenait après que le juge ait statué sur la prestation compensatoire155. 151 Sauf les donations par contrat de mariage qui sont irrévocables. Ancien article 267 et 269 du code civil. 153 V. par exemple A. DEPONDT, « Le sort des libéralités maintenues en après le divorce », Defrénois 1986, art. 33778 ; C. SAUJOT, « Les articles 267 à 269 du code civil : une apparente simplicité », Defrénois 1989, art. 34566. 152 154 Cass. civ. 1re, 4 février 1992, Bull. civ. I, no 40 ; R.T.D. Civ. 1992, 371, obs. J. Hauser et D. HUET-WEILLER ; J.C.P. 1992. I. 3604, n o 5, chron. F.-X. TESTU ; J.C.P. éd. N. 1993. II. 45, note J. HERAIL. 155 On a pu parler de « bombe à retardement » : BÉNABENT (A.), « Assainir l’après divorce », Mélanges HUETWEILLER (D.), Presse universitaire de Strasbourg, L.G.D.J., 1994, p. 23. 44 2 – Les donations maintenues par la volonté des époux Certaines l’étaient expressément, d’autres implicitement. En cas de divorce sur demande conjointe, si la donation était expressément maintenue ou si l'attitude du donateur manifestait sans équivoque son intention de la maintenir, la plupart des auteurs estimaient qu'elle devenait irrévocable. La solution retenue était la même en cas de divorce aux torts partagés ou sur demande acceptée, si le donateur manifestait sans équivoque son intention de maintenir la donation156. Mais la Cour de cassation ne s’est jamais prononcée sur ce point. La controverse était plus marquée pour les donations consenties pendant le mariage lesquelles étaient réputées maintenues du fait du silence des époux157. La Cour de cassation semblait admettre qu'elles étaient maintenues avec leur caractère révocable158. Comme l’a fait remarquer un auteur, cette solution était inopportune car elle constituait un piège redoutable pour le conjoint donataire qui a cru pouvoir compter sur le maintien de la donation et se trouvait désarmé lorsque le donateur, après le règlement des intérêts pécuniaires du divorce, révoquait la donation159. Dans l’ensemble, une grande incertitude planait autour de ces donations maintenues. L’admission, dans certains cas, de leur révocabilité après le divorce était contraire au principe du règlement global et concentré des effets du divorce et facilitait les fraudes. Le législateur de 2004 a mis fin à toute discussion et a clarifié la situation du donataire. B – La clarification apportée par le nouveau système Le nouveau système apporte, dans l’ensemble, de nombreuses améliorations, principalement en faveur du donataire. Ce constat peut cependant être nuancé. 156 V. en ce sens, M. GRIMALDI, Libéralités. Partages d'ascendants, Litec, 2000, no 1597, p.447 et 448 : « d’une part, une volonté de la maintenir qui est formellement exprimée doit être comprise comme contenant une renonciation, désormais permise, à la faculté de la révoquer ; d’autre part, une révocation ultérieure pourrait modifier gravement les données économiques sur les bases desquelles les suites pécuniaires du divorce ont été irrévocablement arrêtées ». ; J.MASSIP, La réforme du divorce, T. 1, Defrénois, 2è éd. 1986, n° 171 ; A. SERIAUX, Les succession, les libéralités, P.U.F., 2è éd. 1993, n° 99 ; contra. V. J.-M. BEZ, « La réforme du divorce et la pratique notariale », JCP (éd. N), 1976, 2787. 157 V. M. GRIMALDI, préc. n°1597, notamment note 239. 158 Cass. civ. 1re, 16 juin 1993, Bull. civ. I, no 218, Defrénois 1993, article 35663, no 120, note J. MASSIP ; R.T.D. Civ. 1994, 88, obs. J. HAUSER. Adde Lyon, 18 mars 1999, Dr. famille 2000, no 5, note H. LÉCUYER. 159 C. RIEUBERNET, op.cit. p.40, n°47. 45 1 – Les améliorations La logique est la même : les donations maintenues après le divorce conservent leur caractère, mais le résultat est différent car ces donations sont désormais irrévocables. La combinaison des nouveaux articles 265 et 1096 sur ce point est cohérente. Comme le fait remarquer un auteur, la conservation par le donataire, en cas de divorce, des donations de biens présents que son conjoint lui a consenties en cours du mariage serait stérilisée, si ces donations pouvaient être, ultérieurement, librement révoquées par le donateur160. Comme les autres donations de biens présents, celle qui est faite entre époux sont irrévocables, même s’il y a divorce. Le sort de ces libéralités, au moment du divorce, est donc certain et définitif161. La transparence et l'équité des règlements pécuniaires entre ex-époux se trouvent ainsi améliorées, car il n’y aura plus de révocation a posteriori. La suppression de la nullité des donations déguisées contribue également à cette amélioration. Cette solution participe de la volonté du législateur de concentrer tous les effets du divorce au moment de son prononcé. Elle présente l’avantage d’être d’une grande simplicité et d’assurer une prévisibilité qui permet de prendre en compte une base plus stable pour la fixation de la prestation compensatoire. Deux nuances sont à préciser. 2 – Les nuances Tout d’abord, dans son objectif de pacification, le législateur a complètement dissocié le sort des donations de la cause du divorce. Désormais, même l’époux auteur de violences conjugales peut conserver les donations de biens présents que le conjoint (victime) lui avait consenties162. Cela pourrait envenimer le confit. Cette dissociation se fait au détriment du donateur dont on peut penser qu’il n’aurait jamais été aussi généreux s’il avait su qu’un jour son mariage serait dissous par un divorce. Certains auteurs critiquent ainsi cette neutralité163. Cependant, lorsqu’une injustice résulte du maintien d'une libéralité, elle pourra être 160 F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 n° 12. 161 Ne restera que la révocation de droit commun pour inexécution des charges ou pour ingratitude du donataire dans les cas les plus graves. 162 Sauf si celui ci intente une action en révocation pour ingratitude. 163 V. notamment C. BRENNER, art. préc. n°4 : « Il y a fort à parier que ces solutions ne satisferont pas les époux. Manifestement, il a été perdu de vue (ou délibérément occulté) que les donations qu'ils se font - et pas seulement les donations à cause de mort - reposent sur une intention libérale à laquelle se mêle étroitement l'affection conjugale ; qu'ainsi, il entre naturellement dans leur logique de ne pas survivre au mariage » ; H. LÉCUYER, « Libéralités et chausse-trappes de la loi », Revue Lamy Droit Civil, 2005, n°13 Supplément ; J.VASSAUX, «Les incidences de la réforme sur le rôle du notaire », Dr & Pat. n°134 fév. 2005 p. 26 et s. 46 compensée notamment par une prestation compensatoire, et ce d’autant plus facilement, que cette injustice apparaîtra au moment divorce. L’ancien système entraînait, lui aussi, des injustices, mais souvent après le divorce, quand il n’était plus possible de les réparer. En outre, nous verrons que si le donateur souhaite récupérer le bien qu’il a donné, il pourra, peut être prévoir une clause à cet effet dans le contrat de donation164. Ensuite, si les donations maintenues conservent leur caractère, elles restent réductibles pour atteinte à la réserve du donateur. L’action en réduction qui interviendra après le divorce, aura le même effet que les révocations a posteriori. Elle pourrait ainsi compromettre le règlement du divorce. Cependant, compte tenu de leur nouvelle irrévocabilité, ces donations seront désormais traitées comme les donations faites à un tiers. Elles seront imputées avant les donations postérieures sur le disponible, et réduites après les donations postérieures si la réserve a été touchée165. Ce qui diminue un peu le risque pour le donataire. La neutralité du divorce sur les dispositions qui ont pris effet durant le mariage constitue un changement important par rapport au droit antérieur. Le législateur a organisé des solutions claires et définitives qui rendent inutiles toute revendication au moment du divorce. La révocation ne peut pas être demandée au juge au moment du divorce. Cela devrait limiter le contentieux et pacifier les procédures. Elles sont respectueuses des droits acquis par le conjoint avantagé ou gratifié, ce qui préserve ainsi sa sécurité, avant, mais aussi et surtout, après le divorce. La sécurité des tiers se trouve par conséquent renforcée. Le divorce ne remet donc pas en cause ce qui a servi au passé du couple. Il efface cependant les dispositions qui ont été faites en prévision de l’avenir. 164 Cf. infra, Titre 2, Chapitre 1, section 1. Lorsque ces donations étaient révocables, on admettait qu’elle pouvaient être réduites avant les donations postérieures, en considérant que le donateur les avait tacitement révoquées. 165 47 CHAPITRE 2 – La révocation des dispositions de prévoyance Il est maintenant question de l'article 265, alinéa second du Code civil qui dispose que « le divorce emporte révocation de plein droit des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu'à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l'un des époux et des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l'union, (…) ». Les dispositions visées par ce texte sont des dispositions qui ont certes été consenties durant le mariage mais dont l’effet est différé à la dissolution du régime. Il s’agit d’actes de prévoyance quant au sort du conjoint survivant. Ils ont été voulus à un moment où l’entente régnait dans le couple pour augmenter la vocation successorale de ce conjoint. Ce dernier n’a ici qu’une simple expectative. Le besoin de sécurité juridique se ressent moins. On peut penser que la volonté du disposant est liée au maintien du statut matrimonial et qu’en cas de divorce il souhaite revenir sur ces dispositions. C’est cette logique que semble avoir suivi le législateur en prévoyant leur révocation de plein droit. Reste à analyser quels sont les avantages matrimoniaux (Section1) et les libéralités concernées (Section 2). Section 1 – Les avantages matrimoniaux révoqués Traditionnellement, l’avantage matrimonial résulte d’un profit chiffrable en faveur d’un conjoint qui est retiré des clauses d’un contrat de mariage. L’avantage révocable en cas de divorce est alors le même que l’avantage retranchable. Celui ci entre sans problème dans le cadre de l’article 265 alinéa 2. (§1). Mais certains auteurs estimaient, avant la réforme, que la notion d’avantage matrimonial est différente lorsqu’il est question de retranchement ou lorsqu’il s’agit de révocation en cas de divorce. Dans ce dernier cas, elle est alors plus large. Nous verrons si l’extension de cette notion est encore utile aujourd’hui (§2). 48 §1 – Les avantages matrimoniaux traditionnels Au départ, le projet de réforme du divorce prévoyait que le divorce n’aurait plus d’incidence sur les avantages qui ne sont pas subordonnés au prédécès d’un époux, tandis que toutes dispositions à cause de mort, y compris les avantages matrimoniaux, seraient révoquées de plein droit lors du divorce, sauf volonté contraire de l’époux qui les a consenties166. Ce principe a été maintenu (B). La commission des lois du Sénat a ensuite proposé un « amendement de clarification » afin de préciser que les avantages matrimoniaux appelés à jouer en cas de dissolution du régime matrimonial du vivant des époux sont aussi perdus de plein droit dans la mesure où ils n’ont pas commencé à produire effet167. Cet amendement a été adopté (A), ce qui explique la distinction des deux types d’avantages matrimoniaux que l’on retrouve dans l’article 265 al. 2 du code civil. A – Les avantages prenant effet à la dissolution du régime matrimonial Il s’agit principalement des clauses de récompense (1) ou de partage inégal (2). 1 – Les clauses de récompense Les clauses qui modifient les règles légales des récompenses peuvent constituer un avantage matrimonial, lequel n’apparaîtra qu’au moment de la liquidation de la communauté. La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de ses biens propres168, et inversement les époux doivent récompense à la communauté lorsqu'ils prennent sur elle une somme pour acquitter des dettes ou charges personnelles169. L’avantage peut résulter d’une clause qui écarte le droit à récompense de la communauté, d’une manière générale ou pour certaine dette, ou d’une clause aménageant des règles plus favorables que celles résultant des dispositions de l’article 1469170. Par exemple, il peut être prévu dans la convention matrimoniale, que le remboursement d’un emprunt pendant le mariage (donc avec des deniers communs) pour financer l’acquisition 166 Projet de loi relatif au divorce n° 289, déposé au Sénat le 9 juillet 2003. V. Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 141. 168 art. 1433, al. 1 er du code civil. 169 art. 1437 du code civil. 170 F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Précis Dalloz, 3è éd. 2001, p587 n°762. 167 49 d’un bien propre ne donnera pas lieu à récompense en faveur de la communauté. Concrètement, un pharmacien contacte un emprunt pour acquérir sa pharmacie. Puis il se marie sous le régime de communauté. L’emprunt continuera à être remboursé pendant le mariage. Le contrat de mariage peut prévoir que le mari ne devra pas récompense à la communauté. Cette prévision ne jouera qu’en cas de dissolution de la communauté par décès car si un divorce intervient avant la clause sera révoquée et le mari devra une récompense à la communauté qui sera calculée en fonction des règles de l’article 1469 du code civil. De même, si la convention de mariage, prévoit que l'emprunt ne donnera lieu à récompense que pour le montant du seul capital remboursé par la communauté, sans référence au profit subsistant, cette clause ne produira pas effet en cas de dissolution par divorce et le calcul de la récompense se fera par retour à l’article 1469. Cependant, lorsque la clause de récompense est la contrepartie de l’apport d’un bien à la communauté, nous avons vu qu’elle pourrait être considérée comme l’accessoire de l’apport du bien, lequel est maintenu en cas de divorce, et ainsi suivre le même sort171. La révoquer reviendrait à maintenir un avantage matrimonial (l’apport) dans une étendue plus large que celle qui avait été voulue. En effet, l’apport à titre onéreux se transformerait en apport à titre gratuit en cas de divorce. Or, le divorce n’a aucune incidence sur les avantages matrimoniaux prenant effet au cours du mariage. Cette transformation n’est donc pas envisagée par le texte. Pour maintenir l’avantage dans sa consistance initiale, il faut que la récompense à la charge de la communauté soit maintenue au profit de l’apporteur. Ce raisonnement nous semble transposable lorsque le contrat de mariage stipule l’exclusion d’un bien de la communauté, donc la constitution d’un propre, sans récompense au profit de cette dernière. L’exclusion de la masse commune et la dispense de récompense paraissent liées. Ici, la suppression de la dispense de récompense reviendrait à réduire l’ampleur de l’avantage matrimonial maintenu (l’exclusion du bien de la communauté). Or le divorce n’a pas ce pouvoir de transformation. L’analyse nous semble enfin transposable lorsqu’une stipulation de parts inégales est la contrepartie d’un apport ou de l’exclusion d’un bien commun. 2 – Les clauses de partage inégal Nous bornerons l’étude aux stipulations qui n’ont pas pour but de corriger une inégalité dans les apports à la masse commune. 171 Cf. supra. Chapitre 1, section 1, § 2, A). 50 Les époux peuvent, aux termes de leur contrat de mariage, avoir convenu de recevoir chacun une fraction inégale des biens communs. Le mari par exemple ne recevra qu’un quart ou qu’un tiers de la communauté. Ou il a pu être envisagé d’attribuer des meubles à l’un et des immeubles à l’autre, ou encore un partage par moitié de la communauté avec attribution à l’un des époux, en plus de sa part, de la totalité de l’actif mobilier. La clause de partage inégal peut être stipulée en faveur d’un époux déterminé ou en faveur du survivant des époux. Dans ce dernier cas elle entre dans le cadre des gains de survie, donc dans les dispositions qui ne prennent effet qu’au décès de l’un des époux, mais le résultat est le même en cas de divorce : l’avantage est révoqué. L’intérêt de cette révocation de plein droit des avantages qui prennent effet lors de la dissolution du régime matrimonial, les clauses d’aménagement des récompenses ou de partage inégal, est de ramener à application les règles du régime légal. Or, ces règles organisent un rééquilibrage des patrimoines, par le mécanisme des récompenses, puis un partage égalitaire de moitié. Par conséquent, l’attribution d’une prestation compensatoire sera souvent inutile ou du moins son montant sera réduit. Cela favorise encore le règlement des effets patrimoniaux du divorce au moment de son prononcé. Mais l’inconvénient est que ce système n’est pas adapté pour le régime de la participation aux acquêts172. La doctrine majoritaire étend la notion d’avantage matrimonial à ce régime quand son aménagement profite à l’un des époux173. Comme l’expose l’article 1569 du code civil, pendant la durée du mariage, il fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Ce n’est qu’à la dissolution que son aspect communautaire apparaît174, et avec lui, les avantages matrimoniaux résultant de son aménagement. C’est le cas de la clause prévoyant l'omission d’un ou plusieurs biens du patrimoine final, notamment l’entreprise d’un époux175. Cette clause a pour conséquence de réduire la créance de participation au profit de l’entrepreneur. L'application des règles légales aboutirait à alourdir 172 en ce sens, V. par exemple M.P. MURAT-SEMPIETRO, « réforme du divorce et pratique notariale », JCP (éd. N), n° 1-2, 14 janvier 2005, aperçu rapide, p.1 : « le législateur de 2004 a vraisemblablement mis en place ce procédé de maintien ou de révocation des avantages matrimoniaux en ayant à l’esprit les communautés conventionnelles assorties de modalités de partage particulières ». 173 M. STROCK, « Avantages matrimoniaux et régime de participation aux acquêts, détermination de la nature des stipulations permises par l’article 1582 al. 2 », JCP (éd. N) 1981, I, 355, G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, 9è éd., 1997, PUF, coll. Thémis, p.819 ; Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit., n° 704 et 862 ; F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER, op. cit., n° 857; Ph. SIMLER, « Participation aux acquêts et avantages matrimoniaux (a propos de la réponse ministérielle n° 601 du 17 octobre 1988) », JCP (éd. N), 1989, prat. 788, p. 1. 174 A. COLOMER, Droit civil, Régimes matrimoniaux, 12è éd. Litec 2004, n° 1248 : « c’est au moment ou le régime prend fin que l’idée communautaire supplante le principe séparatiste ; chacun des ex-conjoints ou ses héritiers voient se concrétiser leur espérance de participation aux enrichissements réciproques réalisé au cours du régime ». 175 V. J.F.PILLEBOUT, « Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels », JCP (éd. N) 1987, I, p. 93. 51 considérablement le poids de la dette éventuelle de ce dernier, car la valeur de l’entreprise serait prise en compte. Les époux, et notamment l’entrepreneur, ont souhaité par cette exclusion du calcul de la créance de participation ne pas avoir une charge trop importante en cas de divorce qui mettrait en péril l’instrument de travail. Il en va de même pour les clauses de partage inégal ou d'attribution intégrale des acquêts prévues par l'article 1581, alinéa 2, du Code civil. L’aménagement peut enfin concerner le patrimoine originaire. Les époux peuvent avoir voulu exclure de ce patrimoine originaire un ou plusieurs biens déterminés ou même tenir pour nul ce patrimoine. L’avantage résultera alors d’une augmentation des acquêts nets. Selon l’article 265 al. 2, ces avantages matrimoniaux devraient être révoqués. Ainsi, la liquidation de ce régime en cas de divorce devrait se faire systématiquement selon les règles prévues à cet effet par le code civil, sauf la volonté contraire au moment du divorce. Le maintien de ces aménagements sera à négocier au moment du divorce, bien que l’hypothèse ait pu être envisagée lors de la conclusion du contrat de mariage. On voit que ce texte n’est pas adapté à la participation aux acquêts. A moins, peut être de considérer que les clauses qui aménagent la composition du patrimoine originaire ou final puissent être maintenues car elles organisent un patrimoine qui va se créer au cours du mariage. La jurisprudence devra trancher176. B – Les avantages prenant effet au décès de l’un des époux Ces dispositions visent à améliorer le sort du conjoint survivant. Le divorce faisant perdre la qualité de conjoint, ces avantages n’ont plus lieu d’être après. Elles sont fréquentes car elles bénéficient d'un régime fiscal d'exonération de droit de mutation et, étant considérées comme des conventions à titre onéreux, elles échappent aux règles de fond du droit des libéralités comme le rapport et la réduction pour atteinte à la réserve. Il s’agit de la clause d’attribution intégrale de la communauté et de la clause de préciput. 1 – La clause d’attribution intégrale de la communauté Elle est le prolongement de la clause de partage inégal puisque ici, le conjoint prémourant ne recevra rien et le survivant aura tout. Mais contrairement à la stipulation de parts inégales, l’attribution intégrale est impérativement un gain de survie. Elle ne peut bénéficier qu’à 176 Nous essaierons de voir quels sont les remèdes qui pourraient être apportés à ce problème dans le 2è chapitre du titre 2. 52 l’époux survivant ou à un époux désigné sous condition de survie177. Elle entre donc parfaitement dans le cadre du deuxième alinéa de l’article 265. Par ailleurs, l’article 1524 du code civil assimile à l’attribution intégrale de la communauté, la clause en vertu de laquelle l’un des époux recevra, outre la moitié des biens communs en pleine propriété, l’autre moitié en usufruit. Ces dispositions sont révoquées de plein droit au moment du divorce. Cette clause est souvent combinée avec une communauté universelle. En cas de divorce, on l’a vu, la communauté universelle est maintenue, tandis que l’attribution intégrale est révoquée. 2 – La clause de préciput C’est celle qui autorise le prélèvement d’un bien de la communauté avant son partage et sans indemnisation. Il s’agit aussi d’un gain de survie. Il doit être stipulé au profit du survivant ou de l’un des époux sous condition de survie. Par exemple, les époux ont pu, dans le contrat de mariage, accorder au survivant d'entre eux la faculté de prélever, avant tout partage, sans indemnité, les droits par lesquels est assuré le logement de la famille à l'époque du décès. Le préciput peut aussi porter sur l’ensemble des meubles meublants pour éviter qu’ils ne fassent l’objet d’un partage avec les héritiers. L’article 1518 du code civil a été modifié à l’occasion de la réforme du 26 mai 2004 et prévoit maintenant que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas lieu à la délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie sous réserve de l’article 265. Ainsi, en cas de dissolution du régime par divorce, la clause est révoquée de plein droit. Cette révocation entraîne un rétablissement du principe de l’égalité dans le partage. On peut se demander si une clause prévoyant aussi le prélèvement d’un bien commun mais moyennant une indemnité serait également révoquée en cas de divorce. Il faut voir si une extension de la notion d’avantage matrimonial est possible. 177 Article 1524 du code civil. 53 § 2 – L’extension de la notion d’avantage matrimonial révocable Au sens large, un avantage matrimonial est constitué par l’enrichissement que le seul fonctionnement du régime matrimonial procure à un époux par rapport à son conjoint178. Il a ainsi pour objet un enrichissement et trouve sa source dans les dispositions du régime matrimonial179. Il est parfois proposé d’élargir la notion à des dispositions qui ne procurent pas de profit chiffrable (A) ou qui ne trouvent leur source dans des conventions hors du contrat de mariage (B). L’enjeu de la qualification est important car elle déclenche l’application ou non du régime de l’article 265 du code civil. A – Les avantages procurant un profit non chiffrable Il a été proposé, sous l’empire de l’ancien système, d’avoir une approche différente de la notion d’avantage matrimonial lorsqu’il s’agit de retranchement ou de révocation ou déchéance en cas de divorce (1). Il faudra voir si cette distinction est encore applicable avec le nouvel article 265 (2). 1 – La distinction entre avantage révocable et avantage retranchable L’action en retranchement vise à assurer la protection de la réserve héréditaire des enfants d’un autre lit. L’avantage matrimonial consenti au second conjoint qui dépasse la quotité disponible est susceptible d’être réduit180. Il est mis en évidence par un calcul mathématique objectif. En pratique, on procède à une double liquidation. La première se fait en tenant compte du contrat de mariage, la seconde en appliquant les règles du régime type (communauté légale ou participation aux acquêts légale). L’avantage consiste en la différence181. C’est ici que la notion de profit chiffrable apparaît. La doctrine est d’accord pour que ce qui pourrait être retranché à la demande des enfants d’un autre lit soit aussi soumis aux règles de la révocation en cas de divorce. Les avantages matrimoniaux étudiés jusqu’à présent procurent à l’un des époux un profit chiffrable. Les règles de l’article 265 leur sont ainsi applicables. 178 V. J. CARBONNIER, Le régime matrimonial. Sa nature juridique sous le rapport des notions de société et d’association : Thèse, Bordeaux, 1932, p. 665. 179 M. STORCK, J.-Cl. Civil, Art. 1527, n°1. 180 Article 1527 al. 2 du code civil. 181 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les régimes matrimoniaux, n° 709. 54 Mais un auteur a fait remarquer qu’ « il est des clauses qui ne procurent aucun bénéfice chiffrable tout en conférant manifestement un avantage. Si celles-ci ne prêtent pas le flanc au retranchement, elles doivent toutefois pouvoir être révoquées ou soumises à déchéance en cas de divorce »182. La notion d’avantage matrimonial, au sens du droit du divorce serait ainsi plus étendue que celle soumise au retranchement. Dans le cadre du divorce, l’avantage ne serait pas nécessairement chiffrable. Il peut consister en un droit conféré à l’un des époux, placé dans une situation avantageuse. L’auteur cite deux exemples d’avantages non chiffrables qui seraient révocables : la clause de prélèvement moyennant indemnité réglementée aux articles 1511 et suivants du code civil et la clause d’ameublissement qui aurait pour contrepartie une reprise forfaitaire égale à la valeur du bien tombé en communauté, estimée au jour ou cette faculté sera exercée. 2 – Application S’agissant de la clause d’ameublissement, nous avons vu que, selon nous, elle devrait être maintenue dans son ensemble183. La contrepartie maintenue doit être plafonnée à la valeur réelle du bien prélevé. Au-delà, un avantage apparaîtrait au jour du prélèvement, celui ci serait chiffrable, et serait révoqué. Ainsi la clause citée en exemple, qui aurait pour contrepartie une reprise forfaitaire égale à la valeur du bien tombé en communauté, estimée au jour ou cette faculté sera exercée, ne devrait plus être soumise au régime de révocation en cas de divorce. Cette analyse vaut si ce profit non chiffrable était qualifié d’avantage matrimonial184. Et même si cette qualification n’était pas retenue, le résultat serait identique. La disposition n’entrerait alors plus dans le cadre de l’article 265 du code civil. Concernant maintenant la clause de prélèvement moyennant indemnité, l’hypothèse envisagée est celle ou l’indemnité est représentative de la valeur réelle des biens prélevés, c’est à dire qu’il n’y a pas de profit chiffrable. Deux situations sont encore à distinguer. Comme le permet l’article 1511 du code civil, cette clause peut être stipulée au profit du survivant des époux. Ce dernier aura par exemple la faculté de prélever les droits par lesquels est assuré le logement familial, ainsi que tous les meubles meublant ledit logement, à charge d'en tenir compte à la communauté d'après la valeur que ces biens auront au jour du partage. Cette clause ne prenant effet qu’au moment du décès, le divorce devrait entraîner sa révocation. 182 F. LUCET, « L’avantage matrimonial, Retranchement ou révocation (a propos de l’arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation du 10 juillet 1990) », JCP (éd. N), 1992, I, p. 145. 183 Cf. supra. Chapitre 1, section 1, § 2, A) et Chapitre 2, section 1, § 1, A). 184 Contra V. A. TISSERAND, Réflexions autour de la notion d'avantage matrimonial, Mélanges J. BEGUIN : Litec 2005, p. 761. Cet auteur propose d’opérer une distinction entre les différentes clauses du contrat de mariage, plutôt que de procéder à une approche globale de l’avantage. 55 Mais lorsque les époux ont prévu, comme le permet le même article, que la clause jouera en cas de divorce, le problème est différent. Ainsi, les époux ont pu envisager qu'au cas de divorce, chacun d'eux pourrait reprendre les droits grâce auxquels il exerce sa profession, à charge d'en tenir compte à la communauté. Il serait dommage de révoquer cette clause de plein droit sous prétexte qu’elle prend effet après la dissolution du régime, et de devoir renégocier son maintien au moment du divorce alors que les époux avaient anticipé le problème. M. Lucet justifiait l’application des anciens articles 267 et suivants du code civil à cette clause à cause du traitement préférentiel dont profiterait un époux185. Cette proposition pouvait se comprendre avec l’idée de sanction du conjoint fautif et de protection de l’innocent qui inspirait la philosophie de l’ancien système. Dès lors que le nouvel article 265 organise un système objectif du sort des avantages matrimoniaux, il ne paraît plus nécessaire de vouloir étendre la notion d’avantage révocable. La qualification d’avantage matrimonial de cette clause est d’ailleurs discutée186. Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’un avantage matrimonial révocable187, sauf lorsqu’elle profite au conjoint survivant. La jurisprudence devra trancher. En conclusion, il semble que l’avantage matrimonial révocable au sens du nouvel article 265 du code civil doive correspondre à l’avantage matrimonial révocable au sens de l’article 1527. La notion peut-elle toutefois être étendue aux avantages qui ne résultent pas du contrat de mariage ? B – Les avantages issus de conventions entre époux en dehors du contrat de mariage Une explication s’impose avant d’en voir l’application concrète. 185 F. LUCET, art. préc. V. F. TÉRRÉ et Ph. SIMLER, Les régimes matrimoniaux, op. cit, n° 762 et spéc. note 4 avec les références citées. Ces auteurs proposent une distinction : « Au sens de l’article 1527, une telle clause ne peut être traitée comme un avantage réductible, les droits des enfants du précédent mariage étant intégralement sauvegardés en valeur. Au contraire, le traitement préférentiel résultant de la clause justifie la déchéance ou la révocation prévue aux articles 267 et suivants ». 187 Contra, V. A. TISSERAND, art. préc. : « S’agissant du partage de communauté, la révocation de plein droit devrait concerner tous les aménagements conventionnels qui avantagent l’un des conjoints, indépendamment de l’existence d’un profit chiffrable. La révocation pourrait ainsi atteindre, par exemple, (…), une clause de prélèvement à titre onéreux, même si l’indemnité stipulée est représentative de la valeur exacte des biens prélevés ». 186 56 1 – Explication Il s’agit de redécouvrir la proposition de P. Hébraud188. Cet auteur proposait d’étendre la notion d’avantage matrimonial à toute convention conclue entre époux, même si elle ne résulte pas d’un contrat de mariage, avantageant l’un d’entre eux, dès lors qu’elle est relative à un bien sur lequel le régime étend son empire, c’est à dire tous les biens des époux, même leurs biens personnels ou propres. Il prenait l’exemple de l’acquisition d’un bien avec clause de tontine faite par des époux séparés de biens, qui équivaut à la reconstitution d’une communauté avec clause d’attribution au survivant. Sa qualification d’avantage matrimonial la soumettrait alors à l’article 265 en cas de divorce. La clause devrait par conséquent tomber et l’acquisition serait faite en indivision. Cette idée a été reprise par Mme Pétroni-Maudière, dans sa thèse sur le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux189, a propos de certains contrats entre époux qui répondent à un objectif de participation ou de prévoyance conjugale. Elle montre que, dans ces contrats, l’époux disposant n’est pas vraiment animé par une intention libérale mais « plutôt par un sentiment de solidarité conjugale s’exprimant, tantôt par une volonté de partager les « acquêts » avec son conjoint, en l’associant à la prospérité du ménage (achat pour autrui), tantôt par une volonté de protection patrimoniale du conjoint survivant, à la dissolution du mariage (assurance sur la vie, réversion de rente viagère ou d’usufruit, tontine) »190. La fonction de ces contrats l’amène à proposer une extension de la notion d’avantage matrimonial. En effet, même s’ils n’ont pas leur source dans le régime matrimonial, à cause de leur identité de fonction le rapprochement de ces contrats conjugaux à vocation protectrice du conjoint et du régime matrimonial des époux est possible, les premiers venant compléter le second, dans le but de préserver le mariage lui-même. Elle explique que « c’est précisément parce que les régimes matrimoniaux sont défaillants dans la réalisation d’objectifs matrimoniaux fondamentaux aujourd’hui (idée de participation et de prévoyance conjugale) que les accords de volonté des époux qui en permettent la réalisation viennent se substituer à eux, ou plus précisément les compléter, afin de les rendre conformes à l’idée même du mariage. Dans cette perspective, l’extension de la qualification d’avantages matrimoniaux aux avantages résultant des contrats conclus entre époux à caractère essentiellement protecteur du conjoint semble non seulement naturelle mais utile »191. 188 P. HÉBRAUD, Des contrats passés entre un futur époux et son héritier présomptif, Et. R. SAVATIER, Dalloz, 1960, p. 341, cité par Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les régimes matrimoniaux, n° 705. 189 N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th. Limoge 2000. 190 N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°118, p. 154. 191 N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 139, p.178. 57 En substituant la qualification d’avantage matrimonial à celle de donation, l’auteur justifie l’irrévocabilité des ces contrats pendant le mariage192. Mais en raison du particularisme de ces avantages à caractère correcteur, elle propose de les soumettre à un régime original par rapport aux avantages traditionnels. Ces avantages, qu’elle appelle alors quasi-avantages matrimoniaux, ne seraient en effet ni soumis à l’action en retranchement193, ni aux règles relatives aux déchéances du droit du divorce194. Cette dernière exclusion était faite en considération des anciens articles 267 et suivants du code civil. Il est peut être possible de leur appliquer les nouvelles règles de l’article 265. 2 – Application L’enjeu de cette nouvelle qualification est faible pour les achats pour autrui. En admettant qu’ils soient considérés comme des « quasi-avantages matrimoniaux », leur soumission à l’article 265 les rangerait dans le 1er alinéa car ils prennent effet au cours du mariage. Donc le résultat est le même que celui de la qualification libérale195. En revanche, pour les actes de prévoyance, l’intérêt est plus important. Les contrats d’assurance vie, de réversion de rente viagère ou d’usufruit qualifiés de donations de biens présents sont maintenus. Ces contrats visent essentiellement à avantager le conjoint survivant. Les avantages qu’ils procurent ressemblent, pour la réversion à une clause d’attribution intégrale de communauté, pour l’assurance vie à une clause de préciput196. Par exemple, pour l’assurance vie, le conjoint bénéficiaire se voit attribuer un capital constitué grâce à des deniers communs sans devoir de récompense197 (sauf si les primes sont manifestement excessives). L’assimilation de ces actes à des avantages matrimoniaux les ferait certainement tomber en cas de divorce. Cette analyse semble séduisante, mais la rédaction de l’article 265 permet difficilement de la consacrer. 192 N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 156, p.199. N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n° 158, p.200 : « L’action en retranchement (…) doit logiquement être écartée ici, le caractère essentiellement compensatoire de ces transferts matrimoniaux excluant a priori qu’ils puissent intervenir dans la réalisation d’une fraude». 194 N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°158, p.202. 195 L’enjeu était plus important avec l’ancien article 1096. Cette qualification les aurait exclus de son champ d’application, sans avoir à utiliser la notion de donation rémunératoire. 196 En ce sens, V. N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc. n°135 p. 174 et n°167 p. 211. C’est ce qui explique, selon l’auteur, l’arrêt Noguer de la 1ère Chambre civile de la Cour de cassation du 13 mai 1998 ou la Cour avait jugé qu’un contrat d’assurance vie souscrit réciproquement par deux époux n’était pas constitutif d’une libéralité et qu’en conséquence, la désignation bénéficiaire du conjoint ayant accepté le bénéfice du contrat, ne pouvait être révoquée en application de l’article 1096. 197 Article L. 132-16 du code des assurances. 193 58 Hormis ces quelques problèmes de qualification, il ressort de cette analyse que le sort de ces avantages matrimoniaux est connu avant le prononcé du divorce. Leur révocation permet d’éviter tout problème d’après divorce, notamment pour les avantages qui prennent effet au moment du décès. En effet, leur maintien laisserait les époux liés pendant de nombreuses années ce qui pourrait entraîner des blocages et des risques de contentieux surtout en cas de remariage. La révocation redonne ainsi la liberté de ses biens au disposant. Cette solution paraît logique avec la fonction de protection du conjoint survivant qu’assurent avantages, et conforme à la volonté de la majorité des époux, sauf pour quelques dispositions particulières. Et si la volonté des époux s’avérerait différente, l’article 265 leur permet toujours de la faire valoir au moment du prononcé du divorce. La même logique explique le principe de la révocation des dispositions à cause de mort. Section 2 – La révocation des dispositions à cause de mort Ces dispositions manifestent l’affection légitime des conjoints et leur désir d’assurer l’avenir du survivant. Ce sont des actes de prévoyance conjugale. Leur justification tient au fait que le mariage aura duré jusqu'à la mort de l'époux qui les a consenties198. Il semble logique qu’elles disparaissent si le mariage se dissout du vivant des époux, car la qualité de conjoint survivant disparaît aussi. Elles ne procurent aucun droit acquis à leur bénéficiaire car le transfert entre les deux patrimoines ne se fait pas aux moment où elles sont consenties. Le disposant reste le propriétaire des biens concernés. La plupart sont par essence révocables à tout moment donc a fortiori au moment du divorce aussi. Une analyse des dispositions concernées (§1) précèdera l’étude de la mise en œuvre de la révocation (§2). § 1 – Analyse des dispositions concernées L’article 265 alinéa 2 parle de dispositions à cause de mort. Il s’agit donc des donations de biens à venir (A) et des legs (B). Ces dispositions sont souvent rapprochées l’une de l’autre au 198 Rapport P. DELNATTE au nom de la commission des lois déposé le 6 avril 2004 à l'Assemblée Nationale : Doc. AN n° 1513 (2003-2004), sous article 16, p. 79. 59 niveau de leurs effets199. Elles ne produisent effet qu’au décès du donateur ou du testateur. Ce critère ayant été retenu pour décider de leur sort en cas de divorce, il n’est pas étonnant qu’elles soient soumises au même texte. A – Les donations de biens à venir Comme l’a fait remarquer un auteur, « la fonction dévolutive des donations de biens à venir s'accorde mal avec leur maintien au cas de divorce. Cet événement retire au donataire sa qualité de conjoint survivant, en considération de laquelle la donation de biens à venir a été réalisée. Ce type de libéralité est implicitement subordonné à la dissolution du mariage par le décès du donateur. Ce raisonnement vaut que la donation soit faite par contrat de mariage ou pendant le mariage »200. 1 – Les donations par contrat de mariage Tout d’abord, nous pouvons évoquer ici le sort de la clause commerciale201. C’est la clause du contrat de mariage qui permet au survivant des deux époux de conserver le fonds de commerce (ou un autre bien professionnel) qu’ils exploitaient ensemble lorsqu’ils vivaient tous les deux202. Lorsque le bien est commun, et que l’attribution est à titre gratuite, il s’agit, on l’a vu, d’un avantage matrimonial révoqué en cas de divorce tandis que si l’attribution est à titre onéreux, sa qualification et son sort en cas de divorce sont discutée. Lorsque le bien est propre à l’un des époux, et que l’attribution est gratuite, elle constitue une institution contractuelle qui est naturellement révoquée en cas de divorce. Si elle est faite à titre onéreux, elle ne peut plus être qualifiée de libéralité mais elle doit quand même être considérée comme révoquée car elle est stipulée au profit du conjoint survivant, qualité que le divorce fait disparaître. S’agissant, ensuite, des donations de biens à venir par contrat de mariage, on a constaté que cette pratique était en déclin203. Diverses raisons ont été avancées pour expliquer ce phénomène204. La première est que depuis la réforme de 1965, le besoin d’établir un contrat de 199 Cass. civ. 1ère, 10 février 1998, Bull. civ. I, n°52, JCP (éd. G) 1999, I, 132, obs. CHAMPENOIS (G.) ; JCP (éd. N.), 1998, p. 1409, note CASEY (J.): « Mais attendu que les donations de biens à venir que se font les époux au cours du mariage parce qu’elles sont révocables, sont, quant à leurs effets, soumises aux règles des legs ». 200 C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce », LPA, 21 juillet 2004, p. 13. 201 Articles 1390, 1391 et 1392 du code civil. 202 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les successions, Les libéralités, éd. Defrénois 2004, n°571, p. 298. 203 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Les successions, Les libéralités, préc. n° 708 p. 352. 204 V. par exemple, Ch. RIEUBERNET, Les donations entre époux étude critique, thèse Toulouse I, 1997, Defrénois 2003, n°153 et s., p. 127. 60 mariage se fait moins ressentir, et lorsque les époux y ont recours, ils préfèrent y intégrer des avantages matrimoniaux. La seconde, et la plus importante, est que ces libéralités sont irrévocables205. Ce principe était un inconvénient en cas de divorce. En effet, on l’a vu, lorsqu’en vertu des anciens articles 267 et suivant, la libéralité se trouvait maintenue, la jurisprudence estimait qu’elle l’était avec ses caractères antérieurs206, donc l’époux fautif, par exemple, risquait de rester lié à son ex-conjoint définitivement par cette libéralité. Ce système n’était pas satisfaisant207. Aujourd’hui, le disposant peut être rassurer car ces dispositions seront révoquées de plein droit en cas de divorce. L’article 265 al.2 vise en effet les dispositions à cause de mort accordées par un époux à son conjoint par contrat de mariage. Peut être retrouveront elles un regain d’intérêt en pratique grâce à ce nouveau principe. Les donations de bien à venir sont en revanche beaucoup plus fréquentes pendant le mariage. 2 – Les donations consenties pendant l’union Comme celles consenties par contrat de mariage, elles ont pour objet des biens à prendre dans la succession du donateur ou une fraction de celle-ci. Elles ont donc pour but d'organiser la transmission de la succession du donateur. Elles n’étaient pas prévues par le code civil mais ont été consacrées très tôt par la jurisprudence208. Elles sont aujourd’hui très fréquentes et souvent réciproques. Le législateur de 2004 en a pris acte et a consacré cette pratique dans le nouvel article 1096 du code civil qui prévoit que la donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours révocable209. Cette révocabilité est une des raisons de son succès. Elle n’est pas contraignante en cas de divorce puisqu’elle est révoquée de plein droit. Cette solution est logique car très souvent cette donation perd sa raison d’être si le mariage prend fin avant le décès du donateur. On retrouve la même démarche avec les legs. 205 Article 1083 du code civil. Cass. 1ère civ., 4 février 1992, Bull/ civ. I, n° 40. 207 En ce sens, Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°128, p. 100 : « L’irrévocabilité des donations de biens à venir faites par contrat de mariage maintenues malgré le divorce est inopportune. Elle prive le donateur de sa faculté de disposer à titre gratuit, entre vifs ou à cause de mort, des biens objets de l’institution contractuelle, notamment au profit d’un éventuel nouveau conjoint, d’une concubine ou d’enfants ». 208 Civ. 22 juillet 1807, S. 1807, I, 414. 209 V. Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 140 : « cette donation au dernier vivant étant véritablement entrée dans les mœurs, le Sénat proposait de garder un caractère révocable aux donations entre époux de biens à venir et de consacrer dans le code civil la pratique de la donation au dernier vivant ». 206 61 B – Les legs Comme pour la donation de biens à venir, les droits du bénéficiaire d’un legs ne s’ouvrent qu’au décès du disposant. Le conjoint légataire n’a donc qu’une simple expectative dont il peut même ignorer l’existence. Le principe de la révocation des legs en cas de divorce ne pose pas de problème particulier. Il relève pratiquement de l’évidence. La révocabilité est de la nature des dispositions testamentaires et on ne voit pas comment le divorce aurait permis d’y déroger. Elle ne touche cependant que les legs consentis au conjoint. Les autres dispositions du testament demeurent valables. L’article 265 al. 2 ne visant que les dispositions consenties pendant l’union, un auteur a fait remarquer que les legs qui sont portés dans un testament rédigé avant le mariage ne sont pas concernés par la révocation de plein droit. Mais ils demeurent quand même librement révocables210. Le principe de la révocation des dispositions qui viennent d’être analysées, quel que soit le type de divorce est une solution adaptée à leur nature et à leur fonction. La mise en œuvre de ce principe au moment du divorce est automatique, ce qui est facteur de simplicité. § 2 – La mise en œuvre de la révocation Révocables par nature, la mise en œuvre de cette révocation peut se faire à tout moment (A). Elle est même présumée en cas de divorce, ce qui permet d’éviter les oublis (B). A – Le moment de la révocation La révocation est libre pendant le mariage (1). Si elle n’a pas joué avant, elle est de plein droit au moment du divorce (2). 1 – La libre révocabilité pendant l’union Avant la réforme, l’ancien article 1096 du code civil affirmait ce principe. Les donations de biens présents entre époux dérogeaient alors au principe de l’irrévocabilité spéciale des donations, lequel servait de fondement à la prohibition des donations de biens à venir. En effet, la donation de biens à venir équivaut à une donation assortie d’une condition résolutoire potestative211. Cette caractéristique servait donc aussi à justifier la validité des donations de biens à venir entre époux. 210 211 F. SAUVAGE, art. préc. n°23 p. 1436. Sur cette question, V. Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°162 p. 133, spéc. note 502 et les références citées. 62 La proposition de loi relative au divorce de M. Colcombet prévoyait l’abrogation de cet article 1096. Le Sénat s’était inquiété de cette abrogation qui aboutirait à rendre irrévocables les donations au dernier vivant, supprimant tout intérêt pour les époux d’y recourir212. La proposition n’a finalement pas abouti et le nouvel article 1096 prévoit, en son premier alinéa, que la donation de biens à venir faite entre époux pendant le mariage sera toujours révocable. On remarque au passage que ce texte ne concerne pas les donations de biens à venir faites par contrat de mariage, lesquelles restent irrévocables. Ainsi, le donateur peut revenir à tout moment sur son engagement si, par exemple la situation patrimoniale du couple évolue ou si un divorce est envisagé. Mais dans ce cas, l’époux donateur doit manifester son intention par un acte révocatoire. Les choses sont différentes au moment du divorce. 2 – La révocabilité de plein droit au moment du divorce Si la donation n’a pas été révoquée par une manifestation du donateur avant le prononcé du divorce, elle le sera de plein droit après. La révocation s’opère du seul fait du divorce. Elle est automatiquement attachée au jugement qui prononce le divorce213. Le législateur présume, en quelque sorte, que cette révocation est conforme à la volonté du disposant. Si ce dernier n’est pas satisfait par ce principe il peut toujours, on le verra, déclarer maintenir la disposition au moment du prononcé du divorce ou refaire son testament après le divorce. Mais dans la majorité des cas ce principe va satisfaire le disposant, en particulier celui qui aurait la mémoire courte. B – Une précaution contre les oublis éventuels A lui seul, l’article 1096 aurait pu permettre au donateur de révoquer la libéralité avant ou après le divorce. De même, l’article 895 aurait toujours permis au testateur de revenir sur son legs. Mais l’intérêt de l’article 265 al. 2 est de trancher avec certitude le sort de ces dispositions. Sauf volonté contraire, les époux ne seront plus liés par elles. Cela a un grand intérêt lorsqu’un époux oublie au moment du divorce les dispositions qu’il avait consenties quelques années auparavant à son conjoint. Sous l’ancien système, on pouvait rencontrer des situations où un époux, qui aurait pu révoquer sa disposition à la suite d’un divorce, oublie de le faire et décède après s’être remarié. Dans ce cas, la première épouse pouvait évincer la 212 213 Rapport n°120, 2003-2004 de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif au divorce p. 139. F. SAUVAGE, art. préc. n° 25 p.1437 63 nouvelle214. Ce problème était dénoncé en doctrine215. L’article 265 y apporte un remède. Désormais, il n’est plus nécessaire de procéder à un acte révocatoire en cas de divorce. La révocation n’a pas à être demandée au juge et pourra être invoquée ensuite par toute personne qui en aurait intérêt après le divorce. En revanche, si le disposant souhaite maintenir son acte, il faut qu’il le manifeste. En définitive, la révocation de plein droit des dispositions à cause de mort, accordées par un époux envers son conjoint par contrat de mariage ou pendant l’union, est logique dans son principe et doit être approuvée pour sa mise en œuvre. Le principe de révocation de plein droit de ces actes de prévoyance analysés dans ce chapitre est conforme à la fonction qu’ils remplissent. Elle ne porte pas atteinte à des droits acquis par le bénéficiaire car au moment où elle joue, ces actes n’ont pas encore produit leur effet. Par conséquent, les tiers ne risquent pas d’en subir le contre coup. Le nouvel article 265 al. 2 propose ainsi une solution claire et définitive qui permet de lever toute incertitude après le divorce. La négociation de leur maintien et certes possible pendant la procédure mais elle doit aboutir avant le prononcé. C’est encore une manifestation de la volonté du législateur de concentrer les effets du divorce au moment de son prononcé. Conclusion du titre premier Quel que soit le cas de divorce, le régime des libéralités et des avantages matrimoniaux est uniforme. Le nouveau critère de détermination de leur sort ne prend plus en compte les causes du divorce, ce qui est propice à la pacification des procédures. Il dépend, en toute objectivité, du type de disposition qui est en cause. Il est bilatéral, ce qui devrait limiter les rancœurs et les sentiments d’injustice. Il est favorable au conjoint avantagé si la disposition a déjà pris effet au cours de l’union car elle est alors maintenue à son profit. En revanche, lorsqu’elle n’a pas encore produit d’effet au moment du divorce, elle est révoquée dans l’intérêt du disposant. Dans les deux cas, il ne porte pas atteinte à la sécurité des tiers. L’article 265 permet de fixer rapidement et définitivement le sort des ces dispositions, ce qui donne au juge une base réaliste et stable pour la fixation d’une éventuelle prestation 214 Par exemple : Cass. 1ère civ., 16 juin 1993, D. 1994, 165, note J. MASSIP. Ch. RIEUBERNET, Thèse préc. n°178 p. 150 ; Rapport F. DEKEUWER-DÉFOSSEZ, Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Doc. fr., coll. « Rapports officiels », 1999 : « Il est en effet particulièrement malsain de voir une personne divorcée venir à la succession d'un ancien conjoint, au motif qu'elle bénéfice d'une libéralité qui n'a jamais été révoquée ». 215 64 compensatoire. Toutefois avec l’apparition d’un nouveau critère, des problèmes de qualification de certains actes ont inévitablement surgis, ce qui pourrait perturber provisoirement ce résultat. Ils devront être résolus au plus vite par la jurisprudence. Mais pour connaître au plus tôt le sort de ces dispositions, le législateur a dû organiser un système assez directif. La place laissée à la volonté des époux n’apparaît dans l’article 265 que pour les actes de prévoyance. Cela signifie-t-il que la liberté des époux est limitée à ces actes ? 65 TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA VOLONTE DES EPOUX Le régime légal que nous venons de présenter permet de clarifier le sort des donations et des avantages matrimoniaux au moment du divorce sans avoir à demander l’avis des époux car celui-ci risque d’être souvent contradictoire. Mais les solutions de l’article 265 ne seront peut être pas toujours justes ou opportunes. Les époux pourraient souhaiter adapter ce régime légal à leur propre cas particulier. La question qui se pose alors est la suivante : dans quelle mesure les conjoints peuvent-ils organiser eux-mêmes les conséquences patrimoniales de leur divorce ? L’article 265 alinéa 2 organise l’hypothèse d’une manifestation de volonté, de la part des époux, de maintien des dispositions qui sont normalement révoquées. Mais l’alinéa premier ne prévoit rien de semblable pour les dispositions qui ne sont pas révoquées. Nous verrons dans le premier chapitre si leur révocation volontaire peut quand même être envisagée. Le second chapitre sera consacré au maintien volontaire des dispositions légalement révoquées. 66 Chapitre 1 – La révocation volontaire des dispositions légalement maintenues La possibilité de révoquer des dispositions légalement maintenues divise actuellement la doctrine. Le problème vient du fait que l’article 265 alinéa 1 n’organise pas expressément l’hypothèse. Or, la législation du divorce est traditionnellement d’ordre public et la volonté des époux a souvent une place bien délimitée. Pourtant, il paraît nécessaire de laisser un peu de souplesse dans l’accomplissement d’actes qui relèvent de la générosité. Un système trop contraignant risque de dissuader le disposant de concrétiser son intention libérale. Comme l’a fait remarquer un auteur, « chaque fois que le législateur a posé la règle de l’irrévocabilité des donations, les Français s’en sont détournés »216. Nombreux sont aujourd’hui ceux qui craignent que le phénomène se reproduise avec les donations de biens présents ou le régime de la communauté universelle si des dérogations n’étaient pas autorisées217. Mais la question relève-t-elle vraiment encore du droit du divorce qui ne pose qu’un simple principe de non-incidence ? Le droit des libéralités et celui des régimes matrimoniaux permettent-ils alors d’organiser une incidence volontaire du divorce sur les donations de biens présents (section 1) et sur les avantages matrimoniaux qui ont pris effet au cours du mariage (section 2) ? C’est à ces deux questions que nous allons essayer de répondre maintenant. 216 Tel est le cas des donations par contrat de mariage ou de l’institution contractuelle consentie par contrat de mariage : en ce sens J.G. MAHINGA, « Les libéralités entre époux après la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 réformant le divorce », JCP (éd. G), 2005, I, 104. 217 V. par exemple : M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit & Patrimoine, mars 2005, n°135 p. 32 et s ; F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425, no 11 ; J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26. 67 Section 1 – L’incidence volontaire du divorce sur les donations de biens présents. Le maintien des donations de biens présents en cas de divorce comporte des inconvénients pour le donateur. Par exemple, sa quotité disponible sera réduite d’autant, ce qui va limiter les dispositions ultérieures en faveur d’un nouveau conjoint218. Or, la question de savoir si l’époux donateur peut subordonner la donation de biens présents au maintien du lien matrimonial n’avait pas beaucoup d’intérêt auparavant, compte tenu de l’ancien principe de l’irrévocabilité ad nutum qui permettait au donateur de révoquer discrétionnairement à tout moment la donation. Ainsi, si ce dernier ne souhaitait pas que la donation survive au divorce, il pouvait la révoquer, avant, pendant ou même après la procédure sur « un simple signe de la tête ». Il n’avait pas besoin d’aménager la donation pour être certain de pouvoir parvenir à ce résultat. Aujourd’hui, la question a pris une autre dimension avec le nouvel article 265 alinéa 1 et la suppression de leur libre révocabilité. Il est désormais nécessaire de se demander si le nouveau régime légal, que l’on a étudié dans le titre 1, interdit de façon absolue au donateur de reprendre ce qu’il avait donné au cours du mariage à son conjoint, au moment du divorce (§ 1) ou si quelques aménagements sont envisageables (§2). § 1 – La possibilité d’une révocation des donations de biens présents en cas de divorce Une telle étude doit se faire à la fois au regard du droit du divorce (A) et du droit des libéralités (B). A – Au regard du droit du divorce Il s’agit ici de se demander quelle est la nature du principe de non-incidence du divorce sur les donations de biens présents posé à l’article 265 alinéa 1 (1). Car si ce principe est d’ordre public, alors aucun aménagement ne permettrait d’y déroger. Dans le cas contraire il faudra vérifier si les aménagements ne viennent pas entraver la liberté de divorcer (2). 218 en ce sens : J. COMBRET, « Les aspects patrimoniaux de la réforme », Rev. Lamy droit civil, oct. 2004, p. 54. 68 1 – La nature de l’article 265 alinéa 1 Le caractère d'ordre public de cet article n'est pas établi. Tant que la Cour de cassation n’aura pas tranché, les deux thèses peuvent être soutenues. D’un coté, on pourrait penser que l’article 265, étant issu du droit du divorce, doit être impératif219. On peut également rappeler que les anciens articles 267 et suivants du code civil, qui organisaient le sort des donations, étaient d’ordre public pour en déduire que pareillement, le nouvel article 265 ne pourrait admettre aucune dérogation220. En faveur de cette thèse, il a aussi été mis en évidence le fait que le nouvel article 1096 suffisait à lui seul à maintenir les donations de biens présents en cas de divorce et que le rappel du principe à l’article 265 al.1 renforçait son caractère impératif221. Enfin, et surtout, on remarque que le législateur n’a pas organisé la constatation par le juge d’une volonté contraire pour ces dispositions alors qu’il l’a fait pour celles de l’alinéa 2. Ce silence est sans doute volontaire et signifierait que le législateur n’admettait aucune exception à la règle222. Si cette thèse se trouve consacrée, le donateur ne pourrait pas faire renoncer à l’avance le donataire à son droit au maintien de la donation en cas de divorce. En revanche, le donataire aurait la faculté de renoncer à ce droit une fois que celui-ci est ouvert, c’est-à-dire au moment du divorce223. La renonciation sera alors à négocier entre les époux mais le donataire restera dans une position de force. D’un autre côté, la tendance générale à la contractualisation du droit de la famille, que la réforme de 2004 a confirmée en montrant sa faveur pour les accords entre époux et en leur donnant plus d’effets224, conduit à un déplacement « des frontières du pouvoir de la volonté et de l’ordre public »225. L’esprit général de la réforme laisse penser que l’article 265 alinéa 1 est supplétif226. Par exemple, l’article 267 du code civil prévoit qu’à défaut d’un règlement 219 F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425, no 11 220 J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire : Dr. & patrimoine, févr.2005 p.26 221 J. COMBRET, « Les aspects patrimoniaux de la réforme », Rev. Lamy droit civil, oct. 2004, p. 54, mais l’auteur soutient la thèse du caractère supplétif de l’article 265. 222 J. VASSAUX, art. préc. spéc. p. 36. 223 D. MONTOUX, J. LAFOND et J.-F. PILLEBOUT, « Divorce par consentement mutuel », JCP éd. N 2004, I, n°1597, p. 1866. 224 Par exemple les articles 265-2 ou 268 du code civil ou l’encouragement de la médiation familiale marquent l’essor du « négocié familial ». 225 J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°2. 226 En ce sens, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, art. préc. n°4 : « (…) il ne serait pas moins regrettable que l'interprétation du texte, sur les inévitables points la nécessitant, se fasse dans un esprit délibérément décalé, oublieux du recul voulu de l'ordre public et de l'entrée du divorce dans le champ à la fois de la prévisibilité conventionnelle et de la transaction homologuée » ; A. DELFOSSE et J.-F. PENIGUEL, « Libéralités entre époux, avantages matrimoniaux et réforme du divorce », JCP (éd. N) 2004, I, n° 1588, p. 1822 ; J. COMBRET, art. préc.: « à aucun moment n’apparaît une volonté de limiter la liberté contractuelle ». 69 conventionnel entre les époux, le juge en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Ce règlement conventionnel devrait pouvoir se faire en dérogation de l’article 265 du code civil. De plus, on ne retrouve plus l’idée de sanction de l’époux fautif et de protection du conjoint innocent qui inspirait l’ancien système et qui permettait de justifier son caractère d’ordre public227. En effet, le nouvel article 265 du code civil contribue à la volonté du législateur de pacifier les divorces. Toute idée de sanction a, pour cela, été exclue du règlement des conséquences patrimoniales du divorce. Alors que l’ancien article 267 prévoyait expressément la conservation pour l’époux innocent des donations qui lui avaient été consenties, et que les articles suivants organisaient précisément le maintien ou la révocation des libéralités, le nouvel article 265 al. 1 ne pose qu’un simple principe général d’absence d’incidence du divorce sur ces dispositions. Le législateur de 2004 n’a pas exprimé catégoriquement une volonté de maintien de ces libéralités en cas de divorce228. Dans ces conditions, rien ne semble empêcher le donateur de prévoir volontairement l’incidence du divorce sur la donation. Ce qui compte, c’est que l’on puisse déterminer avec certitude le sort de ces dispositions au moment du divorce, sans avoir à en discuter. Les époux ont pu anticiper eux-mêmes la question et leur volonté est respectée. Ou alors, ils n’ont rien prévu et l’article 265 règle le problème. Si la révocation joue au moment du divorce, le juge pourra toujours la prendre en compte dans l’attribution éventuelle de la prestation compensatoire. Le principe de concentration des effets du divorce au moment de son prononcé est ainsi respecté. La renonciation du donateur à invoquer, au moment du divorce, son droit à renonciation qu’il s’était contractuellement réservé serait toujours possible. Mais cette fois, ce serait lui qui serait en position de force. Cela pourrait contribuer à rassurer les donateurs et donc, au développement de ces donations. La rédaction de l’article 265 al. 1 ainsi que l’esprit général de la réforme nous font penser, comme la doctrine majoritaire, que ce texte est supplétif. Une clause contractuelle peut donc écarter le jeu de cet article pour déterminer elle-même le sort de la donation en cas de divorce. Cette dérogation ne doit toutefois pas compromettre la liberté de divorcer. 227 J.G. MAHINGA, « Les libéralités entre époux après la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 réformant le divorce », JCP (éd. G), 2005, I, 104. 228 M.P. MURAT-SEMPIETRO, « Réforme du divorce et pratique notariale », JCP (éd. N.) 2005, aperçu rapide, p.1. 70 2 – La sauvegarde de la liberté de divorcer Une clause de révocation de plein droit de la donation en cas de dissolution du mariage par divorce constituerait-elle un empêchement au droit fondamental de divorcer ? Selon Monsieur Grimaldi, « nul, si bien intentionné soit-il, ne doit pouvoir user d’un levier patrimonial pour tenter d’imposer l’idée qu’il se fait des intérêts matrimoniaux d’autrui »229. Il n’y a pas de jurisprudence sur la question à propos des donations de biens présents mais le problème a déjà été porté devant les tribunaux pour d’autres dispositions. La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer en faveur de la validité d’une clause de non-divorce stipulée dans un avantage matrimonial230. La doctrine ne conteste plus sa licéité et la pratique l’utilise aujourd’hui couramment231. Une telle clause était aussi valide dans les donations de biens à venir entre époux si elle n’était pas inspirée par la volonté de limiter la liberté du conjoint de demander le divorce232. Elle ne présente plus d’intérêt aujourd’hui dans ces donations de biens à venir233, de la même façon qu’elle ne présentait pas d’intérêt avant la réforme dans les donations de biens présents. Pour ces dernières, la question peut maintenant être posée. Il ne semble pas que la clause soit plus contraignante pour le donataire que celle qui était stipulée dans un avantage matrimonial ou une donation de biens à venir. De plus, sous l’ancienne législation, la perspective de perdre ses donations à cause de la révocabilité ad nutum, n’empêchait pas le donataire de demander le divorce. La démarche serait la même aujourd’hui sauf que cette perspective de perte résulterait d’une clause contractuelle. Et si une injustice pouvait résulter de la perte des donations, elle apparaîtrait au moment du divorce et pourrait toujours être compensée, ce qui devrait réduire les inquiétudes du donataire. Cette compensation ne serait peut être pas envisageable si la libéralité avec la clause de non-divorce ne provenait pas de l’époux mais d’un tiers. Mais ce n’est pas l’hypothèse étudiée. En réalité, ces clauses relatives à l’état matrimonial sont réputées objectivement licites par la Cour de cassation qui apprécie in concreto le mobile qui animait le disposant234. Elles ne seront annulées que si ce mobile était répréhensible235. Or, la volonté de l’époux de conditionner sa donation au maintien du lien matrimonial ne relève pas forcément d’une 229 M. GRIMALDI, Libéralités, Partages d’ascendants, Litec 2000, n°1204, p.146. Cass. civ., 10 mai 1937, DH 1937, p. 361. 231 V. M. GRIMALDI, op. cit., note 268, p. 145. 232 Rép. min. à QE no 46334, JO AN Q. 2 juill. 1984, p. 3072 ; J.-F. SAGAUT, « La clause de révocation de l’institution contractuelle post nuptias entre époux en cas de dissolution de l’union par divorce », Mélanges Georges DAUBLON, éd. Defrénois, mars 2001, p. 275. 233 Puisque l’objet de la clause a été repris à l’alinéa 2 de l’article 265 du code civil. 234 Cass. civ., 22 déc. 1896, DP 1898, I, p. 537, concl. Desjardins. 235 Sur la question, V. M. GRIMALDI, op. cit., n°1204, p. 142 et s. 230 71 intention malveillante. Elle s’accorde même avec la nature de cette libéralité matrimoniale où l’intention libérale trouve sa cause dans le statut matrimonial. L’objectif du donateur n’est pas de nuire à la liberté du donataire mais plutôt de protéger ses propres intérêts patrimoniaux. Cette clause ne semble donc pas pouvoir être considérée comme un instrument de chantage qui limiterait la liberté du donataire pour demander le divorce. Les obstacles à sa validité ne sont pas issus du droit du divorce. On pouvait le deviner avec l’utilisation du concept d’absence d’incidence du divorce dans l’article 265 alinéa 1. L’idée est que le divorce n’interfère pas automatiquement sur le droit des libéralités. La libéralité continue à produire ses effets même s’il y a divorce, sauf si le donateur en a décidé autrement dans le contrat. Dès lors, les obstacles pourraient peut-être provenir du droit des libéralités. B – Au regard du droit des libéralités Avec la modification de l’article 1096 du code civil, le régime des donations entre époux de biens présents a été dérangé. Si celles-ci demeurent exclues du principe de l’irrévocabilité spéciale des donations (1), elles ont en revanche été réintégrées dans le principe ordinaire d’irrévocabilité des contrats (2). L’étude de ces deux points fera peut être apparaître quelques obstacles à la validité de la clause étudiée. 1 – Des libéralités exclues de l’irrévocabilité spéciale des donations Cette règle est annoncée à l’article 894 du code civil qui définit la donation entre vifs comme un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée, en faveur du donataire qui l’accepte. Mais elle est énoncée clairement à l’article 944 du code civil selon lequel : « toute donation entre vifs faite sous des conditions dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur sera nulle »236. Elle pose, concrètement, « l’interdiction pour le donateur de se réserver dans l’acte, donc par avance et avec l’accord du donataire, le moyen de reprendre, directement ou indirectement, ce qu’il donne »237. Cette 236 237 V. M. GRIMALDI, op. cit., n° 1208 et s. p. 151. M. GRIMALDI, préc. 72 règle, parfois contestée dans son principe238 et dans sa sanction239, fonde une « irrévocabilité renforcée »240, qui s’opposerait à la validité de la clause résolutoire en cas de divorce. Cependant, aux termes de l'article 947 du Code civil, il est prévu que « les quatre articles précédents ne s'appliquent point aux donations dont est mention aux chapitres VIII et IX du présent titre » . Cela signifie que les donations matrimoniales sont exclues de la règle de l’irrévocabilité spéciale des donations. Cette dérogation vise les donations consenties par contrat de mariage241, pour lesquelles le régime n’a pas été modifié par la réforme. Elle concerne aussi les donations entre époux consenties pendant le mariage. Du fait de l’ancien article 1096, on admettait que ces donations ne dérogeaient pas en soi à l’irrévocabilité spéciale mais plus généralement à l’irrévocabilité des contrats de l’article 1134242. Mais le nouvel article 1096 réintègre, on le verra, les donations de biens présents dans le principe général d’irrévocabilité des contrats. Ce retour au droit commun doit se faire dans la limite de l’irrévocabilité spéciale des donations. Comme celles consenties par contrat de mariage, les donations faites pendant le mariage dérogent toujours à cette irrévocabilité spéciale des donations243. Cette dérogation, qui « constitue une marque de faveur législative aux donations matrimoniales »244, dont le législateur de 2004 n’a pas eu l’intention de remettre en cause, permet de justifier la validité des donations de biens à venir entre époux. Elle nous permet aussi d’envisager la clause résolutoire dans les conditions du droit commun des contrats. 238 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit civil. Les successions, les libéralités, Defrénois, 2004, no 431 pour qui la règle est anachronique et devrait être abrogée; contra : H.LÉCUYER, « L’irrévocabilité spéciale des donations », in Mélanges P. CATALA, Litec, p. 405. 239 G. CHAMPENOIS, note sous Cass. 1re civ., 25 nov. 1986, no 84-12.796, Bull. civ. I, no 280, Defrénois 1987, art. 34056, p. 1119 : « La sanction de la prohibition des donations sous condition potestative ne joue qu’en faveur du donateur. En effet, de deux choses l’une. Ou bien nul n’invoque la nullité de la condition potestative insérée dans la donation. Le donateur est alors libre de reprendre le bien donné par la simple exécution de la condition. Ou bien – est cela paraît a priori plus probable – l’annulation de l’acte est demandée et obtenue et le résultat pratique est le même ». Mais même si le résultat est identique pour le donateur, l’intérêt de reconnaître la validité de la clause est pour le donataire d’éviter que la nullité de la donation soit invoquée par un tiers, par exemple un héritier, si le divorce n’a pas lieu. 240 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, op. cit. n°430. 241 CA Pau, 9 sept. 1997, inédit. 242 H.LÉCUYER, art. préc. p.415 ; M. GRIMALDI, op. cit., n°1209, p. 153 : « soustraites par la loi, qui les déclare révocables ad nutum, à l’irrévocabilité ordinaire des contrats, ces donations le sont a fortiori à l’irrévocabilité spéciale des donations ». 243 En ce sens, V. C. BRENNER, « Brèves observations sur la révocation des donations entre époux après la loi du 26 mai 2004 », Defrénois 2005, art. 38084, p. 96 et suiv., spéc. n° 24. Contra : C. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce », L.P.A., 21 juillet 2004, no 145, p. 10 et suiv. ; S. PIEDELIÈVRE, « L'aménagement des libéralités entre époux par la loi du 26 mai 2004 », D. 2004, chron. 2512, spéc. no 11 ; F. SAUVAGE, art. préc. spec. n° 11; J. VASSAUX, art. préc., sépc. 38. 244 H.LÉCUYER, art. préc. p.415. 73 2 – Des libéralités réintégrées dans le principe ordinaire d’irrévocabilité des contrats Les donations entre époux étaient soustraites de ce principe, proclamé à l’article 1134 du code civil, à cause de leur libre révocabilité245. Aujourd’hui, elles sont retombées sous son empire avec la modification de l’article 1096. Tout d’abord, l'irrévocabilité ordinaire des contrats interdit à une partie, après qu'une convention a été conclue, de la rompre unilatéralement. Ainsi, une clause qui aurait pour objet de rétablir l’ancienne révocabilité ad nutum serait contraire à cet article. Ce n’est pas ce type de clause que nous envisageons. Ensuite, selon l’article 1134 alinéa 2, les conventions peuvent être révoquées pour les causes que la loi autorise, en l’espèce les articles 953 à 958 déjà étudiés, ou par consentement mutuel. Cette possibilité est susceptible d’être envisagée au moment d’un divorce par consentement mutuel par exemple. Aussi, conformément au droit commun des contrats, l’obligation peut être affectée d’une modalité l’inscrivant dans le temps. On peut penser au terme qui est un événement futur et certain dont dépend l’exigibilité ou l’extinction de l’obligation. Mais pour l’hypothèse qui nous intéresse, la stipulation d’un terme n’est pas adaptée car si la dissolution du mariage est bien un événement futur et certain, sa dissolution par divorce est un événement incertain. Le recours à la stipulation d’une condition est plus adéquat246. L’avantage est que « le mécanisme de la condition permet aux parties à un acte juridique d’anticiper en toute sécurité un événement futur, dont elles espèrent ou même sont convaincues qu’il se réalisera ou ne se réalisera pas, sans cependant pouvoir en être certaines »247. La condition ne doit toutefois pas être potestative248, c’est à dire dépendre de la volonté du donateur. Ce n’est pas le cas lorsque l’action en divorce est intentée par le donataire. La condition serait mixte, et donc valable, si l’action était intentée par les deux époux ensemble. La potestativité pourrait apparaître lorsque c’est le donateur qui demande le divorce249. Mais le prononcé du divorce fait toujours intervenir un juge, donc un tiers. Et s’il apparaissait vraiment que la demande de divorce était uniquement motivée par l’intention de faire jouer la 245 V. M. GRIMALDI, op. cit., n° 1599, p. 449. Article 1168 du code civil : « L’obligation est conditionnelle lorsqu’on la fait dépendre d’un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu’à ce que l’événement arrive, soit en la résiliant, selon que l’événement arrivera ou n’arrivera pas ». 247 F. TÉRRÉ, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligation, précis Dalloz, 8è éd., 2002, n° 1218, p. 1131. 248 Article 1174 du code civil. 249 D’autant plus que la loi de 2004 consacre quasiment un droit au divorce avec le divorce pour altération définitive du lien conjugal. 246 74 clause résolutoire, il y aurait certainement violation de l’article 1134 alinéa 3 qui prévoit que les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Enfin, il faut rappeler que la condition accomplie a un effet rétroactif. Cela peut être intéressant pour le donateur mais dangereux pour les tiers. Il faudra garantir leur sécurité juridique. A l’issue de cette étude, il résulte que la révocation conventionnelle des donations de biens présents en cas de divorce peut être théoriquement envisagée, sous réserve de quelques précautions. Il faut maintenant voir quels sont les moyens concrètement envisageables pour parvenir à ce résultat. §2 – Les moyens concrètement envisageables Le donateur peut toujours tenter de négocier une révocation au moment du divorce (B). Mais pour que l’organisation volontaire de la révocation soit pleinement efficace, il ne faut pas qu’elle dépende de la volonté du donataire250. Le donateur doit pour cela avoir anticipé conventionnellement la question du divorce (A). A – L’anticipation du divorce par le donateur. Elle peut se faire dans le contrat de donation (1), et peut-être même dans le contrat de mariage (2). 1 – Dans le contrat de donation Le divorce n’est plus un phénomène sociologiquement marginal. Par conséquent, il n’est plus malsain de l’envisager au moment du consentement d’une libéralité251. Ainsi, la stipulation de l’usufruit successif pourrait être faite sous condition résolutoire du prononcé du divorce au jour du décès du disposant. Si la condition ne se réalise pas, le conjoint survivant pourra en profiter, dans le cas contraire, la libéralité serait anéantie rétroactivement252. Cette clause n’aurait aucune incidence fiscale pour ce cas particulier de l’usufruit successif. En effet, les droits de mutation du bénéficiaire du second usufruit seront déterminés et payables au jour du décès du premier usufruitier253. Mais si un divorce est intervenu avant, la clause résolutoire va 250 V. C. BRENNER, art. préc. n°22. En ce sens, V. J.-F. SAGAUT, art. préc. p. 287. 252 Pour une étude complète des conséquences de cette clause V. M. IWANESKO, « Le danger des donations de biens présents entre époux », B.PAT. 2004 n°5 p.3 et s. 253 art. 676 CGI. 251 75 jouer et le second bénéficiaire va perdre ses droits. Il n’a encore payé aucun droit de mutation à ce moment-là. En revanche, la stipulation d’une condition résolutoire dans une donation de biens présents peut avoir de lourdes conséquences fiscales. Cette donation donne en effet lieu à la perception immédiate des droits de mutation à titre gratuit. Et en cas de réalisation de la condition, l’effacement rétroactif de la donation ne donne pas lieu à la restitution des droits antérieurement perçus254. Cet inconvénient peut néanmoins être nuancé du fait de l’abattement de 76000 euros dont bénéficient les donations entre époux. La rétroactivité pourrait porter atteinte aux droits que le donataire a consentis aux tiers sur le bien donné255. Pour éviter tout problème ultérieur, il faudrait faire renoncer le donateur à la clause de non divorce, au moment de la cession des droits sur le bien par le donataire à un tiers. Il serait peut être aussi opportun d’ajouter à la clause résolutoire une clause d’inaliénabilité c’est-à-dire une stipulation par laquelle le disposant interdit au gratifié d'aliéner le bien donné256. L’inconvénient de cette technique de la condition est qu’il faut un acte support, donc un contrat de donation qui est en principe un contrat solennel257. Or, en pratique, la plupart des donations entre époux échappent aux règles de forme. Le domaine d’application de ce procédé est donc très réduit. Cela va peut-être encourager les donateurs à recourir à l’acte authentique. Il faut néanmoins préciser que des pactes adjoints peuvent être apposés aux dons manuels. Or, il est admis que ces pactes peuvent contenir une clause de retour258. De la même façon, ils devraient pouvoir renfermer une clause de non divorce. Dans les autres cas, le remède est peut-être à rechercher dans le contrat de mariage. 2 – Dans le contrat de mariage L’idée est la suivante : les époux prévoient dans leur contrat de mariage que toutes les donations, quelle que soit leur forme, qu’ils vont pouvoir se consentir pendant l’union seront révoquées en cas de divorce, par dérogation à l’article 265 du code civil259. Sous réserve de la 254 Art. 1961 al. 1 CGI. Les droits des tiers sont quand même garantis pour les meubles, par l'article 2279 du Code civil et, pour les immeubles, par l'opposabilité de la clause, liée à sa publication sur les registres de la publicité foncière (D. no 5522, 4 janv. 1955, art. 28,2o, portant réforme de la publicité foncière, JO 7 janv., p. 346) 256 Les conditions de validité de cette clause sont strictes. Elle doit être temporaire et justifiée par un intérêt légitime et sérieux. V. sur la question M. GRIMALDI, op. cit., n°1221, p. 167. Mais en l’espèce sa validité ne devrait pas poser de difficulté. 257 L’article 931 du code civil impose l’acte notarié à peine de nullité de la donation. 258 M. GRIMALDI, op. cit., n° 1307, p. 234. 259 J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°3 : « A ceux qu’étonnerait ou choquerait cette idée de prévoir une 255 76 protection des droits des tiers, cette clause ne devrait pas poser de problème de validité. Il est admis que le contrat de mariage puisse contenir des dispositions étrangères au régime matrimonial et nous avons démontré que l’article 265 alinéa 1 était supplétif. La contractualisation du divorce aurait ainsi des répercussions en amont dans l’organisation ab initio du mariage260. Mais on retrouve le même problème que précédemment. Dans une très grande majorité des cas, les futurs mariés n’établissent pas de contrats de mariage. Aussi, pour les personnes qui ont conclu un contrat de mariage avant la réforme, et pour les donations qui ont été consenties avant 2005, aucune clause d’anticipation n’a pu être prévue. Dans toutes ces situations, la dernière possibilité pour le donateur de récupérer son bien est la négociation. B – La négociation pendant la procédure de divorce Le donateur peut obtenir la révocation par un mutuus dissensus qui sera constaté par le juge261. Mais le donataire est en position de force. Il n’est pas obligé d’accepter et son accord risque d’être subordonné à une contrepartie. En aucun cas, le donateur ne pourrait demander la révocation de la donation au juge262. Le résultat est donc incertain pour lui. Par ailleurs, cette méthode peut avoir des conséquences fiscales lourdes si elle était qualifiée de donation en sens inverse263. En définitive, même si une place existe pour la volonté des époux d’organiser eux- mêmes le sort des donations de biens présents en cas de divorce, en pratique, la plupart de ces libéralités risque d’être toujours régie par l’article 265 alinéa 1. Car le moyen le plus efficace est l’anticipation. Or, seules les donations importantes, conclues par acte authentique, bénéficieront de la dérogation anticipée. Mais pour éviter tout litige, il faut bien que la clause soit incontestable. L’acte authentique permet de garantir cette sécurité. Les notaires seront également appelés pour l’anticipation du divorce sur les avantages matrimoniaux de l’article 265 alinéa 1. séparation, il peut être répondu que prévoir n’est pas réaliser, que ce n’est pas parce que l’on fait son testament qu’on meurt ». 260 Pour le développement de cette idée, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, art. préc. 261 Par exemple, dans le cadre des conventions de l’article 268. 262 Hormis les causes légales. 263 C. BRENNER, art. préc. n°22 77 Section 2 – L’incidence volontaire du divorce sur les avantages matrimoniaux de l’article 265 alinéa 1 du code civil Le règlement du sort des avantages matrimoniaux touche à la liquidation du régime matrimonial. A ce moment précis, le régime est déjà dissout et les époux peuvent aménager librement les modalités de cette liquidation car le principe d’immutabilité du régime matrimonial ne joue plus. Le nouvel article 265-2 du code civil prévoit dans ce sens que les époux peuvent, pendant l’instance en divorce, passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial. Dans le cadre de ces conventions, il est possible qu’ils reviennent, d’un commun accord, par exemple sur l’apport d’un bien à la communauté264. Mais l’accord entre les époux au moment du divorce sera souvent difficile à obtenir. L’époux avantagé n’est pas obligé d’accepter la négociation d’autant qu’il sait que l’article 265 alinéa 1 le protège dans ses droits. Dans ces conditions, la solution la plus sûre pour le gratifiant est d’anticiper le problème en utilisant le mécanisme de la condition. De la même façon que pour les donations de biens présents, ce n’est pas le droit du divorce qui s’oppose à d’éventuelles clauses de révocation. Les obstacles pourraient plutôt venir du droit des régimes matrimoniaux (§ 1). Mais ces obstacles ne sont pas absolus et le principe de la liberté des conventions matrimoniales autorise à proposer quelques aménagements permettant de répondre à la volonté des époux (§ 2). § 1 – Les obstacles à la révocation par anticipation des avantages matrimoniaux en cas de divorce Les époux peuvent-ils adopter un régime de communauté universelle sous condition résolutoire de la survenance d’un divorce ? Pour la doctrine, un tel contrat de mariage conditionnel est prohibé en raison de deux principes issus du droit des régimes matrimoniaux. Il s’agit du principe général d’immutabilité du régime matrimonial (A) et du principe, encore plus général, d’unicité du régime (B). 264 Pour une formule, V. D. MONTOUX, J. LAFOND et J.-F. PILLEBOUT, « Divorce par consentement mutuel », JCP (éd. N) 2004, I, n°1597, p. 1866. 78 A – Le principe d’immutabilité du régime matrimonial Ce principe signifie que, contrairement au droit commun où les parties peuvent modifier ou anéantir leur convention d’un commun accord, « les époux sont dans l’impuissance de toucher, par leur seule volonté commune, à leur statut matrimonial »265. Depuis la réforme du 13 juillet 1965, le changement de régime matrimonial est toutefois permis mais sous le contrôle du juge266. Mais cet assouplissement du principe d’immutabilité ne permet pas d’autoriser une mutabilité par anticipation du régime où les époux auraient adopté une communauté universelle en prévoyant un retour à la communauté réduite aux acquêts en cas de divorce. Néanmoins, ce principe est en constant déclin (1) et ce déclin a même été précipité avec la réforme du 26 mai 2004 qui a supprimé la libre révocabilité des donations entre époux (2). Cette considération permettra peut être un jour de valider l’hypothèse proposée. 1 – Un principe en constant déclin Trois fondements expliquent le principe d’immutabilité du régime matrimonial267 : l’idée que le contrat de mariage est un pacte de famille ; la protection du conjoint contre l’influence prépondérante de l’autre ; la protection des tiers. On peut se demander s’ils sont encore justifiables aujourd’hui. Par ailleurs, il a été montré que les atteintes indirectes à ce principe se multiplient268. L’auteur a ainsi démontré que désormais « tout un pan des rapports pécuniaires des époux entre eux lui échappe269 » : celui des transferts patrimoniaux onéreux ( avec les ventes270 et les sociétés entre époux271) et celui des transferts de valeurs motivés par l’idée de solidarité conjugale ( avec le développement des achats pour autrui des époux séparés en biens, de l’assurance vie entre époux, de la réversion de rente viagère ou d’usufruit, de la tontine). Messieurs Malaurie et Aynès reconnaissent aussi que « les idées en la matière évoluent lentement mais fortement »272. Un pas supplémentaire a d’ailleurs été franchi par la loi du 26 mai 2004. 265 A. COLOMER, Droit civil – Régimes matrimoniaux : Lexis Nexis Litec, 2004, 12è éd., n° 336. Article 1396 du code civil. 267 V. A. COLOMER, op. cit. n° 338 p. 157. 268 N. PETRONI-MAUDIÈRE, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Th. Limoge 2000, Presses universitaires de Limoges, préface B. Vareille 269 N. PETRONI-MAUDIÈRE, préc., n°376, p. 484. 270 Qui portent atteinte à la composition des patrimoines. 271 Qui portent atteinte à la composition des patrimoines et aux règles de gestion. 272 Ph. MALAURIE et L. AYNÈS, Droit Civil, Les régimes matrimoniaux : éd. Defrénois 2004, p. 99. 266 79 2 – Un déclin précipité avec la suppression de la libre révocabilité des donations entre époux L’immutabilité était aussi justifiée parce qu’une modification aurait permis de rendre irrévocables des donations entre époux alors que leur libre révocabilité, principe d’ordre public, visait à protéger les abus d’influence entre époux. Comme on avait pu le prédire, « la suppression de l’article 1096 entraînerait nécessairement la disparition du principe d’immutabilité du régime matrimonial en tant qu’il prohibe le changement de qualification d’un bien sans contrepartie »273. C’est aujourd’hui chose faite. Ce bouleversement va sans doute réveiller le débat sur l’opportunité du maintien de l’homologation judiciaire de l’article 1397 du code civil274. L’évolution tend vers la libre mutabilité des régimes matrimoniaux, ce qui ouvrirait la porte à la validité des régimes matrimoniaux conditionnels, très utiles pour les époux qui souhaitent anticiper à la fois la protection du conjoint survivant et la protection de leurs propres intérêts en cas de divorce. Mais avant de pouvoir envisager de tels avantages matrimoniaux ou régimes matrimoniaux conditionnels, il faut aussi tenir compte de la force du principe d’unicité du régime matrimonial. B – Le principe d’unicité du régime matrimonial Ce principe condamne les contrats de mariages affectés d’un terme ou d’une condition. Mais son fondement est contesté (1) et les règles du droit international privé affaiblissent sa portée (2). 273 LUCET (F.), Des rapports entre régime matrimonial et libéralités entre époux, thèse Paris II, 1987, n°314, note 44. 274 Sur ce points, V. notamment : Ph. MALAURIE « Changement conventionnel de régime matrimonial et suppression de l'homologation judiciaire », Defrénois 1998, art. 36845, p. 913, qui trouvait que le débat sur l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial s’était endormi ; voir aussi LANGLADE-O'SUGHRUE, « Pour la liberté totale de changer de régime matrimonial », J.C.P. 1992. I, p. 251 ; S. FRÉMEAUX, « L'avenir de l’homologation judiciaire du changement de régime matrimonial », Defrénois 2000, art. 37166 ; et le Voeu du 75e Congrès des notaires, La Baule,1978 ainsi que la proposition de la commission présidée par F. DEKEUWERDÉFOSSEZ (Rénover le droit de la famille) de supprimer le contrôle judiciaire sur le changement de régime matrimonial. 80 1 – Un fondement contesté. Comme le reconnaît Monsieur Colomer, « en théorie pure, la stipulation d’une condition, qu’elle soit suspensive ou résolutoire, ne porte assurément aucune atteinte au principe de l’immutabilité du régime matrimonial, puisque l’événement mis en condition opère avec rétroactivité : les époux sont censés n’avoir été soumis qu’à un seul et même régime »275. Pour renforcer la prohibition des contrats de mariage conditionnels, qui pourraient être en pratique dangereux pour les tiers, il a fallu faire appel à ce principe d’unicité. On peut ici rappeler la démonstration de Boulanger : « pour justifier la nullité de la stipulation d’un terme, il faut faire appel à un principe encore plus général que le principe de l’immutabilité des conventions matrimoniales, et dont celui-ci contribue, pour sa part, à assurer le respect : le principe informulé, mais impliqué par l’ensemble de la réglementation légale, de l’unicité du régime matrimonial. La volonté de la loi est que, pendant le mariage, il n’y ait qu’un seul régime. Un changement ne peut résulter que d’une décision du juge, lorsque la loi le permet. Il ne peut être la conséquence de la simple volonté des parties, même lorsque celle-ci s’est exprimée dans le contrat de mariage »276. Mais depuis la réforme du 13 juillet 1965 les époux peuvent être soumis à plusieurs régimes différents au cours de leur mariage, en ayant recours à la procédure de changement de régime matrimonial. La réglementation légale contient désormais un texte, l’article 1397, qui contredit ce principe277. Cette contradiction est renforcée depuis l’entrée en vigueur en France de La Convention de la Haye, du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux. 2 – Un principe menacé par les règles du D.I.P. La Convention de la Haye, du 14 mars 1978, entrée en vigueur le 1er septembre 1992 s’applique aux couples qui présentent un élément d’extranéité et bouleverse les grands principes du droit interne des régimes matrimoniaux 278 279. Elle offre d’abord la possibilité à ces couples de changer à tout moment de loi applicable à leur régime et l'article 1397-3 du code civil retient qu’à cette occasion, les époux peuvent désigner la nature du régime matrimonial choisi par eux. Ces règles permettent ainsi aux 275 A. . COLOMER, op. cit., n°378, p. 178. BOULANGER, sur PLANIOL et RIPPERT, t. 8, n°61-2, cité par A. COLOMER, op. cit. n°378 note 115. 277 Contra : A. COLOMER, op. cit., n°377 note 115. 278 Complétée par la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997modifiant le Code civil pour l'adapter aux stipulations de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux et organiser la publicité du changement de régime matrimonial obtenu par application d'une loi étrangère, publiée au J. O.du 29 Octobre 1997. 279 Sur cette Convention, V. G. DROZ , « Les nouvelles règles de conflit françaises en matière de régimes matrimoniaux », Rev. crit. DIP 1992, p. 631 ; M. REVILLARD, « Entrée en vigueur de la Convention de La Haye sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux », Defrénois 1992, p. 270. 276 81 époux de changer de régime matrimonial sans passer par l’homologation judiciaire. De plus, l’article 6 de la convention pose le principe de la rétroactivité de ce changement280. Ensuite, l’article 7 de la convention organise des changements automatiques de loi applicable au régime (et donc des changements automatiques de régimes) en fonction des déplacements des époux. Avec cette mutabilité automatique, les époux peuvent être soumis à différents régimes sans s’en rendre compte281. Enfin, elle autorise, en dérogation au principe d’unité du régime matrimonial, de soumettre certains immeubles à la lex rei sitae et donc à un régime matrimonial différent du régime principal des époux282. Ainsi, un Français et une Allemande peuvent établir en France un contrat de mariage en choisissant à titre principal le régime de la séparation de biens du droit français et la communauté différée des augments du droit allemand pour les immeubles qu'ils ont en Allemagne. De ce constat, on pourrait déduire que le principe de l’unicité a été évincé par la Convention de La Haye283. Mais les textes du code civil n’ont pas encore changé. Toutefois l’évolution se dirige dans ce sens. Comme le relève un auteur, « c’est l’attraction du traité qui sera observée, traité modèle, traité aimant qui attirera à lui le droit interne et imposera la métamorphose de ce dernier »284. Avant d’envisager les aménagements du contrat de mariage permettant de déroger au maintien de certains avantages matrimoniaux en cas de divorce, il faut donc considérer que les obstacles au régime matrimonial conditionnel existent toujours, même s’ils seront sans doute levés bientôt. § 2 – Les aménagements autorisés par le principe de la liberté des conventions matrimoniales. La pratique utilise déjà une clause de reprise par chaque époux des biens apportés en communauté universelle, en cas de divorce. Cette clause est très controversée mais devrait 280 Même si l’article 1397-4 du code civil ne l’a pas repris, ce qui crée un conflit entre la loi interne et la convention internationale, V. sur ce point D. BOULANGER «Premier regard sur la loi n° 97-987 du 28 octobre 1997 » JCP (éd. N) 1997 n° 50, p. 1525. 281 Sur cette mutabilité automatique de l’article 7 de la convention, V. par exemple : M. RÉVILLARD, « Premier bilan d’application de la convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux régimes matrimoniaux » in mélanges G. DROZ 1996, p.386 ; R.CRÔNE, « Le changement automatique de loi applicable au régime matrimonial : une bombe à retardement », Defrénois 2001, art. 37396, p. 1026. 282 Article 3 de la Convention. 283 N. PETRONI-MAUDIÈRE, op. cit., n°359, p. 464 : « Un principe général (implicite) du droit interne peut-il survivre lorsque la France adhère à une convention internationale de valeur supérieure au droit interne, qui le réfute ? » 284 H. LECUYER, « Les régimes matrimoniaux : le droit international privé modèle du droit interne ? », LPA 2001, n°62 p. 49. 82 toujours pouvoir satisfaire la volonté des époux (A). Nous verrons ensuite si d’autres techniques permettraient d’éviter qu’un époux profite encore après le divorce d’un avantage qui avait pris effet en cours d’union (B). A – La clause controversée de reprise des biens apportés à la communauté universelle. Le régime de communauté universelle est adopté dans la perspective d’une dissolution du mariage par décès pour protéger le conjoint survivant. Il est en revanche inadapté au divorce. Or, il paraît normal que les époux ne souhaitent pas que le règlement de leurs intérêts pécuniaires prenne la même consistance en cas de décès ou de divorce. On leur conseille alors souvent d’y inclure une clause de sauvegarde en vertu de laquelle chaque époux pourra reprendre les biens apportés à la communauté et les biens advenus à titre personnel, le surplus étant partagé par moitié entre eux285. Cette clause écarterait ainsi le maintien de la communauté universelle prévu à l’article 265 alinéa 1. Il faut donc voir si elle est valide au regard du droit des régimes matrimoniaux (1) et si elle est efficace au regard du droit du divorce (2). 1 – La validité de la clause de reprise au regard du droit des régimes matrimoniaux Ce qui pose problème avec cette clause c’est qu’elle a pour objet de revenir sur un régime matrimonial qui a déjà produit ses effets. La question de sa nature et de sa validité s’est posée devant les tribunaux. Le premier à en connaître fut le tribunal de grande instance de Strasbourg. Il a déclaré la clause nulle comme étant contraire au principe d’immutabilité des conventions matrimoniales au motif qu’elle réalise une succession de deux régimes matrimoniaux et en raison de son caractère rétroactif, portant atteinte aux droits des tiers286. Cette décision qui remettait en cause une pratique courante a été très critiquée, notamment par M. le Doyen Simler287. Cet auteur relève d’abord que la clause n’a pas pour effet de revenir rétroactivement sur la communauté universelle, les époux ayant pris soins d’écarter toute remise en question des droits acquis par les tiers avant la dissolution du régime. Il démontre ensuite que la clause ne joue qu’après que le régime soit dissous, donc à un moment où la 285 Cette clause s’est développée en Alsace et en Moselle et est ainsi souvent dénommée « clause alsacienne ». TGI Strasbourg, 17 sept. 1987 : JCP (éd. N) 1989, II, p. 109, note Ph. SIMLER. 287 Ph. SIMLER, note sous TGI Strasbourg, 17 sept. 1987, préc. ; note sous Colmar, 16 mai 1990, JCP (éd. N) 1991, II, p. 17. 286 83 liberté des époux n’est plus limitée par le principe d’immutabilité, pour changer les modalités de la liquidation. Il aboutit à la qualification d’opération de partage ayant pour objet une reprise à titre de biens commun. Cette analyse a été suivie par la Cour d’appel de Colmar qui a validé la clause288. La Cour de cassation a, à son tour, validé cette clause mais en l’analysant en une reprise à titre de propres289. Cette analyse signifierait que le bien apporté en communauté, donc commun, change rétroactivement de nature au moment de la reprise pour devenir un propre. La Cour de cassation aurait ainsi implicitement validé le régime matrimonial alternatif290. Certains auteurs pensent qu’il s’agit d’une inadvertance rédactionnelle291, d’autres estiment que l’arrêt est bien rendu292. Un auteur a aussi analysé cette clause comme une révocation anticipée d’un avantage matrimonial293. Elle en déduit qu’elle est illicite car elle porte atteinte à l’immutabilité du régime. En réalité, la technicité de ces débats peut sans doute s’expliquer par le besoin de valider une pratique qui répond à la demande des époux. Pour l’heure, elle est considérée comme licite par la jurisprudence et pour le justifier, la doctrine majoritaire considère qu’il s’agit d’une clause de liquidation alternative294. Cette analyse pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’efficacité de la clause au moment voulu, compte tenu du nouveau critère de l’article 265 du code civil. 2 – L’efficacité de la clause de reprise au regard du droit du divorce Cette clause prend effet au moment de la liquidation du régime. On pourrait penser qu’elle tombe alors sous le coup de l’article 265 alinéa 2 et est révoquée de plein droit295. Elle serait donc licite mais inefficace. 288 CA Colmar, 16 mai 1990 : Defrénois 1990, art. 34917, p. 1361, obs. G. CHAMPENOIS ; JCP (éd. N) 1991, II, p. 17 note SIMLER ; RTD civ. 1992, p. 171, obs. LUCET et VAREILLE. 289 Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 181 ; JCP (éd. G) 1993, II, 22108 ; JCP (éd. N) 1994, II, p. 38, note SIMLER ; D. 1993, somm. p. 220, obs. M. GRIMALDI ; Defrénois 1993, art. 35416, p. 34, note M.C. FORGEARD ; RTD civ. 1993, p. 187, obs. LUCET et VAREILLE. 290 A. COLOMER, op. cit., n°318 note 117. 291 P. CATALA, « Variations autour de la communauté universelle » : Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45 ; Ph. SIMLER, « La validité de la clause de liquidation alternative de la communauté universelle menacée par le nouvel article 265 du code civil », JCP (éd. N) 2005, I, 1264, p. 888. 292 M. Grimaldi, obs. sous Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 , D. 1993, somm. p. 220. 293 M.F. SALLE, « La communauté universelle et la clause de reprise en nature des biens tombés en communauté », D. 1994, chron. p. 34. 294 Compte tenu de l’évolution envisagée du droit des régimes matrimoniaux, la prise en compte des autres analyses est possible sans forcément déboucher sur une prohibition de la clause. 295 En ce sens, V. F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425 ; J. VASSAUX, « Les incidences de la réforme du divorce sur le rôle du notaire », Dr. et patrimoine févr. 2004, p. 26. 84 Mais peut-on considérer qu’elle constitue vraiment un avantage matrimonial ? M. le Doyen Simler objecte qu’il s’agit de son contraire : elle empêche qu’un avantage ne se réalise. Elle n’est dès lors pas concernée par l’article 265 du code civil296. Pourtant, la communauté universelle a bien produit ses effets jusqu’au divorce. La clause ressemble plus à une révocation de cet avantage. Dès lors, elle serait efficace en cas de divorce mais ne serait, pour l’instant, pas valide au regard du droit des régimes matrimoniaux. En réalité, quelle que soit l’analyse retenue pour admettre sa validité, les époux ont voulu, par cette clause, organiser eux-mêmes les conséquences du divorce sur cet avantage, par dérogation à l’article 265. Elle n’est en effet expressément envisagée en cas de divorce. Or, nous avons vu que ce texte est supplétif297. Il ne s’applique qu’à défaut de volonté contraire des époux. Il n’y a donc plus lieu de le faire jouer au moment où la clause prend effet. L’anticipation produit ici ses fruits et la volonté des époux est respectée. On peut même dire que son efficacité est renforcée avec la nouvelle législation car son action sera étendue à tous les types de divorces298. Ce n’est plus le droit du divorce qui s’oppose à la liberté des époux d’organiser ses conséquences patrimoniales. La clause de reprise des apports en cas de divorce, que nous venons d’analyser, se rencontre fréquemment dans les contrats de communauté universelle. Mais elle est transposable aux contrats de communauté de meubles et d’acquêts ou aux apports à titre particulier. Elle demeure un moyen efficace pour les époux qui souhaitent contrer les dispositions de l’article 265 alinéa 1, même si d’autres techniques sont envisageables. B – Les autres techniques envisageables. Pour les époux qui ne souhaitent pas qu’au moment du divorce le conjoint reste avantagé, il peut également leur être proposé d’aménager le mécanisme des récompenses (1) ou de différer les apports au jour du décès (2). 1 – L’aménagement du mécanisme des récompenses. Un auteur299 propose de stipuler que les apports à la communauté donneront lieu à récompense à la charge de la communauté et au profit de l’apporteur. Ces apports, on l’a vu dans le titre 1, 296 Ph. SIMLER, « La validité de la clause de liquidation alternative de la communauté universelle menacée par le nouvel article 265 du code civil », JCP (éd. N) 2005, I, 1264, p. 888. 297 Voir supra, section 1 § 1. 298 Sous la loi de 1975, elle la clause était tenue en échec par les articles 267 et 269 du code civil : V. P. CATALA, « Variations autour de la communauté universelle » : Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45. 299 M. GIRAY, « L’imbroglio des libéralités entre époux depuis la réforme du divorce », Droit & Patrimoine mars 2005, n°135 p. 32 et s. 85 seront maintenus, en cas de divorce, avec la clause de récompense qui les accompagne. Cela permettra à chaque conjoint de récupérer ses apports en valeur ou en nature selon les modalités de l’article 1471 du code civil. Mais pour que l’avantage profite quand même au conjoint survivant en cas de dissolution du mariage par décès, une autre stipulation peut prévoir une dispense de récompense dans cette hypothèse de dissolution. Cette stipulation, qui constitue un avantage matrimonial pour le conjoint survivant, sera révoquée de plein droit en cas de divorce en vertu de l’article 265 alinéa 2. C’est donc une autre hypothèse de liquidation alternative, valide et efficace. 2 – Des apports sous condition suspensive de dissolution de l’union par décès. L’idée serait de proposer une composition alternative de la communauté en fonction de la cause de sa dissolution. Celle-ci pourrait être élargie, en cas de décès, grâce à des apports de biens propres, et être réduite aux acquêts en cas de divorce. Il faudrait pour cela que les apports envisagés se fassent sous condition suspensive de dissolution pour cause de décès. Ils seraient différés à cette date. Si un divorce intervient avant, la condition ne se réalisera jamais et par conséquent l’apport ne sera jamais effectué, ce qui ne pose pas de problème de rétroactivité et donc de validité de la clause. En revanche en cas de décès, la condition se réalise et les biens propres, objet de l’apport, seront rétroactivement considérés comme des biens communs. La communauté sera ainsi élargie et il pourrait alors être prévu un partage inégal en faveur du survivant ou même son attribution intégrale à son profit. Mais le problème de la rétroactivité apparaît et pourrait entraîner l’annulation de la clause pour atteinte aux principes d’immutabilité et d’unicité du régime matrimonial. L’efficacité de cette clause en cas de divorce est certaine mais sa validité en cas de décès reste pour le moment douteuse. La réforme du divorce aura peut-être le mérite de redonner une impulsion à la jurisprudence qui reconnaîtra certainement un jour la validité des régimes matrimoniaux alternatifs. Il faudrait pour cela que la Cour de cassation confirme explicitement son arrêt du 16 juin 1992300. Les conséquences d’un éventuel divorce devraient en effet pouvoir être envisagées à 300 Cass. 1ère civ., 16 juin 1992 : Bull. civ. 1992, I, n° 181, préc. 86 un moment où les époux sont en accord. Le droit du divorce ne s’y oppose pas. Le droit des régimes matrimoniaux devrait leur en offrir les moyens. Avec ces clauses d’anticipation, dans les donations ou les contrats de mariage, l’esprit du nouveau système n’est pas atteint. Le sort de ces dispositions peut toujours être connu avant le prononcé du divorce avec certitude. Seul le résultat change, mais la base qui servira de référence pour l’attribution d’une éventuelle prestation compensatoire pourra toujours être connue aussi rapidement et elle sera aussi stable qu’avec l’application de l’article 265. Les effets du divorce restent concentrés au moment de son prononcé. C’est cet esprit qui doit aussi être conservé lorsque l’on envisage la dérogation au principe de l’alinéa 2 de l’article 265 du code civil, à savoir le maintien des dispositions légalement révoquées de plein droit. 87 Chapitre 2 – Le maintien volontaire des dispositions légalement révoquées Jusqu’à présent nous avons essayé de chercher des techniques pour contrer l’application de l’article 265 alinéa 1 et ainsi obtenir la révocation de dispositions légalement maintenues, dans un souci de satisfaire les intérêts du disposant. Ici, la révocation est organisée légalement. Et on ne voit pas immédiatement ce qui pourrait motiver le disposant à demander un maintien volontaire. Dès lors, les solutions proposées par l’article 265 du code civil paraissent paradoxales. En effet, tandis que l’intérêt d’obtenir une révocation conventionnelle est évident, l’article 265 al. 1 n’organise pas la situation ; en revanche, l’intérêt de s’opposer à l’article 265 al. 2 est peu flagrant et pourtant, le texte a prévu l’hypothèse. En réalité, cette hypothèse pourrait quand même s’avérer utile pour certaines dispositions qui prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial par divorce (Section 1). Cependant, elle semble inopportune et même dangereuse pour les dispositions qui ne vont produire leurs effets qu’au jour du décès de disposant (Section 2). On peut relever, au passage, que dans le cadre de l’organisation volontaire d’une révocation des dispositions visées à l’article 265 alinéa 1, le disposant peut toujours renoncer à invoquer son droit et ainsi maintenir volontairement ces dispositions qui étaient conventionnellement révoquées301. Section 1 – L’intérêt du maintien de certaines dispositions prenant effet à la dissolution du régime matrimonial par le divorce. La dissolution du régime matrimonial est liée au divorce. Les opérations de liquidation et de partage du régime peuvent être terminées au moment du prononcé du divorce302, sinon, la loi 301 Cette volonté pourra s’exprimer dans le cadre des conventions de l’article 265-2 ou 268 du code civil. Ce maintien est alors irrévocable compte tenu de l’article 1096 du code civil pour les donations de biens présents et de la liquidation de la communauté pour les avantages matrimoniaux. 302 Ces opérations sont obligatoirement terminées au moment du prononcé du divorce par consentement mutuel (article 230 et 232 du code civil). Elles sont encouragées et mieux intégrées dans la procédure pour les autres cas. Par exemple, dès le stade de la conciliation, le juge cherche à concilier les époux tant sur le principe du divorce que ses conséquences (article 252 du code civil), il les incite à régler ces conséquences à l’amiable (article 252 88 du 26 mai 2004 organise un calendrier afin d’accélérer le processus et de limiter sa durée à un an voire 18 mois après le prononcé303. Dans ces conditions, le maintien des avantages matrimoniaux qui prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial sera mis en œuvre rapidement et le conjoint bénéficiaire pourra en profiter définitivement. Ce maintien ne va pas créer de lien patrimonial entre les époux après le divorce. Les inconvénients sont alors réduits. Mais les avantages d’un tel maintien existent-ils ? Nous allons montrer qu’une réponse positive peut être apportée à cette question que ce soit pour le régime de la participation aux acquêts (§ 1) ou les régimes communautaires (§ 2). § 1 – Le maintien volontaire et le régime de la participation aux acquêts Nous avons vu que le régime de la participation aux acquêts est un régime matrimonial dont l’aspect communautaire n’apparaît qu’au moment de sa dissolution, en l’occurrence au moment du divorce. C’est à cet instant là aussi que les avantages matrimoniaux résultant de l’aménagement des modalités de sa liquidation prennent effet. Or l’article 265 alinéa 2 prévoit leur révocation de plein droit. Mais souvent, les époux organisent dans leur contrat de mariage une liquidation de ce régime qui protège au maximum le conjoint survivant en cas de dissolution du mariage par le décès, et alternativement une liquidation a minima en cas de divorce. Ils organisent ainsi eux-mêmes les conséquences d’un divorce sur les avantages matrimoniaux qui en résultent. Avec le nouvel article 265 du code civil cette prévision sera-t-elle respectée au moment voulu ? La possibilité de déroger à l’article 265 alinéa 2 ne fait aucun doute. Le problème éventuel qui pourrait surgir est celui de savoir si l’on peut renoncer à l’avance à la révocation de plein droit. Rien ne semble s’y opposer. Comme l’ont justement relevé Messieurs les Professeurs Hauser et Delmas-Saint-Hilaire, « le texte de l’article 265 ne dit pas que la volonté de l’époux qui veut maintenir doit être exprimée au moment du divorce, mais seulement constatée à ce du code civil). Dans le cadre des mesures provisoires, le juge peut désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager (article 255 10°). Enfin, la demande introductive d’instance doit comporter, à peine d’irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux (article 257-2). 303 Au moment du prononcé du divorce, si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255 contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de l’un ou l’autre des époux, statue sur les désaccords persistant entre eux (article 267 du code civil). Et si les opérations de liquidation et de partage ne sont pas achevées dans le délai d’un an après que le jugement de divorce est passé en force de chose jugée, le tribunal pourra éventuellement accorder un délai supplémentaire d’une durée maximale de six mois, à l’expiration duquel, il pourra statuer sur les dernières contestations subsistantes (article 267-1). 89 moment là, ce qui préserve l’hypothèse d’une volonté antérieurement exprimée »304. Le nouvel article 265 alinéa 2 ne remet donc pas en cause les modalités de la liquidation de la créance de participation voulue par les époux en cas de divorce (A). Cette liquidation implique le maintien d’avantages matrimoniaux pour le conjoint qui en bénéficie et risque alors de faire apparaître un déséquilibre significatif qui sera à compenser au profit du conjoint qui la subit (B). A – La liquidation conventionnelle de la créance de participation L’hypothèse étudiée est celle ou les époux ont aménagé la liquidation de la créance de participation pour le cas spécifique du divorce. La dérogation à l’article 265 alinéa 2 voulue par les époux doit alors être respectée305. Ces aménagements peuvent porter sur le calcul de la créance de participation (1) ou même sur l’exclusion de sa liquidation (2). 1 – Le calcul conventionnel de la créance de participation Nous pensons principalement à la clause qui prévoit, sous ce régime de participation aux acquêts, l’exclusion des biens professionnels de la masse de biens servant de base au calcul de la créance de participation en cas de dissolution du régime autrement que par le décès de l’époux professionnel306. Cette clause permet de réduire la créance de participation au profit de l’entrepreneur. Sans elle, cette créance due par l’entrepreneur pourrait être telle que ce dernier serait obligé d’emprunter ou de vendre son instrument de travail pour supporter cette charge. Elle procure ainsi un avantage matrimonial à l’époux qui détient le patrimoine professionnel le plus important307. Les époux ont stipulé cet avantage pour le cas de divorce. Il ne doit pas 304 J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 spéc. n°8 ; contra : H. LECUYER, « Libéralités et chausse-trappes de la loi », Revue Lamy Droit Civil, 2005, n°13 Supplément qui pense que : « l’article 265 exige en effet, pour le maintien de l’avantage, un consentement de l’époux au moment même du prononcé du divorce » ; F. SAUVAGE, « Des conséquences du divorce sur les libéralités entre époux et les avantages matrimoniaux », Defrénois 2004, art. 38038, p. 1425, no 27 : la volonté contraire « ne peut être exprimée à l’avance, par exemple dans le contrat de mariage, en vertu du caractère d’ordre public de la révocation légale ». 305 En revanche, les aménagements prévus en cas de décès sont normalement révoqués sauf volonté contraire : cf infra section 2. 306 Clause proposée par J.F.PILLEBOUT, « Une nouvelle formule de contrat de mariage : participation aux acquêts avec exclusion des biens professionnels », JCP (éd. N) 1987, I, p. 93.. - Adde, « Formules particulières de contrat de mariage. Une séparation de biens limitée », JCP (éd. N) 1993, I, p. 141. et N. DUCHANGE et J.F.PILLEBOUT, « La clause d’ exclusion des biens professionnels de la participation aux acquêts- un correctif nécessaire », JCP (éd. N.) 1995, I, p.487. 307 comparé à la liquidation d’une participation aux acquêts type. 90 être révoqué de plein droit à ce moment là car ces derniers ont manifesté une volonté contraire308. Cette clause peut désormais être efficace dans tous les cas de divorce. Il en va de même pour celle qui exclurait le calcul de la créance de participation dans toutes les hypothèses de dissolution du régime autrement que par le décès d’un des époux. 2 – L’exclusion conventionnelle de la liquidation de la créance de participation en cas de divorce. Il s’agit ici de la clause, plus radicale, qui exclue la créance de participation en cas de dissolution du régime par divorce. Son auteur propose une liquidation du régime comme sous un régime de participation aux acquêts en cas de décès, et comme sous un régime de séparation de biens en cas de divorce309. Si un divorce survient, la clause profitera à l’époux qui a accumulé le plus d’acquêts et qui n’aura pas à en partager avec son conjoint. Elle doit être respectée et la liquidation du régime se fera selon les règles de la séparation de bien. Il s’agit d’un premier pas vers l’admission des régimes matrimoniaux alternatifs (ou conditionnels). Le but de ces deux types de clause est de préserver à la fois les droits du conjoint survivant en cas de dissolution par décès et ceux de l’époux disposant en cas de divorce. Les époux ont voulu aménager eux-mêmes les conséquences d’un éventuel divorce en prévoyant une liquidation alternative selon la cause de dissolution du mariage. Les avantages matrimoniaux qui pourraient résulter de tels aménagements ne doivent pas être remis en question par l’article 265 du code civil qui est supplétif. La volonté des époux, exprimée dans le contrat de mariage, doit être constatée par le juge et respectée au moment du divorce. En définitive, il faut reconnaître qu’il est normal que les époux ne souhaitent pas que le divorce produise les mêmes conséquences, quant à leurs biens, que le décès de l'un d'eux. L’admission des régimes matrimoniaux conditionnels pourrait apporter une réponse générale à ce souhait, quitte à corriger au moment du divorce les déséquilibres significatifs qui pourraient apparaître. 308 Sinon le risque est qu’à l’avenir, les conjoints entrepreneurs se tournent vers la séparation de biens pure et simple pour obtenir ce résultat en cas de divorce. Or ce régime est moins protecteur du conjoint survivant que la participation d’acquêt même aménagée. 309 V. FLAMENT, « Observations sur un régime matrimonial à liquidation alternative (a propos du régime de participation aux acquêts) », Defrénois 1993, art. 35575, p. 737. 91 B – Le risque d’apparition d’un déséquilibre significatif à corriger La volonté de ne rien perdre sur le plan patrimonial après un divorce peut être envisagée par l’aménagement du contrat de mariage mais cet objectif peut être anéanti par un mécanisme du droit du divorce qui est la prestation compensatoire (1). Néanmoins, nous verrons que même si le résultat espéré n’est pas toujours atteint, la clause demeure intéressante (2). 1 – Un objectif anéanti par la prestation compensatoire. Comme l’avaient relevés les auteurs de ces clauses, l’octroi d’une prestation compensatoire par le juge du divorce au profit de l’époux qui a subi patrimonialement le fonctionnement de la clause pourrait fausser le résultat recherché310. Cette prestation sert en effet à compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives311. Elle vise à réaliser un rééquilibrage entre les patrimoines des époux pour réduire les inégalités entraînées par la liquidation du régime312. Ainsi, « l'époux privé de la créance de participation pourrait en quelque sorte bénéficier de cette créance par équivalent »313. Cette éventualité est maintenant envisageable dans tous les types de divorce puisque l’imputation des torts n’a plus d’influence sur le principe de l’octroi de la prestation compensatoire314. On pourrait alors douter de l’intérêt pour le disposant de prévoir un maintien conventionnel de la clause puisque ce qu’il gagne d’un côté, grâce au maintien d’une liquidation à son avantage, il doit le redonner de l’autre, à cause de la prestation compensatoire. Néanmoins, deux nuances peuvent être apportées. 2 – Les nuances Tout d’abord, la prestation compensatoire est déterminée d'après les besoins du demandeur et les ressources de l'autre époux, en tenant compte non seulement de la situation au moment du 310 J.F.PILLEBOUT, art. préc., et V. FLAMENT, art. préc.. Article 270 du code civil. 312 Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, La Famille, op. cit. n°686 : « sa raison d’être est d’atténuer la disparité que le divorce a pu provoquer ». 313 V. FLAMENT, art. préc. n° 29. 314 Compte tenu de la suppression de l’ancien article 280-1 du code civil. Sur le nouveau régime de la prestation compensatoire après la réforme, V. par exemple : J.L. PUYGAUTHIER, « La prestation compensatoire après la réforme du divorce par la loi du 26 mai 2004, JCP (éd. N) 2005, I, 1001 ; H. POIVEY-LECLERCQ, « La nouvelle prestation compensatoire après la réforme du 26 mai 2004 », Dossier : Le nouveau divorce : enjeux patrimoniaux, Droit & Patrimoine, avril 2005. 311 92 divorce mais aussi de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible315. Elle n'est pas accordée automatiquement à l'époux qui a réalisé les acquêts les moins importants. Ce dernier peut avoir un patrimoine personnel suffisant. Ensuite, on peut remarquer que, quelle que soit la solution retenue, le divorce ne doit pas entraîner une injustice patrimoniale316. Si l’époux bénéficiaire de la clause en question demandait sa révocation au moment du divorce, il n’aurait peut être pas à verser de prestation compensatoire puisque le partage de la créance sera égalitaire. Et si cet époux souhaite bénéficier de la clause, il risque de devoir verser en contrepartie une prestation compensatoire. Mais dans les deux cas, il verra son patrimoine s’appauvrir pour enrichir celui de son conjoint. Or, dans le second cas, il pourra profiter d’un avantage fiscal lié au versement d’une prestation compensatoire, et pas dans le premier, bien que l’appauvrissement puisse être identique. Par exemple, en cas de versement de la prestation en une seule fois ou de façon échelonnée, mais sur une période maximale de douze mois, il bénéficiera d’une réduction d’impôt égale à 25 % du montant des versements effectués dans la limite de 30500 euros317. Puisque l’époux qui dispose d’un patrimoine plus important risque très souvent de devoir subir un rééquilibrage par le divorce, l’intérêt de la clause serait alors de provoquer l’attribution d’une prestation compensatoire pour bénéficier de l’avantage fiscal. La possibilité de maintenir volontairement des avantages matrimoniaux qui prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial peut aussi s’avérer utile dans les régimes communautaires. § 2 – Le maintien volontaire et les régimes communautaires Nous pensons ici au maintien volontaire d’une clause de partage inégal de la communauté ou d’aménagement du mécanisme des récompenses. La volonté du maintien n’apparaît pas dans le contrat de mariage. Elle s’exprimera et sera constatée au moment du divorce. Ce maintien volontaire pourrait peut être ainsi constituer une alternative intéressante à la prestation 315 Article 271 du code civil. Ph. MALAURIE et H. FULCHIRON, La Famille, op. cit. n°670 : « Certes, l’objectivation et la banalisation du divorce pourraient conduire un jour à une séparation sèche, sans pension ni prestation. Mais la tradition française reste dans un autre sens : le mariage a créé entre époux une solidarité qui oblige le riche à aider le pauvre et le fort à secourir le faible ». 317 Article 199 octodecies C.G.I. sur le régime fiscal de la prestation compensatoire, V. par exemple F.LEFEBVRE, Réforme du divorce Loi du 26 mai 2004, Procédures, conséquences patrimoniales et fiscales, dossiers pratiques, éd. F. LEFEBVRE, 2005. 316 93 compensatoire (A). Cette possibilité offre aussi à l’époux qui a le pouvoir d’en décider, un élément de négociation pour les autres conséquences du divorce (B). A – Une alternative à la prestation compensatoire. La révocation de ces avantages matrimoniaux a pour effet d’entraîner un retour au régime légal. Or la liquidation du régime légal se fait de façon juste, grâce au mécanisme légal des récompenses, et égalitaire puisque les acquêts sont partagés par moitié. Cet équilibre ne suffira pas à éviter au mari de devoir verser une prestation compensatoire à son épouse qui, par exemple, a sacrifié sa carrière pour le suivre à l’étranger ou pour élever les enfants318. Le partage inégal de la communauté en faveur de l’épouse, grâce au maintien d’un avantage matrimonial qui prend effet à la dissolution du régime, pourrait éviter au mari de verser cette prestation compensatoire, ou au moins de réduire son montant. Cette solution n’est pas inintéressante, ni pour le conjoint bénéficiaire du maintien (1), ni pour le disposant (2). 1 –Une solution intéressante pour le bénéficiaire du maintien Le conjoint avantagé par le partage inégal de la communauté profite rapidement de son bénéfice. Il lui suffit d’attendre la fin des opérations de partage du régime matrimonial qui, rappelons le, ont été accélérées par la réforme du 26 mai 2004. En revanche, si on lui attribue une prestation compensatoire, celle-ci pourrait par exemple être exécutée en partie sous forme de capital et en partie sous forme de rente319. Les inconvénients pour lui seraient alors les risques de révision de la rente320. De plus, cela crée un lien patrimonial entre les ex-époux qui peut durer plusieurs années et qui est source de contentieux. Cette solution alternative permet aussi, et surtout, au bénéficiaire du maintien d’éviter les problèmes de transmission de la charge de la prestation aux héritiers du débiteur décédé. Les règles en la matière ont été clarifiées par la nouvelle loi321. L’article 280 pose le principe que le paiement de la prestation compensatoire « est supporté par tous les héritiers, qui n’y sont pas tenus personnellement, dans la limite de l’actif successoral ». Avec ce principe de 318 Parmi les critères d’octroi d’une prestation compensatoire, fixés à l’article 271 du code civil, figure notamment la considération des conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne. 319 Article 274, 275 et 275-1 du code civil. 320 Article 276-3 : La prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. 321 Sur ce point, V. F.VAUVILLÉ, « La transmission de la charge de la prestation compensatoire après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », Dr. et patrimoine févr. 2005, p. 41. 94 transmission intra vires, le créancier de la prestation compensatoire ne recevra jamais le montant initialement fixé, si l’actif successoral n’est pas suffisant322. La rapidité et la quasi-certitude du contenu du profit sont les deux intérêts pour le bénéficiaire d’accepter le maintien de l’avantage matrimonial à la place d’une prestation compensatoire ou en échange d’une prestation d’un montant moins élevé. 2 – Une solution intéressante pour le disposant Le disposant qui a le pouvoir d’accepter un maintien volontaire de l’avantage matrimonial qui jouera à son détriment est, par hypothèse, celui qui devra verser une prestation compensatoire. Il pourrait faire jouer les arguments de l’avantage de la rapidité et de la certitude du contenu du profit pour son conjoint, évoqués précédemment, pour le faire renoncer à demander une prestation compensatoire supplémentaire. Concrètement, si la prestation compensatoire s’élève à 100 avec la révocation du partage inégal de la communauté, et qu’elle descend à 10 suite à son maintien, le bénéficiaire pourrait se contenter du profit immédiat et certain de 90 obtenu par le partage inégal et renoncer à la prestation compensatoire de 10. Le disposant a ainsi réduit son appauvrissement de 10. Mais le créancier pourrait refuser de renoncer à la prestation compensatoire de 10. Le débiteur pourrait alors faire valoir le fait que, quitte à devoir s’appauvrir de 100, mieux vaut pour lui que cela passe entièrement par le biais de la prestation compensatoire car il bénéficiera alors d’avantages fiscaux. Il refusera de maintenir l’avantage. Et le conjoint retombe sur les inconvénients de la prestation compensatoire. Il est libre de les accepter. Pour le cas où le conjoint accepterait de renoncer à demander une prestation compensatoire, sa volonté pourra s’exprimer dans le cadre des conventions homologuées de l’article 268 du code civil323. Le juge vérifiera si les intérêts de chacun des époux sont préservés. Ainsi, dans certains cas particulier, le maintien volontaire d’avantages matrimoniaux qui prennent effet au moment de la dissolution du régime, peuvent constituer une alternative intéressante à la prestation compensatoire pour les deux époux. Cette faculté offre aussi plus généralement à l’époux qui en est titulaire un élément de négociation pour les autres conséquences du divorce. 322 Sauf volonté contraire unanime des héritiers : article 280-1 du code civil. En ce sens, V. J. HAUSER et Ph. DELMAS-SAINT-HILAIRE, « Volonté et ordre public : un divorce entré dans le champ contractuel ? », Defrénois, 2005, art. 38115, p. 357 n°17. 323 95 B – Un élément de négociation pour les autres conséquences du divorce. Puisque la volonté des époux se voit reconnaître une place de plus en plus importante pour régler les conséquences du divorce, il est intéressant pour eux d’avoir des éléments de négociation de leur coté. Ainsi le maintien volontaire d’un avantage matrimonial pourrait servir, par exemple, de contrepartie pour l’autorisation à la conservation du nom après le divorce324. Il peut aussi être une forme de contribution à l’entretien et l’éducation des enfants (1), ou servir de compensation avec une condamnation à des dommages et intérêts (2). 1 – Une forme de contribution à l’entretien et l’éducation des enfants Un époux pourrait accepter le maintien d’un avantage matrimonial en réponse à une prise en charge plus accrue des enfants par l’autre. L’organisation des modalités d’exercice de l’autorité parentale et la fixation de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants, peuvent en effet faire l’objet d’une convention entre les époux qui sera homologuée par le juge325. L’essor du négocié familial sera ainsi facilité si un époux peut faire une concession sur un point en échange d’une concession de son conjoint sur un autre point. Les moyens d’une pacification des divorces existent, il ne reste qu’à les mettre en œuvre intelligemment. 2 – Une compensation à une condamnation à des dommages et intérêts Selon l’article 266 du code civil, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu’il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. Cet époux pourrait alors demander à l’autre le maintien d’un avantage matrimonial en échange d’une renonciation à sa demande de dommages et intérêts. L’autre pourrait aussi proposer le maintien d’un avantage matrimonial en compensation de sa condamnation à des dommages et intérêts. 324 Selon l’article 264 du code civil, l’un des époux peut conserver l’usage du nom de l’autre avec l’accord de celui-ci. 325 Article 373-2-7 du code civil. Le juge vérifie si la convention préserve suffisamment l’intérêt de l’enfant et si le consentement des parents a été donné librement. 96 Dans certaines situations, la possibilité de maintenir des avantages matrimoniaux qui prennent effet au moment de la dissolution du régime matrimonial peut être intéressante pour les époux. Cela relève du cas par cas. Cette volonté de maintien pourrait aussi être motivée par une intention généreuse ou par des remords à avoir demandé le divorce pour altération définitive du lien conjugal. On peut retrouver les mêmes motivations pour la volonté de maintenir des dispositions qui ne prennent effet qu’au décès d’un époux. Mais dans ce cas, le maintien est à déconseiller. Section 2 – L’inopportunité du maintien volontaire de dispositions qui prennent effet jour du décès Cette inopportunité vient du fait qu’entre le moment où la décision de maintenir la disposition est prise et le moment où celle ci prend effet, plusieurs années peuvent s’écouler. Alors que les époux seront divorcés, un lien patrimonial va continuer de les unir. L’inconvénient pour le disposant est que le maintien est irrévocable (§1) et pour le bénéficiaire, que l’écoulement du temps entraîne une incertitude sur le contenu final de la disposition (§2). § 1 – Un maintien irrévocable. L’article 265 alinéa 2 in fine du code civil prévoit expressément que la volonté de l’époux est constatée par le juge au moment du prononcé du divorce et rend irrévocables l’avantage ou la disposition maintenus. Ce principe s’explique par l’objectif de concentration des effets du divorce au moment de son prononcé. Le maintien de la disposition sera pris en compte pour l’attribution d’une éventuelle prestation compensatoire. Le disposant ne doit pas promettre une libéralité pour éviter la prestation compensatoire et ensuite revenir sur sa promesse une fois le divorce prononcé326. Mais il s’accorde mal avec les dispositions qui ne prennent effet qu’au décès du disposant. Pour les libéralités, il a pour conséquence de réduire ou même de supprimer la liberté de disposer à titre gratuit (A). Et pour les avantages matrimoniaux, il provoque des difficultés de liquidation du régime (B). 326 En ce sens, V. Ch. RIEUBERNET, « Le nouveau régime des donations entre époux au lendemain de la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » LPA, 21 juillet 2004 n° 145, p. 10 97 A – L’atteinte à la liberté de disposer à titre gratuit Nous étudierons le problème d’abord pour les donations de biens à venir puis pour les legs. 1 – Des donations de biens à venir irrévocables. Le maintien volontaire des donations de biens à venir les rend irrévocables après le divorce. On retrouve ce principe pour les institutions contractuelles consenties par contrat de mariage327. Cette solution est dangereuse pour le disposant, surtout si elle est à titre universel. Il ne pourra plus par la suite léguer ses biens ou les donner à titre gratuit à des tiers ou à son nouveau conjoint. L’ex-époux pourra en effet s’opposer à l’exécution du legs ou revendiquer les biens donnés en se prévalant du jugement de divorce. Il faudra plutôt conseiller à l’époux, qui persiste dans sa volonté de maintenir sa donation, de la cantonner à un ou plusieurs biens déterminés. Cela lui ménagera un peu de liberté pour disposer du reste de son patrimoine après le divorce. 2 – La contradiction avec la liberté de tester L’article 895 du code civil définit le testament comme un acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer. Le testament est par essence révocable. Le principe de l’article 265 est incompatible avec l’article 895 du code civil. Certains proposent de considérer que la manifestation de volonté des époux constatée par le juge transforme le legs en institution contractuelle328, d’autres estiment que la disposition de l’article 265 in fine ne devrait pas s’appliquer aux legs329. Ce qui est certain, c’est qu’en pratique le problème se rencontrera très rarement. Le divorce n’est en effet pas un moment propice pour la générosité. Si un époux envisage la situation, il faudrait lui conseiller de laisser jouer la révocation de plein droit et de refaire le testament le lendemain. Ainsi, en cas de remords ultérieurs il pourra librement revenir sur la disposition. 327 Article 1083 du code civil. C. PHILIPPE, « La liquidation du régime matrimonial après la loi du 26 mai 2004 relative au divorce » : RLDC 2004/8, n° 349, et 2004/9, n° 384. 328 329 J.L.PUYGAUTHIER : « Les libéralités et les avantages matrimoniaux après la réforme du divorce du 26 mai 2004 », JCP (éd. N) 2004, no 45, 1538 et no 46, 1548. 98 B – Les difficultés résultant du maintien des gains de survie Le préciput ou la clause d’attribution intégrale de la communauté peuvent être stipulés au profit d’un époux désigné ou du conjoint survivant. Dans les deux cas le maintien volontaire est à déconseiller330. 1 – Le maintien au profit d’un époux désigné. L’article 1518 prévoit que lorsque la communauté se dissout du vivant des époux, il n’y a pas lieu à la délivrance du préciput ; mais l’époux au profit duquel il a été stipulé conserve ses droits pour le cas de survie sous réserve de l’article 265. Cette réserve est ici volontairement écartée. C’est au décès du disposant, donc après un délai plus ou moins long, que le bénéficiaire de la clause pourra réclamer son gain de survie. Des difficultés peuvent alors surgir si le bien objet de la clause a été aliéné. L’aliénation doit-elle être résolue ? Le préciput peut-il s’exercer en valeur ? Lorsqu’il s’agit de la clause d’attribution intégrale, le problème est encore plus complexe. Le bénéficiaire de la clause va recevoir sa moitié de la communauté lors du partage et l’autre moitié au décès de son ex-conjoint. Mais après le divorce, le disposant pourra avoir fait prospérer son patrimoine et la fraction de communauté sera mélangée avec les nouveaux biens. Il se pourrait aussi qu’il se soit remarié et pourquoi pas en adoptant à nouveau la communauté universelle. Le conflit entre le nouveau et l’ancien conjoint sera inévitable. Un niveau de difficulté supplémentaire est encore franchi si l’avantage est maintenu au profit du conjoint survivant. 2 – Le maintien au profit du conjoint survivant Les deux époux pourraient s’accorder pour maintenir irrévocablement la clause d’attribution intégrale de la communauté au survivant. Il y aura alors un partage par moitié des biens existants au moment du divorce et l’un des conjoints recevra l’autre moitié au jour du décès de l’autre. Mais bien sûr on ne sait pas quel conjoint en profitera ni à quelle date. Ce maintien volontaire pourra difficilement être pris en compte pour la fixation de la prestation 330 Les inconvénients du maintien de tels avantages en cas de divorce ont été mis en évidence par P. CATALA, « Variations autour de la communauté universelle », Mélanges D. HUET-WEILLER, PUF-LGDJ, 1994, p. 45 qui proposait pour y remédier de les subordonner à la condition expresse de dissolution du mariage par décès. Cette solution est aujourd’hui la solution légale. 99 compensatoire. Et normalement, aucun des époux ne pourra disposer des biens qu’il a reçu du partage de la communauté331. Une aliénation pourrait en effet s’analyser en une révocation de l’avantage maintenu. Bien que ce maintien irrévocable aboutisse à geler une partie ou l’ensemble du patrimoine du disposant, cela ne suffit pas à rendre le contenu de la disposition certain pour le gratifier. § 2 – Un contenu incertain au jour du décès Au jour où le maintien de la libéralité est décidé, le gratifié ne peut pas savoir avec précision sur quoi elle portera car, après le décès du disposant, les règles du droit successoral vont jouer notamment pour garantir les droits des héritiers réservataires. La combinaison de ces règles avec le principe de l’article 265 alinéa 2 in fine risque de réduire les espérances du gratifié (A). La même incertitude plane sur la gestion postérieure au divorce du patrimoine du disposant. Celui-ci peut en effet l’avoir dilapidé avant son décès (B). A – La combinaison difficile avec les règles du droit successoral L’article 281 du code civil prévoit que les transferts et abandons prévus au paragraphe relatif aux prestations compensatoires sont, quelles que soient leurs modalités de versement, considérés comme participant du régime matrimonial. Ils ne sont pas assimilés à des donations. Mais même si le maintien de la donation de biens à venir peut être décidé dans le cadre de la prestation compensatoire, il n’opère pas de transfert car le disposant reste propriétaire des biens concernés jusqu’à son décès. De plus, l’article 281 vise plutôt les prestations compensatoires judiciairement fixées. Ce texte n’est donc pas applicable au maintien volontaire des donations de biens à venir qui restent soumises au régime des libéralités. Elles sont alors fragiles en présence d’héritiers réservataires. Ces héritiers réservataires peuvent être connus par le gratifié au moment du maintien de la donation. Mais ils peuvent aussi naître après le divorce. De même, si le disposant meurt sans avoir laissé de descendant ni d’ascendant mais après s’être remarié, le nouveau conjoint devient héritier réservataire pour le quart de la succession332. Au moment de l’acceptation du maintien, le bénéficiaire ne sait donc pas si le disposant laissera en mourant des héritiers 331 P.J. CLAUX, « Avantages matrimoniaux et divorce », dossier : Liquidation du régime matrimonial dans le cadre d’un divorce, AJF avril 2005, p. 135. 332 Article 914-1 du code civil. 100 réservataires ni combien ils seront, ce qui rend ses espérances aléatoires. Par exemple, au jour du divorce le mari accepte de maintenir au profit de son ex-épouse une donation portant sur la quotité disponible la plus large. A ce moment là, il n’avait pas d’enfant ni d’ascendant. L’exépouse pouvait alors espérer recueillir tout le patrimoine du disposant. Mais ce dernier se remarie après le divorce et laisse au jour de son décès, trois enfants issus de cette union. Son ex-épouse ne pourra faire valoir la libéralité maintenue le jour du divorce que sur le quart du patrimoine du défunt. Le maintien volontaire des libéralités à cause de mort a une efficacité incertaine à cause des règles d’ordre public de protection des héritiers réservataires. Et même en l’absence de tels héritiers, le bénéficiaire reste dans le doute concernant la consistance du patrimoine laissé par le défunt. B – La consistance inconnue du patrimoine laissé par le disposant au jour de son décès. Le disposant peut avoir dilapidé son patrimoine après le divorce par des actes à titre gratuits ou en s’endettant. Contre les actes à titre gratuits postérieurs au divorce, le bénéficiaire du maintien volontaire pourrait faire valoir ses droits. Le maintien volontaire la rendant irrévocable, la donation de biens à venir ne sera plus réduite, en cas de dépassement de la quotité disponible, comme un legs mais comme une donation333. Elle prendra rang à la date où elle est irrévocable, c’est à dire au jour du prononcé de divorce. Les libéralités postérieures seront donc réduites avant elle. En revanche, le disposant reste libre de dépenser son patrimoine de son vivant. Il peut laisser, volontairement ou involontairement un passif plus important que l’actif successoral. Le bénéficiaire du maintien n’a pas de garantie contre l’insolvabilité du disposant. Dans ces conditions, le maintien volontaire et irrévocable de la donation de biens à venir ne produira aucun effet. Et s’il reste quelques biens dans la succession du défunt sur lesquels pourrait s’exercer la libéralité, il restera encore à payer les droits de mutation. Mais à quel tarif : celui applicable aux étrangers ou celui applicable aux époux ? La solution du maintien d’une disposition qui ne produira ses effets qu’au décès du gratifiant, à la place d’une prestation compensatoire ou d’une prestation compensatoire plus élevée n’est donc pas intéressante pour 333 On retrouve la même solution pour les institutions contractuelles par contrat de mariage. M. GRIMALDI, Droit civil. Libéralités, partages d’ascendants, Litec, 2000, n° 1652 : « Parce qu’elle est irrévocable, l’institution par contrat de mariage est, quoique de biens à venir, réductible au rang d’une donation ». 101 le bénéficiaire. Elle est même dangereuse, quelles que soient les motivations qui l’ont inspirées. Le bilan du maintien volontaire de dispositions qui sont légalement révoquées par le divorce est mitigé. Cette faculté peut être intéressante, dans certains cas, pour les dispositions qui produisent leur effet au moment de la liquidation du régime matrimonial, donc dans un laps de temps assez court après le prononcé du divorce. Il faut déconseiller son exercice lorsque la disposition est appelée à s’exercer longtemps après le divorce, au jour du décès du disposant. Le respect du principe de concentration des conséquences du divorce au moment de son prononcé demeure la meilleure solution pour éviter les contentieux d’après divorce. C’est pour cela que le principe légal de révocation de plein droit des dispositions appelées à jouer après le divorce, est satisfaisant. 102 Conclusion du titre second Le nouveau droit du divorce ne détermine plus le sort des avantages matrimoniaux et des libéralités entre époux en fonction de l’idée de sanction de l’époux coupable et de protection de l’époux innocent. Leur sort dépend aujourd’hui d’un critère neutre et objectif. De ce fait, une place peut être reconnue à la volonté des époux qui souhaitent moduler cette neutralité. Ce n’est plus le droit du divorce qui s’oppose à la répartition volontaire par les époux de ces dispositions qu’ils ont pu se consentir pendant l’union. Les obstacles proviennent du droit des régimes matrimoniaux, des libéralités ou des successions. Mais ils ne sont pas insurmontables. Cette répartition volontaire peut s’organiser de deux façons. Par l’anticipation, les époux profitent du moment où l’entente règne dans le couple, c’est à dire le jour où la disposition est consentie, pour prévoir son sort en cas de divorce. Par la négociation, lorsque le divorce n’avait pas été envisagé, les époux peuvent décider du maintien ou de la révocation de tel ou tel avantage, en contrepartie de concessions faites sur d’autres conséquences du divorce. Cette négociation est possible dans tous les types de divorces, du moins lorsque la situation n’est pas trop tendue. Dans les deux hypothèses, le sort des avantages et des libéralités est scellé définitivement au moment du prononcé du divorce, ce qui offre une base stable au juge pour éventuellement fixer ou apprécier la prestation compensatoire déterminée par les époux. Le principe de concentration des effets du divorce est toujours respecté. 103 Conclusion générale Le nouveau régime légal des conséquences du divorce sur les libéralités et les avantages matrimoniaux s’applique à défaut de règlement conventionnel des époux. Dans les cas où ceux-ci n’avaient pas anticipé l’hypothèse d’un divorce et lorsqu’ils ne parviennent pas à s’entendre lors de la procédure, il tranche la question de la façon la moins conflictuelle. Le maintien ou la révocation s’effectue en fonction d’un critère bilatéral qui ne tient pas compte des griefs. L’intérêt est qu’il n’est alors plus nécessaire d’attendre le jugement pour connaître le sort d’un avantage matrimonial. La liquidation du régime matrimonial peut donc s’intégrer de la meilleure façon dans la procédure de divorce. Au jour du jugement, le juge connaîtra également avec certitude le sort des libéralités. Il pourra ainsi s’appuyer sur une base réaliste et stable pour se prononcer sur la question de la prestation compensatoire. L’objectif de concentration semble par conséquent atteint. Dans le cadre de la pacification des procédures, le nouveau système laisse une plus grande place à la répartition volontaire des libéralités et des avantages matrimoniaux par les époux eux-mêmes. Ils peuvent améliorer ce système légal pour l’adapter à leur situation particulière. Leur accord peut intervenir pendant l’instance. Le nouveau droit du divorce ne pose également plus d’obstacle à l’efficacité d’une répartition anticipée de ces libéralités et avantages. A une époque où un tiers des mariages se soldent par un divorce, voire près de la moitié en région parisienne, où il y a plus de cent mille divorces annuellement, il paraît justifié qu'au moment de se marier ou de se remarier, les futurs époux se préoccupent des conséquences patrimoniales d'un éventuel divorce. Il est souhaitable qu’ils puissent valablement organiser, au moment où ils s’entendent, à la fois une dissolution du mariage en cas de décès qui avantage au mieux le conjoint survivant, et une dissolution en cas de divorce qui avantage au minimum l’un des époux. Les conséquences pécuniaires du divorce seront ainsi réglées comme les époux l’avaient voulu, ce qui devrait tarir une source de contentieux. Cette nouvelle orientation prépare peut être le terrain à l’assouplissement du droit des régimes matrimoniaux et l’admission des contrats de mariage alternatifs. Les notaires pourraient 104 proposer aux époux des contrats qui règlent à la fois l’organisation patrimoniale de leur mariage, de leur décès ou de leur divorce. Dans tous les cas, le principe de concentration des effets du divorce est respecté. Le Doyen Carbonnier expliquait que les douleurs du divorce, pour une part considérable, sont celles de l’après divorce334. Avec la loi du 26 mai 2004 le divorce doit pouvoir être envisagé au moins sur le plan patrimonial comme un traité de paix, imposé ou négocié, entre les époux avec l’espoir de répercussions bénéfiques sur le plan personnel. 334 CARBONNIER (J.), « La question du divorce, Mémoire à consulter », D. 1975, chron. 116. 105 BIBLIOGRAPHIE I – Traités, ouvrages et manuels généraux : BENABENT (A.) : Droit civil La famille, Litec 11ème éd. 2003. CABRILLAC (R.) : Droit civil. Les régimes matrimoniaux, Montchrestien, Domat Droit privé, 4ème éd. 2002. CARBONNIER (J.), Droit civil, introduction au droit, t. 1, coll. 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ZÉNATI (F.), obs. sous Cass. 1ère civ. 21 octobre 1997 RTD civ. 1998, p. 937. 115 Table des matières Introduction......................................................................................................... 3 CHAPITRE PRELIMINAIRE –L’APPLICATION DANS LE TEMPS DE LA LOI DU 26 MAI 2004................................................................................. 13 TITRE 1 – LES CONSEQUENCES LEGALES DU DIVORCE SUR LES LIBERALITES ET AVANTAGES MATRIMONIAUX...............................27 TITRE 2 – LA PLACE LAISSEE A LA VOLONTE DES EPOUX............ 66 Conclusion générale........................................................................................ 104 Bibliographie....................................................................................................106 I – Traités, ouvrages et manuels généraux :........................................................................ 106 II- Thèses, ouvrages spéciaux et collectifs.......................................................................... 107 III - Articles, chroniques et études...................................................................................... 108 IV – Notes, observations et conclusions sous décisions..................................................... 114 116