Décision de l`AIEP b.601 - Unabhängige Beschwerdeinstanz für

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Décision de l`AIEP b.601 - Unabhängige Beschwerdeinstanz für
Unabhängige Beschwerdeinstanz für Radio und Fernsehen
b.601
Décision du 27 août 2009
Composition de
l’Autorité
Roger Blum (président)
Regula Bähler (vice-présidente), Paolo Caratti, Carine
Egger Scholl, Heiner Käppeli, Denis Masmejan, Alice
Reichmuth Pfammatter, Mariangela Wallimann, Claudia
Schoch Zeller
Pierre Rieder, Réjane Ducrest (secrétariat)
Objet
Retransmissions du tournoi de tennis ATP «Davidoff
Swiss Indoors» sur la TSR du 18 au 26 octobre 2008
Plainte du 6 mars 2009
Parties à la procédure
D et l’association antitabac O (plaignants), représentés
par Me B, et leurs cosignataires
Société suisse de radiodiffusion et télévision SRG SSR
idée suisse (intimée)
En fait:
A.
Comme chaque année, la Télévision suisse romande (ci-après la TSR) a
retransmis du 18 au 26 octobre 2008 le tournoi du tennis bâlois ATP «Davidoff
Swiss Indoors», qui représente le 3ème principal tournoi de tennis en salle du monde.
Les compétitions des Swiss Indoors ont été diffusées en direct en seconde partie de
journée.
B.
Depuis 1994, un contrat de sponsoring conclu avec les organisateurs du
tournoi permet au groupe Oettinger Davidoff d’associer sa marque au nom de
l’événement (sponsor-titre). Tout comme les autres sponsors présents à cet événement (banque privée Sarasin, la Bâloise, DSM etc.), il bénéficie d’espaces de placement (notamment sur les banderoles bordant les courts de tennis et sur les teeshirts des juges de ligne). Lié à un contrat de sponsoring, il n’est en revanche pas
autorisé à présenter ses produits. Le logo Davidoff apparaît d’ailleurs sans image ou
slogan particulier.
C.
Le titulaire de la marque Davidoff est la société Davidoff & Cie SA, qui fait
partie du groupe Oettinger Davidoff. Elle a pour but l’exploitation de magasins de
détail, le commerce et l’importation de tabacs et d’articles y relatifs, de marchandise
de toute nature, ainsi que leur fabrication. La société vend principalement des articles de tabacs. A préciser que les autres articles produits par le groupe Oettinger
Davidoff (produits de beauté et de papeterie, bijoux, vêtements, produits alimentaires, alcools etc…) sont également regroupés sous l’appellation Davidoff mais la
marque enregistrée apparaît dans un autre style d’écriture et appartient à une société tierce, Zino Davidoff SA.
D.
Dans le cadre de cet événement sportif, la SRG SSR idée suisse (ci-après
la SSR) a conclu de son côté avec l’organisateur un contrat de cession des droits de
diffusion.
E.
La marque, resp. le logo Davidoff, apposée sur les banderoles bordant les
courts de tennis est apparue régulièrement en arrière-plan lors des retransmissions
télévisées des différents matchs.
F.
En date du 6 mars 2009, D et l’association antitabac O (ci-après les plaignants) ont formé une plainte conjointe auprès de l’Autorité indépendante d’examen
des plaintes en matière de radio-télévision (ci-après l’Autorité de plainte ou l’AIEP) à
l’encontre de la SSR. L’avis de médiation notifiée le 6 février 2009 accompagnait la
plainte ainsi que les 20 signatures nécessaires à une plainte populaire. D et O reprochent à l’intimée d’avoir montré de manière massive et répétée le logo Davidoff
dans ses retransmissions ainsi que sur son site Internet. L’intimée aurait ainsi violé
en premier lieu la convention-cadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT), en
particulier l’art. 13 CCLAT. En outre les retransmissions litigieuses, en ayant été diffusées dans les régions frontalières françaises, auraient porté atteinte à la loi française qui interdit toute publicité pour le tabac et ses produits dérivés à la télévision.
Enfin, en droit interne, l’art. 93 de la Constitution fédérale (Cst ; RS 101) en relation
avec les art. 118 et 105 Cst. appliqués par analogie, ainsi que les art. 4, 5, 9, 10, 12
et 13 de la loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV ; RS 784.40) auraient été
violés.
2
G.
Conformément à l’art. 96 al. 2 LRTV, la SSR a été invitée à se prononcer.
Dans sa prise de position du 29 mai 2009, elle conteste d’une part la légitimation
active de D pour ce qui a trait à sa plainte personnelle et est d’avis d’autre part que
l’AIEP ne peut entrer en matière sur la plainte populaire, en tant qu’il est fait référence au site Internet de la TSR. L’AIEP serait également incompétente pour examiner une éventuelle violation des dispositions de la LRTV relatives à la publicité et au
parrainage, à l’exception de la publicité clandestine gratuite. Sur le plan international, la CCLAT ne serait pas encore en vigueur pour la Suisse. Quant à une éventuelle application du droit français, seul le droit suisse serait pertinent en vertu du
principe de l’Etat de transmission. Sur le fond, l’intimée requiert que la plainte soit
rejetée dans la mesure où aucune disposition légale en matière de droit des programmes ne serait violée. La présence de la marque à l’arrière-plan dans les retransmissions de la compétition sportive ne constituerait pas de la publicité clandestine gratuite selon l’art. 4 al. 2 LRTV. Les retransmissions incriminées ne violeraient
pas plus les dispositions relatives à la protection de la jeunesse. Enfin, l’art. 115 Cst.
ne saurait être lacunaire.
H.
Dans leur réplique du 22 juin 2009, D et O persistent dans leurs conclusions. Ils précisent notamment que la SSR avait une large marge de manœuvre
pour imposer ses conditions et éviter ainsi qu’aucune publicité pour le tabac
n’apparaisse sur les écrans. La diffusion massive d’images télévisées créant une
association entre les prouesses des stars du tennis et une marque de cigarettes et
de cigares a un fort impact publicitaire. Cet impact est démultiplié par le fait que la
télévision est utilisée comme canal de communication, ce qui permet au message
publicitaire d’atteindre une cible beaucoup plus large que les spectateurs dans les
tribunes. Par ailleurs, les images représentant la publicité pour le tabac manipule les
jeunes téléspectateurs en créant dans leur esprit une association positive entre leurs
idoles du tennis et la marque de cigarettes Davidoff. Selon l’art. 10 LRTV, de telles
images auraient dû être purement et simplement interdites.
I.
Par courrier du 29 juin 2009, la SSR a sollicité une prolongation de délai
pour répondre, délai qui lui a été accordé jusqu’au 27 juillet 2009. Sa duplique nie
pour l’essentiel la légitimation active de l’association. Le fait que celle-ci se soit fixée
comme but statutaire la défense d’un intérêt public général ne suffit pas à lui conférer la qualité pour agir. La SSR maintient sa position sur le fond.
J.
Par courrier du 29 juillet 2009, les parties ont été informées que l’échange
d’écriture était clos que la délibération publique se tiendrait le 27 août 2009.
3
Considérant en droit:
1.
La plainte a été déposée dans les délais, accompagnée du rapport de médiation (art. 95 al. 1 et 3 LRTV).
2.
L’art. 94 définit la qualité pour agir et pose notamment à son al. 2 les conditions à une plainte populaire. Cette disposition autorise la personne physique qui ne
remplit pas les conditions à une plainte individuelle à agir si sa plainte est cosignée
par 20 personnes au moins. Selon l’al. 3 de cette même disposition, le plaignant et
ses cosignataires doivent être âgés de 18 ans au moins et avoir la nationalité suisse
ou être titulaires d’un permis d’établissement ou de séjour. Ayant fourni les vingt signatures indispensables à une plainte populaire, D bénéficie de la qualité pour agir
aussi bien pour lui-même que pour l’association O qu’il représente en tant que président. Dès lors, la question de savoir si les conditions à une plainte individuelle sont
réalisées pourra rester ouverte, l’AIEP entrant de toute manière en matière sur la
plainte.
3.
Il s’agit en l’espèce d’une plainte globale (art. 92 al. 1, 2ème et 3ème phrase) qui
vise plusieurs émissions ayant un lien entre elles (voir notamment décision de l’AIEP
b.578 du 4 juillet 2008 [«Face aux partis»], ch. 3.5 et ss). Dans le cadre d’une
plainte globale, un plaignant peut soulever des critiques contre plusieurs émissions
simultanément (voir ATF 123 II 115 consid. 3a p. 121 [«Arena»]). Cependant,
conformément à l’art. 92 al. 1, 3ème phrase LRTV, la diffusion de la première des
émissions contestées ne doit pas remonter à plus de trois mois avant celle de la
dernière. Par ailleurs, selon la jurisprudence de l’AIEP (voir notamment décision
b. 537 du 3 novembre 2006, ch. 2.2 [«Swiss TXT»]), les divers reportages doivent
être liés par une thématique commune. En l’espèce, le délai de trois mois est pleinement respecté puisque les retransmissions ont toutes été diffusées entre le 18 et
26 octobre. Elles concernent chacune le tournoi de tennis «Swiss Indoors» de Bâle.
4.
L’art. 97 al. 2 LRTV délimite le champ d’application de la procédure devant
l’AIEP. Ainsi l’Autorité de plainte est chargée d’examiner si les émissions contestées
enfreignent les dispositions relatives au contenu des émissions rédactionnelles des
art. 4 et 5 LRTV ou du droit international applicable, notamment de la Convention
européenne sur la Télévision transfrontière ([CETT] ; voir décision de l’AIEP b. 559
du 19 octobre 2007, ch. 2.3 [«Start Up»]). Tout autre grief ou conclusion sortant de
ce cadre est irrecevable. L’AIEP est dès lors incompétente pour décider d’une éventuelle atteinte aux dispositions 9 à 14 LRTV sur la publicité et le parrainage. Ces
dispositions tombent dans le champ de compétence exclusif de l’Office fédéral de la
Communication (ci-après l’OFCOM).
4.1
L’AIEP n’est pas non plus habilitée à constater une éventuelle violation du
droit étranger, en l’occurrence du droit français. Quoi qu’il en soit, contrairement à ce
qu’invoque le plaignant, la diffusion d’émissions par un diffuseur avec une concession suisse est bien soumise au droit suisse, sous réserve du droit international applicable. Elle ne peut pas non plus entrer en matière en ce qui concerne une prétendue violation des art. 118 Cst. et 105 Cst. dont les dispositions ne sont pas relevantes pour l’AIEP. De même, l’Autorité de plainte ne saurait examiner si la Conventioncadre de l’OMS pour la lutte anti-tabac (CCLAT) est violée comme l’invoquent les
plaignants; ce traité n’est pas exécutoire pour la Suisse. La signature du 25 juin
4
2004 équivaut à une simple approbation préliminaire de la Suisse, affichant son intention d’examiner le traité sur le plan national en vue d’une éventuelle ratification.
4.2
Les plaignants constatent ensuite que le site Internet de la TSR fait apparaître
en abondance la mention Davidoff, notamment lorsqu’il présente des joueurs devant
le logo, et que de la publicité est ainsi faite en faveur du cigarettier. L’AIEP n’est toutefois pas autorisée à entrer en matière sur ce point puisque sa compétente se limite
aux programmes de radio et télévision (voir art. 1 et 2 let. a LRTV). Il doit s’agir
d’une émission en continu dont le déroulement est programmé. Cette restriction a
pour conséquence que des contenus qui sont mis à la disposition du public par un
serveur et qui peuvent être visionnés sur demande à tout moment ne sont pas
considérés comme des programmes en l’état actuel des choses (FF 2003 1510) et
qu’ils ne peuvent donc être soumis à la surveillance des art. 4 et ss LRTV. Il est vrai
qu’une exception existe en faveur de la SSR, en vertu de la concession qui lui a été
octroyée le 28 novembre 2007 (ci-après concession SSR), pour les autres services
journalistiques dont font partie les offres en ligne définies à l’art. 13 de la concession
SSR. Ces services sont soumis par analogie aux principes applicables au contenu
des programmes de la LRTV (art. 12 al. 1 et 2 de la concession SSR). Toutefois,
l’autorité compétente exclusive en est l’OFCOM selon l’art. 86 al. 1 LRTV.
4.3
La plainte demande encore dans ses conclusions la prise en charge des frais
et dépens par l’intimée. En vertu de l’art. 98 al. 1 et 2 LRTV, la procédure de plainte
est en principe gratuite, à moins qu’elle ne soit téméraire (voir notamment décision
de l’AIEP b. 535 du 14 septembre 2006 ch. 1.4). De telles conclusions sont donc
irrecevables.
4.4
L’AIEP n’a pas davantage le pouvoir d’interdire à la TSR de retransmettre à
l’avenir toute émission sportive dont laquelle apparaîtrait une marque de cigarettes
ou de fabricant d’un produit de tabac, comme le requièrent les plaignants. Si l’AIEP
constate une violation des dispositions entrant dans son champ de compétence, elle
ne peut que fixer un délai au diffuseur concerné afin qu’il prenne les mesures propres à prévenir toute nouvelle violation. Si le diffuseur ne prend pas les mesures
concernées, l’AIEP peut alors saisir le département et lui proposer d’adopter des
mesures supplémentaires au sens de l’art. 89 al. 1 let. b et 2 LRTV. L’AIEP ne saurait ordonner d’elle-même une mesure telle que celle exigée dans la plainte, en intervenant directement dans le programme du diffuseur pour lui interdire purement et
simplement la diffusion de certains événements. (voir décision de l’AIEP b. 594 du
20 février 2009 [«Uf u dervo»] ch. 1.3). L’unique compétence dont elle bénéficie, en
cas de violations répétées de l’art. 4 al. 1 et 3 LRTV, serait de prononcer une sanction administrative à l’encontre du contrevenant (art. 94 al. 4 LRTV et art. 90 al. 1 let.
h LRTV).
4.5
Finalement, l’AIEP ne saurait ordonner la production du ou des accords liant
le diffuseur à l’organisateur de l’événement comme le voudraient les plaignants. Les
actes juridiques et les contrats passés entre le diffuseur, le sponsor et l’organisateur
de l’événement échappent au pouvoir d’appréciation de l’AIEP, qui ne peut exercer
de surveillance sur la production et la préparation des programmes selon l’art. 86 al.
2 LRTV. Celle-ci est uniquement autorisée à se prononcer sur le contenu des émissions diffusées.
5.
La plainte définit l’objet du litige et délimite de la sorte le pouvoir d’examen de
l’AIEP. Lorsque celle-ci entre en matière, elle procède librement à l’examen du droit
5
applicable, sans être liée par les griefs formulés ou les motifs invoqués par les parties (voir ATF 121 II 29, consid. 2a, p. 31 [«Mansour – Mort dans le préau»]). Les
plaignants reprochent en substance au diffuseur d’avoir retransmis un événement
sportif sponsorisé par une marque de tabac sans avoir pris de précautions particulières pour masquer ou atténuer les références visuelles ou auditives de cette marque.
La diffusion massive d’images télévisées associant une marque de cigarettes aux
exploits des stars du tennis créerait un fort impact publicitaire.
6.
A titre liminaire, l’Autorité de plainte relèvera qu’elle ne saurait faire reproche
à la SSR, en tant qu’unique diffuseur assurant le service public à l’échelon national,
d’avoir diffusé cet événement sportif majeur de Suisse (3ème plus important tournoi
de tennis en salle du monde selon le site web de l’organisateur du tournoi). Elle se
demandera néanmoins si celle-ci aurait dû s’entourer de précautions lors des retransmissions afin de contourner les éventuels effets publicitaires indésirables en
faveur de la marque de tabac?
6.1
L’AIEP est compétente pour traiter des cas de publicité clandestine gratuite
dans le cadre de ses tâches définies à l’art. 97 al. 2 let. a LRTV (voir à cet égard
décision de l’AIEP b. 559 du 19 octobre 2007, ch. 4 et ss [«Start up»]). Elle doit examiner, en lien avec la présentation fidèle des événements, si l’émission ou le reportage litigieux a transmis l’image la plus fiable possible sur des faits ou un thème afin
de permettre au public de se forger librement sa propre opinion (ATF 131 II 253
consid. 2.1 et ss. p. 256 et ss. [«Rentenmissbrauch»]).
6.1.1 Des messages publicitaires dans des émissions rédactionnelles peuvent influencer la libre formation de l’opinion du public (voir JAAC 64/2000 n°. 121 ch. 7.2
p. 1224 [«Saldo»]). En effet, s’ils sont placés sans nécessité rédactionnelle, ils lèsent la transparence et ont alors un effet manipulateur. Le public les perçoit comme
de prétendues informations, resp. comme des éléments réels de l’arrière-plan puisqu’il peut partir du fait que le rôle des émissions rédactionnelles et d’informer ou de
divertir (cf. décision «Alinghi» de l’AIEP du 7 déc. 2007, b. 564, ch. 3.4 et ss).
6.1.2 Dès lors, les messages publicitaires contenus dans une émission rédactionnelle ne doivent pas poursuivre ce but en soi, sous peine d’être contraires au principe de la présentation fidèle des événements. Ils doivent au contraire être couverts
par une certaine valeur informative, resp. former des éléments constitutifs de
l’arrière-plan.
6.2
Les produits de tabac sont soumis aux mêmes principes et aux mêmes critères d’examen en ce qui concerne la publicité clandestine gratuite que pour tout autre
bien (voir décision de l’AIEP b. 563 du 19 octobre 2007 [«Roséwein»], ch. 4.2).
L’AIEP a souligné dans sa jurisprudence que les interdictions dont la LRTV frappe la
publicité en faveur de certains produits comme l’alcool ou le tabac, n’empêchent
nullement les diffuseurs de parler d’alcool ou de produits du tabac dans leurs émissions rédactionnelles. Sur ce point, le plaignant erre lorsqu’il estime que par extension et en référence à l’art. 10 al. 3 LRTV, aucun produit pour lequel la publicité est
interdite ne doit être ni présenté, ni mentionné et qu’aucun effet publicitaire ne doit
résulter de la diffusion de l’émission.
6.3
L’AIEP examinera préalablement si un éventuel effet publicitaire a été déployé en faveur de Davidoff. Dans l’affirmative, il s’agira de constater si cet effet publicitaire est admissible ou s’il s’agit au contraire de publicité clandestine gratuite
6
interdite. Dans ce contexte, il faut tenir compte du fait que lors d’événements sportifs
majeurs (par ex. lors des grands prix de Formule 1 ou de la Ligue des Champions
en football), la publicité est souvent présente en masse pour le public sur le lieu de
l’événement et pour les téléspectateurs (voir décision Alinghi b. 564 du 7 décembre
2007, ch. 4.4).
6.3.1 En premier lieu, le tournoi porte le nom officiel de «Davidoff Swiss Indoors»
puisque Davidoff est le sponsor titre de l’événement. Les journalistes sportifs de la
TSR commentant les tournois s’abstiennent pourtant constamment de citer la marque au cours des retransmissions, ne parlant que des «Swiss Indoors» de Bâle. La
chaîne se démarque ainsi totalement du cigarettier. Elle démontre implicitement
qu’elle est étrangère au contrat de sponsoring conclu entre l’organisateur de
l’événement et la marque. En conclusion, il n’existe pas d’effet publicitaire en faveur
de Davidoff sur ce point.
6.3.2 En second lieu, Davidoff valorise sa présence sur le lieu de l’événement en
faisant figurer sa marque sur des banderoles bordant le court de tennis (à l’instar
d’autres sponsors, tels que Sarasin ou DSM). La marque Davidoff est placée sur
deux banderoles centrales à l’arrière des joueurs. Deux banderoles Davidoff sont
également installées sur les côtés. En outre, des juges de ligne vêtus d’un tee-shirt
Davidoff sont visibles de part et d’autre du court. Ces inscriptions, régulièrement apparentes au cours des retransmissions sportives, s’accompagnent nécessairement
d’un certain effet publicitaire.
6.3.3 Toutefois, bien que la marque soit perceptible dans les retransmissions sportives mises en cause, ce sont avant tout les images de la compétition sportive et des
actions tennistiques qui se dégagent. Jamais le logo Davidoff n’est filmé pour luimême. Ainsi, ce sont les deux joueurs qui sont filmés en gros plan avant qu’ils ne
pénètrent dans la salle. Même si à l’arrière-plan, des pancartes sont visibles avec le
nom des sponsors, la mention Davidoff est à peine discernable. A l’arrivée des
joueurs sur le court, la salle qui apparaît à l’écran dans son entier est totalement
plongée dans l’obscurité. Les banderoles ne sont donc pas ou très peu visibles. Lors
des échauffements et du match, les caméras dont l’emplacement est similaire à
d’autres tournois de tennis transmis par la SSR (comme celui de Zurich par exemple) ou d’autres diffuseurs, suivent les mouvements de jeu. Ce n’est que lorsque
l’action amène un joueur devant ou à proximité des inscriptions publicitaires, notamment lors des services, que celles-ci sont observables à l’écran. Les banderoles
et les juges de ligne constituent des éléments de l’arrière-plan, les coulisses du
tournoi et sont perçus de la même façon par les spectateurs dans la salle. Il n’était
pas possible pour le diffuseur de les occulter. Toutefois, les précautions dont il fait
usage empêchent les images diffusées de véhiculer un effet publicitaire plus important que celui qui se produit sur les spectateurs présents sur le lieu de l’événement.
En conclusion, force est de constater que les retransmissions sportives mises en
cause ne constituent pas de la publicité clandestine gratuite et qu’elles ne portent
pas atteinte à l’art. 4 al. 2 LRTV.
7.
Les plaignants sont finalement d’avis que la publicité faite en faveur de Davidoff lors des retransmissions sportives stimulerait l’initiation des jeunes au tabagisme. Les images publicitaires pour le tabac manipuleraient les jeunes spectateurs
en créant dans leur esprit une association positive entre les idoles du tennis et une
marque de cigarettes. Ainsi, de telles images devraient être purement et simplement
7
interdites, ou à tout le moins sélectionnées afin que la marque publicitaire pour le
tabac n’apparaisse pas.
7.1
Il s’agit de se demander de quelle façon le jeune public appréhende le logo
Davidoff lors des retransmissions télévisées incriminées et s’il peut se montrer séduit par la marque litigieuse. L’AIEP est compétente pour examiner si une émission
rédactionnelle contrevient à l’art. 5 LRTV en étant préjudiciable aux mineurs.
Conformément à cette disposition, les diffuseurs veillent à ce que les mineurs ne
soient pas exposés à des émissions susceptibles de porter préjudice à leur épanouissement physique, psychique, moral ou social, en fixant l’horaire de diffusion de
manière adéquate ou en prenant d’autres mesures (voir au sujet de la jurisprudence
de l’AIEP, JAAC 66/2002 n° 17 [«OOPS»]; décision de l’AIEP b. 563 du 19 octobre
2007, ch. 5 et ss. [«Roséweine»]). L’art. 4 al. 1 de l’ordonnance sur la radio et la télévision (ORTV ; RS 784.401) précise par ailleurs que les diffuseurs doivent signaler
les émissions préjudiciables aux mineurs au moyen d’un signal acoustique ou d’un
symbole optique visible pendant toute la durée des émissions. La TSR applique actuellement le logo rouge de mise en garde qui rappelle qu’une émission peut choquer la sensibilité de certaines personnes.
7.2
La retransmission du tournoi de tennis des Swiss Indoors, compétition sportive diffusée en direct en seconde partie de journée, ne s’adresse pas exclusivement
à un public adulte. Au contraire, le sport occupe une place prépondérante au centre
des intérêts de la jeunesse et les retransmissions télévisées d’événements sportifs
bénéficient toujours d’une forte audience auprès des jeunes. En ce qui concerne le
tournoi de Bâle plus particulièrement, les plus grands champions de tennis s’y affrontent, parmi lesquels Roger Federer qui représente l’une des personnalités préférées des jeunes Suisses. Sa participation attire de nombreux jeunes tant sur le lieu
de l’événement que devant les écrans télévisés.
7.3
Il faut s’interroger sur l’impact qu’a la présence de la marque Davidoff sur la
jeunesse, sachant que le tabac a des effets néfastes reconnus sur la santé et que
les nouveaux fumeurs sont avant tout des adolescents ou de jeunes adultes.
7.3.1 Sil est vrai que la marque Davidoff apposée sur les banderoles concerne exclusivement des articles de tabac, sont aussi regroupés sous cette appellation (bien
que figurant dans un autre style d’écriture) divers autres biens, comme des articles
de papeterie ou de parfumerie. Il n’est donc pas certain que les jeunes associent
immédiatement cette marque aux produits de tabac; ce d’autant qu’elle ne
s’accompagne en l’espèce d’aucune image ou slogan particulier.
7.3.2 Et même si le logo Davidoff devait être reconnaissable par le jeune public
comme étant une marque de tabac, cette dernière s’adresse avant tout à un public
plus âgé. En effet, bien que l’on observe «une mode du cigare» depuis quelques
années, celui-ci reste un plaisir cher et occasionnel auquel s’adonnent plutôt des
personnes aisés d’âge mûr. De par son prix, il s’agit là d’un produit bien moins accessible pour les jeunes que la cigarette. Il est donc peu vraisemblable que le jeune
public soit réellement charmé par les articles de la marque.
7.3.3 On relèvera finalement que les jeunes sont habitués à ce genre de publicité
puisqu’ils sont régulièrement confrontés à des campagnes pour l’alcool ou le tabac,
notamment lors de concerts, de festivals ou d’événements sportifs majeurs. L’impact
d’une telle publicité s’en trouve donc nécessairement réduit.
8
7.4
Les retransmissions litigieuses n’étaient ainsi pas susceptibles de porter préjudice à l’épanouissement physique, psychique, moral ou social des mineurs au
sens de l’art. 5 LRTV. Le diffuseur n’était donc pas tenu d’apposer le logo de mise
en garde ou de diffuser cet événement sportif à une heure plus tardive au sens de
l’art. 4 ORTV.
8.
Cela étant, l’AIEP reconnaît qu’en matière de politique de santé, il est difficilement défendable qu’un événement sportif puisse être associé à de la publicité
pour le tabac. Le législateur ou les associations sportives sont cependant les seuls à
même de rechercher une solution, l’AIEP étant totalement démunie de moyens en la
matière.
9.
En conclusion, en tant qu’elle est recevable, la plainte doit être entièrement
rejetée sur le fond. Les retransmissions sportives litigieuses ne constituent pas de la
publicité clandestine gratuite et ne violent pas les dispositions sur la protection de la
jeunesse.
9
Par ces motifs, l’Autorité de plainte :
1.
rejette à l’unanimité, dans la mesure où elle est recevable, la plainte du 6
mars 2009, déposée par D et l’association O ainsi que leurs cosignataires.
2.
ne perçoit aucun frais de procédure.
3.
communique la décision (…):
Au nom de l’Autorité indépendante des plaintes
en matière de radio-télévision
Indication des voies de droit
En application des articles 99 LRTV et 82 al. 1 lit. a, 86 al. 1 lit. c et 89 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF ; RS 173.110), les décisions de
l’Autorité de plainte peuvent être déférées au Tribunal fédéral par un recours, dans
les trente jours qui suivent leur notification.
Envoi: le 16 novembre 2009
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