Après mai d`Olivier Assayas - Association des Cinémas du Centre

Transcription

Après mai d`Olivier Assayas - Association des Cinémas du Centre
Après mai d’Olivier Assayas
avec Clément Métayer, Lola Créton, Carole Combes
P
Un autoportrait générationnel situé au début des années 70,
formidable ode à la jeunesse de tous les temps.
requel autant que sequel
de son cinglant et concis L’Eau
froide, Après mai s’avance
a priori comme l’autobiographie
d’Olivier Assayas, et le portrait
de sa génération. Mais dès lors
qu’il y a personnages, comédiens et fiction,
peut-on parler d’autobiographie ?
Après mai serait plutôt une représentation,
une recréation, une revisite distanciée
et recomposée de la jeunesse du cinéaste.
Et, disons-le simplement, un film superbe.
Assayas nous embarque au pas
de course dans la foulée de Gilles
et de ses copains et copines au moment
où ils fuient une charge de CRS. On est
à Paris, en 1971, mais le phalanstère filmé
par Assayas vit et étudie dans une banlieue
pavillonnaire bourgeoise – ce qui nous
vaut quelques belles séquences
suburbaines fleuries et bucoliques. En ce
temps-là, les lycéens sont très politisés,
dans le sillage de leurs aînés de 68,
et le cinéaste fait revivre avec précision
l’ébullition politique de l’époque, les manifs,
les collages d’affiches, les distributions de
tracts, la surveillance policière dans la ville
et disciplinaire au lycée, les divisions entre
communistes, trotskistes, maos, anars…
Cette effervescence militante d’une
jeunesse qui croyait encore à la révolution
se démultiplie au contact de toutes
les mutations artistiques et culturelles
de ces années-là. Assayas ne se contente
pas de l’évoquer, il l’inscrit dans la matière
même de son film, y insérant avec autant
de goût que d’intelligence dramaturgique
de multiples extraits d’objets culturels
vintage des seventies – pas les plus
évidents ou rebattus (chansons de Nick
Drake, Incredible String Band, Kevin Ayers,
citations de Simon Leys, Guy Debord,
séquences d’un documentaire militant
de Madeleine Riffaud, sans oublier
les affiches, fanzines, revues…).
à côté de la politique, de la culture, il y
avait aussi les histoires d’amour, sur fond
de libération sexuelle, et les voyages,
l’envie de voir ailleurs tout en s’approchant
de l’idéal internationaliste. Avec toutes
ces pistes, Assayas dessine une carte
et un territoire amples et fluides, mis sous
tension par une série de dilemmes où
s’entrechoquent l’esthétique et
l’idéologie, le collectif ou l’individualisme,
l’engagement et l’intime, le rock
et le gauchisme, l’utopie de transformer
la société et le réalisme d’y trouver
une place. Dans ce paysage mouvant,
Gilles, alter ego de l’auteur et figure
centrale de ce film de groupe, cherche
sa place silencieusement, tel un
somnambule légèrement déphasé par
rapport aux élans de son entourage.
Magnifiquement écrit, élégamment
et classiquement filmé, Après mai
doit énormément à ses jeunes comédiens,
tous inconnus (à l’exception de Lola
Créton), tous remarquables, tous habités
par ce mélange de questionnement,
d’anxiété et de gravité qui caractérise
les jeunes personnages assayassiens.
Assayas n’aborde pas la jeunesse avec
le regard extérieur de l’adulte observant
un folklore pittoresque, mais de l’intérieur,
comme si ce moment le constituait encore
aujourd’hui. Vers la fin du film, quand
la vague utopiste reflue, chacun est sur
le sable, face à son destin. Seul ? à deux ?
En bande ? Ont-ils plus changé le monde
que le monde ne les a changés ? Après mai
est un film magnifique sur la jeunesse
de 1971 et sur les gens de 20 ans de tous
temps. Serge Kaganski
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14.11.2012 les inrockuptibles