Fiche du film

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Fiche du film
Fiche n° 1193
SILS MARIA
de OLIVIER ASSAYAS
Du 17 au 23 septembre 2014
SILS MARIA
de OLIVIER ASSAYAS
Sortie :20 Aout 2014
Dans ce
film, le réalisateur français Olivier Assayas
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porte un regard plein d'humanité mais non sans
cruauté sur ces créatures étranges que sont les
comédiennes.
Avec Juliette Binoche
Kristen Stewart
Chloe Grace Moretz
La compétition cannoise 2014 se termine avec un film français qui parle des actrices en leur donnant le
pouvoir. Sils Maria d'Olivier Assayas succède ainsi à La Vénus à la fourrure de Roman Polanski. Et le trio Juliette
Binoche, Kristen Stewart, Chloë Grace Moretz à Emmanuelle Seigner.
La première y incarne une comédienne française respectée à l'échelle internationale qui accepte, non sans avoir
beaucoup hésité, de rejouer la pièce qui a fait d'elle une star 20 ans plus tôt. A ce détail important près qu'elle va
cette fois devoir incarner la femme mûre face à une jeune comédienne hollywoodienne qui reprend ce
personnage si décisif dans sa carrière.
Comme un miroir tendu pour se retrouver confrontée à des questions qu'elle a jusqu'ici esquivées sur son métier
bien sûr mais plus encore sur son âge et ce gouffre forcément effrayant du temps qui passe. Devant la caméra
d'Assayas, sa vie de femme et de comédienne ne font plus qu'un, le temps des répétitions et des échanges avec
son assistante (Kristen Stewart) qui bousculent ses certitudes et ses a priori.
Impossible de ne pas penser ici à un autre film présenté à Cannes en compétition et qui posait aussi un regard
sur les comédiennes et Hollywood: Maps to the stars. Mais là où David Cronenberg semblait découvrir la Lune
avec quelques décennies de retard -attention spoiler hallucinant: Hollywood est peuplé de gens méchants et de
jeunes stars détruites à petit feu par leur célébrité-, Assayas apporte un regard à contre-courant de la pensée
dominante et par ricochet audacieux sur cette thématique.
Assayas ne cache rien de la cruauté de ce métier
On ne le sait que trop, le temps est aujourd'hui au cynisme. Sans qu'on n'ait encore pris conscience que cette
course à l'ironie permanente a fini par tuer depuis belle lurette l'ironie. Et Cronenberg en a été en quelque sorte le
parangon en décrivant un monde qu'il est censé connaître par coeur car -qu'il le veuille ou non- il en fait partie
avec une panoplie de clichés. Il en a raconté l'écume quand Assayas plonge au coeur des vagues et explore les
fonds sous-marin d'un art forcément complexe car intimement lié à la "vraie vie". Sans pour autant jouer au ravi de
la crèche mais avec générosité.
Assayas ne cache rien de la cruauté de ce métier, de ce besoin presque maladif d'être flatté, de cette impossibilité
de ne pas se comparer à l'autre. Mais il n'enferme pas ses personnages dans des certitudes et en souligne, au
contraire, les contradictions. Bref, il ne les juge pas. Pas plus qu'il n'endosse les habits du procureur moralisateur.
Alors, on est prêt à lui pardonner la trop grande cérébralité de son propos qui empêche l'émotion de naître et
risque de laisser sur le côté les non-initiés. Parce que sa voix sort de la banalité ambiante et de la
condescendance généralisée. Parce qu'il aime ses personnages et ses actrices, comme le prouvent ses choix de
casting en totale adéquation avec la teneur de son propos.
Kristen Stewart crève l'écran
Devant sa caméra, Juliette Binoche vous prend aux tripes tant on lit sur son visage l'écho et l'impact de ce récit
sur elle. Face à elle, Kristen Stewart -à l'irrésistible moue boudeuse- crève l'écran dans un rôle d'assistante qui lui
permet de jouer avec son propre vécu de star blessée par les gossips en tout genre! Puisque là encore réalité et
fiction ne semblent souvent faire qu'un. On se régale d'avance à lire les avis de ceux qui vous expliquaient avec
cette certitude pleine de morgue qu'elle disparaîtrait après Twilight. Et on se régale encore plus de la manière
dont Assayas capte tout à la fois la complicité entre elle et Binoche mais aussi ce duel feutré et instinctif qui peut
les opposer, presque malgré elles, pour emporter une scène comme on emporte un bras de fer. Enfin, last but not
least, le personnage à la Lindsay Lohan star des teenagers et des réseaux sociaux pour ses pétages de plomb en
rafales qu'incarne superbement Chloë Grace Moretz (500 jours ensemble, Hugo Cabret...) symbolise à lui seule le
regard d'Assayas sur Hollywood. A la fois en plein dans son époque mais en ambitionnant d'aller par-delà les a
priori pour dévoiler sa complexité.
Complexité: ce mot sera sans doute difficile à avaler pour ceux qui ne voient les comédiennes que comme des
ravissantes idiotes écervelées et pailletées. Ces derniers le crient d'ailleurs tellement haut et fort qu'on ne pourra
pas échapper aux cris vomissants de leur mépris. Mais tant qu'il existera des Assayas pour faire entendre une
autre voix, il sera plus facile de les supporter. Qu'il en soit remercié!
En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/culture/cinema/sils-maria-d-olivier-assayas-une-superbe-declaration-damour-aux-actrices_1545839.html#rhP6dSKDBzxzSaZ1.99
Assayas fait la fermeture de la compétition et l'emmène sur les hauteurs - littéralement : son SILS MARIA est un
film de cimes et de brumes, de vallées échancrées et de flancs de montagne. Certes, le film ne tutoie pas les
sommets dont il cadre amoureusement les surgissements vertigineux, et il n'a pas l'éclat des eaux miroitantes qui
baignent leur pied. Sans doute parce que, contrairement aux écharpes nuageuses qui drapent les pentes
abruptes et les déchiquetures minérales, il pèche par un excès de limpidité, une transparence des intentions et
des directions qui interdit à l'image de dégager ces émanations troubles, cette zone de grisaille incertaine,
vaguement, voire carrément, angoissante, où se tient Maria. Mais la précision avec laquelle chaque bloc
(thématique, narratif, visuel) s'ajointe à l'autre, la netteté de la ligne et du dessein - tout cela crée une forme de
beauté classique, une noble simplicité et une calme grandeur pour parler comme le vieux sage de Weimar.
SILS MARIA est un regard de cinéaste sur sa matière première : l'acteur - l'actrice en l'occurrence. SILS MARIA,
c'est un peu les paradoxes de la comédienne: l'attrition physique et psychique du temps qui vous interdit certains
rôles, la façon dont la fiction du jeu perfuse la réalité et réciproquement, dont les rapports de force et de désir
tendent ce petit monde de masques, la célébrité et son rayonnement nocif. Rien de neuf là-dedans, mais Assayas
ne prétend pas au décortiquage documentaire, il reste foncièrement un romantique, au sens le plus haut du
terme, et son problème est moins de justesse et de vraisemblance que de poésie : quelle image trouver, visuelle
et allégorique, pour rassembler toutes ces facettes? Quelle vision prismatique faire passer à l'écran pour réfracter
tout ça? The answer, my friend, is blowing in the wind : c'est cette lente coulée magmatique de nuages qui
s'immisce dans les défilés montagneux. Une rivière de brume qui cristallise tout - existence flottante de l'acteur
entre réel et fiction, angoisses du néant, dévidement du temps. SILS MARIA est le développement
méticuleusement, logiquement (trop logiquement) mené de cette image-matrice.
Transfuge.
FILMOGRAPHIE :1986 désordre, 1989 l’enfant de l’hiver, 1991 Paris s’éveille, 1993 Une nouvelle vie,
1994 l’eau froide, 1996 Irma Vep, 1998 fin aout, début septembre, 2000 les destinées sentimentales,
2002 Demonlover, 2004 Clean, 2007 Boarding gate, 2008 l’heure d’été, 2010 Carlos, 2012 Après Mai
2014 Sils Maria.
La semaine prochaine, au Cinémateur :
A la recherche de Vivian Maier de Charlie Siskel et John Maloof
Et
L’ institutrice de Nadav Lapid