Comment renouer avec le cercle vertueux, investissements

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Comment renouer avec le cercle vertueux, investissements
Comment renouer avec le cercle vertueux, investissements,
créations d’entreprises et nouveaux emplois en France ?
avec Christian Langlois-Meurinne, David Layanni, Benoist Grossman,
petit déjeuner débat du 17 avril 2015
Favoriser l’investissement est hélas un thème qui ne s’introduit dans l’agenda politique que dans des circonstances
particulières , comme le montre l’affaire dite des « pigeons »
ou certaines cessions d’entreprises de la « French Tech ».
Nous sommes en général loin d’un débat structuré sur
l’investissement public : le thème des emprunts d’avenir
abordée en 2010 l’a montré.
L’autofinancement reste, en France, comme ailleurs dans
le monde, la source principale de financement des entreprises, très loin devant les aides publiques ou la BPI. Son
niveau relatif s’est cependant fortement dégradé dans
notre pays. Comme l’avait montré le rapport Gallois en
2012, un trop faible investissement en Recherche et Développement demeure le handicap majeur de l’économie
française. Moins d’investissement implique moins de recherche et donc moins d’emplois. Il est remarquable que
les trois villes sœurs Mulhouse, Bâle et Fribourg, desservies par un seul et même aéroport situé en France, et qui
étaient d’un poids économique équivalent il y a trente ans,
quand leurs avantages comparatifs étaient analogues, ont
désormais dérivé : Mulhouse représente désormais le tiers
de l’une et la moitié de l’autre.
Le retour à une marge d’autofinancement située dans la
moyenne européenne implique un retour à une fiscalité
de l’entreprise dans la moyenne européenne. Là même où
l’investissement ne permet pas la préservation de tous les
emplois liés à la fabrication, il permet la multiplication
des emplois liés à l’innovation et à la valeur ajoutée. Le
« Created in France » est plus important que le « Made in
France », y compris au plan de la recette publique. De la
même façon, la valeur ajoutée d’Apple est à 90% américaine, alors que les fabrications d’Apple se situent à 90%
dans les pays en voie de développement. L’exemple récent
de la signature par François Hollande d’une convention
exonératoire visant les entreprises suisses en France est
un indicateur de l’urgence à encourager ce retour dans
la moyenne de nos partenaires européens. La réticence
actuelle des détenteurs de capitaux étrangers à investir en
France, et surtout à y situer les postes à haute valeur ajoutée, est particulièrement préoccupante, notamment dans
les TIC, secteur porteur d’emplois s’il en est.
Les meilleurs dispositifs d’aide à l’investissement des
entreprises et à l’emploi restent ceux qui favorisent fiscalement l’autofinancement, la prise de risque et l’innovation. Les initiatives de type OSEO sont donc les bienvenues. Paradoxalement, on constate qu’un dispositif de
type CIR s’il encourage à la recherche, est dans le même
temps dissuasif du fait de la culture administrative dans
laquelle il s’inscrit : ainsi l’inévitable contrôle fiscal qui
s’ensuit. Lors de la création d’une petite entreprise innovante, les premiers courriers envoyés par l’administration
concernent toujours des déclarations fiscales, le paiement
des charges sociales et non une lettre d’encouragement
destinée au jeune entrepreneur, accompagnée d’une offre
d’assistance.
Ce ne sont ni la multiplication des dispositifs, déjà trop
nombreux en France, ni les investissements publics tout
aussi épars, ni les dégrèvements temporaires des entreprises qui s’imposent prioritairement. Dans la mesure où
par ailleurs ni le « crowdfunding » ni le « love money » ne
peuvent se substituer à l’autofinancement et à la prise de
risque en capital, il faudrait et il suffirait de replacer les
conditions de la rémunération du risque dans la moyenne
européenne. On compte 4000 business angels en France
contre 250 000 aux USA. L’écosystème de la Tech française
étant en train de se structurer progressivement, un rattrapage proportionnel serait très rapide.
Favoriser l’attractivité des investissements par l’initiative
politique est pour beaucoup une question de méthodologie. Les politiques ont conscience de l’objectif mais raisonnent trop souvent en termes de niches ou d’actions
ponctuelles .Or « au fond de chaque niche se trouve un
chien qui mord ». Une réforme globale du code du travail,
fondée sur un principe de subsidiarité et de négociation,
introduisant le référendum d’entreprise ou de branche, et
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plus généralement destinée à généraliser le dialogue social, serait plus simple et plus efficace qu’une multiplication des réformes de détail.
Le retour à une fiscalité de l’entreprise et du travail compatible avec celle de nos partenaires, ne doit pas entraîner
une course au démantèlement de la protection sociale des
plus démunis. La libéralisation du marché du travail doit
d’abord concerner les emplois à haute valeur ajoutée, et
le plafonnement de l’indemnisation chômage doit d’abord
concerner les hauts revenus. Sous réserve de la négocier
en amont avec nos partenaires, nous pouvons aussi envisager une planification dans le temps de la réduction des
déficits budgétaires, en corrélation étroite avec la reconstitution des conditions de l’investissement.
La dimension culturelle et l’imaginaire social de l’entreprise ne doivent pas être négligés. Le rôle du politique est
ici essentiel. L’affaire des « pigeons » est significative d’une
meilleure appréciation de l’entreprise chez les citoyens et
d’un effet solidarité. L’administration doit peu à peu traiter l’entreprise en outil du développement du pays plutôt
qu’en adversaire ou en simple assiette de prélèvement. De
même, il convient d’offrir aux jeunes de nouvelles propositions, comprenant des avantages au statut d’auto-entrepreneur et qui doivent être portées par les politiques.
En bref, il faut redonner à la France et à sa jeunesse
une capacité de se projeter dans l’avenir, sans charrier
seulement des charges héritées. Il convient pour y parvenir de trancher dans le vif les sujets tabou, d’encourager le citoyen à être davantage entrepreneur de soi,
de placer l’entreprise davantage au centre du système
d’éducation et des dispositifs administratifs, sans abolir
la tradition française de protection collective.●
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