Exposé de Michel Didier : Débat Le grand retour de l`industrie par l
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Exposé de Michel Didier : Débat Le grand retour de l`industrie par l
Grand débat : Le grand retour de l’industrie par l’innovation ? Conseil Economique, Social et Environnemental, Palais d’Iéna, 27 septembre 2010 Intervention de Michel Didier, président de Coe-Rexecode Table ronde : Les enjeux économiques et sociaux d’un renouveau industriel français Cette intervention un peu liminaire est centrée sur les enjeux économiques et sociaux du renouveau industriel espéré pour notre pays et pour nos concitoyens. Ces enjeux sont tout à fait centraux et ils sont très concrets. Le premier enjeu est le maintien de notre niveau de vie et de notre pouvoir d’achat Le sentiment général est que notre pouvoir d’achat augmente trop lentement. le revenu moyen des français était supérieur de 12,3ԛ% au revenu moyen par habitant de la zone euro en 1995. L’écart s’est réduit à 9,7ԛ% en 2000 et à 7,6ԛ% en 2008. En termes de revenu, le français moyen a perdu progressivement du terrain par rapport à l’européen moyen. Une grande partie de l’explication est notre perte de compétitivité. Parallèlement, de 1998 à 2008, la part des exportations françaises de marchandises (qui concernent pour 90 % des produits industriels) dans le total des exportations de marchandises de la zone euro est passée de 16,8ԛ% à 13,2ԛ%. Par rapport à une situation où nous aurions maintenu nos parts de marché en Europe (ce qui a été le cas de l’Allemagne), cela représente une perte relative d’exportations de plus de cent milliards d’euros, soit plus de 5ԛ% du PIB. Dans une zone monétaire unifiée, au sein de laquelle il n’y a plus d’ajustement possible des taux de change, une perte de part de marché signifie une perte relative de revenu national. C’est pourquoi, la compétitivité est plus que jamais un facteur clé du pouvoir d’achat. Le deuxième enjeu c’est l’emploi Le recul de nos parts de marché à l’exportation s’est accompagné d’un recul de la part de la valeur ajoutée industrielle créée en France dans la valeur ajoutée industrielle créée dans l’ensemble de la zone euro. Cette part est tombée de 17,2ԛ% en 1999 à 13,4ԛ% en 2008. Ces chiffres sont proches de nos parts de marché à l’exportation. Colloque : le grand retour de l’industrie 27 septembre 2010 L’évolution de l’emploi industriel français reflète cette érosion industrielle.ԛL’emploi industriel était de 4,2ԛmillions en 1990.ԛIl a diminué à 3,1ԛmillions environ en 2008, soit un recul de près de 30 %. Qu’il s’agisse de la baisse des parts de marché à l’exportation, de l’effritement relatif de notre niveau de vie ou de celui de l’emploi, ces tendances traduisent toutes une difficulté d’adaptation de notre système productif à la demande mondiale. Ce sont deux manifestations de notre perte de compétitivité. La recherche, l’innovation sont évidemment des clés de la réponse. Mais je souligne d’emblée que si la recherche et l’innovation sont tout à fait fondamentales, elles resteront peu efficaces si l’environnement et les conditions de production de notre industrie ne sont pas profondément changées. Quelles sont donc les pistes d’explication de notre perte de compétitivité et les changements souhaitables ? 1. Une hypothèse quelquefois avancée est que les produits français ne répondraient pas aux critères de qualité, d’innovation ou de diversité exigés par les acheteurs étrangers. Nous faisons chaque année des enquêtes auprès des acheteurs européens pour recueillir leur opinion sur les qualités et défauts des produits. Les enquêtes confirment bien que plus d’innovation de produit serait souhaitable mais ne confirment pas que cela puisse expliquer notre perte de compétitivité. Le rapport «ԛqualité-prixԛ» des produits français ne se dégrade pas. Alors pourquoi perdons-nous des parts de marché ? En fait, ce qui se passe c’est que les conditions de production en France n’entraînent pas une baisse du rapport qualité-prix mais une élimination des entreprises qui ne peuvent pas maintenir un niveau suffisant du rapport qualité-prix. Cela explique à la fois l’apparent maintien du rapport qualité-prix et la relative contraction de la base productive française. Il faut donc bien chercher du côté des conditions de production sur notre territoire. Et je ferai à cet égard trois observations. 2 Colloque : le grand retour de l’industrie 27 septembre 2010 Première observation : le recul de nos parts de marché n’est pas une évolution inéluctable. La part de la France dans les exportations européennes n’a pas toujours reculé dans le passé. Cette part avait même légèrement augmenté à deux périodes, d’une part lors de la politique industrielle active mise en œuvre à l’initiative du Président Pompidou (accompagnée d’une politique économique de stabilité), d’autre part à la fin des annéesԛ80 et dans les annéesԛ90 lorsque la France avait mis en œuvre une politique continue de compétitivité pour préparer la création de l’euro. Deuxième observation : le rôle-clé du marché du travail On se rappelle qu’au début des années 2000, face à une situation du marché du travail dégradée, l’Allemagne a engagé des réformes de grande ampleur du marché du travail dans le cadre d’un effort global de compétitivité. Les résultats sont très clairs : 1) L’écart de taux d’emploi entre la France et l’Allemagne, qui était de moins d’1 point en 2003, est passé à 9 points en faveur de l’Allemagne.ԛ 2) Le taux de chômage allemand qui était supérieur d’environ 1ԛpoint au taux de chômage français en 2003 est désormais plus faible d’1 point. 3) L’Allemagne a regagné en compétitivité dans le monde et au sein de l’Europe. L’exemple de l’Allemagne montre qu’une politique de l’emploi et du marché du travail stimulante peut aboutir à une augmentation sensible du taux d’emploi dans des délais relativement brefs et générer une production et des exportations supplémentaires. Troisième observation * : des politiques relativement plus favorables à la compétitivité commencent à se mettre en place en France : * elle concerne plus spécifiquement la stratégie industrielle 1) 2002 : pôles de compétitivité, 2) 2004 : statut de la Jeune Entreprise Innovante, 3) 2005 : création d’Oséo destiné à mieux accompagner le développement et le financement des PME, 4) 2006 : (et depuis) net renforcement du « crédit d’impôt recherche », 5) d’autres mesures concernant le commerce extérieur, les entreprises moyennes et le marché du travail (facilitation des heures supplémentaires notamment), 6. puis le Grand Emprunt, 7. les Etats Généraux de l’industrie. 3 Colloque : le grand retour de l’industrie 27 septembre 2010 2- La réponse à la perte de compétitivité qui est proposée et répétée dans tous les rapports est « il faut plus de recherche, plus d’innovation notamment dans les entreprises moyennes ». C’est vrai (nous avons trop peu de PME qui cherchent, trop peu de PME qui exportent, trop peu de PME tout court). Mais cette réponse décrit des symptômes plus qu’elle explique le mal. Il faut comprendre où sont les obstacles profonds plus en amont : ils sont dans l’histoire, dans le rôle de l’Etat, la fiscalité, les ruptures des transmissions, le financement des PME et des ETI, les relations sociales, bref dans l’environnement qui stimule ou qui bride plus ou moins l’initiative industrielle. Il faut être conscient d’une donnée importante. Quoi qu’on fasse en matière de recherche et d’innovation (et il faut bien sûr le faire), les mesures n’auront d’effets visibles sur la croissance industrielle que lentement avant 5 à 10 ans. Or, il faut enrayer bien avant dix ans le processus de désindustrialisation pour conserver une base physique suffisante pour développer utilement les politiques de recherche. Les neuf dixièmes des innovations techniques naissent dans l’industrie. Les effets des politiques de recherche et d’innovation risquent d’arriver trop tard ou tout simplement de s’avérer insuffisants si l’industrie se contracte plus vite que n’apparaissent les effets des nouvelles politiques de recherche et d’innovation. C’est pourquoi il faudrait aussi une mesure de compétitivité forte et rapide, à effet immédiat, pour enrayer et inverser le mouvement de contraction. La seule mesure d’effet rapide est une baisse des coûts de production industriels. Le seul levier accessible est le niveau des cotisations sociales. Pour avoir un effet significatif, un objectif souhaitable serait d’atteindre au moins 10 à 15 milliards d’euros d’allégement des coûts industriels. En résumé, pour amorcer le renouveau industriel, il faut une stratégie avec deux points d’appui : 1) continuer et renforcer les politiques de recherche et d’innovation pour reculer la frontière technique, 2) un coup d’arrêt immédiat à la contraction industrielle pour enrayer la perte de compétitivité, de compétences et de savoir-faire industriel. Ce sont les deux leviers qui permettront d’amorcer le cercle vertueux du renouveau industriel français. Michel Didier 4