Ethelbert et les Bénédictins Allégeance d`un roi à la foi chrétienne

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Ethelbert et les Bénédictins Allégeance d`un roi à la foi chrétienne
Ethelbert et les Bénédictins
Allégeance d’un roi à la foi chrétienne
Eglise de Wormhout
Recherche de Jean-Pierre Rommelaere
Les saisies révolutionnaires du district de Bergues Saint-Winoc sont à l’origine d’une redistribution
d’œuvres religieuses dans les églises de Flandre.
Ainsi l’église de Wormhout se voit attribuer six tableaux de grandes dimensions. L’un d’entre eux
pose problème par l’identification du sujet qui est présenté.
Détail du bijou dans la main droite du religieux
Un personnage important s'agenouille en signe d'humilité devant un représentant de l'église
chrétienne tenant une bague enrichie d’une pierre jetant mille feux. Il s'entretient avec Saint Laurent le
martyr tout en désignant le personnage agenouillé. Au dessus, la Vierge accompagnée de deux personnages
féminins semble intercéder en faveur du personnage agenouillé.
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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Dans l’inventaire révolutionnaire de 1791, trois tableaux proposent un sujet compatible avec le
tableau présenté:
«Le Baptême d’un roi fait par les Religieux », toile de dimensions 8p x 10p soit
2,61 x 3, 27m,
le N° 331 pièce 10 de l’inventaire de 1791cote L 6280
« Le Baptême d’un Roi d’Angleterre» – 8p x 10p 2 – Beckmans le N°362 pièce 42
«Saint Laurent et autres Figures» dimensions 6p-9 x 7p-8 soit 2,18 x 2,48 m, le N° 29 pièce 20
Les dimensions actuelles du tableau de Wormhout plaident pour le troisième sujet (ordre de
grandeur 2,20 x 2,50m, le tableau n’est pas accessible à la mesure). Ce tableau se trouvait probablement à
l’abbaye Saint-Winoc.
De quoi ce tableau nous parle t'il ?
A mon avis, il est fait allusion à la conversion du roi du Kent Ethelbert par Saint Augustin de
Canterbury au VIe siècle, bénédictin (premier évêque du Kent) missionné par le pape Grégoire le Grand.
Ce roi saxon est marié avec Berthe, chrétienne qui souhaite le rester. Celle-ci se recueille dans une église
dédiée à Saint Martin à proximité de Canterbury avant la conversion du roi. Cette église, l’une des plus
anciennes d’Angleterre, existe toujours.
Lorsque Ethelbert se convertit avec plusieurs milliers de ses vassaux, Saint Augustin envoie à Rome
un émissaire du nom de Laurent pour avertir le pape du succès de la christianisation officielle du sud de
l’Angleterre.
A la mort de Saint Augustin, Laurent lui succède comme évêque (le tableau confondrait
Laurent le martyr et le disciple de Saint Augustin de Canterbury).
Eadbald devient roi du Kent en 616 à la mort d’Ethelbert, son père. Il est converti par l’évêque
Laurent de Canterbury.
L’église Saint Martin
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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L’histoire de Sainte Mildrède prolonge ce lien entre les communautés flamandes bénédictines et le
royaume anglais. Mildrède, petite fille d’Eadbald, est éduquée en France à l’abbaye de Chelles.
Avant
son retour en Angleterre, elle passe par Millam et y demeure le temps que la tempête se calme. Elle
retourne sur la presqu’isle de Thanet et devient abbesse à Minster in Thanet, communauté bénédictine.
Ses restes au XIe siècle seront transférés à l’abbaye Saint Augustin de Canterbury. Bernard Pieters,
peintre dunkerquois, a relaté le passage de Mildrède à Millam par une série de six tableaux évoquant la
vie du saint personnage.
Si la lecture du tableau est correcte, alors le titre du tableau est évident.
Il s'agit du «Baptême d’un Roi» ou «Allégeance d’un Roi à la Foi Chrétienne».
L’anneau évoque le lien de Berthe à la religion chrétienne mais aussi le signe de reconnaissance
d’Ethelbert à cette même religion.
Le sacre d’un roi anglais s’effectue suivant un rituel défini par trois objets marqueur du pouvoir : la
couronne, le sceptre, la bague qui évoque le lien existant entre le roi et ses vassaux. Ce roi saxon devenu
chrétien a promulgué un code de lois portant le nom d’Ethelbert, lois dites «Barbares».
Dans ce code, les délits se règlent par un système de compensation «le wergeld» qui fixe le prix à
payer pour indemniser la victime.
Parmi les quatre vingt neuf articles du code, l’amende est définie par le statut social de la victime.
«Le plus haut degré de protection dans la société appartient bien sur au roi, qui doit notamment
garantir la cohésion de son peuple à travers les assemblées (§ 2 du code), lieu de réunion de l’armée qui
réunit tous les hommes libres, et aussi lieu de délibération collective d’où sont issus des textes comme
celui-ci».
Cela se traduit par le wergeld plus élevé dû pour chaque atteinte à ses biens ou à son honneur. Mais
aussi par les « amendes », c’est à dire les sanctions pénales qui frappent certains crimes et délits et
traduisent ce droit de protection éminent du souverain. Le wergeld peut prendre un aspect rituel décrit
comme:
« L’anneau du seigneur » dont la valeur de 50 shillings pourrait correspondre à une équivalence
entre le poids de métal précieux représenté par cette somme et un bijou signe de souveraineté, de type
torque, tel qu’on en a retrouvé à Sutton Hoo, site archéologique du VIIe siècle situé prés de Woodbridge
en East Anglia.
Par ce système, la mère de Sainte Mildrède, Domneva, de sang royal, a pu obtenir les terres qui
seront celles de l’abbaye de Minster, en compensation du meurtre de ses deux frères.
En somme, la communauté de Saint-Winoc entend illustrer par l’image, le rôle fondateur des
bénédictins dans la propagation de la foi en Angleterre, vecteur le plus parlant dans une société peu lettrée
mais qui devient contre productif lorsque le temps estompe le fait historique.
Consulter «The Penny Cyclopaedia of the Society for the Diffusion of Useful Knowledge» Volume 3.
Jean-Pierre Rommelaere
2015
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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