Steene, un tableau retrouvé. L`œuvre de l`ancien retable du

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Steene, un tableau retrouvé. L`œuvre de l`ancien retable du
Steene, un tableau retrouvé.
L’œuvre de l’ancien retable du collatéral sud
De l’église Saint-Martin de Steene
Recherche et texte de Jean-Pierre Rommelaere
L’église de Steene a pour patron Saint Martin. Elle se compose de trois nefs décorées de retables du
début 18 ème siècle pour les parties les plus anciennes.
Nous allons rappeler brièvement ce que sont les trois retables de cet édifice.
Le retable du maitre autel porte un tableau de Beeckmans représentant la cène et daté de 1708,
probablement la date de création. La partie haute est enrichie d’un Saint Martin en ronde bosse. L’ajout de
médaillons représentant Saint Pierre et Saint Paul, peints par Pieters en 1813, trahit les modifications de
l’ébénisterie à cette époque.
Le retable du collatéral sud est de dimensions plus modestes. On peut supposer qu’il a été réalisé à
la même période que le retable du maître autel pour les parties les plus anciennes. Le tableau a disparu et
laisse place à une statue de Saint Antoine provenant de Millam et à un fond évoquant le milieu de vie du
Saint, création d’Alfred Dezitter.
Toutefois le cadre du tableau d’origine est resté en place et les dimensions sont de 2,85 x 2,16m. Au
sommet de l’édifice trône Saint Nicolas et les enfants dans le saloir.
Le retable nord, plus petit que les deux autres, dédié à la vierge, présente un décor composé par
Alfred Dezitter.
Quatorze grands tableaux enrichissent le décor de l’église.
On ne trouve pas de composition en rapport avec Saint Martin, patron de l’église. Et curieusement le
comptage officiel des tableaux est de treize.
Cette observation vaut dès 1905 dans un article d’Albert Janin (Mémoires de la Société Dunkerquoise).
«Parmi les 13 tableaux qui ornent l’intérieur de l’église de Steene, deux méritent d’attirer l’attention
…. ».
Plus fort encore, les inventaires de l’église de Steene à une date toute récente ne répertorient que treize
œuvres, le tableau manquant étant le plus grand par ses dimensions. Il est situé dans le collatéral sud face
à la chaire.
Ce tableau n’est pas référencé dans la base Mémoire, il y a impossibilité d’en connaître les dimensions
officielles.
Un travail sur la photographie prise de la chaire de l’église permet d’identifier le sujet ignoré jusqu’à ce
jour.
Il s’agit de:
Saint Martin guérit un Possédé
Ce tableau est à rapprocher de l’œuvre de Jacob Jordaens (1593-1678), qui a produit un tableau de
même sujet pour les Bénédictins de Tournai en 1630. Celui-ci est maintenant au Musée des Arts Royaux
de Bruxelles. Le village de Brandeville dans la Meuse, possède dans son église une copie de ce tableau
donnée en 1770 par l’abbaye d’Orval.
Le tableau de Steene semble plus proche de celui de l’église de Brandeville que du tableau de Bruxelles.
On y retrouve une scène inversée par rapport au tableau de Bruxelles, indication de la réalisation de celuici à partir d’une estampe. La lucarne s’est enrichie d’un vitrail.
Je n’ai pas pu examiner de près le tableau de Steene. Il a sans doute beaucoup de choses à nous raconter.
Parmi les pistes de recherche:
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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La trace d’une signature, la recherche de son commanditaire, pourquoi l’a t’on déplacé?
Document Jean-Pierre Rommelaere
Dimensions :
Elles ont été prises et comparées aux dimensions du cadre du retable dédié à Saint Antoine.
Saint Martin avec cadre 2,85 x 2,17 m.
La toile vue du cadre: 2,58 x 1,895 m.
Le cadre du retable Saint Antoine 2,85 x 2,16 m.
A l’évidence ce tableau faisait partie du retable sud avant la transformation Dezitter.
Remarques :
Les couleurs qui apparaissent ci-dessus n’ont pas de rapport à la réalité. J’ai cherché à renforcer les
contrastes et lumière pour donner plus de lisibilité à l’œuvre.
Aspect pictural:
Tableau très sombre, la toile présente, semble t’il, une déchirure en haut et à gauche. Le vernis ancien
altère en grande partie certaines couleurs.
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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Document Jean-Pierre Rommelaere
Estampe gravée par Peter de Jode II du Rijksmuseum
Le sujet :
Commandé par les moines de l’abbaye bénédictine de Tournai, le sujet tiré de la vie de Saint Martin
est déjà évoqué au 12ème siècle dans les vitraux de la cathédrale de Tours.
La bibliothèque Royale de Bruxelles possède un manuscrit du moine bénédictin Guibert de Gembloux
(892-962) qui décrit la vie de Saint Martin et quatre de ses miracles, dont la scène d’exorcisme d’un jeune
possédé dans le diocèse de Cambrai.
Ce dernier, selon la légende, était serviteur du proconsul Tétradius, ce que reprend le cartel de l’estampe
de Peter de Jode.
La scène se passe sur les marches du palais du proconsul.
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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Le possédé est retenu avec difficulté par un groupe de personnages afin que l’évêque de Tours puisse
intervenir.
Le registre supérieur fait apparaître un personnage dubitatif derrière un balcon; il pourrait s’agir du
proconsul, avec son serviteur tenant un perroquet.
A l’arrière plan un vitrail qui n’apparaît pas dans le tableau de Bruxelles.
Jordaens a aussi proposé à ses commanditaires deux aquarelles de sujet voisin, conservées, l’une au
Cabinet des Estampes d’Anvers, l’autre plus proche du tableau se trouve dans les collections londoniennes
(National Gallery, dim : 54,5 x 38,5 cm).
Les vitraux du 16 ème siècle de la cathédrale de Tours
relatent la vie de Saint Martin de Tours et la scène de l’exorcisme sous deux aspects.
Ci-dessous la description de Jean Baptiste Descamps du tableau conservé actuellement à Bruxelles :
Le déplacement de l’œuvre :
L’oubli du Saint Martin exorcisant un possédé tient probablement à la difficulté de compréhension du sujet
de l’œuvre.
Ce tableau a été pris pour un épisode de la vie de Saint Nicolas aussi bien par le monde rural que
religieux. On trouve trace de textes relatifs à des inhumations à proximité de l’autel de Saint Nicolas au
18 ème siècle.
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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Et même à la fin du 19 ème siècle le curé Dekervel, exerçant son ministère à Steene, donne des conférences
en rapport avec l’histoire du village, mais également avec le patrimoine religieux de l’église.
Il décrit les tableaux du collatéral Sud :
Aujourd’hui on retrouve le même accrochage des tableaux dans le collatéral sud.
L’appréciation« …un tableau représentant un épisode de la vie Saint Nicolas…. » montre à l’évidence que
l’erreur se perpétue, œuvre hermétique au regard du plus grand nombre des fidèles.
L’œuvre, incomprise est alors passée dans l’oubli.
Mais pourquoi ce déplacement de l’œuvre?
Le document d’Albert Janin en lien avec la dévotion à Saint Antoine dans l’église de Steene fournit une
explication.
« Il existe encore de nos jours à Steene une dévotion à Saint Antoine l’ermite. Une chapelle lui est dédiée
dans l’église à droite du chœur. Chaque année, au mois de Janvier, a lieu une neuvaine qui amène dans
la commune un nombre considérable de pèlerins venant prier le saint d’éloigner les maladies
contagieuses de leurs étables »
Le nouveau retable en adéquation avec l’activité du monde rural de l’époque allait susciter une adhésion
beaucoup plus large des fidèles du village.
Ainsi cette œuvre, la plus grande de l’église, est devenue au fil du temps invisible à tous, aux fidèles comme
aux responsables des monuments de France.
Jordaens affectionne les scènes de genre, l’œuvre religieuse est moins fréquente dans la thématique du
peintre.
L’œuvre est rare, à ce titre elle mérite tout l’intérêt des autorités afin de pérenniser son existence.
Jean-Pierre Rommelaere
10 mai 2014
Jean-Pierre Rommelaere / Généalogie et Histoire du Dunkerquois / G.H.Dk.
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